Pérégrinations d`un prof esseur

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Pérégrinations d`un prof esseur
EXPATS / INPATS
Dossier spécial
HEC Paris, UCLA, Tulane New Orleans, University of
Western Ontario, HEC Lausanne, telles sont les sites-étapes
d’un enseignant-chercheur et de sa famille. Jean-Philippe
Bonardi, Vice-Doyen, évoque ses séjours en Amérique.
Pérégrinations d’un prof
Dans quel contexte êtes-vous parti en tant
que professeur expatrié et qu’est-ce qui
vous y a poussé ?
Interview de Jean-Philippe Bonardi
Vice-doyen de la Faculté
Professeur ordinaire
Département de stratégie
[email protected]
par Benoît Gavillet
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expérience a-t-elle modifié votre façon de
travailler et d’enseigner ?
Même si elle a été relativement longue,
Je suis en fait parti aux Etats-Unis alors je dirais d’abord que cette expérience en
que je finissais mon PhD à HEC Paris. Par Amérique du Nord a été très intense. Nous
l’entremise de mon directeur de thèse, Ber- n’avons pas vu le temps passer. Là encore,
trand Quélin, j’ai eu l’opportunité de faire un j’ai beaucoup appris sur mon métier d’enséjour de 8 mois à l’Université de Californie seignant-chercheur et ai considérablement
progressé dans ces deux doà Berkeley (plus précisément
maines.
à la Haas School of Business).
L’expatriation, surtout quand
J’ai donc quitté la France à ce
«Grandir
on visite plusieurs endroits, apmoment-là avec ma femme qui
en famille
prend aussi la flexibilité et la caétait enceinte de notre prefut un vrai
pacité à aller vers les autres. De
mier enfant. Nous ne savions
ce point de vue-là aussi, cette
pas alors que nous resterions
plaisir »
expérience m’a beaucoup fait
plus de 10 ans en Amérique du
évoluer. C’est d’ailleurs quelque
Nord !
Le séjour lui-même s’est très bien passé et chose que je continue de pratiquer puisque
m’a véritablement ouvert les yeux sur le je suis Français et que, même quand on est
monde de la recherche académique à l’inter- francophone, la vie en Suisse nécessite un
national. A Berkeley, il ne se passait pas deux certain degré de flexibilité... ou même un
jours sans qu’il y ait un séminaire ou un degré de flexibilité certain !
cours que je voulais suivre. J’ai aussi énor- Le fait de voyager avec ma femme, puis mes
mément appris des professeurs mais aussi enfants, qui sont tous les deux nés en Amédes doctorants rencontrés là-bas. Plusieurs rique du Nord, a toutefois rendu les choses
d’entre eux sont d’ailleurs aujourd’hui de beaucoup plus faciles. Partir et grandir en
famille fut un vrai plaisir.
bons amis.
De plus, pendant mon séjour là-bas, j’ai eu
la chance de rencontrer le Doyen de la bu- Comment s’est déroulée votre intégration
siness school de l’Université de Tulane, à la dans votre pays d’accueil et quels sont les
Nouvelle-Orléans. Il m’a proposé de venir contacts que vous avez gardés avec votre
enseigner pendant un semestre dans son pays de départ ?
institution, chose que je me suis empressé Les modes d’intégration furent assez difd’accepter. Nous y sommes donc allés, avec férents aux Etats-Unis et au Canada. Nous
ma famille, et y sommes finalement restés avons commencé par la Californie, où nous
un an et demi. C’est à cette époque que nous n’avons pas passé suffisamment de temps
avons décidé d’essayer de rester en Amé- pour réellement nous établir. La Nouvellerique du Nord à plus long terme, car les Orléans, par la suite, fut vraiment une expéconditions pour la recherche académique rience fascinante. Il s’agit d’une ville très atet l’enseignement y étaient incomparables tachante et beaucoup plus intéressante que
avec ce qu’on pouvait trouver à l’époque la plupart des gens imaginent. L’influence
en Europe. Cela est d’ailleurs encore vrai française y est encore importante, même si
aujourd’hui, même si l’écart s’est significati- elle est aussi diluée dans beaucoup d’autres.
vement réduit.
Nous y avons aussi côtoyé des gens de beauJe me suis donc mis à la recherche d’un poste coup de nationalités différentes. Une expéde professeur assistant et ai reçu plusieurs rience vraiment très riche.
offres aux Etats-Unis et au Canada. Notre Le Canada est aussi un pays unique dans sa
choix s’est finalement porté sur l’Université manière d’absorber les cultures et les popude Western Ontario (Ivey School of Busi- lations. Les Canadiens sont beaucoup plus
ness) où nous sommes restés plus de 8 ans.
ouverts sur le reste du monde que les Américains et sont très faciles d’accès. C’est un
Avez-vous fait face à de grosses différences pays dans lequel on se sent très vite à l’aise,
dans la façon de travailler? De plus, cette et cela malgré un climat parfois difficile.
Nous nous y sommes fait beaucoup d’amis.
Nous avons toutefois toujours gardé des
liens très forts avec la France, que ce soit
avec notre famille bien sûr, mais aussi avec
nos amis. Les technologies de l’information
ont été une avancée extraordinaire de ce
point de vue et ont certainement rendu l’expatriation beaucoup plus facile à vivre que
par le passé.
Est-ce que l’expatriation est un élément
essentiel pour l’évolution de carrière d’un
professeur ?
Le mot essentiel est sans doute un peu fort
puisque beaucoup de professeurs parviennent à développer leur carrière sans
pour autant avoir vécu d’expatriation de
durée significative. Toutefois, l’expatriation est devenue très importante dans le
milieu académique, en tout cas pour les
disciplines de HEC que sont l’économie et
le management. Elle permet de découvrir
d’autres manières de penser, de travailler
en groupes, d’enseigner. Elle ouvre aussi
des perspectives concernant le fonctionnement des écoles. Les gens qui n’ont pas
vécu ce type d’expérience croient souvent
que ce qui se fait dans leur université est
‘standard’ et tend à être la norme partout.
C’est souvent totalement faux. Il y a énormément d’éléments très spécifiques dans
les universités ou les écoles de management, notamment en ce qui concerne leur
gouvernance.
Lors de votre retour, avez-vous eu des
difficultés à retrouver une vie de « nonexpat » ?
Une chose qu’il convient de préciser est que
nous n’avons jamais connu la vraie vie d’expat au sens où on l’entend le plus souvent.
J’ai toujours été employé en contrat local et
donc avec des conditions qui ne sont pas
aussi privilégiées que celles proposées par
les grandes entreprises multinationales. De
plus, ma femme et moi avons toujours privilégié l’intégration dans le milieu local, et
avons donc assez peu évolué dans le milieu
des expatriés. Nos enfants, toujours un
facteur fort d’intégration, sont notamment
toujours allés à l’école publique du quartier
où nous habitions.
Le retour en Europe ne fut donc pas difficile, non.
Paris, nous devons recruter des professeurs de très haut calibre. Cela requiert une approche internationale ;
nous n’avons pas le choix sur ce point.
Cela n’est pas sans créer un certain
nombre de challenges, notamment
pour que l’unité se fasse, mais c’est
aussi un facteur de richesse important dont bénéficient nos étudiants et
tous nos partenaires.
Dossier spécial
esseur
expériences
« Nos enfants,
toujours un
facteur fort
d’intégration »
Finalement, est-ce qu’une plus grande reconnaissance de HEC Lausanne dans le
monde passe par un taux de professeurs
étrangers élevé au sein du corps professoral de la Faculté ?
Cela s’applique en fait pour HEC Lausanne
comme pour toutes les grandes écoles/
facultés en management et en économie. Le
marché des professeurs est aujourd’hui un
marché global dans lequel les meilleurs ont
beaucoup d’opportunités. Si HEC Lausanne
veut être un leader européen, et être donc
au même niveau que des écoles comme l’Insead, la London Business School ou HEC
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