MIKE WARD (PRESQUE) TOUT NU

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MIKE WARD (PRESQUE) TOUT NU
Arts et Spectacles
MARTIN ROY, LeDroit
Mike Ward
(presque) tout nu
A3
S’exposer, c’est non seulement se placer en situation de danger, c’est aussi se
compromettre en acceptant de lever le voile sur soi. C’est bien ce qu’entend
faire Mike Ward, d’ici à la fin d’août : s’exposer, et ce, de manière tout à fait
délibérée et assumée. Et c’est au Cégep de l’Outaouais, là-même où il avait
rodé Haïssable en 2004, que l’humoriste a décidé de passer ses
vacances pour faire de même avec son deuxième spectacle solo.
le personnage
‘Mike Ward’ est vite devenu
plus vulgaire que dans
la réalité. je suis aussi
capable de
rire de moi!
« Je suis nettement plus prêt
que pour Haïssable, déclaret-il. Sur les 12 numéros que je
vais présenter cet été, neuf ont
déjà été testés comme il faut. »
Avec Mike Ward s’expose –
réservé aux 16 ans et plus – le
trentenaire continuera à donner son point de vue sur quelques sujets délicats (la guerre
en Afghanistan, le racisme, la
pauvreté, par exemple). Il prendra aussi le risque de toucher à
des sujets plus personnels pour
mieux rire de lui-même et, ce
faisant, de son pénis, rien de
moins.
« Je suis capable de rire assez
méchamment des autres, ça,
tout le monde le sait, mais
je veux prouver que je suis
aussi capable de rire de moi,
explique Mike Ward. En fait,
à travers quelques numéros,
j’ai vraiment voulu me déstabiliser. »
Pour écrire le matériel de
ce nouveau spectacle, il a
d’ailleurs dû se déstabiliser à
plusieurs niveaux.
D’abord, géographiquement,
pour le plaisir ou pour le travail : Émirats arabes unis, Grèce, France, Écosse, Jamaïque,
Mexique, Bahamas, États-Unis,
Grande-Bretagne, etc.
« Six ans, c’est vrai que ça peut
paraître long entre deux shows.
J’avais cependant besoin de
trouver des choses à dire, mais
pas en forçant les choses et
en m’obligeant à trouver des
thèmes ou des idées parce que
je le devais. Pendant tout ce
temps, j’ai quand même donné
des prestations, un peu partout, en français et en anglais.
Et puis, comme je n’avais pas
beaucoup voyagé jusque-là,
j’ai eu besoin de voir le monde,
d’autres cultures, comment on
vit ailleurs. Dubaï, par exemple, m’a complètement mis à
l’envers : c’est un endroit ultra
religieux, avec des lettres que
je ne pouvais pas lire et un
monde si riche que je me sentais pauvre ! En cinq ans, mon
passeport s’est pas mal rempli ! » lance-t-il fièrement.
De la religion…
Son voyage le plus bouleversant demeure son séjour parmi
les troupes canadiennes en
Afghanistan, l’automne dernier. Sur place, il a bien sûr
été confronté à la guerre, à la
mort (un jeune militaire est
décédé le lendemain du repas
qu’il avait partagé avec lui), à
la violence, comme aux effets
de l’intégrisme musulman.
« Comme la majorité de la
population ne sait pas lire, les
talibans, comme les catholiques, ici, à une certaine époque, font dire ce qu’ils veulent
aux Écritures pour garder le
contrôle sur les gens, leur faire
faire et penser ce qu’ils souhaitent. On les brainwashe
carrément, mais on oublie que
chez nous aussi, la religion
menait le monde, il n’y a pas si
longtemps », s’offusque Mike
Ward.
D ’ a i l l e u r s, l ’ h u m o r i s t e
n’avait pas eu besoin de se rendre à Kandahar pour prendre conscience de la pression
indue exercée par les curés sur
leurs ouailles.
« Ma grand-mère a eu 11
enfants et vécu une fausse couche. La seule année en 13 ans
où elle n’a pas été enceinte, son
prêtre a réussi à la faire feeler
cheap! » raconte-t-il.
Et puis, il y a le mariage
controversé de ses parents.
« Mon oncle a pu marier une
Jamaïcaine sans que personne dise quoi que ce soit
dans la famille, mais quand
mon père, qui est protestant,
a voulu épouser ma mère, une
catholique, ç’a été la crise ! Mes
parents se sont rencontrés à 22
ans et ce n’est qu’à l’approche
de la quarantaine qu’ils ont pu
se marier ! »
Bien qu’il dénonce les excès
de la religion, Mike Ward ne
voulait pas pour autant faire
de cette question un numéro
par lequel il aurait pu donner l’impression de juger les
croyants.
« Je suis peut-être athée, je
n’ai nullement envie de faire
de la propagande pour l’athéisme. Pour moi, il s’agit d’une
question de vivre et de laisser
vivre, pas de vouloir imposer
à l’autre son opinion sur la
foi ou ses propres croyances.
La seule chose dont je suis
certain, dans ce dossier, c’est
qu’on ne sait pas qui a raison,
alors qui serais-je pour faire la
morale aux autres ? »
…au sexe
Autre élément déstabilisant
dans sa vie de couple : le processus d’adoption dans lequel
sa blonde et lui sont plongés
cœurs et âmes, dans l’espoir
d’avoir un enfant. Mike Ward
et sa conjointe ont entre autres
déposé un dossier étoffé afin
d’accueillir un enfant issu
d’une communauté très religieuse de l’état américain de la
Géorgie.
« J’en ai fait un numéro qui,
tout naturellement, se fond
dans le suivant, sur la religion catholique, puis dans un
autre sur la virginité. François
Avard, qui m’a aidé à l’écriture,
et moi, on n’a pas eu à forcer
l’ordre des numéros : tous les
sujets s’enchaînaient, comme
dans une conversation. »
La conversation prendra
néanmoins une tournure nettement plus intime lorsqu’il
abordera son diabète et, surtout, ses problèmes érectiles.
« C’est comme un sujet tabou,
pour un gars. Mais c’est vrai
que je bande moins, à 36 ans,
qu’à 18. Comme ça me gênait
d’en parler, je me suis dit qu’il
fallait que je le fasse. Je voulais
un numéro qui me faisait avoir
l’air cave et, même si je sais
Il reconnaît toutefois que la
controverse soulevée par son
numéro sur l’affaire Cédrika
Provencher a pris des proportions qui l’ont fait réfléchir.
« Il faut pouvoir défendre ce
qu’on se permet de dire sur
la scène. Dans mon nouveau
numéro sur les musulmans,
j’ai enlevé un gag, justement
parce qu’après avoir discuté
avec un spectateur musulman,
j’ai compris que je n’aurais pas
été à l’aise de lui dire en pleine
face ensuite ce que j’étais censé
déclarer sur scène. »
pour y aller
OÙ ? Cégep de l’Outaouais
QUAND ? Du 2 juillet au 28 août, 20 h
RENSEIGNEMENTS ?
Billeterie du Cégep, Terminus Voyageur (secteur Hull)
ou Ticketmaster, 613-755-1111
bien qu’il ne passera jamais à
la télé parce qu’il est assez vulgaire, j’en suis bien content. »
Mike Ward considère par
ailleurs que son humour passe
mieux maintenant, non pas
parce qu’il s’est adouci, mais
parce que « le public est plus
prêt, aujourd’hui, à prendre
des risques lui aussi. L’autre
grande différence, c’est que les
gens qui me détestent ne viennent plus voir mes shows ! »
« Avant, je choquais systématiquement, dès que j’ouvrais
la bouche ! clame-t-il en riant.
Là, je choque moins. De toute
façon, mon but n’a jamais été
de choquer les gens. Mais je ne
voulais pas avoir à me censurer
non plus. Cela dit, je n’ai jamais
été aussi vulgaire qu’on le prétendait, même si le personnage
'Mike Ward' est vite devenu plus
vulgaire que dans la réalité. »
Il cible maintenant plus facilement les gens qu’il aime et
connaît bien, décochant notamment deux salves « assez chiennes » en direction de son « grand
ami » Martin Matte.
« Je comprends que ça fait
mal, de telles jokes, des fois. Je
réalise aussi que ce qui fait le
plus mal, ce n’est pas tant la
blague que le rire de la foule. Il
paraît que Martin Petit, dans
son prochain spectacle, a une
joke sur moi. J’ai hâte de l’entendre et, en même temps, je
ne sais pas trop comment je
vais réagir… Il faut dire qu’en
tant que groupe, les humoristes, nous ne prenons pas bien
la critique, admet Mike Ward.
Mais, pour ma part, je n’ai
pas le choix d’assumer quand
quelqu’un me dit que je parle
mal, que je n’ai pas de vocabulaire, parce que c’est vrai. »
LEDROIT, ÉDITION WEEK-END DU Samedi 26 Juin 2010
valérie Lessard
lessard
Valérie
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