OIB Liban Commentaires Programmes de

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OIB Liban Commentaires Programmes de
INSPECTION GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE
Groupe Histoire Géographie
SERVICE DE COOPERATION ET D’ACTION CULTURELLE
Service de l’Enseignement Français
PROGRAMMES D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE
CLASSE DE TERMINALE GÉNÉRALE
Commentaires des programmes
Option Internationale franco-libanaise du baccalauréat
En histoire : le programme sera traité en 57 à 62 heures
Regards historiques sur le monde actuel
Thème 1 – Le rapport des sociétés avec leur passé (10-11 heures)
Les mémoires de la présence ottomane au Liban : il s’agit de comprendre la contribution de l’héritage
culturel ottoman dans la culture libanais contemporaine. La mise en œuvre peut se faire par le biais
de la langue, de la gastronomie, du patrimoine architectural et des tentatives de préservation dont il a
fait l’objet, ainsi que de la volonté française, à partir du mandat de 1920, de minimiser la réalité de
l’influence ottomane sur le Liban.
Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale : la mise en œuvre est identique au programme NOIB.
Les mémoires de la guerre civile libanaise : Malgré l’existence de mémoires parallèles et de
nombreuses manifestations mémorielles à travers différents domaines (cinéma, littérature, recherche
universitaire…), le processus de construction d’une mémoire collective faisant consensus à l’échelle
nationale en est encore à ses balbutiements. Les souvenirs traumatiques de cette période récente
demeurent très vifs. La constitution d’une mémoire nationale se heurte aux limites du système
confessionnel et empêche l’émergence d’une véritable société civile. La mise en œuvre de la question
pourrait se faire en collaboration avec le programme de langue et littérature arabes. Le thème
« pouvoir et liberté » y est, en effet, abordé par le biais de la littérature de guerre qui est une thématique
très importante dans le corpus littéraire libanais.
Les enseignants veilleront à utiliser la variété des sources par lesquelles s’expriment les mémoires,
qu’elles soient individuelles ou collectives (cinéma, presse, chansons populaires, pièces de théâtre…).
Dans le cadre de l’épreuve orale, cette question est particulièrement adaptée à la présentation d’une
réponse argumentée.
Thème 2 – Idéologies et opinions de la fin du XIXe siècle à nos jours (8-9 heures)
Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France et dans le monde de la fin du
XIXe siècle à nos jours : la mise en œuvre est identique au programme NOIB.
En ce qui concerne la deuxième mise en œuvre (Médias et opinion publique dans les grandes crises
politiques au Liban de la fin du XIXe siècle à nos jours), les professeurs sont libres de choisir les
exemples qui leur apparaissent les plus pertinents pour mener à bien cette étude. Ils ne doivent pas
s’appliquer à une présentation exhaustive mais s’appuyer sur des événements concrets pour faire
ressortir les grandes lignes d’évolution du rapport entre les canaux de diffusion de l’information et la
construction de l’opinion publique. Ils doivent poser la question de la formation de l’opinion publique
et de sa relation à la sphère politique.
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Il ne faut pas écarter la question de la temporalité entre le choc de l’événement qui est advenu, sa
réception immédiate, la maturation de l’opinion publique et la construction d’une réaction collective
dans l’espace public.
Le traitement de la mise en œuvre s’effectue au moyen d’études de cas dont le choix est laissé aux
enseignants en fonction de la périodisation.
Thème 3 – Puissances et tensions dans le monde de 1918 à nos jours (12-13 heures)
La question portant sur « les chemins de la puissance » (États-Unis et Chine) demeure identique
au programme NOIB.
Le traitement de la seconde question, « un foyer de conflits », est identique au programme NOIB
à l’exception d’une mise en perspective finale qui permet d’approfondir le cas du Liban dans son
environnement géographique et géopolitique.
En introduction, il convient de s’interroger sur la notion de frontière au Moyen Orient. La mise en
perspective finale doit faire prendre conscience que la diversité des causes de tensions et de conflits
au Moyen-Orient peut être appréhendée à travers une approche multiscalaire et plurielle du territoire
libanais. La mise en œuvre privilégie l’étude de carte à différentes échelles pour montrer la pluralité
culturelle et économique, en lien avec les héritages historiques et l’évolution de la situation
géopolitique du Liban dans son espace régional. L’étude d’une carte illustrant la géopolitique du
Moyen-Orient, tout particulièrement les conséquences du conflit israélo-palestinien au Liban, peut
être l’occasion de revenir sur les événements qui ont abouti aux accords du Caire (1969) qui
reconnaissent la présence militaire palestinienne au Liban.
Le thème se prête également à la préparation des élèves à la démarche du débat argumenté.
Thème 4 - Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale
à nos jours (11-12 heures)
Le thème est identique au programme NOIB.
Thème 5 - Le Liban de l’indépendance à nos jours : constructions institutionnelles et contraintes
politiques, politiques publiques et réalités sociales, poids de l’histoire et environnement
extérieur 16-17h)
La première question se décline en plusieurs mises en œuvre.
Il convient tout d'abord de revenir sur l'affirmation de l'indépendance du Liban, qui passe par sa
reconnaissance à l'échelle internationale : il figure parmi les 50 États fondateurs de l'ONU et fait
partie des pays fondateurs de la Ligue arabe. Le Liban y voit reconnus son identité propre (pays arabe,
de langue arabe, mais multiculturel et pluriconfessionnel), son territoire et sa souveraineté.
Ceci s'avère un atout certain quand le Conseil de sécurité examine la plainte conjointe du Liban et de
la Syrie pour exiger l'évacuation totale des troupes étrangères de leur territoire. Cette première mise
en œuvre se clôt donc sur les réticences françaises à quitter le territoire libanais. La France reste
préoccupée par les ambitions de son allié britannique au Levant. Les derniers militaires français
évacuent le Liban le 31 décembre 1946.
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Le Liban est désormais pleinement souverain, au terme d'un processus d'une décennie marquée par
des volontés contrariées ou contraires, la guerre et le conflit fratricide de Syrie, le jeu des puissances
dont le Levant est un enjeu.
La deuxième mise en œuvre peut s'appuyer sur une chronologie commentée, afin de faciliter le
repérage entre les présidences successives et de dégager des éléments de synthèse.
Le Pacte national, considéré comme le pilier de la vie politique du Liban souverain, est un consensus
oral entre élites libanaises établissant un partage des pouvoirs sur une base confessionnelle (à partir
du recensement, certes discutable, de 1932). Il concerne aussi l'indépendance du pays. Les chrétiens
maronites, en effet, renoncent à placer le Liban sous la protection d'une puissance occidentale, tandis
que les musulmans sunnites abandonnent tout projet de grande Syrie et d'unité arabe. La Constitution
de 1926 est conservée en garantissant les droits de l'Homme et la démocratie, et révisée pour effacer
toute référence au Mandat.
Le cours doit ensuite s'attacher à analyser la difficulté à maintenir des institutions démocratiques
stables, dans le contexte d’un Etat taraudé entre le maintien d’un équilibre confessionnel qui ne tient
pas compte des évolutions sociales et démographiques, de la persistance des allégeances claniques et
familiales, et des répercussions d'une situation régionale et de ses nombreuses évolutions (Guerre
froide, conflits israélo-arabe et israélo-palestinien).
La deuxième question (Le Liban de 1975 aux accords de Taëf) ne consiste pas en l'étude de plus de
quinze années de guerre proprement dites. L'analyse des causes et la présentation synthétique de la
complexité de ce conflit aux dimensions multiples (civile, régionale et internationale) permet de
montrer dans la deuxième mise en œuvre la paralysie de l'État libanais qui entérine l’éclatement
confessionnel, et l’exacerbation des tensions communautaires ainsi que l’escalade de la violence.
L’étude met enfin l’accent sur l’importance des accords de Taëf dans le retour de l’État. Adoptés par
59 députés le 24 octobre 1989, ces accords sont suivis de l'adoption par les députés d'importants
amendements constitutionnels, comme la parité entre chrétiens et musulmans dans la représentation
parlementaire. La IIe République libanaise est mise en place.
C'est dans ce contexte qu'une nouvelle intervention syrienne est lancée en 1990, à la demande de la
présidence libanaise et avec l'accord tacite des États-Unis sur le point de s’engager dans la première
guerre du Golfe. Cette intervention vise le général Aoun, dont les projets politiques ont été rejetés et
qui a lancé l'armée contre les milices qui lui sont hostiles.
La troisième question doit aborder le désarmement des milices, les lois d’amnistie de 1991 ainsi que
les traités syro-libanais signés la même année. Ceux-ci reconnaissent l'indépendance du Liban d'une
part et consacrent l'influence (politique, militaire et socio-économique) de la Syrie d'autre part.
L'influence étrangère ne se limite pas à celle de la Syrie. La résolution 1559 de l'ONU et la guerre
israélo-libanaise de 2006, dite « guerre des trente-trois jours », en sont autant d'illustrations. Le Liban
reste le jeu des acteurs régionaux. Si Israël se retire du Sud-Liban (23 mai 2000), les cartes sont
redistribuées en faveur du Hezbollah qui se veut le garant de l'intégrité du territoire libanais.
La deuxième mise en œuvre sera abordée par le biais d’une étude de cas, consacrée à la « Révolution
du Cèdre » (appelée aussi le « printemps libanais », ou encore le « printemps de Beyrouth ») de 2005
et à ses répercussions sur la recomposition du paysage politique national sur la base de deux coalitions
principales : le Mouvement du 14 mars et l'Alliance du 8 mars.
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Si cette révolution issue des profondeurs de la société libanaise illustre une prise de conscience et une
mobilisation citoyenne fortes, il s'agit de montrer la difficulté de parvenir à un consensus politique à
partir d'intérêts nationaux et régionaux opposés, dans le cadre de crises régionales à dimensions
internationales (Syrie, État islamique).
C’est dans ce contexte que la vie politique libanaise connait une succession de périodes de crise
(assassinats d'hommes politiques ou d'intellectuels) et d'apaisement (accord de Doha du 21mai 2008)
où l'État peine à imposer son autorité.
En géographie : le programme sera traité en 57 à 62 heures
Mondialisation et dynamiques géographiques des territoires
En ce qui concerne la deuxième mise en œuvre de la deuxième question du thème 2 : Les espaces
maritimes : approche géostratégique, la situation politique, diplomatique et militaire de la
Méditerranée fait l’objet d’un développement appuyé sur des cartes à plusieurs échelles et aux
différents moments de l’histoire contemporaine, en relation avec le programme d’histoire. L’exemple
du canal de Suez y est étudié.
La question des migrations en Méditerranée peut aussi fournir une étude de cas, dans le cadre général
des relations entre l’espace méditerranéen et l’Union européenne.
Annexe : Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques au Liban de la fin du
XIXe siècle à nos jours
La presse libanaise et l’opinion publique du temps de l’empire ottoman
À cette époque, L’Égypte est sans conteste le berceau de la presse arabe écrite. Ce sont des Levantins
installés pour fuir l’oppression ottomane qui y lancent les premiers journaux et périodiques. L’une
des créations les plus significatives est le quotidien al-Ahrām (Les Pyramides), fondé par deux frères
levantins, Salīm et Bišāra Taqlā en 1876 à Alexandrie avant d’être transféré au Caire. Ce titre continue
d’occuper une place de premier choix dans le paysage de la presse égyptienne.
Au Mont-Liban, Hadīqat al-Akhbār (Le Jardin des Nouvelles) voit le jour en 1858. C’est le premier
journal à paraître dans la région sous l’impulsion de Khalīl al-Khoury. Plus de 1500 titres de
périodiques paraissent entre 1858 et 1929. Il s’agit surtout de tribunes destinées à des poètes ou à des
écrivains, des intellectuels, des politiciens, des religieux1.
L’autonomie dont jouit le Mont Liban sous la protection de la France et de la Grande Bretagne, prend
fin en 1914 avec l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux cotés de l’Allemagne. Le pays est alors
directement soumis à l’autorité ottomane qui entreprend de faire la chasse aux nationalistes,
notamment à ceux qui diffusent leurs idées à l’aide des journaux.
Cette nouvelle presse ne se distingue de celle du siècle précédent que par un engagement politique de
plus en plus revendicatif, ce qui va coûter la vie à des nombreux journalistes exécutés sur la place
1
Au début du 20ème siècle, des journaux aussi bien politiques que culturels, ont été fondés par des écrivains célèbres :
Al-Barq (L’Éclair,1908), hebdomadaire politique créé par le poète Bišāra al-Khoury, Al-ʿUrfān (La Connaissance,1909),
périodique culturel, fondé à Saida par le Cheikh Ahmad ʿĀref al-Zen et qui continue à paraître, Al-Šaʿab ( Le Peuple,
1911), hebdomadaire politique de l’écrivain Rašīd Nakhla. C’est de cette période que date également la création d’alHawādith (Les Événements) à Tripoli par Lutfallah Khlāt.
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publique en 1916, accusés de haute trahison. De 1914 à 1920, du fait de la répression, peu de titres
paraissent au Liban : 90% de la presse libanaise est éditée à l’étranger pendant la Première Guerre
mondiale.
À cette presse implantée dans l’espace qui va devenir plus tard le Liban, il faut ajouter la
multiplication des publications outre-mer, en lien avec la constitution d’importantes diasporas
libanaises à partir des années 1860-1870.
La prise en compte de cette période doit permettre de mettre en exergue le combat nationaliste porté
par le biais de la presse contre la présence ottomane et les conséquences qui en ont découlé en termes
de persécution à l’intérieur du Mont-Liban. L’opposition s’organise depuis l’extérieur. Il serait à ce
titre très intéressant d’inclure dans cette étude la presse libanaise de la diaspora (Égypte en premier
lieu, mais aussi l’Amérique latine, Amérique du Nord, l’Europe, notamment la France). À ce moment,
ces organes de presse, fondés par des hommes de lettres qui maintiennent encore des liens très étroits
avec leur patrie d’origine, sont très mobilisés dans ce combat.
Médias et opinion publique sous le mandat français : 1920-1943
La presse demeure le média quasi-exclusif pendant cette période. Cependant, c’est à cette époque que
les autorités françaises créent la station de radio « Radio Orient », le 3 septembre 1938. Les
programmes sont essentiellement culturels et politiques. Elle passe sous le contrôle de l’État après
l’indépendance et devient « Radio Liban » en 1946.
Le retour des journalistes après la Première Guerre mondiale relance la presse libanaise. Elle
s’organise pour défendre ses droits avec la fondation du premier syndicat de la presse (1919) et du
syndicat des propriétaires de journaux (1932). Cependant, certains éléments de la loi ottomane sur la
presse restent en vigueur jusqu’en 1924, date à laquelle les autorités françaises établissent une
nouvelle loi, appliquée aux pays placés sous leur contrôle. Selon cette loi, le directeur de publication
doit avoir un casier judiciaire vierge, savoir lire et écrire la langue maternelle du journal et déposer
une caution de 500 livres syriennes. De même, le vendeur ambulant chargé de vendre les exemplaires
du journal dans la rue doit à son tour obtenir une autorisation et il lui est interdit de crier les
informations importantes en vue d’attirer le public. Un décret de 1926 impose l’autorisation préalable
et rend le directeur et l’imprimeur co-responsables de toute infraction commise. Une bonne partie des
titres de presse naît entre les deux guerres mondiales dans les conditions que nous venons de décrire2.
L’étude de cette période du mandat français, et tout particulièrement de la montée du nationalisme
libanais, est un des points focaux de cette leçon. Elle permet aisément de montrer le rôle que joue la
presse d’opinion qui s’affirme alors dans les processus de structuration et de mobilisation d’une
opinion publique libanaise. Il s’agit de montrer qu’à travers l’affirmation d’une véritable presse
d’opinion, la société civile libanaise devient un acteur de plus en plus important de la vie politique et
sociale du territoire sous mandat.
En effet, la presse libanaise se lance activement dans la lutte politique et nationaliste, en particulier à
partir des années 1930. Les négociations menées en 1936 entre la France et ses mandats du Levant
confirment un processus d’indépendance séparée de la Syrie et du Liban. Ce moment peut être pris
al-Hurriyya (La Liberté, 1918), qui devint par la suite l’organe des nationalistes arabes, al-Dabbūr (Le Frelon, 1923),
hebdomadaire satirique de Yūsif Mkarzel, al-Nahār (le Jour, 1933) fondé par Ğibrān Twaynī, al-ʿAmal (Le Travail, en
1938), hebdomadaire puis quotidien porte-parole des Katā’ib (les Phalanges), composé surtout des chrétiens maronites,
al-Hadaf (Le But, fondé en 1942 par Saʿīd Frayha), organe du parti al-Nağğāda, composé en majorité de musulmans
sunnites, al-Sayyad (Le Chasseur, fondé en 1943), hebdomadaire politique et satirique, devenu, par la suite, une entreprise
de presse puissante possédant plusieurs publications à vocation politique et récréative, dont la plus célèbre était le
quotidien du même nom (1959).
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comme étude de cas consacrée à cette période. La presse y joue un rôle important pour la
médiatisation des débats d’idées qui mobilisent l’opinion publique autour des grands enjeux
politiques du moment.
Les autorités françaises multiplient les pressions contre la presse nationaliste opposée à leurs desseins
tout en dispensant des subventions pour attirer des partisans à la cause de la puissance tutélaire3 .
Deux tendances se partagent la presse sous le mandat français dès 1920 : l’une, soutenue par des
formations politiques panarabes et par un sentiment diffus dans la population musulmane qui réclame
l’union avec la Syrie et revendique l’appartenance du Liban à son environnement arabe, l’autre,
défendue notamment par certains partis chrétiens maronites, soutient, à des degrés différents, l’idée
d’un Liban indépendant attaché aux valeurs et aux modes de vie occidentaux. Toutefois à partir de
1941, durant l’épreuve de force qui les a opposés aux Français, les deux partis ont tendance à se
ranger du même côté pour réclamer la fin du mandat français. La presse joue pleinement son rôle de
caisse de résonnance des débats qui agitent les milieux nationalistes et c’est essentiellement par son
biais que les leaders du moment cherchent à mobiliser l’opinion publique en faveur de leur lutte4. Les
principaux journalistes engagés dans le combat nationaliste sont alors Mīšāl Šīhā, Ğibrān Twaynī,
Ğūrğ Naqqāš, Mīšāl Zakkūr, Šibl Dammūs, Yūsif al-Khāzin5.
Les médias et la guerre du Liban : 1975-1990
Cette période représente une inflexion importante au niveau des médias libanais. Le déclenchement
de la guerre marque, pour la presse écrite, la fin d’une période de prospérité et d’expansion : de
l’indépendance au déclenchement de la guerre civile, 213 publications paraissent au Liban 6. L’essor
de la presse n’est entravé par les débuts du développement de l’audiovisuel qu'à partir des années
19607.
Les publications politiques liées aux organisations armées qui s’affrontent dans le pays se multiplient
pendant la guerre. La presse écrite et l’ensemble des médias audiovisuels sont instrumentalisés. On
assiste à un développement « anarchique » de la presse écrite, mais aussi de la radio et de la télévision,
en dehors de tout contrôle de l’État. Les progrès techniques (télex, ordinateurs, NTIC…) favorisent
cette prolifération. On compte plus de vingt radios privées, au plus fort de la crise, diffusant pour la
plupart des programmes politiques8.
Au total, une cinquantaine de chaînes de télévision émettent sans licence sur tout le territoire libanais,
des programmes politiques et de variétés, en langue arabe dans leur majorité.
La mise en œuvre de cette période prend en compte les médias étrangers ainsi que les agences de
presse internationales qui œuvrent sur le terrain pendant cette période. Ils occupent une place
Leur journal de prédilection était «L’Orient» (1924), journal de langue française, fondé par un chrétien, Ğūrğ Naqqāš,
hostile à la fois aux thèses nationalistes arabes et à l’influence anglaise.
4
L’ouvrage de Denise Ammoun, Histoire du Liban contemporain, t.1 (1860-1943), Paris, Fayard, 1997, offre une mise
au point détaillée des événements de cette période ainsi que des allusions intéressantes au rôle politique de la presse.
5
Gérard Figuié, Le Point sur le Liban, Paris, éd. Maisonneuve et Larose, 1998, p.470.
6
Par exemple, les quotidiens al-Kifāh al-ʿArabī (Le Combat arabe), al-Ğarīda (Le Journal), al-Safīr (L’Ambassadeur)…
En 1971, on assiste à la fusion des journaux L’Orient et Le Jour pour former l’Orient-Le Jour.
7
À partir de 1962, la radio officielle du Liban étend ses émissions quotidiennes en direction de certains pays d’Afrique,
d’Amérique et d’Europe pour la diaspora libanaise. En 1959 naît la première chaîne de télévision au Liban, premier pays
arabe à se doter d’une télévision nationale. Il s’agit d’une création franco-libanaise qui diffuse au départ surtout des
émissions francophones de divertissement. Une télévision privée apparaît en 1962, financée par des capitaux américains,
Téléorient.
8
Entre autres exemples, en 1984, la Lebanese Broadcasting corporation (LBC) voit le jour. Elle est l’organe officiel des
forces libanaises avec la Radio Liban Libre (R.L.L) et l’hebdomadaire al-Masīra (La Marche) et devient plus tard la LBCI.
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importante dans la médiatisation du conflit (Sabra et Chatila par exemple). On assiste, par le biais de
cette fragmentation médiatique, à une instrumentalisation au service de « micro-États » dont la
mainmise sur les médias permet de contrôler communautés et territoires.
La journée nationale des martyrs de la presse du 6 mai fait une place très importante aux journalistes
libanais tombés pendant la guerre civile. Une trentaine de journalistes et de photographes de presse
payent de leur vie l’exercice de leur métier sur le terrain libanais, certains victimes collatérales des
combats, d’autres assassinés… Aborder cette période, à travers une étude de cas, doit permettre
d’appréhender les phénomènes évoqués. On peut partir du traitement médiatique d’un événement
précis, par exemple l’opération « Paix en Galilée », pour bien montrer l’instrumentalisation de
l’actualité par la propagande. Il s’agit aussi de rendre compte des immenses difficultés rencontrées
par certains médias et des risques encourus, en particulier par leurs journalistes, dans leur volonté
d’exercer un journalisme d’information et d’investigation qui cherche à prendre ses distances par
rapport aux différentes factions engagées.
Médias et crise politique au Liban depuis les accords de Taëf (1990 à nos jours)
Le retour de l’État et des médias nationaux
La question est complexe, sensible, mais il semble que l’on ne puisse pas l’éluder dans le cadre de
cette dernière séquence chronologique. Il s’agit d’histoire «immédiate » et le recul nous manque
encore davantage que pour la période précédente. L’enseignant veillera à ne pas adopter ou à ne pas
faire adopter des positions trop tranchées. Certes, le retour de l’État, en tant que législateur pour
l’ensemble du territoire national et des communautés qui y vivent est patent. Il s’efforce de normaliser
le paysage médiatique et de forger des vecteurs médiatiques véritablement nationaux.
Cependant, de multiples facteurs et événements brouillent les cartes, révélant des situations fort
diverses, conséquences de la complexité politique, géopolitique et culturelle du pays.
La fin de la guerre civile ouvre une période d’évolutions et de transitions dont certains effets
perdurent. L’État s’efforce de reprendre ses prérogatives et entreprend de normaliser et de
réglementer la situation du paysage médiatique tant au niveau de la presse écrite que de l’audiovisuel,
tandis que les chaînes de télévision et de radio privées se multiplient. Pendant cette période, on assiste
au déclin de plus en plus marqué de la presse écrite au profit des médias audiovisuels.
L’information télévisée fait sentir son poids de plus en plus important au cours des années 1990.
L’État tente avec difficulté d’imposer une règlementation sur l’information télévisée, radiodiffusée
et écrite. Des journaux sont suspendus ou soumis à de sévères amendes. Un conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA) est créé en 1995. Il est chargé d’étudier les problèmes posés par la prolifération
des chaînes de radio et de télévision et de donner des homologations aux dites chaînes à condition
qu’elles respectent le cahier des charges défini par la loi sur l’audiovisuel.
La réorganisation de l’audiovisuel montre toutefois la complexité de la situation : LBCI, Future
Television, M.T.V et National Broadcasting ont obtenu l’homologation pour diffuser des bulletins
d’information et des programmes politiques. La chaîne de télévision al-Manār (Le Phare) n’est pas
initialement retenue car elle ne remplit pas les conditions du cahier des charges.
Finalement, elle reçoit l’autorisation d’émettre « du fait que le Hezbollah est le fer de lance de la
résistance contre l’occupation israélienne dans le sud du pays » (Figuier, 2005). Par souci d’équilibre
confessionnel, une télévision chrétienne, Télé-Lumière, bénéficie du même traitement.
Parallèlement, la publicité connaît un essor sans précédent : elle assure le financement de la plupart
des chaînes privées. Le Liban, à partir des années 80, s’ouvre massivement aux flux médiatiques
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extérieurs par l’intermédiaire des antennes paraboliques et des satellites. Ce marché échappe presque
totalement au contrôle de l’État.
L’ouverture publicitaire ne garantit pas forcément l’indépendance des médias. Le marché publicitaire
libanais est somme toute restreint, partagé entre une dizaine de chaînes de télévision locales, sans
compter les médias satellitaires, une quinzaine de journaux, ainsi qu’une cinquantaine de magazines :
il ne peut suffire à financer l’ensemble du paysage médiatique libanais, en particulier lorsqu’on sait
que le budget moyen d’une chaîne de télévision s’élève à environ 25 millions de dollars américains
par an. Pour émettre, les médias ont nécessairement besoin du soutien financier d’investisseurs aussi
bien locaux qu’extérieurs. Ce peut être un moyen de pression et d’influence d’acteurs extérieurs au
Liban susceptibles de soutenir les intérêts des puissances régionales9.
Un nouveau paysage médiatique grâce aux NTIC
Les années 2000 marquent l’apparition du numérique dans le paysage médiatique libanais. La
campagne électorale de 2008 pourrait faire l’objet d’une étude de cas. Les médias demeurent soumis
à l’article 13 qui énonce certaines restrictions à la liberté d’expression. Elle aurait été très marquée
par la présence des nouveaux médias, notamment le phénomène de l’Internet participatif via
l’utilisation de plateformes comme Facebook, YouTube, Twitter entre autres. De multiples sites Web
voient le jour en 2006, après la guerre du mois de juillet qui a opposé le Hezbollah à l’armée
israélienne.
Ces sites permettent un accès instantané à l’information. Ils sont aujourd’hui régulièrement consultés
par la population libanaise et sont cités à de nombreuses reprises, à travers la presse ou la télévision.
Pour le moment, ce phénomène Internet reste calqué sur le modèle médiatique libanais, puisque la
plupart de ces nouveaux sites, bien que se présentant sous un format « indépendant », sont financés
et affiliés à un parti politique ou à une communauté. Il en est de même pour l’Internet participatif, qui
sert d’outil marketing pour la plupart des candidats aux élections parlementaires. Internet demeure
coûteux au Liban. Il n’est pas encore sous le contrôle de la loi, sans être pour autant un espace total
de liberté.
Cependant une voix alternative, encore minoritaire, se développe à travers les blogs et les nouveaux
réseaux sociaux même si des blogueurs ont été inquiétés par la justice. L’installation de l’Internet
rapide, ainsi que l’utilisation massive des téléphones portables et autres smartphones intégrant une
mini-caméra vidéo, permettent à la population libanaise de témoigner sur son environnement et de
mettre en place un nouveau journalisme dit « citoyen »qui aurait une vocation plus indépendante. Ce
phénomène reste encore marginal, mais bénéficie d’un développement rapide qui serait susceptible à
l’avenir de concurrencer les médias traditionnels. Selon certains spécialistes (J. Saada), cette
évolution du paysage médiatique libanais pourrait permettre d’atténuer la bipolarisation médiatique
à laquelle on assiste depuis 2005, dans le sillage de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic
Hariri.
Julien Saada, chercheur sur l’axe Moyen Orient de la chaire Raoul Dandurand en études diplomatiques et stratégiques
de l’UQAM, Le rôle des médias dans les dynamiques communautaires au Liban, http://www.affairesstrategiques.info/spip.php?article1463
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