1 LE CRI D`UN COEUR Auteur : Cielle Depuis que je t`ai rencontré

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1 LE CRI D`UN COEUR Auteur : Cielle Depuis que je t`ai rencontré
LE CRI D’UN COEUR
Auteur : Cielle
Depuis que je t’ai rencontré, ma vie s’est figée.
Je ne mange plus, je ne dors plus, je vois ton sourire quand je ferme les yeux, je repasse dans
ma tête cette soirée, imaginant ce que j’aurais pu te dire, listant mes erreurs, mes faux pas,
regrettant mon entrain et mon impatience. Je me répète qu’avec une autre attitude, j’aurais pu
changer le cours des choses. Et je pense à toi, sans cesse.
Tout a commencé ce samedi soir. Ou peut-être même l’avant-veille quand mes parents,
épuisés, avaient cédé à mes suppliques et m’avaient autorisée à aller à la « boum » malgré
mon mauvais bulletin.
Cette boum était plutôt la grande soirée de l’année qu’il ne fallait pas manquer, organisée par
Léa, fille populaire s’il en est. Pas vraiment une amie mais comme cela fait des années que
nous sommes dans la même classe, elle pense toujours à m’inviter. Et c’était l’occasion de
boire un peu, de faire la fête et surtout de voir son frère, le plus beau garçon du monde – au
moins.
Une fois l’assentiment des parents obtenu, il ne me restait plus une minute à perdre. J’appelai
Alex à la rescousse qui insista pour que nous allions faire les boutiques en vue de me dénicher
la robe qui en mettrait plein la vue à tous ces bourgeois. Alex n’aime pas beaucoup Léa, qui le
lui rend bien, mais ça ne l’empêche pas de s’incruster aux soirées pour boire un peu, faire la
fête et surtout embrasser Sam ailleurs que dans la rue ou les toilettes du lycée.
Peut-être est-ce là que tout a commencé, quand j’ai choisi une robe que mes parents
m’auraient interdit de porter mais qui, avec des collants, des bottes montantes et une veste en
cuir allaient faire de moi la fille la plus classe de la soirée, « c’est sûr et certain ! » m’assura
Alex.
Peut-être aurais-je dû faire fi de ses conseils et mettre mon indétrônable jean noir et mes
baskets. J’aurais eu l’air plus simple, plus vraie, plus moi. Et peut-être m’aurais-tu regardée
autrement.
Mais je l’avoue, l’idée d’avoir l’air d’une femme – pour une fois - n’était pas pour me
déplaire. J’imaginais le frère de Léa, du haut de ses vingt ans, tombant sous mon charme et
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me suppliant de l’aimer à tout jamais. J’ai beau ne pas être dupe et rejeter en bloc les contes
de fée, je me berçais d’illusions et rêvassais durant tout le vendredi.
Enfin samedi arriva et avec lui l’intuition que cette soirée allait changer ma vie. Alex rigola
doucement quand je l’appelais pour le lui dire. Mais je n’en démordais pas. Je ne savais pas
comment, je ne savais pas pourquoi mais je sentais que tout était possible.
Et c’est finalement peut-être à cet instant que tout a commencé : quand j’ai séché l’escrime
pour m’épiler et accueillir le destin du mieux possible. J’ignorais alors que tu serais ce destin.
A dix-sept heures j’arrivai chez Alex.
Dans sa chambre les vêtements s’entassaient et je me dénichais une petite place au bout de
son lit pour m’asseoir. Elle m’expliqua rapidement qu’il fallait qu’elle soit bien habillée mais
qu’en même temps elle ait l’air de n’avoir fait aucun effort parce qu’il fallait qu’elle garde son
statut de fille au dessus de toutes ces bêtises. Ce fut mon tour de rigoler.
Quand elle eut déniché la tenue parfaite, elle s’intéressa de nouveau à moi. « C’est parti ! »
Et une fois habillée, coiffée, maquillée, en me regardant dans le miroir, je me trouvais
éblouissante. Je n’étais plus la gamine terne de tous les jours, j’étais carrément canon.
Je n’osais rien dire mais quand Alex lança un « wow » plein d’admiration, je fus rassurée. Au
moins nous étions deux à me trouver belle, ce n’était donc pas mon esprit qui me jouait des
tours.
J’ai failli reculer, ôter la robe, remettre mes habits sales et aller chez Léa en jean – tee-shirt.
Mais, et Alex n’a rien à voir avec cette décision, j’ai choisi d’oser, d’assumer et de profiter.
Est-ce là que tout a commencé ?
Je dois reconnaître que mon entrée fut fracassante, je me suis sentie presque dans un film
quand tout le monde m’a regardée et que même le frère de Léa m’a souri.
Pourtant, rapidement, je me suis sentie gauche, maladroite, pas à ma place. Il n’y a rien
d’évident à jouer un rôle qui n’est pas le mien.
Heureusement qu’Alex ne me quittait pas et me faisait rire en commentant les nouveaux
venus.
Quand elle t’a vu entrer dans le salon, elle m’a murmuré « ce gars-là, c’est un briseur de
cœur, ça se voit comme le nez au milieu de la figure ». Moi je n’ai rien vu, j’ai juste senti mon
cœur battre plus fort. Alors j’ai dit en rigolant « il peut briser le mien quand il veut. »
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Et puis nous sommes passées à autre chose, piochant des chips dans le grand saladier,
bavardant avec les copines, dansant de temps en temps et buvant du whisky-coca.
Tout se passait bien, j’étais simplement un peu déçue que le frère de Léa soit parti si vite.
Ce n’était pas très grave, j’avais autre chose à penser, David me draguait gentiment et je me
laissais faire. Alex me faisait les gros yeux, je savais que j’en faisais trop et que je minaudais
mais elle n’eut pas le temps de me faire la leçon car Sam arriva et elles disparurent dans la
chambre du haut.
C’est sûrement là que tout a commencé, quand je me suis retrouvée sans ma meilleure amie
pour faire barrage.
J’ai dansé avec David et avec Louis qui n’ont pas hésité à me complimenter sur ma tenue. J’ai
bu un deuxième verre. J’ai fumé avec Clémence et Lena. J’ai dansé seule sur les tubes de
l’année. J’ai embrassé Alix. Audrey a vomi sur Laura. Maxime s’est endormi sur le canapé.
Léa a demandé à Audrey de faire attention. Adrien et Lou sont enfin sortis ensemble. Myriam
a engueulé Omar pour lui avoir renversé son verre dessus.
En somme, une soirée comme les autres, très agréable.
Quand les slows ont commencé, je me suis affalée sur un fauteuil pour regarder les autres
danser. Et je t’ai remarqué à nouveau. Tu parlais avec animation à une fille que je ne
connaissais pas et tu étais beau. C’est certainement pour cette raison qu’Alex t’avait qualifié
de « briseur de cœur » mais ça n’avait pas d’importance, je me contentais de t’admirer et je
n’envisageais même pas d’aller te parler.
Pourtant, au bout de quelques minutes, tu t’es approché. Mes regards ne devaient pas être si
discrets. Tu m’as proposé une danse et je n’ai pas refusé.
En vérité c’est là que tout a commencé. Sur le slow « Cry me a river ».
Tes mains sur mes hanches m’ont fait l’effet d’une décharge alors je n’ai pas protesté quand
tu t’es serré contre moi, bien au contraire. Et j’ai répondu à ton baiser avec fougue.
Après la chanson, j’ai rejoint mon fauteuil, toute étourdie et toute joyeuse.
J’aurais voulu t’embrasser encore, te toucher, te caresser.
C’est à ce moment que j’ai pardonné à Alex de passer la soirée enfermée avec Sam et que j’ai
compris pourquoi elle le faisait.
Je suis sortie fumer pour me donner du courage. Il fallait absolument que je te demande ton
numéro de téléphone. Il fallait que j’ose. Donc que je t’interrompe dans la discussion que tu
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avais reprise avec cette inconnue et d’autres amis. Mes mains tremblaient à l’idée de le faire
mais je n’allais quand même pas renoncer par simple timidité.
Comme si tu avais lu dans mes pensées, tu es venu me rejoindre. Je t’ai fait mon plus grand
sourire. On a bavardé et surtout on s’est embrassé. De l’intérieur nous parvenaient des bribes
de chansons, un imbécile avait mis Céline Dion et je pouvais tout à fait visualiser des couples
dansant langoureusement au centre du salon.
Il est incontestable qu’à cet instant je n’avais aucune envie de les rejoindre. Je ne pouvais pas
savoir qu’un slow aurait été parfait, qu’un slow aurait changé ma vie.
A cet instant, c’est de toi que j’avais envie et j’imagine que tu t’en es rendu compte. Tu m’as
entrainée un peu plus loin dans le jardin, à l’abri des regards.
Tes mains cherchaient mes seins, les miennes couraient dans ton dos et nos corps enlacés ne
cherchaient qu’à se coller encore plus.
Pourtant quand tes doigts se sont glissés dans mon collant, je t’ai dit non. Pas comme ça, pas
maintenant.
Tu as essayé doucement de me convaincre, avec des mots doux et des baisers. Je t’ai dit non.
Pas ici, pas si vite.
Tu n’as pas voulu m’entendre, tu as continué de fouiller dans ma culotte et je t’ai repoussé ; je
suis certaine de t’avoir dit d’arrêter.
Tu n’as pas voulu comprendre, tu as mis une main sur ma bouche pour m’empêcher de crier
et de l’autre tu as déboutonné ton jean.
Je crois que je t’ai poussé – sûrement pas assez fort.
J’ai senti ton sexe dans mon corps et avec violence, tu m’as déchiré à la fois l’hymen et l’âme.
Depuis que je t’ai rencontré, ma vie s’est figée.
Je me sens coupable, je me sens sale, je me sens conne à en pleurer.
Je repasse en boucle la soirée pour trouver toutes les fois où j’aurais pu me sauver – il y en a
des dizaines ; pourtant je n’ai fait que les mauvais choix et tout est de ma faute.
Je n’aurais pas dû mettre de robe, je n’aurais pas dû danser avec toi, je n’aurais pas dû
t’encourager, je n’aurais pas dû t’embrasser, je n’aurais pas dû sortir dans le jardin, je n’aurais
pas dû. Un point c’est tout.
Alex n’est pas d’accord (« quand on dit non, c’est non, à n’importe quel moment ! »), Alex
secoue la tête devant tant de bêtises (« tu t’habilles comme tu veux, il n’a qu’à se contenir
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l’animal »), Alex imagine des vengeances (« on pourrait lui couper les couilles »), Alex essuie
mes larmes (« ça va aller ma chérie, je suis là »).
Parfois Alex arrive à me faire rire et dans ces moments-là, je sens que la vie continue. Dans
ces moments-là, je sais que tout est de ta faute.
Je te promets qu’un jour, c’est moi qui te détruirai.
Et tu pourras me pleurer des rivières.
FIN
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