La gestion pénale des risques psycho-sociaux

Transcription

La gestion pénale des risques psycho-sociaux
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539
[1,r.s AlJl'l '. URS DU MOIS
En11na11u0l f)J\OUD, avocat au llarrcau de Paris depuis 1900,
il a exercé sa profession à Madrid et à Paris, 0(1 il a cofonclé le
cabinet Vigo (J associés en 2009. Il est également avocat à la
Cour pénale Internationale. Auteur cle nombreux mticles,
enseignant, il est aussi membre depuis 2004 du groupe
cl'action judiciaire de la FIDH.
Marie DE S(>l.J\NQ UES est spécialisée en droit p én al et
droit p énal des affaires. Elle est diplôm ée cle Sciences Pô
Paris cl de l'Université de Cergy- Po ntoise et est Inscrite au
llnrrcau cle Paris depuis 2000. Elle est collaboratrlcc au sein
clu cabinet Vigo depuis 2009.
Pc hnnn c GI IJ\l.EI 1- MJ\lli'.UJ\N est ma9lstrat, secrétaire général du
parquet général de la Cour de cassation c l secrétaire général du réseau clos
procureurs généraux près les Cours suprêmes des l'.tats membres clc
l'Union européenne. Ancien substitut placé auprès du procureur général de
Versailles, Il a é té magistrat au bureau de la législation pénale générale du
ministère de la Justice avant d'être chargé de mission et de cotiimunlcatlon
au1,irès du procureur général de Paris.
Jciln - Pmtl ,lEJ\N est avocat général près la cour d'appel
de Paris, ministère public aux cours d'assises. Professeur
associé à l'université de Poitiers, HDR. Il préside le groupe
des experts de la commission européenne pour l'efficacité
de la justice (CEPEJ) du Conseil de l'Europe.
Il est l'auteur de nombreux articles.
C lnuclc l(J\TZ est avocat Inscrit au Oarreau de Paris
depuis 1975, spécialisé en droit social et plus
particulièrement sur les risques psych osociaux. Il est
l'auteur d'un ouvrage Intitulé Victimes cfe /Jarcèlement
sexuel : se cldfcnclre (écl. Le Oord de l'Eau, 2007) et
d'articles se rapportant notamment à la dén onciation
calomnieuse (Gazette du Palais de 1994 et 2005) et au
harcèlement moral (AJ pénal). Il est lnte1ve11ant à l'ENM
sur les questions de discrimination.
Flavio I.E SUEUR est m agistrat; elle a exercé les
fonctions de substitut au parquet do Pontoise et Nanterre.
Vice-procureur au parquet cle Paris (section cle lutte
contre la délinquance économique et sociale, pôle santé
publique), elle traite depuis cieux ans les dossiers de droit
pénal du travail et de harcôlement moral au travail, dont
elle est référente au sein de la section.
Sél ncfrlne Pl./\CE est responsable de la « communication
sensible et de réputation management » au sein du
Groupe i&e depuis 1997. Juriste en droit des affaires el
formée à la London School of Economies, ello a débuté
comme consultant à l'agence Ourson Marsteller etl 1992
avant de prendre la responsablllt6 du service
communication d'un organisme public.
Stépl rnnc HO USSEL est directeur cles ressources humaines
du groupe Vivendi depuis 2009. Il a également exercé les
fonctions de directeur gén éral RH de SFR de juillet 2004 à
2009. De 1997 à 2004, il a évolué au sein du groupe
Carrefour, et de 1985 à 1g97, Il était en poste chez Xerox. Il
est diplômé de l'~cole des psychologues praticiens cle Paris.
Ont également collabor6 il cc 11111néro :
J ea n-Paul Céré. Militre de conférences à l'Université de Pau
.Je,1 n Danct, Avocat honoraire et maître de conférences à l'Université de Nantes.
Carole Gayet, Rédactrice codes pénal et de procédure pénale, Dalloz
Mattinc He1zog-Evans, Professeur à l'Université de l!elms
J<\rômc l.asscrrc Cnpclcvitlc, Maitre d e conféren ces à l'Université de Strasbourg
Sabrina Lavric, Rédactrice Dalloz
Jean-llaptlslc l'e trim, ATER à l'Université de Dourgogne
Sl éphilnlc Pradelle, Magistrat
l letvé Vlamyncl<, Commissa ire principal de la police n ationale
/\J
P611~l
Décembre 2010
:wrn
N° 12 .. Déce rnllre
b19 l'·: cfri:ori«~ l
522 /\u fl l du m ois
!J25 1)OSSÎC)Y' LA
GESTION PÉNALE DES RISQUES PSYCHO ~S OC IAUX
Prévenir les ri sques psycho··soclaux
en entreprise
par Stôphnno lloussol. ...................................!>26
Dénoncer ou témoigner de folts de
harcèlement mon1l : qu els risques
encourus?
pnr Clailclo l<ati( ..............................................!>?.'/
La gestion pénale des ri sques psycho ..
sociaux en entreprise
par Emnrnnuol Dnoucl fJ Mnrlo 1Josplnnques ...... .!i:S2
Ri sques psycho-socinux : une co mmunication sous contrainte, un manag ement
de la r éputation à appréhender
pi1r Sandrine Pince .................................................!i:S6
Harcèlement moral au trnvail :
le positionnement pragmatique
du parquet
pnr Flavio I.e Sueur ........................................!i?.9
539 PratiqU(!S
Le parquet européen : l'utopie devient+elle enfin réalité?
par Polmnne Ghnlch-Mnrxbnn .........................................................................................................!i:S9
La justice
pénal~
en Europe dans le rapport 2010 de la CEPEJ
pnr Jcnn-Pnul Jean .......................................................................................................................... ..!>42
54.5 Jurispru dence
VISITE ET SAISIE
Pérnil générnl
QUALIFICATION
Notion d'arme en Cils d'attroupement
Crlm. 9 juin ?.010, n° 09-0!i.'/6'1 ............................................................!>49
lnfrnc.lions
DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Application immédiate de la présomption de fausse té restreinte
Crlm. :ttl sept. ?.O.lO, n° 10· 00.'/1ll ........................................................ !.i!.i0
RISQUE CAUSÉ À AUTRUI
.
Précisions sur le caractère particulier de l'obligation violée
Crlm. ?.!>juin 2010, n• Q9.. U1..GG1 ..........................................................5!.it
VIOLENCE INVOLONTAIRE
Appréhension d'une faute caractérisée ayant indirectement permis la
réalisation du dommage à la place d'une faute simple
Crlm. ?.9 juin 2010, n° 09-0<l.'l:S!l .........................................................55:S
En l>rnf '
SPORT
Dissolution d'associations de supporters
cr: 1:i julll. ?.010, n• 3:füi!5i' ot n° :rnm~:~ .....................................55!.i
IJrocéclure pénale
/\MENDE
FOl~FAlli\IRE
Réserve d'intcrprétntion en mntièro d'amende forfaitaire
Cons. const. 2!> sopt. ?.010, n° ?.010·3U·QPC...................................!>55
DÉTENTION PROVISOIRE ET CONTRÔLE JUDICIAIRE
Caractère prioritaire de la question de constitutionnalité cl détention provisoire
Crlm. ?. sept. i!O.lO, n• 10-311.02'/ .......................................................... !i5G
Oécembro ?.O.IO
Précisions sur le recours contre la décision du JLD
autorisant une opération de visite et de saisie en
·
matière de concurrence
Crlm 0 sept. 2010, n° 09-04-467 ..............................!>5'/
l'.n hrof
CASSATION
Conditions de recevabilité du mémoire personnel
Crlm. '/ julll. ?.010, n° 10·0?..9ll9
et Crlm. ?.6 oct. 2010, n• :t0-ll5.%:S ...................!>59
EXTRADITION
La vie familinlc no peut empêcher une extradition
CE 11 juin ?.010, n° 33'1'1!.iit ...................................559
Exécution clcs peines
RÉTENTION ET SURVEILlJ\NCE DE SÛRETÉ
La première s urveillance de sûreté prend fin
JNHS 1" julll. 2010, n° 10/00100................................ !>59
SUSPENSION M~DICALE
La tabagie et l'existence de l'hôpital de Fresnes, obstacles
à la suspension médicale de peine?
Nimcs, chnp, 1!.i julll 2010, n• 10/001'/7...................!i6t
N° 12 ~ Décembre 2010
AMENDE
FO l~rAITAl l11:
EXCÈS OE VITESSE
11
CASSATION
M~MOIRE PERSONNEL
11
c 1 Rco N~;·rAN c 1:
AGGRl\VAN·n:
Constituti onnalité de lél procédure .............. .............................555
Conditions de reccvill>ilité .............. ...........................................559
ARME PAR 0Esr1N11r10N
11 Attroupemen t. .... ............................ ................................ ............ 5119
CONSl:IL DE l.'EUIWPE
Prntiques
Dl~ NON C ll\°l"ION CALOMNIEUSE
/\1>Pntc111r10N QU/\UT/\TIVE DES SYSTÈMES Juo1c1/\11u:s
11 Analyse compélrative ................................................................. 511?.
FllUSSET~
11
IJ ÉlENTION PIWVISOll~I :
QUESTION PRIOIUl"/\IRE DE
u
l:XTl~l\IJl"l'ION
DES F/\ITS
Loi pénal~ plus douce ...............................................................550
CONSTITUTIONN/\llT~
Procédure prioritaire .................................................................556
EXÉCUTION
11 Vie familiélle ...............................................................................559
FICI llER
EMPREINTES GtNÉTIQUES
11 Constitutionnalité ............................................................... ....... 545
1.01 PÉNALE
INCl!IMIN/\llON PLUS DOUCE
11 Dér:ipnciation calomnieuse ........................................................ 550
I'
MEsu1u:s DE
süru:TÉ
suRve1LLANce DE
11
sona~
Durée .........................................................................................559
PAl<QUET EUROPl~l:N l~MERGENCE D'UNE
Pratiques
PEINE
11
NOUVf. LlE
/\UTORIT~
Perspectives et difficultés de mise en œuvrc ......................... 539
SUSPENSION MlOICAlE
11
Urgence ...................................................... ................................ 561
Pl~A'l'IQUE l\N11 ~CO N CUR.RENïlELl.I: VISITE ET SAISIE
n
l<ISQUt: CAUS~ A AUTRUI
Recours contre la décision du JLD .......................................... 55'7
ÜOLIG/\TION DE
S~CURIT~
11 Traitements médicaux non adaptés ............................. ............ 551
l<ISQUES PSYCHO··SOC IAUX
GESTION P~NAlE
Dossier
11
Défense de !"employeur ............................................................ 532
Dossier
11
Dénonciation ou témoignage Iles risques! ..............................527
Difficultés de communica tion .. ................................................. 536
Dossier
11
Dossier
Dossier
Position du parquet ................ ................................................... 529
11 Préventi on ..................................................................................526
SPQlrf'
ASSOCIATION DE SUPPORTERS
11
11
VIOLEN CE INVOl.ON°l'AIRI·:
Dissolution ......................................................................... ........555
l·IOMICIDE INVOLONT/\IRE
11
Fau te caractéri sée ..... .................................................... ........... 553
Déccml>ro 2010
/\.) Pc!11al
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[))~~ ~~~(Q)QJ~ l~E:~~üYJtÔ)~~~(Cijr(UJ~
Prévenir les risques psycho-sociaux
en entreprise
par Stéphane Roussel ........................5?.6
Dénoncer ou témoign er cle fait s
de harcèlement moral :
quels risques encourus ?
par Claude /(atz................................... 521
Harcèlement moral au travail :
le positionnem ent pragmat iqu e
du parquet
par Flavle I.e Sueur............................. !i 29
La gestion pénale des ri squ es
psycho-sociaux en entreprise
/.es risques psyclw··sociaux qui recouvrent les discrimilw··
(·ions, harcèlements et violences dont les salariés pcuvcni·
é(Tc . vic:Umcs au point de se suidcler sont régulièm tn<)nt
sous les feux clc l'ac(tmmé. Il est admis que l'employeur est
suscepU/Jle cl'engag<H sa msponsa/Jilité dAns cc clamait 1c.
Qudlc approche pétw lc faut .. i[ envisager clélns la qcsUon rtc
ces risques ? De la gcs("ion préventive des risques il lél com ··
municél Uon clc crise, divers i1SfJ ec:ts pénaux sont a/Jorclôs :
l'évcntua/iM de p oursuffcs pour clénonc:i(lUo11 calomnieuse
en cas rie témoig1109c, la procédure suivie par le p«rquci·
clans cc type d'affaire ainsi que les argumcni·s clc r/Ncnsc
c/c l'employeur p oursuivi pé1wlcmcm i".
1wr Em1mmuel Daoucl
& Marle Desplanques ......................... 5.'12
Risques psycho-sociaux :
une communication sous contrainte,
un management de la réputation
à appréhender
par Sandrine Place ............................. !i3v
DéccmlJro 2010
/IJ l'<!nal
La gestion pénale cles risques psycho-sociaux 1 fD o:f}i<.~(c1r
Les éléments constitutifs du harcèlement moral habituellement visés
sont les stratégies d'isolement, la privnlion de lrnvnil ou les tracasseries destinées à en compliquer l'exécution, les sanctions ou
menaces de sanction, des reproches désobligeants ou injustifiés, les
propos agressifs ou vulgaires, les convocations ou courriers incessants, une surveill<mce continue et tatillonne, des humiliations
publiques, l'attribution de tâches dévalorisantes, la suppression
totale ou partielle des salaires, des menaces ou injures...
Concernant des faits de harcèlement moral de management, le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement le 7 juillet 20 10 à
l'encontre de la société SA Euronext Paris, qui est à l'heure actuelle
frappé d'appel, mais dont les motivations retiennent l'attention puisqu'il s'agit de comportements ayant conduit un salarié au suicide.
Les agissements, perpétrés rar plusieurs supérieurs hiérarchiques,
concernaient notamment un poste vidé de sa substance (mise à l'écart des tâches el prérogatives normalement dévolues à un poste de
directeur : signatures financières, plannings, congés des auditeurs,
recrutement de nouveaux auditeurs) et un changement de bureau
imposé avec brutalité constituant une rétrogradation non justifiée. Le
but des agissements était de foire disparaître avec le salnrié l'échelon parisien de l'audit interne (sans pour autant avoir souhaité le suicide, dont le lien de causalité avec les faits reprochés était en tout
étal de cause impossible à établir) : «c'est en toute connaissance de
cause que M. E.. en sa qualité de directeur de l'audit interne groupe
d'Euronexl NV, a sciemment mis en place une organisation et une
gestion des différents services de l'audit du groupe engendrant une
négation de l'échelon parisien, et par là, du poste de directeur de
l'audit interne occupé par M. D. ». Les prévenus, condamnés, ont
relevé appel et la cour d'appel de Paris aura à se prononcer.
Il est à noter <1uc d'autres qualifications pénales peuvent être retenues : les entraves, les violences volontaires, la mise en danger
d'aulrui ...ainsi que la poursuite de la personne morale en cos de
harcèlement moral de groupe, comme ce fut le cas pour la ~~cié t é
Euronext, sur le fondement de l'articla 121-2 du coda pénal (à la
demand e expresse da la partie civile en l'espèce). Les qualifications
de disc rimination syndicale et de harcèlement moral peuvent également se cumuler puisqu'elles sa nctionnent des intérêts distincts
(préjudice lié à la discrimination syndicale ayant freiné una évolution de carrière, préjudico propre consécutif au harcèlement moral).
salon una jurisprudence constante de la Chambre criminclla da la
Cour de cassation (par exernple, Crim. 6 février 2007, n° 06-02.601,
Bull. crim. n° 29, RSC 2007. 527, obs. E. Fortis; AJ pénal 2007. 1'/9,
obs. G. Royer ; RSC 2007. 0211, obs. A. Carf-Hollcnderl.
Enfin, las poursuites judiciaires peuvent être introduites sur citation directe da parties civiles, auquel
cas les anquêtas sont incxistantas (saur en cas da
classement du parquat après enquêta préliminaire)
et les dossiars raposent sur las seules pièces produites par las parties : les condamnations sont
moins fréquentes.
Le déroulement des audiences
L:audienca de harcèlement moral est toujours un
moment particulie1: Les mis en cause ou victimes.
pour lesquels la décision pénale ast lourde d'enjeux
humains mais aussi financiers, font souvent citer des
témoins, que ces derniers aient ou non été entendus
en procédure. Il n'est pas rare d'assister à des instructions qui peuvent durnr près do six heures, au
cours desquelles toutes les parties sont longuement
entendues at où les débats se révèlent intenses. La
HALDE peu t être consultée en cas da harcèlement
moral discriminatoire et même faire des observations.
Les condamnations rnstent souvent peu lourdes at il
ast rare que des peines d'emprisonnement nvec sursis soiont prononcées (elles le sont davantage en cas
de harcèlement sexuel associé). Les tribunaux prononcent on règle générale des paincs cl'omendas
dont une partie peut être assortie du sursis, néanmoins, la victime se voit reconnaitre comme telle et
l'objectif symboliqua du procès pénal est atteint.
C'est ainsi un positionnement pragmatique du'* parquet qui prévaut en matière de tra itament du contentieux du harcèlement moral. En tout état de cause,
la souffrance au travail ne pourra sa régler uniquement par les décisions de justice, le dialogue social
devra roslar maitrn, comma le prouvent les nombreux accords de traitamcnl da la sourfrance au travail qui sont conclus dans las entreprises (en application da l'accord-cadra sur la harcèlemant cl la
violenca au travail signé à Br.uxallas le 26 avril 2007),
las poursuites pénales ne devraient être réservées
quo pour les cas les plus significatifs.
LAGESTION
PÉ NALE DES RISQUES
PSYCHO=SOCIAUX EN ENTREPRISE
Il
pnr Emmanuel f>aoud fr Mario 1>csplnnqucs
/wocnts nu Oarreau de Paris
Lo gestion des risques psycho-sociaux en antreprisa est un sujet
d'une brûlante actualité. Il toucha tous las intervanants du monda de
l'entreprise par son universalité : tous les salariés, quels que soient
leur grade ot tour domaine do compétences, sont sujets au stress et
à la pression al sont donc suscaptibles d'en être un jour victimes.
Les risques psycho-sociaux peuvent être définis comme la dégradation de l'étal de sa nté physique ou mentale des salari és fi raison
das méthodes de gestion ou de management en place dans una
i\J 1'611o1l
fJéccml>ro P.010
entrnprisa. Ils sont donc le fait da comportements
individuels comme en matière de llélrcèlement moral,
ou do comportemants collectifs induits généralement
par la recherche da performance da l'cntroprisa, cl
qui peuvent avoir des répercussions néfastes, voirn
dramatiques, sur la santé physiqua ou mentale des
individus, allant du simple étnt do stress ou de
.déprime passager au suicida.
'
IP)gla~(<ll'
Les médins n'ont pas manqué de s'emparer du sujet,
prenant pour toile de fond les événements survenus
au sein de France Télécom (Orangel. Cette médiatisation du sujet s'est accompagnée de sa judiciarisation, puisque les contentieux relatifs aux risques
psycho-sociaux se sont accrus de façon impressionnante ces dernières années. Les salariés n'hésitent
plus aujourd'hui à poursuivre leur employeur devant
les tribunaux, juridictions civiles ou pénales, pour
obtenir la réparation de leur préjudice résultant des
fautes de leur employeur. Ce phénomène est tout à
fait nouveau, car si ces maux ont toujours existé, la
démarche contentieuse est plus récente.
Les vi ctimes saisissent noturellement les juridictions
prud'homales, notamment s'agissant du harcèlement moral. Les victimes peuvent également, s'il est
établi que leur employeur a manqué à son obligation
de santé cl de sécurité de résultat, ngir deva nt les
juridictions civiles et notamment le tribunal des
affaires de sécurité sociale, pour faire reconnaitre la
faute inexc usa ble de leur employeur.
S'agissant de la saisine des juridictions pénoles pour
juger des agissements, individuels ou collectifs, à
l'origine des atteintes à la santé des travailleurs,
celle-ci est de plus en plus courante aujourd'hui.
En effet. les employeurs ou toute personne (physique
ou morale) dont les agissements génèrent des
ris<1ues psycho-sociaux peuvent voir leur responsabilité pénale engagée. Toutefois la prévention permet
d'éviter la survenance de ceux-ci el, dans l'hypo·
thèse de leur réalisation, des solutions existent pour
con~.12ster la responsabilité pénale recherchée.
roHpon:..mbil.itô pôn alo
dO!j a utOUl'!J d o~; D~J Î S50 1Yl O l1tS
1 La
fl l.'ol'iH illo des r itHtunn
t.t!1yc_: ll o ~ s o <.: iu li>{
Le harcèlement moral
L.:employcur a une obligation d'assurer la protection
de la dignité et de la santé de ses salariés, obligation de résultat consacrée aux articles L. 4121 -1 et
suivants du code du travail.
Au regard du droit du travail, la survenance des
risques psycho-sociaux marque la méconnaissance
de cette obligation et entraîne la mise en cause de la
responsa bilité de l'employeur devant les juridictions
sociales. Les récentes décisions de jurisprudence
prononcées en matière de harcèlement moral ont
(l) Soc. 3 févr. 2010, n' 08·40. M4, Bull. civ. V n' 30 ; Soc. 3 févr. 2010,
n' 08-44.019, O. 2010. N. 44S, obs. J. COilot; Dr. soc. 2010. 472.
(2) Soc. 21 Juin 2006, n' OS·43.914; JCP S 2006, 1466, note C. leborgnelngelacre.
(3) Soc. 10 nov. 2009, n' 08-41.497, Oull. clv. V n' 248, ROT 2010. 39,
obs. F. Géa.
(~) l'arl. l. 1154 · 1 c. trav. lrnpose au défendeur de prouver que ks agissements qu'on lui reproche ne comlilucnl pas du harcèlement moral.
(5) Ctim. 8 Juin 2010, n' 10-60.570 ; C/\ Monlpclllet 25 mars 2010,
n' 08/0 1600.
(G) /\rl. 111 ·4 c. pén.
1 La gestion pénale des risques psycho-sociaux
1!;i:l:l
précisé l'étendue de l'obligation de résultat pesa nt sur l'employeur
en matière de santé et de sécurité des salnriés, allant jusqu'à faire
peser sur celui-ci une présomption de responsabilité dès lors que
des agissements de harcèlement ont été commis, quand bien même
l'employeur aurait pris toutes les mesures permettant de les faire
cesser 1• L.:employeur ne peut ni se retrancher derrière l'absence de
Inule ~. ni derri ère l'absence d'intention de nuire 3,
Les victimes de harcèlement moral onl donc intérêt à choisir la
voie prud'homale, pour obtenir réparnlion de leur préjudice, d'nutant qu'elles y bénéficient d'une inversion de la chnrge de la
preuve 1.
Il en va tout autrement devant les jurid ictions pénales, bien que
tout e perso nne puisse être
poursuivie et, le cas échéant,
/\u pé1rnl, il 11'existe <iucune
condamnée pour des faits de
présomptio n de preuve: pcs<t11 l
harcèlement moral, si les élésu r l'm1lcur du hé1rcôlrnne11l :
ments constitutifs de l'inlnicla charge de ln p rc1 1vc~ rcvit!nl
lion sont carnctérisés (la perl'<1ccusntio11. Il n' ex i s lc~ pas
i1
sonne poursuivie pouvant être
plus de présompliu 11
11011
à
l'employeur et/ou un salarié,
<l'inlenlion.
raison de ses agissements à
l'égard de l'un de ses collègues
ou à l'égard de son supérieur
hiérarchique).
Toul d'abord, il n'existe aucune présomption de preuve pesant sur
l'auteur du harcèlement : la charge de la preuve revient à l'accusation. La tâche de la victime présumée (partie civile) est donc
moins aisée que devant la juridiction prud'homale.
Il n'existe pas non plus au pénal de présomption d'intention. L.:élémenl ,intentionnel de l'infraction doit être caractérisé, au même
titre que les éléments matériels. La Chambre criminelle de la Cour
de cassation l'a rappelé récemment 5,
t:on est en droit de s'interroger sur ces profondes divergences
entre les juridictions sociales et les juridictions pénales au regard
d'une infraction qui, rappelons-te, est définie de façon identique
dans le code du travail et clans le code pénal.
La raison principale lient sans doute à la nature différente des
fautes que ces deux types de juridiction ont à connaître. En matière
de harcèlement moral, les juridictions sociales doivent apprécier si
les agissements reprochés à l'employeur constituent ou non un e
faute de nature à justifier l'indemnisation du salarié, que ce litige
soit propre ou qu'il soit abordé à l'occasion d'une procédure relative à la rupture du contrat de travail au bénéfice du salarié. Il s'agit
ici d'apprécier une faute au sens civil du terme. En application du
0
principe d'interprétation stricte de la loi pénale , les juridictions
reprochés n
agissements
les
si
apprécier
elles,
pénales doivent,
l'employeur, ou à toute autre personne, caractérisent une infraction pénale, en ses éléments matériel et intentionnel, pour laquelle
la sanction encourue est une peine (d'un an d'emprisonnement et
de 15 000 €d'amende) qui n'a rien de symbolique.
L.:enjeu est ici constitué par le carnctère lnlâma nt d'une condamnation pénale et son inscription au casier judiciaire, outre le risque
de réputation pour l'entreprise concernée. Difficile d'imaginer
qu'un « manager » puisse rester en place s'il a fait l'objet d'une
sanction pénale. En revanche, une condamnation par un conseil de
prud'hommes n'emporte pas, en général, ce type de conséquences. Le droit pénal serait-il plus exemplaire aux yeux des
directions des ressources humaines ou des directions générales
confrontées à ce type de situation ?
Les autres infrnctions susceptibles d'être
caractérisées
Le supérieur hiérarchique, et par extension la personne mornle, peuvent-ils voir leur responsabilité pénale engagée pour des inlrnctions
IJ6ccm1Jrc 2010
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L(I gestion pénale des risques psycho .. sociaux 1 IDX0N:fü1r
non intentionnelles (coups cl blessures involontaires, mise en danger
d'autrui, homicide involontaire), du lait de méthodes de ueslion et de
management des ressources humaines qui seraient directement à
l'origine de la dégradation de la santé de certains de leurs salariés?
L:articlc 1?.1-3, alinéa 3, du code pénal exige, pour que soient
caractérisées les infractions non intention nelles, la preuve d'une
Inule d'imprudence, de négligence ou de mnnquemenl à une obli9alion de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le rè9lement,
ayant directement causé le dornma9c.
Ainsi, la faute du supérieur hiéra rchique, tenant à ses méthodes de
management, aux instructions de politique commerciale, ou encore
il l'absence de considération de ses salariés, à supposer qu'elle ait
directement causé le « préjudice psycho-social », doit être constitutive d'une imprudence, d'une négligence ou d'un rnnnqucment à
une ohli9alion de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
S'ngissant de cette qunlilication pénale, la jurisprudence n'n pas
encore eu l'occasion de se prononcer, à notre connaissance, clnns une
espèce 0[1 un dommage psycho-social aurait été allé9ué. Mals l'on
peut se demander, au re9ard de la jurisprudence de la Chambre criminelle, si ln foule du supérieur hiérarchique tenant à des dysfonctionnements d'ordre général, peut être considérée comme un manquement à une obligntion prévue par la loi ou le rè9lement.
L:obligation de santé et de sécurité prévue à l'article L. 4121 -1 du code
du travail n'est sa ns doute pns sullisnmment précise pour permettre
d'engager la responsabilité de l'auteur de l'infraction en cas de
délaillance. Ln jurisprudence devra nous éclairer sur ce point.
Une récente alfaire donnera peul être l'occasion de préciser la
fau te d'imprudence. En elfel, suite au suicide d'un salarié de ln
société France Télécom, une information pénale a été ouverte au
printemps 2010 et la personne morale mise en examen pour
hnrcèlement moral et homicide involontaire par imprudence. !..:imprudence résiderait ici, entre autres, dans le fait que le salarié en
question a été subitement changé de poste pour deve nir CO['l)mercial, et qu'il s'est trouvé immédiatement confronté aux clients sans
avoir bénéficié de la formation habituelle des commerciaux durant
7 à B mois. Le salarié aurait clnlrement visé l'entreprise dans la
lettre expliquant son geste désespéré ; ses dires auraient été corroborés par le rapport d'un inspecteur du travail 7, •
Si la société France Télécom est renvoyée devant le tribunn1 correctionnel pour ces faits, l'occasion sera donnée aux juges de préciser l'étendue de la responsabilité de l'employeur en cas de suicide d'un salarié de la société mettant directement en cause les
méthodes managériales en place.
L.:on est cependant en droit de s'interroger sur les dérives possibles
à raison de cette judiciarisation des risques psycho-sociaux. Rap pelons que la mise en cause de ln responsabilité de la personne
morale nécessite qu'il soit établi que les foits ont été commis pour
son compte par ses organes ou représcntnnts o. C'est donc ln faute
de ses dirigeants qui induit la responsabilité pénale de la personne
morale. Pour retenir la responsabilité pénale de France Télécom
du chef d'homicide involontaire, il laudrail qu'il soit établi que les
fautes ont été commises par ses dirigeants, pour son compte, et
qu'elles sont ln cause directe du dommage, donc du suicide. La
condamnation de France Télécom reviendrait (si clic s urvenait) à
imputer directement le suicide du snlllfié à ses dirigeants, et donc
à écarter toutes les causes externes et personnelles qui ont pu
contribuer à créer la situation de désespoir dans laquelle se serait
trouvé le salarié concerné.
Ces dossiers sont d'une grande complexité el, lace à la détresse
des lamillcs, les juges ne devront pas oublier qu'un salarié est
avant tout un individu, avec sa personnalité cl ses difficultés personnelles, avant d'être le collaborateur d'une entreprise.
En tout étal de cause, la condamnation pénale d'un e personne
morale, y compris du seul chel de harcèlement moral, est susceptible d'nvoir des consé<111ences désastreuses sur l'image cl la réputntion de celle-ci. Le seul exemple de France Télécom (en l'état
AJ 1'611111
Dtccmllfo ?.010
seulement poursuivie) est à cet é9ard parlaitcmcnl
éloquent u. De plus, les relations sociales dans l'entreprise risquent de s'en trouve r altérées, avec un
climat de confiance dilficile à restnurci:
C'est pourquoi les entreprises doivent mettre l'accent sur les dispositifs de prévention. Ln vertu rejoint
ici l'cfficncité :
u d'abord, la protection des collaborateurs ;
u el ensuite, la protection de cet actif immatériel si
précieux, qu'est la réputation.
r.:1 J .or; rnoyo1rn tlont dispouo
l.'ompl. oyour pOlll' tc.~1 itrn ·
1.l' ÔVi i:oi · !Jll ln j ~j O r.t l C:iH IHH
pémnl.n
Les méthodes de prévention
des risques psycho .. sociaux
Le code du travail impose à l'employeur, dans le
cadre de son obligation de sécurit é de résultat, de
prendre « les mesures nécessaires pour assurer ln
sécurité et protéger la sn nté physique et mentnlc
des trava illeurs» (art. L. 1.1 21-1). L:employeur doit
prendre des mesures concrètes pour évaluer les
risques pour la sécurité et la santé physique el mentale de ses snlnriés, pour éviter ces risques et les
combattre dès leur apparition. Il dispose po~r ce
faire de l'aide de certaines institutions comme le
médecin du travail auquel il peut demander la communication de son rapport portant sur les risques de
l'étnblissemenl et des conditions de travail en
matière de santé (art. D. /i62/1-33). ou le comité d'hygiène cl de sécurité qui peut rénliscr des enquêtes
sur ces mêmes risques et qui dispose du droit
d'alerte en cns de survenance d'une cause de dnnuer grave et imminent (art. L. 1.131-?.l.
L.: employcur peut encore foire appel li des intervennnts extérieurs, pour identifier les risques en
amont. il peut ainsi faire procéder fr des audits des
risques par des entreprises ou cabinets spécialisés.
Cc sont là autant de moyens pour lutter contre les
risques psycho-sociaux el fovoriser le bien-être des
collaborateurs dans l'entreprise.
Au-delà, l'employeur doit bien évidemment instaurer
en interne des méthodes de gestion pour prévenir
l'apparition des risques. La mise en place d'une politique manngé1'ié1le basée notamment sur l'écoute, l'échange et ln valorisation du travail réalisé apparaît
essentielle. Le rôle premier en matière d'idcntificntion
des risques revient aux managers qui doivent pouvoir
identifier el signnler les moindres tensions dans·leurs
équipes. Pour cela, ils doivent hénélicicr de forma-
(/) Il eu Important Ici de pré<ile1 que, s·~glmnt d'une Information
pfoale, lu c!lc!menll du dossier sont couverll par le 1c<ret de l'ln1truc·
lion. Lei 1culc1 lnforrnatlon1 sur celle affaire pro•1lc11ncnt donc de la
pre11e.
(0) Art. 121· 2 c. pén.
(g) Il corwicnt de prc!cl1cr que la 10<ll!t6 fait l'objet de plu1leu11 pour·
1uites puisqu'une autre lnfo1matlon judiciaire aurait c!tl! ouvi!rte pa1 le
parquet de Paris des <hcls de harc~lement mo1al • rnana9c!1ial •.
llJAo;QI:iisH'
lions leur permettant de développer les qualités
nécessaires. Naturellement, l'exemple venant du
haut, il appartiendra à la direction générale de l'entreprise d'adopter cl d'impulser une politique exemplnirc en matière de ressources humaines.
La prévention des ri sques psycho-sociaux passe
aussi pnr la mise en pince d'outils concrets. Ainsi, n
titre d'exem ple, de nombreuses entreprises ont
d'ores cl déjà créé e n interne des groupes de
réflexion, instauré un numéro anonyme de soutien
psyc hologique ou un système de rélérents lavorisant
l'échang e et la communica tion.
!.'.employeur doit porter une attention toute pilrliculière aux conséquences que peuvent entraîner les
périodes de profonde réorganisation cl les restructu rations, lors des cha ngements de direction pnr
exemple, ou encore lors de la reprise d'une société. Il
doit s'assurer que les salariés bénélicienl d'un environnement de travail équilibré en dépit des turbu lences économiques, linancières et commerciales. À
cet égard, la récente condamnation par la 31•
chambre correctionnelle du lribunnl de grande instance de Paris de la société NYSE-Euronext et de
deux de ses cadres est signilicalive 10 • Les trois prévenus ont été condamnés à des peines d'amende
pour harcèlement moral, les foits qui leur étaient
reprochés ayant abouti au s uicide d'un salarié de la
société survenu en 2007 alors que la société était en
pleine phase de restructurntion. Les deux cadres
poursuivis, devenus les supérieurs hiérarchiques du
salarié suite à la réorganisation de l'entreprise, lui
auri)ient progressivement retiré toutes ses prérogatives, allant jusqu'à céder son bureau à un autre collaborateur, selon l'accusation e·t la partie civile. NYSEEuronext el ses deux dirigeants ont formé appel de la
décision et celle-ci n'est donc pas délinitivc.
L'.accord national interprolcssionnel IANll sur la prévention du harcèle me nt et la violence au travail,
conclu le 26 mars 2010 par les partenaires socia ux,
a lait quelques recommandations en matière de prévention des risques psycho-sociaux. Ce « code de
bonne conduite» suggère a ux employeurs l'élnboration d'une charte de rélére nce, dnns clwquc entreprise, énumérahl les engagements de l'entreprise
en matière de santé et de sécurité et les mesures à
prendre pour y parvenir.
Ces chartes de référence ou chartes éthiques se sont
largement développées ces dernières a nnées,
notamment auprès des grandes entre prises qui y
voient un outil de gestion fédérant les salariés autour
de certaines vnlcurs et/ou leur fixant un certain
nombre de règles de conduite à suivre dans l'exercice
de leurs missions. Elles permettent de rappeler les
obligations, issues de normes nationales ou internationales, pesant sur chaque membre de l'entreprise.
Il convient de soulign er que ces chartes élaborées
par les personnes concernées pourraient être interprétées lun jour par la jurisprudence) comme des
·------(lO) T. corr. PMil, 7 julll. 2010.
(11) Crlrn. 11 rnars 1993, Oull. crim. n• 11 2.
{l?.) Crim. 1" sep t. 2010, n• 10·80.376; Crim. 8 juin 20 10, n' 10 ·80.570;
CA Montpellier, 4 févr. 2010, n' 09/0 1535.
(13) CA Paris 13 dk 2004, n' Qll.'ll46SO.
(1 '11 Crim. I" sep!. 2010, n' 10·80.376.
1
La gestion pénélle cles risques psycho··Sociaux
obligations de !aire el servir de fondement à la caractérisation de
l'élément intentionnel si elles n'étaient pas respectées par leur
auteur:
l .es moyens de contester sa responsabilité
Avant toute chose, il convient de noter que le supérieur hiérarchique peut se dégager de sa responsabilité pénale s'il parvient à
prouver qu'il avait délég ué ses obligations en matière de sécurité
et de santé des salariés. Cette délégation est valable si la personne
qui en bénélicic dispose des compétences, de l'autorité et des
moyens nécessaires n. Mais il ne s'agit ici que d'un translerl de la
responsabilité et non d'une disparition de celle-ci.
Cependant, la responsabilité du délégataire en lieu cl pince du
délégant n'exclut pas celle de la personne morale. Ainsi, les foutes
commises par les dirigeants', leurs délégataires éventuels, ou tout
repré senta nt de la société,
peuvent engager la responsabil.cs fm1tcs coirnnises pé1r les
lité de ln personne morale s'il
dirigcm1ls, leurs délégél lélircs
est établi que les agissements
éventuels, o u l oul rcpréscnt<111l
ont été commis pour le compte
de la société, pcuvcnl c 119açJcr
de celle-ci lart. 121 -2 c. pén.l.
ln rnsponsubilité clc lu personne
Or, « pour le compte » n'immorale s'il est él nbli que les
plique pas nécessairement que
agissem ents ont ét é commis
la personne inoralc en ait retiré
pour le compte clr. cclle .. ci.
un intérêt financier ou un bénéfice : il sullit que les agissements aient été accomplis par
les ~irig ea nls dans le cadre de leurs fonctions, pour assurer l'organisation ou le fonctionnement de la société. Aussi, si des lautes
sont commises par de s représentants do la personne morale dans
le cadre de leur activité de management, la responsabilité pénale
de celle-ci pourrait être engagée. Le moyen le plus ellicace d'y
échapper est donc, une nouvelle fois, de redoubler d'cllorls en
matière de prévention des risqu es psycho-sociaux.
Si sa responsabilité pénale est néanmoins recherchée, l'employeu r
pourra notamment invoquer l'absence de répétition des faits en
cause : il n'y a en etret harcèlem ent moral que lorsqu e les agissements ont été répétés 11• Et ce, alors même que les agissements
répétés seraient intervenus sur une courte période •J.
Il pourra également tirer argument du délaut d'éléments de
preuve tirés du contexte professionnel de la victime. La Cour de
cassation ayant en eflel récemment rappelé qu'une décision de
culpabilité pour harcèlement moral doit reposer sur des éléments
concrets tirés du contexte prolessionnel de la victime, les juges du
fond ne peuvent déduire le harcèlement moral d'éléments issus du
seul vécu personnel de la sala riée 11. !.'.employeur devra également
s'attacher à contester la prétendue dégradation des conditions de
travail, tâ che qui lui sera sans doute lacilitéc si les fai ts sont peu
nombreux ou très rapprochés, puisque la dégradation des conditions de travail nécessite a priori une comparnison dans le temps,
entre les conditions de travail existant avnnl la slllvenance des laits
qualiliés de harcèlement moral, et ap rès les laits.
Enfin, en cas de mise en cause de sa responsabilité pénale, l'employeur pourra tirer argument de la réalité des outils de prévention
pour prouver l'absence d'élément intentionnel. Mais à l'inverse,
l'absence de réaction de l'employeur malgré les alertes de l'inspection du travail ou du médecin du travail pourront jouer en sa
défavelll: Dans l'aHaire France Télécom précédemment évoquée, le
principal gricl lait à la société est lsemble-t-ill de n'avoir pas tenu
compte des alertes du médecin du travail et des rapports de l'inspection du travail qui pointaient les risques pour la santé des salariés du département dans lequel est survenu le suicide. En cas de
condamnation de l'employeur, on peut penser que les juges tiendront compte notamment des dispositils de prévention mis en
DécomlJro ?.010