Un Conte cruel - Comédie de Genève

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Un Conte cruel - Comédie de Genève
 Valérie Poirier Martine Paschoud Un Conte cruel Création février 2016 Il était une fois un bal masqué... Sur la piste de danse, une grande gigue, la Girafe, et un petit râblé un brin ténébreux, Petit Brun. Cupidon décoche sa flèche – et brusquement, autour d’eux, le monde cesse de tourner. Ils ne se quittent plus d’une semelle, se respirent du soir au matin, se découvrent des capacités d’émerveillement insoupçonnées. Mais voilà que bientôt, d’infimes renoncements en légers dérapages, la belle histoire d’amour vire au violent cauchemar... Un voyage en barbarie dans un trois-­‐pièces cuisine, un conte banal et terrifiant. À l’origine de ce texte, une rencontre – entre Valérie Poirier, Martine Paschoud, et l’association Solidarité Femmes –, et un constat : en Suisse, une femme sur cinq subit, au cours de sa vie, des violences physiques ou sexuelles de la part de son conjoint. Née à Rouen en 1961, Valérie Poirier passe une partie de son enfance à La Chaux-­‐de-­‐Fonds. Elle vit aujourd’hui à Genève. Elle est l’auteure de plus d’une dizaine de pièces de théâtre, dont Les Bouches (Théâtre du Grütli, 2006), Pièces détachées (Marionnettes de Genève, 2012), John W. (Am Stram Gram, 2014), et de textes en prose, parmi lesquels un recueil de nouvelles, Ivre avec les escargots (Éditions d’autre part, 2013). Quatre de ses pièces ont paru chez Bernard Campiche Éditeur. John W. est publié chez L'Arche (ouvrage collectif, en partenariat avec Am Stram Gram). Metteuse en scène et comédienne, Martine Paschoud a dirigé Le Poche de 1984 à 1996. Elle a réalisé une centaine de mises en scène, notamment Visages connus, sentiments mêlés de Botho Strauss (Le Poche, 1988), L’Abus de Gilles Laubert (Théâtre Saint-­‐Gervais, 1996), Le Conte d’hiver de Shakespeare (Comédie de Genève, 2004), Bonheur flottant de Matthias Zschokke (Théâtre de l’Orangerie, 2006). Un Conte cruel marque sa seconde collaboration avec Valérie Poirier, dont elle a mis en scène en 2009 Loin du bal au Poche. Distribution : avec : Pierre Banderet, Mauro Bellucci, Natasha Koutchoumov, Kathia Marquis, Anne-­‐Marie Yerli (distribution en cours) scénographie, éclairages, costumes : Gilles Lambert assistanat à la mise en scène : Françoise Chavaillaz vidéo : Brian Tornay maquillages, coiffures, postiches : Kathrin Zingg production : Comédie de Genève coproduction : Le Poche/GVE avec le soutien de la Société Suisse des auteurs Note d’intention de l’auteur Sous l’impulsion d’Hervé Loichemol, Martine Paschoud et moi-­‐même avons rencontré les responsables de Solidarité femmes. Ces dernières ont organisé des rencontres avec des femmes victimes de violences conjugales. Nous nous sommes vues à plusieurs reprises, elles se sont racontées avec une incroyable générosité. En pénétrant cet univers qui nous était complètement inconnu, nous avons constaté que leurs histoires de vies étaient bien loin des clichés qui sont souvent associés à la violence conjugale. Nous avons appris que non seulement la violence conjugale sévit dans tous les milieux, mais aussi qu’elle est un phénomène extraordinairement répandu. En suisse, les statistiques montrent qu'une femme sur cinq subit des violences physiques ou sexuelles de la part de son conjoint au cours de sa vie. En s’attelant à une telle thématique, on ne peut faire l’économie de se questionner sur le contexte social et historique qui la favorise. La violence conjugale n’est pas séparable de la violence tout court. Même si elle est pathologique chez certains hommes, elle s’inscrit bel et bien dans une histoire qui est celle de la domination masculine vis-­‐à-­‐vis des femmes. Elle s'enracine dans les rapports sociaux de sexe. Il ne s’agit pas de faire le procès des hommes, mais de savoir comment nous vivons ensemble, quels types de relations nous entretenons, comment nous nous traitons les uns les autres, quelle compréhension nous avons de ce qu’est l'amour. Sert-­‐il à contrôler l'autre, à le dominer ou bien à lui permettre de grandir, et s'épanouir ? Inspirée librement de « Grisélidis ou la patience éprouvée » de Charles Perrault, l’histoire nous entraîne dans l’univers tourmenté d’un couple où amour se conjugue avec cruauté. Dans un bal masqué, un cupidon aviné décoche sa flèche qui atterrit dans le cœur de la Girafe. Cette espèce de grande gigue tombe instantanément sous le charme d’un petit râblé un brin ténébreux qu’on appelle : Petit brun. Et le monde autour d’eux cesse brusquement d’exister. Bientôt, ils ne se quittent plus d’une semelle, se respirent du soir au matin, s’inventent des capacités d’émerveillements insoupçonnés. Ils vivent dans un pays horizontal où les affaires ordinaires n’ont plus cours et troquent allégrement leurs identités respectives pour se fondre en une entité. Il et elle deviennent « nous ». Elle, plus que lui. N’étant pas chicaneuse, elle s’y résout bien volontiers, et si quelquefois, il lui vole les mots de la bouche, ça n’est pas si grave, ils sont presque toujours d’accord. Bientôt, ils se marient et ont deux charmants enfants. Ils forment une famille modèle, pourtant, derrière les murs de leur coquette maison, se joue une partition bien plus dissonante. De petits renoncements en légers dérapages, la belle histoire vire au cauchemar. L’amour dévorant de Petit brun consume la Girafe. C’est plus fort que lui, ce qu’il étreint, il le broie. Elle se perd dans les contrées brûlées de cet amour intraitable. Autour d’eux, chacun ignore ou feint d’ignorer se qui se passe. Dans les beaux quartiers d’une ville paisible, qui pourrait seulement imaginer qu’une femme est en train de mourir à petit feu, victime de la violence de son mari ? C’est un voyage en barbarie dans un trois pièces-­‐cuisine, une histoire terrifiante et banale où l’amour et la violence s’entremêlent si bien qu’on ne peut plus les dissocier l’un de l’autre.