La drague sur internet

Transcription

La drague sur internet
La drague sur internet
(Elle s’assoit devant un ordinateur imaginaire)
Hé, les filles. J’ai trouvé un nouveau moyen de draguer : Les sites de rencontre par internet.
C’est géant.
Attendez, je vais vous montrer.
Je me connecte à un site. Mon pseudo c’est « Nunuche ». C’est les copines qui m’appellent
comme ça. Je sais pas ce que ça veut dire mais c’est joli comme nom. Hein ?
Avant j’allais en boîte pour faire le plein. Le problème c’est qu’il fait sombre et que tu
voyais la gueule du mec que lorsque tu sortais avec lui pour aller boire un verre. J’vous
raconte pas les trésors de diplomatie qu’il fallait déployer pour essayer de se défiler. « T’es
moche mais j’ai parié 10 euros avec une copine pour celle qui sortira avec le plus vilain.
Alors je veux pas prendre de risques ».
Tandis qu’avec internet t’as sa tronche avant de te décider. Ça évite les déconvenues.
Ah … un message. Faisons un petit clic. C’est un certain Hubert de Montamagaule. Ça
sonne le nom d’emprunt, ça. Qu’est-ce qu’il nous dit le fripon. Voyons … « Tu baises ? »
Non mais. Quel connard. J’vais lui répondre moi. Tu vas voir.
« Oui, mais pas avec les résidus de bidet. »
Un petit clic et en avant. Y’en a, je vous jure.
C’est vrai qu’on voit de tout ici. Une fois j’étais tombé sur un mec … Il était beau. Il m’avait
donné rendez-vous dans un café. Lorsque je suis arrivée je l’ai cherché des yeux. Il était pas
là. Je m’apprêtais à partir lorsqu’un type est venu vers moi et m’a dit. « C’est avec moi que
vous aviez rendez-vous. »
J’comprends pourquoi j’l’avais pas remarqué. On aurait dit son grand-père.
« Vous n’êtes pas ressemblante avec votre photo, qu’il a rajouté ce connard. C’est pour ça
que je ne vous ai pas reconnu. Pardonnez-moi mais je viens de me rappeler que j’ai oublié
de fermer le gaz. J’peux pas rester. Au revoir. »
Il s’est tiré et il m’a laissée seule dans le bar, devant mon café. D’accord j’avais mis une
photo pas très récente. Mais j’ai pas tellement changé en 10 ans quand même. Merde.
Ha … Encore un message. De qui qu’il est ? De « Gros poussin » ? C’est pas mignon, ça ?
Qu’est-ce qu’il dit « Gros poussin » :
« Tu suces ? »
Ben ça m’arrive. Je vais le lui dire.
« Parfois je suce des cachous. »
En voilà un qui est correct. C’est pas si souvent. Ah. Il me répond. Cliquons.
« Ton pseudo te va bien. »
Je vais le remercier.
« Merci. C’est gentil. »
Ah. Il me renvoie un message. Ça marche. Chouette. Qu’est-ce qu’il dit ?
« Tu veux sucer mes bonbons ? »
« Oui. Sauf si ils sont au caramel. Je suis allergique. »
C’est vrai. Quand j’étais petite je pouvais pas sucer des roudoudous. Ah. Voilà sa réponse.
« Connasse. »
Qu’est-ce qu’il lui prend ? On a une discussion sympa et le mec t’insulte. Y’a vraiment des
tarés. J’vais te lui répondre à ce con.
« Va t’faire sodomiser chez les papous … abruti. »
Voilà qui est fait.
Bon. Hé ben. C’est pas aujourd’hui que je vais décrocher un rendez-vous, moi.
Tiens. Un autre message. Le pseudo m’a l’air tentant : « Prince Charmant ». Cliquons pour
voir.
« Bonjour belle Princesse. J’aimerais me jeter à vos pieds. »
Ça c’est sympa. Il-y-a encore des hommes romantiques. J’en ai connu un comme ça. C’était
dans une société dans laquelle je bossais. Le mec, il était responsable des achats. Moi j’étais
secrétaire. Il n’arrêtait pas de me faire des compliments. Que j’étais bien coiffée, que j’étais
bien maquillée, que ma peau était belle. Un jour je l’ai invité au restau … avec une petite
idée derrière la tête … il m’a répondu « Je suis désolé, je préfère les hommes ». J’espère que
celui-ci n’est pas comme ça. Je vais lui répondre. « Mais jetez-vous, cher ami. Jetez-vous. »
Bien envoyé, hein ? Ah. Une réponse.
« Je brûle d’amour en voyant vos yeux si doux. »
Y’a des poètes quand même. Nous les femmes on ne reçoit pas assez souvent ce genre de
compliments.
« Que vous êtes galant. »
C’est de plus en plus rare ce genre de type. Ah. Il me répond. Merde. C’est Montamagaule.
Qu’est-ce qu’il veut.
« Tu aimes la levrette ? »
J’préfère pas répondre parce que sinon je vais être grossière. Ah … voilà mon prince
charmant.
« Je vous imagine dans un carrosse doré tiré par des chevaux blancs. »
(d’une voix pâmée) Ah … Comme c’est beau. Je vais répondre à son compliment.
« Je m’imagine dans vos bras … mon doux prince charmant. »
C’est beau, hein ?
Ah … Un message. Encore ce con de Montamagaule.
« Et la brouette de Zanzibar ? »
Qu’est-ce que c’est que la brouette de Zanzibar.
(Elle se tourne vers une spectatrice)
« Vous savez ce que c’est, vous, la brouette de Zanzibar ? »
Elle tend le micro à la spectatrice.
…
Elle reprend le micro.
« Vous non plus ? Vous voulez que je demande à Montamagaule ? »
Non ? Bon … Revenons à notre prince charmant.
Justement voilà un message.
« J’aimerais tant entendre votre voix. »
Je sais pas si je dois lui donner mon numéro de téléphone. Je l’avais fait une fois et la
première chose que cet abruti m’avait dit c’est « Tu baises ». Comment que j’avais
raccroché en le traitant de dégénéré. Mais mon « Prince Charmant » est un vrai gentleman.
Je crois que je vais lui donner mon numéro.
(Elle tape sur le clavier) (Elle s’adresse au public)
Messieurs. Je l’ai pas dit tout fort pour pas que vous notiez. Y’a assez de tarés sur internet.
J’vais pas faire un élevage non plus.
Ah … Un message … Merde, c’est encore Montamagaule.
« T’es à poil ? »
Intelligent comme message, hein ? La dernière fois que j’ai lu un message aussi con c’était
sur une profession de foi d’un candidat aux dernières élections municipales.
Bon … Il me téléphone, mon « Prince Charmant » ?
Ah … ça sonne. Je me passe un coup de peigne pour être plus belle. Voilà.
(Elle décroche) (Elle parle d’une voix chantante)
« Alloo ? »
« Prince Charmant ? Quelle bonne surprise. Je m’y attendais pas … Oui, c’est Nunuche …
Vous vous en doutiez ? »
(Elle laisse passer une seconde)
« Si je baise ? »
(Elle raccroche en colère)
« Merde. Y’en a marre d’internet. »
Elle fait semblant d’enfiler un manteau et de prendre son sac-à-main.
« Bon … J’vous laisse avec ces cons. Moi, je vais en boîte ».
------- o -------