la légende noire de Pie XII

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la légende noire de Pie XII
PAROISSES DE LA VALLEE DES BAUX
LA LEGENDE NOIRE DE PIE XII
Le 19 décembre dernier, le Pape Benoît XVI a donc signé le décret « proclamant l’héroïcité des
vertus de 10 baptisés », dont Karol Wojtyla, Pape Jean-Paul II de 1978 à 2005, et Eugenio Pacelli,
Pape Pie XII de 1939 à 1958. Même si les béatifications restent une affaire interne à l’Eglise
Catholique, déclarations et commentaires n’ont pas manqué. Le présent texte n’a pas vocation à
polémiquer mais documenter le débat.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que Pie XII n’a pas dénoncé le crime nazi de la Shoah. Le
radio-message de Noël 1942 est aussi précis qu’on peut l’être dans des circonstances de guerre, et
certainement davantage que l’assourdissant silence des dirigeants alliés à la même époque. On peut en
penser autant du radio-message de Pentecôte 1943. Pie XII a tenu compte de l’expérience hollandaise
de juillet 1942 : une dénonciation publique frontale par l’épiscopat a entraîné le déclenchement d’un
anéantissement systématique des juifs.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que Pie XII aurait choisi sans scrupule la voie du silence et
le non interventionnisme. Diplomate du Vatican avant d’être Pape, le futur Pie XII a connu les appels
prophétiques de Benoît XV pendant la 1e Guerre Mondiale (entre 3 et 6 par an) et le mépris avec
lequel ils ont été reçus (sauf en Autriche-Hongrie de 1916 à 1918). Pie XII a donc choisi une autre
voie, plus discrète, plus diplomatique mais pas moins prophétique : celle de l’assistance aux groupes
persécutés. Etait-ce le bon choix ? C’est la question qu’il s’est lui-même posé devant les cardinaux en
février 1946.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que Pie XII était un Pape ami d’Hitler ou approuvant
l’idéologie nazie. Au témoignage du général SS Karl Wolf, Hitler avait mis au point le 25 juillet 1943
un plan pour enlever Pie XII de Rome. Objectif : « la déportation ou la mort ». Rencontrant le Pape le
10 mai 1944, le général le lui avait dit. Au témoignage de sa gouvernante, sœur Pasqualina Lenhert,
Pie XII connaissait déjà ce projet et avait laissé un document organisant la vacance de la Papauté et le
conclave en cas d’arrestation. Par contre, il avait gardé de ses années de service en Allemagne un
grand amour de la culture et du peuple allemands : germanophile ne veut pas dire nazi.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que Pie XII n’a rien fait pour empêcher la déportation des
juifs de Rome. Une circulaire du 25 octobre 1943 lève la clôture des monastères et prescrit l’accueil et
la protection des juifs dans les couvents. Au témoignage du Grand Rabbin de Rome, Israël Zolli, cela a
sauvé la communauté juive de Rome. Le même Grand Rabbin Zolli a reçu le Baptême le 13 février
1945 en choisissant le prénom d’Eugenio en hommage à Pie XII. Témoin aussi le Grand Rabbin Elio
Toaff accueillant Jean-Paul II à la synagogue de Rome le 13 avril 1986.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que les Juifs sont contre Pie XII. La communauté juive est
divisée à ce sujet.
• Les contemporains de Pie XII ont salué son action, tant au sortir de la guerre en 1945 qu’au
moment de sa mort en 1958. Témoin l’hommage de Golda Meir, ancien 1er ministre d’Israël.
• La génération suivante, politiciens plus jeunes impliqués dans la création de l’état d’Israël,
n’a jamais pardonné à Pie XII ses 2 prises de positions de 1948, demandant le respect et
l’équité entre les peuples, face à l’idéologie sioniste. Témoin de cette idéologie, les panneaux
sur l’Eglise Catholique au Yad Washem de Jérusalem.
• Enfin, plus près de nous, un groupe travaille depuis 2001 à ce que les juifs reconnaissent
l’action de Pie XII. Témoin la demande de David Dalin, Grand Rabbin de New-York, le 21
juin 2007, souhaitant que Pie XII soit déclaré « Juste parmi les nations ».
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que la défaillance de l’action de Pie XII est établie
historiquement. C’est précisément le contraire qui est vrai. Au témoignage, en janvier 2007, de l’ex
général Ion Pacepa, ayant dirigé le KGB, la légende noire de Pie XII a été créée sur demande de toutes
pièces par 2 agents :
• Rolf Hochhüth, et sa pièce de théâtre « le Vicaire » en 1963, recyclée en 2002 par Costa
Gravas dans le film ‘Amen’,
• Saül Friedlander, et son dossier « Pie XII et le 3e Reich » (1964), récemment réédité,
… dans le but bien précis de briser l’influence du Pape en Europe orientale, dont on se souvient
qu’elle était sous domination soviétique avant 1989. Alors Nonce à Berlin, le futur Pie XII y avait
connu la tentative de révolution marxiste de 1919, et avait gardé des convictions anti-communistes.
Il n’est pas exact de dire ou d’écrire que le Vatican ferme ses archives aux chercheurs sur cette
question. Compte tenu des polémiques des années 60, le Pape Paul VI, ancien collaborateur de Pie
XII, a fait publier les archives diplomatiques de la guerre : 12 volumes, établis par un groupe de
jésuites entre 1965 et 1982. Qui les a lu ? En 1999, à l’initiative de Jean-Paul II, un groupe
d’universitaires juifs et chrétiens a repris l’étude des archives mais les juifs se sont retirés en 2001 : les
archives historiques sont en effet encore en cours de classement.
« Les commentaires sont libres mais les faits sont sacrés ». Cette devise d’un ancien journal
quotidien pourrait être une autre version du commandement : « Tu ne mentiras pas » (Ex 20,16). Si
l’on accepte de se documenter avant de s’exprimer, l’on s’aperçoit que les choses sont plus complexes
que leur réduction à quelques slogans manipulant la vérité de l’histoire.
« Je ne hurlerai pas avec les loups » dit un adage scout. Sans sombrer dans la ‘théorie du
complot’ contre l’Eglise, force est cependant de constater qu’il existe des réseaux de désinformation,
même dans l’Eglise malheureusement, qui définissent le « mentalement correct » prêt-à-consommer.
Ces lobbies minoritaires ont un objectif clair : discréditer l’action de l’Eglise hier pour disqualifier sa
parole aujourd’hui.
Le pontificat de Pie XII appartient au passé dans ses faits mais aussi dans son style. Ce Pape a
cependant planté les principales racines du Concile Vatican II, dont il reste l’auteur le plus cité après la
Bible. Certains aspects du pontificat peuvent nous paraître aujourd’hui un peu surannés mais cela
n’autorise pas la malhonnêteté intellectuelle, sinon l’ignorance, encore moins l’arrogance dont ont fait
preuve certaines instances de communication.
Avec l’Apôtre St Jean, cherchons seulement « l’amour dans la vérité » (2 Jn 1) et « la vérité dans
l’amour » (2 Jn 3 ; Eph 4,5).
P. Hervé Chiaverini +
23 décembre 2009.