2009-Archeo-Le Vase Portland-Dasen
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Le Vase Portland Plan 1. Introduction 2. Description 3. La technique du verre de camée 4. Histoire et restaurations 5. Interprétations 6. Conclusion 7. Bibliographie 1. Introduction Le Vase Portland est un vase romain en verre de camée. Il fut très célèbre dès sa découverte à la Renaissance jusqu’au XVIIIe siècle où il inspira de nombreux artistes. Il est aujourd’hui encore l’objet de nombreuses controverses, notamment au sujet de sa datation, de sa fabrication ainsi que des scènes qui y sont représentées. Depuis 1945, il est la propriété du British Museum, où il est exposé 1 (salle 70) depuis 1810. 2. Description Le Vase Portland est une amphore (dont le pied conique a été brisée, peut-être dans l’Antiquité) en verre de camée bleu cobalt et blanc, d’une hauteur de 24 cm et d’un diamètre maximum de 17.7 cm. D’après le style de ses décorations, il s’agirait d’une œuvre italienne. Il est toutefois probable qu’il ait été réalisé par des verriers alexandrins. En effet, la technique du verre de camée est probablement originaire d’Alexandrie qui était un centre de manufacture du verre important (Haynes, 23). 1 Numéro dʼinventaire GR 1945.9-27.1 (Gems 4036) On peut dater sa fabrication approximativement entre 50 avant J-C et la fin du Ier siècle après J-C, c’est-à-dire entre l'émergence de la technique du verre soufflée et les derniers témoins de verres camées provenant de Pompéi, donc antérieurs à 79 après J-C. Toutefois, certains scientifiques prétendent qu’il s’agit d’une œuvre de la Renaissance (Jerome Eisenberg, dans la revue Minerva de 2003, article introuvable). Le Vase Portland ayant beaucoup inspiré les artistes de cette période, il est toutefois difficile de soutenir que celui-ci à été fabriqué à la même époque. Il est possible de le dater plus précisément en le comparant à différentes œuvres similaires. Il est antérieur à la Gemma Augustea (10 après J-C), car son relief est moins complexe, et contemporain de l’Ara Pacis (9 avant J-C) dont la représentation de Tellus porte une coiffure similaire à celles des figures F et G. Haynes (24) y voit également un style proche du deuxième style pompéien (20 avant J-C) dans l’organisation bi-dimensionnelle et l’aspect estompé du décor en opposition à l’aspect sculptural des figures. De plus, Painter et Whitehouse (Newby, 41) ont montré la ressemblance entre la figure A et la cornaline intitulée Diomède et le Palladium (20 avant J-C) signée par Dioscoride (Dioskouridès), graveur renommé pour son affiliation à la Gens Iulia. Les scènes représentées forment, suivant les interprétations, soit une frise continue, soit deux scènes distinctes. Comme l’ont fait remarquer Painter et Whitehouse (Newby, 39), il est plus vraisemblable qu’il s’agisse de deux scènes séparées, étant donné que la forme du vase ne permet de voir qu’une seule scène à la fois et que celles-ci sont séparées par les anses, elles-mêmes soulignées par des masques de Pan. Nous commencerons donc par décrire la première scène (la face A ou I selon les auteurs). Au centre de celle-ci est assise une femme à moitié nue (figure B) qui tient par le bras gauche un monstre marin (ketos, Haynes, 17) ou un serpent. Son corps est tourné à droite, vers la figure C, avec laquelle elle semblait en discussion au moment où la figure A, à gauche, vers laquelle elle tourne la tête, entre dans la scène en passant sous un portique. La figure A est un jeune homme nu qui ressemble à Auguste (Newby, 39) et la figure C est un homme mûr, nu et barbu. Au-dessus de la femme vole un Eros-Cupidon portant un arc dans la main gauche et une torche dans la main droite. La deuxième scène (face B ou II selon les auteurs) présente trois figures assises, à moitié nues. Les figures D (un jeune homme) et F (une jeune femme tenant un sceptre) regardent la figure E, presque couchée, au centre, laissant tomber une torche dans un geste de lassitude. A ses pieds gît un chapiteau de colonne. 3. La technique du verre de camée Le verre de camée (cameo-glass) est appelé ainsi en référence aux camées, c’est-à-dire aux pierres à plusieurs couches de couleurs qui étaient incisées afin de faire ressortir un fond de couleur différente du premier plan (comme, par exemple, la Gemma Augustea ou le Grand Camée de France). On a d’ailleurs longtemps cru que le Vase Portland était en pierre, mais ce n’est pas le cas. Il est en verre, c’est un fait avéré (Williams, 5). Mais sa conception ne fait pas l’unanimité. Pour William Gudenrath, maître-verrier au New York Experimental Glass Workshop (Williams, 16), les vases en verre de camée tels que la cruche d’Auldjo ou le Vase Bleu (trouvés à Pompéi), ainsi que le Vase Portland, ont été réalisés en soufflant une masse de verre bleue ensuite plongée dans du verre blanc. Selon ses propres tentatives de reconstitution, une fois obtenue la forme définitive du vase, celuici était transmis à un graveur qui entaillait la surface de verre blanc (les figures) afin de faire ressortir la surface bleue (le fond). Rosemarie Lierke (Lierke et Lindig, 189) propose une autre théorie, variante de la sigillée, qui aurait le mérite de permettre une exécution plus rapide — l’hypothèse de Gudenrath nécessitant un travail d’environ deux années. La proposition de Lierke est donc de créer d’abord un vase en terre cuite qui aurait exactement la forme du vase final, formes en relief comprises. Après avoir fait un moule de ce modèle, on remplit les parties creuses du moules d’une poudre blanche. Le verrier presse une masse de verre bleu en fusion à l’intérieur de ce moule afin que celui-ci prenne sa forme. Au contact du verre en fusion, la poudre blanche fond et remplit les creux du moule tout en se collant à la masse de verre bleu. Le verrier peut ensuite retirer la masse refroidie et donner sa forme définitive au vase. Ensuite, c’est uniquement un travail de retouche qui est effectué par le graveur. 4. Histoire et restaurations La première mention du Vase Portland remonte à une lettre de l’hiver 1600-1601 (Haynes, 7) qui nous apprend que le vase est montré au Palazzo Madama, à Rome. Il aurait été découvert peu avant, en 1582, au Monte del Grano, au sud-est de Rome, près de la porte San Giovani, dans une tombe sévérienne, par le graveur Pietro Bartoli (1697) (Williams, 26). Après avoir changé plusieurs fois de propriétaire, il devient propriété de la famille Barberini — d’où son premier nom de Vase Barberini (cité dans Aedes Barberini, Girolamo Teti, 1642). A la fin du XVIIe siècle, le vase est un «must-seen» pour tous les jeunes hommes qui font le Grand Tour et s’emplissent les yeux des merveilles de l’Europe continentale. Mais la fortune des Barberini décline tant qu’en 1783 le vase est vendu à James Byres qui en fait réaliser soixante copies, les premières d’une longue série de copies, d’imitations et de fac-simile à travers les siècles. Puis l’ambassadeur britannique Sir William Hamilton acquiert le vase auprès de son compatriote puis le revend à la Duchesse de Portland en 1784. Celle-ci décédera l’année suivante, en ayant au passage donné son nom au vase qui ne sera plus Barberini. En 1810, le quatrième duc de Portland remet le vase au British Museum de Londres, où il coule des jours heureux jusqu’au 7 février 1845 quand un jeune Irlandais ivre renverse, vers 15h45, une sculpture qui s’écrase sur la vitrine contenant le vase et celui-ci est brisé en 189 morceaux. D’une prouesse qui fait encore rêver les conservateurs de musées d’aujourd’hui, John Doubleday parvint à recoller le vase en sept mois seulement. (Il s’agit donc de la première restauration moderne du vase.) L’Irlandais, un pauvre bougre désargenté, ne pouvait pas être condamné à payer une amende pour un objet valant plus de cinq livres. Astucieux, le juge constata que la vitrine ne valait que trois livres. Il fut donc condamné à verser cette somme. Comme il ne l’avait pas, il fut envoyé aux travaux forcés, desquels il fut toutefois libéré après quelques jours. On raconte que le duc de Portland luimême versa la caution, afin de ne pas entacher l’auguste nom de sa famille en blâmant un pauvre hère. So british… Oublié, ayant perdu sa gloire d’antan, le Vase Portland ne trouve pas d’acquéreur aux enchères de Christie’s, en 1929. Il sera donc vendu en 1945 au British Museum pour une somme dérisoire. En 1947, le musée reçoit de petits fragments de verre sensés appartenir au vase. On décide alors d’effectuer la deuxième restauration : on décolle chaque morceau de verre, puis on les recolle soigneusement. Malheureusement, le temps fait des ravages et une troisième restauration est opérée en 1988-1999. Nigel Williams, le maître d’œuvre de cette ultime restauration, décollera puis recollera tous les morceaux du vase, après avoir fait un relevé photographique précis et un nettoyage, et après avoir comblé les «trous» avec de la résine epoxy, le tout sous l’œil des caméras de la BBC qui en ont profité pour réaliser un documentaire. Toute cette démarche s’inscrivait dans le cadre d’une grande exposition sur le verre romain (Newby, vii). Williams promet que le vase tiendra au moins un siècle sans nouvelle restauration (Williams, 29)… 5. Interprétations Painter et Whitehouse (Newby, 42-45) relèvent, en 1991, trente-trois interprétations datée entre 1642 et 1988, avant d’y ajouter la leur. Néanmoins, nous citerons une hypothèse largement acceptée aujourd’hui (Painter et Whitehouse dans Newby 37-40, Walker, etc.) : 5.1. Scène A ou I Atia, la mère d’Auguste, au centre (figure B) est fécondée par un serpent. Cupidon survole le couple et regarde, de même qu’Atia, le fils qui naîtra de leur étreinte — c’est-à-dire Auguste (figure A). L’homme barbu (figure C) à gauche est Romulus ou Neptune — qui joua un grand rôle dans la victoire d’Auguste à Actium — et le serpent est la forme adoptée par Apollon pour féconder Atia (Haynes, 20). 5.2. Scène B ou II Hécube au centre (figure F) donne naissance à une torche. Apollodore (3, 148) nous apprend qu’Hécube, juste avant la naissance de Pâris, elle rêva qu’elle donnait naissance à une torche qui enflammait Troie. En effet, Pâris, par l’enlèvement d’Hélène, sera la cause de la destruction de Troie, d’où le chapiteau gisant au pied de la figure F. Pâris, à gauche, (figure E) assiste au rêve de sa mère, donc à sa propre conception (parallèle avec la scène A). La figure G, enfin, est Vénus, la déesse que Pâris choisit comme la plus belle et qui lui attira tant d’ennuis. Cette interprétation est renforcée (Newby, 39) par le choix d’un disque de verre de camée représentant Pâris pour réparer le fond du vase dans l’Antiquité et ceci malgré une tendance à écarter le disque parce qu’il ne faisait peut-être pas partie de l’objet au moment de sa conception. 6. Conclusion Le parallèlisme entre les deux faces de ce vase implique qu’il y ait une conséquence entre la chute de Troie et la naissance d’Octave-Auguste. L’iconographie de ce vase permet donc de faire circuler un message politique de propagande impériale. Auguste est considéré à la fois comme membre de la gens Iulia (donc descendant d’Enée qui fuit Troie, comme Virgile le relate dans L’Enéide) et comme fils d’Apollon. Cette double ascendance mythique lui donne un prestige, une assise morale, religieuse et politique qui lui permet de s’imposer comme souverain absolu. 7. Bibliographie Burn L., The British Museum book of Greek and Roman Art, London, 1991. Harden D. B. et alii, Glass of the Caesars, Milan, 1987. Harden D.B. et alii, The British Museum: masterpieces of glass, London, 1968. Haynes D. E. L., The Portland Vase, London, 1975 (1e éd. 1964). Hunger K.-H., Das Geheimnis der Portlandvase, München, 1988. Jenkins I. et Sloan K., Vases and Volcanoes: Sir William Hamilton and His Collection, London, 1996. Lierke R. et Lindig M. R., «Recent investigations of early Roman cameo glass. The Manufacturing technique», Glastechnische Berichte 70 (1997) No. 6, 189-197. Newby M. and Painter K. (éd.), Roman Glass: two centuries of art and invention, London, 1991. Painter K. and Whitehouse D., «The History of the Portland Vase», Journal of Glass Studies, 32 (1990), pp. 24-84. Simon E., Die Portlandvase, Mainz, 1957. Tait H. (ed.), Five thousand years of glass, London, 1999. Tatton-Brown V. et Gudenrath W., Catalogue of Greek and Roman Glass in the British Museum: Non-Blown and Early Blown Glass, London, 2002. Walker S., The Portland Vase, London, 2004. Williams N., The Breaking and Remaking of the Portland Vase, London, 1989.