Distribution : Nouveau modèle, nouvelles

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Distribution : Nouveau modèle, nouvelles
Distribution
Nouveau
modèle,
nouvelles
stratégies
Le nouveau modèle du « direct to pharmacist » déployé par Pfizer
UK et les restructurations opérées par d’autres laboratoires présents
outre-Manche ont fait à Lourmarin l’objet d’un débat approfondi.
Car les acteurs de la chaîne de distribution se repositionnent.
T
rès attendue pour la session consacrée à la distri- au Royaume-Uni depuis le printemps dernier et suivi debution du médicament, Ornella Barra, directrice puis par d’autres2, sur lequel la directrice fut attentivement
Wholesale and Commercial Affairs d’Alliance écoutée. « Les laboratoires veulent changer de modèle »
Healthcare, filiale du groupe rassemblé depuis l’été a insisté Ornella Barra évoquant pêle-mêle leur manque
dernier sous la nouvelle holding AB Acquisition Ltd1,
de visibilité et de contrôle dans la supply chain, avec
n’aura pas déçu son auditoire. Pour la patronne
les risques d’y voir s’immiscer des contrefaçons,
du pôle distribution du leader européen de la
mais aussi leur volonté de se rapprocher de
répartition - activités de dépositaire, réseau
la pharmacie et du patient, sans omettre
d’officinaux indépendants et génériques inl’impératif de créer de la valeur en gérant
clus – il ne fait aucun doute sur le sujet.
de manière plus profitable leurs rapports
La distribution vit commerciaux avec la pharmacie. Dans
La distribution est à un tournant de son
histoire et il est des virages à ne pas mance contexte, la répartition entend privison Big Bang
quer ! « Le vent du changement affecte
légier de nouveaux partenariats avec les
fortement les laboratoires et l’industrie a
industriels, que la directrice italienne réconnu nombre de mutations dans ses rangs »
sume en trois mots : « Trust, Transparency
rappelle volontiers celle qui les a accompagnés
et Time, trois T d’une chaîne de valeur agile
sur la décennie écoulée. Parmi ces changements,
et réactive ». Car dans un environnement euroil en est un, relatif au nouveau circuit de distribution
péen disparate et contrasté, également en pleine mudu « Direct to Pharmacist » (DTP) choisi par Pfizer UK tation (remise en question du monopole pharmaceutique,
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PHARMACEUTIQUES - OCTOBRE 2007
2007 Lourmarin
O. BARRA
ouverture du capital des officines,
ventes de médicaments sur Internet), le leader européen du
whole et prewholesaling n’entend pas perdre de temps.
chaîne pharmaceutique », a plaidé de son côté Jean Marimbert, dg de l’Afssaps pour qui le front « médicament et Internet » représentera le déi le plus diicile « faute de cadre
et d’outils de régulation vraiment eicaces ».
Si la pharmacie se situe
bien à la croisée des chemins,
le secteur de la distribution
connaît un véritable « Big
Bang », avance la directrice d’Alliance Healthcare.
Attaqué de toutes parts, il
doit s’adapter au nouveau
modèle de la santé pour
créer son propre nouveau
modèle, ajoute cette dernière.
Un modèle où la supply chain
intégrée pourra distribuer
des princeps, des génériques,
de l’OTC, des biotechs et
d’autres produits de santé, dans
un système très ouvert où cohabitent de nombreux « canaux clients »
(oicines, médecins, supermarchés, hôpitaux, soins à domicile, commandes sur internet) servis par un nombre important d’acteurs
(répartiteurs, dépositaires, services de procurement,
spécialistes de soins à domiciles, agences, centres de soins
patients, sociétés spécialisées dans les essais cliniques etc).
Cette intégration de la supply chain dans un nouveau modèle
vise aussi à contrecarrer la menace qui pointe plus largement
sur la distribution des médicaments. Il s’agit en l’occurrence,
selon Ornella Barra, du « Direct to Patient », qui serait le
risque ultime auquel son secteur pourrait se trouver exposé.
Un risque dont la directrice et son groupe entendent se prémunir en privilégiant toute forme de rapprochement avec
les industriels, au besoin en soutenant leur choix du « direct
to pharmacist », un autre DTP autrement plus bénéique !
« La nouvelle donne internationale
de la distribution ne doit pas en
faire un « maillon faible » de la
Du côté de l’officine, les mutations sont aussi de saison.
Jean Parrot, président du Conseil national de l’Ordre des
pharmaciens et jusqu’à il y a peu président de la FIP (3)
les a évoquées. « Des contraintes économiques pèsent sur
tous les acteurs de la chaîne, qui sont en quête de nouveaux
vecteurs de croissance » a rappelé ce dernier, en soulignant
que la menace d’une pénurie de pharmaciens plane sur la
France comme sur l’Europe. Un pharmacien qui se trouve
en prise avec un nombre croissant de contraintes pour dispenser un produit sûr et s’assurer que sa qualité comme
sa sécurité sont maintenues. « La participation des officinaux à la gestion
des traitements personnalisés, avec
l’évaluation de leur toxicité et leur
suivi, va changer le profil de notre métier », a plaidé le président
de l’Ordre. Le pharmacien sera
plus impliqué dans les affections
courantes et symptomatiques, il
J. PARROT
jouera un plus grand rôle dans la
première orientation des patients.
En un mot, face à cet autre déficit à venir, celui des médecins, il devra exercer un nouveau métier
(renouvellement des ordonnances, dispensation de médication d’urgence…). Il deviendra même un « expert en gestion des risques », un agent de la prévention, un vigile des
situations pré-pandémique, un éducateur sanitaire, voir un
réducteur de risques détectés. « Notre force d’action est facilement mobilisable, a insisté Jean Parrot : les 23 000 officines peuvent absorber un afflux de 500 000 patients supplémentaires – 10 fois plus que les urgences – par rapport
à leur fréquentation moyenne de 3 600 000 patients par
jour ». Face à ces nouvelles donnes de santé, la profession
doit se préparer à se réorganiser, en réseau pour partager les
informations au profit du patient. Elle doit aussi renforcer
son action dans la iatrogénie et la redondance et assurer une
traçabilité complète jusqu’au patient final. Dans le cadre
des mutations en cours, les officinaux disposent déjà d’un
outil de coordination, le DP ou dossier pharmaceutique,
largement en avance sur son cousin le DMP, qui tarde à
émerger. « Le rôle du pharmacien présente un potentiel
important d’évolution », a conclu Jean Parrot. n
Le « direct » grimpe en Europe
Partout en Europe, un double mouvement
s’impose dans la distribution des médicament
: d’un côté la tendance vers plus de « direct »
P. TROEIN
(du laboratoire vers l’oicine) croît, pour des raisons de coûts et de proitabilité ; de l’autre les laboratoires envisagent de plus en plus un « canal unique »
de distribution, pour des raisons de coûts, de marges, mais aussi de contrôle
de leur produits (face à la contrefaçon). La France est ainsi à la pointe des
ventes directes à l’oicine, avec un taux supérieur à 15 % depuis 2003, note
Per Troein, vice-président Strategic Alliance chez IMS Health. Le modèle
existant de distribution entre répartiteur et pharmaciens va demeurer la
pierre angulaire, mais d’autres canaux le complèteront », indique l’expert
d’IMS. Parmi ces derniers : les commandes par mail (2 à 3 % en Allemagne,
Suisse ou Suède) et la distribution directe dans les soins à domicile pour
certainsD.produits.
VIAL
Changement de profil
Jean-Jacques Cristofari
(1) Cf. Pharmaceutiques n° 149 de septembre 2007.
(2) AstraZeneca, Sanofi-Aventis, qui ont réduit outre-Manche le
nombre de leurs répartiteurs. Novartis serait également sur la
brèche.
(3) Fédération internationale pharmaceutique, présidée par le
Prof Dr Kamal K. Midha
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