La répartition des compétences entre les communautés

Transcription

La répartition des compétences entre les communautés
355
6. LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES
COMMUNAUTES EUROPEENNES ET LEURS ETATS
MEMBRES
EN MATIERE DE RELATIONS EXTERIEURES
Jean-Victor LOUIS
Professeur à l’Université libre de Bruxelles
Jacques STEENBERGEN
Chargé de cours à la K atholieke U niversiteit Leuven
Les auteurs du présent rapport ont tenté de répondre au questionnaire
relatif à l’enquête sur les pratiques du fédéralisme ou du régionalisme. Il va
de soi que ce questionnaire ne s’adapte qu’imparfaitement aux rapports entre
la Communauté et ses Etats membres.
Il est apparu cependant que certains problèmes se posent de façon analo­
gue et que des rapprochements fructueux peuvent être faits.
C’est ce qui a encouragé les auteurs dans leur tentative. Afin de ne pas
gonfler exagérément ce rapport, ils ont voulu s’en tenir à l’essentiel d’une
problématique qui a déjà suscité une littérature abondante.
1. PREALABLES CONSTITUTIONNELS
1. REPA R T IT IO N DES CO M PETEN CES
Le système communautaire se caractérise par l’attribution par les Etats
membres aux Communautés de pouvoirs déterminés.
Celles-ci ne disposent pas de la compétence de la compétence.
Dès lors, il est évident que les Etats ont le pouvoir résiduel.
Les pouvoirs des Communautés ne peuvent s’accroître sans révision des
traités constitutifs.
A cette règle fondamentale il y a deux correctifs :
— le principal réside dans l’existence de clauses d’adaptation des traités
conférant un très large pouvoir législatif aux institutions (art. 235 CEE, 203
Euratom, 95 CECA) ;
— l’objectif d’intégration poursuivi par les trois traités impose le recours à
des méthodes d ’interprétation dynamiques faisant une large place à l’in­
terprétation téléologique et systématique de traités rédigés il y a 25 à 30 ans
dans un contexte économique et politique différent. D ’où l’importance des
raisonnements fondés sur l’effectivité et les pouvoirs implicites, particulière­
ment en matière de relations extérieures.
356
JE A N -V 1C T 0R LO U IS E T JA C Q U E S ST E E N B E R G E N
L’exercice par les Communautés des compétences qui leur ont été attri­
buées, a pour effet de priver graduellement les Etats membres du droit de
régler de façon autonome les matières faisant l’objet de ces attributions.
A une phase de coordination des politiques nationales durant la période de
transition (art. 111 CEE), succède le stade de la politique commerciale
commune (art. 113 CEE) qui relève de la responsabilité exclusive des insti­
tutions communautaires, pouvant s’exprimer tant par voie d’actions auto­
nomes que par la conclusion d’accords internationaux.
C’est aussi le cas lorsque par l’écoulement d’un délai, la matière est défi­
nitivement passée dans le champ de la compétence communautaire. Ainsi, en
matière de conservation des ressources de la pêche depuis l’expiration du
délai fixé à l’article 102 de l’acte d’adhésion du 22 janvier 1972 (1).
Les règles des organisations des marchés agricoles privent les Etats
membres non seulement du droit d’arrêter des mesures qui sont contraires
aux règles communes mais encore de la compétence d’adopter des disposi­
tions complémentaires qui seraient susceptibles de porter atteinte aux ob­
jectifs de l’organisation de marchés pour le produit en cause.
En outre, les Etats ont l’obligation (art. 5 CEE) de prêter aux Commu­
nautés le concours des instruments qu’ils puisent dans leur organisation
législative et administrative pour assurer, dans le respect de leur structure
constitutionnelle, Feffectivité des règles communes. Ces idées s’expriment
dans les principes de coopération à la base de l’administration indirecte du
droit communautaire, par les Etats devenus gestionnaires d ’intérêts com­
muns.
2. CO N FLITS D E C O M PETEN CES
Les Communautés ne sont pas des Etats fédéraux.
Elles n’ont pas le pouvoir d’annuler les actes des Etats contraires aux règles
des traités.
En revanche, il existe des modes de prévention des conflits et de règle­
ments des différends entre les Communautés et les Etats visant à assurer le
respect de la répartition des compétences.
La Commission dispose d’un pouvoir de contrôle préventif qui est organisé
par le traité et par des actes de droit dérivé.
On cite, en particulier :
— la procédure de contrôle des aides étatiques organisée par l’article 92
CEE;
— la gestion des mesures de sauvegarde en cas de déficit de balance des
paiements (art. 108-109 CEE) et en matière de politique commerciale (art.
115 CEE);
(1) Voy. notam m ent arrêt du 5 m ai 1981, aff. n° 804-79, Commission c. Royaume-Uni.
LA REPA R TIT IO N DES C O M PE T E N C E S EN M A TIER E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
357
— la procédure consultative organisée par des actes de droit dérivé dans le
domaine des transports et de la politique des structures agricoles, êtc.
Ces procédures permettent à la Commission d ’exercer son rôle de gar­
dienne des traités (art. 155 CEE) et d’agir, le cas échéant, en manquement
devant la Cour de justice (art. 169 CEE).
En matière de realtions extérieures, on signale tout particulièrement :
— la procédure d’information-consultation instituée par la décision du
Conseil du 22 juin 1974 à propos des accords de coopération que les Etats
membres envisagent de conclure et des mesures qu’ils projettent d’adopter
dans le cadre de ces accords ;
— la procédure de communication à la Commission des projets d’accords
ou de conventions intéressant le domaine d’application du traité Euratom
(art. 103 CEEA) ou du traité CECA (art. 75 CECA).
La Cour de justice dispose aussi de compétences préventives spécifiques en
matière de relations extérieures :
— la procédure d’avis préalable sur la compatibilité d’accords envisagés
avec les dispositions du traité CEE (art. 228, § 1, al. 2) ;
— la procédure de délibération par laquelle la Cour se prononce sur la
compatibilité de projets d’accords avec le traité Euratom (art. 103, al. 3).
La Cour de justice a déclaré, à plusieurs reprises, que ces dispositions lui
permettaient non seulement d’examiner la compatibilité avec le traité d’ac­
cords envisagés mais aussi de se prononcer sur la compétence respective de la
Communauté et des Etats membres pour les conclure.
La Cour peut aussi exercer un contrôle a posteriori de la compatibilité
d’accords avec le traité dans l’exercice de ses compétences ordinaires : re­
cours en manquement (art. 169 CEE) au cas où un ou plusieurs Etats auraient
conclu un accord en violation du traité ; recours en annulation (art. 173 CEE)
ou recours préjudiciel en appréciation de validité (art. 177 CEE) de l’acte
d’approbation d’un accord incompatible avec le traité.
Il y a lieu, en effet, de souligner que dans la logique de la compétence
fonctionnelle des institutions, les accords conclus par la Communauté
l’emportent sur le droit dérivé du traité mais sont primés par celui-ci qui est la
norme suprême de l’ordre juridique communautaires (2).
'3 . A D M IN ISTR A TIO N
La question relève des rapports nationaux.
(2) Voy. J.-V. Louis et P. Brückner, R elations extérieures, in J. M égret e.a., L e droit de la
Communauté économique européenne, vol. 12, Bruxelles, 1980, p. 181 et suiv.
358
JEAN -V1CTOR LO UIS ET JA C Q U E S S T E E N B E R G E N
II. TRAITES
1. C O N STITU TIO N
Les traités CE comportent plusieurs dispositions régissant expressément la
conclusion et l’exécution de traités internationaux par les autorités commu­
nautaires ou les Etats membres ou plus généralement relatives aux relations
extérieures.
1. Traité CEE:
— art. 210 énonçant le principe de la personnalité juridique de la CEE ;
— art. 113 organisant une compétence communautaire en matière de
politique commerciale, notion qui a le même contenu dans la pratique
communautaire que dans celle des Etats (3) ainsi que l’art. 112 (cfr. sub 1) ;
— art. 114 et 228 concernant la procédure à suivre en cas de conclusion
d’accords entre la CE et des Etats ou des organisations internationales ;
— art. 238 régissant la conclusion d’accords d’association ;
— art. 229, 230 et 231 concernant les rapports entre la CEE et plusieurs
organisations internationales à vocation mondiale (ONU, GATT) ;
— art. 116 imposant aux Etats membres l’adoption d’une action com­
mune dans le cadre des organisations internationales à caractère écono­
mique ;
— art. 231 à 234 organisant les relations entre le traité CEE et d’autres
traités, y compris les traités CEEA, Benelux et UEBL ;
— art. 115 prévoyant une clause qui permet à la Commission d ’autoriser
les Etats membres à prendre des mesures de sauvegarde en matière de
politique commerciale.
Des accords peuvent aussi être conclus sur base de l’article 235 (clause
d’adaptation du traité).
2. Traité CEEA :
— art. 184 concernant la personnalité juridique ;
— art. 101 organisant la compétence de la CEEA en matière d’accords
internationaux ;
— art. 102 concernant l’entrée en vigueur d ’accords mixtes ;
— art. 103 et 106, relatifs à la coordination de l’action des Etats membres
et à la conclusion d’accords par les Etats membres ;
— art. 104 et 105 relatifs aux rapports entre le traité CEEA et d’autres
traités internationaux.
Ce traité reconnaît le parallélisme intégral des compétences internes et
externes.
(3)
Voy. avis n° 1-75 de la C our du 11 novem bre 1975, Rec., 1975, p. 1359, et n° 1-78 du 4
octobre 1979, Rec., 1979, p. 2871.
LA R E PE R T IT IO N DES C O M PE T E N C E S EN M A T IE R E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
359
3. Le traité CECA ne contient pas de dispositions qui visent expressément la
conclusion ou l’application de traités internationaux par les autorités com­
munautaires ou les Etats membres. Mais les Hautes Parties Contractantes se
sont mises d’accord sur certaines lignes de conduite dans la convention
relative aux dispositions transitoires du 18 avril 1951, notamment les pa­
ragraphes 14 à 17. Et il a toujours été accepté que la CECA participe à des
négociations et des accords internationaux, à l’exception d’accords tarifaires
(4). L’art. 6 reconnaît expressément la personnalité juridique à la CECA en
vue de l’exercice de ses fonctions dans les relations internationales, et les art.
93-94 chargent la Haute Autorité des liaisons avec certaines organisations
internationales. La compétence externe de la CECA a aussi été justifiée en
appliquant la théorie concernant le parallélisme entre les compétences ex­
ternes et internes de la Communauté (voir infra).
Il a aussi été accepté que les dispositions du traité CEE s’appliquent aux
produits CECA, pour autant qu’il s’agisse de matières qui ne font pas l’objet
de dispositions expresses du traité CECA (5). Depuis les accords du Tokyo
Round, et surtout l’accord anti-dumping, on peut répondre affirmativement
à la question de savoir si des accords signés uniquement pour la CEE sont
applicables au commerce des produits CECA lorsqu’ils règlent des matières
pour lesquelles le traité CECA prévoit des dispositions expresses. Si l’on
défend la thèse selon laquelle les dispositions en matière de compétence
externe s’appliquent néanmoins aux produits CECA, il faut considérer que la
théorie du parallélisme de compétences ne s’applique plus au traité CECA
du moment qu’une compétence CEE a été invoquée, et que cette dernière
reçoit priorité en application de la théorie concernant les rapports entre les
traités communautaires (6). En revanche, selon la pratique actuelle, le tarif
extérieur commun ne couvre pas les produits CECA, auxquels s’applique un
tarif unifié qui reste de la compétence des Etats membres.
4. Pouvoirs implicites
Il résulte de la jurisprudence de la Cour et de la pratique des institutions
que la CEE n’a pas seulement le pouvoir de conclure des accords lorsque le
traité l’habilite expressément (art. 113-114, 238). Elle dispose aussi de
pouvoirs implicites.
La Communauté est exclusivement compétente pour conclure des accords
internationaux dans la mesure où existent, sur le plan interne, des règles
communes (voy. arrêt du 31 mars 1971, aff. 22-70, Commission contre Con­
seil, Rec., 1971, p. 262 et suiv.).
En outre, la Communauté est compétente pour conclure un accord dès lors
que celui-ci est nécessaire pour exercer un pouvoir déterminé que le traité
confère aux institutions (voy. avis 1-76 du 26 avril 1977, Rec., 1977, p. 754 à
762).
(4) Voy. E. W ellenstein, Twenty-five years o f EC external relations, C M L Rev. 1979, p. 408.
(5) Voy. par ex. P.J.G. K apteyn et P. VerLoren van T hem aat, Inleiding tot het recht v de EG.,
éd. Deventer, 1980, p. 36-37.
(6) Voy. J. Steenbergen, De Tokyo Ronde, SE W , 1980, p. 762-764.
360
JE A N -V IC TO R LOUIS ET JA C Q U E S STE EN B E R G E N
Sur l’application de cette doctrine au traité CECA, voy. supra, sub 3°).
2. C O N CLU SIO N
Accords conclus par les Etats membres
Comme il a été exposé sub 1, les institutions communautaires ont été
investies du pouvoir de conclure des accords internationaux. Il s’agit d’un
pouvoir d’attribution. Et même s’il apparaît de la jurisprudence de la Cour
que ces compétences ne doivent pas être interprétées de manière restrictive
(voy. sub 1), les Etats membres participent encore comme des Etats sou­
verains à la vie internationale.
Accords mixtes
Il a aussi été établi par la jurisprudence de la Cour, et prévu expressément
par l’art. 102 CEEA, que les Etats membres et les institutions commu­
nautaires peuvent conclure ensemble des accords mixtes dans lesquels ils
participent tous comme Parties Contractantes, si l’objet d’un accord ou d ’une
négociation relève à la fois d’une compétence communautaire et de celle des
Etats membres. Dans ces cas la participation des Etats membres doit pour­
tant être limitée aux seules dispositions qui relèvent de leur compétence (7).
Tutelle
Si la participation d’un Etat membre à des négociations ou à un accord
international est considérée contraire aux dispositions du droit commu­
nautaire, la Commission ou le gouvernement d’un autre Etat membre peut
entamer une procédure sur base de l’art. 169 ou 170 CEE, 88 ou 89 CECA, ou
141 ou 142 CEEA. La question de la compatibilité d’un accord conclu par un
Etat membre peut aussi être soulevée devant les juges nationaux qui peuvent
poser une question préjudicielle à la Cour comme prévu par l’art. 177 CEE
ou 150 CEEA.
Les Etats membres, le Conseil et la Commission peuvent demander un avis
préalable à la Cour sur base de l’art. 228 CEE pour faire établir si un accord
envisagé est compatible avec le traité CEE. En cas d’avis négatif de la Cour,
l’accord ne peut entrer en vigueur que moyennant une révision du traité (art.
228 et 236 CEE). L’art. 103 CEEA oblige les Etats membres à communiquer
à la Commission les projets d’accords qui intéressent le domaine d’applica­
tion du traité CEEA. Ces accords ne peuvent être conclus que conformément
aux observations de la Commission, ou à la délibération de la Cour, qui peut
être sollicitée par les Etats membres après la réception des observations de la
Commission.
La Commission peut aussi autoriser les autres Etats membres à prendre
des mesures de sauvegarde en cas de détournement de trafic ou de disparités
causées par un manque de coordination dans l’exécution des mesures de
politique commerciale par les Etats membres (sur base de l’art. 115 CEE).
(7) Avis Cour de Justice, 26 avril 1977, avis 1/76, Rec. 1977, p. 741 et suiv. Paragraphe 7.
LA R E PE R T IT IO N DES C O M PE T E N C E S EN M A T IE R E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
361
3. N E G O C IA T IO N
Les Etats membres peuvent, ou doivent, être associés à plusieurs titres à la
négociation de traités par les Communautés :
1. Les accords conclus par la Communauté :
— les organes des Etats membres sont toujours indirectement associés à la
procédure, dans la mesure où les dispositions mentionnées sous II 1 exigent
une décision du Conseil ;
— les accords sont souvent négociés par une délégation commune à la­
quelle les représentants des Etats membres participent. Ceux-ci peuvent
éventuellement clarifier leur position dans le cadre d’une position commune
préalablement établie au sein d’un Comité spécial qui réunit le représentant
de la Commission agissant au nom de la Communauté et les représentants
des Etats membres. La Commission est autorisée par le Conseil à négocier
selon les directives qu’il peut lui adresser. Cette procédure est organisée en
droit en cas d’accords conclus sur base de l’art. 113 CEE, mais elle a aussi été
adoptée en d’autres cas ;
— parfois les Etats membres ont été mandatés en vue de conclure des
accords concernant des matières qui relèvent de la compétence des Com­
munautés (8) ;
— périodiquement, les Etats membres sont autorisés à proroger des ac­
cords commerciaux conclus avant la communautarisation de la compétence
en matière de politique commerciale, pour autant qu’ils ne'prennent pas de
mesures incompatibles avec la politique communautaire ou qui puissent
limiter la possibilité des institutions communautaires d’élaborer la politique
commune (9).
2. Un nombre important d ’accords ont été conclus par la Communauté et les
Etats membres (10).
4. IN T R O D U C T IO N
Accords conclus par les Etats membres
L’introduction d’un traité conclu par un Etat membre dans son ordre
juridique est régie par son droit interne. Il y a seulement un problème de droit
communautaire si le traité est considéré incompatible avec le droit commu­
nautaire. V. dans cette hypothèse, sub II 2 (tutelle).
Accords conclus par la Communauté
Les dispositions des accords conclus par la Communauté entrent dans
l’ordre juridique communautaire par l’acte du Conseil (règlement ou, moins
(8) Par ex. les accords avec les pays du C.A.E.M. (Com econ) de 1969 à 1972.
(9) Voy. Décisions du Conseil 7 9/808/C E E et 8 0 /8 7 8 ,7 .0 ., 1979, L 240.21 et 1980, L 250.14.
(10) Voy. par ex. les accords de Y aoundé et de Lom é, les accords de coopération avec
l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le L iban, le M aroc, la Syrie et la Tunisie, les accords G A T T de
1979 relatifs au m atériel aéronautique civil et aux norm es techniques.
362
JEA N -V IC TO R LO UIS E T JA C Q U E S ST E E N B E R G E N
souvent, décision) par lequel la Communauté décide de conclure le traité
envisagé en application de l’art. 28, 113, 235 ou 238 CEE, etc., ou de l’art.
101 CEEA. La Cour de justice a opté pour la conception moniste concernant
l’introduction de règles de droit international dans son ordre juridique
interne (11).
L’opposabilité aux Etats membres d’accords conclus par la Communauté
en vertu de ses compétences externes par la seule décision communautaire de
conclure l’accord, a été confirmée indirectement par la procédure suivie par
le Conseil pour l’exécution dans l’ordre juridique communautaire de l’accord
en matière de marchés publics conclu dans le Tokyo Round. Il découle aussi
de cette procédure que les accords conclus avec des pays tiers ne sont par
contre pas opposables entre les Etats membres à moins qu’ils soient compa­
tibles avec des règles de droit communautaire préexistantes (12).
Accords mixtes
Il est plus difficile de déterminer les conditions auxquelles est subordonnée
l’applicabilité des accords mixtes (conclus par les Etats membres et la Com­
munauté). Le traité CEE ne permet pas de décider si les accords ne sont
applicables que lorsque toutes les conditions prévues par le droit commu­
nautaire et les droits internes des Etats membres ont été remplies cumulati­
vement, ou s’il y a lieu de distinguer les engagements des institutions com­
munautaires et des Etats membres. Dans la seconde hypothèse, chaque partie
serait tenue d’appliquer les dispositions d’un traité pour autant que leur
exécution relève de leurs compétences respectives et que les conditions
d’applicabilité prévues par leurs systèmes juridiques respectifs soient rem­
plies. L’art. 102 CEEA prévoit expressément que des accords mixtes
auxquels a participé la CEEA ne peuvent entrer en vigueur qu’après notifi­
cation à la Commission par tous les Etats membres intéressés que ces accords
sont devenus applicables conformément aux dispositions de leur droi
interne respectif. La pratique communautaire et internationale semble indi­
quer que cette même règle est présumée applicable en cas d’accords mixte;
auxquels a participé la CEE, bien que du point de vue juridique cela semble
critiquable.
Tutelle
Si les Etats membres ne prennent pas les mesures nécessaires pour exécute
les obligations communautaires contractées par la Communauté conformé
ment aux dispositions de droit communautaire, la Commission peut entame
(11),C our de Justice, 12 décem bre 1972, affaires 21-24/72, International F ru it Co., Rec. 18
(1972) 1219 et les conclusions de l’avocat général M ayras, ibidem , p. 1234 etsuiv., 5 février 1976.
affaires 87/75, Bresciani, Rec. 1976, 129. Voir aussi la note de H. Scherm ers sous l’affaire
International Fruit Co., A A e 1975, p. 63 et suiv. et M. M aresceau, De direkte werking van hei
Europese gemeenschapsrecht, A ntw erpen, 1978, p. 165 etsuiv. ou J. Steenbergen, G. D e C lercqel
R. Foqué, E xterne betrekkingen en industriepolitiek van de EG., L euven/Z w olle 1981, p. 81.
(12) Voy. J. Steenbergen, art. cit. S E W , 1980, p. 770-771.
LA REPA R TIT IO N DES C O M PETEN C ES EN M A TIER E D E R E LA TIO N S E X T E R IE U R E S
363
une procédure sur base de l’art. 169 CEE, 88 CECA ou 141 CEEA. Dans le
cadre des traités de Rome, si l’Etat membre ne se conforme pas à l’avis de la
Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. La Cour peut, en appli­
cation des art. 171 CEE ou 143 CEEA, ordonner aux Etats membres de
prendre les mesures nécessaires si la Cour reconnaît qu’un Etat membre a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des traités commu­
nautaires. La Commission a, sur avis conforme du Conseil, des compétences
plus larges en vertu de l’art. 88 CECA. La Commission peut aussi autoriser
les autres Etats membres à prendre des mesures de sauvegarde pour se
protéger contre les éventuels détournements de commerce causés par le
manquement d’un Etat membre à son obligation de coopérer à l’exécution
des mesures de politique commerciale commune conformément à l’art.
115 CEE.
5. EXECU TIO N
Le pouvoir d’exécution des accords communautaires appartient en
principe aux autorités communautaires, et l’exécution des accords conclus
par les Etats membres appartient aux Etats membres.
Mais, comme il a déjà été mentionné, le Conseil considère les accords
conclus par la Communauté comme étant directement opposables aux Etats
membres (voy. sub I I 4). La Communauté peut aussi utiliser la formule de la
directive pour adapter son droit interne à ses obligations internationales, et
elle peut autoriser les Etats membres à prendre individuellement les mesures
nécessaires pour conformer leur droit interne aux règles contractées par la
Communauté en attendant une harmonisation communautaire des législa­
tions en la matière (13).
La Communauté dispose, le cas échéant, des moyens décrits sous II.4 in
fine pour contraindre les Etats membres à adopter les mesures que requiert
l’exécution d’un traité conclu par la Communauté. Mais la Communauté ne
peut se substituer à l’Etat membre défaillant que dans le cas où elle dispose
des compétences nécessaires pour exécuter le traité par voie de règlement
CEE ou CEEA, au sens des art. 189 CEE ou 161 CEEA, ou par décision
CECA, au sens de l’art. 14 CECA.
6. T R A N SN A TIO N A LISM E
La question du transnationalisme ne se présente pas dans la forme habi­
tuelle dans le domaine de la Communauté européenne. Comme les Etats
membres continuent à participer en tant qu’Etats souverains à la vie inter­
nationale, les accords conclus par eux ne font guère preuve de transnationa­
lisme. Ils concluent hors des traités proprement dits toutes les formes d’ac­
cords avec des autorités étrangères, organismes internationaux ou particu­
liers connus en droit international.
(13)
Voy. la directive du Conseil 80/767/C E E du 22 juillet 1980, J.O., 1980, L 215/1 et la
résolution du Conseil du 22 juillet 1980,7.0., 1980 C 211/2. Voy. en m atière de délégation aussi
J.-V. Louis, Delegatie van bevoegdheid in de E G , SE W , 1978, p. 802 et suiv.
364
JE A N -V IC TO R LOUIS ET JA C Q U E S ST E E N B E R G E N
La Communauté elle-même peut conclure, hors des traités, les mêmes
formes d’accords, de contrats ou de conventions. Elle participe à l’élabora­
tion de différents codes de conduite, et elle peut conclure des contrats en
vertu de la personnalité juridique qui comporte la capacité juridique la plus
large reconnue aux personnes morales par les législations des Etats membres
(art. 210-211 CEE, 6 CECA ou 184-185 CEEA). La Commission a occasion­
nellement préféré organiser ses rapports avec des organismes internationaux
sous forme de rapports de droit privé, notamment dans le cadre des activités
de l’Agence internationale pour l’Energie.
III. REPRESENTATION DIPLOMATIQUE ET CONSULAIRE
Pour les raisons déjà évoquées plus haut, le problème se pose dans les
relations entre Etats membres et Communauté en des termes fort différents
que dans les rapports entre Etat fédéral et états fédérés.
Les Etats membres de la Communauté conservent intacts leurs droits de
représentation tant active que passive. Il n’empêche que le phénomène
communautaire et la procédure de coopération politique présentent des traits
intéressants également dans ce domaine.
On relèvera, en particulier, le partage des compétences qui s’est pragma­
tiquement établi entre la Commission et la Présidence du Conseil, en ce qui
concerne la représentation de la Communauté.
La mission diplomatique du pays qui occupe la présidence du Conseil
assume le rôle de porte-parole des Dix Etats membres dans la capitale du
pays tiers tant pour ce qui concerne les affaires relevant de la coopération
politique que pour les questions rentrant dans la compétence commu­
nautaire, même dans certains cas, dans le pays où la Commission entretient
une délégation.
L’ambassade de l’Etat qui exerce la présidence organise la coordination
sur place et prend la tête de démarches communes. On signalera à ce propos
le rôle joué par les ambassadeurs des N euf à Téhéran lors de la crise dé­
coulant du maintien en otages du personnel de l’ambassade américaine.
Pour sa part, la Commission a établi un réseau étendu de missions à
l’étranger. Celles-ci sont de divers ordres.
La Commission a ouvert à ce jour douze délégations en vue de s’occuper
des relations de la Commsnauté avec des Etats particulièrement importants
Etats-Unis, Japon, Canada, Yougoslavie) ou encore pour permettre» à la
Communauté d’assumer son rôle dans des organisations internationales
(Genève, New York, Paris, Vienne) et au niveau d’un continent ou d’une
région (Caracas-Santiago, Bangkok, Canberra) (14).
(14)
Voy. à ce propos la réponse de la Com mission à la question parlem entaire n° 675/81 de
M. Vandem eulebroucke du 15 juillet 1981, J.O.C.E., n° C 274, 26 octobre 1981, p. 23.
LA REPA R TIT IO N DES C O M PETEN C ES EN M A T IE R E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
365
Les délégations de la Commission se voient octroyer un statut diplomati­
que par l’Etat d’accueil (15). Ce statut résulte parfois d’un accord en bonne et
due forme comme celui passé pour l’établissement d’une mission à Tokio le
11 mars 1974.
Il existe en outre d’autres formes de représentations qui ne relèvent plus
comme les premières de la direction générale des relations extérieures mais
de celle de l’information. Il s’agit de bureaux de presse et d’information
ouverts tant dans les capitales de certains pays tiers — où ils sont souvent une
antenne de la délégation — que dans celles des Etats membres.
Il faut mentionner enfin les délégations créées par la Commission dans les
capitales des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ainsi que dans les
Etats du Maghreb et du Machreck pour la mise en œuvre de la coopération
financière et technique dans le cadre des accords qui lient ces Etats à la
Communauté.
En ce qui concerne le droit de légation passif, il y a lieu de signaler que 118
Etats entretenaient une mission, délégation ou représentation auprès des
Communautés, au 1er janvier 1981.
En vertu de l’article 17 du protocole sur les privilèges et immunités, ces
missions se voient accorder par l’Etat de siège les immunités et privilèges
diplomatiques d’usage.
On signalera enfin que des contacts directs et réguliers existent entre les
services de la Commission et les conseillers commerciaux des ambassades des
Etats membres dans les pays tiers, notamment par l’entremise des déléga­
tions de la Commission.
Les projets visant à organiser une représentation diplomatique unique des
Etats membres des Communautés dans certains Etats tiers n’ont pas fait
l’objet d’études poussées en raison des réticences auxquelles ces idées se
heurtaient.
IV. ORGANISATIONS ET CONFERENCES INTERNATIONALES
Les traités comportent des dispositions prévoyant l’organisation de liaisons
avec les organisations internationales (art. 93 et 94 CECA ; art. 229 à
231 CEE ; art. 199 à 201 CEEA).
En outre, l’article 116 du traité CEE dispose que :
« Pour toutes les questions qui revêtent un intérêt particulier p our le marché
commun, les Etats m em bres ne m ènent plus, à partir de la fin de la période de
transition, q u ’une action com m une dans le cadre des organisations internationales de
caractère économique. A cet effet, la Com m ission soum et au Conseil, qui statue à la
majorité qualifiée, des propositions relatives à la portée et à la mise en œ uvre de cette
action commune.
(15)
La question de savoir quel est le rang du ch ef de la délégation n ’est pas tranchée sans
ambiguïté.
366
JE A N -V IC TO R LOUIS ET JA C Q U E S S T E E N B E R G E N
Pendant la période de transition, les Etats m em bres se consultent en vue de
concerter leur action et d ’adopter, autant que possible, une attitude com m une. »
On peut retenir à ce propos que :
1. si l’accord de la Communauté avec l’organisation internationale vise
uniquement à l’établissement de relations de coopération administrative
(participation à des groupes de travail, échange d’experts et d’informations,
etc.), la compétence de le conclure appartient à la Commission ;
si l’accord vise à l’élaboration de règles dans des domaines couverts par les
compétences communautaires, les règles habituelles de conclusion des ac­
cords doivent être suivies ;
2. la Communauté peut aussi avoir des relations organiques avec l’orga­
nisation internationale ; dans ce cas, son statut varie de celui d’observateur à
celui beaucoup moins fréquent de membre de l’organisation. Dans le do­
maine des accords relatifs aux produits de base, la Communauté participe
aux organes mis en place par ces accords. Dans ce cas, cette participation a
lieu sur la base d’accords mixtes. Elle peut aussi avoir lieu sur la base
d’accords purement communautaires comme dans le cas de la plupart des
accords résultant des négociations commerciales multilatérales au sein du
GATT;
3. différentes modalités peuvent régir la représentation de la Commu­
nauté et des Etats membres lors de la négociation d’accords ou au sein des
organes de gestion de ceux-ci.
Très souvent, et en particulier dans les accords relatifs aux produits de
base, on observe la présence d’une délégation commune à la Communauté et
à ses Dix Etats membres, à l’intérieur de laquelle ceux-ci sont identifiables
individuellement et qui opère, en règle générale, sur la base d’une position
commune exprimée d’une seule voix, normalement par le représentant de la
Commission (16) ;
4. l’article 116 du traité CEE s’applique dans les cas où la Communauté
n’est pas compétente pour régler la matière qui fait l’objet de l’accord envi­
sagé ou s’il lui est impossible de faire admettre par les Etats tiers sa partici­
pation à cet accord. Même dans ce cas, les Etats membres ne pourront
consentir à l’adoption de règles juridiquement obligatoires en méconnais­
sance des responsabilités de la Communauté.
V. IMMUNITES
Telle qu’elle est posée, la question est sans objet pour ce qui concerne les
Communautés européennes.
(16)
Toutefois, la form ule se heurte actuellem ent à des oppositions de la p a rt de certains E tats
tiers au sein de la CNUCED.
LA R E PA R TIT IO N DES C O M PE T E N C E S EN M A TIER E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
367
VI. RESPONSABILITE INTERNATIONALE
En matière de responsabilité internationale de la Communauté et des Etats
membres, il semble indiqué de répéter que les Etats membres continuent de
participer à la vie internationale comme des Etats souverains, et de distinguer
quatre hypothèses :
1.
Des obligations contractées par les Etats membres qui relèvent depuis la
fin de la période transitoire en tout ou en partie d’une compétence commu­
nautaire.
La Communauté a toujours assumé la personnalité juridique interna­
tionale (17) et se considère depuis la fin de la période transitoire comme étant
exclusivement compétente, à l’exclusion des Etats membres, pour participer
à la vie internationale concernant toutes les matières qui relèvent d’une
compétence communautaire exclusive (v. sous I). Dans ce cas, la Commu­
nauté se considère liée par les obligations qui ont été légalement contractées
par les Etats membres antérieurement à la fin de la période transitoire (18).
Les art. 234 CEE et 105 CEEA prévoient d’ailleurs que les traités ne s’oppo­
sent pas à l’exécution des accords ou conventions conclus avant leur entrée en
vigueur. L’art. 234 CEE y ajoute que les Etats membres se prêteront éven­
tuellement une assistance mutuelle pour tâcher d’éliminer.les incompatibili­
tés qui seraient constatées entre les obligations antérieures et les dispositions
du traité. Et l’art. 105 CEEA dispose que des obligations antérieures ne sont
opposables à l’exécution du traité CEEA que lorsqu’elles ont été communi­
quées à la Commission au plus tard trente jours après l’entrée en vigueur du
traité CEEA.
Mais la Communauté a aussi toujours maintenu envers les Etats membres
qu’elle est depuis la fin de la période transitoire exclusivement compétente
pour l’interprétation des obligations contractées par les Etats membres qui
relèvent désormais d’une compétence communautaire exclusive (19).
Il s’ensuit qu’au sein de la Communauté la responsabilité des Etat;
membres pour l’exécution d’obligations internationales contractées par eux
mais depuis lors communautarisées, a été reprise par la Communauté. Mais i
moins qu’il y ait eu une succession formelle, ce développement ne produi
pas une exonération des Etats membres envers les pays tiers (20). On ne peu
(17) Voy. art. 210 CEE, 6 CECA et 184 CEEA, et C our de Justice, 31 m ars 1971, affaire 22/70
A E T R , Rec. 1971, p. 263.
(18) Cour de justice 12 décem bre 1972, affaires 21-24/72, International F ru it Co., Rec. 1972
1219 spéc. attendus 10-18 ; et 24 octobre 1973, affaire 9/73, Schlütter c. H auptzollam t Lôrrach
Rec. 1973, p. 1135.
(19) Cette position a été affirm ée p ar la Com mission en réponse à une question parlem entairs
de M onsieur W. D eC lercq concernant une décision d ’un juge m ilanais : Q uestion 4 8 5 /8 0 ,7 .0 .
1980, C 283/4. V. aussi C our de Justice, 19 novem bre 1975, aff. 28/75, N ederlandse Spoorw egen
Rec. 1975, 1439, quoique l’arrêt concerne directem ent une décision com m unautaire prise à h
conclusion du K ennedy Round.
(20) Le problèm e de la succession de la C om m unauté à ses m em bres s’est posé surtou
concernant le GATT. La Com m unauté n ’a jam ais reçu un « waiver » form el, m ais il a été établ
368
JEAN-VTCTOR LO U IS ET JA C Q U E S ST E E N B E R G E N
donc pas exclure que l’interprétation par la Communauté d’un accord conclu
par un Etat membre puisse mettre en cause la responsabilité internationale
de l’Etat membre. Ce risque est réel chaque fois qu’un Etat tiers n’accepte pas
de considérer la Communauté comme son unique partenaire, et considère
que l’interprétation communautaire est incompatible avec l’obligation telle
que contractée par l’Etat membre. Cette perception de la responsabilité
internationale des Etats membres semble surtout influencer la jurisprudence
italienne (21) et peut causer un conflit entre les obligations communautaires
d’un Etat membre et sa perception de sa responsabilité internationale.
2. Des obligations contractées conjointement par la Communauté et les Etats
membres.
Des accords ont été conclus conjointement par la Communauté et les Etats
membres (22). Il semble en résulter une responsabilité solidaire de la Com­
munauté et de ses Etats membres, à moins que soit clairement établi quelles
sont les obligations qui ont été acceptées et par quel signataire. Cela est
surtout important pour l’organisation des rapports intra-communautaires
(23). Un manque de qualification des signatures peut amener des Etats tiers à
demander à la Communauté ou aux Etats membres l’exécution d’obligations
qui ne relèvent pas de leurs compétences respectives, à moins que la division
des compétences soit suffisamment claire pour qu’on puisse appliquer l’art.
46 de la convention de Vienne sur le droit des traités.
3. Des obligations qui relèvent uniquement d’une compétence communautaire.
La signature communautaire sous un accord qui relève uniquement d’une
compétence communautaire pourrait en théorie mettre en question indirec­
tement la responsabilité des Etats membres si l’exécution de l’obligation
nécessitait des mesures à prendre par les Etats membres.
On a pu écrire que le Conseil a tâché d’améliorer la position juridique des
Etats tiers en décidant que l’accord en matière de marchés publics, conclu au
sein du GATT, est directement opposable aux Etats membres par des pays
tiers (v. sous I I 4) (24).
par la pratique des Etats que la Com m unauté est acceptée désorm ais com m e Partie C ontrac­
tante, et pas seulem ent comm e m andataire des Etats m em bres. Voy. p a r ex. les accords du Tokyo
Round auxquels la Com m unauté participe soit à côté, soit sans la participation individuelle des
Etats membres, et aussi les indications que les aspects les plus critiqués du traité CEE sem blent
avoir été acceptés comme état de fait : les art. 3.3 (b) des protocoles conclus en annexe à l’Accord
international des produits laitiers, J.O. 1980 L 71/17 et suiv.
(21) Voy. la jurisprudence italienne, qui considère u n nom bre de dispositions d u G A TT
directement applicables en Italie, notam m ent la décision du président d u tribunal de M ilan du 2
avril 1980 qui fait l’objet d ’une note de J. Steenbergen. T he status o f G A TT in C om m unity Law,
Journal o f World Trade Law, 1981, p. 341.
(22) Voy. les conventions de Y aoundé et de Lom é, les accords d ’association avec l’Algérie,
l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le M aroc, la Syrie e t la Tunisie, ainsi que les accords d u Tokyo
Round en m atière d ’équipem ent pour l’aviation civile et les obstacles non tarifaires au com ­
merce international.
(23) La portée des différentes signatures est p ou rtan t rarem ent précisée.
(24) J. Steenbergen, op. cit., S.E. W., 1980, p. 770.
LA R E PA R TIT IO N DES C O M PE T E N C E S EN M A T IE R E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
369
Mais il est encore possible que la Communauté ou les Etats membres
contractent des obligations internationales excédant leurs compétences
respectives. A moins que leur incompétence soit suffisamment évidente pour
qu’on puisse appliquer l’art. 46 de la convention de Vienne en matière
d’obligations ultra vires, une telle signature causera un conflit entre la
responsabilité internationale du signataire et les règles de droit commu­
nautaire. Il n’y a pas encore eu de décision dans des conflits de ce type (v.
aussi les procédures d’avis ou de contrôle préalable mentionnées sous II 2).
VII. ESPACES INTERNATIONAUX
Aux termes de l’article 227, § 1, du traité CEE : « Le présent traité s’ap­
plique au royaume de Belgique, au royaume du Danemark... » et ainsi de
suite pour les autres Etats membres (voy. et comp. art. 79, al. 1er CECA et art.
198, al. 1er CEEA).
Comme l’écrit J.L. Dewost (25), cet article « doit être interprété... en ce
sens que le traité et le droit dérivé s’appliquent non seulement sur le territoire
des Etats membres (26), avec ses prolongements aériens, maritimes (mer
territoriale) et de sous-sol, mais en outre en tout lieu où les Etats exercent,
selon le droit international, certains « droits souverains » même limités ».
Cette proposition est reprise intégralement par un rapport du Parlement
européen dû à Madame M.-M. Fourcade sur la proposition de la Commis­
sion des Communautés européennes concernant un règlement relatif à la
définition du territoire douanier de la Communauté (27).
Aussi doit-on admettre que le droit communautaire s’applique :
— au plateau continental (28) malgré des combats de retardement menés
par certains Etats à cet égard ;
— à la pêche dans les eaux non territoriales (29) ;
— aux autres activités économiques en haute mer.
Il s’agit encore actuellement d’une compétence normative uniquement.
Sauf dans des cas limités, la Communauté n’a pas de compétence admi­
nistrative, comme le souhaiterait le Parlement européen.
Ainsi la Commission a-t-elle proposé au Conseil, le 13 octobre 1977, que
les Etats membres nomment des inspecteurs chargés de faire respecter la
(25) L’application territoriale du droit com m unautaire : disparition et résurgence de la notion
de frontière, in L a Frontière, Colloque de Poitiers de la S.F.D .I., s.d., (1980), p. 253 etsuiv., spéc.
p. 255.
(26) Com pte tenu des exceptions énoncées dans le m êm e article.
(27) Doc. 1-234/81 du 27 m ai 1981, p. 21.
(28) Voy. aussi Y. van der M ensbrugghe, La CEE et le plateau continental, M élanges F.
Dehousse, II, 1979, p. 311 et suiv.
(29) Voy. arrêt Kramer du 14 juillet 1976, aff. 3 ,4 et 6-76, Rec., 1976, p. 1279, spéc. p. 1311.
370
JE A N -V IC TO R LO U IS ET JA C Q U E S ST E E N B E R G E N
réglementation communautaire de la pêche, et notamment, de veiller au
respect du plan de pêche dans certaines zones sensibles. Le Parlement avait
demandé à l’époque que ces inspecteurs aient la qualité d’agents de la
Communauté (30).
Dans le même esprit, un autre rapport du Parlement (31) préconisait la
création d’un service communautaire de surveillance côtière, opérant sous
son propre emblème et chargé du contrôle des activités de pêche dans les
eaux communautaires, de la prévention et de la lutte contre la pollution du
milieu marin, etc.
Il y a lieu de signaler que la Communauté fournit une aide financière à
l’Irlande et au Danemark pour la surveillance de la zone de pêche que ces
Etats administrent. D ’où la suggestion que la Communauté exerce un droit
de regard sur l’emploi des matériels de surveillance qu’elle finance.
En bref, l’exercice des compétences communautaires en matière de pêche
est une illustration des principes de répartition des compétences entre les
Etats membres et la Communauté. Celle-ci dispose de la compétence
normative exclusive et collabore avec les Etats dans l’administration du droit
communautaire dont ceux-ci ont la responsabilité principale.
(30) Voÿ. rapport sur la politique com m une de la pêche par M . Clinton, P.E., Doc. 1-560/80
du 17 novembre 1980, p. 51.
(31) R apport Klinker, doc. 441/78.
LA REPA R TIT IO N DES C O M PETEN C ES EN M A TIER E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S
371
DEBATS
N.B. Le rapport oral a été présenté par M. Steenbergen qui a répondu aux
questions.
M. Vukas fait remarquer que la Communauté européenne souhaite être
partie à la prochaine Convention sur le droit de la mer. Plusieurs articles de la
Convention sont en révision pour tenir compte de cette revendication.
D’autre part, l’intervenant souhaite obtenir une précision au sujet de la
Convention sur la protection des eaux du Danube. La R.F.A. avait tiré
argument du transfert de compétences à la Communauté européenne pour
s’opposer à en faire partie seule. Qu’en est-il ?
Par ailleurs, l’intervenant demande quelles sont — dans le cadre de la
coopération pour l’exploitation des eaux de l’Adriatique — les possibilités
pour l’Italie (compte tenu de son appartenance aux Communautés euro­
péennes) de conclure un traité avec la Yougoslavie sur l’exploitation de
l’Adriatique au-delà des eaux territoriales ?
M. Steenbergen estime qu’il est difficile de répondre à ces questions.
En ce qui concerne la Convention sur le droit de la mer, il est peu aisé de
prévoir qui la signera.
En matière d’accords de pêche, la Cour de justice des Communautés
européennes a décidé qu’il n’est pas exclu qu’ils relèvent de la compétence
exclusive de la Communauté européenne.
Dans ce domaine comme dans celui de l’environnement, la Communauté
européenne peut prendre des mesures, dans le cadre de ses pouvoirs impli­
cites. Elle agira alors non plus en vertu de l’article 113, mais en vertu de
l’article 235 ou d’autres dispositions des traités. Ces articles comportent
toutefois une zone grise. Il est difficile d’affirmer, sans courir le risque d’en
donner une interprétation erronée, qu’une matière (par ex. : l’exploitation
des ressources naturelles) est de la compétence exclusive de la Communauté
européenne ou relève d’un domaine dans lequel la Communauté euro­
péenne peut décider d’intervenir.
Ainsi, pour le Danube ou les relations Italie-Yougoslavie, il n’est pas exclu
de considérer qu’une partie de ces problèmes relèvent :
— soit de la compétence exclusive de la Communauté ;
— soit d’un domaine où la Communauté pourrait décider d’agir excluant
ainsi les Etats membres ;
— soit d’un domaine mixte où les Etats membres et la Communauté
européenne collaboreraient.
La seule manière d’avoir une réponse claire, serait de poser la question à la
Cour.
M. van der Mensbrugghe (néerl.) remarque que la pratique des Commu­
nautés est parfois bien sinueuse, p.e., en ce qui concerne les accords sur les
produits de base. Encore que ces derniers aient généralement été conclus par
372
JE A N -V IC T O R L O U IS ET JA C Q U E S S T E E N B E R G E N — D E BA TS
la Communauté et les Etats membres, il est arrivé que la Communauté agisse
seule en vertu de l’art. 113 (cas de l’huile d’olive en 1979).
Dans son avis 1/78 concernant l’accord sur le caoutchouc naturel, la Cour
de justice a également reconnu une compétence de principe à la Commu­
nauté, tout en admettant la participation des Etats membres lorsque ceux-ci
assurent directement le financement d’un stock régulateur.
Mais, en mars 1981, le Conseil et la Commission ont adopté un arran­
gement « politique » suivant lequel les accords sur les produits de base
faisant partie du programme intégré de la CNUCED seraient négociés et
conclus par la Communauté et ses Etats membres, étant entendu que la
Communauté s’exprimerait d’une seule voix.
Cette solution pragmatique avait pour but de mettre fin aux perpétuelles
discussions en matière de répartition des compétences tout en « sauvegar­
dant » l’unité de la Communauté...
M. Steenbergen (néerl.) précise que la pratique des Communautés euro­
péennes est différente de l’image qu’on peut en avoir à la lecture du traité et
de la jurisprudence de la Cour. En réalité, la Communauté n’use de ses
compétences qu’avec circonspection. U n exemple illustre cette modération :
les accords de coopération technique pour lesquels il a toujours été admis que
la Communauté n’était pas habilitée à les conclure sur base de l’article 113.
Elle en a conclu un avec le Canada en se basant à la fois sur l’article 113 et
sur l’article 235, et d’autres ont été conclus par la Communauté et les Etats
membres.
Il arrive aussi que de tels accords soient conclus par les Etats eux-mêmes
sans la Communauté européenne.
Cette souplesse est nécessaire pour contracter avec certains pays.
Ce système est le signe d’une recherche de solutions pragmatiques ;
l’information réciproque y joue un rôle important.
M. Y. Peeters (néerl.) lit dans le travail du rapporteur que « les Commu­
nautés européennes ne sont pas un Etat fédéral » et qu’ « elles n’ont pas le
pouvoir d’annuler les actes des Etats contraires aux règles des traités » (p. 4).
N’est-ce pas contradictoire avec la primauté de l’ordre juridique européen
sur l’ordre juridique des Etats membres, et l’existence de règles directement
applicables dans les Etats membres, même lorsqu’elles dérogent au droit
interne de ceux-ci ?
D’autre part, l’intervenant demande au rapporteur ce qu’il pense des
tentatives visant à ce que les Communautés deviennent parties à la Conven­
tion européenne des droits de l’homme.
M. Steenbergen invite l’intervenant à interpréter strictement la phrase de
la page 4.
Les Communautés européennes n’ont pas le pouvoir d’imposer manu
militari leur volonté aux Etats membres. C’est de ceux-ci que dépend en
dernier lieu l’application interne des règles communautaires.
LA REPA R TIT IO N D ES C O M PE T E N C E S EN M A TIER E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S — DEBATS
373
Le droit des Communautés a priorité sur le droit interne. Mais il n’en
résulte pas que le droit interne doive être déclaré nul. La nullité ne peut être
prononcée qu’à l’égard des actes des institutions communautaires ou des
décisions des entreprises.
Au sujet de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme, le rapporteur note que beaucoup de personnes attachent à l’adhé­
sion des Communautés européennes plus d’importance que ce problème
n’en a techniquement. Les droits qu’elle protège font partie des principes
généraux admis dans les Communautés européennes. Q u’ajouterait de plus
une adhésion de celles-ci à la Convention, alors que les Etats membres sont
déjà liés par elle ? Mis à part les relations avec les fonctionnaires des Com­
munautés européennes et quelques autres personnes, cette adhésion n’aurait
que des effets d’ordre psycho-politique.
D’autre part, cette adhésion entraînerait des problèmes techniques. La
principale difficulté ne viendrait pas d’une éventuelle soumission de la Cour
de Luxembourg aux décisions de la Cour de Strasbourg, mais bien des
structures des Communautés européennes. Celles-ci, malgré l’existence du
Parlement, ne sont pas celles d’un Etat à démocratie parlementaire. Sur toute
une série de points, il se peut que les Communautés européennes ne répon­
dent pas formellement aux conditions d ’adhésion à la Convention de sauve­
garde des droits de l’homme. Pour que les Communautés puissent y adhérer,
ü faudrait adapter la Convention. Mais, cela ne risquerait-il pas de permettre
à des organisations qui ne répondent pas aux objectifs de cette Convention
d’y adhérer et d’éroder les garanties offertes par la Convention ?
M. Y. Peeters (néerl.) pense que l’adhésion des Communautés à la Con­
vention européenne des droits de l’homme a son utilité propre.
On sait que l’article 25 autorise la requête individuelle à la Cour de
Strasbourg, après épuisement des voies de recours internes. Pendant 30 ans,
la France avait refusé l’application de cet article. Pour ce pays, le problème
est aujourd’hui réglé. Mais ce n’est pas encore le cas pour la Grèce. Si les
Communautés adhéraient à la Convention, l’article serait-il ipso facto obli­
gatoire pour tout le monde ?
M. J. Steenbergen (néerl.) estime que le problème du refus d’un Etat
membre de reconnaître le droit de recours individuel ne serait pas levé par
l’adhésion des Communautés à la Convention.
M. K. Lenaerts (assistant K.U.Leuven) (néerl.) fait rem arquer que la
question de la délimitation des compétences externes des Communautés
européennes ne peut pas être résolue de façon satisfaisante par la simple
affectation des différents domaines de droit matériel à la sphère de compé­
tences des Communautés ou à celle des Etats membres. Selon lui, il importe
plus de déterminer la nature précise du rapport juridique reliant ces deux
sphères de compétences. En théorie, ce rapport pourrait être exclusif ou
concurrent. Dans le premier cas, les Etats membres perdraient définitivement
certaines compétences par l’attribution même de celles-ci aux Communautés
dans les traités européens ; dans le second, les Etats membres resteraient
374
JE A N -V IC TO R L O U IS ET JA C Q U E S S T E E N B E R G E N — DEBATS
habilités à exercer les compétences transférées aux Communautés pour
autant que leur action n’entre pas en conflit avec l’exercice des compétences
communautaires. L’orateur affirme que la Cour de justice a reconnu dans sa
jurisprudence ce schéma de base, qui correspond à la terminologie améri­
caine concernant le partage de compétences entre l’Union et les Etats) (comp.
l’arrêt 804/79, Commission c. Royaume-Uni, du 5 mai 1981).
En règle générale, les Compétences normatives attribuées aux Commu­
nautés revêtent, selon M. K. Lenaerts, un caractère concurrent. Ceci serait
notamment le cas pour les aspects internes et externes de la politique agricole
commune et de la politique des transports (comp. l’arrêt 22/70, A.E. T.R., du
31 mars 1971). Par contre, les articles 113 du traité CEE et 102 de l’Acte
d’ahésion de 1972 contiendraient le fondement d’une compétence commu­
nautaire exclusive en ce qui concerne la politique commerciale commune et
la politique de la pêche maritime (voy. l’avis 1/78 du 4 octobre 1979 et l’arrêt
804/79 susmentionné).
M. J. Steenbergen (néerl.) rappelle que les compétences des Communautés
européennes sont des compétences d’attribution, parmi lesquelles on peut
distinguer des compétences communautaires exclusives ab initio, (par ex. art.
113 CEE), des compétences concurrentes qui peuvent devenir exclusives par
acte communautaire, selon certains, des compétences qui restent concurren­
tes, et des compétences résiduaires des Etats membres.
Il y a donc des nuances quant à la signification des termes compétence
exclusive et compétence concurrente. Ceux-ci n’ont pas la même significa­
tion dans le droit constitutionnel américain et dans la jurisprudence de la
Cour de Luxembourg. Pour celle-ci, les notions de compétence exclusive et
concurrente sont évolutives, notamment en ce qui concerne le droit dérivé :
une fois que les Communautés ont décidé d’agir, la compétence devient
exclusive.
M. K. Lenaerts (néerl.) souligne que la notion évolutive d’exclusivité
correspond en fait à la figure de la « fédéral préemption » du droit constitu­
tionnel américain, qui implique que dans un système de compétences con­
currentes l’Union a le pouvoir de régler un certain sujet de façon exhaustive,
ne laissant plus aucune marge aux Etats à maintenir des normes propres en la
matière. L’intervenant met en garde contre l’emploi abusif du terme com­
pétence exclusive. Celui-ci devrait être réservé aux seuls cas où les traités
européens, conçus comme constitution communautaire, attribuent une cer­
taine compétence normative aux Communautés avec le but de dérober par ce
fait même, les Etats membres de toute compétence parallèle ou complé­
mentaire. Dans cette hypothèse les Communautés ne sauraient plus déléguer
une telle compétence aux Etats membres. Dès lors, une compétence com­
munautaire véritablement exclusive serait de nature irréversible, sauf
amendement formel des traités, tandis que le caractère exhaustif de l’exercice
par les Communautés d’une compétence intrinsèquement concurrente
pourrait toujours être remis en question ultérieurement au cours du fonc­
tionnement normal du processus de décision politique à l’intérieur des
Communautés.
LA R E PA R TIT IO N D ES C O M PETEN C ES E N M A T IE R E D E R E L A T IO N S E X T E R IE U R E S — DEBATS
375
A cet égard, la notion d’exclusivité évolutive, dérivée du langage de cer­
tains arrêts de la Cour de justice, donne lieu à une grande confusion, d ’après
M. K. Lenaerts. Il s’agirait en effet de l’emploi exhaustif par les Commu­
nautés d’une compétence concurrente, plutôt que d’une compétence « deve­
nue » constitutionnellement exclusive.
Pour autant qu’une catégorie autonome de compétences résiduaires des
Etats membres soit prévue (à côté des catégories des compétences exclusives
et concurrentes), M. K. Lenaerts indique que toutes les compétences rési­
duelles des Etats membres peuvent être mises à néant par l’emploi que les
Communautés font de leurs compétences. Ainsi, il n’y aurait pas de « com­
pétences réservées » (« gereserveerde bevoegdheden ») incombant aux Etats
membres, mais seulement des compétences résiduelles dont l’exercice par les
Etats membres ne peut pas être contraire au contenu du droit commu­
nautaire, tant primaire que dérivé. Ce raisonnement refléterait l’essence
même de la « fédéral préemption » aux Etats-Unis d ’Amérique.
La conclusion, à laquelle arrive M. K. Lenaerts, est que le terme de
compétence externe exclusive des Communautés ne s’applique correctement
qu’aux seuls domaines de la politique commerciale commune et de la poli­
tique de la pêche maritime. L’usage de ce terme ne pourrait pas être étendu
aux cas où les Communautés ont épuisé un chef de compétence concurrente
par leur action normative.
M. Steenbergen (néerl.) admet que pour ce qui est du terme « gereser­
veerde », la terminologie est meilleure dans d’autres langues ( = « rési­
duel »). Il fait remarquer que, si le terme exclusif n’est pas toujours utilisé, on
trouve fréquemment dans les arrêts les termes « habilité à l’exclusion
d’autres ». Cette expression a pour le rapporteur la même signification que
l’expression « compétence exclusive ». Sans rejeter a priori cette affirmation,
il se demande comment la concilier avec la conception moniste de la Cour
(rapport p. 12).
M. P. Van Nuffel (assistant Gemeenschapsrecht UIA) (néerl.) lit dans le
rapport « (...) dans la logique de la compétence fonctionnelle des institutions,
les accords conclus par la Communauté l’emportent sur le droit dérivé du
Traité, mais sont primés par celui-ci qui est la norme suprême de l’ordre
juridique communautaire » (p. 5).
D’autre part, à propos de l’affirmation du rapporteur selon laquelle les
Communautés européennes ont pris la place des Etats membres pour assu­
mer la responsabilité d’anciens accords, c’est-à-dire d’obligations interna­
tionales contractées par eux, mais depuis lors communautarisées (rapport, p.
21), l’intervenant se demande si cela est également valable pour les accords
commerciaux conclus après la période transitoire avec l’autorisation du
Conseil par les Etats membres, parce que les négociations communautaires
au titre de l’art. 113 ne pouvaient avoir lieu (comme les traités au début des
années 70 avec les pays du Comecon) ou pour les anciens traités dont le
Conseil autorise chaque année la prorogation ou la tacite reconduction (tels
que l’Accord commercial entre le Benelux et le Japon).
376
JE A N -V IC TO R L O U IS ET JA C Q U E S ST E E N B E R G E N — DEBATS
M. Steenbergen (néerl.) précise qu’il faut interpréter le texte de la p. 5 dans
le rapport de manière stricte. De l’avis du rapporteur — dans son interpré­
tation — et de la Cour, dans les matières où la Communauté européenne est
compétente et s’est engagée sur le plan international, c’est aux organes
communautaires qu’il appartient d’interpréter ces engagements (ex. :
GATT).
M. Van Nuffel (néerl.) demande ce que doit faire le juge national qui se
trouve confronté à un tel accord.
M. Steenbergen (néerl.) pense que le juge national n’est pas dans une
position enviable.
Aux termes du droit communautaire, il n’y a pas de doute : le juge national
doit s’adresser à la Cour. Il cite l’exemple d’un juge italien qui avait interprété
le GATT sans avoir tenu compte de l’interprétation communautaire de
celui-ci. Par un acte exceptionnel, la Commission des Communautés euro­
péennes a publié un communiqué pour s’opposer à l’interprétation du juge.
Pour les anciennes conventions qui ont été communautarisées, le rappor­
teur n’exclut pas que les parties initiales restent responsables à l’égard de
leurs cocontractants pour tous les engagements qui ne sont pas repris par le
nouveau partenaire. La compétence communautaire ne peut constituer une
exonération de responsabilité des parties contractantes originaires.
Pour ce qui est des accords commuiiautarisés, le rapporteur estime que s’il
y avait un litige entre un Etat membre et un Etat tiers, la responsabilité
internationale reposerait en premier lieu sur l’Etat membre qui a conclu les
engagements. Mais parfois, il y a un problème entre un Etat membre et les
Communautés européennes; par exemple, la Belgique est opposée aux
Communautés européennes en ce qui concerne l’interprétation des accords
conclus entre le Benelux et le Japon.
A propos du cas de nouveaux accords conclus par un Etat membre, on se
heurte à un troisième type de situation.
Le rapporteur croit que la responsabilité internationale incombera à l’Etat
membre et non à la Communauté.
La séance est levée à 17 h 40.

Documents pareils