Abonnement, box mensuelle, location à l`année… A l`ère
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Abonnement, box mensuelle, location à l`année… A l`ère
Couverture de « une » réalisée par un algorithme. WWW.WORDLE.NET Abonnement, box mensuelle, location à l’année… A l’ère de l’obsolescence programmée, plus rien ne sert d’acheter DIMANCHE 20 - LUNDI 21 NOVEMBRE 2016 C AH IE R D U « MOND E » N O 223 49 - NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT 0123 DI MA NCHE 20 - L UND I 21 NOVEMB RE 2016 ENQUÊTE 2 Par Marlène Duretz A près cinq ans passés au Brésil pour raisons professionnelles, Nicolas Choquart et sa famille sont rentrés en France à la fin de l’été. Il fallait tout rapatrier, les souvenirs, les malles de vêtements et les meubles. Tout était prévu, « un container devait arriver début septembre en France », raconte ce cadre d’une entreprise high-tech. Las, rien ne s’est passé comme prévu. « En raison d’une grève au port de Santos, nos biens n’ont pas suivi. Il a bien fallu remédier à cet aléa. » Pas de panique. Trois lits, une table et huit chaises, un téléviseur, l’électroménager ont été livrés, montés, installés et garantis par Semeubler.com, un pack que cet ancien expatrié restituera fin novembre. « Sobre et efficace », assure Nicolas Choquart, même si la famille a hâte de retrouver son propre mobilier. Louer une tente de réception pour ses noces, une poussette double à la naissance de ses jumeaux, un utilitaire pour chiner sur les routes normandes ou un banc de musculation… la location sert de rustine, voire de béquille, à nos vies caméléons. Elle a aussi la faveur du consommateur pour qui l’usage prévaut sur la propriété. Après avoir cédé au tout-acheter, un Homo usagus qui témoigne sur le blog du site de location d’électroménager et de multimédia Lokeo.fr dit privilégier la location pour « mieux dépenser, mieux s’équiper, être accompagné et recycler autrement ». Sa dernière « acquisition » ? « Mon four, un véritable porte-avions avec des fonctions dans tous les sens », se félicite ce virtuose des casseroles dont on loue aussi les talents culinaires. Ce trentenaire est en rupture avec les modes de consommation traditionnels. Comme plus d’un Français sur Plus rien ne m’appartient Vêtements, meubles, plantes vertes, amis… Aujourd’hui, tout se loue, ou presque. On ne vend plus des objets mais des services. Et les algorithmes choisissent pour nous deux, relève l’Ifop. « Avant la crise, louer était interprété comme être sans le sou, mais depuis 2008 la location est perçue comme maligne et intelligente. Il y a une inversion des valeurs », observe Nathalie Damery, directrice de l’Observatoire société et consommation (Obsoco). Si 65 % des Français sont propriétaires d’un bien immobilier, combien défendent l’idée d’acheter une décolleuse à papier peint ou d’investir dans un camping-car, « lubies » passagères et encombrantes à long terme, plutôt que de les louer ? Aujourd’hui, tout, ou presque, se loue. Les formules d’abonnement foisonnent, et chacun peut butiner, à l’envi ou au besoin, se libérant du poids de la propriété, et de l’espace de stockage qu’elle requiert : le vélo en libre-service, la saison théâtrale, le home cinéma, le service à raclette, la perceuse, le Caméscope, la robe de marque ou de cérémonie, le service de table, le déguisement, la plante verte, jusqu’au savoir-faire d’un tiers à dégoter sur une nuée de sites en ligne, auprès de particuliers ou de professionnels. Comme Book-afriend.com, qui propose « la location d’amis utiles et compétents ». Pour trois quarts des Français, le plaisir de consommer tient dans celui « d’utiliser et d’avoir à disposition uniquement les produits dont ils ont besoin », tandis qu’un sur cinq juge la propriété des biens moins importante qu’il y a dix ans. Et 58 % des personnes interrogées considèrent la possession comme un fardeau (sondages OpinionWay, janvier 2015 et février 2016). De fait, la dématérialisation des objets culturels (musique en streaming, service de vidéo à la demande par abonnement…) et la location de véhicules et de résidences saisonnières ne sont plus des pratiques confidentielles. Bien que l’usage partagé et le réemploi aient connu un léger tassement en 2015, l’offre s’oriente vers les services. « Maman ! T ’as quoi dans ta box touaaa ? » Mon dimanche a commencé comme ça, avec une notification sur mon smartphone. « Bonjour Marlène, un bon petit déjeuner au fond de votre lit avec les dernières nouveautés mode, ça vous tente ? On vous a préparé une sélection qui devrait vous plaire. » Il est à peine 9 heures et le site de vente de chaussures et vêtements Zalando prend les choses en main, thé noir sans sucre en moins. Le luxe, dans cette vie par abonnement et en location, ce serait donc de ne plus avoir à choisir ? De se voir servi sur un plateau (de petit dèj) ce qui « devrait nous plaire » ? Si c’est le cas, il reste aux algorithmes quelques progrès à faire. Dans la « sélection personnalisée » que l’enseigne entend me vendre un jean skinny, des escarpins de 11,5 cm et une parka orange fluo… Bref, tout ce que je ne porte (rai) jamais. Zalando ignore que ma fille cadette entremêle ses envies aux miennes depuis l’ordinateur familial ouvert aux quatre vents. Mêmes embrouillaminis sur Netflix, leader mondial de service de vidéo à la demande par abonnement, où les goûts de ma fille pour les comédies dramatiques sont au coude-à-coude avec les penchants paternels pour les séries historiques. Le système des recommandations permet d’améliorer l’expérience utilisateur, dit-on. Encore faut-il ne pas s’emmêler les crayons avec les profils. « L’hyperchoix offert par le numérique, caractérisé par l’abondance de contenus et une consommation dans l’instant, aboutit à perdre le consommateur », estimait, en juin 2014, une étude du cabinet de conseil Kurt Salmon pour le Forum d’Avignon. 39 % des consommateurs reconnaissaient avoir en effet du mal à identifier les produits susceptibles de leur plaire en ligne, confortant dans son rôle la main tendue de l’algorithme informatique. Entre prédiction et prescription, nos choix ainsi aiguillés avancent sur des rails où le filtre est roi. Qui ne serait pas tenté d’être guidé, délesté du choix et du risque anxiogène de se tromper ? Qui saura bouder les suggestions basées sur ses intérêts, et les découvertes drainées par le bouche-à-oreille numérique, ses « Vous avez aimé, vous aimerez peut-être ? » et ses « Populaire en ce moment » ? Selon Netflix, plus de 8 % des contenus regardés par ses abonnés sont ceux recommandés par l’algorithme. Sérendipité mon amour… « Nos suggestions s’inspirent de vos habitudes d’écoute, et plus vous utilisez Spotify, plus la rubrique Découvrir s’enrichit », explique le service suédois de streaming musical, tandis que son homologue français, Deezer, mise sur des forces presque surnaturelles : « Dites-lui ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, il s’adapte à vos goûts, comme par magie ! » D’autres « enchantements » peuvent également apparaître, pour peu qu’on prenne la peine de systématiser, par l’intermédiaire d’une box ou d’un site spécialisé, tel ou tel achat. Dès lors qu’il a été fait, je peux me reposer sur mes lauriers, assistée et approvisionnée à rythme régulier en croquettes pour chat et objets tranchants. « Finie l’attente au supermarché et plus besoin d’y penser », avance Big Moustache, pourvoyeur de rasoirs et lames à domicile. « Economisez sur vos produits du quotidien », argumente Amazon, à cheval sur les prix. « Nous devrions trouver régulièrement nos chaussettes dans la boîte aux lettres, exactement comme notre journal », finit de me convaincre le site Blacksocks, soucieux de me faire économiser « 12,8 heures de mon précieux temps » en m’abonnant. Ma box Envouthé et mes paniers culinaires QuiToque me font, eux, le coup de la surprise. « Maman, t’as quoi dans ta pochette, touaaa ? » C’est indéniable, il est des choix – et des non-choix – plus indolores que d’autres. D’autant que déléguer « ce pouvoir de choisir à d’autres, c’est s’en remettre à l’expertise de spécialistes qui réunissent les meilleurs produits, à des tarifs qui se veulent accessibles à tous », observe Michaël Maarek, responsable du site de référencement et d’évaluation ToutesLesBox. fr. Car, quitte à ne pas (toujours) choisir, autant faire le bon choix. 0123 DIMANCHE 20 - LUNDI 21 NOVEMBRE 2016 3 « Cela revient à vendre directement l’usage des biens sans nécessairement céder le droit de propriété », explique l’économiste Philippe Moati sur Xerfi Canal. La location permet aux ménages de se doter d’un équipement ou d’accéder à un service que leur budget leur interdit d’acheter. A quoi bon s’attacher à ce Nokia première génération, si ce n’est pour son cachet vintage et son jeu Snake resté dans son jus, alors qu’on peut dégainer la Rolex de la téléphonie ? Et « changer de mobile tous les ans pour accéder au modèle le plus récent », comme le susurre la dernière offre de SFR. Elle présente enfin l’avantage de faire évoluer les équipements en fonction des goûts et des besoins. Ou de disposer d’un bien sans être indisposé par des caprices techno-obsolescents. « La sérénité n’a pas de prix », confie Anna Oliveira, contrôleuse de gestion qui effectue un trajet travail-domicile de 6 000 km chaque mois en voiture, pour un substantiel budget mensuel de 390 euros, hors assurance. « Je me suis offert une citadine en leasing, une formule touten-un qui comprend l’entretien, l’assistance et la certitude de ne jamais être immobilisée. » Acquérir le véhicule au terme de son contrat de quatre ans ? « Certainement pas, répond la trentenaire. Le prochain sera un crossover grisvert métallisé, plus spacieux pour mes deux garçons. Et avec une caméra de recul. Ou même, mieux, un système de stationnement automatique ! » Ultime avantage, la vie en location permet de consommer à un rythme plus soutenu que ne l’autoriserait son banquier. Tout essayer sans s’engager. « En louant des vêtements qui manquent à ma garde-robe, je peux m’habiller en princesse ou en punk si cela me chante, et aussi longtemps que je le souhaite, suggère Nathalie Damery, de l’Obsoco. Avec la location, on démultiplie nos vies. » Le doigt sur le mulot, je trouve… R WAGNE MARIO Pas du genre à s’engager V ous détestez ces contrats de location dont on ne sait plus comment se défaire ? Vous maudissez ces dates anniversaire qu’il faudrait respecter et ces courriers recommandés avec accusé de réception qu’il aurait fallu envoyer à temps pour vous débarrasser de ce fil à la patte parfois inextricable qu’est devenu votre abonnement ? Détendez-vous. Une majorité d’e-commerçants ont abandonné ces vieilles pratiques « so XXe siècle ». « Tout est fait pour simplifier le parcours du consommateur. Après tout, on n’est pas marié avec son lave-linge ! Vous souhaitez arrêter ? Un clic, votre abonnement est terminé et nous récupérons le produit », assure ainsi Stéphane Prudhomme, directeur marketing et communication de Lokéo, spécialisé dans la location d’électroménager et de multimédia. Sur ce site cohabitent trois formules d’abonnement sur une durée minimale de six mois à cinq ans. Un système dont les Français sont particulièrement friands : 31 % d’entre eux ont contracté entre trois et dix abonnements et 54 % entre un et cinq (étude SlimPay, 2016). L’engagement « sans engagement » est aujourd’hui un argument communément avancé en ligne. Dans ces offres, l’abonnement, avec ou sans reconduction tacite, sur une durée donnée ou « illimitée », court tant qu’il n’est pas suspendu et que son prix est honoré. « Le premier mois d’abonnement est gratuit, appâte par exemple sur sa page d’accueil le site Audible, spécialisé dans le livre audio en téléchargement. Sans résiliation de votre part, vous payez ensuite 9,95 euros par mois pour recevoir votre crédit mensuel. Votre abonnement se reconduit chaque mois automatiquement et est résiliable à tout moment. » « C’est 13,90 euros par mois et sans engagement, vous dites STOP quand vous voulez », indique la Gambettes Box, qui livre deux paires de collants par mois, sauf en été. « Vous voulez suspendre vos livraisons ? Rien de plus simple. Deux clics dans votre espace client », surenchérit la boîte culinaire Foodette. Tout est éphémère, et notamment nos envies. Il n’aura jamais été aussi simple de prendre d’un clic, ou de deux, ses cliques et ses claques. On peut mettre la main sur un nombre incalculable de biens à louer ou pour lesquels s’abonner - Une maison de vacances - Deux smartphones - Trois cartes de transport - Quatre lames à raser - Un sac à main de créateur - Des couverts en argent - Une machine à bulles - Un badge pour péage Liber-t - Une plaque de cuisson - Six paires de chaussettes - Un ticket de cinéma - Un espace de coworking - Un smoking droit à col châle - La musique qu’on aime - Deux pots de miel - Un bracelet téléassistance - Un panier AMAP - Une épilation - Un Warhol - Une plante verte - Un cru classé