Rééducation des immobilités laryngées unilatérales

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Rééducation des immobilités laryngées unilatérales
Septembre 2003
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Immobilités
laryngées
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Sommaire
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Septembre 2003
N° 215
Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Bernard Roubeau, orthophoniste
IMMOBILITÉS LARYNGÉES
Bernard Roubeau, orthophoniste, docteur es sciences, Paris
3
1 La place de l’orthophonie dans la prise en charge des immobilités laryngées :
les recommandations pour la pratique clinique
Bernard Roubeau, orthophoniste, docteur es sciences, Paris
5
1 Rééducation des immobilités laryngées unilatérales
Emmanuel Baudelle, Christiane Orenstein, Jean-Louis Brun, orthophonistes,
Paris, Agen, Nîmes
2 La pratique des chaînes d’occlusions dans la rééducation
des paralysies unilatérales du larynx
Benoît Amy de la Bretèque, phoniatre, Marseille et Montpellier
3 Troubles de la déglutition et immobilités laryngées
Michel Guatterie, kinésithérapeute, Bordeaux
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1 La médialisation chirurgicale de la corde vocale : résultats vocaux
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Isabelle Liesenfelt, orthophoniste, Paris et Grenoble
2 Confort de vie des patients avant et après médialisation de la corde vocale
dans le cadre d’une paralysie laryngée unilatérale
67
Géraldine Debono, orthophoniste, Paris et Rouen
3 La prise en charge orthophonique des paralysies récurrentielles unilatérales.
Enquête auprès des orthophonistes : résultats préliminaires
81
Christophe Tessier, Bruno Sarrodet, Sylvie Brihaye, Lise Crevier-Buchman, Stéphane Hans,
Daniel Brasnu, orthophonistes, phoniatre, ORL, Paris
4 Immobilités laryngées bilatérales. Place de la prise en charge orthophonique
91
Michèle Puech, orthophoniste, Toulouse
5 Paralysie du nerf laryngé supérieur. Sémiologie, diagnostic et traitement
107
Emmanuel Baudelle, orthophoniste, Paris
119
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Bernard ROUBEAU
Orthophoniste
Service d’Oto-Rhino-Laryngologie
et de Chirurgie Cervico-Faciale
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris
L
a prise en charge des immobilités laryngées est multiple car elle
concerne la voix mais aussi la déglutition et la respiration, et elle constitue un pôle très particulier de l’activité orthophonique par l’importance
de son aspect technique. Qui dit « technique », ne dit pas forcément utilisation
systématique des mêmes outils de rééducation mais fait appel à de subtiles capacités d’observation et d’écoute.
En effet, bien que le substrat organique et physiologique soit souvent
défini par un examen médical approprié, le rééducateur reste l’intervenant le
mieux placé pour évaluer en complément les déficits et les dérives fonctionnelles liées au trouble. Cette observation conduit à des attitudes thérapeutiques
plus variées et plus adaptées au patient que celles basées sur le simple diagnostic laryngé pourtant indispensable.
Ce numéro de Rééducation Orthophonique rassemble des approches thérapeutiques et des recherches, pour certaines assez nouvelles, de professionnels
qui se sont penchés sur des aspects particuliers du problème. Pour une connaissance plus exhaustive des éléments anatomiques et physiopathologiques ainsi
que des modes d’exploration et d’évaluation des immobilités laryngées, le lecteur est invité à se rapporter aux ouvrages de références.
La prise en charge des immobilités laryngées est une des plus gratifiantes,
car elle permet le plus souvent de rétablir des fonctions aussi fondamentales que
la phonation et la déglutition même si l’organe demeure déficitaire. Lorsqu’elle
ne mène pas seule à la récupération des ces fonctions, elle demeure complémentaire des nouvelles techniques chirurgicales développées en cas d’échec de la
rééducation. Enfin, bien que cette prise en charge, qui est de plus en plus fréquente, présente un aspect très technique, elle n’en demeure pas moins riche de
toute la dimension d’accompagnement du patient qui fait l’intérêt d’une vraie
démarche thérapeutique.
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La place de l’orthophonie dans la prise en
charge des immobilités laryngées :
Les recommandations pour la pratique clinique
Bernard Roubeau
Résumé
Les « recommandations pour la pratique clinique » dans le cas des immobilités laryngées a
fait l’objet d’un texte dont la rédaction, à partir de la littérature internationale consacrée à ce
sujet, a été sollicitée par la Société Française d’ORL. Les différents aspects du diagnostic et
du traitement sont abordés.
Le texte consacré à la rééducation extrait de la version longue des recommandations est
cité in extenso et situe la place de l’orthophonie dans l’évaluation et la prise en charge des
troubles concernant la voix, la respiration et la déglutition. Ce texte constituant une référence clinique est adressé à tous les médecins ORL.
Mots clés : Paralysie récurrentielle, immobilité laryngée, ANAES, Société Française d’ORL,
pratique clinique.
Role of speech and language therapy in the treatment of laryngeal
immobility : recommendations for clinical practice
Abstract
With regard to the problem of laryngeal immobility, long and short texts have been published, which review recommendations for clinical practice. These texts, based on the international literature, have been requested by the Société Française d’ORL (French Society of
ENT specialists). Different dimensions of diagnosis and treatment are reviewed.
The text taken from the longer version of the recommendations regarding functional rehabilitation is presented in its entirety; it stresses the significant role of speech and language
management in the assessment and treatment of voice, breathing and swallowing disorders. These recommendations represent an important clinical reference that concerns all
French otorhinolaryngologists.
Key Words : .Recurrent laryngeal nerve palsy, laryngeal immobility, ANAES, Société Française d’ORL (French Society of Otorhinolaryngologists), clinical practice
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Bernard ROUBEAU
Orthophoniste
Service d’Oto-Rhino-Laryngologie
et de Chirurgie Cervico-Faciale
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris
A
fin d’apporter des réponses basées sur les connaissances actuelles aux
questions que se posent les praticiens concernant les immobilités laryngées, la Société Française d’ORL a élaboré un texte officiel constituant
les recommandations pour la pratique clinique. Cette élaboration s’est fondée
sur la méthode de travail publiée par l’ANAES.
Un comité d’organisation (9 médecins ORL et 1 méthodologiste) était
ch a rgé, d’une part de définir les questions auxquelles ce texte deva i t
répondre, et d’autre part de désigner un groupe de travail et un groupe de
lecture.
Le groupe de travail (12 ORL dont 3 phoniatres, 1 médecin généraliste, 1
médecin physiologiste et 1 orthophoniste) a rédigé ces recommandations en
répondant aux questions suivantes concernant les paralysies récurrentielles
sensu largo, c’est à dire l’ensemble des immobilités laryngées :
- Comment faire le diagnostic d’une immobilité laryngée uni- ou bilatérale ?
- Quels sont les éléments de décision thérapeutique ?
- Quels traitements ? Quelles stratégies ?
Le groupe de lecture (28 ORL dont 3 phoniatres, 2 phoniatres non
ORL, 1 méthodologiste, 4 neurologues, 1 radiologue, 1 généraliste, 2 orthophonistes (un avis complémentaire sollicité auprès de 2 pneumologues))
était chargé d’apporter ses remarques sur les textes rédigés par le groupe de
travail.
♦ La littérature internationale
Les recommandations cliniques ont été rédigées à partir des données de la
littérature internationale recensée par l’interrogation des banques de données
MEDLINE et EXCERPTA Medica.
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Un relevé exhaustif des publications récentes (de 1990 à 2001) et des
publications de référence (de 1960 à 1990) a été réalisé.
169 références ont été sélectionnées et analysées par le groupe de travail
sur 855 relevées.
138 références ont été utilisées pour l’élaboration des recommandations.
Seules les publications de langue française, anglaise ou allemande ont été retenues.
Les articles sélectionnés ont été analysés selon les principes de lecture
critique, formalisés par les grilles de lecture proposées par le service de recommandations professionnelles de l'ANAES de Janvier 2000. Ces principes permettent d'affecter un niveau de preuve scientifique à chaque référence, qui du
plus fort au plus faible est :
Niveau 1 (n1) : Essais comparatifs randomisés de grande puissance
Niveau 2 (n2) : Essais comparatifs randomisés peu puissants
Niveau 3 (n3) : Essais comparatifs contemporains non randomisés et
études de cohorte
Niveau 4 (n4) : Essais comparatifs avec série historique
Niveau 5 (n5) : Séries de cas, dont cas cliniques.
Le niveau des études est indiqué lors du premier appel de chaque référence dans le texte.
♦ L’accord professionnel
Lorsque aucune référence n’était disponible concernant un aspect de la
question, une recommandation pouvait être rédigée à partir d’un accord professionnel fort (dégagé au cours d'échanges entre les membres du groupe de travail,
par courriers et en réunions plénières).
Les publications scientifiques concernant les résultats de la rééducation
faisant cruellement défaut, c’est le plus souvent à partir d’un accord professionnel que cette part de la prise en charge des immobilités laryngées a été
rédigée.
Un texte long ainsi qu’un texte court ont été rédigés et distribués à tous
les médecins ORL.
Sera présentée ici la rédaction complète de la partie concernant la prise en
charge orthophonique extraite du texte long qu’il est possible de se procurer
auprès de la Société Française d’ORL.
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♦ Recommandations pour la Pratique Clinique :
« Paralysies récurrentielles de l’adulte »
(texte long publié en octobre 2002)
Après un développement des examens cliniques et paracliniques face à
une immobilité laryngée, le texte aborde les étiologies possibles des immobilités
laryngées et les arguments cliniques caractérisant ces étiologies.
Sont ensuite abordés les éléments de décision thérapeutique ainsi que
l’évaluation des troubles.
Viennent ensuite les réponses aux questions : « Quels traitements ?
Quelles stratégies ? » qui concernent la place de la rééducation et de la chirurgie
dans les paralysies uni et bilatérales.
Enfin la place de la réinnervation et de la prévention des paralysies récurrentielles chirurgicales est abordée.
La liste des 138 références bibliographiques est jointe au texte long.
♦ Texte intégral des recommandations concernant la rééducation
(texte long)
…
(3.) Quels traitements ? Quelles stratégies ?
(3.1.) Place de la rééducation
L’orthophoniste participe à l’évaluation des troubles fonctionnels de la
voix (69(n5), 70(n5), 71(n5)) et de la déglutition (72(n5)). L’orthophoniste
assure la rééducation des troubles touchant ces deux fonctions.
La prise en charge fonctionnelle des immobilités laryngées au cours de
rééducations orthophoniques n’a fait l’objet que de très rares études (70). La
rééducation orthophonique n’est pas systématique pour tous. Nombreuses sont
les publications qui considèrent la prise en charge orthophonique comme indispensable en première intention et dont seuls les échecs vont nécessiter une
intervention chirurgicale (6, 5, 10, 70, 73(n5), 74(n5), 75(n5), 76(n3)).
(3.1.1.) L’évaluation fonctionnelle
(3.1.1.1.) De la dysphonie
A l’évaluation perceptive de la production sonore (GRBAS) peut s’ajouter
l’évaluation instrumentale de la production sonore grâce aux logiciels de traitement du signal.
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A la production acoustique s’ajoute l’évaluation qualitative :
du geste phonatoire (analyse du comportement global de forçage, du serrage laryngé et des tensions péri-laryngées),
du geste respiratoire (amplitude, localisation, fréquence des reprises de
souffle, crispations de la musculature respiratoire),
de la statique vertébrale en général et cervicale en particulier (repérage
des tensions cervicales, des mouvements parasites proximaux et distaux
accompagnant la phonation).
(3.1.1.2.) De la dysphagie
Evaluation de la dysphagie à partir de l’observation du comportement
alimentaire et de la déglutition elle-même grâce aux bilans classiques.
(3.1.2.) La prise en charge fonctionnelle ou rééducation
Les outils à la disposition du rééducateur sont nombreux, allant des
mobilisations compensatrices fonctionnelles au contrôle de la production
vocale à partir de bio feedback visuels, des techniques de relaxation aux divers
types d’entraînement posturaux et respiratoires. Leur variété permet une prise
en charge adaptée à la configuration laryngée ainsi qu’aux attitudes réactionnelles développées par le patient.
(3.1.2.1.) De la dysphonie
Le but de la prise en charge sera de développer les compensations fonctionnelles et de réduire les compensations parasites principalement supraglottiques qui peuvent survenir à n’importe quel niveau de la fonction (72, 77(n5)).
(3.1.2.1.1.) Dans les immobilités unilatérales
La rééducation permet le contrôle du souffle phonatoire et l’ajustement
glottique afin de rétablir et d’améliorer la vibration laryngée. Elle a aussi pour
but d’améliorer l’adduction glottique – nécessaire à la toux, la déglutition et
aux efforts à glotte fermée – par des manipulations laryngées lorsqu’elles sont
efficaces et par l’entraînement des compensations fonctionnelles à travers différents exercices tels que les « glottages » par exemple. Le rééducateur dispose à
cet effet d’une grande variété d’exercices respiratoires et vocaux.
(3.1.2.1.2.) Dans les immobilités bilatérales
Dans les paralysies en ouverture, la rééducation est indiquée. Dans une
paralysie en fermeture, lorsqu’une intervention chirurgicale a été effectuée afin
de libérer la filière respiratoire, la prise en charge orthophonique aide à la
récupération vocale en limitant le renforcement de la fermeture glottique et du
serrage laryngé.
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(3.1.2.2.) De la dysphagie
La prise en charge s’effectue à plusieurs niveaux : entraînement aux postures facilitatrices et aux manœuvres de protection des voies respiratoires mais
aussi adaptation des conduites alimentaires.
(3.1.3.) L’orthophonie : quand et pendant combien de temps ?
Les données de la littérature ne permettent pas de recommander un délai,
une durée et un rythme de prise en charge. Il existe un accord professionnel
pour une prise en charge précoce (6, 10, 74). Les durées de rééducation observées sont très variables, souvent courtes (de 1 à 3 mois pour Benninger (6))
mais pouvant aller aussi jusqu’à 6 ou 9 mois pour d’autres auteurs (69, 74).
Une durée minimum de 3 mois de rééducation semble raisonnable, avant d’envisager une autre stratégie thérapeutique (accord professionnel).
Quand elle ne permet pas une récupération fonctionnelle satisfaisante, la
rééducation reste complémentaire de la chirurgie. Dans ce cas, elle a pour but
de stabiliser les effets de cette dernière (5, 69, 70).
(3.1.3.1.) La prise en charge préopératoire
L’orthophonie pendant la période préopératoire permet d’éviter les forçages qui peuvent limiter les effets de la chirurgie.
(3.1.3.2.) La prise en charge postopératoire
Elle permet l’adaptation du geste respiratoire et vocal à la nouvelle
configuration laryngée ainsi qu’aux modifications glottiques progressives qui,
au cours des semaines et des premiers mois, vont succéder à l’intervention
(réduction de l’œdème postopératoire, résorption partielle de la graisse dans le
cas des injections).
La prise en charge orthophonique apparaît comme une approche indispensable au traitement des immobilités laryngées, qu’elle soit ou non accompagnée d’un geste chirurgical.
Bien qu’il règne au sujet de l’utilité de cette thérapie un consensus professionnel fort, il apparaît indispensable de développer des études évaluant
objectivement l’efficacité des différentes techniques utilisées en rééducation.
…
(3.3.) Indications thérapeutiques dans les paralysies unilatérales
Bien qu’il n’existe pas de preuve suffisante dans la littérature pour étayer
ces indications, il se dégage un consensus professionnel fort pour donner les
recommandations suivantes.
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(3.3.1.) Générales
En l’absence de troubles de la déglutition mettant en jeu le pronostic
vital, la rééducation orthophonique est la solution thérapeutique de première
intention.
♦ Conclusion
Ce texte établit clairement et officiellement le champ d’investigation de
l’orthophonie dans la prise en charge des immobilités laryngées. Il est ressorti
de ce travail que les études évaluant systématiquement les effets des différentes
pratiques de rééducation faisaient totalement défaut, ce qui n’a permis de baser
les recommandations que sur un consensus professionnel. L’absence de publication portant sur les effets de la rééducation est encore malheureusement trop
souvent interprétée, par certains praticiens, comme une absence d’efficacité.
Bien que cette efficacité soit évidente pour la plupart des cliniciens et bien que
la médecine ne puisse se baser uniquement sur la preuve scientifique, il est
important d’étayer les fondements physiopathologiques des outils utilisés dans
ce type de prise en charge et d’en évaluer objectivement l’efficacité. Ceci aussi
bien au niveau de la qualité de la voix, de la respiration et de la déglutition
qu’au niveau du confort du geste réalisé.
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REFERENCES concernant la partie consacrée à la rééducation extraites du
texte long
(5)
(6)
(10)
(69)
(70)
(71)
(72)
(73)
(74)
(75)
(76)
(77)
12
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Rééducation des immobilités laryngées
unilatérales
Emmanuel Baudelle, Christiane Orenstein, Jean-Louis Brun
Résumé
La rééducation des paralysies laryngées unilatérales est pratiquée par de nombreux orthophonistes et phoniatres mais, ayant fait l’objet de peu de publications scientifiques, elle
souffre encore d’un manque de consensus et sa conception diffère selon les équipes. Les
récentes ‘recommandations pour la pratique clinique’ de la Société Française d’ORL précisent son champ d’action. Cet article présente tout d‘abord les principes de base de cette
rééducation spécifique, et ses principales difficultés. Suit la présentation d’un ensemble non
exhaustif de techniques rééducatives, comprenant des exercices de détente de la région
périlaryngée, des exercices respiratoires, des exercices de fermeture du sphincter glottique
et un travail spécifique de la voix. Certaines techniques sont détaillées plus longuement,
telles que les manipulations laryngées, et le ‘pushing’, procédé courant mais actuellement
remis en question du fait d’une possible incidence traumatique sur la muqueuse cordale et
de l’existence d’autres méthodes alternatives plus efficientes. Une bonne connaissance des
données physiopathologiques, des techniques de rééducation ainsi qu’une oreille expérimentée sont les éléments requis pour assurer une prise en charge efficace.
Mots clés : paralysie laryngée unilatérale, dysphonie, rééducation vocale, manipulation
laryngée, pushing.
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Functional rehabilitation of unilateral laryngeal immobility
Abstract
Voice therapy of unilateral laryngeal paralysis is practiced by many speech therapists and
phoniatricians. However, due to the scarcity of scientific publications, there is a lack of
consensus regarding treatment and different teams tend to conceptualise the treatment program differently. Recent recommendations from the French Society of Otolaryngology specify its application. This paper first presents the basic principles of this specialised therapy,
and its major difficulties. We then present several techniques of voice therapy including
relaxation exercises of the neck and shoulders, breathing exercises, exercises for closing
the glottis and specific vocal exercises. Some techniques are described in detail, such as
laryngeal handling, and the ‘pushing method’ which is still frequently used despite the fact it
is being questioned because of its possible traumatic impact on the cordal mucosa. Other
techniques, which are currently available, are more efficient and potentially less harmful.
This type of therapy requires adequate knowledge of physiopathological data and of specific
voice therapy techniques, as well as a trained ear.
Key Words : unilateral laryngeal paralysis, dysphonia, voice therapy, laryngeal handling,
pushing.
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Emmanuel BAUDELLE 1
Christiane ORENSTEIN 2
Jean-Louis BRUN 3
L
es « recommandations pour la pratique clinique » (1) rappellent que l’orthophoniste participe à l’évaluation des troubles fonctionnels de la voix
et de la déglutition dans les tableaux de paralysie laryngée unilatérale
(PLU) et qu’il assure la rééducation de ces deux fonctions. Si ces dernières sont
étroitement liées, nous n’aborderons ici que le sujet de la rééducation vocale, la
déglutition faisant l’objet d’un article spécifique dans cette revue. De même ne
sera envisagé que le thème des immobilités laryngées récurrentielles unilatérales, les paralysies du nerf laryngé supérieur étant développées ultérieurement,
tout comme les immobilités bilatérales.
La prise en charge fonctionnelle des PLU n’a fait l’objet que de ra re s
études (2), ce qui explique les divergences de points de vue des équipes
spécialisées. Ainsi, Ossol (3), tout en acceptant les résultats de Heuer (2)
sur l’apport de la rééducation, limite-t-il celle-ci à l’élimination du comportement d’effort et à la guidance du patient pour l’aider à ‘accepter une voix
plus faible et plus soufflée’. De même, certaines équipes préfèrent-elles
e n c o re s’abstenir de proposer une rééducation précoce, sous prétex t e
qu’elle peut enge n d rer un comportement supra-glottique diffi c i l e m e n t
r é ve rs i bl e, qui gênera un éventuel geste opératoire ultérieur (pose d’un
implant de Montgomery sous AL) et qui limitera l’apport de la médialisation ch i ru rgicale. Les rééducateurs comprendront aisément l’aspect lacunaire de ces considérations et l’urgence de multiplier les études scientifiques dans ce domaine.
1 Orthophoniste
Service de Neurologie, HIA Val-de-Grâce, 74, Bd de Port-Royal, 75005 Paris, tél: 01 40 51 41 26
fax: 01 40 51 41 88 - [email protected]
2 Orthophoniste
122, Av. Henri Barbusse, 47000 Agen, 05 53 66 54 59
3 Orthophoniste
1, Av. Jean Jaures, 30000 Nîmes, 04 66 21 94 94
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♦ Bases cliniques de la rééducation des PLU
De manière plus satisfaisante, les « recommandations » postulent que
« le but de la rééducation sera de développer les compensations fonctionnelles
et de réduire les compensations parasites principalement supra-glottiques qui
peuvent survenir à n’importe quel niveau de la fonction ». La rééducation des
PLU devra donc toujours, et là réside sa principale difficulté, appréhender ces
deux types de compensation qui peuvent d’ailleurs l’une comme l’autre émerger
pendant ou en dehors du cadre de la prise en charge (4,5,6). Dans le protocole
de traitement orthophonique en neuf niveaux proposé par Dejonckere (5), ces
deux objectifs correspondent aux éléments 7 (travail et entraînement dirigé sur
les symptômes : réduction des compensations parasites) et 8 (travail et entraînement des mécanismes de compensation : augmentation des compensations fonctionnelles) (voir fig. 1).
Fig 1: Principes de rééducation des PLU selon le comportement initial du patient
-R : avant rééducation, +R : lors de la rééducation, CP : compensation parasite,
CF : compensation fonctionnelle
♦ Objectifs
Le but de la rééducation est de restaurer la voix sans attendre une éventuelle récupération neurologique. En effet, la corde vocale immobilisée garde
ses capacités vibratoires, mais le son ne peut se former correctement. L’importance de la fuite glottique est une des causes de la dysphonie, et sa réduction
sera donc l’un des objectifs à poursuivre (6).
D’autres facteurs rentrent en compte dans les troubles vocaux et la dysphonie est aussi présente dans les cas de paralysie en fermeture, l’émission en
mécanisme 1 (voix de poitrine) n’étant souvent plus possible alors que le mécanisme 2 (voix de tête) semble préservé. C’est le cas de certaines paralysies
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récurrentielles dans lesquelles on observe une action compensatoire du muscle
crico-thyroïdien (innervé par le nerf laryngé supérieur) qui étire le muscle vocal
et permet ainsi une meilleure vibration dans l’aigu.
Amy de la Brétèque (6) propose ainsi deux axes de travail complémentaires :
- tenter d’amener la corde saine à dépasser la ligne médiane en adduction
lors de la phonation pour aller au contact de l’autre. Ceci peut être
obtenu éventuellement au prix d’un basculement de l’aryténoïde sain en
dedans et en avant. Cet objectif est d’autant plus important que la corde
vocale est immobilisée loin de la ligne médiane,
- améliorer le rendement de la voix en mécanisme I, en sollicitant la
contraction du muscle vocal, qui reste possible au moins du côté sain.
Lorsqu’on y parvient, la voix semble retrouver ses capacités d’émission
en registre de poitrine.
La rééducation doit être précoce et intensive, afin de lutter contre les
effets de l’atrophie musculaire et de prévenir l’ankylose de l’articulation cricothyroïdienne.
Elle doit ainsi très rapidement aborder la voix elle-même, et, s’il est
essentiel, le travail du souffle phonatoire doit être au début plus une mise en
place qu’un objectif prédominant, le rééducateur se réservant le soin de l’optimiser tout au long du suivi.
♦ Préalables à la rééducation
Le bilan
Nous ne détaillerons pas ici la composition du bilan fonctionnel et organique dont l’importance est évidente. Rappelons seulement que seront notés les
caractéristiques du timbre, l’intensité, la fréquence et le registre dans la parole et
dans la voix d’appel. Seront mesurés le temps maximum de phonation sur [a] et
le rapport de durée consonantique [s]/[z]. La possibilité d’une fermeture glottique complète par un coup de glotte, la sonorisation du rire, l’efficacité de la
toux, l’incidence sur la voix des modulations de fréquence, en particulier dans le
chant, la fatigue vocale et l’existence d’éventuelles fausses routes figureront
parmi les éléments évalués.
Le comportement phonatoire sera examiné dans son ensemble à la
recherche de compensations hyperkinétiques parasites. Nous noterons sur la
voix ou sur le confort de parole l’effet de procédures de facilitation par médialisation mécanique externe, telles que les manipulations laryngées (voir infra).
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Le compte rendu de l’examen réalisé par le phoniatre ou l’ORL complètera le bilan orthophonique notamment grâce aux données laryngo-vidéo-stroboscopiques.
Le bilan initial peut aboutir à différentes présentations cliniques, qui
conduiront à des orientations rééducatives spécifiques (7) :
- la voix est de bonne qualité, avec une corde vocale immobile en position médiane, un muscle vocal peu atrophique, un bon comportement
vocal. C’est l’abstention thérapeutique et seuls seront donnés des
conseils concernant l’hygiène vocale et le comportement phonatoire
en général,
- la voix est sonorisée mais bitonale. C’est une indication de rééducation
avec beaucoup d’exercices de modulation de fréquence,
- la voix est voilée, la corde vocale atrophique est en position médiane ou
paramédiane. C’est une indication de rééducation pour lutter contre les
effets de l’atrophie musculaire,
- la voix est soufflée et peu sonorisée, la corde vocale est atrophique en
abduction. Une rééducation intensive sera, si le résultat est insuffisant,
complétée par une médialisation chirurgicale,
- la voix est soufflée, exténuante, entraînant une fatigue vocale et physique majeure ; la toux n’est pas efficace et, surtout, il y a des fausses
routes importantes mettant en jeu le pronostic vital du patient. Pour cette
dernière raison, ce cas nécessitera une médialisation chirurgicale rapide
avant rééducation.
L’information au patient
Deux points sont importants avant toute rééducation vocale :
- une information claire et concise sur le fonctionnement de la voix, sur
laquelle le patient pourra construire tout au long du suivi son ‘schéma
corporel global’, ensemble de repères proprioceptifs et de ‘points d’appui’ essentiels à l’affinement du geste vocal,
- la mise en place d’un contrat de rééducation, tenant compte à la fois du
bilan fonctionnel initial, des attentes et des impératifs vocaux du patient.
♦ Les techniques de rééducation
Certaines techniques relèvent de la rééducation classique des dysphonies
dysfonctionnelles, d’autres étant spécifiques, le principe de base étant d’aborder
le travail de la voix très rapidement. Voici un éventail non exhaustif d’exercices
provenant de la littérature.
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Détente loco-régionale et prise de conscience corporelle
La rééducation va consister à demander au patient de mobiliser volontairement différents muscles impliqués dans l’émission vocale, ce qui nécessite
une connaissance proprioceptive du corps appropriée. Voici tout d’abord des
exercices de détente et de mobilisation de la région péri-laryngée.
Flexion cervicale
. Pencher le menton en avant, jusqu’à ce qu’il touche le sternum, relever la tête
en arrière, jusqu’à ce que la nuque touche le haut du dos, replacer la tête bien
droite, colonne cervicale étirée, comme dans une position de repos. Faire un
‘bâillement mondain’ (lèvres resserrées, fond de gorge bien ouvert).
. Fléchir la tête sur l’épaule droite, sur l’épaule gauche, sur l’épaule
droite, replacer la tête droite. Bâiller.
. En arrière, en avant, en arrière, au milieu. Bâiller.
. A gauche, à droite, à gauche, au milieu. Bâiller.
. Faire une rotation complète de la tête dans un sens puis dans l’autre.
Rotation cervicale
On apprend au patient à distinguer flexion et rotation.
. Souffler un filet d’air en face, à gauche, à droite, en face.
Flexion + rotation cervicales
. Elever le menton en haut et à gauche, puis l’abaisser en bas à droite
. Inverser : menton en haut et à droite, en bas et à gauche, puis en haut et
à droite…
Travail de la musculature extrinsèque du larynx
Il s’agit ici d’augmenter le tonus des muscles sus et sous-hyoïdiens, musculature de soutien du larynx qui élève, abaisse et fixe celui-ci.
. En position assise : Hyperextension du rachis cervical, avancée des
lèvres en position [y], déroulement du menton, de bas en haut et d’avant
en arrière ; maintien de la position quelques secondes et reprise. Même
exercice avec sonorisation, d’abord sur [e] puis sur [i].
Détente des trapèzes
. Elever une épaule près de l’oreille, tenir quelques secondes, puis revenir
à la position de repos.
. Même chose avec l’autre épaule.
. Même chose avec les deux épaules simultanément.
. Rouler la tête en arrière d’une épaule à l’autre puis revenir en roulant la
tête en avant.
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Respiration
Allongé
. Mains sur le ventre, on demande au patient de prendre conscience du
trajet intérieur de l’air et d’arriver à le sentir jusqu’à ses mains placées
sur l’abdomen.
. Prise de conscience de l’écartement costal.
. Répéter le mouvement consciemment en imaginant le mouvement du
diaphragme.
Assis
. Penché en avant, coudes sur les genoux.
Le rééducateur placé dans le dos du patient, pose ses mains au bas de
ses côtes et surveille ses épaules qui doivent rester basses. On commence par souffler pour vider les poumons, en mettant la sangle abdominale en tension, puis on demande de ‘relâcher la sangle abdominale
pour que le diaphragme puisse baisser quand les poumons se gonflent’.
. On travaille ensuite l’opposition inspiration courte / expiration longue, que
l’on pourra entrecouper de deux petites pauses, poumons vides, poumons
pleins, ce qui permettra de travailler avec des points de repères constants :
On vide les poumons. Pause sur 3 temps.
Inspiration sur 3 temps. Pause sur 3 temps.
Expiration sur 9 temps.
. On poursuivra ensuite par la production de constrictives sourdes prolongées :
f----à s---à ch---à
Puis de séries d’occlusives sourdes, bien explosives :
-p.p.p. –t.t.t. –k.k.k.
On travaillera parallèlement la prise d’air buccale.
Debout
. Appuyé à une chaise ou au bureau : poids du corps en avant, le rééducateur contrôle l’écartement costal dans le dos
. Sans aide : C’est ici que l’on introduit les notions de verticalité et d’étirement.
- enroulement
- exercices respiratoires comme décrits précédemment, contrôlés par
la vue (devant une glace), les mains du patient placées sur les
obliques de sa sangle abdominale, le long d’un mur, avec un coussin derrière la nuque pour garder le menton légèrement rentré.
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On complètera la production de phonèmes sur l’expiration ralentie, par
l’émission de :
- v--à -z---à j--à
- b.b.b. – d.d.d. – g.g.g.
Si le travail de la respiration n’est pas possible avec certains patients, on
cherchera un souffle avant tout ‘efficace’.
Exercices de fermeture du sphincter glottique
Exercices doux
. On utilise ici des voyelles piquées suivies de courts [k] bien explosifs :
a.a.a. K.K.K.
é.é.é. K.K.K.
i .i. i. K.K.K.
. souffle interrompu
. langue tirée, émission de :
a---à é---à i---à prolongés
a.a.a.a.--à é.é.é.é.--à i.i.i.i.--à
Exercices de fermeture plus toniques
. Coups de glotte :
Inspirer, ouvrir la bouche, serrer les cordes vocales, relâcher comme
pour relâcher une mucosité
. La question du ‘pushing’ :
Le ‘pushing’ est une technique évoquée pour la première fois en 1955
par Froeschels pour traiter les paralysies laryngées unilatérales (8).
Elle s’appuie sur le fait qu’un effort musculaire tel que celui de pousser un objet lourd avec les membres supérieurs nécessite une augmentation de pression intra-thoracique et donc la fermeture de la
glotte. Très en vogue ces dernières décennies, cette méthode est
actuellement remise en question (8,3,6) car elle peut d’une part être
traumatique pour la muqueuse cordale, et d’autre part être à l’origine,
si elle est mal contrôlée, de l’installation d’un comportement de forçage avec hypertonie des bandes ventriculaire ou, pire, d’une voix des
bandes qu’il sera difficile ensuite d’enrayer. Il semble donc préférable
d’avoir recours à d’autres méthodes plus douces qui remplaceront
avantageusement cette technique potentiellement traumatisante (voir
Amy de la Brétèque).
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Travail vocal
Travail vocal spécifique
Ce travail s’appuie sur la possibilité d’une action mécanique indirecte
mais locale sur le vibrateur laryngien par le biais des manipulations laryngées.
L’objectif est de rapprocher les plis vocaux afin de permettre à la corde vocale
saine de dépasser plus facilement la ligne médiane pour aller au contact de
l'autre et de permettre ainsi une meilleure vibration de la muqueuse. Les manipulations laryngées ont en outre un intérêt pronostique et peuvent être essayées
dès le bilan, un changement de timbre ou d’intensité étant alors un signe favorable pour l’évolution ultérieure.
. Les manipulations laryngées
Afin de rapprocher la corde vocale paralysée de la ligne médiane, il est
intéressant d’avoir recours aux manipulations laryngées. Si la technique est parfois légèrement différente selon les auteurs, le principe est identique et l’essentiel semble de se fier à son oreille et aux appréciations du patient en terme de
confort vocal.
Dans un premier temps, il est intéressant de repérer sur soi-même les
structures laryngées. Commencer d’abord par sentir l’os hyoïde en le prenant
entre le pouce et l’index. Suivre son trajet en arrière en le maintenant entre les
deux doigts. On peut sentir ses possibilités de déplacement latéral. Plus bas, on
repère le cartilage thyroïde qui se joint en haut et en avant de la pomme
d’Adam. En faire le tour et sentir les deux plaques thyroïdiennes à droite et à
gauche, puis, en haut et en arrière, les grandes cornes, et en bas et en arrière, les
petites cornes. Sous la pomme d’Adam se trouve un petit espace musculaire :
c’est le muscle crico-thyroïdien, qui permet la bascule du cartilage thyroïde sur
le cricoïde lors de sa contraction. En descendant sur le cartilage cricoïde au
niveau du tubercule, caresser l’arc cricoïdien entre le pouce et l’index jusqu’en
arrière pour retrouver les petites cornes du thyroïde.
Voici deux exemples de manipulation pour une immobilité laryngée
droite :
- Le rééducateur se place à gauche et derrière le patient qui est assis sur
une chaise, le dos contre le dossier. A l’aide de sa main gauche, il place
son pouce sur l’aile thyroïdienne gauche (au niveau de l’aryténoïde), et
son index sous le cartilage cricoïde à droite (arc cricoïdien). Le patient
vient placer sa tête en bas et à droite (au creux de l’épaule). L’orthophoniste opère une bascule pouce / index : l’index fait remonter le cricoïde,
le pouce abaisse l’aile thyroïdienne, tout cela en exerçant une pression
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dont l’intensité sera fonction du changement de timbre et d’intensité de
la voix (voir fig. 2)
Fig.2. Exemple de manipulation laryngée indiquée en cas d’immobilité laryngée droite
- Le rééducateur se place devant le patient et, à l’aide de la pince pouce /
index, comprime les lames du cartilage thyroïde au niveau de la pomme
d’Adam.
Dans ces deux manipulations, le patient ressent un point de serrage très
précis à l’intérieur et en arrière de son larynx, légèrement désagréable,
mais non douloureux. On relâche le serrage lors des reprises inspiratoires.
Si elle est efficace, la manipulation laryngée peut être effectuée dans
tout exercice vocal, qui n’en sera que mieux réalisé. Les exercices de
base sont les suivants :
- Les séries de ‘ik,ik,ik…’, ‘ek, ek, ek..’, ‘ut, ut, ut..’, ‘ap, ap, ap..’,
- Les séries utilisant la sonante [R] associée aux occlusives vélaires qui
favorise la sonorisation : Krrrra, Krrrré, Krrrri, Krrrro, Grrrra, Grrrré,
Grrri, Grrrro…
- Les sonorisations à la paille sur l’émission d’un souffle continu, puis
occlusions de la paille intercallées d’émissions sonores
Travail vocal non spécifique
C’est un travail plus classique faisant appel à toutes les ressources du
rééducateur pour améliorer les paramètres vocaux déficients du patient. Voici
quelques exemples d’exercices :
- travail de la modulation (variations de hauteur) sur des phrases à forte
intonation
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- travail de la dynamique (variations d’intensité) sur des phrases adaptées
- travail d’optimisation des tenues vocaliques, en durée et stabilité
- travail des transitions vocaliques en recto-tono, le mieux étant d’abord
de suivre le contour du triangle vocalique pour effectuer les transitions
les plus douces, d’abord deux à deux puis en groupe : [u o ɔ a] , [a ε e
i], puis en boucle [u o ɔ a ε e i y u o ɔ a ε ….]
- travail de recto-tono sur des phrases puis sur un texte, en vers dans un
premier temps, en ayant soin de débuter sur un fondamental de confort,
et en progressant demi-ton par demi-ton vers l’aigu, puis vers le grave,
en essayant de conserver les qualités de l’émission de confort
- travail des sirènes, de vocalises de plus en plus élaborées
- travail du chant dès qu’il est possible, en débutant par des partitions
aisées à la tessiture réduite.
♦ Evolution
Il faudra prévoir au moins vingt à trente séances de rééducation, à un
rythme de deux à trois par semaine. Le principe est de continuer tant que la voix
s’améliore, ceci en accord avec les désirs du patient. Des enregistrements
vocaux seront régulièrement effectués pour le contrôle de l’évolution et pour
motiver le patient qui se rendra compte de ses progrès. La progression est souvent ‘par à coups’ et certaines séances feront date dans l’évolution du patient.
Une amélioration rapide, en quelques séances, peut être le fait d’une ré-innervation spontanée, mais aussi d’une compensation fonctionnelle. Il est naturellement intéressant de pouvoir bénéficier tout au long du suivi de compte-rendus
d’examens laryngés attestant de l’évolution de la paralysie et de sa compensation.
♦ Conclusion
La rééducation des immobilités laryngées unilatérales est le plus souvent
gratifiante : Elle est de durée relativement courte, techniquement assez simple,
et souvent efficace. Sa principale difficulté réside dans l’écueil de la surcompensation hyperkinétique, avec ou sans mise en jeu des bandes ventriculaire, qui
peut aggraver de manière importante, voire de façon difficilement réversible,
une voix en progression favorable, et rallonger ainsi considérablement le temps
de rééducation. Une bonne connaissance des données physiopathologiques, des
techniques spécifiques de rééducation, et surtout, une oreille expérimentée sont
les impératifs de cette prise en charge très intéressante.
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REFERENCES
1. SOCIETE FRANÇAISE D’ORL ET DE CHIRURGIE DE LA FACE ET DU COU (2002) Recommandations pour la pratique clinique. ‘Paralysies récurrentielles de l’adulte’. Texte court.
2. HEUER R.J. SATALOFF R.T. et al. (1997) Unilateral recurent laryngeal nerve paralysis : The importance of ‘preoperative’ voice therapy. Journal of Voice 11, 1 : 88-94
3. OSSOLL R.H., SHAPSHAY, G.E. et al (1993) The larynx. Ed Lippincott Williams & Wilkins, Philadelphia
4. LE HUCHE F., ALLALI A. (1991) La voix, tome 3 : Thérapeutique des troubles vocaux. Masson.
5. DEJONCKERE P.H. ‘La systématisation du traitement orthophonique en éléments’ in Klein-Dallant K.
(2001) Dysphonies et rééducations vocales de l’adulte. Solal, 356 p
6. AMY DE LA BRETEQUE B. (1998) Techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales.
Cahier d’ORL 33, 2 : 68-72
7. LECOCQ M., ARIAS C., CALAS M., BEAUCOURT S. (1991) Conduite à tenir dans les immobilités
cordales unilatérales. Revue de laryngologie 112, 4 : 373-375
8. YAMAGUCHI H, YOTSUKURA Y. et al. (1993) Pushing exercices program to cor rect glottal incom petence. Journal of Voice 7, 3 : 250-256
9. ESTIENNE F. (1998) Voix parlée, voix chantée. Masson
10. HEUILLET-MARTIN G., GARSON-BAVARD H. (1995) Une voix pour tous, tome 2 : La voix pathologique. Solal.
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La pratique des chaînes d’occlusions
dans la rééducation des paralysies unilatérales
du larynx
Benoît Amy de la Bretèque
Résumé
Les différents sons utilisables dans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales
(PLU) peuvent être classés suivant la résistance à l'écoulement aérien offerte par le pavillon
vocal. Parmi eux, une place particulière doit être accordée aux exercices de fermetures
répétées du tractus vocal sur une poussée expiratoire régulière, nommés chaînes d'occlusions. Les chaînes d'occlusions sus-glottiques se pratiquent au travers d'une paille ou sur
les points d'articulation des consonnes occlusives. Du fait de la pression élevée régnant
alors dans les cavités aériennes, elles font effectuer à la musculature d'adduction un travail
contre-résistance tonique, mais non traumatisant pour la glotte. Les chaînes d'occlusions
glottiques font basculer l'aryténoïde valide en dedans et en avant, et aident ainsi à obtenir
une fermeture glottique. Par contre, elles n'induisent pas de réel travail contre résistance et
sont plus agressives pour la glotte. Guidé par son écoute de la voix, l'étude de la toux (éventuellement de façon objective par tussométrie) et par les données de l'examen, le rééducateur pourra orienter le choix parmi ces exercices : les chaînes d'occlusions glottiques seront
plutôt réservées aux PLU en abduction, où elles remplaceront avantageusement les classiques exercices de glottage, exécutés avec une force expiratoire morcelée syllabe par syllabe.
Mots clés : paralysie laryngée unilatérale, rééducation vocale, consonnes occlusives, glottages, tussométrie.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Use of different levels of closure in the functional treatment of
unilateral laryngeal palsy
Abstract
Voice productions used to rehabilitate unilateral laryngeal palsy may be classified according
to the level of air flow resistance induced by the vocal tract. Exercises involving repetitive
closure during regular expiratory pressure are particularly important. These exercises are
practised with the use of a straw or with the articulatory posture of occlusive consonants.
The high pressure level which is induced by these tasks in the vocal tract activates the
adductor muscles that tend to resist this pressure. The reaction is not traumatic for the glottis, as opposed to direct glottal closure exercises which are more aggressive for the larynx.
In any case, the choice of the productions used is based on the following : acoustical perception of the voice, assessment of coughing and laryngeal observation.
Key Words : Unilateral laryngeal palsy, vocal rehabilitation, occlusive consonants, glotting,
cough assessment.
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Benoît AMY DE LA BRETÈQUE
Phoniatre attaché des Hôpitaux Publics de
Marseille et de Montpellier,
Service ORL
80, avenue Augustin Fliche
34395 Montpellier cedex 05
[email protected]
D
ans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales (PLU), je propose d'accorder une large place aux exercices nommés chaînes d’occlusions : il s’agit de réaliser des fermetures répétées du conduit vocal sur
une poussée expiratoire régulière, dans le but de restaurer la fonction de sphincter du larynx et d’améliorer la solidité du mécanisme de poitrine. Cet article se
propose d’expliquer ce que sont ces exercices, quelles sont leurs indications,
quel est leur effet sur la biomécanique laryngée, et en quoi ils semblent remplacer avantageusement les exercices classiques de « glottage ».
Mais voyons au préalable quel est l’ensemble des sons utilisés dans la
rééducation des PLU.
♦ Matériel phonétique utilisé dans les rééducations des PLU
Les phonèmes utilisés pour la rééducation des PLU peuvent être classés
en fonction de la résistance en retour des cavités de résonance : plus celle-ci est
élevée, plus l’exercice fait travailler la force de l’adduction cordale (2). Trois
grandes catégories de phonèmes sont retenus.
Une première cat é go ri e concerne les consonnes c o n s t ri c t ives nonvoisées : "fff ", "sss", "chchch".
On les a choisies car elles s’accompagnent d’une forte résistance du
pavillon vocal au passage de l’air expiratoire.
On rangera dans ce groupe l’exercice du chalumeau (souffle au travers
d’une paille fine, ou d’une paille pincée à son extrémité inférieure, tenue entre
les lèvres bien serrées). C’est lui qui sert de référence aux autres exercices :
l’énergie expiratoire doit être la même sur une de ces constrictives que dans la
paille. Pour apprendre à contrôler cela, sur la même expiration, on passera du
souffle dans la paille à une constrictive.
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Malgré l’absence de son vocal, la motricité laryngée est sollicitée dans ce
type de travail : sur un larynx normal, en faisant l’exercice sous contrôle de la
vue en nasofibroscopie, on voit les cordes vocales s’étirer et les aryténoïdes
faire un mouvement d'adduction. On est donc déjà efficace ainsi. De plus, ces
exercices permettent au patient de prendre conscience de l’énergie qu’il doit
donner à son souffle pour réaliser utilement les exercices de sonorisation qui
suivront.
Une deuxième catégorie regroupe les phonèmes voisés et continus. On
sera contraint de commencer avec des résistances faibles, car, en cas de PLU,
l’émission vocale (le voisement) est difficilement obtenue avec de fortes résistances, surtout au début de la rééducation. On augmentera ces résistances dès
que possible.
L’exercice du chalumeau est donc repris, en émettant un son vocal tout en
soufflant dans la paille. Il faudra commencer avec une paille assez large (5 mm
de diamètre), puis en essayer ensuite une plus étroite.
Les autres phonèmes utilisés sont des consonnes constrictives comme
celles de la catégorie précédente, mais accompagnées d’un voisement : "sss"
exécuté précédemment donnera désormais avec un voisement "zzz" ; de même,
"fff" devient "vvv", et "chchch" devient "jjj". Il sera toujours utile d’enchaîner
sur la même rhèse le son dans la paille et une de ces constrictives voisées, de
façon à vérifier qu’on garde bien la même énergie expiratoire.
On utilise également des voyelles, en commençant par celles qui sont
antérieures et fermées (iii, ééé,...). Les cordes vocales sont ainsi plus étirées, et
la glotte mieux fermée que sur d’autres types de voyelles. Elles seront de préférence amenées par une constrictive, un son à la paille, ou une occlusion (voir §
ci-dessous).
La troisième catégorie de phonèmes concerne ceux qui réalisent une
occlusion du pavillon vocal pendant une courte durée. La résistance au passage
de l’air expiratoire est donc maximale à ce moment-là. L’objectif est ici d’amener la glotte elle-même à se fermer durant quelques secondes. Ce sont les
chaînes d’occlusions, objet de notre étude.
♦ Réalisation des chaînes d’occlusions
Principe des chaînes d’occlusions
Le principe des chaînes d’occlusions est fort simple : inspiration, occlusion, émission très brève, aussitôt interrompue par l’occlusion suivante, et ainsi
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de suite, plusieurs fois sur la même rhèse. Exemple : kakakak. Chaque émission
est donc encadrée par deux occlusions. L'effort expiratoire doit être constant,
sans se relâcher ni se raidir sur le temps de l'occlusion.
Ceci différencie les chaînes d’occlusions des exercices de fermeture réalisés syllabe par syllabe, avec occlusive en position initiale (par exemple ka...
ka... ka...) qui font se succéder inspiration, blocage, et émission produite par
relâchement, s'interrompant d'elle-même. Dans ce cas, l'effort expiratoire est
morcelé, au rythme d'émission des syllabes. Elles se différencient de même des
exercices dans lesquelles l’occlusive est en position finale (par exemple ak…
ak… ak…).
Les chaînes d’occlusions se rattachent donc au cadre général des chaînes
syllabiques (1), dans lesquelles on recherche une répartition égale de l'énergie
expiratoire tout au long de la rhèse, sans à-coups.
Réalisation pratique des chaînes d’occlusions
L'exécution de ces exercices requiert un peu de soin pour qu'ils prennent
tout leur intérêt :
- il faut garder un effort expiratoire régulier, ne se laissant pas influencer
par la succession occlusion/émission ;
- la fermeture du conduit vocal doit être assez longue (1/2 s environ), tandis que l'émission doit être très brève.
1. Le premier exercice se fait avec une paille, et sur le souffle seul : tandis
que le sujet souffle avec un effort aussi régulier que possible, le rééducateur
ferme du doigt l’extrémité libre de façon répétée, laissant se produire entre
chaque occlusion une brève sortie d’air.
NB : il faut cacher le mouvement du doigt qui réalise les occlusions et
prendre un rythme irrégulier pour que le patient ne puisse prévoir le moment où
elles vont se produire.
Quand l’exercice est bien compris, on demande au sujet de manipuler luimême sa paille.
Rq : il n'est plus alors nécessaire d'adopter un rythme irrégulier, mais il
faut prendre garde à ne pas accélérer le tempo.
2. Ensuite, on reprend de même en voisant le souffle : chaque sortie d’air
doit se faire avec une émission vocale bien nette, sans retard ni décalage par
rapport au souffle. Le sujet doit faire comme s'il devait tenir un son sans interruption pendant quelques secondes, tandis que le rééducateur manipule l’extrémité de sa paille..
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Pour ce faire, je suppose que le patient a appris auparavant à réaliser un
voisement dans une paille (1), si toutefois c'est possible pour lui : en effet,
comme nous le disions plus haut, il arrive souvent que la PLU ne le permette
pas, surtout quand elle est en ouverture et quand on n’en est qu’au début de la
rééducation. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir le voisement du souffle dans
la paille, on a deux possibilités : soutenir l’émission par une manipulation ; si
malgré cela, il est encore impossible de voiser, exécuter quand même l’exercice
en demandant au sujet de faire en lui-même comme s’il produisait le son.
Comme nous le verrons plus loin, l’intention d’émettre la voix suffit pour que
l’exercice ait une certaine efficacité.
Lorsque l’exercice est bien compris, le sujet peut s’entraîner seul.
3. On travaillera ensuite, selon le même principe, avec les consonnes
occlusives, p, t, puis k. On glissera entre chaque occlusion soit une constrictive,
soit une voyelle :
• en travaillant avec une constrictive sourde (exemple : pspspsp...), on
peut mettre en place l’exécution correcte de l’exercice ;
• en prenant une voyelle brièvement émise (exemple : pipipip...), l’exercice est assez facile pour être exécuté dans les premiers temps de la
rééducation, mais il est peu précis : on risque de perdre la régularité de
l’expiration et de faire alors des syllabes non liées ;
• en voisant la constrictive, (exemple : pzpzpzp...), l’exercice combine
l’intérêt du travail de sonorisation contre résistance (cf. § ci-dessus) et
du travail avec les chaînes d’occlusions. Il est cependant assez délicat à
bien exécuter.
Rq : pour parvenir à une réalisation correcte avec les voyelles, on peut
avoir recours à un exercice préalable, utilisant une fois encore la paille : le sujet
la place en bouche, avec le doigt qui obture l’autre extrémité ; il engage son
expiration à l’intérieur; puis il laisse le souffle (et le son) sortir alternativement
en soulevant son doigt, comme précédemment, et en ouvrant la bouche sur une
voyelle (le son produit ressemble un peu à ceci : /v/pop/v/pop, le mouvement du
doigt étant noté / et le son sortant de la paille v).
4. Enfin, on peut solliciter directement la fermeture glottique (notée // ).
Les classiques exercices de glottage sont souvent utilisés dans cet objectif, mais
là aussi, il sera mieux de travailler selon le principe des chaînes d’occlusions.
On intercalera une voyelle, chuchotée ou sonore (exemple //a//a//a//...), ou une
constrictive (exemple //j//j//j//...).
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♦ Mode d'action des chaînes d’occlusions sur la biomécanique
laryngée
- chaînes d’occlusions exécutées à la paille
Lorsqu'on examine le larynx d’une personne saine exécuter correctement
des chaînes d’occlusions à la paille au moyen d’un nasofibroscope (cf. photos 1
et 2), on note les faits suivants :
• sur chaque occlusion, les aryténoïdes et les cordes vocales sont en
adduction incomplète, et la glotte est légèrement ovalaire (photo 1).
• sur l'émission suivante, l’adduction se complète, les aryténoïdes rentrent en contact, les cordes se resserrent et ferment bien la glotte
(photo 2).
• les bandes ventriculaires restent toujours éloignées de la ligne médiane,
le vestibule étant de ce fait bien dégagé.
- autres chaînes d’occlusions
Sur kakakak (cf. photos 3 et 4), les mêmes faits sont observés, mais lors
de l’émission, les bandes ventriculaires sont plus actives et l’épiglotte plus reculée.
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Sur une chaîne d’occlusions glottiques de type //a//a//a// (cf. photos 5 à
8), voici ce qui peut être observé :
• sur chaque occlusion, il y a une fermeture totale du vestibule, avec une
bascule des aryténoïdes et un recul de l’épiglotte ; la glotte doit être fermée elle aussi, ce qu’on comprend en la voyant apparaître au temps suivant.
• lors de l’émission, on voit les aryténoïdes reculer sans se disjoindre ; les
cordes vocales restent en contact ; le vestibule laryngé ne s’évase pas
totalement, les bandes ventriculaires s’écartant incomplètement l’une de
l’autre.
Lorsque l’une quelconque de ces chaînes d’occlusions est exécutée
avec une constrictive plutôt qu’une voyelle (exemple : kzkzkzk), on observe
les mêmes faits, mais le vestibule laryngé est moins resserré pendant l’émission.
Comment interpréter ces observations ?
1 - pour les chaînes d’occlusions sus-glottiques
Le mouvement de léger diastasis de la glotte pendant l’occlusion est dû,
non à un relâchement, mais à une sorte de bras de fer entre la force des muscles
adducteurs et la pression interne au conduit vocal. Bien sûr, ceci ne peut être
obtenu que si le sujet a l’intention de poursuivre son émission malgré la fermeture du tractus.
Lors de l’émission qui suit l’occlusion, la pression sus-glottique diminue
et la glotte se ferme sur toute sa longueur.
On réalise donc ainsi un véritable entraînement de la musculature d’adduction. Il concerne, selon toute vraisemblance,
• les muscles assurant la mise en contact des aryténoïdes (interaryténoïdiens, crico-aryténoïdiens latéraux)
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• le muscle vocal (thy ro - a ryténoïdien inférieur) dans le cas où on
demande au sujet de produire des sons de hauteur adaptée (en dessous
du si2 pour une voix féminine).
Rq : afin de mettre rigoureusement en évidence cette action musculaire, il
nous faudrait réaliser des études électromyographiques, ce qui n’est pas aisé du
fait du caractère invasif de cet examen.
En outre, il faut noter que cet effort musculaire se fait sans risque de traumatiser les cordes vocales, car elles ne sont pas en contact pendant la durée de
la fermeture.
Par ailleurs, l’utilisation de sonorisations contre résistance (la paille, une
constrictive), évite tout forçage sur l’étage sus-glottique et permet de mettre les
cordes plus doucement en contact lors de l’émission.
Dans le cas d’une PLU, ces exercices solliciteront le côté sain, permettant
d’effectuer une compensation à la déficience controlatérale, et les éventuels
restes de tonicité du côté atteint (en cas d’interruption nerveuse incomplète).
2 - pour les chaînes d’occlusions glottiques
La glotte et le vestibule se ferment d’abord et seule la pression sous-glottique
s’élève ensuite. L’adduction n’a donc pas à lutter contre une pression intraglottique
et sus-glottique élevée, comme dans le cas précédent. L’intérêt de cet exercice réside
surtout dans le mouvement de bascule des aryténoïdes. Dans les cas de paralysie en
ouverture, la pratique de ces chaînes d’occlusions glottiques (éventuellement jointe
à des manipulations adéquates) entraîne cette bascule du côté sain.
♦ Indications des chaînes d’occlusions
Le compte-rendu de l'examen laryngé donne des renseignements orientant
le protocole. En effet, dans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales,
on doit tenir compte de la position de la corde immobilisée : il faut distinguer
les PLU en adduction (corde en position médiane). et les PLU en abduction
(corde en position écartée).
Rq. : outre les éléments indiqués ci-dessous, le compte-rendu de l'examen
du larynx en donne d'autres fort utiles au rééducateur, mais il n'entre pas dans
mon propos d'en parler ici.
Il faut connaître la situation anatomique exacte, et pouvoir répondre aux
questions suivantes :
• où se situe la corde immobilisée par rapport à la ligne médiane : en
ouverture (abduction), en fermeture (adduction) ou intermédiaire? Dans
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le cas où le compte-rendu est laconique, le rééducateur peut en avoir une
idée en écoutant la voix : l'immobilité en position écartée donne plutôt
une voix bitonale, très aggravée et très faible ; celle en position médiane
une voix trop aiguë, faible et soufflée, à la manière d'un fausset (la bitonalité n'apparaît que dans les essais de voix forte).
• quelle est la nature de la fuite glottique : médiane (au niveau de la glotte
ligamentaire, avec concavité du bord libre de la corde immobilisée),
postérieure (au niveau de la glotte cartilagineuse), ou totale (au niveau
des deux) ?
Ces deux points doivent être appréciés si possible sur un son grave et sur
un son aigu.
• quelle est la position des aryténoïdes en phonation : arrivent-ils au
contact l'un de l'autre ? Y a-t-il une bascule de l’un d’entre eux ? En
l'absence de renseignements médicaux sur ce point, on peut s'en faire
une idée en testant la toux.
L'étude de la toux, simple à réaliser, oriente le choix des exercices. Le
rééducateur peut déjà en avoir une idée en demandant à son patient de tousser. Il
écoutera le bruit produit : s'il paraît net, avec une attaque dure, la fermeture
laryngée peut être obtenue. Dans le cas contraire, il y a un déficit de la fonction
de sphincter, nécessitant de la reconstruire autant que possible.
Pour notre part, nous utilisons le logiciel EVA, avec lequel il est possible
d'objectiver et de quantifier en quelques secondes la fonction de toux du larynx,
et donc sa capacité de sphincter : c'est la tussométrie (3). On utilise la fonction
"spirométrie" de la station ; il est demandé au sujet de tousser trois fois dans un
embout permettant de recueillir l’air expiré ; on mesure sur la courbe le temps
de montée du débit de pointe d'air oral (TM), du zéro à son sommet. Approximativement, on peut dire que lorsqu'il est inférieur à 0.1s, la fonction de toux est
satisfaisante, et on peut supposer que les aryténoïdes sont capables de se mettre
au contact l’un de l’autre.
Examinons maintenant les deux catégories de PLU l’une après l’autre.
1. Cas des paralysies en adduction (corde en position médiane)
Souvent, dans les jours qui suivent le début de l’atteinte, les malades
atteints de ce type de paralysie récupèrent spontanément une partie de leur émission vocale. Leur voix reste cependant faible, soufflée et mal timbrée, mais
aussi trop aiguë. Si on demande à la personne de donner plus d’intensité, on
provoque souvent une bitonalité (comme si deux notes différentes étaient en
compétition pour être émises en même temps). Malgré la rééducation vocale,
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ces troubles peuvent être récalcitrants. Ceci peut surprendre, car la situation
anatomique ne paraît pas très défavorable : apparemment, la glotte se ferme correctement en phonation. Comment le comprendre ?
Il faut d’abord saisir comment se produit la vibration des cordes vocales.
Il faut ensuite se souvenir les effets d’une PLU.
Voyons ces deux points.
La mise en vibration des deux cordes vocales n’a pas encore livré tous ses
mystères, mais on peut d’ores et déjà s’en faire schématiquement la représentation suivante, pour des conditions normales (4) :
• au moment de produire un son, les cordes vocales se positionnent l’une
contre l’autre, fermant la glotte ; l’air expiratoire montant dans la trachée rencontre cet obstacle, dont la présence, combinée à l’action des
muscles expirateurs, entraîne une augmentation de la pression (pression
sous-glottique) ; l’air peut ainsi s’immiscer entre les deux cordes, en
profitant de la souplesse de la couverture muqueuse qu’il entraîne de
côté ; après le passage d’une petite quantité, les cordes se referment par
une sorte d’aspiration semblable à celle qui se produit dans le sillage
d’un corps en mouvement (effet de Bernouilli). Ce phénomène constitue
un cycle vibratoire, et se reproduit identique à lui-même jusqu’à plusieurs centaines de fois par seconde selon la hauteur du son émis. Il a
été comparé à l’entraînement de la corde d’un violon par l’archet.
• considérons également le point suivant : à chaque cycle vibratoire, le
bord libre de chaque corde rentre en contact un instant avec celui de
l’autre corde (c'est la phase de fermeture) ; l'effet en est un peu comme
le ressac se produisant par heurt de la houle sur une barre rocheuse. Il y
a ainsi un transfert d’énergie d’une corde à l’autre. Ceci contribue à la
régularité des cycles vibratoires, chaque corde aidant l’autre à s’accorder avec elle-même. Ce phénomène nécessite que les valeurs de masse
et de tension de chaque corde soient assez proches de celles de la corde
controlatérale.
• rappelons enfin que la voix humaine comporte essentiellement deux
mécanismes d'émission (5). Dans le premier, le muscle vocal est en
action, et les cordes sont alors épaisses, assurant entre elles une surface
de contact importante pendant la phase de fermeture de chaque cycle
vibratoire : c'est l'émission utilisée généralement dans la voix parlée,
souvent identifiable sous le vocable de voix de poitrine. Dans le
deuxième mécanisme, ce muscle se relâche ; les cordes vocales, plus
fines, peuvent se laisser davantage étirer, et la surface de contact entre
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elles est plus réduite : c'est l'émission utilisée en particulier dans l'aigu
de la voix chantée féminine, parfois dénommée voix de tête.
Or, la présence d’une paralysie laryngée unilatérale, outre qu’elle a pour
effet d’empêcher les mouvements glottiques d’adduction/abduction, entraîne
aussi une flaccidité de la corde immobilisée. Ainsi, les bords libres des deux
cordes ne sont pas du tout au même niveau de tension, et la phonation dans ces
conditions est-elle difficile : la corde immobilisée échappe au contrôle de
l’autre, par moments au moins. Il en résulte une forte asymétrie des vibrations
dans les deux cordes, aboutissant à la sensation auditive d’une bitonalité. Quand
la PLU est due à une atteinte du nerf récurrent, le patient corrige intuitivement
en étirant les cordes par action du cricothyroïdien. En effet, ce muscle est
innervé par le nerf laryngé supérieur, et n’est donc pas touché par une paralysie
récurrentielle. La vibration est alors meilleure, la tension des bords libres étant
davantage symétrique, mais le son produit est nécessairement plus aigu. C'est
pourquoi dans une PLU en fermeture, la voix semble souvent avoir perdu ses
capacités en voix de poitrine.
Dans ce contexte, par l'utilisation les chaînes d’occlusions, on peut espérer
• améliorer la phase de contact entre les deux cordes : surface, quotient de
fermeture. C'est avant tout sur la corde valide que la rééducation agira,
en développant sa force musculaire dans le mécanisme 1.
• restaurer autant que possible une meilleure tonicité de la corde immobilisée. Il faudra compter sur la continuité fonctionnelle d’au moins
quelques filets nerveux, ce qui est parfois le cas, soit parce que l’influx
nerveux dans le nerf récurrent n’est pas totalement interrompu, soit par
un trajet atypique de quelques fibres cheminant dans le nerf laryngé
supérieur.
Dans certains cas, il faut avouer que la rééducation seule risque d’être
décevante, et une correction chirurgicale pourra être indiquée. Elle n’en est pas
moins utile, les résultats combinés de la rééducation et de la correction chirurgicale paraissant intéressants.
En somme, dans une paralysie laryngée unilatérale en adduction, la
rééducation s’efforce d’abord de favoriser une bonne position des deux cordes
vocales en phonation, fût ce au prix d’un décalage vers l’aigu en voix de tête, et
de restaurer ensuite le mécanisme de poitrine.
Parmi les différents exercices présentés ci-dessus, toutes les chaînes d’occlusions peuvent être utilisées. On pratiquera beaucoup d’exercices utilisant une
sonorisation contre résistance. Les chaînes d’occlusions postérieures seront uti-
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lisées plutôt en fin de rééducation : elles sont bien adaptées à la restauration du
mécanisme 1 grâce à l’avancée des aryténoïdes qu’elles induisent. On n’utilisera
que rarement les chaînes d’occlusions glottiques, les aryténoïdes étant en
mesure de se toucher.
On tiendra compte des possibilités conservées pour adapter le matériel
mélodique au travail des chaînes d'occlusions. De type descendant, il partira de
la hauteur à laquelle le patient peut émettre sa voix (en général l’aigu), en utilisant les exercices recto-tono, les exercices "en dents de scie" (une note aiguë et
une grave en alternance), voire les vocalises sur des gammes ou des arpèges
descendants. La progression se fera de demi-ton en demi-ton vers le grave (1).
2. Cas des paralysies en abduction (corde en position écartée)
Généralement, ces patients ont une voix très basse, très soufflée et extrêmement rauque (bitonale). Ils ont parfois des troubles transitoires de la déglutition des liquides, avec fausses routes. Spontanément, leur voix récupère peu (en
dehors des cas de récupération neurologique, bien sûr).
Parmi les objectifs proposés classiquement dans la rééducation des paralysies en abduction figure en premier lieu la reconstruction de la fonction de
sphincter (6). Ceci est motivé par les éventuels troubles de la déglutition, mais
aussi pour la voix. Dans ce but, il a été proposé depuis longtemps de réaliser des
exercices dits de fermeture laryngée.
Les chaînes d'occlusions trouvent donc là un emploi légitime. Toutes doivent être utilisées, et y compris les chaînes glottiques dont c’est là la meilleure
indication. En effet, la pratique de ces dernières aidera à obtenir une bascule de
l’aryténoïde valide en avant et en dedans au moment de la phonation, ce qui est
utile pour obtenir l’affrontement des cordes vocales. Cependant, il n’est généralement pas possible de faire les chaînes d’occlusions glottiques au début d’une
rééducation. Il faudra donc travailler d’abord les autres types de chaînes d’occlusions, particulièrement intéressantes par l’effort développé contre la pression
d’air (cf. supra). Il faudra également soutenir leur réalisation par des manipulations laryngées (cf. l’article de Baudelle, Orenstein et Brun dans ce même
numéro).
Sur le plan mélodique, la récupération ne passe pas toujours par l’aigu.
En effet, les paralysies du X, qui donnent volontiers une PLU en ouverture,
affectent également le nerf laryngé supérieur et interdisent donc tout étirement
de la corde vocale atteinte. Les données de l’examen et les tests vocaux aideront
à préciser ce qui pourra être obtenu. Dans les cas favorables, la recherche de
l’aigu sera d’emblée fructueuse. Dans les autres, il faudra solliciter l’étirement
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de la corde controlatérale en demandant au patient de tenter de faire un son aigu
en voix de tête ; il n’y parviendra pas, surtout au début, mais cette tentative permettra d’améliorer la tension des cordes vocales, et donc leur mise en contact.
Ici aussi, une correction chirurgicale pourra être indiquée : soit d’emblée,
quand le chirurgien a été contraint de sacrifier le nerf récurrent, ou quand les
fausses routes pourraient menacer la survie du patient ; soit après, dans les cas
où on ne parviendrait pas à créer de compensation efficace avec la rééducation.
♦ Chaînes d’occlusions glottiques et glottages
Exercices classiques de fermeture glottique : les glottages
Les classiques exercices de fermeture glottique reposent sur le principe
du "glottage" : inspirer, bloquer le souffle si possible par une fermeture glottique, et émettre une voyelle débutant par une attaque dure. Il existe diverses
variantes à cet exercice :
- la voyelle peut être chuchotée ou voisée
- des adjuvants peuvent être utilisés, dans le but de rendre plus efficace la
fermeture glottique : tirer ou pousser sur ses mains jointes, s'accrocher à
son siège en le tractant, tenter de repousser un mur avec les mains
posées à plat dessus, faire mine de soulever un objet lourd... On nomme
souvent ces pratiques "pushing".
On peut se demander à ce sujet :
• ces exercices pourraient-ils être indiqués dans les PLU ? On l’a vu : pas
toujours, notamment pas quand l’affrontement des aryténoïdes est possible.
• ont-ils des inconvénients importants ? Réponse : oui, à tel point que la
rééducation des PLU, lorsqu’elle fait largement appel à eux, finit par
avoir mauvaise presse en ORL
• sont-ils efficaces ? C'est discutable.
En effet, l’examen d’une personne effectuant une série de glottages (photos 9 à 12) montre les faits suivants :
• pendant la fermeture du tractus, le larynx se comporte comme pour des
chaînes d’occlusions glottiques (fermeture antéro-postérieure de la
glotte par avancée des aryténoïdes et recul de l’épiglotte)
• lors de l’émission, on voit les bandes ventriculaires s’écarter (elles
étaient donc serrées juste avant), les aryténoïdes reculer et se disjoindre
rapidement en entraînant les cordes vocales en abduction.
Dans cet exercice, l’étude de la courbe de débit d’air buccal (facile à faire
avec la station EVA) montre une élévation rapide et élevée dès le début de
l’émission, et une décroissance consécutive.
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Ceci a deux conséquences :
• un risque de traumatisme de la glotte ligamentaire. Il me semble
moindre dans les chaînes d’occlusions glottiques, car les cordes vocales
se referment très rapidement après l’émission, limitant les pointes de
débit d’air transglottique.
• un gaspillage d’air expiratoire, lié à leur grande ouverture sitôt après
l’émission.
Rq. : notons par ailleurs que sur une longue tenue vocalique, la tenue avec
attaque en coup de glotte donne généralement un TMP moins long que celui
obtenu avec une attaque normale.
♦ Conclusion
S’appuyant sur les données de la physiologie du larynx et sur l’observation directe par fibroscopie, les chaînes d’occlusions constituent un élément fort
utile de la rééducation des paralysies laryngées unilatérales. Elles permettent un
travail d’une grande tonicité, avec une judicieuse distribution de l’énergie dans
le temps évitant les maladresses et la relative inefficacité des exercices conçus
comme des séries d’impulsions.
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REFERENCES
(1) AMY DE LA BRETEQUE B. - L’équilibre et le rayonnement de la voix, Solal, 1997, 39, 50, 113-114
(2) AMY DE LA BRETEQUE B. - Les techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales
(PLU), 1998, Les Cahiers d’O.R.L. - T XXXIII - N°2, 68-72
(3) GARREL R., AMY DE LA BRETEQUE B., GHIO A., GIOVANNI A., GUERRIER B. - Intérêt de la
tussométrie dans les paralysies laryngées unilatérales, Rev. Laryngol. Otol. Rhinol., 2002 ;
123,5 : 303-306
(4) GIOVANNI A., OUAKNINE M., GARREL R., AYACHE S., ROBERT - Un modèle non-linéaire de la
vibration glottique. Implications cliniques potentielles, Rev. Laryngol. Otol. Rhinol. 2002 ;
123,5 : 273-277
(5) ROUBEAU B. - Mécanismes vibratoires laryngés et contrôle neuro-musculaire de la fréquence fondamentale. Thèse 3e cycle, Université Paris XI Orsay, 1993
(6) LECOQ M., ARIAS C. - Notre attitude phoniatrique devant une immobilité cordale unilatérale, Rev.
Laryngol. Otol. Rhinol. 1987 ; 108, 413-415
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Troubles de la déglutition et immobilités
laryngées
Michel Guatterie
Résumé
La perte de la mobilité laryngée, c’est à dire la perte de la mobilité des cartilages aryténoïdes empêche les cordes vocales de se rapprocher (lors de la toux, de la déglutition, de
l’apnée, de la phonation …) ou de s’écarter (pour la respiration). Les cordes vocales ne
s’accolent plus de manière symétrique, la fente glottique, quand elle est trop importante
pour produire une vibration sonore, perturbe la voix. Au cours de la déglutition, les conséquences fonctionnelles sur la protection des voies respiratoires (fermeture laryngée et toux)
différent en fonction des étiologies. Les composantes biomécaniques influent sur la qualité
de la fermeture laryngée et sur la facilitation de la déglutition par les postures. Elles conditionnent les possibilités de compensation et de ce fait les limites de la rééducation.
Mots clés : Immobilités laryngées, ankylose crico-aryténoïdienne, paralysie récurrentielle,
paralysie du X, dysphagie, troubles de la déglutition.
Swallowing disorders and laryngeal immobility
Abstract
The loss of laryngeal mobility, corresponding to a loss of arytenoid cartilage mobility, prevents
vocal fold adduction (in situations of coughing, swallowing, apnea, phonation,…) or abduction (breath). Laryngeal adduction is not symetrical and the glottal air flow escape disturbs
the voice. With regard to swallowing, the respiratory tract safety mechanism (glottal closure
and cough) depends on the aetiology of the disorder. Biomechanical components influence
the quality of glottal closure and of the facilitation of swallowing through postures. They
influence possibilities of compensation and consequently the limits of functional treatment.
Key Words : laryngeal immobility, recurrent nerve paralysis, crico-arytenoid ankylosis, tenth
nerve paralysis, dysphagia, swallowing disorders
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Michel GUATTERIE
Unité de Rééducation de la Déglutition
Service de Médecine Physique
USN Tastet Girard
CHU Pellegrin
33076 Bordeaux cedex
L
es étiologies des immobilités laryngées peuvent être d’origine mécanique
ou neurologique.
Les immobilités laryngées d’origine mécanique sont dues à la perte de
mobilité de l’articulation crico-aryténoïdienne dans les amplitudes articulaires
normales. L’étiologie la plus classique, que nous traiterons, est l’ankylose
crico-aryténoïdienne après luxation de l’aryténoïde sur le cricoïde. Sans
réduction immédiate, les structures péri-articulaires capsulaires et ligamentaires se rétractent et fixent l’articulation dans la position luxée. La polyarthrite rhumatoïde, localisée sur le larynx, peut donner des syndromes inflammatoires articulaires avec perte de la mobilité aryténoïdienne. De même, les
fibroses post-radiques, touchant tous les tissus capsulo-ligamentaires, mais
aussi muqueux et musculaires, peuvent donner une diminution notable de la
mobilité laryngée.
Les immobilités laryngées neurologiques sont représentées par les
atteintes neurogènes périphériques unilatérales et bilatérales ; les atteintes bilatérales engagent le pronostic vital, par la gravité des lésions associées au centre
respiratoire bulbaire. L’atteinte neurogène peut se situer dans le bulbe par AVC
et lésion du noyau ambigu des nerfs crâniens IX-X-XI, ou par lésion du nerf
récurrent. L’exécution de la commande motrice volontaire, automatique ou
réflexe n’est pas réalisée par les muscles dénervés. La mobilité articulaire est
dans cette situation, normale. Nous traiterons ces deux cas, car le tableau lésionnel et les dysphagies sont différentes.
Les atteintes centrales ne donnent pas d’immobilités laryngées, car les
muscles de la tête et du cou reçoivent une commande corticale bilatérale. En cas
de lésion unilatérale (hémiplégie), le larynx continue à être commandé par l’hémisphère cérébral opposé. Dans les atteintes bilatérales de la voie corticale,
seuls les mouvements volontaires sont impossibles, mais la motricité réflexe
(déglutition, toux, respiration) reste intacte.
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♦ Physiologie de la protection laryngée et la déglutition pharyngée
La protection laryngée au cours de la déglutition des aliments nécessite
la fe rm e t u re des cordes vocales, l’appui des aryténoïdes contre le pied
de l’épiglotte, et la bascule de l’épiglotte par-dessus le vestibule laryngé. Le
bolus passe sur l’épiglotte et dans les sinus piriformes. Les replis ary-épiglottiques jouent un rôle important dans la contention des aliments hors du vestibule
laryngé. La fermeture des voies aériennes précède l’arrivée du bolus sur la base
de la langue.
Photo 1 : appui aryténoïdien contre le pied de l’épiglotte
Les liquides sont beaucoup plus rapides et arrivent dans les sinus piriformes et remplissent le pharynx avant que la contraction pharyngée ne se
déclenche. Quand le bourrelet de Passavant se contracte (contraction la plus
haute du péristaltisme pharyngien), l’épiglotte n’a pas encore basculé, alors que
le liquide a déjà rempli le fond du pharynx, et remonte au-dessus des sommets
des aryténoïdes. L’étanchéité des voies aériennes n’est réalisée que par l’accolement ferme des cordes vocales, et l’appui des aryténoïdes basculés en avant
contre le pied de l’épiglotte (photo 1). Le contenu du vestibule laryngé (tissu
adipeux des bandes ventriculaires) est comprimé comme un véritable bouchon
occupant tout l’espace du vestibule laryngé, entre les cordes vocales, les cartilages aryténoïdes et les replis ary-épiglottiques. Ainsi trois étages assurent la
fermeture des voies aériennes sans la participation de l’épiglotte. Avec des gorgées volumineuses, le liquide peut remplir le pharynx et mouiller l’épiglotte
sans déclencher de réflexe de toux (photo 2, 3, 4). Quand la déglutition pharyn-
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gée se produit, l’épiglotte bascule et chasse le liquide collecté au-dessus des
aryténoïdes.
2
3
4
Déglutition de liquide (café) :
Photo 2 : position du larynx avant l’arrivée du liquide.
Photo 3 : début du remplissage du pharynx par le liquide.
Photo 4 : le pharynx est plein, l’épiglotte est toujours relevée.
Ainsi le deuxième temps de la déglutition comporte deux actions simultanées. La protection laryngée démarre la déglutition par la fermeture des voies
aériennes pulmonaires, avant que le liquide n’arrive dans le larynx. Quelques
millisecondes à quelques secondes plus tard, la contraction pharyngée propulse
le bolus vers le sphincter supérieur de l’œsophage. Ce deuxième temps, véritable phase laryngo-pharyngée, se caractérise par la fermeture du larynx, puis la
contraction du pharynx.
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♦ Ankylose crico-aryténoïdienne
L’ankylose crico-aryténoïdienne est une immobilité traumatique, séquelle
d’une luxation survenue au cours d’une intubation difficile. Dans les situations
d’urgence respiratoire, l’introduction d’une sonde par le nez ou par la bouche
vers la trachée (intubation) peut être traumatique et luxer en avant, dans le vestibule laryngé, un aryténoïde. Le risque est important quand le rachis est limité en
extension, ne dégageant pas suffisamment les voies aériennes. Dans le cas de
spasme laryngé, les aryténoïdes sont rapprochés et appuyés contre le pied de
l’épiglotte. Le forçage par la sonde aboutit à une luxation crico-aryténïdienne.
Des luxations crico-aryténoïdiennes ont été observées lors d’aspirations traumatiques de mucosités pharyngées à l’aide de sondes rigides.
La capsule et les ligaments étirés et déchirés cicatrisent en se rétractant
dans la position de luxation. Si la luxation n’est pas réduite immédiatement,
l’ankylose s’installe définitivement. La mobilité articulaire est limitée voire
impossible (photo 5). La respiration n’est pas affectée par la perte de mobilité
d’un aryténoïde, car l’ouverture de la filière respiratoire par l’autre aryténoïde
compense suffisamment. La voix peut être altérée ainsi que la protection des
voies aériennes lors des déglutitions.
Photo 5 : luxation crico-aryténoïdienne
Tous les patients ne se plaignent pas de fausses routes. Certains toussent
avec les liquides, quand ils boivent à grosses gorgées ou en extension du rachis,
mais aucune description de fausse route aux aliments n’est rapportée. Nous
avons vu l’importance du plan glottique et de l’appui aryténoïdien dans la pro-
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tection laryngée pour la déglutition des liquides. Si la luxation est modérée, laissant un peu de mobilité aryténoïdienne, les cordes vocales peuvent se rapprocher et fermer efficacement le plan glottique. L’appui aryténoïdien plus ou
moins parfait et la contraction des replis ary-épiglottiques assurent la sécurité
des voies aériennes.
Par contre, si la luxation met l’aryténoïde trop en bascule et rotation
interne, l’apophyse vocale n’est plus en position symétrique par rapport à l’apophyse opposée. Les cordes vocales ne s’accolent pas complètement, les liquides
s’infiltrent dans la fente.
L’apophyse vocale du côté luxé peut être trop basse par rapport au côté
opposé. La corde vocale pathologique est alors sous décalée par rapport à
l’autre corde vocale. Le passage des liquides est plus facile entre les deux
cordes vocales mal accolées, surtout par la commissure postérieure.
La situation la plus préoccupante est l’immobilité aryténoïdienne bilatérale. Si les cordes vocales sont en fermeture, la respiration d’effort est gênée.
L’indispensable élargissement de la filière respiratoire (par exemple l’écartement du cartilage cricoïde par un greffon cartilagineux, intervention de Rethy)
améliore la respiration tout en favorisant les fausses routes par l’écartement des
cordes vocales.
La résolution des fausses routes aux liquides est simple, et souvent le
patient a trouvé la parade. Il suffit d’éviter le débordement des liquides dans le
larynx, lors du remplissage du pharynx, en diminuant le volume des gorgées.
Dans des cas difficiles, la flexion associée à la rotation de la tête du côté luxé,
peuvent apporter une suppléance fonctionnelle efficace.
♦ Paralysie du nerf pneumogastrique (Xe nerf crânien),
paralysie du nerf récurrent, branche du X
Le larynx est innervé par le Xe nerf crânien, sensitif et moteur, qui se
divise en plusieurs branches. Par le plexus pharyngé, avec des rameaux du IX, le
X commande le voile du palais et les constricteurs du pharynx. Par le nerf
laryngé supérieur, il donne des branches aux muscles du pharynx, au muscle
crico-thyroïdien, et par l’anse de Gallien, il assure la contraction du muscle aryépiglottique et du muscle inter-aryténoïdien. Son rameau médial est sensitif
pour la muqueuse du larynx, jusqu’aux cordes vocales et pour la muqueuse de
l’épiglotte. Il véhicule aussi les messages gustatifs issus de l’épiglotte.
Le nerf laryngé récurrent inférieur, après un trajet cervical, un contournement de l’artère sub-clavière à droite, et autour de la crosse aortique à gauche,
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remonte entre la trachée et l’œsophage jusqu’au larynx. Il innerve les muscles
du SSO (avec le XI) et les muscles intrinsèques du larynx, mobilisateurs des
cordes vocales (thyro-aryténoïdien, crico-aryténoïdien latéral et postérieur). Il
assure la sensibilité de la muqueuse laryngée et trachéale sous les cordes
vocales.
Les conséquences fonctionnelles d’une atteinte du X et d’une atteinte du
récurrent sont tout à fait différentes tant par l’intensité des troubles de la déglutition que le type de dysphagie.
Paralysie récurrentielle
L’atteinte du nerf récurrent entraîne une paralysie de la corde vocale et
des muscles mobilisateurs de l’aryténoïde. Le syndrome neurogène périphérique
réalise le tableau de paralysie, hypotonie et aréflexie. L’aryténoïde immobile par
déficience des muscles moteurs, ne bascule plus contre le pied de l’épiglotte.
L’hypotonie du muscle vocal entraîne un sous décalage du côté atteint. La corde
vocale incurvée et hypotonique s’atrophie, perd du volume. Les cordes vocales
ne s’accolent plus. La mauvaise fermeture glottique est dépendante de la position de l’aryténoïde. Plus celui-ci est en abduction, moins le plan glottique est
fermé. Toutes ces conditions interdisent la bonne protection du larynx à la
déglutition. Il n’y a pas de troubles de la détection des fausses routes, car le territoire sensitif du vestibule laryngé et de l’épiglotte est pris en charge par le nerf
laryngé supérieur, intact. L’efficacité de la toux à glotte fermée est un peu diminuée.
Cliniquement, les patients décrivent plutôt des fausses routes avec de
grosses gorgées de liquides. L’appui de l’aryténoïde immobile contre le pied de
l’épiglotte est insuffisant, ne comprime pas la bande ventriculaire, les cordes
vocales ne ferment pas bien la filière laryngée. A grosses gorgées, le liquide
déborde dans le vestibule mal fermé et fuit par les interstices laissés par l’aryténoïde et la corde vocale immobiles.
Par contre, avec les aliments plus compacts que l’eau, plus lents à progresser par la pesanteur, la bascule épiglottique et la contraction des replis aryépiglottiques assurent la protection des voies aériennes, malgré l’insuffisance du
plan glottique.
La posture de flexion est une bonne position pour améliorer la protection
du larynx sous la base de langue, car elle fait reculer la langue sur le larynx.
Ainsi les liquides se déversent moins au-dessus du larynx mal fermé. La réduction du volume de la gorgée évite aussi le débordement des liquides dans le vestibule laryngé.
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La rééducation de la dysphonie, par la recherche de la compensation en
fermeture par l’autre corde vocale, améliore la récupération fonctionnelle de la
protection laryngée aux liquides. Dans les cas les plus rebelles (aryténoïde en
ouverture) hypotonie et amyotrophie de la corde vocale, persistance d’une fente
glottique, le gonflage de la corde vocale par injection (graisse, silicone, collagène …) permet d’améliorer la déglutition et la phonation. Ainsi, la paralysie du
nerf récurrent est fonctionnellement limitée à la dysphonie et aux troubles de
déglutition aux liquides à gros volumes. Il en est tout autrement de l’atteinte du
X.
Paralysie du nerf pneumogastrique
L’atteinte du X est plus grave car le territoire des déficiences est plus
étendu que dans l’atteinte récurrentielle (photo 6). A l’immobilité de l’aryténoïde et ses conséquences fonctionnelles, s’ajoutent d’autres déficiences. La
paralysie du voile du palais entraîne rhinolalie et fausses routes nasales aux
liquides. La paralysie d’un hémi-pharynx entraîne une faible propulsion pharyngée, des troubles de la sensibilité pharyngée et laryngée, une désorganisation du
réflexe de déglutition. La paralysie du repli ary-épiglottique n’assure plus l’efficacité de la margelle laryngée. Le repli effondré laisse passer dans le vestibule
laryngé aliments, liquides et salive. Les troubles sensitifs sont plus importants
car ils touchent l’hémi-pharynx, le vestibule laryngé et la trachée sous glottique.
Photo 6 : paralysie du X
Cliniquement, les patients ne peuvent avaler salive, liquides et solides. Au
cours de la déglutition, le plan glottique aura les mêmes incompétences que
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dans l’atteinte récurentielle pure. Il s’y ajoute la paralysie du repli ary-épiglottique qui ne contient plus le bolus pendant son passage dans le sinus piriforme
atteint : les fausses routes se produisent pendant le passage des aliments dans le
sinus piriforme atteint. En raison des troubles de la sensibilité laryngée et trachéale, la détection des fausses routes est altérée, et la toux n’est pas systématique ou immédiate.
La propulsion pharyngée est faible, voire inexistante, même du côté sain.
La perte de la force de propulsion pharyngée et la mauvaise relaxation du SSO
ne permettent pas le passa ge du bol dans l’œsophage. La stase résiduelle, si elle
est importante déborde dans le larynx à la reprise respiratoire, après la déglutition. A cause des troubles sensitifs pharyngés, le réflexe de déglutition peut être
retardé (troubles de la perception) et même absent (aréflexie).
Trois mécanismes de fausses routes font la gravité de cette atteinte :
fausses routes avant la déglutition à cause des troubles sensitifs, pendant la
déglutition à cause de l’incompétence de fermeture laryngée, après la déglutition par incompétence pharyngée. Les mécanismes accessoires comme la protection sous la base de langue sont perturbés, car l’atteinte du X est rarement
isolée. L’atteinte associée du IX et du XI, parfois du V et VII (AVC bulbo-protubérantiel) complète et complique le tableau fonctionnel. Bien sûr, l’intensité
de l’atteinte est variable, et avec le temps, des améliorations peuvent être observées et obtenues.
La perte de la force musculaire pharyngée nécessite des aliments glissants, peu collants, peu résistants. Des mixés lisses, crèmes, compotes, pas trop
épais sont des bolus de rééducation adaptés, suffisamment fluides pour glisser,
peu résistants pour profiter d’un peu de force de propulsion, pas trop collants
pour ne pas laisser trop de stase pharyngée, mais suffisamment pour ne pas
déborder trop vite dans le larynx. Les liquides sont bien contenus s’ils sont
épaissis. La fluidité favorise les fausses routes, l’épaississement les ralentit en
les collant au pharynx.
Les postures en flexion antérieure permettent de profiter d’une bonne protection sous-linguale. La rotation de la tête du côté de l’atteinte (le menton se
rapproche de l’épaule) en évitant surtout l’inclinaison latérale (l’oreille se rapproche de l’épaule) permet d’envoyer le bolus dans le sinus piriforme le plus
performant. Une bonne expectoration systématique après chaque déglutition
permet d’éviter la pénétration d’aliments dans la trachée.
Ces trois exemples montrent que les déglutitions d’aliments et d’eau
nécessitent des protections différentes. L’efficacité fine de protecteurs laryngés
est requise pour les liquides. L’épiglotte est surtout mobilisée avec les aliments.
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La synchronisation de la fermeture des voies aériennes et de la propulsion
du pharynx est modulable. La déglutition pharyngée peut être retardée, mais la
fermeture du larynx doit toujours être la première à être activée surtout pour les
liquides. Les voies aériennes doivent être protégées avant que le bolus n’arrive
dans le pharynx. La bascule épiglottique, participant à la protection laryngée,
appartient en fait à la phase propulsive pharyngée.
L’efficacité de la protection laryngée est très importante pour protéger les
poumons contre toutes pénétrations dans l’appareil respiratoire de substances
acides gastro-oesophagiennes. Les reflux, vomissements ou mérycismes ont des
conséquences redoutables à court et moyen terme dans les situations où le
larynx ne peut se fermer efficacement. L’épiglotte est dans ces cas là totalement
inutile, car les aliments et les liquides acides remontent de l’œsophage vers la
bouche. Leurs passages dans le vestibule laryngé sont inévitables, et sans une
fermeture parfaite de la glotte et des aryténoïdes, la fausse route est assurée.
Aucune posture, aucune réduction du volume de reflux, ne peut protéger les
poumons. Le plan glottique est le seul protecteur efficace.
♦ Conclusion
La protection laryngée dépend de la texture et du volume du bolus avalé.
Les liquides nécessitent une protection très fine, car ils peuvent s’infiltrer par
tous les interstices. Que l’immobilité laryngée soit d’origine mécanique ou neurologique, les fausses routes sont observées quand la quantité de liquide arrivant
dans le pharynx est importante. Le plan glottique est nécessaire mais pas indispensable dans ce cas de figure. En cas de reflux gastro-oesophagien, le plan
glottique est indispensable. La présence des autres protecteurs est un avantage
supplémentaire. L’adaptation du patient à un nouvel environnement moteur est
aussi une source d’amélioration fonctionnelle. Les fausses routes sont bien l’expression d’incompétences multifactorielles (lésions, textures, postures, volumes,
températures …).
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La médialisation chirurgicale de la corde
vocale : résultats vocaux
Isabelle Liesenfelt
Résumé
Après un exposé des techniques de médialisation chirurgicale actuellement utilisées, et des
résultats couramment exposés dans la littérature, cet article présente les résultats d’une
étude longitudinale effectuée sur 18 patients traités par thyroplastie de type I ou par injection de graisse autologue. L’analyse de paramètres acoustiques et aérodynamiques à court,
moyen ou long terme après intervention, tout en confirmant les résultats de la littérature,
pointe une baisse temporaire des performances 3 à 6 mois après intervention, suivie de la
reprise de l’amélioration, qui pourrait être une étape normale du processus de récupération.
La vibration laryngée se trouve normalisée à long terme. L’amélioration vocale s’accompagne d’une reprise de maîtrise, tant qualitative que quantitative, du souffle. Une fois disparus les effets du blocage de la corde en position intermédiaire, il persiste des troubles plus
légers liés à l’immobilité de la corde, empêchant un ajustement fin du flux aérien par la
glotte. L’étude met également en évidence une meilleure récupération des femmes pour
certains paramètres.
Mots clés : paralysie récurrentielle, médialisation, thyroplastie, injection de graisse autologue, voix, acoustique, aérodynamique
Surgical medialization of the vocal folds : vocal results
Abstract
After reviewing medialization techniques currently in use, along with published results, this
article presents results from a longitudinal study conducted on 18 patients treated with type
I thyroplasty or by autologous fat injection. An analysis of acoustic and aerodynamic parameters before and after surgery (short, middle and long term) points to a transitory decrease
of performances 3 to 6 months after surgery, which is then followed by an increase, possibly
reflecting a normal stage in the recovery process. Laryngeal vibration is normalized in the
long term. Vocal improvement is associated with renewed mastery of breathing, both in
qualitative and quantitative terms. After the vocal cord has left its intermediary position,
minor disorders remain due to the immobility of the cord which prevents the glottis from
subtly controlling the air flow. This study also shows that for a few parameters, women have
a better recovery process than men.
Key Words : recurrent nerve palsy, medialization, thyroplasty, autologous fat injection, voice,
acoustical analysis, aerodynamic analysis
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Isabelle LIESENFELT
Orthophoniste
Service d’Oto-Rhino-Laryngologie
et de Chirurgie Cervico-Faciale
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris
et
Place du Breuil
38570 Goncelin
♦ La médialisation chirurgicale : résultats vocaux
Les orthophonistes sont régulièrement amenés à recevoir et à prendre en
charge des patients présentant une paralysie récurrentielle unilatérale (PRU),
que la cause en soit chirurgicale, tumorale, traumatique ou autre. Il leur
incombe souvent, parallèlement à la prise en charge « technique » de la PRU,
d’apporter au patient les informations qui lui permettent de comprendre sa situation et les évolutions possibles.
La rééducation orthophonique constitue le traitement de première intention ;
s’il reste inefficace alors qu’il a été bien suivi pendant plusieurs mois, la chirurgie
doit être envisagée pour obtenir la médialisation de la corde vocale immobile.
De nombreuses publications ont étudié l’aspect acoustique de la récupération vocale post-opératoire, quelle que soit la technique choisie pour l’intervention. Elles n’ont, pour la majorité, pas abordé le lien entre les paramètres acoustiques et aérodynamiques de la voix.
Cet article a pour objectif, après un survol des techniques de médialisation et un rappel des données de la littérature, d’explorer ce lien, à travers les
résultats d’une étude longitudinale menée au service ORL de l’hôpital Tenon à
Paris entre novembre 1999 et juin 2000, dans le cadre d’un mémoire pour le
Certificat de Capacité en Orthophonie.
♦ Les techniques de médialisation
Le chirurgien intervient pour ramener la corde vocale immobile vers le
plan médian de la glotte. Il choisit pour cela entre les deux gestes suivants :
- Injection d’un implant fluide directement dans la corde vocale immobile, dans le but de la médialiser mais aussi d’augmenter sa masse.
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- Insertion d’un implant solide entre l’aile thyroïdienne et le corps de la
corde vocale immobile ; on parle alors de thyroplastie. Ce geste est en
général envisagé lorsque la béance glottique est telle qu’une injection ne
pourrait de toute façon pas procurer une médialisation suffisante.
L’injection intra-cordale constitue un moyen de traitement des PRU
depuis 1911 ; l’implant utilisé était alors de la paraffine. Face à la bio-réactivité
de cette substance, les chirurgiens ont testé les matériaux les plus divers afin de
trouver le candidat idéal à l’injection, qui satisfasse aux critères définis en
1955 : non réactif, non dispersible, non carcinogène.
Le Téflon, en suspension dans de la glycérine, a été la référence des
années 1970, mais on a depuis mis en évidence son potentiel migratoire et les
réactions inflammatoires dont il est la cause. D’autres matériaux inertes, tels
que le silicone ou le Gelfoam (initialement utilisé comme hémostatique) ont été
examinés, puis les regards se sont tournés vers les bio-implants : collagène
bovin réticulé (GAX-collagène), non autorisé en France ; collagène, aponévrose, et graisse autologues, c’est à dire prélevés sur le patient lui-même. Ce
sont ces dernières substances qui sont actuellement les plus utilisées.
Injection de graisse autologue
Parmi les bio-implants autologues, les chirurgiens utilisent de préférence
la graisse autologue, facile et rapide à prélever et à employer : le patient étant
sous anesthésie générale, la graisse est prélevée par liposuccion, puis filtrée afin
de la débarrasser des impuretés. Elle est ensuite injectée sous endoscopie dans
le muscle thyro-aryténoïdien de la corde immobile (Fig. 1), très lentement, en
un point en dehors de l’apophyse vocale, de façon à obtenir une rotation de cette
apophyse qui entraîne la médialisation de la corde. Du fait de la résorbabilité de
ce matériau, on recherche la sur-correction (affrontement intime des cordes
vocales sur leurs 2 tiers antérieurs), et on injectera donc souvent aussi au niveau
du tiers moyen de la corde (Fig. 2).
Fig. 1 : Vue en coupe d’un larynx paralysé avant (A) et après (B) injection de graisse
autologue dans le muscle thyro-aryténoïdien de la corde immobile
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Fig. 2 : Sites d’injection dans la corde vocale
Les résultats définitifs sont atteints après en moyenne 2,2 mois ; ils sont
stables dans 67 % à 85 % des cas selon les études citées dans la littérature. Pour
la majorité des patients, une seule injection suffit. Dans les autres cas, il peut
être nécessaire de procéder à une seconde injection ou éventuellement de procéder à une thyroplastie. Contrairement aux injections de toxine botulique effectuées dans le cadre d’autres pathologies, l’injection de graisse ne se fait pas de
façon systématique et répétée. Par ailleurs, la graisse injectée ne constitue pas
un obstacle à la récupération complète ad integrum.
Thyroplastie
La thyroplastie, décrite pour la 1re fois en 1974 par Isshiki, emploie quant
à elle un implant solide, qui se doit également d’être non réactif et non carcinogène. Les matériaux testés à ce jour sont le Silastic, majoritairement utilisé, le
GoreTex couche sur couche, ou l’hydroxylapatite.
Le protocole classique consiste, sous anesthésie régionale, en la pose
d’un implant triangulaire taillé sur mesure, après que le chirurgien ait incisé la
peau du cou et pratiqué une fenêtre dans l’aile thyroïdienne au regard de la
corde vocale immobilisée.
L’intervention, techniquement plus difficile que l’injection intra-cordale,
dure 45 à 90 minutes.
Cette technique est en principe réversible, l’implant pouvant être déposé ;
en réalité, il se crée autour de l’implant une capsule fibreuse qui demeure, et les
interventions de pose et de dépose génèrent un tissu cicatriciel qui rigidifie la
corde vocale et nuit donc aux performances acoustiques. Par ailleurs, il y a un
risque d’extrusion ou au contraire de déplacement médial de l’implant.
Une variante plus aboutie, mise au point par Montgomery, utilise des
implants standards pré-formatés, dont la structure (Fig. 3) garantit contre les
risques d’extrusion et de déplacement médial, et rend la réversibilité réelle.
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Fig. 3 : insertion d’un implant standard de type Montgomery
La thyroplastie simple, dite « thyroplastie de type I », peut être complétée
par :
- Une adduction aryténoïdienne en cas de forte béance postérieure et/ou
de différence de niveau des 2 cordes : on parle alors de thyroplastie de
type III.
- Une suture antérieure du thyroïde sur le cricoïde dans le but de retendre
une corde vocale trop flasque : on parle alors de thyroplastie de type IV.
Les résultats définitifs sont atteints après résorption de l’œdème opératoire, et restent stables 6 mois après l’intervention. La thyroplastie permet,
comme l’injection de graisse autologue, une récupération ad integrum.
♦ Comment évaluer l’impact de la PRU sur la voix ?
L’ampleur des troubles vocaux dus à la paralysie, ainsi que l’évolution du
patient en cours de traitement orthophonique ou après intervention chirurgicale,
peuvent être évalués à travers un certain nombre de mesures acoustiques et aérodynamiques.
A tr avers les mesures acoustiques, le clinicien cherche à quantifier deux
aspects principaux de la voix.
Tout d’abord, la stabilité vocale, que ce soit sur le plan de la fréquence de
vibration ou sur celui de l’intensité. On observe les variations de cycle à cycle,
et on en note les valeurs absolues (en Hz pour la fréquence, en dB pour l’intensité) ou relatives (en % de la fréquence fondamentale moyenne ou en % de l’intensité moyenne). Ainsi, le jitter est lié à la fréquence fondamentale et traduit la
qualité de la vibration laryngée. Le shimmer quant à lui concerne les variations
d’intensité et traduit la qualité du contrôle de la pression sous-glottique.
Parallèlement, on évalue également la qualité du timbre. Ici aussi, 2 types
de mesures sont effectuées. Le nombre d’harmoniques rend compte de la qualité
de l’accolement des cordes vocales au cours de la phonation ; il est considéra-
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blement diminué en cas de PR, et l’énergie du signal acoustique se concentre
alors autour du fondamental. Le rapport signal / bruit, lui, donne l’importance
relative dans le voisement du signal périodique (voisement) et de la composante
de bruit produite par le frottement de l’air passant dans les structures laryngées.
En cas de PR, la composante « bruit » augmente car la mauvaise fermeture glottique fait obstacle à la transformation du flux aérien en signal voisé.
Quant aux mesures aérodynamiques, elles permettent d’évaluer le flux
d’air qui traverse le larynx et son contrôle par le sphincter glottique.
Une mesure indirecte en est le temps maximum de phonation, (ou TMP) :
après avoir inspiré au maximum de ses capacités, le patient émet le son /a/ le
plus longtemps possible ; cette mesure permet d’évaluer le contrôle du souffle
phonatoire et notamment la qualité de la fermeture glottique ; il est généralement très diminué chez les patients atteints de PR (3 à 9 secondes, contre 15 à
35 secondes normalement).
Deux autres mesures permettent une approche plus directe du flux d’air
phonatoire : il s’agit du débit aérien phonatoire (rapport entre le volume phonatoire et le temps de phonation, mesuré en dm3/s), qu’on peut mesurer sur un /a/
tenu quelques secondes à intensité et hauteur confortables et qui augmente de
façon normale quand l’intensité et/ou la fréquence fondamentale augmente ; il
est très augmenté chez les patients présentant une PR. La mise en rapport de ce
débit d’air phonatoire et de l’intensité sonore atteinte constitue la fuite glottique
(mesurée en dm3/sec/dB) ; elle est elle aussi augmentée en cas de PR.
♦ Les impacts de la médialisation sur la dysphonie dans la littérature
Tous les résultats rapportés dans la littérature convergent dans le sens
d’une grande amélioration de la voix, même si le résultat n’est pas systématiquement parfait. Quant à la satisfaction des patients, elle dépasse même ce
qu’on aurait pu attendre au vu des résultats cliniques.
Du point de vue acoustique, les données objectivent :
- Une amélioration de la stabilité de la voix et du timbre :
o le shimmer et le rapport signal / bruit sont normalisés,
o le jitter et la définition des harmoniques sont très améliorés.
- La normalisation de l’intensité sonore, après une phase post-opératoire
où elle est trop forte du fait du cumul :
o des effets de la médialisation,
o du comportement de compensation adopté avant l’intervention pour
pallier les effets de la PRU.
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La composante aérodynamique de la phonation est également très améliorée :
- Forte augmentation du TMP (Temps Maximal de Phonation), qui est
fréquemment doublé voire triplé, en corrélation avec une importante
diminution du débit d’air phonatoire,
- Augmentation de longueur des groupes de souffle, même si les prises de
souffle restent plus fréquentes que chez les sujets témoins,
- Persistance d’une fuite glottique a minima dans la plupart des cas (seuls
26% des patients restent gênés).
♦ Aspects acoustiques et aérodynamiques de la voix, avant et après
médialisation
Populations, matériels et méthode
Cette étude a porté sur 2 populations :
- 14 témoins (8 hommes, 6 femmes), ayant une moyenne d’âge de 53,6
ans (entre 28 et 89 ans), exempts de pathologie du larynx, et n’ayant
jamais subi d’intervention portant sur la zone pharyngo-laryngée.
- 18 patients (10 hommes, 8 femmes), ayant une moyenne d’âge de 57,6
ans (entre 24 et 80,5 ans), ayant subi une intervention (injection de
graisse autologue et/ou thyroplastie), l’un des hommes ayant subi les 2
interventions à plusieurs mois d’intervalle.
Nous avons procédé à une évaluation des performances vocales et
aériennes de chacun des sujets dans les conditions suivantes :
Les mesures acoustiques et aérodynamiques ont été faites en utilisant :
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- des outils de mesure :
o un microphone calibré,
o embouchures permettant la capture de volumes et de débits aériens
inspirés et expirés,
- une interface adaptée,
- un micro-ordinateur équipé du logiciel EVA, mis au point par le laboratoire CNRS « Parole et Langage » de l’Université de Provence et diffusé
par SQLab.
Les évaluations ont été faites :
- avant intervention (Pré-op)
- jusqu’à 3 mois après intervention (CT = court terme)
- de 3 à 6 mois après intervention (MT = moyen terme)
- plus de 6 mois après intervention (LT = long terme)
Nous avons utilisé différentes techniques statistiques :
- moyennes et écarts-types, pour décrire nos résultats,
- tests t de Student, pour comparer entre elles les populations,
- coefficients de corrélation entre 2 paramètres au sein d’une même population.
♦ Les résultats
Notre étude a permis de mettre en évidence quelques points inédits :
- Nous avons constaté une différence entre hommes et femmes dans le
degré de récupération du TMP (Fig. 4) et du nombre d’harmoniques
(Fig. 5) à long terme : il n’y a plus de différence significative pour les
femmes entre les témoins et les patients, alors que les hommes restent
pathologiques (notons d’ailleurs que cette différence ne se retrouve pas
dans l’appréciation que les patients ont de leurs propres troubles).
Fig. 4 : Comparaison hommes / femmes des TMP sur /a/ (sec) dans chaque population :
moyennes et écarts-types
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Fig. 5 : Comparaison hommes / femmes du nombre d’harmoniques dans chaque population
Ces différences pourraient être expliquées par 2 hypothèses :
o Le diamètre de la filière laryngée étant plus grand chez les
hommes, la médialisation ne permettrait pas chez eux de retrouver un accolement complet des cordes vocales, d’où une fuite
d’air et une certaine pauvreté en harmoniques. De plus, les
femmes, du fait de leurs cordes vocales plus fines et plus courtes,
récupéreraient mieux la dynamique d’accolement / ouverture des
cordes, ce qui va également dans le sens d’un enrichissement du
timbre.
o Tous les patients (sauf 1) pour lesquels nous avons des résultats à
long terme ont subi une injection de graisse autologue ; on pourrait
attribuer les différences de récupération à des résorbabilités différentes de la graisse chez les hommes et les femmes, éventuellement
sous l’effet du contrôle hormonal.
- Nous avons constaté que les témoins adoptent des comportement
vocaux différents en fonction des tâches demandées (/a/ simple ou /a/
prolongé au maximum) : ils ajustent leur débit phonatoire, qui est plus
élevé sur un /a/ simple que sur un son prolongé, pour lequel il y une exigence de performance dans la durée. Chez les patients (en pré- comme
en post-opératoire), par contre, les débits phonatoires observés dans les
2 circonstances sont très fortement corrélés.
Par ailleurs, en observant les corrélations entre fuite glottique sur /a/
simple et volume expiré sur une phrase de 12 syllabes, nous observons également une différence de comportement entre 3 populations : les témoins (faible
corrélation), les patients en pré-opératoire (très faible corrélation) et en postopératoire (très forte corrélation).
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Nous avons avancé l’hypothèse que dans les 3 populations, le comportement programmé est différencié en fonction de la tâche à accomplir. Chez les
témoins, cette différenciation est objectivée par les mesures. Chez les patients
en pré-opératoire, la corde paralysée se trouve avant intervention en situation
d’abduction plus ou moins forte, et la fermeture glottique inefficace entraîne
lors de la phonation l’expiration non sonore d’un grand volume d’air. Pour les
patients en post-opératoire, la médialisation améliore cette fermeture, mais ne
peut remédier à l’immobilité de la corde, qui fait obstacle aux ajustements subtils demandés par les différentes tâches de phonation.
- L’observation des volumes maximaux expiré sur les sons /a/ et /s/
(Fig. 6) révèle pour les témoins 2 types de souffle : un souffle « phonatoire » sur /a/ et un souffle « respiratoire » sur /s/, avec un volume maximal expiré supérieur ((Volume maximal expiré sur /a/) / (Volume maximal expiré sur /s/) = 0,78 en moyenne, σ = 0,18).
Fig. 6 : Comparaison des volumes maximaux expirés sur les TMP /a/ et /s/(dm3) dans les
différentes populations : moyennes et écarts-types
Chez les patients en pré-opératoire, cette différence est gommée : tout se
passe comme si la fixation en ouverture de la corde vocale immobile transformait le souffle « phonatoire » en souffle « respiratoire », donc entraînait une
désorganisation qualitative du souffle ((Volume maximal expiré sur /a/) /
(Volume maximal expiré sur /s/) = 1,00 en moyenne, σ = 0,36). De plus, les
volumes mis en jeu sont bien inférieurs à ceux mesurés chez les témoins : il y
a u rait donc également une désorga n i s ation quantitat ive du souffle
« respiratoire » lui-même.
En post-opératoire, il y a récupération d’un certain contrôle du souffle : la
différence de comportement réapparaît ; quant aux volumes mesurés, ils ont des
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valeurs comprises entre celles des témoins et celles des patients en pré-opératoire : la médialisation permet donc de récupérer un certain contrôle, tant qualitatif que quantitatif, de leur souffle (à LT, (Volume maximal expiré sur /a/) /
(Volume maximal expiré sur /s/) = 0,84 en moyenne, σ = 0,49).
- On observe la normalisation du comportement vocal sur l’articulation de
phrase, avec en particulier disparition des reprises inspiratoires et normalisation du volume d’air phonatoire mobilisé (Fig. 7), alors même
que les volumes mobilisés sur un /a/ prolongé restent différents de ceux
des témoins.
Fig. 7 : Moyennes et écarts-types du volume expiratoire sur phrase (dm3) dans les diverses
populations
La longueur de la phrase n’exige pas, en effet, un effort de tenue comparable à celui du TMP : la médialisation permettrait donc au larynx du patient de
récupérer l’activité articulatoire (avec son alternance de sonorisations et de
désonorisations) plus facilement que la performance au niveau de la tenue d’un
son.
- Nous avons observé une « rechute » à moyen terme, suivie d’une reprise
de l’amélioration : il pourrait s’agir d’une étape normale du processus
de récupération. Deux éléments viennent à l’appui de cette hypothèse :
o l’œdème post-opératoire, qui renforce temporairement l’effet de
médialisation, est entièrement résorbé à moyen terme,
o la corde vocale saine apprend progressivement à compenser l’immobilité de la corde paralysée, et l’efficacité de cette compensation
atteint son maximum après quelques mois.
♦ En conclusion
La paralysie récurrentielle unilatérale est à l’origine de troubles vocaux
réels et massifs, auxquels, lorsque l’orthophonie s’est révélée inefficace, l’inter-
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vention chirurgicale apporte une réelle amélioration, source d’intense satisfaction chez les patients.
La médialisation chirurgicale constitue donc une alternative appréciée à la
prise en charge orthophonique lorsque celle-ci n’est pas efficace ; c’est par
ailleurs le traitement de 1ère intention lorsque le pronostic vital est mis en jeu
(en particulier, en cas de dysphagie lourde).
Il faut cependant noter qu’il persiste en post-opératoire, dans certains
domaines, des comportements différents de ceux de la population témoin. En
effet, le larynx reste anormal, même si l’intervention permet une récupération
globale de sa fonction aboutissant à la réadaptation fonctionnelle et sociale des
patients.
Nos données mettent également en évidence une baisse transitoire des
performances à environ 6 mois après l’intervention, qui pourrait constituer une
étape normale du processus de récupération, et dont le patient devrait être averti.
Par ailleurs, si les effets du blocage de la corde en position intermédiaire
s’effacent, on observe le maintien de troubles plus légers liés à l’immobilité de
la corde, qui rend impossible un ajustement fin du flux aérien par la glotte.
En tout état de cause, l’amélioration des performances vocales des
patients est spectaculaire, et s’accompagne d’une reprise de maîtrise, tant qualitative que quantitative, du souffle. Les performances sur le plan de la parole se
trouvent normalisées à moyen et long terme.
De plus, le sexe du patient semble influer sur ses capacités à normaliser
ses performances, avec un avantage aux femmes en termes de qualité du timbre
et de performance de durée de phonation.
Enfin, l’orthophoniste est souvent la principale source d’information du
patient au sujet de sa pathologie et du traitement adapté. Les éléments exposés
ici lui permettront d’aider son patient à mettre en perspective traitement orthophonique et traitement chirurgical de la PRU. Insistons par ailleurs sur la nécessité, dans le cadre d’une médialisation chirurgicale, d’une intervention orthophonique en pré- comme en post-opératoire ; elle fait acquérir au patient les
réflexes respiratoires et laryngés qui lui apporteront, après intervention, la récupération la plus complète et la plus rapide possible.
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Confort de vie des patients avant et après
médialisation de la corde vocale dans le cadre
d’une paralysie laryngée unilatérale
Géraldine Debono
Résumé
La paralysie laryngée unilatérale affecte les personnes touchées dans de très nombreux
domaines de la vie quotidienne. La passation d’un questionnaire d’auto-évaluation a permis
d’étudier l’impact de la pathologie et de son traitement chirurgical par médialisation sur leur
confort de vie.
Mots clés : Paralysie récurrentielle, médialisation, auto-evaluation.
Patient’s well being before and after vocal fold medialization
Abstract
Patients affected with unilateral vocal fold paralysis are disabled in their daily activities. The
impact of this type of pathology and its surgical treatment by medialization on the quality of
life was assessed with a self evaluation questionnaire.
Key Words : Vocal fold paralysis, medialization, self evaluation.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Géraldine DEBONO
Orthophoniste
Service d’Oto-Rhino-Laryngologie et de
Chirurgie Cervico-Faciale
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine
75020 Paris
et
9, rue Verte
76000 Rouen
P
armi les troubles de la voix, la paralysie laryngée unilatérale se distingue
par la triade symptomatique dysphonie - dyspnée - dysphagie. Elle peut
donc provoquer chez la personne atteinte un bouleversement complet de
sa vie quotidienne à tous les niveaux.
En effet, les troubles de la toux et de la déglutition peuvent être source
d'un inconfort permanent qui amèneront le patient à mal vivre son alimentation,
voire peuvent constituer un risque vital sous la forme de fausses-routes. La dyspnée, si elle est peu sensible au repos, mettra cependant le sujet en situation de
difficulté importante (voire d'impossibilité) pour différentes activités qui, pour
une personne en bonne santé, ne demandent qu'un effort mesuré (essoufflement
au cours de ses déplacements, de différentes tâches ménagères, sans parler des
situations d'effort physique plus intense, comme pratiquer un sport). La dysphonie, quant à elle, met le patient dans une situation constante d'effort vocal. L'intense difficulté à se faire entendre peut éventuellement aboutir à un retrait social
plus ou moins complet.
L’orthophonie constitue la première indication de traitement et permet
généralement au patient d‘atteindre une récupération suffisante ; toutefois, dans
les cas les plus sévères, la rééducation ne suffit pas. On peut alors proposer au
patient un traitement chirurgical par médialisation, dont le but est de rapprocher
la corde vocale paralysée du plan médian de la glotte.
Il nous a semblé intéressant de mener une étude portant sur le ressenti des patients avant et après médialisation, à travers un questionnaire
portant sur les différents troubles engendrés par la paralysie laryngée, afin
d’évaluer de façon plus globale les répercussions de ce trouble sur la vie
quotidienne.
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♦ Patients et méthodes
Population
Notre étude a porté sur 16 patients du service de chirurgie O.R.L. de
l’hôpital Tenon, présentant une paralysie laryngée unilatérale, dont les âges
sont compris entre 24 ans et 80,5 ans. On compte parmi eux 8 femmes et
8 hommes. Ils ont tous bénéficié d’un traitement par médialisation de la
corde vocale entre juin 1997 et mai 2000 (injection de graisse autologue ou
thyroplastie).
Questionnaire
Un questionnaire a été soumis par oral aux patients. Il a pour objet l'autoévaluation des troubles liés à la paralysie récurrentielle (état pré-opératoire), et
de leur correction par médialisation (état post-opératoire). Il est axé sur la respiration (au repos, dans les efforts à glotte fermée et dans les activités quotidiennes) ainsi que sur la voix, la déglutition et la toux.
Les items de ce questionnaire sont regroupés par thèmes (cf annexe 1) :
k phonation : évaluation de la voix, niveau de difficulté dans différentes
situations vocales de la vie courante, caractérisation de la difficulté,
existence de variations dans le temps ou en fonction des conditions
atmosphériques,
k toux : existence et efficacité,
k effort : capacité à l'effort à glotte fermée, existence de problèmes de
dos, essoufflement à l'effort, facilité du retour au calme après effort,
capacité à pratiquer un sport,
k souffle : observation de la respiration au repos depuis l'installation de la
paralysie récurrentielle, présence et caractérisation d'une éventuelle
gêne à l'inspiration au repos, facteurs aggravants,
k essoufflement : situations de la vie quotidienne engendrant un essoufflement, caractérisation de la sensation d'essoufflement, présence et
caractérisation d'une éventuelle gêne à l’inspiration à l’effort, facteurs
aggravants,
k déglutition : auto-évaluation de la déglutition depuis l'installation de la
paralysie récurrentielle, existence et caractérisation des éventuelles
gênes, nature des éventuelles fausses-routes, variations du poids depuis
installation de la paralysie récurrentielle.
k description de l’éventuelle gêne induite sur les plans familial, social et
professionnel,
k description des modifications de mode de vie induites.
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La plupart des questions sont de type fermé, afin de permettre un traitement statistique aisé. Ces questions appellent deux types de réponses :
k Oui / Non : le « oui » sera coté 1, et le « non » sera coté 0,
k Positionnement sur une échelle de sévérité : cette échelle est toujours
orientée dans le même sens, le niveau 0 correspondant à l'état normal et
le niveau le plus élevé à la difficulté maximum.
Par ailleurs, un certain nombre de questions ouvertes ont été intégrées au
questionnaire de façon à permettre au patient d'exprimer, avec ses propres mots,
son ressenti et la nature de sa gêne. Certaines questions sont volontairement
redondantes et permettent, par leur insertion dans des contextes différents,
d'éclairer autrement le handicap des patients.
♦ Résultats
Phonation
En pré-opératoire, les patients signalent une difficulté maximale (2,23/3,5 E.T. = 0.56) sur tous les critères sauf « voix non soufflée » et toutes les situations
vocales sont globalement qualifiées de très difficiles (3,15/5 - E.T. = 0.81) ; le
chant est généralement impossible (3,79/5 - E.T. = 0,77) et la conversation simple
elle-même est qualifiée d'assez difficile. Ces difficultés se manifestent par des
reprises d’air fréquentes, une instabilité et une fatigue vocales, ainsi qu’une fatigue
générale et une difficulté de retour à une respiration normale après avoir parlé.
On atteint en post-opératoire un niveau global proche de la normale
(0,53/3,5 - E.T. = 0,28) avec une récupération très nette de l’efficacité de la
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voix. Le chant reste difficile, et l'appel assez difficile. Par contre, la conversation
simple ou téléphonique ne pose plus de difficulté. Les patients ne se plaignent
plus d’avoir à reprendre fréquemment de l’air, mais l’instabilité reste généralement assez marquée. On constate également une variabilité parmi les sujets :
certains récupèrent complètement alors que d’autres restent assez fortement
gênés.
En ce qui concerne la variabilité de la voix, en pré-opératoire, la moitié
des patients signalent une variabilité selon le moment de la journée. Ils se plaignent tous d'une aggravation le soir, qui peut commencer en cours de journée et
parfois même dès le matin. En post-opératoire, seul 1/4 des patients sont toujours sensibles à cette variabilité.
Les variations dans la semaine ne sont signalées que par très peu de
patients et disparaissent totalement en post-opératoire.
Les variations en fonction des conditions atmosphériques (froid, humidité
et pollution) sont plus marquées en post qu‘en pré-opératoire, notamment en ce
qui concerne la pollution, citée uniquement en post-opératoire.
Respiration au repos et à l’effort
Respiration au repos
En pré-opératoire, la majorité des patients constatent une modification de
leur respiration par rapport à ce qu'elle était avant l'installation de la paralysie
récurrentielle. Cette modification se manifeste par la sensation de manquer d'air,
la nécessité d'inspirer plus profondément et le besoin de respirer plus rapidement. Environ la moitié des patients se plaignent d’une gêne à l’inspiration, fréquemment associée à une sensation de rétrécissement du conduit aérien. Les
facteurs aggravant ces difficultés sont, par ordre décroissant : la fatigue générale, le stress, l'émotion et le moment de la journée.
Ils ne sont plus qu’un tiers à constater une telle modification en post-opératoire, elle se manifeste essentiellement par la nécessité d'inspirer plus profondément. La gêne à l’inspiration n’est quasiment plus citée. Les patients se plaignant de facteurs aggravants sont moins nombreux ; ils citent essentiellement la
fatigue, le stress et l'émotion.
Essoufflement et activités de la vie quotidienne
En pré-opératoire, la plupart des patients sont essoufflés lors d'activités
quotidiennes ; ils citent, par ordre décroissant de prévalence, la montée d'escaliers,
la phonation, la marche, mais également d'autres activités quotidiennes (tâches
ménagères telles que passer le balai, l'aspirateur ou la serpillière, ou nécessité de
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se dépêcher). La majorité des patients ont la sensation de manquer d'air et de
devoir inspirer plus profondément. Ils sont également nombreux à ressentir la
nécessité de respirer plus rapidement et doivent s’interrompre régulièrement dans
leur activité. Plus de la moitié des patients se plaignent d'une gêne à l'inspiration
en situation d'effort, se manifestant autant par une respiration bruyante que par
une sensation de rétrécissement du conduit aérien. La fatigue, l'émotion ou le
stress sont pour la plupart des patients les principaux facteurs aggravants.
En post-opératoire, la montée d'escaliers reste la tâche la plus difficile, on
note encore pour certains la sensation de manquer d'air et d’avoir à interrompre
l'activité en cours et un quart des patients présentent toujours une gêne à l’inspiration. Les facteurs aggravants persistent mais de façon minorée.
Respiration et effort physique
En pré-opératoire, l'effort physique à glotte fermée est globalement assez
difficile. La grande majorité des patients se déclarent essoufflés lors d'un effort
et la plupart ont des difficultés à retrouver une respiration calme. Cependant,
certains continuent à faire du sport (plutôt de type marche, gym, natation ou
promenade à vélo).
L'effort physique reste un peu difficile en post-opératoire, un tiers des
patients se plaint d'essoufflement. Ils sont cependant plus nombreux à pratiquer
un sport et ce de façon également plus intensive.
Toux et déglutition
En pré-opératoire, la moitié des patients ont une toux inefficace voire une
incapacité à tousser. La grande majorité des patients est gênée en situation de
déglutition ; tous les patients font des fausses-routes, et ce plus particulièrement
aux liquides. D'autre part, la moitié d’entre eux parlent d'angoisse lors de la
déglutition.
En post-opératoire, tous les patients peuvent tousser mais 3 conservent
une toux inefficace. Une petite minorité des personnes reste gênée au niveau de
la déglutition et fait encore des fausses-routes.
Retentissement du trouble sur la vie quotidienne :
Les retentissements sur la vie quotidienne se manifestent en pré-opératoire par :
k Sur le plan familial (en ordre décroissant de prévalence) : des difficultés pour se faire entendre et / ou comprendre, une fatigabilité, une
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modification de l'attitude de l'entourage et des rapports avec les
(petits)-enfants. Ces perturbations peuvent entraîner un changement
dans la façon de communiquer (écrire, parler à l'oreille, ne plus parler)
ou un retrait de la vie familiale.
k Sur le plan social : des difficultés de communication, une altération de
l'image de soi, une modification de l'attitude de l'entourage (mise à
l'écart ou compassion excessive) et de la fatigue. Ces gênes entraînent
un retrait de la vie sociale pour près de la moitié des patients et l'utilisation d'un « interprète » pour l'un d'entre eux.
k Sur le plan professionnel : la difficulté d'avoir une communication adaptée à la situation professionnelle. Ces gênes ont pu causer un arrêt de
travail prolongé ou une modification de poste. Un patient a mis au point
diverses prothèses afin de pouvoir poursuivre son activité professionnelle (micro HF, amplificateur pour le téléphone, manipulateur laryngé).
En post-opératoire, il ne reste plus que 2 patients gênés et ce sur le plan
professionnel uniquement.
En résumé...
En pré-opératoire, les patients sont en grande détresse et signalent une
difficulté majeure sur quasiment tous les items.
En post-opératoire, la situation est bien meilleure. Les patients sont globalement extrêmement satisfaits des résultats de l'intervention ; même si
quelques situations vocales (chant, voix d'appel) et de la vie quotidienne (montée d'escalier, tâches ménagères) restent assez difficiles pour certains d'entre
eux.
On peut signaler que spontanément la grande majorité des patients ont
tenu à dire qu'ils avaient retrouvé non pas une voix mais leur voix, ainsi que le
réseau et la qualité de relation qu'ils avaient auparavant avec leur entourage.
♦ Discussion
La voix
Les patients sont globalement très satisfaits de leur voix en post-opératoire, même si l'évaluation objective de certains paramètres acoustiques montre
qu'il reste encore des différences significatives par rapport à la population
témoin [7].
On peut cependant souligner que l'item concernant le caractère soufflé de
la voix a donné lieu à des réponses surprenantes ; en effet, les patients ne s'en
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plaignent pas (y compris en pré-opératoire), alors même que cette caractéristique est nettement perceptible à une oreille extérieure et s'objective lors de
l'évaluation instrumentale du timbre. Il est très probable tout simplement que les
patients n’utilisent pas spontanément ce terme pour qualifier leur voix et parlent
plutôt en terme d’efficacité.
En pré-opératoire, toutes les situations vocales donnent lieu à de grandes
difficultés, ce qui restreint la communication des patients au point de provoquer
un véritable retrait social voire familial chez certains d'entre eux.
Les patients déclarent ne plus avoir de difficultés en post-opératoire pour
toutes les situations vocales usuelles. Seuls le chant et l'appel, qui demandent un
niveau plus élevé de performance vocale, restent source de difficultés, et ce de
façon très inégale, puisque l'un des patients interrogés s'est mis spontanément à
faire des vocalises.
En pré comme en post-opératoire, le patient est fatigable et éprouve plus
de difficultés dans la phonation en fin de journée. Ces résultats diffèrent de ceux
que rapportent Laccourreye et al. [4], pour qui la fatigue vocale disparaît immédiatement et durablement après injection de graisse.
L'intervention de médialisation semble engendrer une augmentation de l'influence des conditions climatiques et environnementales sur les difficultés vocales.
Par ailleurs, alors qu'en pré-opératoire seuls les temps humides et froids ont un
impact, en post-opératoire les patients sont également sensibles à la pollution, aux
courants d'air et au temps chaud. L'intervention fragiliserait-elle le larynx ?
On peut aussi supposer que c'est la paralysie récurrentielle qui rend le
patient sensible à ces variations atmosphériques mais que cet effet est moins
évident en pré-opératoire du fait du caractère massif des troubles vocaux.
Enfin, une troisième hypothèse serait que tout le monde est plus ou moins
sensible à ces variations ; en pré-opératoire, les troubles étant massifs, les effets
de ces variations seraient peu sensibles, comme chez les sujets sains pour les
raisons inverses. Par contre, pour les patients en post-opératoire, qui ont
retrouvé du fait de la médialisation un équilibre vocal plus ou moins stable, ces
effets seraient maximisés.
Respiration au repos et à l’effort
Respiration au repos
On constate une concordance entre le ressenti de la majorité des patients
et les valeurs instrumentales en ce qui concerne leur respiration : les sensations
de manque d'air et de respiration plus rapide s'expliquent par la fuite d'air
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constatée dans les débits phonatoires [7]; le besoin d'inspirer plus profondément
pourrait être dû à l'obstruction causée par la corde vocale immobile lors de l'inspiration, comme le décrivent Beaty et Hoffman [1], O'Grady et al. [8] et Janas et
al. [3]. En post-opératoire, le sentiment d'urgence respiratoire étant nettement
moins fort, les patients pourraient être moins sensibles à cette obstruction.
L'obstruction en elle-même est objectivée en pré-op par presque la moitié des
patients qui évoque essentiellement une sensation de conduit aérien trop étroit.
Une autre hypothèse portant sur ce besoin d'inspirer plus profondément pourrait
être que, la glotte étant un des éléments de contrôle du souffle, l'altération de
son fonctionnement pourrait entraîner une désorganisation de la respiration, y
compris en dehors de la phonation.
Comme on pouvait s'y attendre, la fatigue, le stress et l'émotion sont des
facteurs aggravants avérés.
Les petits efforts de la vie de tous les jours
La médialisation apporte une véritable amélioration au confort de vie des
patients, comme le montre dans le questionnaire l'item sur les difficultés de la
vie quotidienne. La montée d'escaliers, qui est de toute façon une des activités
les plus fatigantes de la vie quotidienne, reste bien entendue la plus difficile ; de
plus, parmi les 30% de patients qui s'en plaignent, on compte deux femmes de
75 ans et un cas de nette surcharge pondérale, pour qui cette activité serait
pénible de toute façon.
Les sensations de manque d'air, de respiration plus rapide et d'inspiration
plus profonde déjà observées au repos sont ici retrouvées et majorées par l'effort, poussant plus de la moitié des patients en pré-opératoire à s'interrompre en
cours d'activité. On peut tirer les mêmes conclusion au sujet de la gêne à l'inspiration dans les efforts quotidiens.
Respiration à l'effort physique
D'après les réponses fournies au questionnaire, les efforts physiques de
type soulever ou pousser ne posent aucun problème dès le pré-opératoire à plus
de 35% des patients. Parmi les patients restants, plus de la moitié sont des
femmes pour qui ces efforts ne sont pas habituels.
L'efficacité accrue de la fermeture glottique en post-opératoire permet de
résoudre pour presque deux tiers des patients les problèmes d'essoufflement à l'effort ; en permettant une meilleure gestion du souffle, elle donne au patient la possibilité de revenir plus facilement à une respiration calme. Une conséquence
directe en est la reprise d'une activité sportive par deux patients, et l'augmentation
du niveau de performance pour ceux qui n'avaient pas arrêté du fait de la PR.
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La fermeture glottique est certes améliorée sur la population des patients
prise dans son ensemble ; toutefois, on constate une différence dans la qualité de
la récupération entre hommes et femmes : en effet, alors que l'amélioration est
presque significative chez les femmes (résultat du test t de Student entre pré- et
post-opératoire : 0,026), elle ne l'est pas chez les hommes (résultat du test t de
Student entre pré- et post-opératoire : 0,356). Cette différence pourrait s'expliquer par la différence de taille des larynx féminins et masculins.
Toux et déglutition
L'intervention de médialisation permet à tous les patients de retrouver une
fermeture glottique suffisante pour permettre une forte élévation de la pression
pulmonaire sous-glottique, ce qui restaure la capacité à tousser. Cette récupération
de la toux est en accord avec les résultats trouvés par Laccourreye et al. [5, 6].
Cependant, pour un peu moins de 20 % des patients, cette occlusion n'est
pas suffisante pour que la toux soit efficace ; on peut avancer 2 hypothèses pour
expliquer cet état de fait :
k L'accolement imparfait des cordes ne permet pas à la pression sousglottique d'augmenter assez pour assurer ensuite un débit expiratoire
suffisamment élevé,
k L'ouverture des cordes dans la toux n'est pas assez rapide pour une
expectoration satisfaisante.
En ce qui concerne la déglutition, nos données vont dans le sens des
valeurs recueillies par Laccourreye et al. [4-6], Périé et al. [9] et Chevalier et al.
[2], qui décrivent des troubles de la déglutition dans des cas de paralysies récurrentielles unilatérales isolées. En effet, plus de 80% des patients interrogés présentant ce tableau mentionnent ces troubles, qui se manifestent par des faussesroutes, essentiellement aux liquides. Les tro u bles disparaissent ap r è s
intervention dans les trois quarts des cas. Ils ont des retentissements psychologiques importants puisque la moitié des patients qui en souffrent développent
des angoisses liées à la déglutition, anxiété persistant parfois en post-opératoire,
même après disparition des fausses-routes.
Vie quotidienne
Les difficultés liées à la paralysie récurrentielle ont, d'après notre questionnaire, un impact majeur sur la vie des patients à tous les niveaux ; elles peuvent entraîner en pré-opératoire
k une modification des modes de communication,
k une redistribution des relations familiales,
k un retrait du patient de sa vie sociale voire familiale,
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k des arrêts de travail, temporaires ou définitifs,
k une modification du poste occupé.
Tous les patients ont retrouvé une vie familiale et sociale normale après
intervention. L’intervention de médialisation apporte donc un réel confort au
patient, qui retrouve à tous les niveaux un mode de vie similaire à celui antérieur à la paralysie récurrentielle.
♦ Conclusion
La paralysie laryngée unilatérale induit chez les patients des troubles
réels et massifs, tant au niveau de la phonation que de la respiration, de la toux
et de la déglutition.
Ces troubles se répercutent sur l'ensemble de la vie quotidienne du
patient, à la fois sur le plan fonctionnel et sur le plan relationnel.
L'intervention de médialisation apporte une réelle amélioration du confort
de vie des patients. Ils sont par ailleurs beaucoup plus satisfaits que ce que l'on
aurait pu présager au vu des résultats des études instrumentales acoustiques et
aérodynamiques [7] (il est possible que le niveau de récupération atteint soit
considéré par les patients comme suffisant par rapport à l'usage qu'ils font de
leur voix). En ce sens, les techniques de médialisation apparaissent comme des
vecteurs de réadaptation fonctionnelle et sociale des patients.
Il est à noter également que tous les patients présentent des troubles de la
déglutition à type de fausses-routes, fréquemment associées à une angoisse qui
peut perdurer, et que ces troubles disparaissent presque systématiquement après
médialisation.
Le questionnaire nous paraît être un véritable outil d’évaluation du
confort de vie des patients, qui peut s’ajouter au bilan classique de la phonation
ainsi qu‘aux résultats instrumentaux, afin d’avoir un idée plus complète des difficultés engendrées par la P.R. pour chaque patient et d’orienter la prise en
charge orthophonique de façon plus précise.
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REFERENCES
1. BEATY M.M., HOFMAN H.T., Impact of laryngeal paralysis and his treatment on the glottic aperture
and upper airway flow characteristics during exercice, Otolaryngol Head Neck Surg 1999 Jun;
120(6) ; 819-23
2. CHAIGNEAU-DEBONO G., LIESENFELT I., Résultats fonctionnels du traitement par médialisation
des paralysies récurrentielles unilatérales : perceptions des patients et évaluation instrumentale.
Mémoire pour le certificat de capacité d’Orthophoniste, Université Paris 6, 2000, 126 pages
3. CHEVALIER D., FAYOUX P., PIQUET J.J., L’implant de silastic dans les paralysies laryngées, Les
Cahiers d’ORL, Tome XXXIII(2) ; 92-3
4. ROSEN CA ., MURRY T., ZINN A., ZULLO T., SONBOLIAN M., Voice handicap change following
treatment of voice disorders, J Voice 2000 Dec ; 14(4) : 619-23
5. JANAS J.D., WAUGH P., SWENSON E.R., HILLEL A., Effect of thyroplasty on laryngeal airflow,
Ann Otol Rhinol Laryngol 1999 Mar ; 108(3) ; 286-92
6. LACCOURREYE O., HANS S., MENARD M., HACQUART N., BRASNU D., CREVIER-BUCHMAN L., Résultats de l’injection intracordale de graisse autologue dans les paralysies laryngées
post-chirurgicales, Chirurgie 1999 Jun ; 124(3) ; 283-7
7. O’GRADY K.F., IRISH J.C., DOYLE D.J., GULLANE P., BUTANY J., Effects of medialization laryngoplasty on airway resistance : a pilot study, Laryngoscope 1999 Mar ; 109(3) ; 419-24
8. PERIE S., ROUBEAU B., LIESENFELT I., DEBONO G., BRUEL M., LACAU ST GUILY J., Role of
medialization in the improvement of breath control in unilateral vocal fold paralysis. Ann Otol
Laryngol 2002 ; 111, 1026-1033.
9. PÉRIÉ S., LACCOURREYE O., BOU-MALHAB F., BRASNU D., Aspiration in unilateral recurrent
laryngeal nerve paralysis after surgery, American Journal of Otolaryngology 1998 Jan-Fev ;
19(1) ; 18-23
10. SPECTOR BC., NETTERVILLE JL., BILLANTE C., CLARY J., REINISH L., SMITH TL., Quality
of life assessment in patients with unilateral vocal cord paralysis, Otolaryngol Head Neck Surg.
2001 Spt ; 125(3) : 176-82
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♦ Questionnaire
Toutes les questions sont posées en pré- puis en post-opératoire.
1. Phonation
Comment qualifieriez-vous votre voix ?
- efficace/ assez efficace/ peu efficace/ pas du tout efficace
- puissante/ assez puissante/ peu puissante/ pas du tout puissante
- pas du tout soufflée/ peu soufflée/ assez soufflée/ soufflée
Quel degré de difficulté rencontrez-vous dans les situations suivantes ?
Cette question est cotée selon l’échelle suivante : pas du tout difficile/ assez difficile/ difficile/ très difficile/ impossible.
- conversation simple
- conversation à distance
- conversation en milieu bruyant (dans la rue, au restaurant, en réunion familiale, etc.)
- conversation prolongée
- conversation téléphonique
- chant
- voix d’appel
Comment se manifeste cette difficulté ?
Cette question est cotée sur une échelle de 4 niveaux de difficultés : pas du tout / assez / (difficile, fatigué, forcé, instable) / très (difficile, fatigué, forcé, instable)
- reprise fréquente d’air, difficulté à finir les phrases
- difficultés à revenir à une respiration normale après avoir parlé
- fatigue vocale
- fatigue générale
- forçage / effort vocal
- instabilité
Observez-vous des variations en fonction du moment de la journée (oui / non) ?
Si oui, à quel moment avez-vous le plus de difficultés ?
- au réveil
- le matin
- l’après-midi
- le soir
Observez-vous des variations en fonction de la période de la semaine (oui / non) ?
Si oui, à quelle période avez-vous le plus de difficultés ?
- en début de semaine
- en fin de semaine
Observez-vous des variations en fonction des conditions climatiques (oui / non) ?
Si oui, dans quelles conditions avez-vous le plus de difficultés ?
- atmosphère humide
- atmosphère sèche
- atmosphère chaude
- atmosphère froide
- courants d’air
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2. Toux / déglutition
Pouvez-vous tousser (oui / non) ?
Si oui, cette toux est-elle efficace (oui / non) ?
Faites-vous davantage attention lors de la déglutition (oui / non) ?
Eprouvez-vous une gêne lors de la déglutition (oui / non)?
Si oui, cette gêne est de quel type ?
- douleurs
- fausses routes (aux liquides ou aux solides ?)
- angoisse
3. Effort
Pouvez-vous soulever des objets lourds (valise, panier de provisions, etc.) ?
Pouvez-vous pousser des meubles lourds ?
Ces 2 questions sont cotées selon l’échelle suivante : aisé / difficile / impossible.
Vous sentez-vous essoufflé après un effort (oui / non)?
Avez-vous des difficultés à reprendre une respiration calme après un effort (oui / non)?
La pratique d’un sport est-elle possible (oui / non) ?
Si oui, le(s)quel(s) ? .....................................................................................................................................
4. Souffle / essoufflement
Avez-vous l’impression que votre respiration est différente de celle qu’elle était avant la PR (oui / non) ?
Dans quelles situations de la vie quotidienne vous trouvez-vous plus essoufflé qu’avant ?
- marche
- escaliers
- phonation
- autre
Si oui (pour ces 2 questions), quelles sont vos sensations ?
- manque d’air
- respiration plus rapide
- inspiration plus profonde
Avez-vous une sensation de gêne à l’inspiration (oui / non)?
Si oui, de quel type ?
- respiration bruyante
- conduit aérien trop étroit ou encombré
La sensation est-elle aggravée par d’autres facteurs ?
- fatigue générale
- émotion
- stress
- moment de la journée
L’essoufflement peut-il vous obliger à interrompre l’activité en cours (oui / non) ?
5. Vie quotidienne
Ressentez-vous une gêne au niveau familial / social / professionnel (oui / non) ?
Si oui, laquelle ? ..........................................................................................................................................
Cette gêne induit-elle une modification de votre mode de vie ? ..................................................................
......................................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................................
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La prise en charge orthophonique des
paralysies récurrentielles unilatérales.
Enquête auprès des orthophonistes :
résultats préliminaires
Christophe Tessier, Bruno Sarrodet, Sylvie Brihaye,
Lise Crevier-Buchman, Stéphane Hans, Daniel Brasnu
Résumé
Un questionnaire a été envoyé en 2003 à plus de 1000 orthophonistes en France métropolitaine à propos de leur pratique dans le cadre des paralysies récurrentielles unilatérales. Les
résultats préliminaires montrent une bonne connaissance des techniques classiques de
cette prise en charge par les orthophonistes. Mais ces praticiens manquent d’informations
concernant d’une part les chirurgies de médialisation du larynx, et d’autre part l’articulation
entre chirurgie et orthophonie.
Nous rappelons l’information que l’orthophoniste peut fournir à ses patients sur la thyroplastie
et l’injection de graisse autologue, ainsi que les intérêts d’une rééducation orthophonique préet post-opératoire, ces deux prises en charge ne s’excluant pas, mais étant complémentaires.
Mots clés : rééducation orthophonique, enquête nationale, PRU, chirurgies de médialisation,
voix.
Speech therapy in the treatment of unilateral vocal fold paralysis. First
results from a survey conducted on French Speech Therapists
Abstract
In 2003, a questionnaire was sent to over 1000 speech therapists in France (excluding overseas departments) regarding their practice in the treatment of Unilateral Vocal Fold Paralysis. Preliminary results indicate adequate knowledge of the techniques generally used by
speech therapists for treating this disorder. However, therapists lack information regarding
medialization of the larynx on one hand, and collaboration between surgeons and speech
therapists on the other hand.
We summarize the information speech therapists can provide their patients regarding surgical procedures (thyroplasty and autologous fat injection) and follow-up. We also emphasize
the advantages of pre- and post-operative speech therapy.
Key Words : speech therapy, national survey, unilateral vocal fold paralysis, medialization
surgeries, voice.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Christophe TESSIER
Bruno SARRODET
Sylvie BRIHAYE
Lise CREVIER-BUCHMAN
Stéphane HANS
Daniel BRASNU
Service O.R.L.
et de chirurgie de la face et du cou
Hôpital Européen Georges Pompidou
Université Paris V
20 rue Leblanc
75015 Paris
S
uite aux recommandations de la Société d’Oto-rhino-laryngologie et de la
chirurgie de la face et du cou publiées en 2002 concernant la prise en
charge des paralysies récurentielles, nous avons cherché à préciser la pratique rééducative orthophonique dans le cadre des paralysies récurentielles unilatérales (P.R.U.). Nous avons lancé une enquête dans le cadre d’un mémoire
d’orthophonie, auprès de plus de 1000 orthophonistes en France métropolitaine,
entre les mois de décembre et avril 2003. Ces orthophonistes ont été choisis au
hasard dans l’annuaire d’audiophonologie, en ayant à cœur de respecter une
répartition par région de ces praticiens, de manière à être représentatif de l’ensemble des orthophonistes français.
A partir d’un questionnaire, nous avons cherché à mieux cerner la pratique orthophonique, les exercices privilégiés, la durée moyenne d’une rééducation et le nombre de séances proposées, les principales difficultés rencontrées
par ces praticiens, leur relation avec les autres professionnels de santé, leurs
impressions concernant les résultats de la rééducation sur la voix et la déglutition de leurs patients, et leurs connaissances des techniques chirurgicales de
médialisation laryngée.
Cette étude est en cours. Nous avons reçu à ce jour un peu plus de 300
réponses, et présentons les résultats préliminaires.
L’analyse préliminaire des questionnaires montre que la rééducation
orthophonique préconisée dans le cadre des PRU est parfaitement connue
comme outil thérapeutique par les orthophonistes. La majorité des orthophonistes est assez d’accord pour accorder à la respiration, aux manipulations laryngées et aux glottages une place prépondérante dans cette prise en charge.
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Cependant, une idée clé se dégage : un manque d’information manifeste concernant les différentes techniques chirurgicales de médialisation laryngée, et la
place de l’orthophonie comme traitement complémentaire de ces chirurgies.
Il nous paraît donc intéressant dans un premier temps de rappeler les principes de la rééducation orthophonique en l’absence de traitement chirurgical
conjoint, et de préciser dans un deuxième temps comment peuvent s’articuler la
prise en charge orthophonique et les traitements chirurgicaux.
♦ La rééducation orthophonique en l’absence de chirurgie
La rééducation orthophonique propose traditionnellement des exercices de
tonification du plan glottique afin de diminuer les effets de la fuite aérienne due à
la PRU et/ou des troubles de la déglutition associés. Les principaux exercices
sont les manipulations laryngées, les glottages, les successions de sons toniques
et brefs, les voyelles piquées, les exercices de voix projetée et l’appui respiratoire. Il est cependant important de distinguer l’intérêt des exercices dits « en
force » en fonction des signes cliniques du patient. Effectivement, dans le cas de
troubles de la déglutition, ces exercices toniques sont à intensifier, le pronostic
vital du patient étant en jeu. Mais dans le cas où il n’existe pas de trouble de la
déglutition, ces exercices « forcés » ne doivent pas perdurer trop longtemps dans
la rééducation, sous peine de développer chez le patient une voix de compensation supra-glottique, ou voix des bandes ventriculaires ( avec parfois l’utilisation
de l’épiglotte ), étant très fatigante pour le patient, ayant des qualités acoustiques
médiocres, et interdisant parfois un retour vers un autre mode vibratoire. De plus,
après les chirurgies de médialisation laryngée, ces mêmes exercices en force ne
seront pas à proposer, la béance glottique étant « réparée » par l’acte chirurgical.
On le voit, la pratique de certains exercices n’est jamais neutre, et doit toujours
être mise en relation avec la situation particulière du patient, et non pas en fonction d’une pathologie donnée, au risque de renforcer certains mécanismes ou
d’en créer des vicieux dont on aura du mal à se débarrasser par la suite.
♦ Rééducation orthophonique et chirurgie
La rééducation orthophonique trouve toute sa place dans la prise en
charge des PRU. Cette place n’est pas contestée par la chirurgie, et celle-ci vient
s’inscrire en complément, sauf dans des cas bien précis où elle sera proposée en
première intention, pour des troubles de la déglutition massifs notamment.
Depuis les travaux pionniers d’auteurs comme ISSHIKI dans les années
1970, des techniques chirurgicales de médialisation laryngée peuvent être pro-
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posées aux patients, avec un minimum de conséquences tant opératoires (temps
d’hospitalisation bref, anesthésies locales pour certaines) que sur le plan séquellaire (peu de contraintes particulières en post-opératoire, peu ou pas de cicatrice). De plus, la récupération des fonctions de phonation et de déglutition est
la plupart du temps très rapide, voire immédiate. On le voit, ces techniques ne
remettent pas en cause l’importance de la rééducation orthophonique, mais sont,
au contraire, complémentaires, lorsqu’on en comprend bien les indications, les
incidences et qu’on adapte donc son approche rééducative en fonction des actes
réalisés.
La rééducation orthophonique trouvera donc sa place en l’absence de chirurgie, lorsque celle-ci ne peut pas être proposée pour des raisons médicales,
lorsque le chirurgien pense qu’une rééducation est à pratiquer en première
intention, ou lorsque le patient refuse une intervention chirurgicale. Mais cette
prise en charge orthophonique est également très efficace avant et après l’intervention chirurgicale, ces deux approches thérapeutiques ne s’excluant pas l’une
l’autre.
Quels que soient le contenu et le moment de la prise en charge orthophonique, celle-ci commencera toujours par un bilan que nous allons présenter
maintenant.
♦ Le bilan orthophonique
Qu’il se passe en cabinet libéral ou à l’hôpital, le bilan orthophonique
comporte les mêmes constantes, tant sur le plan de l’évaluation de la voix et de
la déglutition, que sur le contexte de survenue de la PRU, sur le vécu du patient
face à ce handicap et sur le retentissement socio-professionnel et physiologique
de celui-ci.
Ce bilan cherche tout d’abord à préciser le contexte de survenue de la
PRU, les éventuels antécédents oncologiques et/ou chirurgicaux, ainsi que la
date et le mode de survenue de la PRU.
Connaître la date et le mode de survenue de cette PRU permet de s’interroger sur la possibilité d’une récupération spontanée possible (celle-ci est considérée comme peu probable environ 12 à 18 mois après la date d’installation de
la PRU).
L’orthophoniste dresse un profil vocal du patient relatif au données acoustiques de sa voix, en se référant par exemple à l’échelle perc ep t ive
G.R.B.A.S.(HIRANO, 1981) afin de pouvoir comparer les résultats après
quelques séances de rééducation, ou enregistrer ce premier échantillon vocal
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(sans négliger l’intérêt médico-légal que représente un enregistrement) afin d’en
garder une trace sonore. L’orthophoniste complète ce profil vocal acoustique par
la perception propre du patient concernant sa voix, son « vécu vocal », en terme
de fatigue, d’efforts, de gêne sociale, familiale ou professionnelle. Il peut s’aider
d’une échelle de qualité de vie spécifique à la voix, le V.H.I.(JACOBSON,
1995).
A l’écoute de la voix du patient, l’orthophoniste cherche à cerner le fonctionnement laryngé de celui-ci, comme la présence d’un comportement supraglottique, ainsi que les caractéristiques acoustiques de cette voix, comme la hauteur (généralement plutôt augmentée), le timbre (souvent rauque, désonorisé,
soufflé et parfois bitonal) et l’intensité (réduite en principe par la fuite d’air au
niveau glottique).
L’orthophoniste vérifiera de façon très précoce si la voix est améliorée
par les manipulations laryngées, et/ou les postures de tête.
Ce bilan ne doit jamais s’achever sans une analyse fine des éventuels
troubles de la déglutition, de type fausses routes, essentiellement aux liquides
voire plus rarement à la salive ou à l’alimentation.
Il nous paraît enfin primordial de ré-insister sur l’importance qu’un bilan
ORL complet soit pratiqué pour tous les patients présentant une PRU, et que des
explications anatomiques précises viennent aider le travail de l’orthophoniste.
♦ L’information au patient
Après le bilan orthophonique, l’information donnée au patient est importante afin d’installer une relation de confiance mutuelle. Cette information, qui
fait déjà partie du bilan, mais qui aura à être reprise pendant les séances de
rééducation suivantes, permettra au patient de prendre conscience des mécanismes qui induisent son trouble laryngé, ainsi que de comprendre les objectifs
et la nécessité de la prise en charge. Cette information doit donc comporter des
éléments relatifs à l’étiologie, à la physiologie laryngée, aux conséquences sur
la déglutition et la phonation, ainsi que sur la prévention du forçage vocal par
installation d’une voix de compensation.
Cette information est différente en fonction du contexte de survenue de la
PRU, des éléments cliniques recueillis pendant le bilan orthophonique, et de la
proposition thérapeutique faite par le chirurgien ORL ou le phoniatre.
Si une chirurgie de médialisation laryngée est proposée, bien que le chirurgien ait préalablement expliqué au patient l’intervention et ses conséquences,
il incombe à l’orthophoniste d’informer la patient de façon simple, adaptée et
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accessible sur ces différentes techniques. Ce peut être la possibilité pour le
patient d’aborder des questions auxquelles il n’aurait pas pensé, pas osé poser
ou une demande de précisions. C’est l’occasion aussi pour lui d’entendre des
explications concernant la chirurgie avec d’autres mots que ceux du chirurgien.
Voici les éléments qui nous paraissent importants d’aborder avec le
patient concernant une possible intervention chirurgicale de médialisation laryngée :
La thyroplastie
Le principe de la thyroplastie est de placer un implant en silicone dans
l’espace paraglottique de la corde vocale paralysée. Pour mettre en place cet
implant, le chirurgien pratique une incision cervicale en regard du cartilage thyroïde, crée puis extrait une fenêtre dans ce cartilage à l’intérieur de laquelle il
positionne l’implant.
L’intérêt principal de cette technique chirurgicale, est qu’elle s’effectue
sous anesthésie locale. La coopération du patient pendant l’intervention est
demandée, celui-ci devenant pleinement acteur durant la chirurgie. Effectivement, il existe plusieurs tailles d’implants afin d’optimiser les résultats
vocaux en fonction de la taille du larynx, des données anatomiques propres à
chaque patient, et du degré d’atrophie de la corde vocale paralysée. Le chirurgien demandera ainsi au patient de réaliser des voyelles tenues, de compter, et de donner son avis sur sa qualité vocale afin de choisir l’implant le
mieux adapté.
La thyroplastie nécessite une hospitalisation de 24 à 48 heures, et
demande une antibiothérapie et une corticothérapie courte par mesure préventive. Il n’y a pas de consigne ou de précaution vocale particulière à observer en
post-opératoire, l’ondulation muqueuse n’étant pas compromise par le geste chirurgical. La récupération vocale est souvent immédiate, et les troubles de la
déglutition disparaissent simultanément.
Selon les données de la littérature médicale, il n’existe pas de dégradation
des résultats vocaux (et de déglutition) à moyen et long terme.
L’inconvénient de cette technique réside dans la cicatrice cervicale laissée
par l’incision.
L’injection de graisse autologue
Cette intervention se pratique sous anesthésie générale, et comporte deux
étapes. Dans un premier temps, le chirurgien prélève de la graisse, le plus souvent, au niveau de l’abdomen du patient (d’où le terme de graisse autologue), la
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prépare et va, dans un deuxième temps, l’injecter dans la corde vocale en dehors
du processus vocal de l’aryténoïde du côté paralysé. Le chirurgien cherche ainsi
à obtenir une rotation de l’aryténoïde afin de médialiser la corde vocale. L’amélioration vocale et de la déglutition est immédiate.
La graisse se répartit dans l’ensemble de la corde vocale paralysée, mais
on note un phénomène de résorption partielle de la graisse injectée (à peu près
30 %), d’où la nécessité d’une sur-correction et la possibilité de ré-injection en
cas de résorption trop importante. Les données de la littérature médicale montrent une dégradation partielle des résultats vocaux à moyen terme, ainsi que la
réapparition de troubles modérés de la déglutition, du fait de cette résorption
graisseuse.
♦ Intérêt d’une rééducation orthophonique en pré-opératoire
On peut constater combien le rôle de l’orthophoniste est important en préopératoire pour l’information qu’il apporte au patient. Mais d’autres objectifs
peuvent s’offrir alors à l’orthophoniste, notamment autour de la prévention des
mécanismes de forçage vocal, et la pratique et l’utilisation des manipulations
laryngées, des postures de tête afin d’améliorer de façon transitoire les troubles
de la déglutition ou une absence de voix. Lorsque les troubles de la déglutition
sont présents et importants, l’orthophoniste donnera des conseils pour une adaptation des textures et pour la mise en place d’une posture de sécurité la mieux
adaptée au patient.
Nous souhaiterions insister sur la prévention nécessaire des mécanismes
de compensation vocaux, comme la voix des bandes ventriculaires par exemple.
Effectivement, lors de l’utilisation des éléments supra-glottiques pour la phonation, ce ne sera plus les cordes vocales qui entreront en vibration pour effectuer
la voix. Or, la chirurgie a pour but de rétablir l’affrontement des cordes vocales,
et d’une possible vibration de leur muqueuse. Malgré l’injection de graisse ou la
thyroplastie, les résultats vocaux risquent d’être de moins bonne qualité par une
utilisation plus ou moins automatisée d’un mécanisme de phonation supra-glottique. De plus, lors de l’intervention chirurgicale par thyroplastie, le chirurgien
sollicite la participation vocale du patient. Si celle-ci est effectuée par l’intermédiaire des bandes ventriculaires, le geste peut être rendu plus délicat et la détermination du choix de l’implant moins précise. Le mécanisme de comportement
supra-glottique est mal connu : il est soit actif, soit passif, la question reste
posée. Il peut être réversible, mais en l’absence de connaissances plus importantes, il convient d’éviter de mettre les patients en comportement supra-glottique.
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♦ Intérêt d’une rééducation orthophonique en post-opératoire
Le travail de rééducation en post-opératoire après une chirurgie de médialisation laryngée doit s’apparenter à une rééducation d’une dysphonie « classique ». Effectivement, la béance due à la paralysie récurrentielle, responsable
d’une absence d’affrontement glottique, a disparu du fait de l’intervention chirurgicale. Il s’agira donc de ne plus proposer d’exercices « en force », mais bien
plus des techniques de placement de la voix, de sonorisations douces, de coordination pneumo-phonique, de relaxation. Le travail consistera également à
retrouver une voix projetée non forcée et efficace.
Les techniques de la « paille » présentées par le docteur Benoît AMY de
la BRETEQUE peuvent faire partie des exercices à proposer, du fait de leur
excellente adaptation aux modifications progressives de l’affrontement cordal.
Les exercices visant à restaurer une ondulation muqueuse correcte par des bourdonnements, des sirènes, l’emploi de phonèmes fricatifs sourds remplacés par
leur homologue sonore sur une même expiration, peuvent tout à fait trouver leur
place dans cette rééducation post-opératoire.
♦ Conclusion
La paralysie récurrentielle unilatérale est une pathologie d’actualité. La
prise en charge est multiple et complexe. Les résultats préliminaires de notre
enquête montrent que les orthophonistes connaissent bien ce type de prise en
charge et les exercices classiques s’y rattachant. Cependant, ces praticiens
reconnaissent manquer d’information concernant les différentes techniques chirurgicales proposées dans ce cadre, et peuvent éprouver des difficultés à adapter
leur prise en charge en cas de chirurgie.
Cette enquête réaffirme l’importance de la prise en charge orthophonique, que celle-ci soit proposée comme traitement seul ou conjointement à
une chirurgie médialisatrice du larynx. Il est important que ces techniques chirurgicales ne soient pas vécues comme venant se substituer à une pratique
rééducative orthophonique. Ces interventions chirurgicales peuvent être proposées en première intention dans des situations où le pronostic vital est
engagé, comme dans les troubles de la déglutition sévères. Elles peuvent également être indiquées en cas d’échec d’une rééducation orthophonique, ou en
traitement conjoint de celle-ci.
Cette enquête nous a permis de mettre en évidence les difficultés exprimées par de nombreux orthophonistes concernant le dialogue entre les différents
professionnels de santé. C’est pourtant grâce à nos complémentarités thérapeu-
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tiques et au partage de nos savoir-faire réciproques, que nous nous engagerons
dans une proposition de soins toujours plus performante et adaptée aux attentes
de nos patients.
REFERENCES
1. AMY DE LA BRETEQUE B., L’équilibre et le rayonnement de la voix, SOLAL, Collection « Voix
Parole Langage », Marseille, 1997.
2. AMY DE LA BRETEQUE B., Les techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales, Les
cahiers d’ORL : les paralysies laryngées, 1998 ; 33 : 68-72.
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4. BOU-MAHLAB F., HANS S., PERIE S., LACCOUREYE O., BRASNU D., Les troubles de la déglutition dans les paralysies récurrentielles unilatérales., Ann otolaryngol chir cervicofac 2000 ; 117 :
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8. LACCOUREYE O., PAPON J-F., MENARD M., CREVIER-BUCHMAN L., BRASNU D., HANS S.,
Traitement de la paralysie récurrentielle unilatérale par thyroplastie avec implant de Montgomery.
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1993.
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Immobilités laryngées bilatérales.
Place de la prise en charge orthophonique
Michèle Puech
Résumé
Les immobilités laryngées bilatérales, quelle qu’en soit l’origine, peuvent avoir des conséquences graves car elles mettent en jeu le pronostic vital de l’individu ainsi que sa qualité
de vie à long terme.
La réhabilitation de la respiration et de la déglutition nécessite une intervention rapide par
une équipe spécialisée qui choisira le traitement le mieux adapté et le moins intrusif.
Le plus souvent les complications fonctionnelles sont gérées dans l’urgence et la trachéotomie a longtemps été le seul traitement requis des immobilités laryngées bilatérales.
Bien que l’évaluation diagnostique et les techniques chirurgicales de réhabilitation aient
connu de nombreuses avancées au cours des dernières années, la prise en charge des
immobilités laryngées bilatérales reste un véritable challenge pour les chirurgiens et pour
les orthophonistes. Elle doit être nécessairement organisée de façon pluridisciplinaire.
Son objectif est de permettre au sujet de retrouver une qualité de vie correcte en évitant la
trachéotomie ainsi que les conséquences liées à la iatrogénie de celle-ci et à son retentissement psychologique.
Mots clés : dyspnée, dysphagie, dysphonie, prise en charge.
Bilateral vocal fold immobility. Role of speech therapy
Abstract
Bilateral vocal fold immobility usually has serious consequences because it compromises
the individual’s life prognosis as well as his quality of life in the long run.
The rehabilitation of breathing and swallowing capacities requires early intervention, by a
specialized team that will select the best and least intrusive treatment.
Most of the time, functional complications are managed on an emergency basis. For a long
time, tracheotomy has been the only available treatment for bilateral vocal fold immobility.
In spite of the fact that diagnostic evaluation procedures and surgical techniques of rehabilitation have significantly progressed over the past few years, the management of bilateral
vocal fold continues to challenge surgeons and speech therapists. It must use a multidisciplinary approach.
The object of speech therapy is to help the patient recover an adequate quality of life by
avoiding tracheotomy and its medical and psychological consequences.
Key Words : dyspnea, dysphagia, dysphonia, management.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Michèle PUECH
Orthophoniste
Unité Voix et Déglutition
Service d’Oto rhino laryngologie
et de Chirurgie cervico faciale
CHU Rangueil
1 avenue J. Poulhes
31403 Toulouse cedex 4
L
’immobilité bilatérale des cordes vocales peut être définie comme une
diminution ou une abolition d’une partie ou de la totalité de la mobilité
des deux hémi larynx. La littérature mentionne aussi bien les termes
d’immobilité laryngée bilatérale que de paralysie bilatérale des cordes vocales
ou encore de diplégie laryngée (4-8-10).
Les termes de paralysie laryngée bilatérale ou diplégie laryngée paraissent mieux définir les immobilités liées aux causes neurologiques, immobilités
laryngées bilatérales définissant alors des causes mécaniques comme les luxations ou la fixation des articulations crico-aryténoïdiennes et les cicatrices interaryténoïdiennes.
Nous garderons le terme d’immobilité laryngée bilatérale (ILB) de
manière générale dans nos propos pour plus de commodité.
Quelle que soit leur étiologie, elles touchent les trois fonctions du larynx
et notamment les fonctions vitales que sont la respiration et la déglutition. Elles
engendrent alors des complications fonctionnelles variables selon le degré de la
lésion et les atteintes endo-laryngées ou extra-laryngées associées. Celles-ci
peuvent quelque fois mettre en danger le patient et altérer son pronostic vital à
court terme selon l’importance de la dyspnée et / ou des troubles de la déglutition.
Les conséquences sur la phonation ne sont en général pas au premier
plan. La dysphonie peut cependant être très invalidante lorsque l’altération des
caractéristiques acoustiques de la voix et de la capacité phonatoire sont importantes.
Le but de ce travail est de faire le point sur les possibilités thérapeutiques médicales, rééducatives et chirurgicales offertes aux patients. Leur
choix dépend du mécanisme étiologi q u e, du niveau d’évolution et des
atteintes associées.
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♦ Bilan étiologique
Il est similaire à celui pratiqué lors la recherche étiologique d’une paralysie unilatérale de la corde vocale et repose sur un interrogatoire, un examen clinique et des explorations para cliniques.
Il ne nous semble pas utile ici de détailler ce bilan mais de donner les
grandes lignes qui vont permettre de déterminer si la cause de l’immobilité
laryngée bilatérale est d’origine neurologique ou d’origine mécanique.
Il est un des éléments indispensables à l’élaboration de la stratégie thérapeutique à adopter car il donne des informations sur le mécanisme étiologique,
sur le caractère transitoire ou définitif de la lésion, sur le pronostic de récupération et d’évolution du trouble.
L’interrogatoire
Il permet de recueillir les différents symptômes de la gêne ressentie par
le patient, le retentissement fonctionnel sur la respiration, la déglutition et la
phonation, l’évolution des troubles, les antécédents médicaux et chirurgicaux.
Il détermine le contexte global du trouble et un certain degré de sévérité.
L’examen clinique
Il repose essentiellement sur la laryngoscopie indirecte, au mieux une
vidéo-laryngo-stroboscopie qui permet un examen morphologique et dynamique
de l’ensemble du larynx et de l’hypopharynx. Il cherche à déterminer la mobilité du larynx en précisant la position des cordes vocales et leurs possibilités
dynamiques, leur trophicité, l’aspect des muqueuses, la position des aryténoïdes, ceci lors de la respiration calme, de la respiration forcée, de la phonation, de la toux et des reniflements.
L’examen de la cavité buccale, de l’ensemble des paires crâniennes et du
pharyngo larynx est indispensable pour préciser les atteintes associées.
Les examens para cliniques
Ne sont rapportés dans la figure 1 (voir page suivante) que les principaux
examens soulignés dans la littérature comme étant nécessaires (5).
♦ Etiologies et mécanismes étiologiques
Comme pour les immobilités unilatérales, les mécanismes étiologiques
peuvent être d’origine :
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Figure 1 : schéma du bilan étiologique ; VLS= vidéolaryngostroboscopie ; EMG= électromyographie ; IRM=imagerie par résonance magnétique ; CV=cordes vocales
k neurologique par une atteinte périphérique des différents étages de la
Xe paire crânienne ou centrale avant l’émergence de celle ci,
k mécanique empêchant une mobilité correcte des cartilages laryngés et
surtout des articulations crico-aryténoïdiennes,
k neuro-musculaire dans les maladies neuro-dégénératives.
Quelquefois l’ILB sera induite dans le traitement des dysphonies spasmodiques par l’injection de toxine botulinique, on pourra retrouver aussi une ILB
fonctionnelle dans certaines dysphonies psychogènes.
Par ordre de prévalence les étiologies sont (8-4) :
Traumatiques
Elles apparaissent être la première cause des immobilités laryngées bilatérales avec la moitié des cas décrits, et représentent 37 % à 38 % des populations étudiées.
On retrouve en premier lieu les traumatismes chirurgicaux de la Xe paire
crânienne notamment lors de la chirurgie thyroïdienne : l’immobilité aryténoïdienne est plus ou moins importante, les cordes vocales peuvent être toniques et
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mobiles, quelquefois immobiles et atrophiques, une atteinte de la mobilité et de
la sensibilité de l’ensemble du pharyngo larynx peut être constatée.
Ensuite viennent les séquelles d’intubation ou d’endoscopie digestive
traumatiques, les séquelles d’intubation prolongée et les traumatismes externes
du larynx par arme blanche ou strangulation. L’examen révèle alors une cicatrice inter aryténoïdienne, une luxation ou ankylose de l’articulation crico aryténoïdienne, une synéchie de la commissure antérieure ou un œdème péri aryténoïdien. Les cordes vocales ne sont généralement pas atrophiques.
La distinction entre une ankylose post intubation et une paralysie laryngée bilatérale reste difficile à objectiver.
Carcinologiques
Elle représentent 17 % à 19 % des populations étudiées. Sont incriminées
les tumeurs de l’œsophage, des bronches et du médiastin, les métastases et les
tumeurs de la thyroïde lésant le nerf vague.
Neurologiques et neuromusculaires
Elles représentent près de 13% des étiologies. On relèvera parmi elles, la
sclérose latérale amyotrophique, les accidents vasculaires cérébraux, la malformation d’Arnold Chiari, le diabète insulino dépendant, la myasthénie, les
formes évoluées de la maladie de Parkinson, les séquelles de la polyomyélite, la
maladie de Charcot Marie Tooth, l’atrophie multisystémique, les dystonies, les
tumeurs cérébrales, les névrites toxiques.
L’atteinte du nerf vague est bilatérale et généralement symétrique, l’atteinte de la musculature intrinsèque du larynx se traduit le plus souvent par un
défaut d’adduction des cordes vocales, mais quelquefois comme dans le cadre
des dystonies, le mécanisme résultera d’une adduction trop importante.
Inflammatoires
Les troubles sont alors d’origine mécanique et de contexte étiologique
variable : maladies rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde, goutte), radiothérapie, reflux gastro oesophagien.
Idiopathiques
Elles constituent 13 % des cas. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination.
Comme dans les immobilités unilatérales, des bilans étiologiques répétés sont
nécessaires pour confirmer le diagnostic dans les 6 premiers mois après l’apparition des troubles.
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♦ Les mécanismes physiopathologiques
- Les immobilités laryngées bilatérales en fermeture ou en position
d’adduction sont les plus fréquentes.
Le mécanisme physiopathologique est une fermeture glottique permanente dont le degré peut être variable selon le niveau de l’atteinte et l’étiologie.
Les symptômes associés à la diplégie laryngée en adduction sont :
- une dyspnée principalement inspiratoire, souvent bruyante déterminant
le degré de sévérité. L’importance du rétrécissement de la filière laryngée entrave le pronostic vital de façon péjorative et nécessite une prise
en charge chirurgicale urgente en mettant en place en première intention
une trachéotomie,
- les troubles de la déglutition sont rares, ils peuvent survenir lorsqu’il
existe une atteinte des autres nerfs crâniens associée,
- la dysphonie n’est pas un symptôme majeur dans ce contexte.
- Les immobilités laryngées bilatérales en ouverture ou en position
d’abduction sont plus rares, le mécanisme est un défaut d’occlusion glottique et
plus ou moins sus glottique. Elles entraînent :
- une dysphagie dont les risques vitaux sont liés à l’importance des
fausses routes. Le degré de sévérité varie selon le niveau de fermeture
du larynx, le niveau de l’atteinte (perte de la sensibilité par lésion du
nerf laryngé ou du nerf vague), le contexte étiologique (association à la
paralysie d’autres paires crâniennes, maladies neuro musculaires et les
pathologies « causales » comme la pneumectomie diminuant la tolérance),
- une dysphonie importante pouvant aller jusqu’à l’aphonie selon le degré
de l’atteinte des muscles adducteurs de la glotte,
- une dyspnée expiratoire avec des difficultés de gestion du souffle lors
des activités de la vie quotidienne, une limitation ou une impossibilité à
faire des efforts à glotte fermée (toux, éternuement, port de charges
lourdes, efforts de défécation…).
♦ Le bilan fonctionnel
L’évaluation doit porter sur les trois fonctions du carrefour aéro digestif :
la respiration, la déglutition et la phonation. Il doit permettre d’évaluer le handicap induit par les conséquences de l’immobilité laryngée bilatérale sur la vie
quotidienne du patient.
- En ce qui concerne la respiration, il convient de préciser les conséquences de la dyspnée sur le temps inspiratoire, l’efficacité de la toux et
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du hemmage, sur les efforts à glotte fermée ainsi que le retentissement
sur les activités de la vie quotidienne.
Il est possible d’objectiver l’importance de la gêne par une exploration fonctionnelle respiratoire donnant une courbe débit/volume et une spirométrie.
- Pour ce qui est de la déglutition, l’interrogatoire précisera l’existence
des fausses routes, l’importance de leur retentissement sur l’état nutritionnel et pulmonaire du patient. Il doit être complété par un essai de
déglutition simple ou une observation de repas qui, dans le cadre du
bilan orthophonique ne sont généralement pas suffisants pour juger de la
sévérité des troubles.
Une évaluation objective est nécessaire dans les immobilités laryngées en
position d’abduction ; elle se fera lors d’un essai de déglutition sous naso
fibroscopie et pourra être complétée par une radioscopie de la déglutition
et pour certains auteurs par une scintigraphie de la déglutition.
- En ce qui concerne la phonation, l’évaluation est classique, comportant
une analyse subjective des qualités acoustiques de la voix et du geste phonatoire ainsi que des mesures objectives des paramètres acoustiques, aérodynamiques et dynamiques de la voix. Les résultats de ces différentes évaluations seront interprétés en fonction de la dynamique du larynx et / ou
du pharyngo larynx ainsi que du degré d’évolution de l’immobilité.
Le bilan orthophonique s’inscrit dans la démarche de l’évaluation fonctionnelle et sera un des éléments permettant de monter un programme de réhabilitation des fonctions laryngées.
Cependant les compétences d’analyse subjective de l’oreille et de l’œil
sont limitées, et ne suffisent pas à déterminer le mécanisme réel et le risque vital
dans le cadre des immobilités laryngées bilatérales.
Les atteintes associées seront recherchées et l’analyse des observations
recueillies permettra d’orienter vers des examens complémentaires.
♦ Les stratégies thérapeutiques
La dynamique laryngée n’est pas l’élément déterminant dans le choix de
la stratégie de réhabilitation. Il est nécessaire de considérer le degré de sévérité
du trouble, le contexte étiologique (neurologique ou mécanique), le pronostic de
récupération nerveuse et évolutif de l’immobilité ainsi que les possibilités
cognitives et rééducatives du patient (figure 2).
Les différents tableaux cliniques des immobilités laryngées bilatérales évoqués et la variabilité du degré de sévérité des troubles font que l’intervention
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orthophonique s’inscrit la plupart du temps dans une prise en charge globale pluridisciplinaire et interviendra lorsque la situation sera contrôlée médicalement.
Bien que peu d’études soient rapportées dans la littérature en ce qui
concerne la prise en charge orthophonique, elle reste indiquée pour l’ensemble
des auteurs de façon précoce quel que soit le niveau de l’atteinte : laryngée
exclusive ou maladie générale.
Figure 2 : organisation de la prise en charge
L’objectif du programme thérapeutique vise la récupération des trois
fonctions permettant une qualité de vie acceptable même si la récupération
dynamique n’est que partielle, quels que soient les moyens utilisés. Il s’agit
d’améliorer la tolérance à la dyspnée, de permettre une alimentation sans risque
et une communication adaptée.
♦ Les moyens
Chirurgicaux externes ou endolaryngés
Le handicap et les risques vitaux encourus font que le traitement chirurgical est presque toujours proposé dans les ILB.
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Au niveau de la trachée :
Une trachéotomie sera proposée dans les cas de détresse respiratoire
aiguë. Elle préserve le larynx mais ses conséquences psychologiques et iatrogènes sont souvent difficiles à supporter.
Au niveau de la filière laryngée :
Les chirurgies d’ouverture proposent soit une abduction définitive par
voie interne ou par voie externe, soit une abduction transitoire lorsque une des
deux codes vocale offre un pronostic de récupération favorable.
Les interventions visant la ré-innervation des muscles dilatateurs de la
glotte par greffe nerveuse ont fait l’objet de différents travaux notamment chez
l’animal. Les rares travaux publiés chez l’homme montrent que les résultats ne
sont pas satisfaisants pour l’instant.
Le choix sera déterminé par la cause du blocage, le caractère jugé définitif ou transitoire de la lésion et les habitudes de l’opérateur.
Les chirurgies de fermeture : les procédés de médialisation uni ou bilatérale
sont généralement proposés pour assurer le rétrécissement de la filière laryngée.
Il peut s’agir d’une thyroplastie mettant en place par voie externe un
implant poussant la corde vocale vers la ligne médiane.
L’ injection endo laryngée de graisse autologue ou d’un produit comme le
silicone dans la corde vocale a pour but de rapprocher celle-ci de la position de
fermeture. Elle peut être bilatérale ou associée à une thyroplastie contro-latérale.
Rééducatifs
Il s’agit d’un traitement symptomatique s’associant à la chirurgie, en pré
et post opératoire.
Les outils de la prise en charge diffèrent peu de ceux que nous utilisons
dans le cadre des immobilités laryngées unilatérales.
Le choix des exercices sera organisé en fonction du pronostic de récupération.
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Ceci demande d’intégrer les notions liées à la récupération nerveuse et de
la physiologie laryngée (6) :
- le délai de ré-innervation en fonction du type de lésion : traumatisme,
sidération par compression ou étirement ou section nerveuse,
- la distance du site de la lésion par rapport aux muscles crico aryténoïdien postérieur et crico thyroïdien (abduction cordale), aux muscles tyro
aryténoïdiens et crico aryténoïdiens latéraux (adduction glottique),
- la qualité de la ré-innervation.
Par conséquent, cela suppose d’adapter le traitement aux réévaluations de
la dynamique laryngée et à l’évolution des troubles.
Les exercices analytiques segmentaires visent l’entretien de la trophicité
des cordes vocales et la mobilisation des cartilages crico aryténoïdiens.
Des compensations fonctionnelles vont être mises en place, le rééducateur
doit veiller à ce qu’il ne s’installe pas de compensations inadéquates ou parasites. La prise en charge des segments neuro musculaires périphériques est le
plus souvent nécessaire.
Les exercices fonctionnels renforceront ou pallieront la fermeture glottique
lors de la déglutition dans les ILB en abduction, amélioreront la tolérance à la dyspnée inspiratoire et optimiseront la production vocale dans les IBL en adduction.
Ils font appel :
- à la capacité de relaxation posturale globale et loco régionale de la musculature extrinsèque du larynx,
- aux possibilités de compensation des structures annexes,
- au contrôle auditif, ainsi qu’aux possibilités d’auto évaluation et de calibration des productions (principe utilisé dans la prise en charge de la maladie
de Parkinson de type LSVT : Lee SilvermanVoiceTherapy, pour laquelle le
travail focalisé sur le paramètre intensité de la production vocale permet la
prise d’un souffle maximal et donc l’ouverture maximale du larynx (13),
- à la mémoire proprioceptive et aux possibilités d’intériorisation, de
« conscientisation » du trajet de l’air dans le tractus vocal.
Les adaptations posturales, comportementales et de l’environnement alimentaire seront utilisées dans le but de minimiser voire de faire disparaître les
symptômes de la dysphagie et de réduire les risques vitaux.
Médicaux
Les traitements médicaux prescrits dans le cadre des maladies neuro musculaires ne sont en général que peu ou pas efficaces sur l’IBL.
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Cependant le point à souligner ici concerne les effets secondaires liés à
leur utilisation, comme l’apparition de mouvements laryngés anormaux (tremblements, syncinésies) pouvant aggraver le tableau clinique en majorant les
troubles et limitant l’efficacité de la prise en charge rééducative.
L’association des prises en charge orthophonique et chirurgicale est à discuter dans chaque cadre pathologique, elle sera souvent associée à une prise en
charge de kinésithérapie respiratoire.
♦ Indications et modalités de la prise en charge orthophonique
Indications
Dyspnée et immobilité laryngée bilatérale
• La dyspnée est la conséquence majeure de l’ILB en position d’adduction.
La prise en charge est indiquée lorsque la situation est contrôlée médicalement.
Elle sera mise en place précocement dans l’attente d’un traitement chirurgical, et ce d’autant que la dyspnée est aggravée par un mouvement paradoxal
des cordes vocales à l’inspiration accompagné d’un bruit laryngé. Ce mécanisme s’apparente au syndrome de dysfonctionnement des cordes vocales et les
symptômes sont majorés par l’angoisse de mort qui l’accompagne.
Les modalités de la prise en charge reposeront sur :
- Un soutien psychologique nécessaire pour apprendre au patient à gérer
l’angoisse et à le rassurer sur l’avenir.
- Un ajustement des comportements respiratoires dans le but de ne pas se
trouver dans l’urgence inspiratoire : gérer la respiration par rapport à
l’effort, éviter les efforts à glotte fermée, éviter de cumuler les efforts
physiques et la parole, adapter le temps de parole et la longueur de la
phrase.
- Des exercices spécifiques de respiration costo-diaphragmatique associés
à un contrôle proprioceptif du passage de l’air inspiratoire dans tout le
tractus inspiratoire notamment au niveau de la glotte. L’inspiration est
proposée bouche ouverte, de façon non bruyante sans être aspirée, la
sensation d’air est fraîche et lente au passage du plan glottique, amenant
à une relaxation de la musculature laryngée intrinsèque (12).
- La gestion de l’expiration sera travaillée de façon progressive pour arriver à un bon contrôle des débits d’air quelle que soit l’activité physique.
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- Baker and all.(2-3-18) relatent des travaux portant sur l’entraînement de
la force et de l’endurance des muscles respirateurs permettant de diminuer la dyspnée alors que la filière laryngée est réduite, sans avoir
recours à la chirurgie (un cas de papillomatose laryngée, un cas de paralysie congénitale bilatérale des cordes vocales chez l’enfant et deux cas
IBL en fermeture chez l’adulte).
L’entraînement est intensif selon un programme établi sur plusieurs
séances par jours, 3 à 5 jours par semaine et porte sur plusieurs mois. Il
est basé sur la recherche de l’augmentation du seuil de pression inspiratoire à l’aide d’un dispositif dont la résistance est adaptée au fur et à
mesure des résultats.
Si le pronostic de récupération est favorable, des exercices plus spécifiques sur la musculature intrinsèque peuvent être entrepris assez rapidement.
Si l’indication d’une chirurgie d’ouverture est posée, la rééducation sera
débutée dès que l’état local le permettra et devra tenir compte du type de chirurgie
effectuée, de son caractère définitif ou transitoire. Elle est axée sur la prévention :
- des complications cicatricielles (synéchies, granulomes…)
- de la mise en place d’un comportement de forçage.
Les exercices favorisant les mouvements d’adduction et d’abduction
doux sont alors indiqués (reniflements, souffle interrompu, inspirationexpiration forcées langue tirée, glottages doux…).
La progression de la rééducation sera organisée de manière à favoriser la
cicatrisation :
- direction du flux aérien à des débits variables : souffle dans un paille ou
un tube dont on fait varier le diamètre (1-9) plus ou moins associée à
des sonorisations douces au début,
- équilibre des pressions sous et sus glottiques,
- recherche d’une sonorisation douce.
Les exercices favorisant l’abduction laryngée restent des pré requis à la
sonorisation en favorisant le côté ayant le meilleur pronostic.
A plus long terme, la rééducation orthophonique sera indiquée dans la
prise en charge des séquelles éventuelles (ondulation muqueuse, assouplissement des cicatrices).
Si le pronostic de récupération est défavorable, quelle que soit l’étiologie, et
conduit à la mise en place d’une trachéotomie avec canule à clapet, la prise en
charge kinésithérapique de la dyspnée devient plus appropriée à la gestion des
efforts physiques. Cependant, la prise en charge orthophonique peut être poursuivie
pour une gestion optimale de l’air expiratoire sans forçage lors de la phonation.
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Les dyspnées inspiratoires des maladies neuro musculaires seront essentiellement gérées par de la relaxation laryngée (12) tant qu’il n’existe pas d’atteinte des muscles respirateurs. On recherchera la posture « tête-tronc-bassin »
la mieux appropriée à l’expansion pulmonaire et le rétablissement d’un modèle
respiratoire costo diaphragmatique efficace.
Le travail proprioceptif intrinsèque peut être associé au contrôle d’une
seule tâche « respiratoire » : par exemple la production d’un [a] fort, comme
dans la dynamique utilisée dans la Lee SilvermanVoiceTherapy (13). Le but est
d’automatiser ou de banaliser un comportement respiratoire confortable lorsque
celui-ci est appréhendé.
La coordination lors des efforts physiques ou phonatoires est souvent
déficitaire, les exercices complexes sont alors à proscrire.
• Dans le cadre des ILB en position d’abduction la dyspnée est expiratoire.
Si degré d’abduction ne nécessite pas de chirurgie de fermeture, la prise
en charge repose alors sur la gestion de la colonne d’air à l’effort ( apprentissage des blocages diaphragmatiques de manière à pallier le défaut de point d’appui glottique, contrôle des débits lors des efforts physiques et phonatoires). Elle
sera associée à une kinésithérapie respiratoire.
Quelle que soit la chirurgie de fermeture, elle pourra être associée à une
dyspnée inspiratoire transitoire, les exercices décrits précédemment sont alors
indiqués.
Dysphagie et immobilité laryngée bilatérale
La dysphagie est la conséquence majeure de l’ILB en position d’abduction.
La problématique résulte du degré de fermeture, du pronostic de récupération et de l’étiologie du trouble.
Selon la sévérité de la dysphagie, l’alimentation peut être compromise et
l’indication d’une alimentation entérale sera alors posée.
La prise en charge doit être précoce pour minimiser les risques vitaux liés
aux fausses routes d’autant plus que le patient peut être asymptomatique.
Si le trouble doit être transitoire, la régression peut être envisagée spontanément, les compensations sont généralement faciles à mettre en place. Des
adaptations de comportement ( manœuvres de déglutition et postures) seront
proposées en attendant la récupération neuro musculaire.
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La prise en charge spécifique donnera des résultats à plus ou moins long
terme et sera adaptée au degré de récupération et à l’évolution dynamique du
larynx. Elle repose sur des exercices de musculature intrinsèque et extrinsèque
du larynx, de recul de base de langue et des exercices plus fonctionnels comme
l’entraînement à la déglutition super sus glottique favorisant le fermeture glottique et sus glottique (19).
Si l’indication d’une chirurgie d’adduction est posée, la place de la rééducation orthophonique reste indiquée en post opératoire.
L’ILB peut être associée à des lésions d’autres paires crâniennes. Une
atteinte motrice de tout l’hémi-larynx, sensitive du pharynx et du larynx,
motrice du voile et du pharynx majorera les troubles de la déglutition et compliquera la prise en charge.
Dans le cadre des maladies neuro musculaires dégénératives, la prise en
charge rééducative des troubles de la déglutition liés à une ILB en abduction
est difficile. Ils sont associés à d’autres paralysies pharyngo laryngées, quelquefois même à des pathologies de la communication et des fonctions supérieures qui limitent les capacités rééducatives et l’adhésion du patient au travail proposé.
Elle se poursuivra même si l’indication d’alimentation entérale a été
posée pour entretenir la déglutition de la salive et maintenir la possibilité de
prises alimentaires pour le plaisir.
Dysphonie et immobilité laryngée bilatérale
La dysphonie est toujours présente dans les ILB en abduction et peut être
sévère lorsque l’ouverture est maximum.
La rééducation orthophonique spécifique de la musculature intrinsèque et
extrinsèque est indiquée en pré-opératoire pour favoriser la récupération nerveuse, entretenir la trophicité musculaire et éviter les conduites de forçage
laryngé.
• Après la chirurgie de rapprochement, une trachéotomie transitoire est
nécessaire et la prise en charge vocale sera débutée après la fermeture de
l’orifice de trachéotomie.
• Après une chirurgie d’ouverture, il est observé une période de repos
vocal pendant laquelle un travail favorisant la cicatrisation et prévenant
les complications est entrepris.
Le programme spécifique de réhabilitation de la voix sera abordé dès
que l’état local le permettra.
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Modalités
La stratégie globale de prise en charge a déjà été définie dans un cadre de
pluridisciplinarité, de précocité et d’adaptation à la récupération nerveuse.
Cependant, il nous semble important de rappeler que le programme spécifique de prise en charge orthophonique doit être le fruit d’une réflexion à mener
lors de chaque stade évolutif.
L’analyse du geste phonatoire et des signes cliniques recueillis lors du
bilan, corrélée à l’état dynamique du larynx au moment où nous recevons le
patient et à nos connaissances des conséquences du geste chirurgical indiqué
nous permettra d’adapter au mieux les exercices.
Pour exemple, une immobilité laryngée bilatérale en adduction a pour
symptôme majeur une dyspnée laryngée. Les signes extérieurs marquant cette
dyspnée seront pour nos oreilles un bruit inspiratoire et pour nos yeux un forçage cervical relatif au « tirage », déplaçant le larynx vers le bas. La voix est
généralement normale.
Avant l’intervention d’ouverture, les exercices seront orientés sur la
relaxation laryngée intrinsèque et extrinsèque dans le but de diminuer les conséquences de l’hyper adduction et favoriser l’ouverture.
La chirurgie d’ouverture plonge subitement le patient d’un fonctionnement d’hyper adduction contrôlé dans une hypo adduction réelle. Elle ne doit
pas être compensée par un forçage laryngé et les exercices sont alors orientés
différemment de façon à empêcher ce forçage laryngé tout en favorisant une fermeture minimum pour maintenir une production vocale.
A l’inverse, l’hypo adduction des ILB en adbuction se traduit avant l’intervention par un geste phonatoire de forçage laryngé. La chirurgie de fermeture
place alors le patient dans une situation d’adduction relative et les exercices seront
plutôt orientés sur l’ouverture alors que initialement on recherche la fermeture.
On voit donc que paradoxalement une immobilité bilatérale en abduction
peut être abordée comme une ILB en adduction après l’intervention et inversement.
♦ Conclusion
Les immobilités laryngées bilatérales ont la plupart du temps des conséquences vitales sur la respiration et la déglutition. On se souviendra que les
symptômes (dyspnée, dysphagie et/ou dysphonie) peuvent être associés. La gestion des problèmes urgents est avant tout médicale, la prise en charge orthophonique débutera quand les risques seront contrôlés et réduits à minima ; l’organi-
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sation de celle-ci doit faire l’objet d’une réflexion à propos des signes cliniques
observés lors du bilan et des informations médicales.
Dans les stades avancés des maladies neuro-dégénératives, la place du
traitement orthophonique reste primordiale pour permettre une meilleure qualité
de fin de vie.
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édition.
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Paralysie du nerf laryngé supérieur.
Sémiologie, diagnostic et traitements
Emmanuel Baudelle
Résumé
Les travaux sur la paralysie du nerf laryngé supérieur sont peu nombreux en regard de ceux
concernant la paralysie du nerf laryngé récurrent. Ceci est lié aux difficultés de diagnostic et
à la moindre incidence de cette affection sur la voix. La majorité des cas est d’origine virale.
Les manifestations, liées au défaut d’innervation du muscle crico-thyroïdien, sont essentiellement vocales, et variables. On retient un abaissement du fondamental, une réduction de
l’ambitus intonatif, une fatigabilité vocale, l’impossibilité de chanter. Si la branche interne du
nerf est concernée, s’y ajoutent des troubles sensitifs de l’espace laryngé supérieur avec
d’éventuelles fausses routes. A l’examen laryngé, la classique configuration de déviation de
la glotte du côté paralysé doit être nuancée, et cet article évoque un outil diagnostique
récent, simple et performant, la confirmation du diagnostic étant réalisée grâce à l’électromyographie laryngée. Le traitement comprend des antiviraux si l’atteinte est virale, une
éventuelle médialisation chirurgicale, et surtout, une rééducation vocale spécifique, axée en
particulier sur un travail mélodique.
Mots clés : nerf laryngé supérieur, paralysie laryngée, dysphonie, rééducation vocale.
Superior laryngeal nerve palsy. Symptoms, diagnosis and treatment
Abstract
Few studies have been published on the condition of superior laryngeal nerve paralysis,
compared to studies on recurrent nerve paralysis. This discrepancy can be explained in
terms of diagnostic difficulties and of the milder voice problems it causes. Most cases have
a viral origin. The symptoms, linked to a loss of crico-thyroïd muscle innervation, are mainly
vocal and quite variable. A decreased pitch, loss of range, vocal fatigue, and an inability to
sing are reported. When the internal branch of the nerve is involved, one may observe disordered sensitivity of the upper laryngeal space, with possible aspirations. The laryngoscopic
examination must find the classical configuration of an oblique glottis toward the paralytic
side. This paper reports on a recent diagnostic tool which is easy to administer and efficient.
Confirmation of the diagnosis is realised using laryngeal electromyography. Treatment
includes the administration of an antiviral agent if the case has a viral etiology, possible surgical medialization, and more importantly voice therapy primarily based on melodic work.
Key Words : laryngeal superior nerve, laryngeal paralysis, dysphonia, voice therapy.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003
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Emmanuel BAUDELLE
Orthophoniste
Service de Neurologie
HIA Val-de-Grâce
74, Bd de Port-Royal, 75005 Paris
tél: 01 40 51 41 26
fax: 01 40 51 41 88
[email protected]
L
a paralysie du nerf laryngé supérieur (NLS) a fait l’objet de travaux bien
moins nombreux que ceux portant sur la paralysie du nerf laryngé récurrent (NR), et a même été qualifiée d’entité négligée (1). Cela tient aux
difficultés de diagnostic et à l’absence de consensus la concernant jusqu’à ces
dernières années.
♦ Rappels anatomiques et physiologiques
Le physiologiste Longet a été le premier à découvrir l’innervation du
muscle crico-thyroïdien par le nerf laryngé supérieur (NLS) en 1841. Seul
muscle laryngé intrinsèque à n’être pas innervé par le nerf récurrent, il est tenseur des plis vocaux et est responsable de la modulation de la fréquence fondamentale de la voix (2,3).
Le NLS provient du nerf pneumogastrique (X) à hauteur du ganglion
vagal inférieur (ganglion plexiforme) et se divise à hauteur de l’os hyoïde en
une branche interne sensitive et une branche externe motrice. La première, de
diamètre supérieur, traverse la membrane thyroïdienne supérieure puis se partage en rameaux sensitifs innervant la muqueuse laryngée située au dessus des
plis vocaux. La branche externe (branche externe du nerf laryngé supérieur
NLSBE ou nerf laryngé externe, NLE), plus fine, longe la face postérieure de
l’artère thyroïdienne supérieure puis aboutit au constricteur inférieur du pharynx
puis au muscle crico-thyroïdien. Le NLS est ainsi étroitement relié au pédicule
vasculaire du pôle supérieur de la glande thyroïde et peut être lésé au cours
d’une thyroïdectomie (4) (voir fig. 1).
Le muscle crico-thyroïdien s’insère en bas sur la face antéro-externe de
l’arc cricoïdien, en dehors du tubercule cricoïdien. Il se dirige en haut et en
arrière et se termine au bord inférieur du cartilage thyroïde jusqu’au bord antérieur de la petite corne du cartilage thyroïde (voir fig.2).
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Fig 1. Représentation des branches interne et externe du nerf laryngé supérieur
Fig 2. Le muscle crico-thyroïdien
La contraction des fibres du muscle crico-thyroïdien provoque le rapprochement de l’arc cricoïdien et du bord inférieur du cartilage thyroïde, ainsi que le décalage vers l’arrière de cet arc. La première de ces deux actions entraîne le mouvement
de bascule du cartilage thyroïde sur le cartilage cricoïde grâce à l’articulation cricothyroïdienne, ce qui a pour effet d’augmenter la tension des plis vocaux (voir fig.3).
Fig 3. Action du muscle crico-thyroïdien (d’après Le Huche, 1991)
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♦ Incidence et étiologies
Si les lésions du nerf récurrent sont d’ordinaire aisées à reconnaître en
laryngoscopie indirecte et en fibroscopie, il n’en est pas de même des lésions du
nerf laryngé supérieur qui sont souvent sous estimées en raison de la pauvreté
ou de l’absence de signes cliniques (1,5,6,7).
L’incidence des traumatismes du NLSBE après thyroïdectomie dans la
littérature est fonction des auteurs et des techniques chirurgicales, et varie de 0 à
58 % (5).
Récemment, Aluffi et al. (5) obtient une incidence de 14% sur une série
de 45 patient opérés de thyroïdectomie (34 thyroïdectomies totales, 5 subtotales,
6 lobectomies).
Mais l’origine iatrogène n’est pas la seule, les cas de paralysie du NLS
d’origine virale étant nettement plus nombreux. Dursun (6), sur la plus grande
série récente (126 patients dont 55 paralysies et 71 parésies du NLS), attribue
ainsi 93,6 % des cas à une origine virale. (voir Tableau 1)
Tableau 1. Etiologie des atteintes du NLS (126 patients, in Dursun, 1996)
Etiologie
Névrite
Traumatique
Iatrogène
Nombre de cas
118
4
4
%
93,6
3,2
3,2
♦ Sémiologie
Les manifestations cliniques de l’atteinte du NLS sont variables, cette
variabilité étant reliée à la diversité des tableaux, aux besoins vocaux du patient
ainsi qu’à sa conscience du trouble (6). Normalement, l’action du NLS active le
muscle crico-thyroïdien (CT) qui se contracte vivement en falsetto (II) ou en
registre modal (I) pour augmenter la tension des plis vocaux. En cas de paralysie ou de parésie du nerf, la déficience de cette fonction peut aboutir à un abaissement du fondamental et à une altération des performances vocales, en particulier dans les fréquences élevées (6).
Les manifestations vocales de la paralysie du NLS les plus constantes
sont (8) :
- l’impossibilité de chanter
- l’abaissement du fondamental de la voix
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- la réduction de l’ambitus intonatif (voix monotone)
- une fatigabilité vocale.
S’y ajoutent d’éventuelles fausses routes en cas d’atteinte conjointe de la
branche interne du NLS, responsable d’un hypoesthésie de l’espace laryngé
supérieur. Une anesthésie sévère est rare même en cas de paralysie complète du
NLS (6).
Dans sa série de 126 patients, Dursun décrit un riche éventail de symptômes dans lequel prédominent la fatigue vocale (82 % des cas), l’enrouement
(75 %), le manque d’intensité (75 %), la réduction des possibilités de modulation (69 %) (voir tableau 2).
La fatigabilité vocale (80% des cas dans la série de Dursun 1996) serait
liée à l’effort requis pour élever le fondamental et pour projeter la voix. Les
manifestations cliniques de l’atteinte du NLS sont particulièrement handicapantes chez les chanteurs et les professionnels de la voix parlée, qui souvent
développent des mécanismes compensatoires hyperkinétiques afin d’augmenter
transitoirement l’efficacité de leur voix (dans la série de Dursun 1996 comprenant 126 patients avec atteinte du NLS, 23,8% des cas présentent une ‘muscular
tension dysphonia’, MTD).
Tableau 2. Symptômes associés à l’atteinte du NLS (Dursun, 1996, 126 patients)
Symptômes
Nombre de cas
Fatigue vocale
Enrouement
Trouble de l’intensité
Manque de modulation
Aspect soufflé
Picotements de gorge
Douleurs laryngées
Étranglements
Nécessité d’un ‘échauffement vocal prolongé’
104
95
95
87
44
36
12
4
4
%
82,5
75,4
75,4
69,0
34,9
28,5
9,5
3,2
3,2
♦ Examen acoustique objectif
Si l’on trouve dans la littérature certaines valeurs (5) (voir tableau 3), il
semble admis qu’il n’y a aucune mesure acoustique objective spécifique de l’atteinte du NLS, ces données étant néanmoins essentielles pour le suivi du patient
et pour apprécier l’efficacité de programmes thérapeutiques.
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Tableau 3. Données acoustiques objectives concernant 3 patients présentant une atteinte
du NLS post-thyroïdectomie (Aluffi, 2001)
Paramètre
Jitter (%)
Shimmer (%)
Noise-to-harmonic ratio
pré-opératoire
post-opératoire
0,64
3,30
0,13
1,6
6,3
0,19
♦ L’examen laryngé
Myging (15) a montré en 1906 que chez les patients présentant une
atteinte du NLS, la glotte était déviée en phonation vers le côté paralysé.
Depuis, certains auteurs ont considéré cet aspect comme le plus caractéristique
et en ont fait un élément déterminant du diagnostic (1,2,8,9). D’autres, ne le
retrouvant qu’irrégulièrement, ont relativisé son importance clinique (10,11).
Selon Arnold (12), la contraction du CT du côté sain entraînerait une rotation du
cartilage cricoïde contre le cartilage thyroïde, inclinant ainsi la glotte postérieure vers le côté paralysé, le degré d’inclinaison étant fonction de l’intensité
de la contraction du CT. En d’autres termes, la déviation de la glotte pourrait ne
pas s’observer en cas de faible contraction du CT sain. C’est ce que semblent
confirmer les expérimentations animales ( voir fig 4) et cliniques de Tanaka
(13).
Fig 4. Tanaka et al, 1994. Présentation shématique de 3 modèles animaux. A) Section du
NLS gauche: Pas de rotation de la glotte en et hors phonation B) Section du NLS gauche et
stimulation électrique du NLS droit : Rotation de la glotte vers la gauche lors de la stimulation C) Section bilatérale du NLS et stimulation électrique du NLS droit : Rotation plus
marquée de la glotte vers la gauche (d’après Tanaka et al.)
L’étude clinique démontre que l’atteinte unilatérale du NLS est d’autant
plus manifeste lors de l’examen laryngé que le CT du côté sain est fortement
activé. L’auteur élabore ainsi le test consistant à demander au patient de produire, sous laryngo-vidéo-fibroscopie, successivement un son grave puis un son
aigu, cette technique permettant d’observer chez 9 patients sur 12, ayant une
paralysie unilatérale du NLS, une déviation de la glotte. L’étendue entre les
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deux notes était variable et n’était pas reliée à l’activité du CT du côté paralysé
ni à la présence d’une rotation de la glotte (voir tableau 4).
Tableau 4. Répartition d’un corpus de 12 patients avec paralysie unilatérale du NLS
(D’aprèsTanaka, 1994)
CT muscle crico-thyroïdien.
* Paralysie vagale haute
! Paralysie du nerf récurrent associée
Outre la déviation de la glotte, d’autres aspects laryngés sont parfois
observés et notamment les caractères effilé, raccourci, arqué du pli vocal paralysé sans que l’absence de ces signes ne puisse cependant écarter l’hypothèse
d’une atteinte du NLS (6,8). Selon certains auteurs, l’aspect arqué (‘bowed
vocal flods’) serait en réalité non pas lié à l’activité du CT, mais à l’atrophie du
muscle thyro-aryténoïdien (TA) (8,14), qui correspond à une atteinte du NR et
non du NLS.
Enfin, des manifestations inflammatoires telles qu’un reflux gastro-oesophagien (RGO) peuvent êtres mises en évidence (58,7% des 126 patients de la
série de Dursun présentent un RGO).
♦ Strobo-vidéo-laryngoscopie
Cet examen est particulièrement important pour démontrer la présence
d’une paralysie ou d’une parésie du NLS. Le pli vocal paralysé semble le plus
souvent ‘lâche’, en deçà du plan normal de vibration, présente une vibration
irrégulière et retardée en phonation (3,13,15). Le pli vocal sain peut recouvrir le
pli vocal paralysé ou parétique. La fermeture glottique peut être incomplète. Ces
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observations sont particulièrement manifestes lorsque le fondamental est élevé
(6) (voir tableau 5).
Tableau 5. Observations vidéostroboscopiques
(D’après Dursun, 1996, 126 patients avec atteinte du NLS)
Des manœuvres spécifiques peuvent mettre particulièrement en évidence
l’atteinte du NLS :
- la répétition saccadée et rapide d’un [i] majore le retard de vibration du
pli vocal paralysé.
- le sifflement est intéressant car il supprime le comportement supraglottique hyperkinétique.
- un glissando dans l’aigu peut montrer le recouvrement du pli vocal paralysé par le pli sain.
♦ Laryngo-électro-myographie
Bien que cet examen soit parfois délicat à effectuer techniquement et
à interp r ê t e r, l’électro - myographie du muscle CT est un outil essentiel
pour confi rmer une suspicion d’atteinte du NLS (16,17,18). La parésie du
NLS se traduit par des potentiels polyphasiques avec un faible re c ru t e-
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ment, qui indique une dénervation partielle avec régénération, tandis que
des potentiels de fi b ri l l ation avec une absence de recrutement traduisent
une para ly s i e.
L’électromyographie laryngée est en outre utile pour écarter la possibilité
d’une pathologie de la plaque motrice telle que la myasthénie.
♦ Pronostic et traitement
L’atteinte virale doit faire l’objet en phase aiguë de traitements par corticoïdes et antiviraux. Pour éliminer un comportement compensatoire hyperkinétique et pour permettre au patient d’optimiser ses performances phonatoires, une
rééducation vocale spécifique est requise. Le gain sera souvent moindre dans les
cas de paralysie complète unilatérale ou bilatérale du NLS qu’en cas d’atteinte
unilatérale. Un traitement chirurgical pourra éventuellement, après plafonnement des résultats avec rééducation, être envisagé, grâce à des procédures de
médialisation ou d’injection de graisse autologue ou de collagène (Dursun,
1996).
La rééducation vocale doit comprendre :
- une explication claire et précise de la nature des troubles ainsi qu’une
information sur l’hygiène vocale
- un travail visant à réduire le comportement compensatoire hyperkinétique axé sur la détente du geste vocal
- des exercices toniques visant à renforcer le côté déficient et à rétablir un
équilibre entre le CT paralysé et le CT sain.
- un travail spécifique de la voix chantée utilisant en particulier les exercices permettant de renforcer et d’augmenter l’étendue vocale (gammes,
a rp è ges, glissandi…). Citons quelques exemples proposés par
F. Estienne (20) et F. Le Huche (19)
- tenir 10, 20, 30 secondes sur une voyelle fermée telle que le [o], sur
un fondamental de confort, puis reproduire cette tenue un demi-ton
plus haut, puis un ton… en essayant de conserver une stabilité de
timbre. Même chose en descendant le fondamental (20),
- transitions de voyelles en s’inspirant du triangle vocalique pour
commencer par les voyelles les plus proches ( ou, o, o ouvert, a; a,
è, é, i, puis le cycle : ou, o, o ouvert, a, è, é, i, u, ou, o….), cela sur
un recto-tono à un fondamental de confort, puis plus aigu, puis plus
grave (20),
- ‘les Créneaux’ : Il s’agit d’un comptage mélodié, les nombres pairs
étant émis sur une note, les nombres impairs un ton plus haut (19),
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- le ‘Bra-bré-bri-bro-bru’: L’émission de chaque syllabe est réalisée
sur une expiration, le ‘r’ étant roulé et la voyelle produite sur un
glissando montant (Gravollet in (19)),
- les ‘Gammes comptées’: ce comptage se fait progressivement, sur
3, 5, puis sur la gamme entière, l’exercice pouvant être transposé à
loisir selon les performances du sujet (19).
♦ Conclusion
La rééducation d’une parésie du NLS prend souvent plusieurs mois. Elle
doit commencer précocément et se prolonger jusqu’à récupération complète ou
stabilisation afin d’éviter l’émergence de comportements compensatoires dysfonctionnels. Ces patients sont confrontés à une modification régulière de leur
larynx de semaine en semaine et présentent de hauts risques de développer des
comportements dysfonctionnels. Ils doivent faire l’objet d’un suivi régulier de la
part du médecin ORL ou du phoniatre, de l’orthophoniste et, dans le cas des
chanteurs, du professeur de chant.
♦ Remerciements
Merci au Professeur F. Flocard, neurologue, et au Docteur E. Roguet,
ORL, pour leur relecture et leurs conseils.
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♦ Services ORL des hôpitaux
Recommandations pour la Pratique Clinique : « Paralysies récurrentielles de
l’adulte ». Editées par la Société Française d’ORL. 2002
Conduite à tenir dans les immobilités cordales unilatérales. Lecocq M., Arias
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Thérapeutique des troubles vocaux. Le Huche F., Allali A. Masson. Paris 1991
Une voix pour tous. G.Heuillet-Martin, H.Gaston-Bavard et A.Legré. Solal.
Marseille 1997
L’équilibre et le rayonnement de la voix. B. Amy de la Bretèque. Solal, Marseille 1997.
Les techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales. B. Amy de
la Bretèque. (PLU). 1998. Les Cahiers d’O.R.L. - T XXXIII - N°2, 68-72
La voix dans tous ses états. Ortho Edition. 2003
Pa ra lysie récurrentielle et immobilités laryngées. Réhab i l i t ation vo c a l e.
Ouvrage collectif coordonné par F. Le Huche et A. Allali. Collection phoniatrie. Masson, Paris (à paraître)
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