le changement, le cadre de sante en ehpad et la communication…
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le changement, le cadre de sante en ehpad et la communication…
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE BESANCON INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTE 44 Chemin du Sanatorium. 25030 Besançon LE CHANGEMENT, LE CADRE DE SANTE EN EHPAD ET LA COMMUNICATION… Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé Option infirmière Laëtitia RECEVEUR Promotion 2013-2014 Sous la direction de Madame Rhila BOUSSOUR, cadre de santé. 1 REMERCIEMENTS A Madame Rhila BOUSSOUR, ma directrice de mémoire, pour l’accompagnement et l’aide qu’elle m’a apportée dans le cheminement de ma réflexion. A l’équipe pédagogique pour son écoute et ses conseils. A ma famille, pour son soutien infaillible. Merci d’avoir cru en moi. A toutes celles et ceux qui m’ont accompagnée de loin ou de près dans cette belle aventure. 2 SOMMAIRE GLOSSAIRE p5 INTRODUCTION p7 1. DU CONSTAT A MON HYPOTHESE p9 2. CADRE CONCEPTUEL p 13 2.1 LE CHANGEMENT p 13 2.1.1 Etymologie et définitions p 13 2.1.2 Typologie du changement p 16 2.1.3 Origine du changement p 16 2.1.4 Phases du changement p 17 2.1.5 Intégration du changement p 18 2.1.6 Cinq phases du changement p 19 2.2 LA COMMUNICATION p 21 2.2.1 Définitions p 21 2.2.2 Processus de communication p 24 2.2.3 Facteurs influençant la qualité de la communication p 26 2.2.4 Attitudes de communication p 28 2.2.5 Types de communication p 30 2.2.6 Enjeux de la communication p 31 2.3 LE ROLE ET LES MISSIONS DU CADRE DE SANTE p 32 2.3.1 Le cadre et ses fonctions p 32 2.3.2 Dimensions managériales p 34 2.3.3 Style de management d’après Blake et Mouton p 34 2.3.4 Management situationnel p 36 2.3.5 Rôle du cadre lié à l’information p 38 3. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE p 40 3.1 Choix de l’outil p 40 3.2 Population ciblée p 40 3.3 Elaboration du canevas d’entretien p 41 3.4 Autorisation d’enquête p 41 3.5 Déroulement des entretiens p 41 3.6 Retranscription des entretiens p 42 3 3.7 Limites des entretiens p 42 3.8 Conduite d’analyse p 42 4. ANALYSE p 44 4.1 Représentation du changement p 46 4.2 Préparer le changement p 49 4.3 Informer p 52 4.4 Communiquer p 54 4.5 S’appuyer sur les personnes ressources et impliquer les agents p 57 4.6 Difficultés rencontrées p 60 4.7 Prendre son temps p 62 4.8 Evaluer p 63 4.9 Management utilisé par les cadres p 64 5. CONFRONTATION AVEC MON HYPOTHESE p 65 6. ENSEIGNEMENTS TIRES p 69 6.1 Sur le plan méthodologique p 69 6.2 Sur la compréhension du sujet p 69 6.3 Sur le plan de la fonction de cadre p 70 CONCLUSION p 72 BIBLIOGRAPHIE p 74 ANNEXE p 77 4 GLOSSAIRE EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes. USLD : Unité de Soins de Longue Durée. ARS : Agence Régionale de Santé. MRICE : Mission Régionale d’Inspection, de Contrôle et d’Evaluation. CTE : Comité Technique d’Etablissement. CHSCT : Comité d’Hygiène Sécurité et Conditions de Travail. CME : Commission Médicale d’Etablissement. EHESP : Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. CDS : Cadre De Santé. FFCDS : Faisant Fonction Cadre De Santé. 5 INTRODUCTION 6 INTRODUCTION Au cours de cette année de formation de cadre de santé à l’Institut de Formation de Professions de Santé de Besançon, j’ai mené un travail de recherche par un cheminement et un questionnement au regard de mon parcours professionnel et de mes expériences. En effet, le module 3 de la formation « analyse des pratiques et initiation à la recherche » a pour objectif de réaliser un mémoire au travers d’une recherche en s’appuyant sur la méthode dite expérimentale. Le choix de mon thème de travail sur le changement est en lien avec le constat que j’ai pu faire tout au long de mon parcours professionnel. Mon expérience professionnelle de faisant fonction cadre de santé m’a permis de prendre conscience de toute la complexité de la mise en place d’un changement dans un service. J’ai pu me rendre compte à quel point le changement générait des interrogations et des inquiétudes pour l’équipe soignante. J’ai donc choisi ce thème pour enrichir mes connaissances et mes pratiques car en tant que future cadre de santé, j’aurai un rôle essentiel dans l’accompagnement aux changements, celui d’impulser et d’accompagner les équipes soignantes. Dans le cadre de ce travail de recherche, j’exposerai tout d’abord les constats que j’ai faits au travers de mon parcours professionnel ainsi que les questionnements qui m’ont amenée à formuler ma problématique puis mon hypothèse. Ensuite, j’aborderai les approches conceptuelles sur lesquelles je me suis appuyée. Puis, je présenterai la méthodologie de la recherche effectuée. Pour terminer, je procéderai à l’analyse des entretiens qui me permettra d’affirmer ou d’infirmer l’hypothèse de départ et j’exposerai les enseignements tirés de ce travail de recherche. 7 DU CONSTAT A MON HYPOTHESE 8 1. DU CONSTAT A MON HYPOTHESE. De nos jours, le changement est inévitable que ce soit dans nos vies personnelles et professionnelles. Qu’il soit d’ordre socio-économique, technique ou organisationnel, le changement fait partie de notre quotidien. Durant mon exercice professionnel, j’ai exercé en tant qu’agent de service hospitalier, puis aide-soignante, ensuite infirmière et enfin en tant que faisant fonction cadre de santé. Ces différentes activités m’ont amenée à côtoyer et à collaborer avec divers professionnels issus des équipes médicales et paramédicales. Tout au long de mon parcours, riche de 17 ans d’expérience, les changements de statuts, de services, de collègues et d’organisations m’ont permis d’évoluer professionnellement et de m’épanouir pleinement dans toutes mes fonctions. Lors de ma prise de poste de faisant fonction cadre de santé, le 1er septembre 2011, dans le service EHPAD et USLD du centre hospitalier Paul Nappez à Morteau, il m’est confiée un projet organisationnel pour le service EHPAD. En effet, en 2011, l’établissement est retenu par l’ARS pour intégrer « le dispositif d’accompagnement de la réflexion sur le temps soignant et l’organisation en EHPAD », au regard des préconisations émanant de la MRICE. Deux préconisations sont établies, à savoir : Une réflexion autour de l’organisation du début de journée et de la fin de journée est à prévoir pour améliorer les prises en charges à ces moments de la journée en envisageant l’échelonnement des horaires d’arrivée et de départ du personnel. Une réflexion sur l’individualisation des soins pour éviter une organisation taylorienne des tâches. Une nouvelle organisation débute le 1er octobre 2012. Elle comporte trois axes précis : Optimiser le temps de travail. Prévenir le risque psycho-social. Organiser le travail pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées. L’objectif institutionnel est de fédérer l’équipe dans cette nouvelle dynamique de travail impulsée en EHPAD. 9 De 2011 à 2012, le cadre supérieur de santé, le comité de pilotage constitué de soignant de l’hôpital - dont je fais partie - préparent cette nouvelle organisation. A l’aide des fiches de poste nous redéfinissons les tâches quotidiennes en vue d’améliorer les prises en soins des résidents. Le but est d’individualiser les soins pour éviter une organisation taylorienne. Nos réflexions impliquent des changements au niveau des fiches de poste, de l’organisation journalière et de l’amplitude de travail établit sur 11H30 au lieu de 8H. Ce dispositif concerne autant l’équipe de jour que de nuit. La participation au projet est basée sur le volontariat. C’est pourquoi un courrier faisant appel aux agents volontaires est adressé à chaque professionnel des services EHPAD et USLD dans la perspective d’un test d’une durée de 3 mois au sein du service EHPAD. Un important plan de communication est mis en place par le biais de réunions de service et de notes d’information expliquant le sens de la démarche aux soignants. Tout comme les différentes instances telles que le CTE, le CHSCT, la CME, le Directoire et le Conseil de Surveillance et le collectif cadres, les soignants sont également informés de façon régulière de l’avancement du projet. Dès le départ, certains agents me confient leurs inquiétudes, leurs craintes et leurs angoisses vis-à-vis de cette nouvelle organisation. Il s’agit également des agents qui sont appelés à changer de service. MON CHEMINEMENT : A travers ce projet, j’accompagne au plus près l’équipe à ce changement d’organisation. Il permet de me positionner en tant que faisant fonction cadre de santé et de collaborer avec les différents acteurs du projet. De plus, la conduite d’un projet aussi attrayant me demande de la rigueur, de l’écoute et de la disponibilité. Cependant, je n’ai pas tous les outils et toutes les compétences requises pour mener à bien cette nouvelle organisation, ce qui provoque chez moi des craintes. Néanmoins je suis épaulée durant cette période par la Directrice de l’établissement et le cadre supérieur de santé qui me conseillent, me guident et me soutiennent dans ce changement d’organisation. 10 Avec du recul et au vu de cette expérience, le choix de mon thème de recherche et ma question de départ s’énoncent comme suit : En quoi le management du cadre de santé favorise-t-il l’accompagnement des équipes au changement ? De cette question de départ découlent plusieurs interrogations: Comment le cadre de santé peut-il accompagner une équipe dans un changement non basé sur le volontariat ? Pourquoi le changement des pratiques et des habitudes professionnelles peut-il être ressenti comme stressant ? Pourquoi le changement peut-il être vécu comme anxiogène ? Pourquoi certains professionnels résistent-ils au changement ? Est-ce que la communication est un atout dans l’accompagnement au changement ? Pouvons-nous dissocier le changement de la communication ? Grâce à ces constats et à ces questionnements non exhaustifs, j’émets la problématique et l’hypothèse qui suivent : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE : Ma problématique est la suivante : En quoi le cadre de santé peut-il faciliter le changement dans les équipes ? L’hypothèse que je veux vérifier est la suivante : En EHPAD, le cadre de santé favorise le changement en communiquant avec les équipes. 11 CADRE CONCEPTUEL 12 2. CADRE CONCEPTUEL L’objectif de ce travail de recherche est de comprendre, d’appréhender, d’anticiper tout comme de mettre des « mots », sur des situations que je serai amenée à rencontrer dans mes futures fonctions de cadre de santé. Par ailleurs, ce travail me permet de prendre du recul, d’analyser et d’interroger mes pratiques. Pour mener à bien cette recherche, j’ai choisi de développer différents concepts en lien avec mon hypothèse. Ces concepts sont les suivants : le changement, la communication et le rôle du cadre de santé en EHPAD. 2.1 LE CHANGEMENT 2.1.1 Etymologie et définitions Le mot « changement » est polysémique. En effet, il a plusieurs sens. C’est pourquoi il est nécessaire de le définir au préalable pour comprendre les contraintes psychologiques et sociales qu’il engendre au niveau de l’individu. D’après le dictionnaire Le Robert, le changement se définit comme « le fait de changer, de quitter une chose, un état pour un(e) autre. Un état de ce qui évolue, se modifie » [1, p115]. Ainsi, le changement varie de sens selon les situations psycho-sociales. Gérard-Dominique CARTON (fondateur d’un groupe conseil centré sur l’ingénierie du changement et ses implications notamment en stratégie, mangement et ressources humaines. Formation universitaire en psychologie, en sociologie et en économie) se réfère au Grand Dictionnaire LAROUSSE en soulignant les désaccords sur le sens même du terme changement : « Action de remplacer une personne par une autre, ou une chose par une autre. Résultat de cette action. Action de quitter un lieu pour un autre, de laisser un état concret ou abstrait pour une autre. Résultat de cette action. Action de 13 modifier ou de se modifier. Résultat de cette action. Passage d’une situation à une autre » [2, p.19]. Il explique que le terme « changement » couvre à la fois des actions et leurs résultats. Il inclut des modifications concrètes ou abstraites portant sur des choses, des personnes, des situations. La notion de changement est alors utilisée pour certains au sens large et pour d’autres dans un sens précis. D’après, Gérard-Dominique CARTON, le changement, qu’il soit d’ordre individuel, collectif, personnel ou professionnel fait partie intrinsèque de la vie de l’humanité et de son évolution. Pour l’auteur, le changement représente une action modificatrice du système ou du comportement dont la vision du résultat dépend des perceptions de l’individu. « Certains trouvent que les choses ne changent pas, là où d’autres vivent de grands changements »[2, p.20]. Ces perceptions se construisent et se modifient en fonctions de plusieurs aspects : Notre cadre de référence (nos valeurs, notre vision du monde, la notion du bien et du mal, notre éducation) et de nos aspirations. La notion du temps et de son évaluation à la réalisation d’une action est différente en fonction des individus et de leur position dans le processus de changement (pilotes, pilotés). L’origine du changement (exogène, endogène ou les deux). Toujours d’après Gérard-Dominique CARTON, il est primordial de prendre en compte les facteurs humains face au changement. De plus, il explique que le processus de changement rompt l’équilibre instauré par nos habitudes et nos repères. Il est donc toujours déstabilisant car il remet en cause nos points de repère. Par ailleurs, pour David AUTISSIER (Maitre de conférences en management) et JeanMichel MOUTOT (Professeur en école de management), le changement est défini comme : « Une rupture entre un existant obsolète et un futur synonyme de progrès » [3, p.6]. Ils précisent que pour qu’il y ait un changement, il faut qu’il y ait une rupture significative des modes de fonctionnement. Par conséquent, si les conditions de travail et l’organisation sont transformées alors nous pouvons considérer que le changement est 14 une rupture avec nos modes de fonctionnement. Quel que soit le type de changement, il y a rupture des modes de fonctionnement. Chaque personne vit un changement lorsque cela impacte sa manière de faire, sa manière d’être. Ces deux auteurs précisent que c’est l’abandon d’un existant pour un futur, ce futur est soit inconnu, connu ou attendu. Dans l’existant, l’individu ne s’interroge pas en continu sur ce qui est fait et ce qui doit être fait. Il se cantonne dans ses habitudes, et cela lui procure un sentiment de sécurité et de confort. Cependant, le futur procure des envies d’évolution et d’amélioration. Le philosophe John DEWEY conçoit : « La théorie du changement comme la réplique opérationnelle, dans la vie quotidienne et le sens commun, du raisonnement scientifique expérimental : une question de recherche se pose, une hypothèse se forme, un plan d’expérimentation est dressé, des résultats sont obtenus qui sont évalués en fonction des objectifs de changement visés » [4, p.66]. L’auteur associe le changement au raisonnement scientifique expérimental et ses différentes étapes : identifier le problème, évaluer les obstacles ou les problèmes à résoudre, fixer des objectifs et un plan d’action pour obtenir les résultats souhaités. Enfin, selon Bernard VUILLEMENOT (sociologue), « le changement est un processus de passage d’un état A vers un état B. Il se matérialise par un déséquilibre entre l’existant et le futur c’est à dire entre le connu et l’inconnu, ce qui explique la peur du changement chez les individus » [5, p.3] Tous ces auteurs convergent donc vers la même idée : le changement s’accompagne de déséquilibre et perte de repères. Ainsi, en tant que futur cadre de santé, il me semble essentiel de prendre en compte ces facteurs inhérents au changement. Au travers de mes lectures, je constate qu’il existe deux types de changement. 15 2.1.2 Typologie du changement Paul WATZLAWICK, psychologue et théoricien dans la théorie de la communication, distingue deux modes de changements : Le changement de type 1 : « HOMEOSTASIE » Le changement s’opère à l’intérieur d’un système en vue de maintenir son équilibre. Ce système n’est pas modifié mais seulement régulé et engendre quelques adaptations. Dans une unité de soin, ce type de changement fait référence par exemple à la mise en place d’un nouveau protocole de soins. Le changement de type 2 : « EVOLUTION » Le changement s’opère par une modification radicale du système. Ce système est modifié et engendre une reconstruction de la réalité. Ce type de changement est observé dans le cas d’une nouvelle organisation de service, lorsque nous changeons les habitudes. Les origines du changement peuvent être différentes en fonction des situations. 2.1.3 Origines du changement Gérard-Dominique CARTON identifie trois origines du changement : Exogène : Le changement est extérieur à l’individu. Ce sont des dispositions politiques, règlementaires, économiques ou sociales. Endogène : le changement est intérieur à l’individu. C’est ce qu’il décide pour lui-même, ce qui le concerne. Mixtes : (exogène et endogène). La source du changement provient de l’extérieur à soi, nécessitant des ajustements à l’intérieur de soi. C’est le cas le plus fréquent lié au changement. L’origine exogène rappelle les notions des procédures dans les établissements. L’origine endogène est identifiée dans le cas où le professionnel diminue par exemple son temps de travail pour des raisons personnelles. 16 La mise en place d’une nouvelle organisation fait référence aux origines mixtes car le changement implique des transformations d’ordre exogène et endogène pour le professionnel. 2.1.4 Phases du changement Kurt LEWIN, fondateur de la psychologie sociale et l’un des pères de l’étude de la dynamique des groupes, définit le changement en trois phases : « LE DEGEL » : C’est une période de questionnement difficile, elle remet en avant les attitudes, les croyances et la culture. « LA PHASE DE CHANGEMENT » : C’est une étape où l’individu assimile une culture, des pratiques différentes qui lui sont étrangères. « LE REGEL » : C’est la phase de consolidation et l’extension de nouveaux comportements requis par le changement. Un changement est possible. Ce sont les individus qui opèrent le changement. Or, il faut tenir compte de la personnalité, de l’identité, des représentations, de l’implication de chacun. Ces éléments déterminent leur conduite face à un changement. Comme l’énonce une consœur : « Le changement des pratiques professionnelles ne s’invente pas, il n’est pas naturel, il ne se décrète pas, il se construit, il s’apprend, il se parle » [6, p1]. Véronique BERIA, (étudiante à l’institut de formation des cadres de santé, Aix en Provence). Les acteurs ont besoin d’en comprendre la nécessité, l’utilité et l’intérêt. Le changement s’apprend, se prépare car les individus ne peuvent modifier du jour au lendemain leur manière de voir le futur. 17 2.1.5 Intégration du changement Selon Gérard-Dominique CARTON, l’annonce du changement se décline en trois étapes. La nécessité : Les acteurs doivent avoir une vision claire de l’avenir, comprendre la logique et le sens du changement. L’expression des faits et des objectifs favorisent l’intégration des personnes. L’utilité : Le changement doit supposer des améliorations et apporter des bénéfices aux acteurs. Il répond au besoin d’obtenir un résultat. Si le changement est ressenti comme inutile par le groupe, il ne sera pas accepté. L’intérêt : « Ce qui est nécessaire et utile mais dénué d’intérêt pour un individu est le plus souvent difficilement acceptable » [2, p.32]. L’intérêt est le facteur le plus fort pour l’intégration d’un changement. C’est le levier de la motivation du groupe. Il implique le gain personnel « qu’est-ce que ce changement améliore pour moi, pour nous ? » [2, p.32]. Ces trois critères dépendent fortement des valeurs de chaque individu. La nécessité, l’utilité et l’intérêt d’un changement peuvent être évidents pour les uns et totalement inexistants pour les autres. Cependant, ces critères peuvent être utiles pour porter un nouveau regard face au changement. Au-delà de ces éléments, le changement s’élabore dans un climat de confiance. Lors des processus de changement, nous pouvons observer différents comportements de la part des acteurs. Les « proactifs » sont favorables au changement. Les « passifs » sont en attente d’un résultat probant, ils veulent être sécurisés. Puis les « opposants » sont contre le projet et dictent des arguments contre le changement, nous parlons alors de résistances au changement. Un processus psychologique se met en place lorsque l’individu est confronté à un changement qui ne correspond pas à ses aspirations. Ce processus est un phénomène inéluctable. 18 2.1.6 Cinq phases du changement Le processus de changement s’opère, chez toute personne, par cinq phases successives. L’intégration du changement qui est la cinquième phase ne pourra se faire que si les autres ont été déroulées. Le temps de chaque phase est différent en fonction des acteurs. Afin de mieux comprendre le passage de la situation « ancienne » à la situation « nouvelle », je vais m’appuyer sur les phases du changement décrit par G.D CARTON. Le refus de comprendre : Cette phase est considérée comme un réflexe. Sa durée est plus ou moins longue, elle dépend de l’ampleur du changement par rapport aux valeurs de la personne. Cette phase génère de la souffrance par de multiples incompréhensions entre les personnes convaincues du bien-fondé du changement et celles qui ne le sont pas. La résistance Phase indissociable de tout processus de changement indésirable. Elle est non seulement naturelle mais aussi utile, permettant notamment de filtrer le changement et le rendre objectif. La résistance se manifeste sous quatre formes : L’inertie : La personne se tait et table sur l’échec du changement. Elle ne change rien à ses pratiques. Elle espère que son indifférence au changement finira par entrainer la lassitude du porteur du changement. L’argumentation : La personne entre dans la discussion. Elle donne les arguments quant à son refus du changement. La révolte : La personne exprime sa révolte par le biais de la violence verbale, physique, provoque éventuellement une grève. La neutralisation, le sabotage : La personne cherche à démontrer la stupidité, voir la dangerosité du changement. D’un point de vue psychologique, la résistance permet à l’individu d’extérioriser ses sentiments, d’évacuer son stress face au changement. D’un point de vue opérationnel, elle permet une amélioration du changement au travers des argumentations. 19 D’un point de vue éthique, la résistance a toute sa place car elle est garante des changements qui seraient trop malhonnêtes ou malsains. D’un point de vue humain, elle est un filtre durant le processus de changement pour pallier aux risques d’abus de pouvoir. Ce qui démontre que la résistance est utile et nécessaire au processus de changement. La décompensation : Elle fait suite à la phase de la résistance. C’est une étape clef du processus de changement. Elle représente l’abandon de la résistance sous toutes ses formes et le commencement du travail de deuil de la situation antérieure. Elle se manifeste par les symptômes traditionnels de la dépression suivant la distance affective en rapport avec le changement. Elle peut durer de quelques minutes à plusieurs années. Mais la décompensation permet d’envisager la réalité sous un autre angle pour rendre le changement acceptable. La résignation : Cette phase correspond à l’acceptation du changement. La personne fait le point sur les avantages, l’utilité et l’intérêt du changement. L’intégration : Cette phase correspond à l’acceptation du changement. Deux niveaux d’intégration existent : Intégration conceptuelle : la personne a conscience de devoir changer, accepte l’idée de changer, reconnaît les aspects positifs du changement. Par contre, il ne met rien en œuvre. Intégration comportementale : Le changement est intériorisé. La personne passe de l’idée à la réalité, de la réflexion au réflexe. Elle abandonne ses anciennes habitudes pour de nouvelles. D’après Gérard-Dominique CARTON, David AUTISSIER, Jean-Michel MOUTOT, Kurt LEWIN et Bernard VUILLEMENOT, le changement est un processus long. Il ne va pas de soi au regard de divers obstacles dont le cadre de santé doit tenir compte. 20 On n’impose pas le changement, cela conduirait à des réactions agressives. Il est préférable de laisser du temps aux individus pour accepter les modifications impactées par le changement. C’est pourquoi, le changement doit être accompagné. Les acteurs ont besoin d’en comprendre le sens, la nature et les conséquences. Pour cela, l’information est essentielle quant à l’intérêt, l’utilité et la nécessité du changement. Les personnes concernées doivent bénéficier d’une vision claire concernant le processus de changement. Elles doivent être informées des motifs et des objectifs par le biais d’un outil indispensable qui est la communication. Le cadre de santé a un rôle primordial dans l’accompagnement au changement. Il doit soigner, et adapter sa communication afin d’orienter le changement dans le désir de changer. C’est la raison pour laquelle, je vais maintenant aborder le concept de la communication. 2.2 LA COMMUNICATION Bien qu’un acte quotidien, la communication est un système complexe qui met en jeu un ensemble d’éléments dont l’émetteur et le récepteur doivent tenir compte pour rendre ce processus efficace. 2.2.1 Définitions D’après le Dictionnaire LE PETIT ROBERT, la communication est définie comme : « Le fait de communiquer, d’établir une relation avec quelqu’un, quelque chose, échange de signes, de messages entre un émetteur et un récepteur. Action de communiquer quelque chose à quelqu’un, son résultat. Moyen technique médiatiques d’information et de publicité. Ce qui permet de communiquer dans l’espace, moyens de communication» [1, p.138]. 21 La communication est le fait de communiquer, c’est pourquoi il est nécessaire de définir le terme « communiquer ». Selon le Dictionnaire LE PETIT ROBERT : « Faire connaître (communiquer un renseignement), faire partager (Il nous a communiqué sa joie), transmettre (quelque chose). Être, se mettre en relation. Exercer les techniques de communication. Etre en rapport avec, par un passage (chemins qui communiquent) » [1, p.138]. L’étymologie du mot communication : du latin communicare signifie « mettre en commun », et de communis« commun ». Sociologiquement, « la communication est l'ensemble des phénomènes qui peuvent intervenir lorsqu'un individu transmet une information à un ou plusieurs autres individus à l'aide du langage articulé ou d'autres codes (ton de la voix, gestuelle, regard, respiration...) » [7]. Selon Claude SHANNON, un des pères fondateur de la théorie de l’information et de la communication, défini la communication comme « la transmission d’un message d’un endroit à un autre » [8, p.3]. Il est le créateur du schéma de la communication. Par le biais d’un graphique, il illustre le processus de communication comme la mise en relation d’un émetteur et d’un destinataire. Par ailleurs, Jean-Claude ABRIC, professeur en psychologie sociale, diffère légèrement la définition de Claude SHANNON. Pour l’auteur, la communication est « l’ensemble des processus par lesquels s’effectuent les échanges d’informations et de significations entre personnes dans une situation sociale donnée » [8, p.4]. Il détermine le processus de communication comme des phénomènes d’interaction produits par les échanges d’informations et de significations entre des acteurs sociaux. Pour lui, l’émetteur est en même temps émetteur et récepteur, l’émission et la réception sont simultanées. D’après, Georges MILLER, psychologue, la communication se définit ainsi : « Il y a communication quand nous voulons faire passer une information d’un lieu ou d’une personne à un autre lieu ou à une autre personne » [9, p.80]. Que ce soit d’un abord sociologique ou psychologique l’information fait partie du processus de communication. C’est pourquoi, il est utile de définir l’information : 22 D’après le Dictionnaire LE PETIT ROBERT, information signifie « Action d’informer, de s’informer. Ce qui peut être transmis par un signal ou une combinaison de signaux (message), selon un code commun » [1, p.379]. Au travers de cette définition, il semble important de différencier information et communication car si communiquer c’est informé, informer n’est pas systématiquement communiquer. En effet, d’après Didier ANZIEU, psychanalyste, et Jacques-Yves MARTIN, psychosociologue définissent l’information et la communication comme suit: « L’information est à la fois une opération (l’action d’informer) et un contenu (ce qui informe » tandis que la communication « est l’ensemble des processus physiques et psychologiques par lesquels s’effectue l’opération de mise en relation » [10, p.16]. Selon, Grégory BATESON (anthropologue), Erwing GOFFMAN (sociologue et linguistique) et Paul WATZLAWICH, Tous trois issu de l’école de Palo Alto, la communication est comme « un système à multiples canaux auquel l’acteur social participe à tout instant, qu’il le veuille ou non » [10, p.16]. Paul WATZLAWICH, théoricien en communication, énonce : « On ne peut pas ne pas communiquer »[10, p.16]. En effet, le simple fait, d’ignorer ou de ne pas répondre, donne l’information à la personne que nous ne désirons pas communiquer. Georges MILLER et Gérard-Dominique CARTON renforcent cette théorie. Pour eux, le silence et le fait de ne pas répondre sont des formes de communication. Pour revenir aux propos de Claude SHANNON, il illustre le schéma de communication comme suit : Un émetteur donne une information à un récepteur en utilisant un code commun grâce à un canal de communication. Le récepteur décode le message pour pouvoir le comprendre. Une boucle de rétroaction du récepteur vers l’émetteur, appelée feed-back, permet de contrôler, de réguler et de traiter les erreurs pour rendre le processus de communication efficace. 23 Le modèle SHANNON connu un grand succès auprès des linguistes dans les années 1963. A ce jour, ce schéma est encore utilisé dans les études de communication. Cependant Jean-Claude ABRIC émet deux critiques au modèle SHANNON. D’une part, il ne prend pas en compte que la communication est effectuée par des individus dont les facteurs psychologiques, les contraintes sociales, les systèmes de normes et de valeurs influencent fortement le processus de communication. Et d’autre part, il ne tient pas compte des problèmes de décodage des messages et d’autres facteurs qui impactent le processus. C’est pourquoi, je vais décrire le processus de communication en m’appuyant sur les études et les recherches des théoriciens, des linguistiques et des psychosociologues. 2.2.2 Processus de communication Les acteurs de la communication sont les personnes impliquées directement ou indirectement dans la communication. On distingue l’émetteur, la personne ou groupe de personnes qui émet le message et le récepteur, la personne ou le groupe de personnes qui accuse réception du message. L’émetteur est celui qui émet le message. Tout d’abord, l’émetteur choisi le canal, c’est la voie, le moyen de communication utilisé qui permet de transmettre le message tel que la discussion face à face, le téléphone, un e-mail, un fax, une lettre… Si le message est oral, il doit prendre en compte les attitudes de l’interlocuteur qui indiquent si celui-ci est dans de bonnes conditions pour recevoir le message. De même que le lieu où se déroule la communication. En effet, il y a certains messages qu’on ne peut communiquer en fonction de l’endroit où l’on se trouve. Par exemple, certaines informations ne peuvent être communiquées dans la chambre d’un patient. Effectivement, en fonction du contexte les règles de communication sont différentes. Le message est autre si nous nous adressons à un ami, un patient, un inconnu ou si l’émetteur et le récepteur n’occupent pas des positions sociales identiques C’est pourquoi, il est primordial d’utiliser le même code. Or, certains mots n’ont pas la même signification pour les individus. En effet, la façon de communiquer est dépendante de 24 notre cadre de référence, en fonction de nos valeurs, notre éducation, notre culture et de nos représentations. Par exemple, si un soignant parle d’un « pistolet » pour évoquer un urinal à un patient qui ignore le sens de ce mot, cela peut être un frein à la communication. Il faut que l’émetteur code son message avec clarté pour être compris par le récepteur. D’où l’intérêt que les deux personnes utilisent le même code, c'est-à-dire un langage commun. Le message est l’information transmise, le contenu de la communication. Le message peut être écrit ou oral, formel ou informel, verbal (langage) ou non verbal (geste, expression, intonation). Pour un maximum d’efficacité, le message traite un seul sujet à la fois. L’objectif de l’émetteur est de se faire comprendre. Il faut prioriser des phrases courtes, sans détails inutiles, claires, simples et concises. Le message est un ensemble d’informations et constitue l’objet même de la communication. Le récepteur est celui qui reçoit le message. Il centre son attention pour réceptionner efficacement le message de l’émetteur. L’interlocuteur a un travail de décodage pour comprendre au mieux l’information. Son cadre de référence peut influencer la réception du message. En effet, lors de cette réception se produit un filtrage de l’information. Ce filtre est d’ordres physique, sensoriel, socioculturel ou personnel. L’évaluation du message dépend du sens que nous donnons aux choses, suivant nos représentations, nos croyances, nos valeurs, … La réaction externe du récepteur dépend de sa réaction interne, c'est-à-dire qu’il agit suivant son ressenti. La perception du message comporte trois caractéristiques. Elle peut être partielle ce qui signifie que le récepteur n’entend pas, ne comprend pas ou ne prête pas attention aux informations. Sélective lorsque le récepteur fait des choix par rapports à ses sentiments et à ses centres d’intérêts. Et interprétative dans la mesure où la personne donne un sens au message en fonction de ses structures socio-culturelles. Le code est l’utilisation d’un langage commun entre l’émetteur et le récepteur pour que le message soit compris. En effet, suivant la façon dont est décodée le message par le récepteur, l’information peut être différente de l’information de départ. C’est pourquoi, le récepteur doit se centrer sur le locuteur et faire preuve d’ouverture d’esprit afin d’adapter sa communication en fonction de sa culture, de son éducation, de ses valeurs 25 et de ses comportements. Par contre, même si le code est commun, il se peut que la communication ne soit pas parfaite. En effet, les attitudes affectent autant la capacité de réception que la capacité d’émission. Le feed-back, rétroaction ou reformulation représentent l’étape finale du processus de communication. C’est la réponse du récepteur à l’émetteur. La communication est un phénomène interactif parce que l’émetteur reçoit toujours une réponse. Celle-ci peut être une parole, une attitude corporelle, un geste ou un silence. Le feed-back permet de se rendre compte si le message est compris. Si le récepteur n’a pas compris le message, il le verbalise ou le manifeste par des gestes non verbaux tels que des mimiques faciales comme par exemple un froncement de sourcils. C’est pourquoi on parle de communication dynamique car le récepteur fait part de son incompréhension. Il devient donc à son tour l’émetteur du message. La reformulation est utile autant à l’émetteur qu’au récepteur. Elle permet d’accentuer le message pour s’assurer de sa bonne compréhension. De plus, le fait de reformuler des propos donne la sensation d’être écouté, favorise l’envie de parler et créer un climat de confiance entre le locuteur et l’interlocuteur. Le contexte est tout ce qui entoure la communication et qui va avoir une influence positive ou négative sur les échanges : le lieu (exigu ou spacieux), les circonstances matérielles (température, le temps…), le climat psychologique (ambiance) et les facteurs sociaux (règles sociales). On qualifie de « bruit » les différents éléments du contexte qui imputent la transmission du message. Il y a les bruits techniques qui ont pour origine les perturbations sonores ou visuelles (couper la conversation, bavardage, un fort fond musical). Les bruits sémiologiques qui ont pour origine des différences de code entre les acteurs en situation de communication. Ils sont à imputer aux différences culturelles. 2.2.3 Facteurs influençant la qualité de la communication Les facteurs psychologiques, cognitifs et sociaux ont un rôle primordial en communication chez les individus. Il faut s’inspirer du modèle de Kurt LEWIN, maitre de la psychologie sociale, pour comprendre les comportements des émetteurs et des récepteurs en situation de communication. 26 Les facteurs psychologiques : Le fonctionnement psychologique d’un individu est soumis à un ensemble de forces. Elles peuvent être d’origine externe et donc issues de l’environnement, ou d’origine interne c'est-à-dire inhérentes à l’histoire de la personne. Ces forces créent des besoins qui engendrent eux-mêmes des tensions. Ce sont ces tensions qui vont induire le comportement de la personne. Les forces positives correspondent aux besoins d’accomplissement, d’atteinte d’objectifs et de réalisation. Elles créent des tensions positives qui conduisent à un comportement dit « d’approche ». Les forces négatives correspondent aux besoins de se détourner des individus, des situations, des évènements. Elles créent des tensions négatives qui conduisent au comportement dit « d’évitement ». Le comportement d’approche et/ou d’évitement d’un soignant, face au changement, permet au cadre de santé de se poser deux questions : Qu’est-ce que le soignant cherche à atteindre ? Et/ou Qu’est-ce qu’il cherche à éviter ? Pour exemple, si un soignant ne modifie pas ses pratiques professionnelles face à un changement d’organisation de travail, il adopte un comportement d’évitement. En outre, son objectif est que le changement échoue. C’est un comportement d’approche. Les facteurs cognitifs : Chaque individu a son propre système cognitif. Il va traiter une information en fonction de son mode de réflexion et d’organisation en lien avec son fonctionnement mental et intellectuel. Dans la communication, le système cognitif des locuteurs va déterminer le langage utilisé et l’interprétation du message. Cette interprétation dépend des représentations de chacun. Elles découlent de nos croyances, nos attitudes, notre éducation … L’émetteur tout comme le récepteur interprètent et décodent le message en 27 fonction de leurs représentations. Par ailleurs, l’interprétation peut différer de l’information contenue dans le message. C’est pourquoi le cadre de santé doit prendre en compte le système cognitif du soignant. D’une part par le biais du code qu’il utilise. D’autre part, en tenant compte des représentations de celui-ci lorsqu’il émet un message. Les facteurs sociaux : Le statut et rôle sociaux de l’émetteur ou du récepteur ont des conséquences sur la communication. Plus la distance sociale est grande, moins la communication est riche. C’est pourquoi le rôle du cadre de santé est essentiel car il est considéré comme le plus accessible aux yeux des soignants. Il est l’intermédiaire entre les équipes de soins et la direction et vice versa. On parle alors de communications verticales. On appelle « communications verticales descendantes », les informations qui proviennent de la hiérarchie et « communications verticales ascendantes », les informations qui cheminent de la base vers la hiérarchie. Nos représentations dépendent de nos attitudes. Dans la communication, les attitudes sont des éléments déterminants du climat relationnel et jouent un rôle important en ce qui concerne la qualité de la relation. 2.2.4 Attitudes de communication D’après Carl ROGERS, psychologue, Il existe cinq types d’attitudes en communication. L’attitude d’interprétation : L’interprétation est une attitude négative en communication. Elle est soit fausse soit juste. L’interprétation fausse ne favorise pas l’expression. Pour exemple l’émetteur s’arrête de s’exprimer puisqu’il perçoit que le récepteur ne comprend rien de ce qu’il a dit. L’interprétation juste produit le blocage maximum de la communication entre les acteurs de la communication. A plus forte raison si celle-ci est pertinente. 28 En situation de communication une telle attitude provoque de l’agressivité, détériore le climat relationnel et bloque les échanges. L’attitude d’évaluation : Qui dit évaluation, dit évaluateur/évalué et juge/jugé. Cette attitude consiste à formuler un jugement positif ou négatif par rapport à ce que la personne verbalise. Face à une évaluation négative, la première conséquence est le blocage de la communication. Par contre, on peut penser que l’évaluation positive favorise la communication. Or, elle induit chez la personne un manque d’authenticité car elle modifie ses opinions, ses sentiments pour recevoir des évaluations positives de la part de l’autre. L’attitude d’aide et de conseil : Qui dit conseil, dit conseilleur/conseillé et aidant/aidé. Cette attitude se révèle négative en communication car elle rend le récepteur dépendant de l’émetteur. Car l’émetteur est dans une posture de conseilleur et le récepteur dans une posture de conseillé. Le conseilleur canalise, induit et manipule l’expression du conseillé. Les solutions viennent du conseilleur et non du conseillé, sans prendre en compte son vécu par rapport à son problème. Or, cette attitude est bénéfique si nous sommes dans une position d’aidant, grâce à notre capacité d’écoute. Ainsi, l’aidé verbalise ses sentiments et ses points de vues face au problème. L’écoute l’incite à cheminer dans sa réflexion afin d’aboutir à des solutions qui lui sont propres. L’attitude de questionnement ou attitude d’enquête : Si cette attitude est trop prononcée, il existe un risque de réaction de gêne du récepteur, voire de refus car les questions sont vécues comme de l’indiscrétion ou de l’inquisition ce qui bloque la communication. L’attitude de compréhension : Cette attitude est la plus favorable pour améliorer les relations interindividuelles. Elle consiste à écouter et à réexprimer ce qui a été dit. Le récepteur qui utilise cette attitude manifeste du désir de communiquer, de comprendre l’autre, de le connaître. Il accepte l’autre tel qu’il est sans faire intervenir ses propres modèles. 29 Dans de nombreuses études, C.ROGERS a constaté l’importance capitale de l’attitude du récepteur sur l’avenir de la communication entre émetteur et récepteur. 2.2.5 Types de communication Suivant le nombre d’acteurs impliqués en situation de communication, il existe différents types de communication. La communication interpersonnelle : Il s’agit des échanges de personne à personne. La compréhension est la meilleure et la rétroaction est quasi-systématique. L’émetteur et le récepteur en relation interagissent l’un sur l’autre c'est-à-dire qu’ils exercent une influence réciproque l’un sur l’autre par leur parole, leur geste, leur comportement et donne ainsi le sens de l’échange. La communication de groupe : Cette communication implique la présence de plusieurs personnes. Un tel groupe est de taille limitée pour que les acteurs puissent se percevoir, interagir et communiquer. La communication de groupe est influencée par les processus de fonctionnement propres au groupe : sa taille, sa fonction, la personnalité des personnes, leurs rôles, les règles et normes de fonctionnement. On parle de « dynamique de groupe » pour désigner les phénomènes affectifs, émotionnels, d’implication, de motivation qui influencent toute vie de groupe. La communication de masse : Cette communication s’adresse à une vaste audience. Elle se déroule dans un espace public. Dans ce cas, les récepteurs sont plus nombreux mais la compréhension est considérée comme la moins bonne, car le bruit est fort. Elle dispose rarement d’une rétroaction. Cette forme de communication transite par des supports appelés « mass média » qui permettent la diffusion de l’information par la télévision, la radio, des affiches. Dans ce type de communication, chaque personne garde sa part de liberté d’interprétation devant les messages diffusés. 30 2.2.6 Enjeux de la communication D’après Marc LIPIANSKY, psychologue, « la communication ne se réduit pas à un seul échange d’informations. Communiquer, c’est aussi défendre une image de soi, chercher à influencer autrui, marquer son territoire » [11, p.13]. Il distingue quatre types d’enjeux, dans les relations interpersonnels. Les enjeux identitaires : Chaque acteur se positionne dans une relation. L’identité est toujours repérable dans l’énonciation de la communication. Si la place des acteurs est bien identifiée cela permet aux interlocuteurs d’éviter les malentendus, les conflits. L’enjeu identitaire est le moment où l’on engage l’image de soi. Par exemple, lors d’une réunion de service où le cadre de santé énonce la nécessité, l’utilité et l’intérêt d’un changement, son but est de garder la face, de ne pas être décrédibilisé par les soignants. Les enjeux territoriaux : Dans toute situation de communication, les acteurs dévoilent qu’ils le veuillent ou non une partie de leur personnalité et de leurs émotions. L’enjeu territorial correspond à la défense de son espace personnel par le maintien d’une distance (verbale ou physique). Les enjeux relationnels : La communication est le passage obligé pour entrer en relation avec une personne. Cette entrée en relation comporte des risques. En effet, si le récepteur n’a pas entendu ou fait mine de ne pas avoir entendu, il y a un risque de « non-réponse ». Lorsque l’émetteur n’a pas réussi à se faire comprendre et qu’il quitte son interlocuteur, il existe un risque « d’abandon ». L’émetteur et le récepteur campent chacun sur leurs positions. Le fait de ne pas être d’accord empêche la poursuite de la relation, c’est le risque dit de « blocage ». Il y a en outre un risque « d’intrusion » lorsqu’un autre acteur intervient dans la relation. Les enjeux d’influence : Dans certaines communications, chaque acteur cherche à influencer, à convaincre, à faire changer d’avis l’autre afin de le faire adhérer à son point de vue. Ces enjeux se basent sur deux stratégies : 31 - La stratégie de pouvoir : la personne instaure un rapport de force sur l’autre par la pression, l’intimidation. - La stratégie de séduction : la personne établie un rapport de complicité, de sympathie, d’attirance. La communication est un processus complexe qui va au-delà d’une simple transmission d’information. Dans la communication, il s’établit une relation dans laquelle les acteurs vont construire le sens du message. Communiquer n’est pas toujours facile, il faut que chacun accepte l’autre avec respect et sans jugement de valeur. La communication nécessite une adaptation et une réflexion par rapport à notre propre mode de communication. Le cadre de santé détient un rôle essentiel en matière de communication car il est au carrefour de l’information, qui plus est, lors de changement. Il fait parvenir les informations provenant de la hiérarchie vers les équipes de soins et transmet les idées et les demandes des professionnels auprès des supérieurs hiérarchiques. De plus, il transmet les informations contribuant au bon fonctionnement du service. C’est pour cette raison que j’ai choisi de poursuivre mon travail avec le rôle et les missions du cadre de santé. 2.3 LE ROLE ET LES MISSIONS DU CADRE DE SANTE Il faut préciser que la profession de cadre de santé n’est pas une spécialisation infirmière mais un changement de fonction. Le cadre de santé change son rapport en lien avec son métier d’origine, sa culture soignante de base et une nouvelle culture de manager. 2.3.1 Le cadre et ses fonctions Henry FAYOL, l’un des précurseurs du management, reconnait dans l’ouvrage d’Henry MINTZBERG cinq fonctions à l’encadrement : planifier, organiser, coordonner, commander, contrôler. 32 Pour Henry MINTZBERG, professeur en management, « le cadre est une personne responsable d’une organisation, ou d’une partie de celle-ci, dont le travail peut être situé à tous les niveaux de la hiérarchie, excepté le plus bas » [12, p.17]. Il lui définit dix rôles classés en trois catégories. Les rôles interpersonnels : le cadre comme symbole, agent de liaison et leader. Les rôles liés à l’information : le cadre comme observateur actif, porte-parole et diffuseur. Les rôles décisionnels : le cadre comme entrepreneur, régulateur, répartiteur de ressources et négociateur. Dans le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière, la définition du cadre responsable d’unité de soins (appelé cadre de santé ou surveillant) est : « Organiser l’activité paramédicale, animer l’équipe et coordonner les moyens d’un service de soins, médico-technique ou de rééducation, en veillant à l’efficacité et à la qualité des prestations » [13]. Les activités du cadre de santé décrites dans cette fiche métier consiste à contrôler, coordonner, encadrer, gérer, monter des projets, organiser, planifier. Selon Chantal de SINGLY, directrice de l’institut du management à l’EHESP retient dans son rapport une définition fonctionnelle des missions du cadre. Quatre missions principales se dégagent : - une mission de management d’équipes et d’organisations ; - une mission transversale ou de responsabilité de projet ; - une mission d’expert ; - une mission de formation [14, p.5]. Au vue de toutes ces notions, il est aisé de se rendre compte de l’étendue du rôle du cadre dans les fonctions qu’il exerce actuellement dans toutes les unités de soins. A ce stade, il est important de décrire les dimensions essentielles du cadre dans ses fonctions de management et d’encadrement. 33 2.3.2 Dimensions managériales Bernard VUILLEMENOT présente quatre dimensions pour manager une équipe. La dimension fonctionnelle : Le cadre cerne les missions et les activités de la fonction de management. Il se positionne dans l’organisation, la ligne hiérarchique. Ce que l’on attend d’un cadre dans une organisation, c’est une fonction d’encadrement. La dimension psychologique : Le cadre clarifie sa relation personnelle à l’autorité et se met au clair avec lui-même pour manager. Il fait passer ses valeurs en second plan pour suivre les directives et apaise les tensions intérieures entre ses aspirations et les exigences institutionnelles. La dimension relationnelle, managériale : le cadre passe du statut de collègue à celui de responsable. C’est pourquoi il est important de trouver la bonne distance relationnelle. Il identifie les différentes conceptions et pratiques du management dans le but de choisir le style de management approprié à la situation. Il a la capacité de s’adapter à toute situation. Le cadre établit des relations de travail confiantes et efficaces avec son entourage professionnel par la connaissance maitrisée des techniques fondamentales d’information et de communication. La dimension organisationnelle : Il guide son action par rapport à des objectifs à atteindre. Il mène des projets dans le cadre de l’amélioration contenue. Le cadre organise son travail personnel et gère les priorités. Après avoir vu que le cadre doit connaître les pratiques managériales dans le but d’adapter son style de mangement en fonction des situations, il est essentiel d’aborder maintenant les différents styles de management. 2.3.3 Styles de management d’après BLAKE et MOUTON Lors de son intervention à laquelle j’ai pu assister cette année à l’IFPS, Bernard VUILLEMENOT nous a exposé les différents styles de management. 34 Le management par les tâches : Ce management est dépersonnalisant, il abaisse les personnes au niveau d’instrument de production standardisée. Le manager ordonne à des subordonnés, dont seule la main en tant que vecteur de la capacité physique de travail, l’intéresse. Les aptitudes et les goûts des personnes sont ignorés. Dans ce style de management, il y a un intérêt maximal pour les résultats associés à un intérêt minimal pour le personnel. Le management est dit autoritaire. Le management par l’affectif : Contrairement au manager autoritaire, le manager porte ici une grande attention aux personnes. Il va installer son personnel dans un bon climat de travail. Le manager porte un intérêt maximal au personnel associé à un intérêt secondaire pour les résultats. Le mangement est défini comme amical. Le mangement par l’effort : Ici le manager en fait juste assez pour rester au sein de l’organisation. Il porte un intérêt minimal tant aux résultats qu’au personnel. Il est dit management démissionnaire. Le management par les objectifs : Le manager, dit participatif, conjugue un intérêt élevé pour les résultats et les personnes. Le manager est convaincu d’obtenir de bons résultats, tant en qualité qu’en quantité, à la condition de faire participer le personnel aux processus de décisions. Pour ce style de management, un haut niveau de résultats ne peut être acquis que par la collaboration d’hommes responsables, avec lesquels s’établissent des relations de confiance et de respect. Le management dit « administrateur » : Des résultats sont obtenus grâce à un équilibre minimum entre les exigences de l’organisation et le maintien d’un bon moral au sein de l’équipe. Il y a ici la conjugaison d’un intérêt moyen pour les résultats et les personnes. Bernard VUILLEMENOT précise que le management participatif, que l’on appelle aussi le management par objectifs, est celui le plus utilisé de nos jours. En effet l’idée 35 est de faire participer le personnel aux processus de décisions, en l’occurrence lors de changement. Mais le management ne dépend pas uniquement d’un type, il s’adapte en fonction des situations et des individus, c’est un management situationnel. C’est pourquoi devant la diversité de situations, il faut nuancer la façon de manager et individualiser le management. Devant les évolutions constantes, structurelles, économiques auxquelles font face les hôpitaux, le cadre de santé doit s’adapter et faire évoluer ses pratiques managériales. 2.3.4 Management situationnel Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, les évolutions structurelles et économiques obligent le cadre à faire évoluer ses pratiques managériales et à s’adapter à de nouvelles organisations, donc à des changements. C’est dans cet axe que le management situationnel s’inscrit. L’objectif du manager consiste à faire progresser le niveau de maturité de ses collaborateurs afin de développer leur autonomie dans le travail. Dans ce cas, l’autonomie est le croisement de la compétence (le collaborateur sait ou ne sait pas faire) et de la motivation (le collaborateur veut ou ne veut pas faire). La compétence est le reflet de la maturité professionnelle. C’est le niveau d’expertise de la personne dans une situation par rapport à son expérience antérieure, ses connaissances pratiques, ainsi que sa capacité à prendre des responsabilités, à s’organiser et à résoudre des problèmes. La motivation est le reflet de la maturité psychologique. C’est le niveau d’énergie que la personne est prête à investir dans une situation de changement par rapport à sa motivation pour réussir, sa persévérance et son autonomie d’action. La combinaison de ces critères permet d’identifier quatre niveaux d’autonomie de la personne: très faible, faible, modéré, fort. En fonction des situations et des personnes, le manager requiert des qualités de rapidité et de réflexes pour faire évoluer son mangement d’un style à l’autre. 36 Bernard VUILLEMENOT fait référence à Paul HERSEY et Kenneth BLANCHARD (experts en management) pour décrire quatre styles de management : Directif : c’est structurer, c'est-à-dire donner des consignes, détaillées, dire précisément comment s’y prendre. Vérifier immédiatement le résultat et faire un compliment Persuasif : c’est mobiliser, c'est-à-dire dire comment faire tout en encourageant, faire appel à la bonne volonté des collaborateurs en leur rappelant leurs compétences dans d’autres domaines, faire appel à leur sens du devoir et en cas d’erreur, les aider à faire mieux. Participatif : c’est associer, en clair en posant des objectifs clairs et les négocier avec ses collaborateurs, laisser des marges de manœuvre, des plages d’innovation, tout en vérifiant l’adhésion aux finalités du changement, par exemple. Délégatif : c’est responsabiliser, en délégant et en faisant le point sur les résultats. L’idée de ces styles de management permet au cadre d’accompagner ses collaborateurs dans un processus de changement. Par le bais de ces différents styles, le cadre adopte une posture visant à réaliser une démarche d’accompagnement, à susciter la réflexion sur les pratiques. Il met en place une collaboration des professionnels en mobilisant leurs compétences. Devant tous ces éléments l’une des compétences de cadre est de savoir communiquer. Cette compétence fondamentale est la communication. Dans le cadre de ma recherche, je m’appuie sur le rôle lié à l’information décrit par Henry MINTZBERG. Rappelons que la communication est un processus d’échange et de compréhension de l’information. Elle se conçoit comme l’action de transmettre quelque chose à quelqu’un, le fait d’être en relation avec quelque chose, quelqu’un. 37 2.3.5 Rôle du cadre lié à l’information Le cadre se situe au centre des flux d’informations, traiter de l’information est l’un des rôles clé du manager, cela représente 40% de son temps. Selon Henry MINTZBERG, le cadre joue trois rôles dans le domaine de l’information : Le rôle d’observateur direct : le cadre cherche et reçoit des informations qui lui permettent de mieux comprendre ce qui se passe dans son organisation et son environnement. Le recueil de ces informations lui permet d’identifier des problématiques liées à l’organisation de l’unité de soins, nécessitant des changements, on parle alors de recueil d’informations internes. Les informations proviennent des aidants qui expriment parfois leurs mécontentements par rapport à la prise en soins de leur parent, on parle de recueil d’informations externes. Le cadre va jouer un rôle important de diffuseur et de porte-parole en transmettant ces informations extérieures ou intérieures aux professionnels. Le rôle de diffuseur : le cadre diffuse les informations le plus clairement possible aux professionnels et réponds ainsi à leurs besoins. Si le changement émane de la direction, le cadre exprime clairement la nécessité, l’utilité et l’intérêt de ce changement. Le rôle de porte-parole : dans un changement, par exemple, le cadre est le porteparole envers l’équipe de Direction et vice versa. Le cadre a donc une position centrale entre la hiérarchie supérieure et l’équipe. Il suscite les échanges et fait en sorte que la communication soit efficace afin que chacun se comprenne. De lui va dépendre la fluidité de la communication qui intervient dans le climat de l’équipe, en l’occurrence en cas de changement. Alors, dans ce cas, c’est en communiquant avec l’équipe que le cadre de santé facilite l’accompagnement au changement. 38 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 39 3. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE A l’issue de cette partie conceptuelle, je vais maintenant décrire la méthodologie employée afin de réaliser mon travail de recherche. 3.1 CHOIX DE L’OUTIL L’entretien semi-directif est la méthode de recherche expérimentale choisie par l’équipe pédagogique de l’IFPS de Besançon ainsi que ma Directrice de mémoire. J’ai donc utilisé cette méthode. L’entretien semi-directif permet au chercheur de retirer de ses entretiens des informations et des éléments nécessaires à sa réflexion. Il se caractérise par un contact direct entre le chercheur et ses interlocuteurs. Il va permettre un véritable échange qui aboutit à un recueil exhaustif des discours. Cette démarche nécessite une réelle vigilance de la part du chercheur qui devra éviter que l’interviewé s’éloigne des objectifs de la recherche. Le chercheur doit être en effet attentif et recentrer, le cas échéant, l’échange sur le thème de la recherche. Il s’efforce simplement de recentrer l’entretien sur les objectifs chaque fois que son interlocuteur s’en écarte et de poser les questions auxquelles l’interviewé ne vient pas de lui-même, au moment le plus approprié et de manière aussi naturelle que possible. Pour cela, j’ai élaboré un canevas s’adressant aux cadres de santé, avec des questions préparées et des questions de relance, ceci afin d’orienter l’entretien sur l’hypothèse de travail sans exclure les développements parallèles. 3.2 POPULATION CIBLEE Pour réaliser ces entretiens, en accord avec ma Directrice de mémoire, il m’a semblé judicieux d’interroger des cadres de santé, mon hypothèse de recherche étant axée sur la communication et le rôle du cadre dans la démarche de changement. J’ai donc interrogé huit cadres de santé exerçant en EHPAD après avoir cibler cinq EHPAD, mon choix s’étant porté sur des établissements au sein desquels ces cadres de santé avaient eu récemment à mener un changement. 40 3.3 ELABORATION DU CANEVAS D’ENTRETIEN J’ai conçu ma grille d’entretien (cf. annexe p77) en fonction des thèmes à étudier pour ce travail de recherche et de mon hypothèse de départ. Pour ce faire j’ai établi une seule grille d’entretien à destination des cadres interrogés, construite autour de quatre grands thèmes : Les représentations du changement. L’annonce du changement, les méthodes, les stratégies et les techniques de communication utilisées. Les difficultés rencontrées. Le rôle du cadre et le management utilisé dans l’accompagnement au changement. 3.4 AUTORISATIONS D’ENQUETE Durant le mois de janvier 2014 j’ai sollicité l’autorisation d’enquête auprès des cinq EHPAD ciblés par un courrier adressé soit aux cadres supérieurs de santé, soit aux Directeurs des soins. Mon courrier mentionnait le thème de ma recherche et la catégorie de personnes que je souhaitais interroger. Le choix des cadres de santé s’est fait par les cadres supérieurs de santé ou les Directeurs des soins. Ces derniers ont adressés des e-mails à chacun d’eux pour leur préciser le thème de mon mémoire. Après accord verbaux, par courrier et/ou e-mail m’informant des noms et coordonnées des personnes à interviewer, j’ai pris rendez-vous directement par téléphone avec les cadres de santé des institutions. 3.5 DEROULEMENT DES ENTRETIENS J’ai effectué les entretiens du 24 février au 10 mars 2014. Ces derniers se sont déroulés à chaque fois dans les bureaux des cadres et durant leur temps de travail. Au début de chaque entretien, je me suis présentée, j’ai expliqué le 41 thème de mon mémoire et j’ai précisé le temps prévu pour l’entretien. J’ai en outre sollicité l’autorisation d’enregistrer les échanges afin d’assurer une retranscription fidèle tout en garantissant l’anonymat des personnes interrogées. Je n’ai pas rencontré un seul refus de la part des personnes interrogées. La durée des entretiens était comprise entre trente à quarante-cinq minutes. Tous les entretiens se sont déroulés dans de bonnes conditions. Tous les cadres ont soit coupé leur téléphone, soit effectué un transfert d’appel au standard. 3.6 RETRANSCRIPTION DES ENTRETIENS : J’ai retranscrit les entretiens dès leur réalisation. C’était un travail de longue haleine mais riche d’enseignement. J’ai eu besoin d’environ huit heures par entretien, cette retranscription nécessitant une attention et une concentration soutenues. 3.7 LIMITES DE L’ENTRETIEN : En dépit de mon manque de maitrise dans la conduite d’entretiens semi-directifs, j’ai trouvé cette façon de procéder très enrichissante. Malgré tout la principale difficulté résidait dans le manque d’expérience à mener de tels entretiens. Force est de constater que mes premiers entretiens n’ont pas été menés tout comme les derniers. J’ai appris à reformuler, à approfondir mon questionnement mais j’ai aussi pris conscience de l’importance de laisser les personnes s’exprimer. 3.8 CONDUITE D’ANALYSE : L’analyse débute par une lecture approfondie des retranscriptions. J’ai ensuite élaboré un tableau classant les caractéristiques de chaque interviewé ce qui m’a permis de situer l’opinion individuelle et de déceler la concordance de leurs idées tout au long des témoignages. Puis j’ai comparé les éléments de réponses de chaque cadre. Au final j’ai croisé ces éléments de réponses afin de parvenir à l’analyse thématique que je vous livre maintenant. 42 ANALYSE 43 4. ANALYSE Identification de la population interviewée : Pour permettre une lecture structurée et facilitante, les déterminants sociaux sont présentés sous forme de tableau. Afin de veiller à l’anonymat des huit interviewés, je les renommerai par les initiales de leurs professions respectives, suivies d’un chiffre par ordre d’apparition. Il convient de lire : CDS : Cadre De Santé. FFCS : Faisant Fonction Cadre de Santé. Caractéristiques des cadres de santé interviewés : CDS 1 CDS 2 FFCDS3 FFCDS4 CDS 5 CDS 6 CDS 7 CDS 8 Age 45 ans 54 ans 42 ans 38 ans 54 ans 37 ans 54 ans 52 ans Sexe Femme Femme Homme Femme Femme Femme Femme Femme Situation familiale Mariée 2enfants Mariée 2enfants Marié 2enfants Mariée 2enfants Mariée Mariée Mariée 2enfants Mariée 1enfant Année obtention du diplôme de cadre de santé 2005 2000 Faisant fonction depuis 2010 Faisant fonction depuis 2012 2003 2012 2010 2000 3 ans 26 ans 4 ans 2 ans 32 ans 1 an 27 ans 7 ans Ancienneté en gériatrie Au regard de ce tableau, je constate que : Il s’agit majoritairement de professionnels de sexe féminin : 1 homme sur 8, La moyenne d’âge est de 47 ans, avec une fourchette allant de 38 à 54 ans. 44 Six cadres sur huit ont été diplômés entre 2000 et 2012. Trois d’entre eux ont toujours exercé en gériatrie. Les trois autres cadres ont déjà occupé plusieurs postes en tant que cadre. Deux cadres de santé sont faisant fonction, l’un depuis quatre ans, l’autre depuis deux ans. Leur parcours professionnel concerne essentiellement la gériatrie. Ils tentent le concours de cadre de santé cette année. Les huit cadres interrogés appartiennent à la filière infirmière. Parmi les personnes interrogées, tous ont eu à mener un ou plusieurschangements. Pour deux d’entre eux, il s’agit d’un déménagement. Pour les autres, le changement est d’ordre organisationnel s’agissant soit une commande institutionnelle, soit une demande initiée par le cadre. Les huit cadres ont conduit un changement dans l’établissement où ils exercent encore actuellement. A présent, l’analyse des entretiens va se poursuivre à travers les thèmes dégagés de la retranscription et au regard des concepts menés précédemment. Les différents thèmes apparus de façons récurrentes chez chacun des cadres interrogés sont : la représentation du changement les méthodes et les stratégies d’adhésion au changement les difficultés rencontrées Le rôle du cadre de santé en termes de communication et de management. L’analyse va me permettre de vérifier ou non mon hypothèse de départ qui est la suivante : « En EHPAD, le cadre de santé favorise le changement en communiquant avec les équipes ». 45 4.1 REPRESENTATION DU CHANGEMENT Lors de mes entretiens émergent plusieurs représentations du changement : celles d’une amélioration, d’une évolution et d’un bénéfice pour le patient et l’équipe. Mais aussi celles d’un questionnement, d’une angoisse et d’une inquiétude. D’autres notions sont abordées telles que l’adaptation, la difficulté, l’inconnu et le sentiment de perte face au changement. Sur huit cadres de santé interrogés, cinq me parlent d’une évolution, d’une amélioration et de bénéfice pour le patient et l’équipe, lorsqu’ils ont eu à mener un changement. Mais ils me révèlent que le changement est aussi générateur d’angoisse et de questionnement. D’ailleurs, trois cadres verbalisent que le changement est une difficulté. Le changement comme une amélioration, une évolution, un bénéfice : Les cinq cadres de santé évoquent leurs représentations du changement comme une amélioration, une évolution, un bénéfice : Ainsi, CDS 1 dit : «… pour améliorer une organisation dans le but d’être plus efficace ». CDS 2 énonce : « C’est améliorer… changer aussi pour le confort des résidents et pour la qualité de service enfin la qualité aussi du personnel ». Pour le FFCDS 3 : « …l’intérêt du changement c’est pour répondre au bien-être des résidents mais aussi dans l’équipe ». FFCDS 4 dit encore : « Le changement doit être optimal autant pour les résidents que pour les soignants ». Le CDS 5 confie : « Je dirais une évolution pour accéder à du mieux ». Au regard de toutes ces réponses, il nous apparaît que le but du changement est d’améliorer et de faire évoluer les organisations. De plus, les cadres de santé prennent en compte les patients et l’équipe lorsqu’ils conduisent un changement. Toutefois, comme je l’ai évoqué précédemment, les cadres déclarent que le changement est générateur d’angoisse, de questionnement et difficile pour les équipes. 46 Le changement comme anxiogène et difficile : Le changement modifie les habitudes ce qui génère des inquiétudes et de l’angoisse chez les soignants. Pour le CDS 1 : « … c’est une modification de leur organisation qui va un peu plus les angoisser », «Un changement génère du stress chez les soignants… ». Ce cadre souligne également que le changement c’est l’inconnu et c’est pour cette raison qu’ il génère du stress : « on part d’une chose qu’on maitrise bien, qu’on connaît bien vers une phase, un état nouveau différent que l’on ne connaît pas encore très bien, qu’on maitrise dans les contours parce qu’on sait toujours là où on veut aller, mais sur le fond il reste des inconnus, on passe d’un état, je maitrise à un état je ne connais pas trop et je maitrise surtout pas ». Le FFCDS 3 aborde aussi cette notion d’inconnu face au changement, qu’il verbalise d’ailleurs ainsi : « En tant que CDS il faut avoir de l’humilité de reconnaître à un moment donné qu’il y a une inconnue et cette inconnue il ne la connaît pas plus que l’équipe ». CDS 2 précise : « Ils ont surtout peur lorsque ça touche leurs organisations, leurs habitudes ». FFCDS 3 dit : « Tout changement entraine une incompréhension, un questionnement ça bouscule les habitudes de vie ». CDS 5 confie : « Si le changement touche l’organisation, c’est toujours plus compliqué les personnes disent « Oh on faisait comme ça avant, c’était bien, pourquoi maintenant on veut changer ?» ». CDS 7 assure également : « …quand il y a changement il y a de l’inquiétude on va bouleverser les habitudes il y a du questionnement… », « … cette angoisse du changement… » Et pour CDS 8 : «… certains avaient peur ». De plus, certains cadres soulignent la difficulté de mener un changement : 47 Le CDS 1 mentionne que la plus grosse difficulté est de faire accepter le changement aux équipes : « La difficulté, c’est de faire accepter le changement ». Pour le CDS 6 : « … c’est la chose la plus difficile à mener dans un établissement ». CDS 7 précise : « Mais il est important de savoir que l’on aura une part de difficulté… ». Et pour FFCDS 3, il en est de même : « Il ne se fait pas sans douleur… ». A contrario, il assure : « Mais par contre tout changement entraine forcément néanmoins un bien être au niveau de l’équipe ». D’ailleurs il témoigne lors de nos échanges que cette notion de « douleur » est en lien avec la notion de perte :« Dans un changement, il y a la notion de perte ». Pourtant, l’ensemble des cadres interrogés ont mentionné l’aspect positif du changement. De plus, trois cadres verbalisent qu’actuellement le changement est inévitable que ce soit au niveau socio-économique, organisationnel ou physique. CDS 1 : « Il y a plus en plus de changement dans les services, on est dans le changement, dans le mouvement ». FFCDS 4 dit : « Le changement, il n’est pas quotidien mais quand même régulier et les équipes on les accompagnent fréquemment par rapport à tout ça ». De même CDS 8 ajoute que : « Le changement de toute façon est impossible qu’il n’existe pas. On est continuellement en changement. Puisque tout dans la société fait qu’on est en changement. Déjà même l’homme puisqu’il change au niveau physique, tout le contexte quel qu’il soit, social, psychologique à tout niveau de toute façon on ne peut vivre que si on accepte le changement sinon on est mort ; D’après moi ». L’ensemble des cadres de santé converge vers l’idée que le changement est une amélioration mais ce changement doit être aussi bénéfique pour le patient et pour l’équipe. Or, il s’avère qu’ils sont confrontés à des difficultés car ce changement est générateur d’angoisse qui affecte certains soignants étant donné qu’ils rompent avec leurs habitudes. 48 Les origines du changement sont différentes en fonction du projet. Elles proviennent, soit d’une injonction de la direction, soit d’une initiative du cadre de santé. Parmi les huit cadres interrogés, six ont mené des changements d’ordre organisationnel tels que la sectorisation de service, le changement d’horaires et la modification des fiches de poste. Ces changements sont menés à leur propre initiative. En outre, ils ont été amenés à conduire des changements résultant d’une demande de la hiérarchie comme la mise en place du dossier de soins informatisés ou la fusion de service. Deux cadres ont conduit un changement de restructuration de service dont un déménagement avec changement de lieu et d’organisation de travail. Pour mener à bien ces projets, le cadre doit posséder des compétences professionnelles en termes d’observateur, de planificateur, d’organisateur, d’animateur d’équipe. C’est pourquoi, je vais aborder les méthodes et les stratégies que le cadre de santé met en place pour faire adhérer l’équipe au changement. 4.2 PREPARER LE CHANGEMENT L’anticipation est primordiale pour mener à bien un changement. Le cadre prépare le changement. En effet, cela permet de donner du sens au projet pour que les soignants se sentent acteurs du projet. D’ailleurs le CDS 8 dit : « Il n’y a rien de pire que de donner un changement à quelqu’un sans qu’il le comprenne sans qu’il y mette du sens. Le but c’est de mettre du sens aux choses … ». De plus, cinq cadres de santé sur huit mentionnent que le changement se prépare en amont : CDS 1 : « Il faut se préparer au changement ». Pour le CDS 2 : « Le cadre réfléchit en amont à la stratégie, il faut être prêt ». CDS 5 dit : «L’étape de préparation, c’est une étape qu’il ne faut surtout pas négliger, parce que à mon sens, ça détermine la réussite du changement ». 49 CDS 7 : «… un changement ça se prépare dans le temps, en amont pour aider à appréhender le changement ». Et CDS 8 : « Il faut tout préparer… » Nous voyons à travers ces propos que l’anticipation et la préparation du changement sont importantes. C’est pourquoi, nous allons aborder la façon dont les cadres de santé ont procédé pour préparer le changement. En amont Quatre cadres sur huit m’expliquent le processus mené en amont. Cette préparation permet aux cadres de visualiser l’organisation à venir, de définir les objectifs et de réfléchir aux éventuelles solutions. Le CDS 1 procède à un état des lieux lors d’un changement d’organisation : « … moi je passe toujours par un stade d’évaluation, j’évalue, je regarde, j’analyse. J’ai une phase comme ça pendant un ou deux mois… ». Puis le CDS établit une trame et les objectifs : « Donc j’ai déjà un peu ma trame et j’ai déjà une idée sur quoi je veux travailler…. c’était mes deux objectifs ». CDS 2 : « on analyse déjà tout ce qui va pas et tout ce qui va, on fait déjà un état des lieux, le constat ». « Il faut beaucoup d’observation je pense pour le changement, observation… ». A ma question « Aviez-vous un objectif ?», le CDS me répond : « Oui, tel objectif mis en place, les dates… ».Puis, il a préétabli les solutions « Donc moi personnellement je sais où on va aboutir parce qu’on a des idées quand même, on sait ». « … voir les stratégies avant, les inciter à aller dans le même sens, enfin en poussant tout doucement (vers l’objectif) mais les laisser réfléchir ». Le CDS 5 me parle essentiellement de l’objectif à atteindre : « Déterminer les objectifs etc… pour qu’il soit accepté par le personnel ». Deux cadres ont procédé de manière identique. Le type de changement, qu’ils ont eu à mener est le déménagement de la structure impliquant un changement de lieu et d’organisation de travail. 50 CDS 7 : «… les fiche de poste qui étaient déjà préétablies, par toute une méthodologie d’organisation avec les outils qu’on a pu mettre en place avant pour déjà leur permettre de s’approprier l’inconnu et ce qui les attendait du jour au lendemain ». Le CDS 8 exprime : « Et puis bon j’avais retravaillé les fiches de poste aussi, je savais où je voulais arriver mais l’important pour moi c’était de bien tout structurer… ». La plupart des cadres s’entendent sur le fait que la préparation est primordiale dans un changement. Elle leur permet d’analyser une situation, de poser un objectif et d’anticiper les solutions. De plus, ce procédé permet de rassurer les agents face au changement. Or, le CDS 6 n’aborde pas cette étape de préparation, néanmoins il m’indique lors de l’entretien qu’il établit les objectifs et les solutions avec l’équipe : « J’ai dit (à l’équipe), partons de ce constat là… Qu’est-ce que vous voulez… Qu’est-ce qu’on fait concrètement… puis, on a déterminé des objectifs concrets». De plus, je constate que les deux cadres de santé faisant fonction n’abordent pas cette étape de préparation. D’où mon questionnement : Est-ce dû à un manque de formation ? Car je remarque que tous les cadres diplômés et expérimentés procèdent en amont par un état des lieux ou un constat pour préparer le changement. D’ailleurs, CDS 2 : « …j’ai quand même fait pas mal de formation à l’extérieur, ça m’a beaucoup aidé, gestion de projet, des choses comme ça avec l’analyse, tel objectif mis en place, les dates… ». Le cadre de santé a un rôle essentiel en amont du changement. C’est pourquoi, une formation est indispensable pour conduire un changement. Elle permet de s’approprier la démarche. Pour conduire un changement dans leur équipe ; les cadres interrogés informent les soignants. L’information est un moyen essentiel quel que soit le projet. 51 4.3 INFORMER Tous les cadres de santé interviewés s’accordent sur l’importance d’informer et d’expliquer le changement aux équipes. Pour la plupart d’entre eux, les informations et les échanges se déroulent lors d’une première réunion de service annonçant un changement. CDS 1 : « On fait une première réunion, moi je parle souvent lors de la première réunion, c’est la plus importante ».« Il y a une phase qui est très importante à mon sens, c’est la phase psychologique, c'est-à-dire qu’avant de faire un changement quel qu’il soit, il faut informer, en parler, il faut leur pointer les choses, leur faire comprendre (…) en discutant, les faire réfléchir ». Pour le CDS 2 : « On a fait une réunion générale par étage pour informer ». « Il faut prendre le temps d’expliquer le changement comme pourquoi on a fait comme ça, pourquoi on va faire comme ça, c’est vrai que ça prend du temps de mettre un projet en place mais je pense que c’est un bien-fondé ». FFCDS 3 dit : «Quand on annonce le changement… Il faut essayer à mon sens de démontrer l’intérêt du changement ». FFCDS 4 ajoute : « Le plus important c’est déjà d’expliquer, c'est-à-dire annoncer le changement aux équipes, l’expliquer c'est-à-dire en donner les raisons, expliquer aux équipes comment ça va se passer ». CDS 5 dit : « … mais si on veut que ça aboutisse (le changement) je pense qu’il faut bien préparer, expliquer aussi le pourquoi, (…) les choses doivent être posées, objectifs et actions clairs (…) et expliquer l’intérêt ». CDS 6 exprime: « Une réunion pour argumenter, donner le pourquoi du comment (…) poser clairement les choses, pour moi c’est la base… ». « Il faut expliquer le projet pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, de la clarté, des directives claires pour pouvoir aboutir au changement ». De même que CDS 7 : « des réunions très très régulières pour informer avec des bulletins d’information écrits …informations lors des relèves ». 52 Et pour le CDS 8 : « Expliquer que le changement est important (…) il faut l’expliquer et le rendre positif ». De plus, quatre cadres me soulignent que l’information passe aussi par différents biais, tels que les comptes rendus de réunions, les notes de service et lors des transmissions. Plus précisément les comptes rendus permettent de restituer le contenu de la réunion mais aussi d’acter les décisions qui en résultent. Ainsi, tout le personnel est informé au fur et à mesure de l’avancement du projet. D’ailleurs, CDS 1 énonce : « Je fais un compte rendu, vous le signez toutes donc ça veut dire que vous validez notre fonctionnement… ». CDS 2 dit : « …on fait des notes de service, on affiche tous les comptes rendus… ». FFCDS 3 cite: « Les informations se font par le biais des relèves, des réunions de service…. ». CDS 5 : « j’ai pour habitude de faire des écrits déjà comme ça les choses sont posées (…) donc je demande une relecture des comptes rendus aux soignants, au personnel et si ils sont d’accord, ils paraphent… ». Et, CDS 7 dit : « Toutes les informations étaient par écrits ou verbales, Ils n’avaient pas de surprise pour les agents, ils étaient informés de ce qui se passait ». Comme je peux le constater, tous les cadres ont consciences du rôle qu’ils ont à jouer dans le processus et la promulgation de l’information. Ce sont les principaux informateurs pour l’équipe. Tous les cadres interrogés informent les agents pour les aider à comprendre l’intérêt du changement. Mais l’information ne suffit pas, la communication est primordiale, notamment dans la transmission de l’information faite par le cadre. 53 4.4 COMMUNIQUER Lors de mes entretiens, je me rends compte que la communication est essentielle pour tous les cadres de santé. Mais, nous verrons ensuite que communiquer semble parfois complexe. Tout d’abord, CDS 1 : « La com. c’est super important et dans ces moments de changement, de gros changement, c’est vrai que nous cadre, il faut qu’on soit vraiment très ouvert, très disponible… » Pour CDS 2 : « La communication ça c’est hyper important », lors de nos échanges, elle le mentionne à quatre reprises. De plus, elle renchérit ainsi : « Oui, je pense qu’en étant cadre vous ne pouvez pas dire on change, on fait ça ça ça, c’est pas possible». Ensuite, FFCDS 3 : « Je pense que c’est difficile de changer dès l’instant où on ne communique pas ». « La com. a toute sa place dans le changement … ». FFDCS 4 ajoute : « La communication c’est essentielle… il n’y a pas de changement sans communication sinon on va à l’échec ». CDS 5 : « La communication c’est primordial, c’est primordial la communication », « c’est par la com. que l’on obtient beaucoup de choses ». « …je pense que sans communication, bon je ne dis pas que ça peut pas se faire mais c’est beaucoup plus compliqué et je pense qu’il y aura plus de problème moins de facilité (face au changement) ». Encore pour le CDS 6 : « La com. est la base de tout… ». CDS 7 cite : « …la communication c’est important, toujours communiquer, toujours donner des informations, être dans la pédagogie, expliquer… ». Elle renchérit durant l’entretien : « Elle (la communication) est capitale enfin à mon sens ». « Oui c’est en communiquant qu’on facilite le changement… ». Et pour finir CDS 8 : «…la communication c’est essentiel, essentiel…c’est primordial, primordiale de tout expliquer… ». Au travers des dires des cadres, je constate que la communication a une place importante pour accompagner le changement. C’est pourquoi, les cadres favorisent des 54 temps d’échanges avec les équipes pour s’assurer de leurs compréhensions par rapport aux éléments apportés sur le changement. En revanche, on peut s’interroger sur la pertinence du « tout expliquer ». A ce sujet, FFCDS 3 dit : « il faut montrer les avantages d’un changement, mais aussi les inconvénients comme tout projet à mettre en place ». Puis, FFCDS 4 cite : « …c’est important de tout expliquer, d’être transparent, de donner les raisons du changement ». CDS 5 dit : « …je pense qu’il faut une certaine transparence aussi qui passe par le biais de la communication ». Cependant, deux cadres me rapportent qu’il ne faut surtout pas de transparence. A cet effet CDS 6 dit : « Surtout pas de transparence parce que plus vous êtes transparent, plus les gens donnent leur avis, interprètent, retranscrivent et transforment ». De même que CDS 7 : « Il faut donner que la bonne information, l’information dont ils ont besoin pour se nourrir, en fait le contenu doit être contenu ». Ce qui m’amène à me poser la question suivante : est-ce donc essentiel de communiquer sur tout ? Deux cadres sur huit abordent les difficultés de communication CDS 1 : « Un des gros problèmes, et là, c’est plus compliqué, c’est un problème de communication… et ça génère du stress, des tensions mais parce que c’est un problème de mauvaise communication ». Pour pallier à ces difficultés de communication, le cadre organise une formation en communication pour faciliter les échanges. Nous avons vu précédemment que la formation fait partie de l’accompagnement au changement. C’est pourquoi le cadre propose une formation à l’équipe : « on va faire des formations parce qu’au niveau de la communication, on n’est pas bon ». CDS 7 dit : « C’est une réelle difficulté la communication… » Dans la partie conceptuelle nous avons vu que la communication est un ensemble de processus par lesquelles s’effectuent les échanges d’informations. Mais ces échanges d’informations sont traités par les individus en fonction de leurs représentations, leurs valeurs et leurs éducations. 55 D’ailleurs CDS 1 expliquent : « …il y en a un qui dit d’une façon, l’autre dit d’une autre façon, l’autre a compris encore différemment, chacun comprend un peu à sa façon ». Elle me fait part de sa stratégie en communication pour que les agents comprennent le changement : « … si elles n’ont pas compris pourquoi on faisait le changement, il faut revenir dessus, il faut reprendre les points qu’on a abordé (…) il faut rappeler sans arrêt les objectifs… ». CDS 2 : « …donc c’est bien que ce soit vous (le cadre) qui donniez l’information, que ce ne soit pas donné par personne interposée, c’est comme le jeu du téléphone arabe, des communications informelles, la rumeur…». CDS 5 dit : «… il faut communiquer, si il n’y a pas de communication je pense qu’il y a forcément des interprétations, des choses qui sont incomprises (…) si j’entends des trucs aberrants, ou contraires à ce que j’ai dit, je vais réexpliquer, je dis attendez il y a une incompréhension, voilà ce qui a été dit, voilà l’objectif… ». De même pour CDS 6 s’exprime ainsi : « …parce que entre moi ce que je peux exprimer et ce que l’autre comprend même si je lui dis en direct il y a un monde». Pour pallier à ces incompréhensions, il opère ainsi : « Moi j’essaie de réexpliquer un maximum les choses… ». CDS 7 renforce : « …je ne suis pas certaine que le message que je voulais livrer ce soit celui-là qui soit compris donc après quand je peux je fais reformuler ». Elle procède de la façon suivant pour être certaine que l’information soit comprise : « …je le dis sur plusieurs relèves, sur plusieurs interventions, je répète répète répète… ». Pour mener un changement au mieux et éviter les résistances, je constate qu’il faut insister sur les phases de préparation, d’anticipation et d’annonce du changement. C’est par le biais de l’information et de la communication que l’on peut obtenir l’adhésion des soignants et les faire participer dans ce projet. Pour que les soignants se sentent acteur du projet, le cadre de santé doit permettre la participation de chaque agent afin qu’il fasse part de leur idée, qu’il soit force de 56 proposition. Cela permet d’autant plus à la personne d’être impliquée dans le changement. C’est ce qu’indique Bernard VUILLEMENOT : « Faire participer : associer les utilisateurs dès le début du projet ; encourager leur participation pour à la fois enrichir la vision et faciliter sa mise en œuvre. »[5, p.11]. Dans un premier temps, le cadre s’appuie sur les personnes ressources. 4.5 S’APPUYER SUR LES PERSONNES RESSOURCES ET IMPLIQUER LES AGENTS Selon les cadres, cette démarche semble essentielle pour créer la dynamique de groupe lors d’un changement et donner l’occasion à toute l’équipe de participer et de s’exprimer sur ce sujet. FFCDS 3 dit : « Après, je pense qu’il faut déjà s’entourer de gens positifs (…) une fois qu’on fait intervenir ces gens-là c’est quand même les soignants qui parlent aux soignants et du coup derrière bien voilà les personnes se réinterrogent… ». FFCDS 4 déclare : « Dans un premier temps, il faut s’appuyer sur les personnes positives, puisqu’à un moment donné elles pourront être moteurs au sein de l’équipe, elles pourront renvoyer des choses et faire le relais entre le cadre et effectivement l’équipe en rapportant les propos du cadre ou en appuyant le discours du cadre ». CDS 5 exprime ceci : « Moi j’essaie déjà de rallier les gens qui sont pour, qui ont envie que les choses bougent, que les choses évoluent ». CDS 7 s’explique ainsi : « Mais si on n’a pas de personnes ressources, si on n’a pas de personnes moteurs on ne peut pas être dans le changement ». D’ailleurs, ce cadre insiste sur ce fait en ajoutant : « …j’utilise énormément les infirmières comme porteparole pour après apporter l’information au niveau de l’équipe ». Toutefois pour pouvoir « s’appuyer » sur des personnes ressources, il faut avant tout connaître les agents de l’équipe. Comme le dit CDS 5 : « …il faut déjà bien connaître son personnel.. ». Il est en de même pour le FFCDS 4. Et CDS 8 dit : «Je travaillais avec eux depuis trois ans du coup on s’était habitué les uns aux autres ». 57 Il est donc important de s’aider de ces agents qui sont de réelles ressources dans un changement et font avancer le projet. Ils sont à la fois moteurs et le lien avec leurs collègues pour communiquer les étapes du changement. Dans un second temps, le cadre de santé implique l’équipe au changement Je constate que pour les cadres interrogés l’implication des personnes et la prise en compte du facteur humain sont les éléments indispensables pour favoriser l’adhésion et pour mener un changement. De plus, certains cadres me font part qu’un changement ne peut se faire sans une équipe. Pour CDS 1 : « Ce qui est important dans le changement, c’est de ne pas le faire seule donc c’est vrai ça prend du temps parce qu’on implique l’équipe.. ». CDS 2 : « On les a complétement intégrés ». FFCDS 3 cite : « Donc pour moi intégrer les équipes c’est essentiel ». « Le changement ne peut se faire sans l’équipe ». Selon CDS 7 : « La participation des agents au changement ça facilite énormément ça aide à maitriser l’inconnue ». Par conséquent, l’implication et la participation au projet demandent aux agents une réflexion et une prise de distance quant à leurs pratiques. C’est pourquoi, les cadres proposent aux équipes des groupes de travail pour élaborer et conduire les soignants à trouver les solutions et les actions à mettre en place en lien avec le changement. Par ce biais les agents sont acteurs du projet. CDS 1 : « …ce que j’ai fait, c’est que je fais des groupes de travail ». CDS 2 dit : « On fait participer les gens pour le changement qui trouvent des solutions, qui réfléchissent… ». FFCDS 3 verbalise : « De part cette réflexion on a développé les axes d’amélioration sur la prise en soins de la personne âgée en EHPAD (…) c’est montrer aux équipes qu’elles sont capables de se réinterroger sur leurs pratiques et leur faire confiance». CDS 5 : « … des groupes de travail sur certains thèmes et ça permet aussi d’impliquer un maximum de monde, de soignants ». 58 CDS 6 : « On a monté un groupe de travail… ». De même que le CDS 8 me dit que des groupes de travail sont mis en place et que toute l’équipe est impliquée pour élaborer des fiches de poste, pour choisir le matériel, pour réfléchir et organiser le déménagement. A travers cette stratégie, le cadre de santé exploite la capacité du groupe et utilise les ressources comme levier du changement. Pour faire adhérer les agents au changement, il est essentiel de favoriser le travail en équipe. Les soignants doivent contribuer activement à l’élaboration des décisions. Leur implication dans la mise en place du projet permet de lever les résistances. Ainsi l’équipe ne subit pas, mais participe activement dans la dynamique de changement. D’ailleurs CDS 8 cite : « Je pense qu’il vaut mieux participer au changement que de le subir ». Néanmoins, elle demande au cadre d’avoir une perception objective des attentes de l’équipe. C’est ainsi que quatre cadres de santé me font part de la mise en place d’un contrat de fonctionnement. Celui-ci permet de poser « le cadre ». Pour CDS 1 : « Voilà après c’est vrai qu’il faut être très vigilant aussi, il faut un contrat moral avec les autres ». Les FFCDS expliquent également que le contrat de fonctionnement permet de poser des limites. Pour finir, CDS 6 dit : « Il faut des règles internes de fonctionnement pour mener le projet ». Au cours des entretiens, les cadres abordent la notion de la prise en compte du gain personnel de l’agent. De cette notion émerge « la politique du donnant-donnant » ou du « gagnant-gagnant ». CDS 1 : « Il faut faire des concessions, par exemple diminuer les entrées sur une petite période pour qu’ils (les soignants) se familiarisent avec la nouvelle organisation (…) c’est une politique de donnant-donnant (…) je trouve que ça marche… ». Lorsque je pose la question au CDS 3 :« C’est la politique du donnant-donnant que vous soulignez ? ». Elle me répond : « Oui, oh bien oui, moi j’y crois beaucoup… ». De même pour le CDS 6 : « Ah oui, complètement sinon vous n’avancez pas. Ça c’est obligatoire ». 59 FFCDS 3 : « Il faut tout de suite à mon sens travailler sur non pas la notion de perte mais sur la notion qu’est-ce que vous vous allez gagner, qu’est-ce qu’un résident va gagner ». CDS 5 dit : « …il faut dans le changement qu’il y ait quand même un intérêt je dirais, que le personnel y retrouve son compte, voilà. C’est un petit peu dans tout, c’est donnant-donnant. Donc s’ils y trouvent un intérêt, je pense qu’il y a de grande chance pour que ça marche ». CDS 6 :« Il faut toujours toujours appuyer sur l’intérêt personnel de l’agent. C’est un gros levier d’action ». Je constate que la prise en compte du facteur humain est importante pour les cadres. En effet, ils ont consciences que le changement doit être avantageux pour l’équipe en termes d’intérêt et de bénéfices personnels. D’ailleurs, la politique du donnant-donnant est une variante du gagnant-gagnant. Elle signifie je t’aide, tu m’aide [15]. Cette stratégie utilisée par les cardes a pour finalité, on est prêt à coopérer à condition que l’autre coopère également. De plus, Gérard-Dominique CARTON dit que « l’intérêt représente le critère de changement le plus décisif quant à son acceptation, car il concerne le gain personnel. Il est lié étroitement à la motivation des individus. Ce qui est nécessaire et utile mais dénué d’intérêt pour un individu est le plus souvent difficilement acceptable ». Je vais maintenant aborder les difficultés que les cadres rencontrent lors de changement. 4.6 DIFFICULTES RENCONTREES Lors des entretiens j’aborde cette question : « Avez-vous rencontré des difficultés ? » Sept cadres me répondent oui. Seul, CDS 8 me répond par la négative. Elle l’explique ainsi : « En partant du patient on arrivait à dire ben oui qu’il y avait une cohésion d’équipe parce que l’équipe aussi n’était pas individualiste, je n’ai pas rencontré de difficultés. L’équipe avait du cœur et quand elle travaillait c’était pour le patient ». Cependant, CDS 1 dit : « Le changement remet en question la cohésion d’équipe. Celle- 60 ci est fragilisée lors de changement, il faut prioriser un climat de confiance et de solidarité dans l’équipe et travailler en équipe ». Pour les autres cadres, les difficultés sont les agents qui sont résistants au changement. Or, les résistances doivent être un levier et non un frein au changement. Elles sont souvent l’expression d’une problématique mal définie par l’agent. L’ancienneté est aussi un facteur des résistances au changement. C’est pourquoi, l’écoute et les échanges permettent au cadre de santé d’identifier la problématique et d’y apporter des solutions. CDS 1 dit : « C’est chez les anciennes que ça coince, ça bloque, ce n’est pas évident de se dire bien oui je fais comme les autres, je me mets autour de la table et je me remets en question ». « Les résistants ne verbalisent pas, ils ne vont pas forcément dire les choses mais ils ne vont pas faire les choses, c’est un travail de communication, être sur le terrain pour qu’ils verbalisent leur mécontentement ». Lorsque ce cadre explique que l’agent ne verbalise pas et ne fait pas les choses. Je fais alors référence à une des phases de résistance dite d’inertie, ce qui signifie que la personne se tait et ne change rien à ses habitudes. CDS 2 : « Il faut prioriser la communication en cas de changement face aux agents qui n’étaient pas pour, on a discuté pourquoi ça n’allait pas ». FFCDS 3 : « Les personnels qui mettent un frein au changement ce sont les agents qui ont 15, 16…20 ans d’ancienneté » Pour FFCDS 4 : « Il y a des agents qui ont parfois des fortes personnalités et qui d’emblée s’opposent (…) c’est prendre un petit peu plus de temps avec ces agents-là. Faire preuve de diplomatie et puis voilà avoir une communication adaptée, dans l’écoute, se montrer disponible et puis essayer de les accompagner dans le changement ». Plusieurs difficultés émergent suivant les propos des cadres. Tout d’abord la notion de cohésion d’équipe. D’après le CDS 8, la cohésion d’équipe est la clé de la réussite du changement. Cependant, pour CDS 1, cette cohésion d’équipe est fragilisée. La stratégie de ce dernier est de solliciter le potentiel des agents en les responsabilisant et en les valorisant. D’ailleurs CDS 1 explique : « Vous êtes responsable, vous n’êtes pas que des exécutantes, vous avez des compétences et ces compétences là, ça donne des 61 responsabilités et c’est valorisant mais il faut savoir les exploiter et travailler en équipe ». Ensuite, il apparaît que l’ancienneté des agents est un frein au changement. En effet, ces craintes ressenties par « les anciennes » sont certainement dues à la perte des repères et aux changements d’habitudes. Les termes de résistants, de réfractaires sont mentionnés au cours des entretiens. Mais par l’écoute du cadre, les réfractaires verbalisent leurs points de vues par rapport au changement. Les opposants dictent leurs arguments contre le changement. Ils sont dans une phase de résistance dite d’argumentation. Ainsi, le cadre peut comprendre le véritable sens de l’opposition. Grâce à l’écoute et aux échanges, le cadre conduit les résistants à réfléchir aux opportunités du changement et rendre celui-ci positif. D’ailleurs, Gérard-Dominique CARTON cite : « Favoriser l’écoute réciproque, savoir écouter l’autre est le seul moyen pour pouvoir exiger d’être à son tour écouté…et compris »[2, p.112]. 4.7 PRENDRE SON TEMPS Pour cinq cadres interrogés, la notion de temps semble importante dans la mise en place du changement. L’être humain a besoin de temps pour comprendre, accepter et intégrer le changement. Ainsi CDS 1 dit : « Il faut laisser aussi les gens murir les choses donc il ne faut pas précipiter ». CDS 2 explique : « Si on va trop vite au bout de trois semaines on se casse la figure, ça ne va pas, on recommence, on s’essouffle et on a du mal à repartir ». FFCDS 3 dit également : « Un changement peut être d’apparence brutale, il faut essayer d’y aller mais progressivement (…) il s’effectue étape par étape ». FFCDS 4 dit encore : « il faut laisser un temps de réflexion pour que le changement prenne maturité dans les esprits ». Pour Finir CDS 5 : « Si c’est dans la précipitation, c’est plus compliqué et c’est une perte de temps et c’est pas bien accepté car il y a un sentiment de dévalorisation car ils sont pas consultés, pas écoutés, pas informés et ils se sentent mis à l’écart ». 62 Je remarque aux dires des cadres qu’un changement doit se faire progressivement ce qui est en accord avec les différentes étapes du processus de changement décrites par Kurt LEWIN. Je rappelle ces étapes : le dégel, la phase de changement et le regel. C’est pourquoi le facteur temps doit être pris en compte. De plus, chaque soignant est différent et chacun vit différemment le changement. Le temps permet aux agents d’adhérer au changement et permet au cadre de santé d’accompagner les équipes au changement. La dernière étape dans un changement est l’étape d’évaluation. 4.8 EVALUER L’étape d’évaluation lors d’un changement permet de réajuster les éléments qui ne correspondent pas à la nouvelle organisation. CDS 3 dit : « On teste pendant trois mois (…) et au bout de trois mois, il y a deux points qui faut modifier, dans l’ensemble ça a bien marché, ça a bien roulé, voilà ». CDS 2 : « …c’est réajusté le premier mois ; puis deux mois après…donc il n’y a pas eu trop de soucis ». FFCDS 3, FFCDS 4, CDS 6, CDS 7 procèdent de manière identique, c'est-à-dire instaurent des périodes de test suivies de réajustements. CDS 5 dit : « des périodes test avec des réajustements, ça sécurise les soignants et ça diminue les peurs ». En effectuant des évaluations, les cadres identifient ce qui fonctionne ou pas suite aux changements effectués. Ils peuvent alors réajuster afin que l’organisation devienne fonctionnelle. Pour eux, le changement ne doit pas rester figé et non réajusté. Cette étape d’évaluation permet aussi de contrôler si les objectifs du changement sont atteints et d’assurer la pérennité du projet. Pour accompagner le changement, le cadre de santé opte pour deux types de management. 63 4.9 MANAGEMENT UTILISE PAR LES CADRES Tous les cadres s’accordent sur le type de management utilisé lorsqu’il mène un changement. Ils priorisent le management participatif mais aussi le management directif. CDS 1 dit : «… c’est participatif, c’est on participe, je suis à l’écoute, j’entends, je prends en compte ce qu’on me dit et on fait ensemble mais après en tant que cadre, j’ai moi aussi mes objectifs et il faut que j’essaie de m’y tenir. Ensuite c’est du directif parce que je pense que quelque fois c’est nécessaire d’être directif, il y a des moments où on n’a rien à discuter ». CDS 2 : « Je pense que tout ce qui est changement, le management faut faire participatif, il n’y a que comme ça que ça marche ». Il ajoute : « Après, je pense que le cadre il ne faut pas non plus qu’il soit à leur petit soin, qu’il soit quand même un petit peu directif, c’est lui qui décide… ». FFCDS 4 dit : « Si on veut une collaboration qui soit la plus optimale possible, la plus efficace possible, il faut intégrer les équipes, plutôt un management participatif en posant des limites bien sûr (…) être directif car il y des règles des limites, on ne peut passer outre ». En lien avec la définition du management participatif évoquée dans la partie conceptuelle, je constate que malgré leur volonté de faire participer tous les agents au processus de décision, les cadres sont confrontés à certaines limites. Ils sont donc contraints à adopter un positionnement plus directif pour mener à bien le changement. Par contre FFCDS 3 : « Tu ne peux pas être, à mon sens, que dans un management participatif. Il y a un moment donné tu es là pour recadrer les choses (…) mais je pense qu’il faut vraiment composer avec les deux et puis ça dépend aussi des personnes que l’on a en face ». Il semble que le cadre de santé ne peut pas se référer uniquement à du management participatif mais doit utiliser un mangement situationnel. 64 En résumé, je constate que le cadre de santé pour mener un changement doit : Préparer et anticiper le changement : pour fixer des objectifs afin de mener à bien le projet, rassurer l’équipe et anticiper les difficultés. Informer l’équipe : pour aider les soignants à comprendre le sens du changement. Communiquer avec l’équipe : pour échanger, être en relation avec les agents et à leur écoute. Ceci permet la compréhension de l’information. S’appuyer sur des personnes ressources : une phase qui doit amener à l’adhésion du changement et une cohésion d’équipe. Impliquer les personnes et prendre en compte le gain personnel de l’agent : phase d’implication et de collaboration de l’équipe qui permet également de tenir compte des intérêts personnels des agents dans le changement. Prendre son temps pour mener à bien ce changement : respect de la durée des différentes phases de changement pour permettre aux agents d’accepter et d’intégrer le changement. Evaluer le changement : pour assurer l’atteinte des objectifs et la pérennité du changement. 5. CONFRONTATION AVEC MON HYPOTHESE L’objectif de cette enquête est de vérifier l’hypothèse de départ, déterminée à partir de mon questionnement en la confrontant aux résultats de celle-ci. Je rappelle ici son énoncé : « En EHPAD, le cadre de santé favorise le changement en communiquant avec les équipes ». Pour la plupart des cadres interrogés, la préparation, l’information, la communication, l’écoute sont des points importants dans la démarche de changement et dans l’accompagnement. Ces éléments permettent aux équipes de comprendre le projet et surtout de lui donner du sens. Le cadre de santé communique. Ce rôle est décrit comme primordial par tous les cadres interrogés, afin de faire comprendre et accepter le changement aux équipes. En effet, le 65 changement ne va pas de soi, il procure de l’anxiété même s’il est une source d’amélioration des organisations. Le cadre communique pendant toute la durée du projet de changement. La communication permet de diminuer les angoisses et les inquiétudes des soignants face au changement. La communication passe par les échanges entre le cadre et l’équipe. En effet, La participation des agents favorise ces échanges en les rendant ainsi acteurs du projet. Par ailleurs, l’écoute du cadre est essentielle car il est parfois face à des personnes réfractaires au projet. L’écoute permet d’identifier les « vraies raisons » de la nonacceptation du changement. Au travers de cette démarche, les agents se sentent écoutés et compris et peuvent à leur tour écouter et comprendre les raisons du changement. Il apparaît que la communication se révèle parfois difficile. En effet, les individus interprètent les informations suivant leurs représentations, leur éducation, leurs propres valeurs. C’est pourquoi le cadre opte pour la reformulation, la ré-explication et la répétition des informations pour que celles-ci soient comprises et assimilées. La communication est donc un outil indispensable et c’est un levier d’action au changement. Je ne peux donc confirmer que partiellement mon hypothèse puisque si la communication facilite l’adhésion des équipes au changement, elle n’est néanmoins pas suffisante. Il apparaît effectivement que la préparation du projet est aussi un facteur prioritaire et nécessaire pour mener un changement à bien. De plus, l’intérêt personnel des soignants est à prendre en compte d’où l’émergence de « la politique du donnant-donnant ». Si le changement est dépourvu d’intérêt pour les agents, il est susceptible de conduire à l’échec. 66 Toutes ces notions sont des éléments de réponse à ma problématique : « En quoi le cadre de santé peut-il faciliter le changement dans les équipes ? ». De par son attitude d’écoute et d’échanges, le cadre de santé prend en compte les idées des agents. Cela permet alors aux agents de s’impliquer et d’être acteurs dans le projet. En outre, le cadre s’adapte ainsi à chaque agent et les accompagne dans le changement. 67 ENSEIGNEMENTS TIRES 68 6. ENSEIGNEMENTS TIRES 6.1 SUR LE PLAN METHODOLOGIQUE Concernant les enseignements tirés de mon mémoire, je souhaite tout d’abord évoquer la méthodologie de travail qui m’a initié à la démarche scientifique. J’ai pu évaluer les difficultés liées à ce type d’exercice concernant la charge de travail et l’organisation rigoureuse nécessaire. Ce travail m’a également permis de développer une réflexion au regard d’une recherche bibliographique et d’une enquête sur le terrain. J’ai pu appréhender l’importance de la méthode de travail et je remercie mon Directeur de mémoire pour ces précieux conseils. Lors de la retranscription et de l’analyse de mes entretiens, j’ai trouvé très intéressant de comparer les discours des cadres entre eux. 6.2 SUR LA COMPREHENSION DU SUJET ETUDIE Ce travail de recherche m’a permis d’approfondir ma réflexion sur les thèmes du changement et de la communication. J’ai pu ainsi analyser ma propre perception du changement, me questionner sur mes expériences d’accompagnement au changement en tant que faisant fonction cadre de santé et mieux comprendre les réactions des agents. Ma rencontre avec les cadres de santé interrogés fut enrichissante. En effet, ces entretiens m’ont permis de mesurer la richesse des échanges d’expériences professionnelles. J’ai pu découvrir la représentation des cadres quant au changement, leurs stratégies, les méthodes utilisées et leurs rôles en termes de communication lors de l’accompagnement au changement. 69 Lors de ce travail, j’ai pris plaisir à traiter ce sujet ainsi qu’approfondir mes connaissances sur le changement et la communication, d’autant plus que le changement est omniprésent dans nos vies, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. 6.3 SUR LE PLAN DE LA FONCTION CADRE Au regard du travail réalisé et pour la première fois depuis ma prise de poste de faisant fonction, j’ai eu la possibilité de prendre du recul par rapport à mon activité quotidienne dans un service de soins. J’ai pu aussi me rendre compte du rôle essentiel qu’exerce le cadre de santé et de l’importance de la communication pour mener un changement. En effet, le cadre doit accompagner son équipe tout au long du projet en maintenant une communication efficiente et, ce, même lorsque les personnes sont réfractaires au changement. Ce travail m’a également permis de développer un mode de pensées plus efficace « observer, comprendre, agir » afin de sortir de l’activisme quotidien. 70 CONCLUSION 71 CONCLUSION Ce travail de recherche m’a permis d’approfondir mes connaissances sur le changement. En effet, ma recherche sur ce thème, les cours dont j’ai pu bénéficier lors de cette année de formation et les rencontres avec les différents professionnels ont élargi ma vision. Je pensais pourtant connaître le sujet pour avoir mené un « gros » changement en EHPAD. Le changement implique des remises en question en termes d’habitudes de travail et fragilise l’équipe. Le cadre de santé développe des capacités à communiquer et à échanger. Son aptitude à évaluer et à réajuster tout au long du processus de changement permet de valoriser les équipes. Le rôle de cadre est primordial dans un tel projet. Il doit prendre en compte la réaction de chaque agent et les accompagner et plus particulièrement les personnes réfractaires au changement. La capacité du cadre de santé à préparer, à organiser et à communiquer est la clé de la réussite d’un projet. De plus, l’implication des soignants favorise l’adhésion au projet par le biais d’un management participatif. En outre, par un management directif, il prend les décisions relatives au changement. Mon cheminement dans cette recherche avec le recul de l’activité de soins, m’a ouvert une réflexion autre. Cette approche théorique favorise la réflexion et l’ouverture d’esprit et me permettra une analyse approfondie des situations que je rencontrerai dans ma future fonction de cadre de santé, notamment pour mener des changements. En cas de changement dans les services de soins, je sais que l’étape de préparation est capitale pour mettre en place un projet. Je dois adapter ma communication en fonction des membres de l’équipe. Les échanges avec les soignants permettent de donner du sens au projet. La prise en compte du facteur humain est primordiale pour que les agents trouvent un intérêt personnel dans le changement pour que celui-ci réussisse. Face à toute la complexité que le fait de mener un changement engendre pour le cadre de santé et à l’impact que cela provoque chez certains professionnels, je me pose alors la question : « Le changement impacte-il l’identité professionnelle ? ». 72 BIBLIOGRAPHIE 73 BIBLIOGRAPHIE [1] Le robert de poche plus. Paris : Sejer, 2014, 1050p. [2] CARTON Gérard-Dominique. Eloge du changement. Paris : Pearson Education France, 2006, 256p. [3] AUTISSIER David, MOUTOT Jean-Michel. Méthode de conduite du changement. Paris : Dunod, 2010, 242p. [4] BAUS-MICHEL, ENRIQUEZ Eugène, LEVY André. Vocabulaire de psychologie. Ramonville Saint Agne : Erès, 2006, 590p. [5] VUILLEMENOT Bernard. Conduite du changement. IFPS Besançon formation cadre de santé 2012/2013, cahier n°13, 2013, 16p. [6] BERIA Véronique. Le changement : Quel enjeu pour le cadre de santé. Objectifs soins, cahier du management, Janvier 2004, n°122, pp.1-8. [7] TOUPICTIONNAIRE : le Dictionnaire de politique. LA TOUPIE. Disponible sur : http://www.toupie.org. (Consulté le 05/01/2014). [8] ABRIC Jean-Claude. Psychologie de la communication. Paris : Armand Colin, 2013, 185p. [9] COUVREUR Chantal. Sociologie et hôpital, approche sociologique de monde de la santé. Paris : De Centurion, 1979, 135p. [10] SOUHARD Gaëlle. La communication au service du management. Objectif soins, janvier 2005, n°132, pp.16-18. [11] CABIN Philippe, DORTIER Jean-François. La communication. Auxerre : Sciences humaines, 2008, 412p. [12] MINTZBERG Henry. Le manager au quotidien. Paris : Les éditions d’organisation, 1997, 220p. [13] Le répertoire des métiers de la Fonction Publique Hospitalière. Cadre responsable d’unité de soins. Disponible sur : http://www.santé.gouv.fr. (Consulté le 03/03/2014). 74 [14] SINGLY (de) Chantal. Rapport de la mission cadres hospitaliers. Septembre 2009, 124p. [15] AEBISCHER Jean-Yves. La communication.IFPS Besançon formation cadre de santé 2013/2014, cours dispensé le 16/04/2014. 75 ANNEXE 76 ANNEXE TRAME D’ENTRETIEN CADRE DE SANTE DETERMINANTS SOCIAUX Quel poste occupez-vous actuellement et depuis quand ? Age, situation familiale Sexe Ancienneté dans l’établissement QUESTIONNAIRE Pour vous, quelle définition donneriez-vous au « changement » ? Dans votre carrière de cadre de santé, avez-vous déjà accompagné un changement ? o Oui o Non Si oui, Comment avez-vous procédé ? De quels moyens avez-vous disposé pour parvenir au changement dans l’équipe de soins ? Avez-vous rencontré des difficultés ? Quelles stratégies d’adhésion avez-vous utilisées ? Comment qualifieriez-vous votre management ? 77 QUESTIONS DE RELANCE Plus précisément, les moyens ou outils dont vous avez disposé d’ordre humain, méthodologique. Qu’entendez-vous par « communication » ? Pour vous, quelle place à la communication dans votre métier ? Et lors de l’accompagnement au changement ? Comment avez-vous présenté le changement aux équipes ? Selon vous, quelles sont les stratégies de communication face au changement ? En quoi, la communication du cadre de santé facilite-t-elle l’adhésion de l’équipe ? 78 LE CHANGMENT, LE CADRE DE SANTE EN EHPAD ET LA COMMUNICATION… RESUME : Le changement est omniprésent dans notre société et l’hôpital est en perpétuel mouvement. C’est pourquoi, Il est important de s’interroger sur la dynamique exercée par le cadre pour favoriser l’adhésion des membres de son équipe à ces changements. L’objectif de ce travail est de vérifier l’hypothèse suivante : « En EHPAD, le cadre de santé favorise le changement en communiquant avec les équipes ». Pour ce faire, j’ai interrogé huit cadres de santé essentiellement en EHPAD. J’ai pu observer les différentes étapes pour mener un changement. Ce travail m’a permis de mettre en évidence le rôle du cadre dans l’accompagnement au changement, notamment en communication. La communication est un levier indispensable pour encourager et faciliter l’adhésion des agents dans une démarche de changement. Cependant, au regard de l’analyse des entretiens, mon hypothèse ne peut être que partiellement validée. J’ai découvert par ce travail que l’accompagnement au changement est également en lien avec d’autres paramètres. L’étape de préparation du projet favorise la réussite du changement. De plus, les notions de bénéfices et d’intérêt pour l’équipe sont des critères à prendre en compte pour que le changement aboutisse. Mots clés : Changement, communication, équipe, cadre de santé, écoute. 79 80