Toulouse retrouve son château

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Toulouse retrouve son château
Le Figaro, 21 septembre 2005
ARCHÉOLOGIE Sous le palais de justice en cours de rénovation
Toulouse retrouve son château
Éric Biétry-Rivierre
[21 septembre 2005]
Toulouse a retrouvé son château et peut désormais s'imaginer à quoi il ressemblait. Au sud, devant la porte de la
ville antique, un carré de 40 mètres de côté. Des murs tout de briques, hauts d'environ quatre mètres, épais de
2,40 m, dotés de puissants contreforts et protégés par un système de douves, de fossés et de palissades de 80
m de large. Là ont vécu les comtes de Toulouse, ducs de Narbonne, plutôt casaniers le temps des croisades
excepté. Lors de la première, Raymond de Saint-Gilles, le IVe, avait-il en tête le souvenir de son point de départ
lorsqu'il inventa le krak des Chevaliers, le plus beau château du monde selon Lawrence d'Arabie ?
De la forteresse narbonnaise rasée au milieu du XVIe siècle, site majeur de l'histoire régionale, une des cinq ou
six grandes principautés du Moyen Age, il n'existe en tout cas aucune représentation, celle sur les armoiries de la
ville n'est qu'une évocation stylisée. Même sa localisation était perdue, une controverse à ce sujet s'éternisant
depuis trois siècles.
Elle a définitivement pris fin le 8 août dernier, date du début de la troisième tranche de fouilles entreprises
depuis 1999 sous l'actuel palais de justice par l'équipe de Jean Catalo de l'Institut national des recherches
archéologiques préventives. «Ce qui est sorti de terre ce 8 août-là, est aussi important pour Toulouse que, pour
Paris, l'apparition sous le Louvre des fossés de la forteresse de Philippe-Auguste», estime Dominique Paillarse,
directeur régional des Affaires culturelles. «La fouille révèle la continuité pendant un millénaire du pouvoir
judiciaire sur un même lieu», a pour sa part résumé Jean Catalo. Une continuité qui peinait à se faire entendre
sous le fracas des campagnes antialbigeoises, des trois sièges des Français endurés entre 1211 et 1219, des
ravages de la guerre de Cent Ans tels ceux perpétrés par les troupes du Prince Noir en 1355, de la guerre contre
le protestantisme et enfin de la Révolution. Une continuité qui est un bel exemple de ce que les historiens issus
de l'École des Annales appellent l'histoire longue.
Après le chantier qui doit encore durer jusqu'à la fin de l'année, la partie murale des vestiges sera donc mise en
valeur. Le préfet de Région, Jean Daubigny, l'a promis lundi dernier lors d'une réunion avec les présidents de
cour, présidents de juridiction et magistrats du palais de justice. Le plan de modernisation des locaux sera
d'ailleurs modifié en fonction, le ministère de la Culture ayant obtenu cet engagement du ministère de la Justice
contre le maintien de la date de réouverture du site à la fin 2007. Une étude va être menée en ce sens d'ici à la
fin de l'année a indiqué le premier président de la cour d'appel Jean-Claude Carrie en précisant qu'«à l'endroit de
la mise au jour étaient initialement prévus des locaux d'archives de 400 m2
et des circulations».
La découverte est aussi importante
pour Toulouse que, pour Paris,
l'apparition sous le Louvre de la
forteresse de Philippe-Auguste.
(Photo E. Cabanis/AFP.)