Chronique de Laurent Bataille, Batteur Magazine 5
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Chronique de Laurent Bataille, Batteur Magazine 5
RAYON LASER Lenny Kravitz Let Love Rule - 20th Anniversary Deluxe Edition Virgin/EMI Vingt ans (déjà) que l’on découvrait avec appétit le premier album de Lenny Kravitz, chanteur et polyinstrumentiste surdoué. Loin de la mode ambiante des synthés et autres sons artificiels, Lenny livrait cette galette salvatrice, renouant avec nos bons vieux instruments chéris, instruments qui allaient d’ailleurs reprendre leur revanche de plus belle quelques années plus tard. Mais ceci est une autre histoire… Pour fêter dignement ce 20e anniversaire, voici une réédition de l’album « Let Love Rule » avec ses treize titres accompagnés de morceaux bonus délectables. Quant au second CD, il renferme douze pépites gorgées de soul et de funk, enregistrées lors de concerts à Boston et à Amsterdam, où l’extravagant Zoro assure un drumming sans failles. Une véritable bouffée d’oxygène, un son brut et efficace, et une énergie dévastatrice, Lenny Kravitz en live, c’est tout cela à la fois, et ça fait vraiment du bien. À noter que le sieur Lenny démarrre une longue tournée, avec de nombreuses dates en France… Allez-y, vous ne serez pas déçus, et mettez-vous dans l‘ambiance dès à présent avec ce coffret très réussi. Manuella Fall Madina Lake le titre fait référence au fameux esprit de partage des Bédouins du désert. Cet album Attics To Eden Roadrunner Bob Dylan Together Through Life Sony Inoxydable Bob Dylan. Imprévisible aussi. Le juif errant fuit les médias et le star system, mais pas son public (même s’il lui tourne parfois le dos), en lui offrant aujourd’hui son 46e album. Un disque non programmé. Une petite surprise pour sa maison de disques et pour ses fans qui attendaient depuis le dernier et excellent « Modern Times » paru en 2006. Bob délaisse un peu le blues, très présent dans ses derniers opus, pour faire une incursion au sud du Sud, près du Rio Grande, en compagnie de David Hidalgo. Le multi-instrumentiste de Los Lobos apporte des accents chicano aux compositions du chanteur. On devine son omniprésence avec force accordéon texmex, violon ranchero, lap steel guitar, et je suis même prêt à parier qu’il tient la batterie sur bon nombre des grooves rudimentaires mais ô combien authentiques des dix titres qui s’écoutent comme on visionne un road movie. On dirait que l’enregistrement a eu lieu dans l’arrière-salle d’une cantina ; les musiciens sont incroyablement proches, tout comme la voix de Bob Dylan, qui nous raconte ses histoires qui vont droit au cœur. En cette époque de vitesse effrénée, de course autant absurde qu’éperdue, il réussit à abolir la notion du temps, comme dans ses fameuses Chroniques, mémoires d’un homme qui n’a pas d’âge et dont la somme artistique restera immortelle, c’est sûr. Mai 2009 N° 225 Christophe Rossi Deux ans après « From Them, Through Us, To You », Madina Lake, groupe mené par les jumeaux Nathan (chant) et Matthew (basse) Leone sort son nouvel album : « Attics To Eden ». Comme le précédent, ce second opus est un concept album basé sur les écrits de Matthew (il a publié un livre « The Auspice Book », racontant la mystérieuse disparition d’une jeune fille dans la ville de Madina Lake). Musicalement, les Américains surfent sur la vague de l’emo pop-punk, popularisé par des groupes comme Fall Out Boy, Panic ! At The Disco… : des riffs catchy, des rythmes entraînants et des mélodies qui restent instantanément gravées en tête. Le petit plus de Madina Lake réside dans l’utilisation harmonieuse de samples, de boucles électroniques et de parties de claviers. « Attics To Eden » est un album fort bien ficelé, calibré pour faire le bonheur des kids biberonnés à MTV. Romain Perrot Thierry “Fantobasse” Menu Khalil Chahine Noun Tukhoise - www.turkhoise.com est généreux, à commencer par les rythmes qui empruntent certes au blues « authentique » mais surtout à la musique d’Afrique de l’Ouest et à celle des territoires subsahariens. Olivier Monteils fait preuve d’une grande maestria pour canaliser l’énergie du guitariste (cette qualité se vérifie sur scène) et il est épaulé par de précieux alliés aux percussions : Mokhtar Samba, Gérard Carocci et David Donatien. Le reste du casting est à l’avenant avec notamment quelques fleurons du label DixieFrog (Eric Bibb, Pura Fé, Joe Louis Walker). On est en famille, et ça fait un bien fou. N’est-ce pas Amar ? Un peu comme si l’enfant prodigue revenait au pays après un long périple à travers le monde, escorté des amis qu’il s’est fait chemin faisant. Un retour à ses origines qui est aussi une remontée à la source du blues, qui, selon la légende, serait né dans ces étendues désertiques. Christophe Rossi Eric Bibb Live à fip Amar Sundy Dixiefrog/Harmonia Mundi Sadaka À propos du précédent album d’Eric Bibb, j’avais écrit que son chemin atypique était “au croisement du blues, du gospel et de la soul“ ; réflexion faite, je crois que c’est l’inverse. “Live à fip“ regroupe deux concerts enregistrés… à fip : l’un le 2/12/2008 au DixieFrog/Harmonia Mundi Après s’être frotté aux plus rands bluesmen, pour mieux s’imprégner de leur science, le guitariste d’origine touarègue se rapproche de ses racines avec cet album dont studio 105 de Radio France (CD 1), l’autre le 13/3/208 au studio 104 (CD 2). Sur le premier CD, Eric Bibb (voix, guitares acoustique et baryton) est accompagné de Staffan Astner (guitares), Trevor Hutchinson (contrebasse électrique) et Larry Crockett (batterie). Sur le second CD, l’artiste est principalement en duo avec le même Larry Crockett (cette fois aux percussions), et invite Amar Sundy (guitare) sur trois titres. Ce second CD contient également un document vidéo de vingt minutes (interview et extraits Live). Au résultat, près de deux heures de belle musique, bien enregistrée, bien mixée, et inspirée. C’est grand, l’âme Eric… Le guitariste Khalil Chahine s’est fait rare ces derniers temps ; voilà bien une huitaine d’années qu’il n’a pas produit un disque sous son nom. Ce sixième album est une réussite en tous points : compositions inspirées (notamment les musiques du monde, de l’Espagne à la Chine) et arrangements somptueux (Khalil est réputé pour son travail d’orfèvre pour les cordes) servis par des accompagnateurs de premier plan. On distingue dans les crédits les noms de batteurs que l’on apprécie (Thierry Chauvet, François Laizeau, Nicolas Filliatreau). Les percussions sont maniées avec assurance par Sydney Thiam et Ahmed Khan (aux tablas). La voix sublime de David Linx donne du relief à une majorité de titres instrumentaux, dans lesquels le leader invite de nombreux solistes tels que Eric Seva, Pierre Mimram, Thomas Dutronc et son toucher de guitare manouche. Khalil Chahine a composé de nombreuses musiques de films, avec cet album, il est possible de se faire son propre cinéma. Une bien belle séance, je vous l’assure. Christophe Rossi Également sur nos platines… David Prez & Romain Pilon Group Eric Legnini bFlat II A.P.O Records Petr Zelenka Memory Flash Sony BMG Pierrick Pédron Omry Plus Loin Music/Harmonia Mundi Parallèlement à ses activités de sideman sur scène ou en studio, auprès notamment de Magik Malik, le Douzetet de Sax, Alain Jean-Marie, Michel Graillier, les frères Belmondo, le Paris Jazz Big Band, Jacques Vidal, Gordon Beck, Charlier & Sourisse, ou encore le Big Band de Wynton Marsalis, le saxophoniste Pierrick Pédron poursuit son parcours de leader. Après « Cherokee », « Classical Faces » et « Deep in a dream », voici « Omry », un album magnifique et surprenant, dans lequel la culture jazz de Pierrick se mêle aux influences pop, rock et psychédéliques qui l’ont marqué également. Mélodies subtiles, arrangements intelligents, climats aérés et improvisations inspirées, « Omry » est aussi beau qu’il est original. Autour de Pierrick, Laurent Coq, Éric Legnini, Chris De Pauw, Vincent Artaud, et deux excellents batteurs : Franck Agulhon et Fabrice Moreau. J’ai longtemps cru que Pierrick avait beaucoup de talent, je suis sûr maintenant qu’il en a énormément… À visiter : www.pierrickpedron.com Thierry “Fantobasse” Menu www.myspace.com/fantobasse JJ Cale Trippin’ Yoann Loustalot Yo5 Petit Label Voici trois excellents disques que nous nous permettons de réunir sous la même chronique pour des raisons esthétiques. On y retrouve une même famille de jeunes musiciens qui ont en effet la même culture du beau son (les guitaristes Petr Zelenka, Romain Pilon et Max Fougères, les saxophonistes Olivier Zanot et David Prez), et du groove (l’incontournable contrebassiste Yoni Zelnik fait partie des trois projets, on retrouve Karl Jannuska sur deux d’entre eux et Antoine Paganotti sur le disque du trompettiste Yoan Loustalot). Des influences communes très liées au jazz newyorkais d’aujourd’hui, le même sens de la mélodie et des silences, avec une maîtrise des instruments évidente qui ne sert pas qu’à enfiler des notes les unes après les autres (ça fait du bien !). Ces projets qui font partie de ce que l’on a entendu de mieux ces derniers temps méritent d’autant plus d’être applaudis qu’ils sont souvent portés à bout de bras par leurs leaders respectifs. Alors soutenez-les, vous ne le regretterez pas ! Laurent Bataille mai1986 Peter Gabriel So Virgin Pour son cinquième album solo, Peter Gabriel s’entoure d’un line-up de rêve : Kate Bush, Laurie Anderson, Youssou N’Dour, Nile Rodgers, Tony Levin, Bill Laswell pour n’en citer que quelques-uns. Du côté du groove, on retrouve les fines baguettes de Manu Katché, Jerry Marotta et Stewart Copeland, excusez du peu ! Produit par Gabriel et Daniel Lanois, l’album regorge de pépites, dont le fameux Sledgehammer et son groove implacable à la couleur très “eighties” qui permet à Peter Gabriel de décrocher enfin une première place dans les charts US. L’originalité du clip vidéo explique sans doute aussi en partie le succès du titre en ces temps d’explosion du phénomène MTV. Tout aussi savoureux, des titres comme “Don’t give up”, Red Rain”, “Mercy Street” ou “In your eyes” méritent d’être (ré)écoutés. Roll On On trippe pas mal à écouter le pianiste Eric Legnini, le contrebassiste Mathias Allamane et Franck Agulhon car ces trois-là savent tout jouer. Les quinze morceaux de ce disque, égrainés par quelques plages en piano solo, pourraient d’ailleurs servir de cours sur une bonne partie de l’histoire du jazz, tellement les styles défilent et s’enchaînent au gré des plages. 40 années bien résumées sous les doigts virtuoses de chacun de ces musiciens décidément bourrés de talent et de technique. Laurent Bataille Because Music À plus de 70 ans, avec une discographie sans la moindre fausse note, il y a longtemps que JJ Cale n’a plus rien à prouver. Qu’à cela ne tienne, il nous revient tout de même avec cet album réjouissant, tout à fait intemporel, et parfaitement réalisé. Aux drums, se succèdent Jim Karstein, David Lakeland et Jim Keltner. Que du bonheur ! Kyle Eastwood Metropolitain Candid C’est à Paris que Kyle Eastwood, bassiste et compositeur, a choisi d’enregistrer cet album, s’entourant pour l’occasion de musiciens talentueux tels, entre autres, Manu Katché et Franck Agulhon. Et le résultat est un disque parfaitement réussi, distillant un jazz élégant et inspiré. S’il a fait ses armes en collaborant à la musique des films de son célèbre papa, Kyle Eatswood a décidément tout d’un grand. Un artiste à découvrir d’urgence, si ce n’est pas déjà fait ! Manuella Fall