Eleveurs laitiers du Grand Ouest : Approches de leur perception de l

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Eleveurs laitiers du Grand Ouest : Approches de leur perception de l
Diane BELDAME
Promotion 158
Rapport de Stage 2ème année
Sept. – Oct. 2008
Eleveurs laitiers du Grand Ouest :
Approches de leur perception de l’herbe
Synthèse des études réalisées ces 20 dernières années et
avis de conseillers du terrain
Maître de stage : Benoît RUBIN
Institut de l’élevage
Réf. Institut de l'Elevage : 08 09 55 003
1
INTRODUCTION ......................................................................................................................... 3
I.
QUELLE PLACE POUR L’HERBE DANS L’OUEST ? ....................................................... 4
1.
Les données du Recensement Général Agricole 2000 ..................................................................................4
2.
Une illustration par les cas-types.....................................................................................................................5
II. COMMENT APPREHENDER LA PERCEPTION QU’ONT LES ELEVEURS DU
PATURAGE ?.............................................................................................................................. 8
1.
Une approche directe par consultation des éleveurs ....................................................................................8
a.
L’Opération « Fourrages Mieux » ....................................................................................................................9
b.
L’action incitative programmée ADELE H .......................................................................................................9
c.
Une étude commanditée par le groupe Prairie des Pays de la Loire ..............................................................9
d.
Le programme PRAITERRE en plaine de Niort ..............................................................................................9
e.
Enquête « Outils et méthodes de conseils innovants et ciblés en système herbagers » réalisée en BasseNormandie ................................................................................................................................................................9
2.
Une approche de cette perception grâce à des entretiens avec des techniciens ....................................10
III. QUELLES PERCEPTIONS IDENTIFIEES POUR L’HERBE ? ......................................... 12
1.
2.
Ce qu’en disent les éleveurs..........................................................................................................................12
Ce que rapportent les conseillers .................................................................................................................15
Résumé département par département.........................................................................................................15
i.
La Manche.................................................................................................................................................15
ii.
L’Ille-et-Vilaine ...........................................................................................................................................16
iii. Le Finistère................................................................................................................................................16
iv. La Loire-Atlantique ....................................................................................................................................16
v.
La Charente-Maritime................................................................................................................................16
b.
Résumé pour tout le Grand ouest .................................................................................................................16
a.
IV. ANALYSE CROISEE.......................................................................................................... 19
1.
Contexte climatique .........................................................................................................................................19
2.
Contexte socio-économique...........................................................................................................................19
3.
Politique d’entreprise du Contrôle Laitier .....................................................................................................20
4.
Conception du métier ......................................................................................................................................20
CONCLUSION........................................................................................................................... 21
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 22
ANNEXES.................................................................................................................................. 24
Annexe 1 : Description entretiens semi-directif/entretien compréhensif ...........................................................25
Annexe 2 : Données compilées des cas-types laitiers du Grand Ouest.............................................................28
Annexe 3 : Restitutions détaillées des entretiens avec le Contrôle Laitier département par département....31
2
Introduction
En décembre 2006 paraît une étude interrégionale ayant pour titre« Comment maintenir,
demain, le plus grand nombre d'exploitations et d'actifs au sein de la filière laitière du Grand
Ouest ? » réalisée par les CESR (Conseils Economiques et Sociaux Régionaux) des trois
régions Basse-normandie, Bretagne et Pays de la Loire. Cette étude suggère qu’un des leviers
possible au maintien de la filière serait une meilleure valorisation de l’herbe. Et c’est une des
hypothèses sur laquelle est fondé le programme PSDR (Pour et sur le développement régional)
LAITOP. Les programmes de recherche PSDR sont consacrés à l'analyse des dynamiques
territoriales et au rôle qu’y jouent les activités économiques (dont l'agriculture) et les espaces
ruraux. Actifs dans dix régions françaises, ils étudient les territoires, les pays, les réseaux, les
processus d'innovation, de développement durable et de gouvernance territoriale… dans le but
d’analyser et de contribuer au développement régional et territorial.
LAITOP (Elevages LAItiers, Territoires de l’Ouest et Prairies) est un programme qui se fixe pour
objectif de fournir des éléments susceptibles d’aider à maintenir et/ou à renforcer la dynamique
du secteur productif laitier dans le Grand-Ouest, tout en tenant compte de l’exigence d’un
développement durable des territoires.
Le projet est organisé en quatre axes :
L’axe 1 concerne l’économie et la sociologie du secteur laitier.
L’axe 2 considère les rôles écologiques et environnementaux de la prairie au sein des
territoires.
L’axe 3 concerne les adaptations des conduites d’élevage à des systèmes valorisant au mieux
les fourrages et le pâturage tout en restant productifs.
L’axe 4, quant à lui, concerne l’adaptation du conseil et de la formation afin d’aider à
l’accompagnement des mutations des systèmes d’élevage.
Le travail présenté dans ce document se veut préalable à l’élaboration ou l’amélioration des
outils de ce conseil. En effet, raisonner la place de l’herbe sur la diversité des territoires offerts
par le Grand Ouest pose la question, en sus des freins technico-économiques, de savoir
comment les éleveurs perçoivent le pâturage.
Mais rendre sa place à l’herbe n’est pas une idée neuve et nombreuses ont été les initiatives
conduites sur le sujet depuis la révolution fourragère des années 70. Des programmes tels que
« Fourrages Mieux », « Pâture plus », AIP ADELE H (Action Incitative Programmée Adaptation
Des ELEvages Herbivores), « Praiterre » ainsi que les nombreuses initiatives locales des
Chambres d’Agriculture ou des associations sont autant de témoins de cette préoccupation et la
question de la perception qu’ont les éleveurs de l’herbe fut aussi traitée dans ces cas-là.
Dans un premier temps nous déterminons quelle est la place de l’herbe dans le Grand Ouest à
partir de du Recensement Général Agricole et des cas-types des Réseaux d’Elevage. Dans un
deuxième temps nous nous intéressons à la manière dont le sujet de la perception de l’herbe
fût traité et par quelles façons nous pouvons appréhender la perception qu’ont les éleveurs
aujourd’hui du pâturage. Dans un troisième temps nous identifierons les perceptions de l’herbe
révélées par la synthèse des études et les enquêtes du terrain effectuées auprès de 5 groupes
de contrôleurs laitiers de l’Ouest. Finalement, nous croiserons ces perceptions pour les mettre
en lien avec la diversité des systèmes d’exploitation du Grand Ouest.
3
I.
Quelle place pour l’herbe dans l’Ouest ?
Le territoire concerné par LAITOP est vaste et semble très hétérogène. Nous présentons dans
cette partie des données statistiques et des références sur le fonctionnement des systèmes
laitiers de l’Ouest.
1. Les données du Recensement Général Agricole 2000
Le recensement général agricole nous donne une idée de la répartition des exploitations
laitières de l’ouest par combinaison de production en fonction du pourcentage de maïs dans la
surface fourragère principale :
% maïs/SFP
BASSE-NORMANDIE
BRETAGNE
PAYS DE LA LOIRE
POITOU-CHARENTES
GRAND OUEST
>30%
1%
6%
2%
1%
3%
Grandes
spécialisé lait
cultures
>30%
0%
0%
0%
1%
0%
>30%
2%
1%
0%
4%
1%
0%
6%
2%
0%
19%
8%
9%
lait + viande intensif (taurillons
2%
avec ou sans VA)
1%
3%
4%
lait + viande à l’herbe (Bœufs
et/ou VA)
1%
2%
5%
14% 38%
18% 18%
9% 4%
21%
12%
3%
18%
10%
7%
lait + viande intensif (taurillons
21% 15%
avec ou sans VA)
26%
9%
lait + viande à l’herbe (Bœufs
31% 11%
et/ou VA)
24%
10%
combinaison des
productions
Hors-sol spécialisé lait
Polyculture-élevage
Plaine
zone
Répartition par région des exploitations laitières du Grand Ouest en fonction des
combinaisons de production et du % de maïs dans la SFP :
spécialisé lait
10-30 %
<10%
>30%
Herbivores
spécialisé lait
10-30 %
<10%
2%
11%
86%
100% 100% 100% 100% 100%
Source : Recensement Général Agricole 2000, traitement Institut de l’élevage
4
Pour préciser indirectement la place de l’herbe dans ces élevages, nous pouvons regarder la
quantité de maïs présente dans la SFP:
BASSENORMANDIE
BRETAGNE
PAYS DE LA
LOIRE
POITOUCHARENTES
GRAND OUEST
Répartition par région des exploitations laitières du Grand Ouest en fonction du % de
maïs dans la SFP :
Total >30% de
maïs
16%
48%
28%
39%
30%
Total 10 - 30 %
75%
48%
68%
45%
61%
9%
4%
4%
15%
9%
Total < 10 %
Ainsi, les exploitations avec moins de 10 % de maïs dans la SFP sont les exploitations les plus
herbagères puisqu’elles accordent moins de place au maïs. A l’inverse, les exploitations avec
plus de 30 % de maïs dans la SFP sont les plus basées sur les stocks.
On remarque déjà de grandes disparités sur la façon dont l’herbe est exploitée dans les 4
régions du territoire concerné par LAITOP.
C’est en proportion la Bretagne qui compte le plus d’exploitations avec plus de 30 % de maïs
dans la SFP : elles représentent presque la moitié des exploitations bretonnes. Dans cette
région, l’autre moitié des exploitations a entre 10 et 30 % de maïs dans la SFP. Les
exploitations très herbagères représentent quant à elle 4% du tout.
En Basse-Normandie, les ¾ des exploitations entrent dans la catégorie « 10 à 30% de maïs
dans la SFP ». Les exploitations très orientées sur les stocks représentent 16 % tandis que les
exploitations herbagères représentent 9%.
En Pays de la Loire, 2/3 des exploitations entrent dans la catégorie « 10 à 30 % de maïs dans
la SFP ». Comme en Bretagne les exploitations herbagères représentent 4 %, on a donc
presque 1/3 des exploitations avec plus de 30 % de maïs dans la SFP.
En Poitou-Charentes, les systèmes très herbagers représentent 15 % du total des exploitations
laitières. C’est un résultat pour le moins étonnant compte tenu du fait que c’est la région la plus
sèche de tout le territoire LAITOP, il est possible que ces exploitations soient celles avec des
« systèmes marais ». Le reste des exploitations est presque équitablement réparti entre les
systèmes 10-30% de maïs et plus de 30% de maïs dans la SFP.
Pour mieux comprendre comment, sur des zones aussi différentes d’un point de vue
pédoclimatique, les exploitations laitières produisent leur lait, nous avons à disposition dans
chaque région des données détaillées sur le fonctionnement des exploitations grâce aux castypes des Réseaux d’Elevage.
2. Une illustration par les cas-types
Les cas-types sont des exploitations représentant le fonctionnement et les résultats de
systèmes de production. Les résultats et le fonctionnement des cas-types s’appuient sur des
observations réalisées dans les exploitations adhérentes des Réseaux d’élevage de chaque
région. Ces modèles sont bâtis en partenariat avec les Chambres d’Agriculture et l’Institut de
l’Elevage.
5
La Basse-Normandie compte 9 cas-types numérotés de 1 à 9.
La Bretagne compte 13 cas-types numérotés de 1 à 13.
Les Pays de la Loire comptent 9 cas-types numérotés de 1 à 9.
Le Poitou-Charentes compte 6 cas-types numérotés de 1 à 6.
Comme elles sont représentatives d’un type de fonctionnement, nous pouvons les comparer
entre elles pour mettre en évidence des ressemblances et des différences entre les régions.
Par contre les cas-types, même s’ils fournissent des données chiffrées, ne donnent que des
repères et non pas des moyennes du département.
Toutes les variables en lien avec la production laitière des cas-types des 4 régions ont été
compilées et présentées dans un tableau Excel (Cf. Annexe 2), afin de pouvoir effectuer des
opérations de tri ou des représentations graphiques.
Les cas-types ont donc été répartis dans la typologie optée pour le Recensement Général
Agricole 2000 présentée plus haut afin de pouvoir les comparer entre eux. La répartition s’est
faite en fonction du % de maïs dans la SFP et en calculant grâce aux bilans économiques la
part liée à la production laitière dans la MBS (Marge Brute Standard)
spécialisé lait
>30%
BRETAGNE
>30%
spécialisé lait
POITOU-CHARENTES
Grandes
cultures
PAYS DE LA LOIRE
>30%
BASSE-NORMANDIE
% maïs/SFP
combinaison des
productions
spécialisé lait
Polyculture-élevage
Hors-sol
n°9
n°6, 4
n°1,5
n°2,4
n°3
n°3, 2,5
n°1
10-30 %
<10%
lait + viande intensif (taurillons
avec ou sans VA)
lait + viande à l’herbe (Bœufs
et/ou VA)
>30%
spécialisé lait
Herbivores
Plaine
zone
Répartition des cas-types des Réseaux d’Elevage en fonction des combinaisons de
production et du % de maïs dans la SFP :
10-30 %
<10%
n°9, 8,6 n°1, 3, 4,5
n°7,3 n°8, 11,10
n°2
n°9,13
lait + viande intensif (taurillons
avec ou sans VA)
n°5
n°6
n°6,7
lait + viande à l’herbe (Bœufs
et/ou VA)
n°1,4,
n°2, 7,12
n°8
6
Comparaisons de cas-types herbagers ou Herbivores spécialisés Lait avec moins de 10% de
maïs dans la SFP :
Regrouper les données des cas-types dans le même tableau nous permet de trier les cas-types
en fonction de critères pouvant discriminer le caractère herbager des exploitations. Ainsi, en
maximisant les critères « % d’herbe dans la SFP », « Herbe pâturée en TMS/VL/an » et
« nombre de jours de pâturage seul », nous sélectionnons 5 cas-types toutes régions
confondues.
- En Bretagne : les cas concrets n° 9 et 13
- En Basse-Normandie : le cas n°2
- En Pays de la Loire : les cas n° 3 et 4 (le cas n°4 est inclus même s’il figure dans la
catégorie 10-30 % dans la typologie du RGA car le % de maïs dans la SFP est de 11%
et que les autres critères sont maximum)
Notons que sur les critères choisis, la région Poitou-Charentes n’est pas sélectionnée. On ne
peut pas la comparer avec les autres régions.
Voyons maintenant comment des systèmes dits « herbagers » produisent leur lait dans les
différentes régions.
D’abord nous pouvons remarquer que la taille des exploitations diffère : En Bretagne et en
Basse-Normandie, la surface des exploitations des cas-types tourne autour de 55-60 ha, tandis
qu’en Pays de la Loire, les exploitations sont plus petites, de l’ordre de 45 ha. Concernant les
quotas, ils s’échelonnent entre 180 000 l (Pays de la Loire, cas n° 3) et 250 000 l de lait
(Bretagne, cas n° 13).
Les troupeaux sont de petite taille, environ 35 vaches laitières, excepté en Bretagne où les
troupeaux affichent plutôt 45 animaux.
Les niveaux d’étable sont faibles, surtout en Bretagne (4450 et 5300 l par vache par an) et
s’échelonnent de 4450 à 5700 l de lait par vache par an. La race principalement choisie est la
Prim’Holstein mais les Bas-Normands choisissent le Normande et on trouve des Simmental
dans le cas n° 9 Breton.
Dans tous les cas, le silo est fermé au moins 100 jours. Par contre la durée du pâturage varie :
- Bretagne : 1er février au 1er décembre
- Pays de la Loire : 1er février au 15 décembre
- Basse-Normandie : 1er mars au 1er novembre
Les Bas-Normands sont ceux qui sortent les vaches le plus tard et les rentrent le plus tôt.
En plus de l’herbe pâturée, les vaches consomment du foin, un peu de maïs ensilage (cas n°4
des Pays de la Loire et cas n°2 Basse-Normandie) et parfois des mélanges céréaliers (cas n°4
des Pays de la Loire) et des betteraves fourragères (cas n°2 Basse-Normandie et cas n°13
Bretagne)
La distribution de concentrés varie fortement d’une région à l’autre : Plus de 900 kg/VL/an en
Basse-Normandie, environ 700 kg en Pays de la Loire et 3 à 400 kg en Bretagne.
7
Comparaison de systèmes basés sur les stocks
Pour discriminer les cas-types, ici on maximise le critère « % de maïs dans la SFP » et « stocks
en TMS/UGB ».
Les cas-types retenus à comparer dans les 4 régions sont :
- Bretagne : cas n° 1, 3, 4 et 5
- Basse-Normandie : cas n°6 et 9
- Pays de la Loire : cas n° 1
- Poitou-Charentes : cas n° 3 et 5
Comparons maintenant ces systèmes entre eux et voyons ce qui différencie les régions.
D’abord nous remarquons une grande disparité dans les surfaces des cas-types : entre 35 et 45
ha pour la Bretagne, les Pays de la Loire et un cas Bas-Normand. Le 2ème cas Bas-Normand et
les cas-types Picto-charentais affichent entre 80 et 130 ha de SAU. Cela a des conséquences
évidemment sur la taille des troupeaux : respectivement 35 à 45 animaux et environ 70
animaux.
Les quotas ne suivent pas tout à fait ce schéma : Il y a évidemment les très gros producteurs
(entre 550 et 600 000 litres) pour Poitou-Charentes et Basse-Normandie. Mais le reste du
groupe se scinde en 2 volumes de productions : 300 000 litres pour un cas Bas-Normand et un
cas Breton, le reste du groupe (Bretagne et Pays de la Loire) affiche de 230 à 260 000 litres.
Les niveaux d’étables sont les plus élevés en Poitou-Charentes (avec 8300 l). On dégage
ensuite deux tendances : un groupe de 3 bretons en dessous de 7000 l et le reste du groupe
(bretons, bas-Normands et ligériens) au-dessus de 7000 l.
Les durées de pâturage sont très variables et plutôt caractéristiques d’une région : 0 jour de
pâturage pour les picto-charentais, 5 mois et demi pour les bas-normands, entre 4 et 8 mois
pour les ligériens et 10 mois pour les bretons.
En plus du pâturage (quand il y en a), les vaches laitières mangent plus ou moins de
concentrés : plus de 2000 kg consommés par vache et par an en Poitou-Charentes, de 1000 à
1500 kg pour les ligériens et les bas-Normands et entre 300 et 600 kg pour les bretons.
Les rendements en maïs pour les 4 régions sont très différents : le cas-type ligérien est celui qui
présente le moins bon rendement en maïs avec 9 TMS/ha. Les bretons présentent des
rendements s’étalant entre 12 et 15 TMS/ha. Les bas-normands affichent quant à eux autour de
13 TMS/ha. Et si les picto-charentais sont en tête avec plus de 15 TMS/ha, il faut néanmoins
rappeler que ces 2 cas-types irriguent leur maïs.
II.
Comment appréhender la perception qu’ont les éleveurs du pâturage ?
1. Une approche directe par consultation des éleveurs
Savoir comment les éleveurs se représentent l’herbe pour adapter le conseil a été un travail
réalisé sous maintes formes et méthodes dans le grand Ouest et ce dans divers buts. Voici ici
les principales études qui se sont intéressées au sujet et qui ont laissé la parole aux éleveurs
pour cibler leurs actions. Les différences entre entretien semi-directif et entretien compréhensif
sont détaillées en Annexe 1.
8
a. L’Opération « Fourrages Mieux »
L’opération « Fourrages Mieux » a été lancée en 1984. Son objectif était de diffuser auprès d’un
grand nombre d’éleveurs des informations techniques en matière de production fourragère pour
les aider à maîtriser leurs coûts de production par une meilleure valorisation des ressources
naturelles.
Dans cette démarche nationale, la phase d’étude préalable à la campagne de communication
comprenait une étude de motivation auprès des éleveurs. Elle a été conduite sous forme
d’entretiens semi-directifs auprès de 530 éleveurs dans 21 petites régions.
b. L’action incitative programmée ADELE H
En 1995, l’INRA entreprend une série d’études sur l’adaptation des élevages herbivores au
nouveau contexte de la PAC. Son objectif est la compréhension du mode de fonctionnement
des systèmes laitiers et des spécificités qui en émergent afin d’apporter des éléments de
réponses sur la reproductibilité et la durabilité de ces systèmes.
En 1996, SEVIN, s’intéresse à cet effet au fonctionnement et aux trajectoires d’exploitations
laitières désintensifiées suivies dans le cadre des Réseaux d’élevages pour le Conseil et la
Prospective des Pays de la Loire. Elle enquête ainsi 13 exploitations et s’intéresse aux
motivations des éleveurs pour le pâturage.
c. Une étude commanditée par le groupe Prairie des Pays de la Loire
En 2004, le groupe « Prairies » des Pays de la Loire (regroupant les Chambres d’Agriculture,
Arvalis, Institut du végétal, l’Institut de l’Elevage, l’INRA de Rennes, l’IUT et l’ESA d’Angers)
engage une étude sur l’utilisation et la gestion de la prairie dans la région afin de connaître la
vision des éleveurs sur la place des prairies dans leur système fourrager et de déterminer leurs
attentes pour de possibles actions de développement.
De BOISSIEU réalise des enquêtes de deux types auprès des éleveurs : une enquête
quantitative téléphonique auprès de 401 éleveurs et une enquête qualitative sous forme de 29
entretiens semi-directifs. La population enquêtée est sélectionnée sur des critères indiquant une
forte implication pour les systèmes herbagers.
d. Le programme PRAITERRE en plaine de Niort
En 2005, l’INRA entreprend pour 3 ans le programme PRAITERRE (PRAIries, TERritoires,
Ressources et Environnement). Ce programme se fixe pour objectif l’étude de la place et du
rôle des prairies dans la gestion agri-environnementale et écologique du territoire de polyculture
–élevage qu’est la Plaine de Niort.
En 2007, MICHAUD, conduit donc 11 entretiens compréhensifs afin d’accéder aux conceptions
qu’ont les éleveurs de la prairie. Cette étude est originale par rapport aux trois autres
présentées dans la mesure où l’échantillon de population étudié comprenait une part d’éleveurs
pratiquant peu ou pas de pâturage.
e. Enquête « Outils et méthodes de conseils innovants et ciblés en système
herbagers » réalisée en Basse-Normandie
En automne 2006 (octobre/novembre) est diffusé à l'échelle de la Normandie un projet de
recherche CAS DAR (Compte d’Affectation Spécial pour le Développement Agricole et Rural)
9
intitulé « Outils et méthodes de conseil innovants et ciblés en systèmes herbagers". Des
éleveurs ont répondu à un questionnaire de 62 questions (comprenant des questions ouvertes
et des questions fermées) visant à identifier les partenaires conseils, donner une représentation
que les éleveurs se font de leur métier, qualifier les rapports avec les animaux et préciser leur
rapport à l’herbe.
Cette étude a permis d’identifier 6 profils d’éleveurs et pour chacun de ces profils est décrite
une déclinaison d’attitudes vis-à-vis de l’herbe.
2. Une approche de cette perception grâce à des entretiens avec des techniciens
En février 2008, sur financement du Conseil Régional de Picardie paraît le compte-rendu de
l’étude « Les techniciens picards face à la problématique de l’herbe ». Cette étude réalisée par
l’Institut de l’élevage s’inscrit dans le cadre du programme VIP (Vivre de l’élevage en Picardie)
qui accompagne une série d’actions de développement de l’élevage dans la région. Tout
comme LAITOP, un des axes clé de ce programme est une meilleure valorisation de l’herbe en
lait mais aussi en viande.
Afin de préparer des actions pertinentes, l’objectif de l’étude a été de comprendre le point de
vue des conseillers qui accompagnent les éleveurs et d’appréhender à travers eux les attentes
et les motivations des éleveurs. 31 conseillers de tous horizons (Contrôle Laitier, Chambre
d’Agriculture, Organisations de Producteurs et Centres de Gestion) ont été enquêtés en 4
entretiens collectifs. Interrogés sur ce qu’est l’herbe pour eux et sur ses principaux avantages et
inconvénients, les techniciens ont été invités ensuite à se prononcer sur 8 affirmations sur
l’élevage en Picardie et à préciser leurs attentes en termes de conseil.
Les objectifs de LAITOP sont sensiblement les mêmes que VIP et appréhender la perception
qu’ont les éleveurs de l’herbe grâce au point de vue des conseillers permettra de cibler les
actions de conseil. Ceci est d’autant plus important que dans les réflexions des outils du
conseil, il faut intégrer des contextes très différents dans les différentes régions.
La méthode employée pour l’investigation auprès des techniciens de l’Ouest est sensiblement
différente de celle utilisée en Picardie.
Ainsi nous choisissons d’interviewer un groupe de 3-4 conseillers du Contrôle Laitier de chaque
région.
La méthode des entretiens groupés est retenue, mais le public choisi est homogène. En effet,
inviter plusieurs personnes exerçant le même métier à s’exprimer sur un sujet permet de mettre
en avant des consensus forts caractérisant une « ambiance » pour un territoire donné.
10
Ils sont répartis sur le territoire comme suit :
Répartition des secteurs d’intervention des conseillers du contrôle laitier interviewés
Le nombre de conseillers interrogés étant toujours sensiblement le même, la différence de taille
des secteurs couverts peut s’expliquer et par la densité d’exploitations laitières du département
et par le taux de pénétration du Contrôle Laitier.
A chaque entretien, après une brève présentation du projet, les conseillers sont invités à se
présenter individuellement pour mieux les caractériser et à répondre à quelques questions
ouvertes :
- Pouvez-vous m’expliquer comment les éleveurs produisent du lait dans votre secteur ?
- Est-ce qu’ils vous parlent de pâturage ? Qu’est-ce qu’ils vous disent ?
- Pouvez-vous me dire ce qui les motive ou ce qui les freine à faire du pâturage ?
11
Trouvez-vous des spécificités à l’utilisation de l’herbe dans votre région par rapport à
d’autres régions laitières de l’Ouest ? Comment vous vous positionnez par rapport à
eux ?
- Pouvez-vous me dire comment les éleveurs voient l’avenir du pâturage ?
Les entretiens sont intégralement enregistrés. Une prise de notes pendant l’interview ou tout de
suite après permet de dégager les principales idées. Après écoute de la bande audio, ces idées
sont peaufinées et précisées. Enfin, une dernière écoute permet de consolider le ressenti à
dires de conseillers et les intervenants sont cités mot à mot.
-
III.
Quelles perceptions identifiées pour l’herbe ?
Après avoir présenté les méthodes utilisées pour appréhender la perception qu’ont les éleveurs
laitiers de l’herbe, voyons ce que l’analyse des études et les entretiens avec les conseillers
mettent en évidence comme résultats.
1. Ce qu’en disent les éleveurs
Les choix en matière de systèmes fourragers dépendent d’un grand nombre de facteurs dont
certains sont technico-économiques : les bâtiments, le parcellaire, le contexte
pédoclimatique…Tandis que d’autres relèvent plus des objectifs, des goûts et de la conception
du métier que se fait l’éleveur.
En 1998 déjà, Fortin formalisait ces données sous la forme du schéma suivant :
Paramètres déterminant la place de l’herbe dans le système fourrager :
Source : Fortin 1998, Prairiales Normandie, Le guide de l’herbe, Edition 2005
Nous pouvons compléter ce schéma en précisant certains aspects. C’est cette information qui a
été récoltée dans les différents programmes et études cités en deuxième partie. Elle est
récapitulée dans le tableau ci-dessous.
12
On peut lire chacun des items comme suit : Un(e) des freins/motivations à l’utilisation du
pâturage peut-être lié…
Par exemple : « Un des freins à l’utilisation du pâturage peut-être lié au sens donné au métier
d’éleveur par rapport à son ouverture sur le monde extérieur et le fait de n’avoir personne sur
qui prendre exemple. »
13
Un(e) des
Contexte
pédoclimatique
…au contexte
de l'exploitation
Parcellaire
Bâtiments et
équipements
Statuts
…à l’utilisation du pâturage peut- être lié …
Choix
économiques
…à la conduite
de l’exploitation
vis-à-vis des…
savoirs de
l’éleveur
conditions de
travail
Gestion du
troupeau au
pâturage
…à la conduite
des animaux
Reproduction
Santé des
animaux
Alimentation
…Sa gestion de
l’environnement
…au sens
donné au
métier
d’éleveur par
rapport à…
…Ses sentiments
…Son ouverture
sur l’extérieur
…freins
la pluviométrie insuffisante
la portance des sols
la qualité de l’herbe
le caractère séchant du sol
l’accessibilité des surfaces
l’impossibilité de faire traverser la route
la pression foncière
…motivations
l’impact des sécheresses sur le rendement en maïs
la possession d’un robot de traite
avoir des associés nécessite l’accord de tous
les variations de production laitière
l’investissement dans des clôtures, des chemins
la pression financière
le prix du lait de printemps
la sécurité qu’offre l’ensilage de maïs
vouloir avoir une grosse production laitière
avoir beaucoup de connaissances
la nécessité de se faire aider et conseiller
ne pas avoir été formé à ça à l’école
avoir un plat unique simplifie les remplacements pendant les week-ends et les
vacances
la manipulation/contention/mise en lot des animaux au pâturage
la grande technicité du pâturage
les fluctuations de la valeur alimentaire de l’herbe
la surveillance
la taille du troupeau
la race adéquate
le pâturage favorise les avortements
la maîtrise de la fécondité
les transitions dans la ration
le risque de fièvre de lait
le risque de tétanie d’herbage
la gestion des parasites
l’efficacité alimentaire du maïs
la sensation d’un retour en arrière
l’herbe n’est plus dans les mœurs
se sentir plus agriculteur qu’éleveur
n’avoir personne sur qui prendre exemple aux alentours
ne pas vouloir se marginaliser
la diminution des coûts de production
la perception d’aides favorables au pâturage
limiter les investissements
améliorer les conditions de travail
vouloir libérer du temps
simplifier le travail
aimer travailler dehors
le pâturage limite les boiteries
les animaux sont plus rustiques
respecter le bien-être des vaches
les vaches sont plus calmes
la diminution de la pollution
l’amélioration du paysage
Apprécier, adapter la conduite aux aléas
la volonté d’autonomie vis-à-vis des fournisseurs
vouloir répondre à une démarche de qualité
se sentir plus éleveur qu’agriculteur
la fierté de pouvoir dire que son lait est produit à l’herbe
la rencontre avec des personnes pratiquant le pâturage
l’amélioration de l’image du métier
vouloir transmettre une exploitation pérenne et durable
14 La notion de travail liée au pâturage est difficile à cerner : pour certains, déplacer des clôtures
et surveiller les animaux font partie des facteurs qui améliorent les conditions de travail tandis
que pour d’autres ils les dégradent. On peut corréler à cette notion de travail la façon dont les
éleveurs perçoivent leur métier : certains aiment travailler dehors et se sentent plus agriculteurs
qu’éleveur tandis que d’autres se sentent plus des agriculteurs que des éleveurs.
Nous sommes face à cette « bipolarité » vis-à-vis des investissements aussi: une des
motivations au pâturage est de limiter les investissements et pourtant un des freins cités est le
fait de ne pas vouloir investir dans des clôtures ou des chemins.
De la même façon : là où certains pensent que le pâturage a des effets positifs sur la santé des
vaches, d’autres vont lui attribuer tous les maux.
Si le pâturage n’est pas associé à une image de modernité quand il est considéré comme un
frein, personne ne se sent à l’avant-garde en faisant du pâturage. Par contre, certains
ressentent une certaine fierté à faire du lait à l’herbe.
Pour le pâturage, il semble important d’avoir des personnes sur qui prendre exemple car c’est à
la fois un frein quand il est absent et une motivation lorsqu’il est présent.
Le fait que la colonne freins soit plus remplie que la colonne motivation ne signifie pas qu’il y a
plus de freins à faire de pâturage que de motivation. Cela traduit plutôt une certaine relativité,
des différences de perceptions : certains facteurs considérés comme freins sont neutres pour
d’autres, c’est-à-dire qu’ils ne sont ni motivation, ni frein.
Par exemple : la taille du troupeau est un frein au pâturage pour certains. Mais la taille n’est pas
citée comme motivation. On peut penser que certains s’accommodent donc de la taille du
troupeau pour faire paître les vaches.
Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un élément n’est pas présent dans la colonne
« motivation » que l’éleveur n’y est pas confronté, cela traduit juste une différence d’assimilation
et de traitement de cet élément et donc de perception.
Il faut néanmoins prendre un certain nombre de précautions pour lire ce tableau. D’abord, cette
liste, aussi exhaustive que possible, traduit des propos d’éleveurs dont l’interprétation est
parfois difficile.
De plus, la présentation sous forme de tableau suggère que chaque item a le même degré
d’importance, or donner plus ou moins de poids à ces dires d’éleveur aurait été un travail
difficilement objectif. Voici pourquoi tout est au même niveau : pour un éleveur donné, on a une
combinaison de freins et motivations propres à chacun. Ces freins et motivations pèsent avec
plus ou moins d’importance dans le choix du système fourrager.
Avoir listé ces freins et motivations pour les éleveurs est important pour dégager les bipolarités
sur lesquelles il faut adapter le conseil. Les entretiens avec les conseillers affinent cette
approche que nous pouvons avoir de la façon dont les éleveurs pensent le pâturage.
2. Ce que rapportent les conseillers
a. Résumé département par département
Les restitutions détaillées des entretiens figurent en Annexe 2
i. La Manche
Les conseillers de la Manche sont unanimes pour dire que concernant le choix du système
fourrager, l’éleveur est à la base de tout et seul décisionnaire. Ils expliquent aussi que le
pâturage a un côté subi.
Quand ils se comparent aux autres régions, ils estiment leurs conditions pédoclimatiques « pas
mauvaises ».
15
Ils sont pessimistes sur l’avenir du pâturage et expliquent que la PAC, la conjoncture céréalière
et les demandes des consommateurs n’aident pas à y voir clair. Mais pour eux, les troupeaux
vont grossir et l’herbe pâturée par vache va au contraire diminuer.
ii. L’Ille-et-Vilaine
Les conseillers d’Ille-et-Vilaine insistent sur la difficulté technique du pâturage.
Ils ne se sentent pas particulièrement privilégiés vis-à-vis du pâturage, pour eux, les basnormands et les finistériens sont en meilleure posture tandis que tous ceux qui sont au Sud de
Nantes sont bien plus à plaindre.
Ils sont assez pessimistes sur l’avenir du pâturage du fait de la taille grandissante des
troupeaux. D’après eux le pâturage va diminuer progressivement pour cette raison mais ils
pensent tout de même que l’herbe aura sa place dans les petits élevages qui resteront.
iii. Le Finistère
Les conseillers ne sont pas tout à fait d'accord entre eux sur les raisons qui déterminent les
choix fourragers, ils pensent à « coût économiques », « choix de l’éleveur » et « contraintes
structurelles de l'exploitation ». Néanmoins ils sont unanimes sur un point : le pâturage est une
technique difficile à maîtriser mais c'est un passage plutôt obligé et plus ou moins bien vécu.
Les conseillers sont conscients d'être privilégiés, s'estiment en avance sur les coûts
alimentaires par rapport aux autres régions et pensent avoir de la marge pour encore mieux
valoriser l'herbe.
Ils pensent aussi que le Contrôle Laitier est le seul à dispenser des conseils "herbagers"
contrairement à tous les vendeurs d'intrants…
iv. La Loire-Atlantique
Pour les conseillers de Loire-Atlantique, les choix pour les systèmes fourragers sont avant tout
déterminés par le goût de l’éleveur. Viennent ensuite un certain nombre de freins et motivations
favorables ou non au pâturage mais ils rappellent que le pâturage « c’est pour tout le monde ».
Ils considèrent déjà bien valoriser le pâturage et restent très optimistes sur sa place à l’avenir.
v. La Charente-Maritime
"Pâturage" est un mot qui a un sens très différent en Charente-Maritime du reste de l'Ouest et
qui s'approche plus de promenade ou parcours que de nourriture.
Les conseillers retiennent plusieurs freins au pâturage mais le premier qu’ils évoquent de façon
assez unanime est le fait qu’il n'y ait pas d'herbe. De plus, ils expliquent que les Charentaismaritime ne sont pas des éleveurs dans l’âme, ce sont des céréaliers avant tout.
b. Résumé pour tout le Grand ouest
Dans les paragraphes suivants,
44 peut selon le contexte de la phrase signifier Ligérien ou Loire-Atlantique
50 peut selon le contexte de la phrase signifier Manchois ou Manche
29 peut selon le contexte de la phrase signifier Finistérien ou Finistère
17 peut selon le contexte de la phrase signifier Charentais-maritime ou Charente-Maritime
35 peut selon le contexte de la phrase signifier Ille-et-Vilainois ou Ille-et-Vilaine
Consensus sur la technicité du pâturage :
Tous les conseillers, tous départements confondus s’accordent à dire que le pâturage, c’est
difficile, compliqué, technique.
16
Par ailleurs, pour les 29, plus que de technique ils parlent de « métier ».
Une place importante pour le goût de l’éleveur pour le choix des systèmes fourragers
En 50, 44 et 35, les conseillers sont assez consensuels sur l’origine première du choix du
système fourrager : pour eux, tout est entre les mains de l’éleveur. Ils ont utilisé plusieurs mots
pour désigner le fait que le choix appartenait à l’éleveur : culture, philosophie, esprit, souhait,
volonté, sensibilité, goût, mentalité, nature et feeling. Tous sont d’accord que ce n’est pas un
levier sur lequel ils peuvent jouer, d’ailleurs certains estiment même que ce n’est pas dans leurs
rôles que de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.
Par contre en 29 et 17, les avis divergent. Les bretons ont chacun leur opinion sur la question :
le choix d’un aliment économique, une question de goût ou un facteur lié à la structure de
l’exploitation serait le facteur déterminant. En Poitou-Charentes, en dehors du climat, les
conseillers évoquent soit l’organisation et le manque de temps soit la technicité et la gestion du
pâturage.
Tous sont d’accord pour dire que travailler avec l’herbe signifie être prêt à accepter des
variations de production de lait et que le maïs est synonyme de sécurité. Les conseillers de tous
les départements parlent souvent de pouvoir dormir tranquilles.
En 50, 44 et 29, les conseillers ont mentionné le fait que l’herbe n’était parfois pas prise comme
une culture en tant que telle.
Les 29 sont les seuls à évoquer des choix très orientés herbagers pour des motivations
environnementales.
Une place indéfinie pour la formation
En 35, 50 et 44, les conseillers sont unanimes sur le fait que le choix pour le système n’est pas
conditionné par un manque de formation. Ils estiment que pour qui veut, tous les outils sont à
disposition. Aussi bien en formation initiale que continue. Ils parlent plutôt d’habitude ou
d’éducation étant plus jeunes. Tous sont d’accord pour dire que ce n’est pas au cours de la
formation initiale que les éleveurs apprennent cette « sensibilité ».
En 29 et 17, l’aspect de la formation a été à peine abordé et ils ne savent pas vraiment si le
rapport à l’herbe se construit à l’école.
Des divergences sur la nature des autres facteurs conditionnant les choix des systèmes
fourragers :
Après les goûts et les souhaits de l’éleveur, les conseillers 35, 50 et 44 citent d’autres facteurs
qui orientent ou non les systèmes fourragers vers plus d’herbe. Climats, coûts de production,
technicité, main-d’œuvre, parcellaire, taille du troupeau, pression foncière et production laitière
sont autant d’éléments évoqués comme favorables ou défavorables à l’herbe. Chacun des
contrôleurs à une opinion différente sur l’importance relative de ces différents facteurs et on ne
peut pas vraiment dégager de tendances départementale ou régionale.
Mais il est à noter que quand ils citent les conditions de travail, les 44 et 29 sont les seuls à en
parler aussi comme un aspect favorable au pâturage. De plus, les conseillers 29 sont les seuls
à évoquer le pâturage comme une étape obligatoire de la vie d’une vache.
De plus, les seuls à parler des effets du pâturage sur la santé des animaux sont les 44.
En 35 et 50, les conseillers opposent souvent herbe et production. En 17, les conseillers parlent
de sacrifier quelques hectares quand il s’agit de faire paître les génisses.
17
En 44 et 29 l’herbe est parfois dissociée des niveaux de production.
Les 29 ont estimé que les réflexions sur les systèmes fourragers se sont toujours engagées
après un choc.
Des distorsions dans les images qu’ils ont les uns des autres :
En 35, les conseillers se considèrent en conditions moyennes. Pour eux, les 29 et les 50 sont
en meilleure posture tandis qu’ils estiment les conditions très difficiles dès lors qu’on se situe en
dessous de Nantes.
En 50, les conseillers estiment leurs conditions pas mauvaises et sont conscients du fait
qu’avoir une pousse estivale est un atout. Ils déplorent éventuellement le manque de chaleur et
la portance des sols. Un des conseillers parle d’un certain gaspillage vis-à-vis de l’herbe.
En 17, se sentent à part vis-à-vis du pâturage dans le Grand Ouest : il n’y a pas d’herbe chez
eux et les charentais maritimes ne sont traditionnellement pas des éleveurs. Ainsi, ils ne se
comparent pas aux autres.
En 29, les conseillers se trouvent privilégiés du point de vue du climat et se trouvent en avance
sur les autres en termes de coût alimentaire.
En 44, les conseillers ne se sentent pas du tout privilégiés vis-à-vis des conditions nécessaires
au pâturage. Ils estiment que leurs voisins Bretons et Bas-Normands sont beaucoup mieux
servis du point de vue des conditions climatiques et pensent exploiter au maximum leur
ressource herbagère au vu de leur contexte pédoclimatique.
Consensus sur le rôle des aides :
Tous sont unanimes pour dire que les aides au pâturage peuvent être un facteur au moins
aussi déterminant qu’elles l’ont été pour le maïs. Mais un conseiller de 50 explique que du fait
du côté subi du pâturage en Manche ce ne serait pas très valorisant de passer uniquement par
la « contrainte » économique pour maintenir le pâturage.
Des divergences sur l’avenir du pâturage :
Consensus en 35 et 44 sur le fait qu’il existera 2 types d’exploitations : des très grosses et des
très petites et que les surfaces en pâturage seront maintenues du fait des coûts alimentaires.
Excepté pour le 17, pour qui c’est non pas le pâturage mais toute la filière lait qui est en danger,
l’optimisme dans le reste des départements du Grand Ouest est inversement proportionnel à la
pousse de l’herbe. Les moins optimistes sont les 50 et 29, pour qui le pâturage va diminuer du
fait de l’agrandissement des troupeaux. Viennent ensuite les 35, qui envisagent cette diminution
beaucoup plus progressivement et qui sont tout de même confiants sur un maintien des
surfaces en herbe grâce à des exploitations plus petites. Et finalement en 44, les conseillers
sont optimistes et confiants pour l’avenir du pâturage. D’après eux, les coûts de production
faibles et la vision « individuelle » du métier permettront la pérennisation du pâturage.
Les « menaces » au pâturage sont la taille du troupeau principalement (tous les départements
concernés) et la place que pourraient prendre les céréales (en 17 et 50). Pour les 29, la
robotisation n’est pas favorable non plus au pâturage. Les conseillers ont proposé des
« leviers » pour agir sur ces facteurs. En 17 et 50, les conseillers pensent que les aides ont un
rôle à jouer. En 29, les conseillers ne savent pas vraiment mais pensent pouvoir influencer en
démontrant que robot et pâturage sont compatibles. En 35, les conseillers sont assez fatalistes
et si l’herbe va diminuer progressivement. Pour eux la flexibilité des systèmes valorisant l’herbe
pourrait être la composante qui les maintiendra.
18
IV.
Analyse croisée
Nous avons vu que le territoire LAITOP est vaste et hétérogène en beaucoup de points de vue :
le contexte climatique évidemment mais aussi le contexte socio-économique, la politique
d’entreprise du Contrôle laitier ou encore la conception du métier d’éleveur dans les
exploitations laitières du Grand Ouest. Mettre en parallèle le tableau synthétique des freins et
motivations, les entretiens avec les conseillers des 4 régions et les données des cas-types nous
permet une analyse croisée en vue de mieux appréhender les perceptions des éleveurs et
d’adapter le conseil.
1. Contexte climatique
Pour des régions comme Poitou-Charentes, le fait de faire pâturer ou non, est tout simplement
conditionné par la présence ou non d’herbe : « Non, le plus simple c’est qu’il n’y a pas d’herbe.
Voilà. Pas d’herbe, pas de pâturage ». C’est une affirmation des conseillers qu’il faut pondérer
par le fait que le département choisi était très représentatif de conditions difficiles pour le
pâturage. Les conseillers de Charente-Maritime insistent eux-mêmes sur le fait que les
conditions sont différentes en Charente par exemple. Mais les cas-types nous l’on bien montré :
la place du pâturage n’est pas comparable aux autres régions.
A l’inverse, en Basse-Normandie, avoir trop d’herbe amène à des gaspillages. Certains
conseillers estiment que (l’herbe) « ils en ont beaucoup beaucoup, ils arrivent jamais en rupture
d’herbe mais ce n’est pas pour ça qu’ils en font plus ». Cet aspect est confirmé par la technicité
du pâturage relevée chez les éleveurs et le plus petit nombre de jours de pâturage comparé à
la Bretagne par exemple souligné dans la comparaison des cas-types.
2. Contexte socio-économique
Les priorités vis-à-vis du pâturage dans les différentes régions sont très différentes : En PoitouCharentes, la difficulté est de maintenir la filière lait tandis qu’en Bretagne et en BasseNormandie, les conseillers parlent plutôt de mieux valoriser l’herbe d’été et d’automne.
De plus, les attributions de quotas conditionnent les orientations des systèmes. C’est en PoitouCharentes, où les conseillers disent ne pas avoir de problèmes d’attributions de quotas, que les
niveaux d’étables sont les plus élevés, les quotas les plus importants et troupeaux les plus gros.
Mais globalement, tous soulèvent le problème du pâturage au vu de la taille grandissante des
troupeaux.
Les conseillers bretons parlent spontanément des questions environnementales alors que ce
point n’est pas abordé dans les autres régions. On peut supposer qu’ils ont été plus sensibilisés
à cette question.
Il est à souligner qu’outre l’éleveur, d’autres acteurs que le contrôle laitier ont leur rôle à jouer
dans la part d’herbe dans les systèmes : que ce soit l’orientation syndicale des Chambres
(comme le souligne les conseillers de Loire-Atlantique : « sur le département on était plutôt
dans une logique extensive syndicalement parlant ») ou le conseil dispensé par les vendeurs
d’intrants dans le Finistère (« Y’a beaucoup de gens autour de l’agriculture (qui sont) antifermeture de silo »). Rappelons que fermer le silo de maïs signifie ne plus distribuer de maïs et
baser l’essentiel de la ration sur l’herbe pâturée.
19
3. Politique d’entreprise du Contrôle Laitier
Les conseillers d’Ille-et-Vilaine et du Finistère ont « confessé » avoir eu une « éducation maïssoja » à une époque où il fallait produire sans s’occuper du reste.
Les Finistériens se sentent en avance et un peu « seuls » dans la dispense de conseils
herbagers et ils soulignent le fait que les messages sont un peu difficiles à faire passer. Trop
standardiser les messages a eu pour conséquences une confusion entre « systèmes
herbagers » et « meilleure valorisation de l’herbe ».
Les ligériens et les finistériens pensent que les conseillers du Contrôle laitier ont leur rôle à
jouer s’il faut orienter la tendance herbagère d’un département.
A l’inverse, en Manche, certains estiment que ce n’est pas de leur ressort que de faire pencher
les systèmes vers plus d’herbe.
4. Conception du métier
Le tableau synthétique de la partie III.1 mettait en évidence le caractère bipolaire de certains
facteurs : ce qui est un problème pour l’un ne l’est pas pour l’autre. Les conseillers confirment
ce problème : l’accessibilité des parcelles et leur éloignement, les investissements pour le
pâturage et les conditions de travail comme frein ou motivation sont des facteurs qui dépendent
fortement du goût de l’éleveur. Et les conseillers, tous départements confondus affirment qu’ils
ne peuvent influencer les goûts des éleveurs.
Mais en Ille-et-Vilaine et en Finistère, les conseillers se demandent s’ils n’ont pas un rôle à
jouer sur un facteur comme le robot de traite. Si la plupart des éleveurs considèrent avoir un
robot ou faire l’acquisition d’un robot de traite comme frein au pâturage. Un conseiller de LoireAtlantique a cité un éleveur suffisamment motivé pour doubler son investissement et acheter un
deuxième robot pour maintenir le pâturage.
Les Bas-Normands avaient insisté sur la technicité et le côté subi du pâturage et il est vrai que
la comparaison des cas-types montre une durée de pâturage plus court et plus de concentrés
distribués pour les systèmes herbagers.
Le pâturage souffre aussi d’une image dépassée pour certains éleveurs, les conseillers de la
Manche par exemple ont confirmé le manque d’innovation lié au pâturage.
Seuls les conseillers de Loire-Atlantique et du Finistère ont exprimé clairement le fait que le
pâturage est l’étape normale d’une vache au printemps.
20
Conclusion
L’inventaire des freins et motivations des éleveurs à faire du pâturage a mis en évidence le
caractère « bipolaire » de certains facteurs qui nécessite une attention particulière dès lors
qu’on s’inscrit dans une démarche de conseil. D’autre part, la réalisation des enquêtes auprès
des conseillers et l’analyse des cas-types des Réseaux d’Elevage a mis en évidence un fort
contraste dans les perceptions et d’importantes différences de priorités vis-à-vis de la place
accordée à l’herbe. De plus, faire le pari de l’herbe comme c’est l’objectif de LAITOP, c’est faire
face à des contraintes parfois difficiles à lever, même si elles sont assorties d’une certaine
relativité :
- le goût de l’éleveur : les conseillers d’élevage du Contrôle Laitier sont presque tous
unanimes là-dessus, c’est un levier qui paraît difficile à manœuvrer cependant les goûts
des éleveurs sont fortement influençables par l’attribution d’aides pour des systèmes qui
pencheraient vers plus d’herbe
- le contexte pédoclimatique : difficile de miser sur des systèmes fourragers basés sur
l’herbe là où il n’y en a pas toutefois c’est une notion très relative. En effet pourquoi dans
les mêmes communes, et donc avec les mêmes conditions, certains « réussissent » le
pâturage et d’autres pas ?
- la structure des exploitations : comment faire pâturer des vaches là où le parcellaire est
très morcelé, éloigné ou divisé par une nationale ? Mais la structure des exploitations ne
peut être donnée comme seul frein au pâturage, les conseillers d’élevage du Finistère
ont en effet expliqué que pour qui veut, les échanges de parcelles sont possibles.
- la robotisation et la taille des troupeaux : pour les conseillers, ce sont les principales
menaces auxquelles le pâturage va devoir faire face mais ils apportent parfois euxmêmes la réponse à ces problèmes en rappelant qu’il est dans certains cas possible de
pâturer malgré tout. Ils se questionnent sur leur rôle à jouer sur cet aspect.
A contrario, certains éléments de contexte relèvent de mécanismes plus complexes à
déverrouiller :
- l’économie de la filière lait et les arbitrages entre les cultures et le lait
- la politique d’attribution des quotas et la cohérence des systèmes qui en résulte
- les différences de posture qui existent dans la sphère de conseil qui entoure l’éleveur
Ajouté à cela l’opposition maïs/herbe est une image persistante et la confusion entre systèmes
valorisant l’herbe et système herbager est très présente dans les esprits.
Dans tous les cas, peu importe comment elle est perçue, mais le facteur invariant à 20 ans
d’études et de promotion de l’herbe est la technicité du pâturage et à moins de nouveauté
majeure dans les domaines techniques, socio-économique ou d’apport de conseil, cet aspect
risque de perdurer.
21
Bibliographie
22
Colloque du 24 février 2000, Herbe et maïs dans les systèmes laitiers Concilier rentabilité et
environnement, Chambre d’agriculture, EDE Bretagne, Institut de l’élevage 46p.
DARRE J.P., MATHIEU A., LASSEUR J., Le sens des pratiques – Conceptions d’agriculteurs et
modèles d’agronomes, 2004, INRA Editions, 319 p.
GUILLAUMIN A., BEGUIN E., REYNAUD D., Les techniciens Picards face à la problématique
de l’herbe, février 2008, Institut de l’élevage, 12 p.
KLING-EVEILLARD F. L’étude de motivation pour prendre en compte le point de vue des
agriculteurs, 2001, Collection Lignes, 40 p.
Prairiales Normandie, Le guide de l’herbe, Edition 2005
Cas-types :
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herbivore
Les éleveurs laitiers à la croisée des chemins, 9 systèmes laitiers pratiqués en Pays de la Loire,
1999, Institut de l’élevage, Chambre d’agriculture Pays de la Loire
Référentiel pâture Vaches laitières – 6 systèmes fourragers pratiqués par des éleveurs des
Pays de la Loire, Janvier 1997, Institut de l’élevage, Chambre d’agriculture Pays de la Loire,
Contrôle laitier Pays de la Loire
Systèmes bovins laitiers en Poitou-Charentes, Avril 2008, Institut de l’élevage, Chambre
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Vivre du lait en Basse-Normandie - 9 cas-types laitiers :
http://www.manche.chambagri.fr/r_castype_lait/r_default.asp?Dep=50, Institut de l’élevage,
Chambre d’agriculture Normandie
Mémoires de fin d’études :
De BOISSIEU C. 2004, Systèmes herbagers en pays de la Loire et attentes des agriculteurs,
mémoire de fin d’étude ESA d’Angers 111 p.
DUTEIL C. 2000, Elevages laitiers désintensifiés : conduite alimentaire et performance
zootechnique des troupeaux, mémoire de fin d’étude ESA d’Angers 70 p. + Annexes
MICHAUD A. 2007, Les éleveurs face au pâturage dans la plaine de Niort, mémoire de fin
d’étude Agrocampus Rennes 23p
PERRIN G. 1999, Systèmes désintensifiés en pays de la Loire : gestion des ressources
fourragères et performance zootechniques des troupeaux, mémoire de fin d’étude E.S.I.T.P.A
43p.
SEVIN I. 1996, Systèmes extensifs laitiers en pays de la Loire : caractérisation et approche du
fonctionnement des exploitations, mémoire de fin d’étude INA-PG 82p.+ annexes
23
Annexes
24
Annexe 1 : Description entretiens semidirectif/entretien compréhensif
25
Conduite d’entretiens semi-directifs :
Les entretiens semi-directifs s’inscrivent dans la méthode qu’est l’étude de motivation. Les
études de motivation ont pour but soit de préparer ou évaluer des actions soit d’en étudier la
faisabilité. Leur objectif est de répondre aux 6 questions :
- A qui peut-on s’adresser ?
- Quel but proposer ?
- Quelles pratiques recommander ?
- Comment : avec quelle argumentation, quel axe de communication ?
- Avec quel relais, sur qui s’appuyer ?
- Avec quels supports ?
L’investigation est réalisée sous forme d’entretiens semi-directifs afin d’accéder aux
connaissances, aux attitudes et aux comportements. Pour KLING-EVEILLARD F. (2001), il
existe une relation entre le degré de liberté laissé à l’enquêté et la profondeur des informations
qu’il peut fournir. D’après elle, l’information atteinte par des questionnaires fermés est la plus
superficielle.
L’appellation « semi-directif » doit son nom au fait qu’on essaye d’atteindre l’information la plus
profonde possible en laissant à l’enquêté tout le loisir de s’exprimer mais en gardant pour cadre
un guide d’entretien portant sur des thèmes précis.
Les enquêtes doivent porter sur un échantillon représentatif de la diversité et non pas
représentatif au sens statistique du terme.
La méthode de dépouillement est l’analyse de contenu. C’est l’analyse des propos tenus par les
éleveurs enquêtés par rapport aux objectifs qui ont motivé leur recueil. Cette méthode propose
de découper le contenu des entretiens afin de disposer de supports facilement utilisables pour
l’analyse et l’interprétation. Ces découpages sont répartis dans la grille de dépouillement qu’on
aura construit sur le modèle du guide d’entretien. Dans cette grille, les individus sont en colonne
et les thèmes abordés en ligne.
Ainsi pour analyser et synthétiser les entretiens, 2 angles sont possibles :
- l’analyse horizontale traduit la diversité des points de vue et les grandes tendances
- l’analyse verticale fait émerger des profils de réponse
26
Conduite d’entretiens compréhensifs :
Cette méthode s’inspire des écrits de DARRE J.P. (2004) Il s’agit, dans les entretiens
compréhensifs, de s’informer sur les préoccupations de l’interlocuteur à propos de tel ou tel
aspect de la réalité et de disposer d’un matériau pour comprendre la façon dont il voit les
choses. La façon d’accéder à cette information réside dans la forme des entretiens. Il faut
favoriser, encourager, l’expression de voir les choses, des conceptions de l’interlocuteur. Il faut
réussir à faire dire, ce qui d’ordinaire va sans dire. La difficulté de conduite de ces entretiens
réside dans le fait qu’il ne faut pas chercher des réponses aux questions de l’enquêteur mais
bien laisser l’enquêter s’exprimer sur le sujet et exposer son référentiel de pensée.
D’ailleurs les enquêteurs, plutôt que de questions, font des propositions que l’interlocuteur peut
explorer. Pour amener à explorer, certaines conditions à la conduite de l’entretien sont
nécessaires :
- ne jamais couper la parole
- reformuler, faire écho pour approfondir les dires
- avoir une position neutre
- respecter les silences
- éviter la prise de notes
- savoir rester discret et modeste
Les analyses sont basées sur la retranscription mot à mot des entretiens. Ensuite, afin de
mettre en évidence des systèmes de pensées, les oppositions et les associations de mots sont
analysées dans leur contexte. On construit ainsi un référentiel de pensée.
27
Annexe 2 : Données compilées des castypes laitiers du Grand Ouest
28
BZH BZH BZH BZH BZH BZH BZH BZH BN BN BN BN BN BN Nb de jours pâturage seul rendement herbe en TMS/ha rendement mais 3,1 3,9 4,9 3,9 4,9 4,4 3,3 3,1 4,6 3,7 3,4 90
0
0
0
0
0
62
103
0
61
0
7
7
7
7
6
6
7,6
6,9
7,5
6,5
7
10 305900 6650 5098
12 452400 8079 5655
15 547800 9960 6848
12 452400 8079 3480
15 605900 9773 4661
17 1005550 12263 4190
12 300300 8704 6006
12 319500 6390 5071
12 262200 7283 4370
15 238700 8525 6282
14 229995 6667 4600
concentrés (en kg /VL) Stocks en TMS/UGB 2,2 1,1 0,0 1,1 0,0 0,0 2,9 2,9 1,7 2,2 1,8 Niveau dʹétable (en l/VL) durée totale du pâturage (en mois) Herbe pâturée en TMS/VL/an 1,2
1,4
1,7
1,4
1,7
2,0
1,7
1,5
1,8
1,7
2,3
Quota (en l) Chargement 13%
34%
38%
34%
37%
48%
36%
22%
56%
43%
42%
nb de VL % de maïs dans la SFP 87%
66%
62%
66%
63%
52%
64%
78%
44%
57%
58%
Ares pâturés/VL au printemps % dʹherbe dans la SFP 46
37
34
37
39
43
22
39
16
16
20
lait/ ha SAU Surface herbe 88%
70%
69%
43%
48%
34%
69%
79%
60%
74%
69%
lait/ha SFP %SFP dans la SAU 60
53
80
56
80
55
130
56
130
62
240
82
50 34,5
63
50
60
36
38
28
50 34,5
lait produit SFP type dʹélevage Cas 1 ‐ lait spécialisé, silos fermés Cas 2 ‐ lait spécialisé, maïs/herbe Cas 3 ‐ lait spécialisé, maxi stocks Cas 4 ‐ lait et culture, maïs/herbe Cas 5 ‐ lait et cultures, maxi stocks Cas 6 ‐ lait et cult. dominantes, maxi stocks cas 1 ‐ du lait par vache avec du pâturage cas 2 ‐ du lait par vache très économe cas 3 ‐ voie fourrage maïs et choux colza cas 4 ‐ voie fourrage maïs cas 5 ‐ voie fourrage maïs en race Normande cas 6 ‐ un regroupement très structurant en lait + viande cas 7 ‐ voie fourrage herbe en zone sèche cas 8 ‐ voie fourragère en zone favorable cas 9 ‐ du lait bio sur des sols à petit potentiel cas 10 ‐ du lait bio avec des céréales immatures cas 11 ‐ du lait bio avec des normandes en zone sèche cas 12 ‐ du lait bio en zone favorable cas 13 ‐ du lait bio en zone péri‐urbaine cas 1 cas 2 cas 3 cas 4 cas 5 cas 6 SAU localisation PC PC PC PC PC PC BZH BZH BZH BZH BZH 30 46 300000 6650 7,0 1595 15 58 450000 7800 7,0 1896 0 66 550000 8300 0,0 2219 15 58 450000 8300 7,0 1896 0 73 600000 8300 0,0 2209 0 119 1000000 8450 0,0 2663 38 39 300000 7700 9,5 985 50 45 320000 7100 11,0 600 29 38 262000 6900 9,0 285 36 35 240000 6820 11,0 580 25 47 230000 4842 9,5 335 84
68 81%
71 58,6 83%
43
32 74%
57
57 100%
79
69 87%
44 65% 35%
50 85% 15%
25 78% 22%
57 100% 0%
53 77% 23%
1,9
1,3
2,0
1,0
1,3
3,2 2,2 2,8 2,7 3,2 2,8 2,5 2,6 2,3 2,1 0
8
12
122 6,3
12
148
8 14,5
111 7,5 14,5
197
6
9
476000
286200
220000
200250
291400
7000
4884
6875
3513
4223
5667
4031
5116
3513
3689
35
45
36
76
50
70
53
44
45
62
475000 284000 220000 200000 292000 6800 5400 5000 4450 4700 98
69
62
46
55
50
85
60
40
82 88% 12% 1,0 2,1 2,6 48 86% 14% 1,6 2,6 2,5 50 93% 7% 1,2 2,9 2,4 35 86% 14% 1,4 2,4 2,0 55 100% 0% 1,2 2,5 2,3 36 83% 17% 1,6 2,3 2,5 58 79% 21% 1,5 1,5 2,6 23 51% 49% 1,5 1,2 3,6 22 66% 34% 1,7 1,3 3,5 91
106
200
120
105
105
90
45
60
323300
188600
249100
150300
200020
250200
300140
280050
300325
3476
3368
4656
3711
3637
5686
4106
6293
8833
3299 60
2733 40
4018 3267 40
3637 40
5004 30
3531 30
4668 20
7508 20
61
41
47
27
36
44
54
38
41
305000 189000 250000 150000 200000 250000 300000 280000 300000 5300 11,0 504 4600 10,0 350 5300 10,0 400 5900 6,5 833 5745 8,0 966 5850 7,0 929 5810 5,5 953 7370 5,5 1114 7325 5,5 1098 93 95%
56 81%
53,5 86%
40,5 88%
55 100%
44 88%
73,1 86%
44,5 74%
34 85%
3
6
7,5 6
9
11
0
12
11,5
12
13,5
12,0 10,5 9,0 10,5 10,5 690 650 330 300 0 29 BN BN BN PLL PLL PLL PLL PLL PLL PLL PLL PLL cas 7 cas 8 cas 9 Cas 1 ‐lait spécialisé intensif Cas 2 ‐ lait spécialisé économe Cas 3 ‐ lait spécialisé extensif Cas 4 ‐ lait spécialisé bio Cas 5 ‐ lait + cultures Cas 6 ‐ lait + taurillons intensif Cas 7 ‐ lait + vaches allaitantes Cas 8 ‐ lait + bœufs extensifs Cas 9 ‐ lait+volailles 105
150
85
47
50
45
42
112
55
50
72
85
90,1
51,9
69,3
32
43
41
38
56
38
39
65
50,5
86%
35%
82%
68%
86%
91%
90%
50%
69%
78%
90%
59%
66 73% 27% 1,5 1,3 3,0 75 34 66% 34% 1,5 1,2 3,6 60 42 61% 39% 1,5 0,5 3,8 30 16 50% 50% 1,6 1,5 4,1 0 32 74% 26% 1,4 2,9 3,0 90 41 100% 0% 1,1 3,6 2,0 150 34 89% 11% 1,3 3,5 2,2 150 28 50% 50% 1,7 1,4 3,8 0 18 47% 53% 1,6 1,4 4,0 0 26 67% 33% 1,8 1,7 2,6 0 58 89% 11% 1,4 2,7 2,0 120 31 60% 40% 1,5 1,3 3,5 0 11,5
13
12
9
9
0
8
11,5
10
10
10
10
450130
450300
600400
235000
250000
180000
200000
450000
215000
205000
225000
360000
4996
8676
8664
7344
5814
4390
5263
8036
5658
5256
3462
7129
4287
3002
7064
5000
5000
4000
4762
4018
3909
4100
3125
4235
30
25
20
20
30
35
35
20
20
20
30
20
79
57
76
33
40
34
36
63
30
27
47
53
450000 450000 600000 235000 250000 180000 200000 450000 215000 205000 225000 360000 5870 7900 7900 7000 5200 7800 7700 7400 5700 5300 6500 7400 7,5 945 5,5 1355 5,5 1460 1560 1050 645 765 1640 1820 1820 820 1490 30 Annexe 3 : Restitutions détaillées des
entretiens avec le Contrôle Laitier
département par département
31
Restitution de l’entretien avec les conseillers du contrôle laitier de la
Manche
Qui sont-ils ?
B.P : 26 ans, 4 ans d’ancienneté au Contrôle laitier 50. Conseiller d’élevage dans l’Est du
département. 60 exploitations suivies. A travaillé précédemment dans des laiteries en CDD
ainsi qu’à la ferme expérimentale du Mourier pour l’Institut de l’élevage.
O.A : 27 ans, 1 mois d’ancienneté au C.L 50. Conseiller d’élevage dans l’Est du département de
la Manche. 63 exploitations suivies.
A été précédemment 2 ans conseiller d’élevage dans l’Orne. Il va remplacer B.A :
B.A : 31 ans, 9 ans d’ancienneté au C.L 50. Conseiller d’élevage dans l’Est du département de
la Manche. Elle suit 56 exploitations. A travaillé précédemment durant 2 ans au CL35.
M.JF : 40 ans, 18 ans d’ancienneté au C.L 50 Conseiller d’élevage dans l’Est du département
de la Manche. Il suit 63 exploitations.
Les raisons des choix fourragers ?
Pour les conseillers, le pâturage à un côté subi : « ça les emmerde » (B.P).
Pour B.P, l’herbe souffre aussi d’un manque d’innovation « l’herbe le problème c’est qu’on parle
de quelque chose qui pousse tous les jours alors que sur le maïs y’a eu des recherches de
variétés, y’a plus de gens qui leur en parle » « C’est vrai que c’est pas forcément dans les
mœurs, ils vont plus parler de maïs que d’prairies» (B.A)
O.A (qui a travaillé dans l’Orne) pense par contre que les éleveurs Manchois sont assez
sensibles au pâturage.
Les éleveurs pratiquant un système tout herbe sont des personnes « isolées » et pour les
conseillers, ils se démarquent par une volonté d’être marginal : « Ceux qui sont intéressés par
les systèmes herbagers sont à peu près tout seul dans leur coin »(B.P)
La part d’herbe dans les systèmes fourragers Manchois semble aussi s’adapter au contexte
« Je pense qu’il y a la conjoncture qui fait aussi qu’ils ont plus essayé de valoriser l’herbe pour
certains ». (B.A) mais « Ils savent que c’est important au début du printemps, ils sont pas fous »
(B.P)
Les conseillers soulignent que la part de maïs dans les systèmes fourragers joue le rôle de filet
de sécurité : « Le fait d’avoir le maïs ça les sécurise »(B.A) « Ils veulent avoir la sécurité en
maïs » (M.JF)
D’après M.JF « il n’y a pas un gâchis de maïs au pâturage énorme» au vu des chargements et
les choix sont raisonnés pour son secteur. Il trouve que ses éleveurs sont relativement
sensibles au pâturage des prairies naturelles.
Quels freins et motivations identifiés ?
32
Pour eux, et de façon plutôt unanime, l’éleveur est à la base de tout et seul décisionnaire « c’est
lui, c’est son idée personnelle » et tout est question de « sensibilité » ou d’ « esprit »
(en parlant des réflexions sur l’herbe) « Y’a des éleveurs qui s’en foutent et des autres qui sont
intéressés »
Comme freins à l’utilisation du pâturage, les conseillers citent l’organisation du travail : « c’est
beaucoup plus simple, on désile tout le monde est là », la gestion des animaux au pâturage :
« C’est bien gentil pour avoir de l’herbe de qualité de faire tourner les prés, mais tu vas venir
avec moi quand il faut déplacer les bêtes »
Ainsi que l’organisation des parcelles : « les troupeaux grossissent tout le temps et les surfaces
en herbe autour des exploitations elles grossissent pas » (M.JF)
Ils ne mentionnent pas le coût comme une motivation ou en tout cas comme motivation
première et même au contraire, en comparant maïs et herbe affourragée « En termes de coût,
c’est pas certain que économiquement ils aient totalement tort. » (B.P) du fait de la « forte
production (de maïs) pour des coûts très faibles »
Pour eux, ce n’est pas une question de formation initiale, mais plutôt une question d’éducation,
cela se décide bien avant le projet d’installation « à 15 ans t’es une éponge et […] tes parents
peuvent être sensibles à quelque chose » (B.P) ou une plus grande réceptivité à l’extérieur :
« ça les expériences qu’ils ont, mettons les stages qui des fois peuvent avoir… »(B.A)
Quelles spécificités manchoises pour le pâturage?
Le fait d’avoir une importante part de prairies naturelles est jugé par les conseillers comme une
particularité Manchoise : « Bah déjà on a beaucoup de prairies naturelles, dans les autres
départements, y’a plutôt des RGA »(M.JF)
Ensuite, la pousse de l’herbe est très différente dans la mesure où il n’y a pas de coupure
estivale « on a pas de paillasson où c’est grillé quoi » (B.A)
Pour eux, ce ne sont « pas des mauvaises conditions » (B.A) pour faire du pâturage. Le
principal inconvénient est pour eux la portance des sols et le manque de chaleur.
Quand je leur fais part du fait que les conseillers du 44 pensent qu’ils ont « de l’or dans les
mains », cela fait sourire et B.P répond : « on leur donne »
B.A ajoute que leurs conditions ont peut-être permis des chargements plus élevés et B.P émet
l’hypothèse d’une pression foncière importante « les éleveurs se tirent la bourre ».
B.P reconnaît un certain « gaspillage » : « on a une laiterie qui paie très bien le lait et on a des
marchands d’aliments qui refourguent une quantité exceptionnelle d’aliment pour une zone
comme ça » « Quand c’est un peu plus serré au niveau économique, on réfléchit un peu
différemment » « Ils en ont beaucoup beaucoup, ils arrivent jamais en rupture d’herbe mais
c’est pas pour ça qu’ils en font plus » (B.P)
Quel avenir pour le pâturage ?
Pour eux, c’est difficile d’y voir clair du fait de la conjoncture très favorable aux céréales, de la
nouvelle PAC qui se profile, des demandes des consommateurs : « Si les demandes des
consommateurs se font sur des systèmes différents, ils s’adapteront »
Mais ils sont tous assez d’accord pour dire que la quantité d’herbe ingérée dans la vie d’une
vache va diminuer car : « Les troupeaux grossissent et les surfaces accessibles par les vaches
elles sont fixes, rien que par ce biais-là on aura une diminution de la surface
pâturée/pâturable/disponible »(M.JF/B.P/B.A)
33
De plus, ils sont tous unanimes sur le fait que les aides orientent les systèmes et qu’il y aurait
plus d’herbe si les prairies étaient au moins aussi aidées que le maïs. Mais B.P estime que ça
ne doit pas être la première motivation : « faudra pas que ça se passe que par la contrainte
économique, c’est une motivation, mais ça ne doit certainement pas être la seule pour les
éleveurs ….ça a un caractère subi qui est important quand même….[…] c’est pas très valorisant
quand même»
34
Restitution de l’entretien avec les conseillers du contrôle laitier d’Ille-etVilaine
Qui sont-ils ?
B.A : 20 ans, 3 ans d’expérience au Contrôle laitier. 51 exploitations suivies sur les communes
de Talensac, Le verger et Monterfil. Conseiller d’élevage, expert fertilisation et cartographie
En école avant le CL35
L.A : 50 ans, 30 ans d’ancienneté au contrôle laitier. 45 exploitations suivies sur les communes
de Paimpont et Gael.
Conseiller en élevage, fertilisation, fourrages, phytosanitaire et cartographie.
F.J : entre 40 et 50 ans, 28 ans d’ancienneté au contrôle laitier. 50 exploitations suivies sur la
commune de Guichen. Conseiller d’élevage.
Les raisons des choix fourragers ?
Les conseillers ne sont pas tout à fait consensuels sur les raisons qui motivent le choix du
système fourrager : « c’est une histoire…je dirais c’est un peu « culturel » si on veut au niveau
de l’éleveur… ». « La sensibilité voilà ! Ca c’est la première chose » (F.J) « ça lui plait pas de
faire du tracteur, il préfère être à la maison ou faire ses clôtures et puis c’est sa philosophie »
(L.A) Culture, sensibilité, philosophie, souhait ont Été les différents mots utilisés.
Pour un autre ce sera des motivations d’ordre économique « Pour moi les gens qui aiment
l’herbe ce sont des gens qui sont…très attachés à…au coût économique… la ration. C’est des
gens qu’ont souvent pas des gros outils alors ils cherchent à gagner économiquement sur le
coût des fourrages » (L.A). Mais visiblement pour eux, les éleveurs ont les idées assez arrêtées
«parce que ceux qui sont en tout herbe tu vas pas leur parler de maïs… » (B.A)
F.J est le seul à aborder la sécurité comme facteur déterminant pour le choix du système
fourrager « c’est vrai que par rapport aux 2 systèmes y’a dans la tête des éleveurs, y’a la notion
de sécurité qui joue » (F.J)
Les conseillers reconnaissent avoir eu un rôle dans les choix des systèmes fourragers : « le
contrôle laitier c’est le maïs-soja. C’est l’éducation qu’on nous donne…qu’on nous a donné »
(L.A) « peut-être par notre formation de base où on a euh... on a comment dire, on a eu un
bourrage de crâne à nous faire. bon euh produire pour produire sans s’occuper du reste » (F.J).
Mais aujourd’hui ils disent « qu’il faut respecter chaque système » et sont unanimes sur le fait
qu’il n’y a ni bon, ni mauvais systèmes mais des systèmes cohérents : « C’est une question de
cohérence du système » (F.J)
Quels freins et motivations identifiés ?
Les difficultés techniques sont les premières citées comme frein au pâturage : « c’est dur à
gérer….C’est chiant (rires)…Non, c’est… C’est pas évident à gérer déjà… »(B.A)
« C’est beaucoup de rêve pour 3 mois de l’année…seulement…de plaisir, l’herbe on s’aperçoit
que la durée de pâturage, ben elle est courte….3 mois (L.A)
Mais ils ne sont pas tous unanimes sur la question : « La première chose quand même c’est je
pense la motivation de l’éleveur par rapport au système » (F.J)
35
D’autres raisons freinent les éleveurs à utiliser (plus) le pâturage : « la taille du troupeau, le
parcellaire si t’as beaucoup d’hectares ou pas au pied de l’exploitation » (B.A)
B.A évoque aussi le peu d’éleveurs ayant la capacité à gérer le pâturage « c’est très dur à
gérer. Et t’as 5 % qui sont capables de gérer l’herbe... qui savent gérer l’herbe vraiment, c’est
tout…ou très peu, t’en as très très peu …t’as besoin d’une main pour les compter sur le
secteur » mais toujours dans une optique d’une gestion optimale : « l’herbe toute façon si tu
veux bien la gérer tous les 3-4 jours faut faire le tour de toutes les parcelles si tu veux bien
gérer l’herbe » (B.A)
« L’herbe, c’est très compliqué, très très compliqué... C’est très intéressant mais très compliqué.
Ca paraît pas mais celui qui veut l’exploiter comme il faut qui veut en tirer le meilleur
rendement, y’a du boulot… » « Eux qui cherchent du potentiel, si tu veux vraiment travailler sur
l’herbe, t’as 2 mois, 2 mois et demi de bon pâturage …c’est tout quoi » (B.A)
De plus, et ils sont tous d’accord là dessus : « chais pas mais t’en as y sauront jamais gérer
l’herbe t’as beau les aider » (B.A). Pourtant, aucun ne pense que le manque de formation est à
l’origine : « je sais pas si c’est un manque de formation… c’est plus le gars, ça le botte pas »
(B.A)
Il est à noter que les conseillers se déclarent plutôt parti pris pour le maïs « Dommage que t’as
pas quelqu’un qui est plus favorable à l’herbe parce que là à nous trois, à nous entendre, j’ai
l’impression qu’on est trois plus axé sur le maïs » (B.A)
Ils avouent facilement que le tout herbe ça peut marcher « Mais bon, comme quoi ici ça marche
quand même parce que y’en a qui arrivent et qui sont en système tout herbe et ça marche »
(B.A) et sont très conscient que ce qu’il y a de moins cher c’est l’herbe pâturée mais dans ces
cas-là, on n’ est pas dans une logique de production.
Quelles spécificités Ille-et-Vilainoise ?
Les Ille-et-Vilainois ne se sentent pas particulièrement privilégié vis-à-vis du pâturage : « moi je
dirais ici c’est une région en pousse d’herbe moyenne parce que pour être bien faut être dans le
fond du Finistère où ils ont de l’eau tous les 2 jours… là l’herbe c’est pas un problème ils sont
sûrs d’avoir de l’herbe ça gêne pas l’hiver et ils ont de l’herbe de Mars jusqu’à la Toussaint »
(L.A). Pour eux d’autres sont en meilleure posture et d’autres bien moins lotis qu’eux : « Ben,
vaut mieux monter que descendre. Pour les vacanciers vaut mieux descendre que monter mais
pour l’herbe c’est l’inverse » (L.A)
Quel avenir pour le pâturage ?
Ils sont plutôt pessimistes sur l’avenir du pâturage « l’herbe va diminuer tout doucement dans le
temps. L’herbe…euh, ce sera un de mes meilleurs souvenirs » (L.A) « Et puis ce qui faut se
dire c’est que aujourd’hui les élevages grossissent et ben tu peux pas aller t’amuser à emmener
100 vaches à 800m emmener les vaches pâturer. Donc c’est pour ça en plus, plus les élevages
grossissent et plus on va vers l’intensif... pas le choix » (B.A) mais ils sont néanmoins d’accord
pour dire que 2 systèmes coexisteront : « Mais on aurait ptêtre la coexistence de ptêtre
de…parce que pour moi à côté des grands troupeaux il restera sans doute des petits éleveurs
de types bio, fin ce qu’on appelle les niches de production et pour ces gens-là, l’herbe aura
encore sa place. Mais à côté de grosses unités… si on parle de l’ensemble, c’est vrai qu’elles
risquent de perdre… » et l’argument avancé quant à la justification du maintien de systèmes
avec du pâturage serait la « flexibilité du système et peut-être que ça aidera à maintenir une
certaine surface en herbe » (F.J).
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Restitution de l’entretien avec les conseillers du contrôle laitier de LoireAtlantique
Qui sont-ils ?
H.L : 51 ans, 23 ans d’ancienneté au Contrôle laitier. Conseiller d’élevage dans le centre de la
Loire-atlantique avec pour spécialisation la qualité du lait. 37 exploitations suivies et une
quarantaine pour la qualité du lait.
A été précédemment agent identificateur.
D.L : 47 ans, 15 ans d’ancienneté au C.L. Conseiller d’élevage dans l’Est du département de la
Loire-Atlantique avec pour spécialisation les plans de fumure. Une quarantaine d’exploitations
suivies.
A été précédemment 10 ans exploitant agricole dans les côtes d’Armor.
D.D : 37 ans, 13 ans d’ancienneté. Conseiller d’élevage dans l’Est du département de la LoireAtlantique avec pour spécialisation les plans de fumure, suivi des exploitations avec robot de
traite et rédacteur d’un bulletin V.H.P (vaches hautes productrices). Il suit 45 exploitations
C.L : 26 ans, 4 ans d’ancienneté au Contrôle laitier Conseiller d’élevage dans l’Est du
département 44. Il suit une cinquantaine d’exploitation.
A exercé précédemment dans le Morbihan et le Maine et Loire
Les raisons des choix fourragers ?
Le choix du système est d’abord, à leurs yeux, conditionné par le goût des éleveurs
« À travers ça (en parlant du choix du système) on voit beaucoup les goûts des éleveurs » (H.L)
« Y’a des éleveurs, le pâturage faut pas leur en parler » (H.L)
« C’est beaucoup au feeling » (D.D)
« C’est une volonté » (C.L)
Il distingue à cet effet 2 catégories d’exploitants : « On voit un peu la différence entre ce qu’on
peut appeler des éleveurs et des producteurs de lait : l’éleveur il aime bien ses bêtes, il a une
certaine passion et l’autre ben faut produire et à la limite ben si les bêtes elles restent en hors
sol, ça les gênent pas trop » (D.L)
Et ajoutent que les conditions dans lesquels l’exploitant veut exercer son métier y sont pour
quelque chose : « On est de plus en plus dans une société agricole, les gens se calent de plus
en plus par rapport à leur conjoint et on a des structures vont au boulot comme si ils allaient
dans une autre entreprise et le soir ils ont fini point barre on verra ça demain […] je pense qu’il
y a une organisation du travail qui intervient dans ces choix » (D.L)
Ensuite, la taille du troupeau est un facteur assez conditionnant : « arrivé une certaine taille de
troupeau les bêtes elles sortent plus, sauf si il est très motivé » (H.L).
Puis les aspects techniques : « autant ils vont prendre une culture de blé comme culture à part
entière autant le pâturage, c’est pas forcément pris en tant que tel » (D.L)
« C’est vrai que le pâturage c’est quand même très technique » (D.D)
Et enfin des aspects climatiques :
« On maîtrise pas le temps donc la saison de pâturage peut très bien se passer comme elle
peut mal se passer » (H.L)
« C’est surtout ça le facteur limitant chez nous » (en parlant du temps)
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Quels freins et motivations identifiés ?
D’un coté, en faveur du pâturage, les conseillers évoquent :
o Le gain de temps et la simplicité: « le matin ils libèrent les vaches et les récupèrent le
soir » (H.L), « ça casse le rythme de travail des agriculteurs»(D.L)
o Le coût fourrager : « ça fait au moins une période dans l’année où le camion vient moins
souvent » (D.D)
o L’aspect positif du pâturage sur les vaches, voir les vaches dehors c’est plus « naturel »,
c’est bon pour les pattes et la santé. « ça apporte un bénéfice pour la santé globale de la
bête » (C.L) « fondamentalement une vache est faite pour aller dehors et manger de
l’herbe je pense » (D.L)
De l’autre côté, en défaveur du pâturage, ils parlent :
o du parcellaire « c’est le principal frein : une parcelle éloignée, une route qui passe…»
o de la taille du troupeau, au-delà d’une soixantaine de bêtes, cela devient difficile…
o du temps passé à la conduite des animaux au pâturage, à déplacer les clôtures,
entretenir les chemins et à ramasser les animaux.
o de la technicité : « c’est beaucoup plus technique et certains on pas envie de s’embêter
avec ça » « c’est très simple à la limite de continuer la ration hivernale »« le pâturage est
mal préparé » (D.L)
o du climat : Certains sont « dégoûtés » : « et quand ils ont pris quelques échecs comme
l’an dernier, ben...ça dégoûte » (D.D) de plus, « le pâturage ici a une durée des fois très
courte »
Concernant un éventuel manque de formation les conseillers ne s’opposent pas, mais sont
moins consensuels que sur les autres thèmes abordés :
«Mais ce que tu disais sur le fait qu’ils étaient peut-être pas formés c’est peut-être plus ou
moins le cas quand même puisqu’on retrouve bien ceux qui ont envie de faire du pâturage,
c’est ceux aussi plus ou moins qui ont été éduqués comme ça, ils ont travaillé dans des
exploitations avant où ils faisaient beaucoup de pâturage » (C.L)
Les autres pensent que c’est plus une habitude de travail car ils estiment qu’à partir du moment
où la volonté est présente, la formation est possible et accessible. De plus, ce ne sont pas les
exemples à suivre qui manquent autour d’eux : « Ils ont tous autour d’eux des gars qui font un
tas de pâturage »(D.L)
Quelles spécificités ligériennes ?
Les conseillers sont unanimes pour dire que leurs voisins bretons bénéficient de conditions bien
meilleures pour le pâturage : « On est pas comme en Bretagne ou en Normandie où il pleut
régulièrement un petit peu toutes les semaines » (H.L)
« C’est beaucoup moins facile à gérer qu’en Bretagne parce que chez eux la pousse est
régulière et dure dans le temps » (D.D) « Ils ont de l’or dans les mains » (C.L)
D’ailleurs H.L n’hésite pas à dire que les bretons sont moins performants« Si NOUS on avait
leurs conditions on ferait certainement mieux » (H.L) « Si on avait vos terres, on serait bien
meilleurs que vous ! » (En parlant des bretons) (H.L)
Tous s’accordent à dire qu’ils ne pourraient mieux exploiter l’herbe étant donné les conditions
offertes par le climat ligérien « On utilise l’herbe quand elle est là au maximum »
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Quel avenir pour le pâturage ?
Pour tous et cela ne fait aucun doute, « Le pâturage va se pérenniser dans le temps c’est
sûr »(H.L). Et ils sont tous consensuels sur le fait que 2 profils d’éleveurs se dessinent : « y’a
des grosses unités qui se mettent en place à côté de ça certains individuels qui ne souhaitent
pas voir la conception du métier d’agriculteur en société qui vont rester avec 150-300 000 litres
de lait »(D.D).
Par contre, si la pression foncière n’est pas un problème, ce serait plutôt l’urbanisation
galopante qui serait un danger pour l’avenir du pâturage. Mais la maîtrise des charges est
déterminante à leur yeux et « L’aspect coût va en retenir quelques-uns, c’est l’avantage du
pâturage »(C.L)
Toutefois, ils se posent quand même des questions sur la pérennité des petits élevages
« Après un système à 300 000 litres de lait pour le pérenniser pendant 30 ans y’aura ptêtre de
la difficulté […] si dans quelques années on aura plus les quotas on a les contrats est-ce qu’une
laiterie voudra tous les 2 jours aller dans un élevage comme ça pour aller collecter si peu de
lait ? » (D.D)
A l’évocation d’un système d’aide qui favoriserait le pâturage, les conseillers sont unanimes :
« Ah ben on mettrait des carottes, les gars s’orienteraient ptêtre à faire plus d’herbe » (H.L)
« C’est là qu’on voit que la carotte oriente les systèmes » (D.D)
« C’est vrai que si aujourd’hui il existait un système d’aides pour maintenir des prairies en place
et puis avoir de la pâture dans la ration, un bon nombre s’y orienterait, comme ce sui s’est
passé avec les CTE et les CAD » (D.D)
D.L pense que « s’il existait un marché du carbone, ptêtre que les gens feraient plus de
prairies »
Ils expliquent qu’outre le goût de l’éleveur c’est le revenu qui compte « le goût de l’éleveur il
peut changer par le côté financier » (D.D)
Quand ils parlent de leur métier et de leur rôle, personne ne vient contredire H.L qui précise
« On est ptêtre technicien mais au niveau économique on a notre rôle à jouer puisqu’on travaille
ensemble et que on oriente un peu la tendance »(H.L). C.L pondère en disant qu’ « à une
certaine époque, je pense, le contrôleur avait sa place dans la part d’herbe dans les élevages
où il allait…le contrôleur qu’aimait l’herbe et qui prenait un peu ce système là et ben les
éleveurs le suivaient parce que c’était plus ou moins le gars qui connaissait la technique, on le
suivait les yeux fermés… aujourd’hui les éleveurs sont un peu plus formés et du coup ils vont
plus vers leurs affinités »
H.L évoque aussi une époque où « Sur le département on était plutôt dans une logique
extensive syndicalement parlant » (H.L) et explique que les orientations de la Chambre ont leur
rôle à jouer dans la part d’herbe dans les systèmes.
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Restitution de l’entretien avec les conseillers du contrôle laitier de
Charente-maritime
Qui sont-ils ?
H.D : plus de 50 ans, 25 ans d’ancienneté au Contrôle laitier. Conseiller d’élevage dans l’ouest
du département. Une soixantaine d’exploitations suivies. Spécialisé en reproduction.
J.B : 56 ans, 33 ans d’ancienneté au C.L. Conseiller d’élevage dans le Nord-Ouest du
département avec pour spécialisation le contrôle machine à traire et compteur à lait. 25
exploitations suivies.
A été précédemment 1 an contrôleur laitier dans le calvados.
D.M : 56 ans, 30 ans d’ancienneté. Conseiller d’élevage dans le centre du département. Il suit
une soixantaine exploitations A été précédemment exploitant agricole.
D.B : 53 ans, 32 ans d’ancienneté au Contrôle laitier. Conseiller d’élevage dans le Nord du
département avec pour spécialisation la qualité du lait et les robots de traite. Il suit une
cinquantaine d’exploitations.
B.F : 45 ans, 20 ans d’ancienneté au Contrôle laitier. Conseiller d’élevage dans le Sud du
département avec pour spécialisation la reproduction et la qualité du lait. Il suit 55 exploitations.
Les raisons des choix fourragers ?
Pour les conseillers, la plupart des éleveurs de Charente-maritime choisissent le maïs comme
principal aliment pour leurs vaches laitières. Ils distinguent ceux qui « pâturent vraiment » (et il y
en a très peu, ils estiment qu’ils doivent représenter 5%) des autres. La durée du « vrai »
pâturage est estimée à 1,5-2 mois.
« Les génisses vont dans les marais, ils les mettent dehors en vacances. En vacances pour eux
surtout…mais c’est pas du pâturage » (B.F)
Mettre des animaux sur des pâtures, est considéré comme un sacrifice : « c’est un sacrifice de
quelques hectares, c’est du parcours, pour que les vaches puissent sortir, c’est pour le bienêtre animal » Pour eux le pâturage c’est pour les élèves, et encore. Ca se limite à du parcours,
de la promenade.
Pour eux, ceux qui pâturent sont ceux qui ont de petits quotas : « la pâture faut accepter... fin
disons c’est peut-être plus facile pour les gens qu’ont un plus petit quota qui peuvent se
permettre d’être heu…d’être… heu, de perdre un peu de lait à des moments » (D.B)
Ainsi D.B estime que la distribution aisée des quotas entraîne l’intensification « Nous, les
attributions de quotas, y’en a quoi, y’a pas de soucis de ce côté là quoi » (D.B) « L’envie était
plutôt de grossir les troupeaux et d’être intensifs plutôt que d’être extensifs dû à ces attributions
de quotas» (D.B)
Trop de technicité pour une si petite période « C’est trop technique pour une si petite période :
est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? »
Quels freins et motivations identifiés ?
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« Pas d’herbe », voilà la principale raison pour laquelle il n’y a pas de pâturage « Non, le plus
simple c’est qu’il y a pas d’herbe. Voilà. Pas d’herbe, pas de pâturage » Le climat en CharenteMaritime est très inapproprié à la pratique du pâturage selon eux.
Les conseillers citent ensuite spontanément et d’emblée 2 facteurs très limitant pour le pâturage
en dehors du climat :
-
l’organisation & le manque de temps
« Y’a des vignes, des céréales, ils peuvent 400 ou 500 000 litres de lait avec 100 ha de
céréales à coté plus des vignes …»(B.F)
« Ici un petit (exploitant) c’est 60 ha » (H.D)
« C’est un manque de temps chez la plupart des gars » (H.D)
« La période de pâture tombe à une période qui est charnière pour eux, qui est préparation des
sols pour les maïs…c’est un gros truc ça…les maïs-tournesols, y’a de la surface hein… ils ont
pas le temps à regarder comment l’herbe pousse » (H.D)
« Ils ont pas envie de s’embêter » (H.D)
« C’est un système maïs ensilage hein…ben mécanisé et….faut que ce soit vite fait » (H.D)
-
la technicité et la gestion du pâturage
« C’est très technique le pâturage, c’est plus la maîtrise qui pose problème » (D.B)
« Ils ont pas envie de s’embêter à aller chercher les vaches, à faire les clôtures » (H.D)
« Ils font pousser le maïs, ils le ramassent une fois par an et puis après ils ont leur ration pour
tout l’hiver et puis y’en a toute l’année » (B.F)
La Charente –Maritime présente aussi l’inconvénient d’avoir majoritairement des gros
troupeaux difficiles à manœuvrer
D’autres facteurs interviennent ensuite :
- la sécurité offerte par un système plus simple et fiable à mettre en œuvre « Quand t’as
100 vaches, t’as pas droit à l’erreur dans ton système fourrager, j’ai des éleveurs qui ont
essayé, t’en dort plus la nuit » (J.B)
- la politique de la PAC qui n’a pas favorisé le pâturage. Faire du RGI (destiné à l’ensilage)
suivi de tournesol était beaucoup plus intéressant « pour eux ils s’y retrouvaient parce
qu’ils sont pas couillons ils savent calculer »(J.B). De plus la prime à l’irrigation a
encouragé le maïs. Aujourd’hui « ceux qui ont voulu aller un peu plus dans l’herbe, ce
sont les plus lésés » (DB)
- le suréquipement : hors enregistrement, les conseillers m’ont confié que les éleveurs
aimaient beaucoup la mécanique et que la Charente-Maritime était suréquipée au regard
de ses besoins en terme de matériel et que vouloir avoir du gros matériel et aimer être
sur un tracteur était plutôt incompatible avec le pâturage.
- il n’y a pas de volonté de faire du pâturage dans le département « Je ne pense pas que
ça a été une volonté dans le département de vouloir faire pâturer» « Même nous les
contrôleurs on a jamais eu quelqu’un de spécialisé dans le pâturage ». ils précisent que
cette volonté n’est pas venue des éleveurs.
La question de la formation initiale au pâturage n’est pas abordée. Au niveau de la formation
continue ils citent l’existence d’un groupe pâturage pour tout le département animé par la
chambre mais estiment que c’est un groupe qui n’a jamais fonctionné.
Ils disent aussi que ça n’est pas dans leur nature, les éleveurs sont plus céréaliers qu’éleveurs :
« On a affaire à des éleveurs-céréaliers, c’est pas des purs et durs quoi, Charente-Maritime
c’est ça hein... y’a pas cette tradition élevage quoi » (D.B)
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La question du parcellaire est un facteur qui arrive très tardivement dans l’entretien, et si c’est
certes un facteur limitant, pour eux, c’est loin d’être le facteur principal.
Même si les conseillers disent n’avoir jamais utilisé un herbomètre en 30 ans de carrière, ce
sont les conseillers qui m’ont le plus parlé de flore de prairie et m’ont cité un grand nombre
d’espèces.
Quelles spécificités charentaises maritimes ?
Dans tout le grand Ouest, ils s’estiment vraiment à part : « On ne peut pas comparer » (B.F)
Plutôt que d’herbe, ce qui pousse chez eux, ce sont les caravanes. On sent que c’est un tout
autre territoire avec des problématiques différentes. Les conseillers sont plutôt passés à côté de
cette question, ils se sentent déjà très différents des charentais et trouvent presque sacrilège
que là-bas les vaches taries paissent dans le trèfle.
Quel avenir pour le pâturage ?
Les conseillers n’ont cessé de constater la régression du pâturage ces dernières années.
« Y’avait quand même des gens qui pâturaient il y a une dizaine d’années, là c’est sûr qu’il y a
eu un abandon du pâturage » (D.B)
Et ils sont très pessimistes pour l’avenir du pâturage et pour les élevages laitiers en général. La
concurrence est trop forte avec les céréales. « Y’a plus de prairies naturelles, elles ont été
labourées pour faire du maïs … […] …y’a plus de vaches qui pâturent parce qu’il n’y a plus rien
à pâturer » (B.F)
Même si ces 2 dernières années le climat était plus favorable visiblement au pâturage, les
éleveurs n’ont pas saisi cette occasion. « Cette année on aurait pu croire que ça aurait pu
inciter les gens à partir vers la pâture, et ben pas du tout, ceux qui sont en pâture un peu plus
spécialisé en va dire, sont en train de revenir à un système fourrage-conserve » (H.D)
Eventuellement un des moyens de maintenir le pâturage serait de mettre en place une grosse
prime à la clef « Si, si t’as une prime de 1000 euros à l’hectare, ils vont vous mettre du
pâturage. Ils arrêteront le lait mais ils feront du pâturage… » Mais on sent bien l’ironie dans les
propos. Par contre, les conseillers ont constaté unanimement un retour de la luzerne « la
luzerne revient » (J.B), car elle est favorisée par le contexte de la PAC.
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Restitution de l’entretien avec les conseillers du contrôle laitier du
Finistère
Qui sont-ils ?
P.K : plus de 50 ans, 39 ans d’ancienneté au Contrôle laitier. Conseiller d’élevage dans l’ouest
du département avec une spécialisation Génisses et Atout Lait. Une trentaine d’exploitations
suivies. Spécialisé en reproduction.
J.L.J : entre 40 et 50 ans, 12 ans d’ancienneté au C.L. Conseiller d’élevage dans l’Ouest du
département avec pour spécialisation la fertilisation. 20 exploitations suivies dont 120 en
fertilisation.
H.P : 55 ans, 36 ans d’ancienneté. Conseiller d’élevage dans l’Ouest. Il suit 32 exploitations et
suit 6 exploitations biologiques. Il est également spécialisé diagnostic technico-économique,
accompagnateur Jeune et relais systèmes fourragers.
Le pâturage est un aspect largement abordé par les éleveurs avec les conseillers dans le
conseil « les gens demandent à être suivis côté exploitation d’herbe donc on fait des mesures
d’herbe et on donne des conseils au niveau de l’exploitation de l’herbe » (P.K)« Donner son œil
sur la qualité de l’herbe pour faire le maximum de lait sur la période de pâturage» (J.L.J)« y’a
un suivi rapproché sur la gestion de l’herbe qui va de la gestion du premier cycle à la gestion
des fauches » (H.P)
Les raisons des choix fourragers ?
Les conseillers sont partagés et pour eux, les orientations en matière de choix de système
fourrager viennent chercher leurs origines dans plusieurs aspects :
- le côté économique « C’est le côté économique de la ration, c’est le fourrage le plus
économique et ils voient tout le parti qu’ils peuvent en tirer » (P.K)
- le choix de l’éleveur « je pense que ce qui définit les systèmes dans une exploitation
laitière c’est le quota par hectare de SAU et la surface accessible »(H.P)
- les contraintes structurelles de l’exploitation « c’est quand même un choix d’éleveur au
départ »(J.L.J)
Mais tous s’accordent à dire que « Dans notre secteur, les éleveurs n’imaginent pas un
système sans la part de pâturage » (J.L.J) « Le pâturage est évident…après il est adapté par
rapport à des contraintes économiques ou des contraintes de travail m’enfin ça c’est aut’chose»
(J.L.J), pour eux le pâturage est un passage obligé où la contrainte est relative. « A l’inverse
y’en a d’autres, leur parler de l’herbe ça les irrite » (H.P)
Ils considèrent la gestion du pâturage comme un métier « une gestion d’herbe c’est un métier,
tous les 8 jours ça change » (J.L.J) Ils évoquent cet état de fait à plusieurs reprises.
Quels freins et motivations identifiés ?
Les conseillers estiment que les éleveurs ne sont pas forcément très à l’aise avec la
technique. « C’est une matière vivante, ça bouge tout le temps, y’a la pousse d’herbe, y’a les
chaleurs, y’a l’accessibilité aux parcelles, ça bouge de jour en jour, de semaine en semaines »
(J.L.J)
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Le pâturage nécessite alors un suivi au jour le jour qu’ils opposent à la gestion d’un silo :
« l’éleveur a beaucoup plus d’adaptation à faire pendant une saison d’herbe alors qu’avec un
silo plein, y’a une adaptation pis ça roule » (J.L.J). « Un silo plein c’est plus facile à gérer »
(J.L.J) « Et puis la sécurité aussi, avec un silo plein ils peuvent dormir tranquille »(P.K) « le gars
qui pilote à l’herbe y’a quand même des risques »(P.K)
Même si la période de pâturage est une étape quasi-obligatoire pour les finistériens, après le 15
juillet, les conseillers constatent une perte de foi dans la qualité du fourrage. « Les éleveurs n’y
croient plus…beaucoup d’éleveurs n’y croient plus après l’été » (P.K) « Ils ne tiennent plus
compte d’elle pour produire le lait »(J.L.J) « Ca dépends de leur motivation à travailler avec de
l’herbe, de croire en fait à la qualité du fourrage quoi » (P.K)
Ils expliquent cette perte de foi par une « culture » propre à l’éleveur : « C’est un peu dans la
culture de certains que de se dire que l’herbe d’été ou l’herbe d’automne ne vaut pas grand
chose » (P.K) « Ils ne se donnent pas la peine d’être trop pointu dans ce domaine parce que
c’est pas trop leur style » (P.K) « Après (la notion de coût) c’est dans les mentalités, dans les
cultures » (P.K)
Pour changer les mentalités, ils pensent qu’il faut « un déclencheur économique, je dirais pas
une catastrophe naturelle mais des gros éléments de….qu’ils prennent conscience quoi »
(J.L.J) et ils rappellent le tollé qu’avaient suscité les « 30 cts de coût alimentaire vaches
laitières ».
Ils évoquent aussi le rôle de frein joué par d’autres organisations impliquées dans la sphère de
conseil aux éleveurs, en effet, ils estiment que les vendeurs d’intrants ne sont pas favorables à
des systèmes faisant place à l’herbe. « Y’a beaucoup de gens dans autour de l’agriculture antifermeture de silo » (J.L.J)
De plus pour eux, la réglementation ne va pas forcément dans le sens de systèmes valorisant
l’herbe aussi bien du côté de l’environnement que du côté des aides.
H.P pense qu’un des freins aussi est la surface accessible par vache, P.K pondère en
soulignant le fait que l’accessibilité est une notion toute relative et que certains font des efforts
que d’autres ne consentent pas à faire « Y’a ceux qui veulent et qui prennent les moyens par
des échanges de terres […] et qui n’ont pas peur d’envoyer les vaches à 1 km» (P.K)
De plus, produire du lait à l’herbe à une connotation négative « ils auraient même tendance à
regarder les systèmes herbagers avec un mauvais œil, avoir une mauvaise image de ces
éleveurs là »(J.L.J) « C’est vrai que ça a un peu la peau dure cette idée de produire du lait à
l’herbe » (P.K)
H.P rappelle que certains font le choix de l’herbe par souci environnemental « Y’a certains
éleveurs qui ont fait le choix du respect de l’environnement » (H.P)
Quelles spécificités finistériennes ?
Les conseillers sont conscients d’être privilégiés par rapport aux autres régions de l’Ouest. « On
a une chance dans notre secteur c’est qu’on a une saison de pâturage qu’est longue par
rapport au secteur breton» (J.L.J)
« Les gens ils en profitent très tôt au printemps et quelques fois très tard à cette époque-ci »
(P.K)
Ils se sentent aussi en avance du point de vue du coût alimentaire « Nous on a l’impression,
mais je dirais ptêtre une connerie…d’être plus en avance sur le coût alimentaire »(P.K)
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Ils sont conscients d’une volonté du département de valoriser l’herbe « J’ai l’impression que
dans le finistère y’a eu plus de travail de fait au niveau technique et économique par rapport au
pâturage» (P.K), J.L.J ajoute même que cette politique « a failli coûter cher à l’entreprise ». Il
précise en effet qu’il a fallu « ne pas systématiser les messages de vouloir à tout prix aller vers
des systèmes herbagers ». Ils mentionnent aussi la confusion qui persiste entre systèmes tout
herbe et valorisation de l’herbe disponible dans l’optique d’une diminution des coûts
alimentaires.
Et ils ajoutent qu’ils sont loin d’être au maximum de la valorisation de l’herbe et pensent
unanimement qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre.
Quel avenir pour le pâturage ?
Globalement, les conseillers sont pessimistes sur l’avenir du pâturage. D’abord du fait de la
taille grandissante des exploitations « beaucoup d’exploitations s’agrandissent mais pas avec
les ares accessibles » (H.P) « On va avoir de plus en plus de grandes exploitations et les
systèmes herbagers vont diminuer» (H.P) « les systèmes herbagers ont du plomb dans l’aile »
(J.L.J)
Ensuite du fait de la robotisation « ça va être compliqué techniquement » (P.K) mais J.L.J
modère en expliquant que c’est possible d’allier pâturage et robot et déplore le fait que choisir
un robot soit corrélé à une orientation de système.
Et aussi parce que l’utilisation du maïs simplifie et sécurise les systèmes au regard de
beaucoup « Ils pensent que la simplification viendra du maïs plutôt que du système pâturage »
(J.L.J)
Pour eux, tout freine des quatre fers.
Mais ils soulèvent le problème de l’image que peut avoir un lait produit avec du maïs « J’ai peur
que ça entache l’image de la production laitière »(H.P)
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