Dario Argento - WordPress.com

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01/12/2014
ETHNOMUSICOLOGIE
Cinéma & image : une symbiose
parfaite chez Dario Argento
Clara AUDOIN – Julia CHEVILLARD – Céline GOUZE
SOMMAIRE
PLAYLIST & EMISSIONS ................................................................................................................. 3
INTRODUCTION ............................................................................................................................ 4
I- La musique autour de Dario Argento : des collaborations marquantes à l’origine d’une identité
cinématographique forte .............................................................................................................. 6
A-
Les années 1970 – 1980 : état des lieux du contexte musical ............................................... 6
B-
Ennio Morricone, une première collaboration poignante .................................................... 7
C-
Les Goblin et Argento : la fusion de deux identités au service du giallo ............................... 9
D-
La vision de la musique au cinéma de Dario Argento ........................................................ 10
II- Les premiers pas d'un genre cinématographique original portée par une musicalité innovante 12
A- « L’oiseau au plumage de cristal », le début du giallo et de « l’ère animale » orchestrée par
Ennio Morricone ..................................................................................................................... 12
B- « Ténèbres » un giallo animé de sauvagerie accentué par une musique aux accents
électroniques ......................................................................................................................... 14
III- L’apogée du cinéma d’Argento avec la complicité du groupe de rock progressif les Goblin ...... 16
A-
« Suspiria », chef-d’œuvre musical et graphique .............................................................. 16
B- « Les frissons de l’angoisse » (ou « Profondo rosso ») : entre horreur et esthétisme marqué
d’une musicalité insolente ...................................................................................................... 19
CONCLUSION.............................................................................................................................. 21
2
PLAYLIST & EMISSIONS
Playlist
 L’oiseau au plumage de cristal
Piste 1 : https://www.youtube.com/watch?v=qO3Om1rEdn0
Piste 2 : https://www.youtube.com/watch?v=ELULFvQUH-4
 Ténèbres
Piste 3 : https://www.youtube.com/watch?v=3nHV6MAA1K8
Piste 4 : https://www.youtube.com/watch?v=OG3PAYif_Pg
 Suspiria
Piste 5 : https://www.youtube.com/watch?v=wtXz3OlFwZA&list=PL6EAC5F20240FB1DE
Piste 6 : https://www.youtube.com/watch?v=RhdynXW8MNY&list=PL6EAC5F20240FB1DE&index=4
 Les frissons de l’angoisse
Piste 7 : https://www.youtube.com/watch?v=rZULOZVcGDY
Piste 8 : https://www.youtube.com/watch?v=TNoMzZBz95A
Emissions
-
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=860418
-
http://www.francemusique.fr/emission/cinema-song/2013-2014/dario-argento-maitre-du-giallo-1128-2013-00-00
Exemple de Giallo de 2014 : « L’étrange couleur des larmes de ton corps »
-
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19540477&cfilm=222182.html
Article de Clara Audoin sur Les frissons de l’angoisse publié dans un webzine
-
http://www.radiovnl.com/blog/2014/11/16/ambiance-rouge-profond-au-festival-extreme-cinematoulouse/
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INTRODUCTION
Dario Argento, connu aujourd’hui comme le célèbre réalisateur italien, maître dans l’art du
Giallo, a débuté sa carrière comme critique de cinéma dans les années 60. Ce n’est qu’en 1968 qu’il
écrit l’un de ses premiers scénarios pour Une corde, un colt de Robert Hossein. Un an plus tard, en
1969, Sergio Leone lui demande d'écrire le scénario de son Il était une fois dans l'Ouest en
collaboration avec Bernardo Bertolucci. Et il faudra attendre 1970, pour que Dario Argento passe
pour la première fois derrière la caméra avec la réalisation de son premier long-métrage L'Oiseau au
plumage de cristal. Son premier film pose les jalons de ses thèmes favoris : la fascination pour les
animaux, la mémoire visuelle, et une enquête policière dans le plus pur genre italien que l'on
nommera plus tard le giallo, du nom de la couleur jaune des couvertures de romans policiers en
Italie. Scénariste de ses propres films, Dario Argento enchaîne presque immédiatement avec Le Chat
à neuf queues et Quatre mouches de velours gris qui clôt sa « trilogie animalière ».
Suite au succès de ses trois premiers longs métrages autant auprès des critiques que du
public, Dario Argento se lance en 1973 dans un projet plus personnel avec la réalisation de Cinq jours
à Milan, une comédie située pendant la Révolution italienne de 1848. L'échec du film pousse le
réalisateur à retourner vers son genre de prédiction, le giallo avec Les frissons de l'angoisse en 1975,
considéré par beaucoup comme son chef-d’œuvre. Particulièrement sanglant, le film permet au
metteur en scène de collaborer pour la première fois avec l'actrice Daria Nicolodi, qui devient sa
femme, sa muse et la mère de sa fille Asia, aujourd’hui célèbre productrice. A travers ce film, c’est
aussi la première participation du groupe rock des Goblin à la bande originale, un groupe dont les
compositions seront par la suite longtemps associées aux images sanglantes des films d'Argento.
En 1977, Dario Argento délaisse le giallo et s'engage dans la voie du fantastique avec le très
visuel et inventif Suspiria, Inferno en 1980, Ténèbres en 1982 ou encore Phenomena en 1985. Il
éprouve la volonté de faire un film fantastique de gauche, dans la lignée de ses opinions politiques
en opposition à tous les autres films fantastiques antérieurs imprégnés des pensées de la droite.
Au début des années 90, le réalisateur italien s'exile aux Etats-Unis pour y co-signer Deux
yeux maléfiques avec George A. Romero, puis réaliser Trauma pour lequel il lance sa fille Asia alors
âgée de 18 ans. Une collaboration renouvelée en 1996 pour Le Syndrome de Stendhal, nourrie de la
passion d'Argento pour l'art. Enfin, en 2002, Dario Argento retrouve le giallo dans Le Sang des
innocents.
A travers une filmographie et un parcours aussi riches que divers en terme
d’expérimentations, Argento reste cependant considéré comme le « Maître du Giallo », un genre
cinématographique né en Italie dans les années 1960 à 1980. Le giallo se situe à la frontière du
cinéma policier, du cinéma d'horreur et de l'érotisme. Les films de ce genre sont caractérisés par de
grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes, un jeu de caméra très stylisé et une musique
considérée comme inhabituelle. Concernant Dario Argento, sa collaboration à plusieurs reprises avec
Ennio Morricone puis avec le groupe Goblin expliquera le succès de ses réalisations filmographiques
et en feront sa marque de fabrique. Les chefs-d’œuvre du genre s’apparentent donc à une
expérience visuelle du meurtre et du climat de tension qui l’accompagne. Des femmes, parfois nues,
sont offertes à l’arme blanche vengeresse d’un meurtrier sadique dont on découvrira bien sûr qu’il
souffre de troubles psychiques liés à la petite enfance. Mais le détraqué est un esthète, et sa
propension à parsemer ses scènes de crime d’indices bizarres laisse songeur. Les principales
caractéristiques que l’on se doit de retrouver dans le giallo sont donc la machination, à travers un
complot ou une intrigue puissante, le psycho-killer, où le tueur incarne le mal, et enfin, l’enquête
policière ou journalistique qui frôle sans cesse le polar ou le thriller. Le précurseur du giallo est Mario
Bava et c’est lui qui définira la charte graphique du genre en 1964 avec le fulgurant Six femmes pour
l’assassin où il utilise la couleur de façon à la fois choquante et poétique, baignant l’intrigue et le
spectateur dans une sublime et voluptueuse étrangeté.
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Le giallo est apparu dans un contexte européen et mondial de complet bouleversement. En
effet, les années 70 à 80 marquent tout d’abord la fin d’une crise économique accompagnée par la
mise en place d’une reconstruction obligatoire pour rester présent face aux autres pays européens et
du monde. Ensuite, cette période voit apparaître l’ouverture à l’international et le début de la
mondialisation où il devient désormais nécessaire de protéger sa culture nationale ou régionale face
à la superpuissance des industries américaines. Puis, la révolution industrielle émerge et amène avec
elle l’arrivée de nouvelles technologies, d’internet, ayant pour conséquences la dématérialisation des
contenus et la diffusion de masse.
Face à ce contexte mouvementé, le giallo a voulu imposer un genre cinématographique à
part, spécial et décalé, mettant en scène une collaboration entre différents arts tels que le cinéma, la
musique, la photographie, la lumière ou l’architecture, et surtout cherchant à se distinguer des codes
classiques de la discipline ou des caractéristiques du cinéma américain, très présents à l’époque.
A travers l’étude de quatre de ses films, « L’oiseau au plumage de cristal » (1970), « Les
frissons de l’angoisse » (1975), « Suspiria » (1977) et « Ténèbres » (1982), comment Dario Argento,
maître du giallo italien, utilise-t-il la musique pour créer une ambiance spécifique et transmettre des
émotions particulières ?
Afin d’analyser cela, nous étudierons dans un premier temps le contexte musical de l’époque et
notamment la fameuse collaboration avec Ennio Morricone puis avec les Goblin. Ensuite, nous
analyserons les prémisses d’un genre cinématographique si spécifique et propre au réalisateur. Enfin,
nous aborderons l’apogée du style lors de deux de ses chefs-d’œuvre.
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I- La musique autour de Dario Argento : des collaborations
marquantes à l’origine d’une identité cinématographique forte
A- Les années 1970 – 1980 : état des lieux du contexte musical
Les années 70 et 80 voient se succéder plusieurs genre musicaux, qui vont eux même évoluer
et laisser place à de grands noms.
En 1970 c’est l’avènement du funk dont l’instrument de prédilection est la basse (Graham Chapman,
George Clinton puis dans les années 80 : M. Jackson, Prince.
En ce qui concerne la fin des années 70 (1975/1977), la musique disco apparait: c’est la culture de
boites de nuit, une musique faite pour danser influencée directement par le funk. La disco est
fabriquée en studio sur des machines (boites à rythme et synthétiseurs, plus tard des samplers). Il n’y
a pas de concert au départ, c’est une musique qui se passe uniquement dans les clubs. Dans un autre
genre, et pour durcir le ton, des groupes comme Motorhead, Led Zeppelin ou encore AC/DC font leur
apparition en marquant à nouveau l’histoire du rock. En pleine crise économique, c’est la naissance
du mouvement punk en Grande Bretagne avec en 1976 les Sex Pistols et les Clash, c’est une musique
très révolutionnaire et politisé. Globalement, les années 70 sont une révolution technologique, les
boîtes à rythmes et le synthétiseur vont faire leur apparition et la pop va alors donner naissance à
l’électro-pop (rock progressif), majoritairement représenté par les Pink Floyd.
Dès le début des années 1980, un véritable phénomène musical et commercial apparait, c’est
la dance. Egalement, apparait le genre musical de la « new wave » qui une sorte de vision en négatif
du punk avec une violence qualifiée de suicidaire qui laisse transparaitre un certain un mal être. La
new wave est caractérisée par son utilisation du duo basse/synthé pour créer un climat froid : The
Cure, ou encore Joy Division seront les figures majeures de ce mouvement.
Toujours dans la lignée du rock, le mouvement métal va être représenté par des groupes comme
Metallica et Iron Maiden avec une certaine influence du satanisme, pour choquer au second degré
marqué par un son guttural.
Parmi les grands compositeurs de musiques de films de l’époque, on retrouve John Williams
(« Star Wars »), John Carpenter (« Halloween », à noter que celui-ci réalisait les musiques de ses
propres films), Giorgio Moroder (« Scarface », « Midnight Express »), Angelo Baladamenti (« Twin
Peaks ») et bien sûr Ennio Morricone, figure emblématique de la musique au cinéma.
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B- Ennio Morricone, une première collaboration poignante
Maitre incontesté de la musique de film, Ennio Morricone est né le 10 novembre 1928 à
Rome, Ennio Morricone est un compositeur italien, réputé notamment pour ses musiques de films,
en particulier celles réalisées pour son ami Sergio Leone. Beaucoup a été dit sur son style musical et
son génie de la composition et de l'orchestration. Il est un mélodiste incomparable, utilisateur
d'effets sonores et de bruitages pour le moins inattendus. Le compositeur italien construit avec
Sergio Leone une collaboration mythique qui inaugure le western spaghetti. Son œuvre comporte
plus de 500 partitions pour le grand écran (dont une vingtaine rien que l’année 1968). Il travaille en
France, en Italie et aux USA, pour tous genres de films. Il collabore avec des cinéastes majeurs
comme De Palma, Pasolini, Bertolucci, Malick, Almodovar, Boisset, Roland Joffé. Il continue
aujourd’hui de travailler avec Giuseppe Tornatore (rencontré en 1988 sur « Cinema Paradiso »).
Compositeur exceptionnel dans l’histoire de la musique de film, Ennio Morricone a laissé
quelques chefs-d’œuvre impérissables qui seraient ici trop long de lister. Nous pouvons citer par
exemple « Il était une fois dans l’ouest », « Le bon la brute et le truand » et « Les Incorruptibles ».
Les années 70 furent productives pour Ennio Morricone. Il signa une splendide musique pour « La
Califfa » d'Alberto Bevilacqua avec Romy Schneider et Ugo Tognazzi, et collabora pour la première
fois avec le cinéaste Dario Argento sur « L'oiseau au plumage de cristal », thriller macabre pour
lequel Morricone nous offre une de ses fameuses partitions horrifiques expérimentales. Un an après,
le maestro retrouve Dario Argento sur « Le chat à neuf queues » et retrouve Lucio Fluci sur le film
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d'horreur « Les salopes vont en enfer », dont le titre pour le moins un brin sauvage. Le début des
années 70 est pour Morricone l'occasion de s'essayer au genre des musiques horrifiques
expérimentales. Un genre souvent moins connu du maestro mais que ce dernier appréciait pourtant
particulièrement pour la liberté de style que ces films offraient la plupart du temps au compositeur,
voyant là l'occasion de renouer avec ses expérimentations musicales de la fin des années 50…
« An Ennio Morricone - Dario Argento Trilogy » est un album de compilation initialement
publié en 1995, qui rassemble trois classiques composés par Morricone pour les films de Dario
Argento, L'Oiseau au plumage de cristal, Le Chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris.
L'atmosphère de ces trois films (sa «trilogie animale") est vraiment rehaussée par la maitrise
inimitable de Morricone.
L’orchestration légère et le jazz progressif sont structurés par des sonorités sinistres voire effrayantes
incluant des battements de cœur, des gémissements étouffés et même des cris bestiales.
Le vrai génie de Morricone vient de sa capacité innée de tout rassembler de façon transparente
d'une manière qui ne devient jamais bouché ou terne.
Les bandes sonores étincellent et crépitent avec la vie, et restent un véritable témoignage du talent
et de la vision cet homme.
Voici d’ailleurs une citation de Dario Argento à propos de sa relation avec Ennio Morricone :
« Mario Brava avait déjà fait deux ou trois films de giallo, pas beaucoup, mais c’était très différent de
moi, et lui n’aimait pas la musique dans les films. Depuis mon travail avec Sergio Leone, j’étais devenu
ami avec le compositeur Ennio Morricone, mon père aussi était ami avec lui, moi j’étais jeune encore
et plus tard il a fait des musiques pour mes films. Un jour j’étais allé chez lui avec les disques que
j’aimais comme exemple d’accompagnement pour mon film, il m’a dit de les ranger et qu’il ne voulait
pas les voir, il m’a dit qu'il composerait de la musique contemporaine originale et on a travaillé
plusieurs fois ensemble par la suite ». Dario Argento
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C- Les Goblin et Argento : la fusion de deux identités au service du giallo
Initialement influencé par King Crimson et Genesis, la carrière du groupe prend son envol
lorsqu’il rencontre le réalisateur Dario Argento. C’est en 1975 que ce groupe de rock progressif, alors
nommé « Cherry Five », sort de l’anonymat et se trouve révélé au grand public grâce à leur première
collaboration avec Dario Argento. Dario Argento et les Goblin (Agostino Marangolo, Massimo
Morante, Fabio Pignatelli et Claudio Simonetti) commencent à collaborer lors des sessions
d’enregistrement de Profondo Rosso, suite à un différend entre le compositeur Giorgio Gaslini et le
réalisateur transalpin. Les Goblin se retrouvent alors chargés de composer en urgence la partition du
film, Argento ayant décidé à la dernière minute de tester leurs capacités de composition. Un nuit
d’écriture, une journée d’enregistrement, à l’instar du film, un succès phénoménal : plus d’un million
de disques vendus dans l’année. Avec en prime, un changement de nom : Goblin était né.
Deux ans plus tard, les Goblin sont de retour en studio pour enregistrer la partition de
Suspiria, premier volet de la « trilogie des Mères ». C’est mélange de nappes synthétiques
expérimentales, de voix d’outre-tombe et de rythmes tout droit sortis du rock psychédélique de
Genesis et de King Crimson, les sonorités hypnotiques de leurs compositions se marient à merveille
avec l’univers baroque du réalisateur. Argento mettra d’ailleurs lui-même « la main à la pâte » lors de
la composition de cette partition apocalyptique, et sera crédité comme compositeur additionnel.
Mais tout ne va pas au mieux au sein des Goblin : en dépit de leur succès les conflits éclatent, les
départs se multiplient et le groupe se sépare définitivement en 1978. Pourtant, Goblin se reforme
brièvement en 1982, juste assez longtemps pour composer leur troisième partition pour un film
d’Argento, celle de Ténèbres, sans pourtant utiliser le nom qui les a rendus célèbres. En effet chacun
des membres sera crédité indépendamment sous son propre patronyme.
Seul Claudio Simonetti poursuivra ensuite une carrière de musicien pour le cinéma, illustrant un
quantité impressionnante de bandes d’horreurs italiennes tout en restant le collaborateur de
prédilection d’Argento pour une grande majorité de ses films suivants : Phenomena, Opera, Deux
Yeux Diaboliques, The Card Player, et plus récemment Mother Of Tears et les deux épisodes de la
série Masters Of Horror réalisés par le maitre du giallo.
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La musique de Goblin est au sein de ces films un véritable personnage c’est-à-dire une
dramatisation extraordinaire et hypnotique faite de chœurs évanescents et effrayants, de
synthétiseurs gothiques et de guitares puissantes et psychédéliques. Lentement mais sûrement, les
Goblin deviennent cependant une référence parmi les amateurs d’électro et de films d’horreur. Pour
expliquer leur entrée dans la légende, les Goblin ont leur propre théorie : « le rock progressif a mis
des années à être qualifié de « progressif ». Le même phénomène se produit pour des musiques ou
des films cultes ».
D- La vision de la musique au cinéma de Dario Argento
Pour Dario Argento, le film d'horreur a une portée profonde : il offre du divertissement mais
il permet également une délivrance par des questions de fond, qui touche la conscience et la vie de
tout un chacun, le rapport à la mort, à la peur, au mystérieux et à l'insondable.
Pour Argento, la musique a toujours été importante même au temps du cinéma muet.
Certain réalisateur comme Charlie Chaplin faisait composer des partitions pour piano mécanique à
jouer durant la projection. Avec l'arrivée du parlant, la musique est devenue encore plus importante,
mais ce phénomène date surtout, si on exclut quelques comédies musicales américaines, de ces 20
dernières années. Il y a plusieurs façons d'utiliser la musique au cinéma : soit elle née avant le film,
soit elle est écrite en même temps que le film, soit elle est composée une fois le film fini. Le
réalisateur tourne son film sans musique et se confie à des musiciens qui composent une bande
originale. Chaque cas de figure aboutit à un résultat différent. La présence de la musique n'est pas la
même. Dans le cas où la musique existe avant le film, les images sont suggérées par la musique. A Cet
effet la musique commande presque l'image, elle devient la source d'inspiration du film, elle est
capitale, c'est quasiment la musique qui donne vie au film.
En revanche quand elle est écrite en même temps que le film, il y a une évolution parallèle. Certaines
scènes recèlent leur propre musicalité qui influence à son tour les images. Dario Argento trouve
plutôt cette dernière technique intéressante, car si la musique est composée après, elle illustre
l’image. En effet, elle souligne ou explicite une séquence y apportant la touche finale à laquelle il
manque juste une musique.
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Dans ces trois cas de figure le résultat est différent. Dario Argento s’est limité aux deux
premiers choix, soit il la musique était créé avant, soit elle l’était a été écrit en même temps. Dario
Argento recherche l’effet musical, la synchronisation est très étudiée dans le sens où elle contribue à
l'ambiance générale d’une scène. Pour Argento c'est un personnage à part entière.
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II- Les premiers pas d'un genre cinématographique original portée par
une musicalité innovante
A- « L’oiseau au plumage de cristal », le début du giallo et de « l’ère
animale » orchestrée par Ennio Morricone
L'oiseau au plumage de cristal (film bien accueilli par le public) est un film-clé dans l'histoire
du cinéma de genre, c'est le "détonateur" qui a provoqué l'explosion de l'un des plus importants
mouvements du cinéma: le giallo. Le terme giallo (littéralement "jaune") est le nom utilisé en Italie
pour désigner le roman policier à partir des années 25, par la suite, le terme giallo est utilisé pour
définir les films de Mario Brava (le précurseur de celui-ci) et c’est Dario Argento qui
s’inscrira complètement dans ce genre de films après cela.
Dans le milieu des années 60, il faut savoir que le giallo etait un genre exclusivement
étranger, on utilisait des pseudonymes pour rentrer dans ce marché. Le premier à faire tomber cette
barrière fut Dario Argento en 1969 avec L’oiseau au plumage de cristal, il crée alors un giallo
différent: plus violent, plus thriller, une sorte de giallo plus sophistiqué.
Ce film est un élément très important dans l’Histoire du thriller mondial, film phare pour toute une
génération bercée par les coups d’éclat du cinéma le plus libre et fou qui soit : celui des années 70.
L’oiseau au plumage de cristal fait partis d’une trilogie dite « animale » avec deux autres
films Chat à Neuf Queues et de Quatre Mouches de Velours Gris. D’ailleurs, il marche dans les mêmes
12
traces que le film Six femmes pour l’assassin de Mario Bava (1964) dont il garde le fétichisme
macabre notamment.
Sam Dalmas est témoin d'une scène étrange à l'intérieur d'une galerie d'arts. Derrière les
baies vitrées, Dalmas aperçoit une jeune femme luttant contre une silhouette vêtue de noir en haut
d'escaliers. Le jeune écrivain ne peut agir, dans l'impossibilité d'accéder à l'intérieur de la galerie. La
fille est blessée grièvement par un couteau, l'agresseur prend la fuite. Peu de temps après, la police
intervient. De témoin Sam va devenir un suspect potentiel, puis un allié de l'inspecteur chargé de
l'enquête : Morosini. Sam Dalmas est persuadé d'avoir oublié un élément capital lorsqu'il a été
témoin de la scène, un élément qui pourrait lui permettre de confondre le criminel... Pour
l'inspecteur Morosini, il y a un lien entre cette agression et le meurtre de trois jeunes femmes ayant
été perpétré récemment dans la ville.
Le voilà contraint à mener sa propre enquête pour sauver sa peau... (La démarche de Sam
Dalmas et donc celle d’un spectateur du film). D’ailleurs, dans L’oiseau au plumage de cristal, le fait
que le spectateur soit impuissant face aux situations fait référence au film d’Alfred Hitchcock Fenêtre
sur cour.
Dans L’oiseau au plumage de cristal, image et son fonctionnent de manière homogène. En
effet, la musique est signée par Ennio Morricone. Dans cette colonne sonore, Morricone propose des
berceuses et de la musique contemporaine avec moult carillons, cloches, percussions et trompette
solo avec sourdine. Dans ce contexte-là, Ennio Morricone met en place des chœurs idylliques. Ceux-ci
sont teintés des sonorités d’un carillon précédant des chœurs féminins et des notes discordantes qui
montrent une véritable recherche de fusion entre l’image & le son.
La bande originale d’Ennio Morricone ne fait qu’expliciter les images facilement assimilables
mais agencées de manière plus complexe qu’il n’y paraît: emploi systématique d’une musique
enchanteresse. Ici, il compose une bande originale qui épouse à la perfection la violence graphique
du film et créer un suspense de qualité. Une voix féminine est toujours présente afin de donner aux
thèmes les accents d’une comptine symbolisant le sous-texte psychanalytique (souvent freudien).
La partition parvient à capter tout naturellement l’attention du spectateur. La musique n'est pas
seulement magistrale, mais elle sert à accompagner les images à la perfection.
La musique est comme une « finition artistique » dans les films d’Argento, il s’agit d’une musique
hypnotique et brutale avec une animalité dissonante.
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B- « Ténèbres » un giallo animé de sauvagerie accentué par une
musique aux accents électroniques
Un écrivain populaire américain, Peter Neal, spécialisé dans la série noire, se rend à Rome
pour faire la promotion de son dernier best-seller: « Ténèbres ». Dès son arrivée, plusieurs femmes
sont assassinées selon un schéma comparable à celui des meurtres qui jalonnent son roman. Pire, le
meurtrier enfonce une page de « Ténèbres » dans la bouche de chaque victime. L’enquête progresse,
mais le présumé coupable ne tarde pas à périr lui aussi…
Le film Ténèbres vient juste après Inferno avec l’envie pour Dario Argento de refaire un giallo,
cette fois complétement dément, totalement déjanté, où les pires horreurs se succèdent. Presque
ironiquement, il voulait corroborer l’affirmation de l’époque, fausse bien entendu, disant que les
auteurs de films d’horreurs ou de romans d'épouvante sont des êtres méchants. Dans Ténèbres les
délits sont innombrables, on y voit notamment la destruction des livres du romancier Conan Doyle.
C’est par ce film que Dario Argento revient vraiment au giallo. Il montre une Rome moderne, avec un
style photographique très différent, beaucoup plus lunaire, notamment dans les scènes de nuit. Le
jour lui aussi paraît nocturne, comme si les victimes marchaient vers la mort. La scène la plus
marquante de ce giallo est sans aucun doute celle du meurtre des deux homosexuelles. La « caméra
à la luma » est utilisée pour la première fois au cinéma, et la musique qui accompagne cette scène
est des plus glaçantes. Elle nous fait ressentir la présence de cet esprit sauvage (le tueur) qui
s’approche de la maison. La combinaison du plan « à la luma » et de la musique renforce cette idée
d’esprit malsain et sauvage. Certains plans de ce film sont considérés comme les plus beaux de sa
carrière.
14
Pour ce film, l’influence musicale des années 80 est clairement audible. En effet, la bande son
est électronique, marquée par la dance électronique de l’époque. Le thème a d’ailleurs beaucoup été
dansé en discothèque. Suite à la séparation en 1978 des Goblin, Ténèbres sera alors seulement
composé de Claudio Simonetti, Fabio Pignatelli et Massimo Morante. Simonetti travaillait beaucoup
avec la modernité de la dance music car il voulait une musique moderne pour une Rome moderne.
En 1982 la Batterie électronique Leen et le synthétiseur Yamaha, étant très a la mode, la composition
musicale en a donc largement subit les influences, c’est d’ailleurs la première fois que l’on n’utilisait
pas de vrai batterie. La basse et la guitare apportent, quant à elles, la dimension rock de la bande
son et permettent ainsi un mélange intéressant de tous les sons et sonorités de l’époque, qui produit
alors quelque chose de franchement original entre rock progressif et expérimentations au
synthétiseur. Ici, comme dans la majorité des films d'Argento, la musique paraît indissociable des
visées esthétiques de Ténèbres. On peut donc dire que la musique du film Ténèbres composée par
une partie des membres de Goblin a été clairement influencée par le courant musical des années 80
et par la vague italo-disco de l’époque.
En donnant au giallo son ultime chef œuvre, Dario Argento signe avec Ténèbres son œuvre la
plus radicale, la plus énigmatique, et la plus dérangeante.
15
III- L’apogée du cinéma d’Argento avec la complicité du groupe de rock
progressif les Goblin
A- « Suspiria », chef-d’œuvre musical et graphique
Dario Argento connaît son apogée dans l’art du giallo à travers notamment deux chefsd’œuvre cinématographiques. Le premier dont nous allons parler est le célèbre Suspiria, réalisé en
1977.
Le scénario relate l’histoire d’une jeune new-yorkaise, Suzy Bannion, arrivant à Fribourg en
Allemagne pour intégrer la « Tanz Akademie », une école de danse dont elle va recevoir les
enseignements. Elle est interne et se lie d’amitié avec Sarah, sa voisine de chambre. Dès son arrivée,
une succession d’épisodes étranges surviennent, et l’amènent à se poser des questions. Suite à la
disparition soudaine et mystérieuse de son amie Sarah, Suzy démarre ses recherches et soupçonne
l’existence d’un couvent de sorcière au sein de l’institution.
Suspiria est le premier opus d’une trilogie sur les trois mères (ou « trilogie des enfers »), trois
sorcières qui vivaient dans trois grandes villes : Fribourg (Suspiria, 1977), New York (Inferno, 1980) et
Rome (La troisième mère, 2007). Le réalisateur a eu envie de changement après la réalisation des
Frissons de l’angoisse, c’est pour cela qu’il décide de prendre une nouvelle direction
cinématographique en abordant les thèmes liés à l’ésotérisme et à l’alchimie. Argento ne croit pas
aux forces occultes, mais cela le fascine au niveau de la représentation graphique et narrative avec
lesquelles il peut travailler. Dans Suspiria il aborde un sujet, celui des sorcières, qui n’était pas à la
mode à l’époque autant qu’il peut l’être aujourd’hui. A travers cette trilogie, Argento a étudié en
profondeur le sujet de la sorcellerie en Europe notamment par le biais de voyages, de lectures et de
rencontres au préalable.
16
Suspiria s’inscrit dans un travail d’écriture et de recherche fantastique, toujours dans la
continuité du genre cinématographique du giallo. Il a été pensé comme un conte de fée, une histoire
fantastique et magique dans laquelle Dario Argento a souhaité analyser la partie obscure des gens,
c’est-à-dire l’âme, l’intérieur, la conscience. L’histoire s’est inspirée de sa coscénariste et épouse,
Daria Nicolodi, d’après des études que cette dernière aurait récupérées de sa grand-mère (dans une
institution où celle-ci avait découvert des penchants occultes).
Dans son film, le réalisateur a voulu travailler la contradiction à travers une double histoire
avec d’un côté la réalité (la vie et les cours au sein de l’Académie) et de l’autre un monde parallèle,
beaucoup plus sombre (la sorcellerie, le fantastique, les meurtres).
Pour que le spectateur puisse distinguer ces deux aspects, Argento a utilisé deux facteurs : la
musique et les couleurs primaires. Ainsi, le monde réel, celui des danseurs, utilise la couleur bleue
(détente, suspension) et l’absence de musique, le silence. Tandis que le monde parallèle, celui de la
sorcellerie, utilise la couleur rouge (son célèbre “profondo rosso”) afin d’exprimer l’angoisse et la
confusion, et une forte présence musicale à travers la musique du groupe Goblin. Ainsi, grâce à la
musique de ce célèbre groupe de rock, le spectateur peut suivre le changement et voir le passage
d’un monde à l’autre puisque cette dernière revient comme un fil rouge, se répétant lors de chaque
scène de crime.
Utiliser le thème de la danse dans ce film est un moyen de traiter deux aspects : celui de
l’enfance, des histoires à raconter d’un côté… mais aussi celui de la schizophrénie, de la double
personnalité de l’autre. En effet, tout au long du film, on retrouve cette contradiction entre le réel et
l’imaginaire, le bleu et le rouge, le silence et la musique, l’enfance et le monde adulte… Ainsi, à la fin
du film, la jeune Suzy Bannion sort de l’école, sourit comme si elle était libérée de cette institution et
des images terribles dont elle a été le témoin, mais aussi et surtout d’elle-même. En effet, l’école lui
a permis d’apprendre des choses sur elle, sur son physique. Elle en ressort grandit, adulte et femme.
Sa sortie est une façon de sortir du cadre de la caméra et de prendre congé du film.
Comme dit précédemment, une des caractéristiques propres aux films de Dario Argento est
l’utilisation et l’omniprésence de la musique pour porter son scénario et travailler les effets qu’il
souhaite déclencher sur ses spectateurs. Les bandes-son servent donc à mettre en valeur la violence
des meurtres, les tourments psychologiques de ses personnages. A travers des musiques
enchanteresses, hypnotiques ou rock, Argento donne une identité musicale à son film car elle est
comme un fil rouge qui revient tout au long de celui-ci et le conduit. L’utilisation de la musique sert à
créer une ambiance, à mettre en valeur la rudesse de son style. Ainsi, musique et film sont associés
pour se porter mutuellement et se mettre en valeur.
Dans un grand nombre de ses réalisations, Argento a fait appel aux musiciens du groupe
Goblin. Pour composer les musiques, Argento donnait des indications sur l’atmosphère et sur le
genre de musique qu’il voulait mais pas plus d’indications que cela. Par exemple, pour Suspiria, il a
dit « je veux que chaque morceau fasse sentir au public que les sorcières rodent ». C’était ensuite aux
musiciens d’improviser, de jouer tout en visionnant les images des crimes, et ainsi participer à la
création de l’ambiance recherchée. Argento souhaitait vraiment impliquer les musiciens dans la
réalisation du film, et mettre en valeurs les différents arts utilisés lors de sa recherche
cinématographie (musique, lumière, architecture…). Pour Suspiria, la méthode a été un peu
singulière puisque pour la première fois il a donné aux musiciens le scénario et leur a demandé de
composer des morceaux avant le tournage. Ils ont donc lu le script puis travaillé les morceaux avant
de les enregistrer. Dario Argento a ainsi pu diffuser les compositions sur le plateau afin d’influencer
les acteurs sur leur jeu.
Cependant, ce qui est curieux c'est que lorsque le film a été terminé, ils n’ont gardé aucune
de ces premières compositions car ils se sont rendu compte que la musique ne correspondait pas au
film, ne permettait pas de rendre la même atmosphère. Ils ont donc tout recommencé depuis le
début. La musique dans Suspiria est aujourd’hui considérée comme LE chef-d’œuvre de Goblin de
par le travail expérimental qu’ils ont fourni durant 3 mois de travail et de recherche en studio, et de
par la surprise et l’originalité des compositions. Dans ce film, la musique fait corps avec les images et
le jeu des lumières. Il y a une symbiose parfaite entre les deux, que l’on ne retrouve pas forcément
17
autant dans les autres films. De plus, les instruments utilisés marquent une différence avec les
précédentes collaborations. En effet, la Bande originale de Suspiria utilise des orgues et des
instruments ethniques (le bouzouki grec, les tablas indiennes, le celesta ou encore le Mellotron, un
synthétiseur des années 70) qui apportent au film un aspect plus sauvage, plus primitif et plus
agressif que le style auquel il nous avait habitué jusque-là.
La musique composée spécialement pour ce film par Goblin utilise ces différents instruments
en fonction des ambiances qu’ils ont cherché à créer. On retrouve tout d’abord le son de clochettes,
intégré dans le but de donner un aspect féerique au contexte et de permettre au public d’accéder au
monde imaginaire, au monde de la sorcellerie et de la magie. Ensuite l’utilisation du piano permet
aux spectateurs de rester connectés avec le lieu dans lequel se déroule toute l’intrigue, c’est-à-dire
l’école de danse classique. En effet, le piano est un instrument phare du monde du ballet dans lequel
évoluent les danseurs. L’utilisation de cordes, de timbales, de tambours et d’instruments ethniques
et anciens permettent d’inclure du mystère et une dimension énigmatique et sauvage au scénario,
qui accentuent l’impact sur les spectateurs lors des différentes scènes de crime. De même, ajouter
des voix ou des gémissements en fond sonore rappelle les incantations faites par les sorcières.
Pour finir, on ne peut pas ne pas citer la Bande Originale du film, qui en a fait une référence.
Celle-ci regroupe l’ensemble des éléments décrits préalablement : on retrouve le piano et les
clochettes, les voix en fonds, puis l’ajout des tambours et des instruments marquants le rythme afin
de donner plus d’impact. La mélodie est redondante et augmente petit à petit, faisant monter une
certaine pression chez les spectateurs.
Suspiria est considéré comme l’album le plus personnel des Goblin et leur son est plus
affirmé que sur Les frissons de l’angoisse, création déjà assez personnelle. Leur travail et leur
implication maximum sur Suspiria s’est faites par l’introduction de nouvelles sonorités en
mélangeant des intruments anciens et modernes. En effet, ils ont associé un synthétiseur (le MOOG)
qu’utilisait Keith Emerson, à des instruments indiens (comme le tabla et le sitar) ou grec (le bazouki
par exemple). Pour Simonetti, il y a une vraie recherche sonore, ce qui en fait un des meilleurs
morceaux du groupe.
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B- « Les frissons de l’angoisse » (ou « Profondo rosso ») : entre horreur et
esthétisme marqué d’une musicalité insolente
Lorsque Dario Argento réfléchit à son nouveau projet, qui deviendra Les frissons de
l’Angoisse, il sort d’un échec cuisant, le premier de sa carrière de réalisateur, avec le film historique
Cinq jours de révolution. Blessé dans son amour propre, le cinéaste décide donc de revenir au genre
qui a fait sa gloire… Les frissons de l’angoisse va rejeter tout le coté rationnel de ses anciens films, ou
du moins tout ce qui était précis et défini. . Il mélange le récit réaliste avec le rêve et la fantaisie.
Dario Argento à beaucoup réfléchit à la musique car il voulait que celle-ci soit comme un impact sur
l’image, comme un personnage à part entière. Argento était donc décidé à prendre une nouvelle
direction.
Témoin du meurtre d’une médium et persuadé d’avoir aperçu un détail primordial dont il ne
parvient pas à se rappeler, le pianiste Marcus Daly (David Hemmings ) décide, avec l’aide de la jeune
journaliste Gianna Brezzi ( Daria Nicolodi ) de mener sa propre enquête.
Dans Les frissons de l’angoisse, Dario Argento passe clairement à la vitesse supérieure en
matière de violence visuelle, et signe là sa première réalisation authentiquement "Gore". Les
séquences de meurtres, longues et d'une invention sidérante, sont orchestrées avec un luxe de
détails sanglants, toujours saisis par des gros plans soulignant avec une netteté implacable, le
moindre coup de couteau, le moindre impact physique. Découpées à un rythme très rapide, ces
séquences d'une rare violence adoptent un tempo étourdissant, souligné par la musique Rock des
Goblin et sont indéniablement les "clous" du film.
Pour Profondo Rosso, Dario Argento voulait au départ que les Goblins jouent la musique de
Giorgio Gaslini. Ainsi, pour les arpèges du film, ils ont utilisé le clavecin, la guitare, le Moog (un
synthétiseur analogique) et la Spinetta (un petit clavecin). Les sons aigus que l'on entend dans la
bande originale de Profondo Rosso sont produits grâce à un mini Moog.
Les frissons de l’angoisse est un manifeste esthétique pour toute l’œuvre d’Argento. Il renvoi
à la violence, aux pulsions et à la folie. De plus, le réalisateur porte un amour sans failles à l’univers
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fantastique que l’on retrouve dans ce film ainsi que dans la quasi-totalité de ses œuvres, collant
parfaitement à l’univers du groupe Goblin et à leurs sonorités électroniques obscures.
Le film est tourné vers les légendes autour des fantômes et de l’enfance, ce qui donne
musicalement une comptine se répétant à chaque apparition d’un enfant ou à chaque fois qu’un
crime est commit. Cette comptine revient de façon toujours plus malsaine et glauque, mélangée à un
thème quant à lui, plus sombre et dissonant dont le groupe est féru. L’esthétique, tant à l’image
qu’au son, est percutante à souhait. On note que le héros est pianiste, ce qui a une importance
capitale dans la création de la musique. Il s’inscrit par ailleurs dans un style jazz. De nombreuses
scènes du protagoniste principal jouant sur son piano sont importantes au sein du film. On y retrouve
quatre grands thèmes musicaux, souvent coupés dans le vif par Dario Argento lui-même en postproduction, donnant en conséquence de la musique, une coupure sèche puis une réverbération
profonde du son, marque de fabrique du réalisateur. Avec une orchestration rock progressive pure,
électronique et ambiante, nous touchons pour la première fois de l’oreille, ce qui est devenue par la
suite la marque des Goblin dans leur collaboration avec le réalisateur et ce qui en a fait leur
renommée.
Au final, la musique des Frissons de l’Angoisse vacille parfaitement entre l’ambiance d’un
film noir ou d’un polar, d’un thriller tendu et troublé, et tout simplement d’un film d’horreur dans un
univers pas toujours terre à terre, leitmotiv des films de Dario Argento.
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CONCLUSION
Au fur et à mesure de notre analyse, nous avons pu voir le contexte musical propice à
l’apparition des bandes originales innovantes dans le cinéma de Dario Argento réalisé avec des
musiciens tels qu’Ennio Morricone et le Goblin band. Puis, nous avons abordé deux films qui sont les
prémisses d’un style musical dans le cinéma d’Argento (L’oiseau au plumage de cristal et Ténèbres)
pour finir par l’apogée d’un style confirmé: la fusion des images et du son porté par les sonorités du
Goblin band en analysant deux films également (Suspiria et Les frissons de l’angoisse). Nous nous
intéressions particulièrement à comment Dario Argento, maître du giallo italien, utilise la musique
pour créer une ambiance spécifique et transmettre des émotions particulières.
Dans le cas de Dario Argento, on assiste à un procédé qui constitue la signature de sa
mutation stylistique: la musique ne change pas la perception de l’histoire, elle ne l’habille pas mais
en déforme le corps plastique. En effet, la masse sonore fusionne avec le langage plastique de la
mise en scène. On peut même aller jusqu’à dire que la musique est un élément narratif qui fait sens
et dont il est difficile de se passer dans un contexte tel que celui-ci. Les films de Dario Argento
utilisent magnifiquement la matière sonore, la musique accompagne les images à la perfection et
cette symbiose créer un univers esthétique au sein de chacun de ses films. On peut même parler
“d’identité musicale” dans les films d’Argento.
Rappelons qu’il y a deux temps dans ce mariage musique-image, le premier serait celui où
Dario Argento travaille avec Ennio Morricone et le second serait celui où Dario Argento s’entoure
d’un groupe innovateur et inqualifiable: le Golbin band.
Ennio Morricone, qui a travaillé sur les trois bandes originales de la trilogie dite “animale” a
apporté autant de délicatesse cinématographique que de forces. Il a posé les jalons d’une bande
originale de qualité, qui n’hésite pas à surprendre et à créer une ambiance perturbante.
Quant aux membres du Goblin band, ils se sont servis des prémisses d’Ennio Morricone tout
en innovant dans leur création musicale. Les propositions sont ambitieuses et tout à fait
expérimentales car il n’y a aucunes limites dans ces bandes originales si ce n’est de « faire corps »
avec les images et l’ambiance généré par le film: l’horreur.
Effectivement, les films d’horreurs de Dario Argento sont des cas particuliers car l’horreur est
travaillée à la perfection. Lorsqu’on évoque l’esthétisme des choix d’Argento, lié de près ou de loin, à
sa façon “maniaque” de traiter les choses, on évoque bien sûr le fait qu’il fasse de l’horreur, un
spectacle. Ce spectacle est lié à la musique, puisque sans musique, il n’aurait pas du tout le même
impact sur nous, les spectateurs horrifiés.
Certains qualifient le cinéma d’Argento comme un cinéma “pas sérieux” à la vue de ces
innombrables scènes dites “gores”. Plus encore, certains iront même jusqu’à censurer des films du
réalisateur jugés “trop violents” (le film Ténèbres notamment). D’autres, les plus initiés sans doute,
diront d’Argento qu’il est leur mentor. Nous pensons notamment à Hélène Cattet et Bruno Forzani,
deux cinéastes qui proposent un giallo plein de références à Dario Argento dans L’étrange couleur
des larmes de ton corps (sorti en 2014).
De plus, si l’on veut aller plus loin, on peut aussi faire des parallèles avec une série pensé par
David Lynch à l’aube des années 1990. En effet, “Twin Peaks” emprunte des ambiances aux plus
grands cinéastes européens tels qu’Hitchcock ou Argento. On retrouve dans le cinéma et dans la
série de Lynch des sensations, des ambiances et une esthétique fabuleuse similaires aux films
d’Argento. Ces oppositions ne font qu’accentuer le fait que le réalisateur et sa création
cinématographique n’ont laissé personne indifférent.
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Qu’il soit populaire dans un pays et pas du tout dans un autre (surnommé “enfant terrible”
en Italie), Argento a marqué les esprits dans les années 70 à 80. C’est un créateur qui, à force de
travail et de précisions, a pu instiguer un style bien à lui qui se veut reconnaissable et intemporel.
En effet, à aucun moment il n’a voulu appartenir à un courant ou adhérer à une mode, c’est pourquoi
on ne retrouve aucun plagiat (qu’il jugeait inutile) dans son cinéma. Il est l’inventeur du concept de
film « interactif » au vue de la perfection de l’ensemble de son œuvre. On dira de lui qu’il est un
« maestro qui a défini ses propres règles et conçu tout au long de sa carrière une œuvre
indéniablement logique ». Il a su proposer des authentiques expériences cinématographiques :
concert d’images, de sons et de sensations tout en restant perfectionniste et passionné.
Dario Argento avait d’autres préoccupations que la musique et les sonorités, tout aussi
récurrentes dans ses films, nous pouvons évoquer l'architecture, l’art mais aussi la place des femmes
dans ses histoires. D’ailleurs, certaines thématiques d’Argento l’emprisonneraient presque aux
défaillances de la mémoire visuelle, de la perte du souvenir et de l’illusion d’une réalité faussée
qu’un témoin entrevoit (dont les quatre films que l’on a analysé sont imprégnés).
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BIBLIOGRAPHIE
Livre : « Crime designer, Dario Argento et le cinéma » - Bernard Joisten
Livre : « Dario Argento, magicien de la peur » - Jean Baptiste Thoret
Magazine : « Mad Movies » Hors-série N° 16 « Dario Argento, le Maestro du macabre »
Interview tirés des donus des DVDS suivants : « Suspiria », « Les Frissons de l’angoisse », « L’oiseau
au plumage de cristal », « Ténèbres ».
http://www.arte.tv/fr/dario-argento-en-details-par-jean-baptistethoret/3482046,CmC=7720122.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Goblin_(groupe)
http://www.lepasseurcritique.com/dossier-itw/le-giallo-garde-fou-du-cinema-de-dario-argentoplongee-au-coeur-de-profondo-rosso-aka-les-frissons-de-l-angoisse.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18781446&cfilm=12704.html
http://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20120521171113
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