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Neurochirurgie 55 (2009) 259–267
Rapport 2009 : Neurochirurgie fonctionnelle
dans les syndromes d’hyperactivité des nerfs crâniens
IV – Traitements chirurgicaux
Traitement des vertiges selon leurs mécanismes
Vertigo treatment according to their mechanisms
C. Tilikete a,b,∗,c , A. Vighetto a,b,c
b
a Université Lyon-I, Lyon, France
Unité de neuro-opthalmologie, hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, hospices civils de Lyon,
59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France
c Inserm UMR-S 864, IFR19, institut fédératif des neurosciences de Lyon, 69003 Lyon, France
Reçu le 6 janvier 2009 ; accepté le 8 janvier 2009
Disponible sur Internet le 19 mars 2009
Abstract
Vertigo is an illusion of rotatory or linear movement that demonstrates a functional or lesional disturbance of the vestibular system, from
periphery to central connections. According to the ANAES report (1997), benign paroxysmal positional vertical vertigo, vestibular neuronitis and
Ménière’s disease account for 40–50% of all mixed vertigo etiologies. Central etiologies may account for 20–40% of causes and 10–40% remain
more difficult to classify, and are usually classified under the term of “peripheral vestibulopathy.” These include vertigo due to neurovascular
compression syndrome of the VIIIth nerve. Clinical manifestations, differential diagnosis, and treatment of the main etiologies of vertigo will be
developed in this chapter. A specific section will discuss the subject of neurovascular compression syndrome of the VIIIth nerve. Even though some
publications should be challenged, it appears that neurovascular compression syndrome of the VIIIth nerve might explain some cases of vertigo or
chronic instability, with or without cochlear signs. The diagnosis is difficult and must be established on multiple clinical, electrophysiological and
radiological arguments. A therapeutic test with antiepileptic drugs is helpful. The treatment includes these drugs as a first option but may require
a neurosurgical approach if medical treatment fails.
© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Vertigo; Vestibular disorders; Vascular compression; Vestibular nerve; Microvascular decompression
Résumé
Le vertige est une illusion de mouvement, rotatoire ou linéaire, traduisant généralement une perturbation fonctionnelle ou lésionnelle du système
vestibulaire, de la périphérie à ses connexions centrales. Selon le rapport de l’ANAES en 1997, le vertige paroxystique positionnel bénin, la neuronite
vestibulaire et la maladie de Ménière représentent 40 à 50 % des étiologies de tous les vertiges confondus. Les étiologies centrales représenteraient 20
à 40 %, et il reste 10 à 40 % d’autres « vestibulopathies périphériques » plus difficilement classables et incluant le vertige par conflit vasculonerveux
du VIII. Les manifestations cliniques des vertiges les plus fréquents, leur diagnostic différentiel et leurs traitements respectifs seront abordés dans
ce chapitre. Un paragraphe sera entièrement consacré aux vertiges par compression vasculonerveuse du VIII. Même s’il est important de remettre
en cause un certain nombre de publications abordant ce sujet, il paraît certain qu’un syndrome de compression vasculonerveuse peut expliquer
certains tableaux de vertiges ou instabilité chroniques invalidants, avec ou sans acouphènes et hypoacousie. Le diagnostique, difficile à établir,
doit reposer sur un faisceau d’arguments cliniques et électrophysiologiques. Un test thérapeutique aux antiépileptiques peut se révéler intéressant
comme outil diagnostique. Le traitement reposera sur ces traitements en première intention et sur une approche neurochirurgicale dans les cas
d’échec du traitement médical.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Vertiges ; Vertige paroxystique positionnel ; Vertige prolongé unique ; Vertige récurrent ; Maladie de Ménière ; Accidents ischémiques vertébrobasilaires ;
Ataxie vestibulaire ; Compression neurovasculaire ; Décompression vasculaire microchirurgicale
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Tilikete).
0028-3770/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.neuchi.2009.01.011
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C. Tilikete, A. Vighetto / Neurochirurgie 55 (2009) 259–267
Tableau 1
Fréquences des principales catégories de vertiges (d’après le rapport de l’Anaes
en 1997).
Frequency of main types of vertigo (from the ANAES 1997 report).
Vertige paroxystique positionnel bénin
Maladie de Ménière
Névrite vestibulaire
Autre vestibulopathie périphérique
Syndrome vestibulaire central
26–34 %
7–9 %
6–9 %
6–20 %
20–39 %
Le vertige est une illusion de mouvement qui se traduit le plus
souvent par une impression de rotation ou parfois de déplacement linéaire. Il peut s’agir d’un symptôme spontané, déclenché
ou majoré par les mouvements de la tête. Il s’accompagne
habituellement de signes neurovégétatifs, tels que des nausées,
des vomissements ou des sueurs. Le vertige ainsi défini traduit
généralement une perturbation fonctionnelle ou lésionnelle du
système vestibulaire, de la périphérie à ses connexions centrales.
Le vertige est un symptôme très fréquent, représentant environ 8,5 consultations par an pour 1000 individus. La conduite
diagnostique devant un vertige repose sur l’interrogatoire qui
permet de classer ce vertige dans un cadre nosologique assez
précis en fonction de la durée, de la récurrence et du mode de
déclenchement. L’expertise clinique et fonctionnelle (cf. chapitre « Expertise clinique et fonctionnelle du nerf vestibulaire »)
est essentielle pour objectiver des signes vestibulaires et rechercher des signes otologiques ou neurologiques associés, ce qui
permet d’orienter le diagnostic topographique vers une atteinte
du système vestibulaire périphérique ou du système vestibulaire
central et étayer le plus souvent le diagnostic étiologique. Selon
le rapport de l’ANAES en 1997 (http://www.anaes.fr, entrée :
vertiges), le vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB), la
neuronite vestibulaire et la maladie de Ménière représentent 40
à 50 % des étiologies de tous les vertiges confondus (Tableau 1).
Les étiologies centrales représenteraient 20 à 40 % et il reste 10
à 40 % d’autres « vestibulopathies périphériques » plus difficilement classables et incluant le vertige par conflit vasculonerveux
du VIII.
En tenant compte de la présentation clinique, trois grandes
catégories de vertiges peuvent être distinguées qui feront l’objet
des trois premiers paragraphes de ce chapitre (Baloh, 1998 ;
Tilikete et Vighetto, 2005) :
• le vertige paroxystique positionnel, dont l’étiologie la plus
fréquente est le VPPB ;
• le grand vertige durant plus de 12 heures, unique, dont
l’étiologie la plus fréquente est la neuronite vestibulaire ;
• le vertige récurrent de quelques heures, dont les étiologies les
plus fréquentes sont la maladie de Ménière et la migraine.
Les étiologies plus rares des vertiges seront abordées dans
chaque chapitre en tant que diagnostic différentiel. Une proportion importante de vertiges reste non classable. La pathologie
vestibulaire lentement évolutive peut également se manifester
par une instabilité chronique qui fera l’objet d’un quatrième
paragraphe. Le vertige par conflit vasculonerveux du VIII est de
diagnostic difficile. Il peut se présenter sous diverses formes,
notamment de vertige paroxystique, souvent positionnel ou
d’instabilité chronique. Il est difficilement classable dans ces
cadres cliniques et sera abordé dans le dernier paragraphe qui
lui est consacré.
1. Vertige paroxystique positionnel
Un vertige positionnel induit pendant le mouvement de la tête
n’a pas de caractéristique étiologique précise : il traduit une dysfonction vestibulaire chronique majorée lors de la stimulation du
système vestibulaire. Un vertige déclenché par une prise de position, survenant à la fin du mouvement présente une plus forte
spécificité étiologique : il s’agit le plus souvent d’un VPPB. Les
vertiges positionnels sont le plus souvent périphériques, mais
dans certains cas peuvent révéler une lésion du système nerveux
central.
1.1. Le vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB)
1.1.1. Diagnostic
Il s’agit d’une des étiologies les plus fréquentes des vertiges,
représentant un tiers des étiologies des vertiges (Tableau 1).
Les patients décrivent un vertige très bref durant quelques
dizaines de secondes, déclenché exclusivement par les changements brusques de position de la tête, le plus fréquemment en
se retournant dans son lit, en montant ou descendant du lit, en
se retournant en arrière, notamment en voiture ou en regardant
en haut d’une bibliothèque (Toupet et al., 1999). Les vertiges
sont fréquents survenant plusieurs fois par jour pendant quelques
semaines, puis diminuent en fréquence. Il n’y a aucun symptôme
associé. Ils peuvent être extrêmement invalidants.
Le diagnostic repose sur la présence d’un nystagmus typique,
torsionnel et vertical battant du côté de l’oreille la plus basse à
la manœuvre de Dix et Hallpike (cf. chapitre « Expertise clinique et fonctionnelle du nerf vestibulaire »). Ce nystagmus
qui accompagne le vertige intense survient avec une latence
de quelques secondes suivant le mouvement, dure quelques
dizaines de secondes et s’épuise au fur et à mesure de la répétition des manœuvres (habituation). Un nystagmus de sens inverse
apparaît au retour en position assise.
Dans certains cas, le VPPB survient dans les suites immédiates d’un traumatisme crânien ou à distance d’une névrite
vestibulaire, mais le plus souvent, aucune cause n’est retrouvée.
Il est attribué à des débris d’otolithes flottant dans l’endolymphe
du canal semi-circulaire postérieur et modifiant le rapport relatif de densité entre l’endolymphe et la cupule du canal. Tout
mouvement de la tête dans le plan de ce canal semi-circulaire
postérieur induit un vertige.
Si la manœuvre de Dix et Hallpike est positive, que le nystagmus présente les caractéristiques sus-décrites, qu’il n’existe
pas d’autres signes vestibulaires, neurologiques ou otologiques,
il n’y a pas lieu d’envisager d’autres investigations complémentaires. L’évolution peut être spontanément favorable.
1.1.2. Traitement
Deux méthodes de traitement du VPPB ont été décrites : les
méthodes de rééducation fondées sur l’habituation, réalisées
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par le patient lui-même, et les manœuvres thérapeutiques. Les
manœuvres thérapeutiques sont de deux types : la manœuvre
libératoire décrite par Semont et la manœuvre de repositionnement des particules décrite par Epley (Bronstein, 2003).
Elles visent à libérer le canal semi-circulaire postérieur des
débris d’otolithes. Ces différentes méthodes thérapeutiques ont
une efficacité équivalente, estimée à une guérison dans 80 à
90 % des cas (en une ou deux manœuvres ou deux semaines
d’habituation).
1.2. Les autres étiologies
1.2.1. Vertige positionnel associé à des signes
neurologiques
1.2.1.1. Nystagmus ou vertige de position central. Les lésions
cérébelleuses ou bulbopontiques, proches du quatrième ventricule, peuvent induire une séméiologie vestibulaire centrale
positionnelle (Brandt, 1990 ; Buttner et al., 1999). Il s’agit
soit de nystagmus de position, induit par une position particulière de la tête, ne s’épuisant pas dans le temps et ne
s’accompagnant habituellement pas de vertiges. Il peut également s’agir de vertiges avec nystagmus positionnels et durant
quelques secondes. Le diagnostic n’est pas toujours aisé avec
un VPPB. Les éléments diagnostiques sont l’absence de latence,
l’absence d’habituation, la durée plus longue du nystagmus
et le sens de battement. Généralement, il existe des signes
neurologiques d’accompagnement comme une ataxie cérébelleuse et une dysarthrie. Ces vertiges de position centrale
sont révélateurs de lésions tumorales, vasculaires, inflammatoires (SEP), malformatives (Arnold-Chiari) du tronc cérébral
et du cervelet. Une IRM encéphalique est indiquée dans ce
cadre.
1.2.1.2. Vertige hémodynamique. Il s’agit de manifestations
d’ischémie transitoire vertébrobasilaire mais dont le caractère
positionnel évoque soit une compression mécanique d’une artère
vertébrale généralement dans son trajet intracervical ou une sténose de l’artère sous-clavière. Dans les deux cas, le vertige est
le plus souvent associé à d’autres signes neurologiques et il
existe des facteurs de risque athéromateux. Ces étiologies sont
rares. Un doppler des troncs supra-aortiques avec manœuvres
positionnelles de la tête ou du membre supérieur peut être
indiqué.
1.2.2. Vertige positionnel associé à des signes otologiques
L’association d’un vertige positionnel à des signes otologiques conduit à une exploration ORL et radiologique
à la recherche d’une pathologie spécifique : fistule périlymphatique, déhiscence du canal semi-circulaire supérieur,
cholestéatome. . .
1.2.3. Vertige positionnel par intoxication alcoolique aiguë
L’alcool diffuse aisément dans les tissus et, notamment,
dans la membrane des cupules labyrinthiques, ce qui modifie
la densité relative de la cupule par rapport à l’endolymphe,
induisant un vertige à chaque changement de position de
la tête.
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1.2.4. Autres vestibulopathies périphériques
De nombreux vertiges positionnels demeurent inclassables,
ne présentant pas les caractéristiques du VPPB, d’autre cause
ORL ou des vertiges positionnels neurologiques. Certains de
ces vertiges témoignent vraisemblablement d’un conflit vasculonerveux du VIII, dont le diagnostic difficile sera abordé dans
le Chapitre 5. On évoque pour les autres le cadre très général
d’une vestibulopathie périphérique.
2. Vertige prolongé unique
Il réalise un vertige rotatoire intense et d’installation brutale, durant plusieurs heures à quelques jours. Il correspond à un
syndrome vestibulaire destructif dont le site d’atteinte peut être
périphérique ou central. L’interrogatoire et l’examen clinique
permettent d’orienter le diagnostic étiologique. De manière
schématique, il s’agit soit d’une neuronite vestibulaire, soit d’un
accident vasculaire ischémique cérébelleux ou vestibulaire.
2.1. La neuronite ou névrite vestibulaire
Elle est fréquente, pour certains la deuxième cause de vertige
après le VPPB (Tableau 1) et constitue le prototype du grand
vertige isolé.
2.1.1. Diagnostic
La neuronite vestibulaire se manifeste par un grand vertige
d’installation brutale, rotatoire avec signes végétatifs intenses
(Toupet et al., 1999 ; Tilikete et Vighetto, 2005). L’anamnèse
peut rapporter un épisode inflammatoire du domaine ORL dans
les jours ou les semaines précédents. Son intensité impose le
décubitus strict dans les 48 premières heures. La durée de la
phase aiguë est de deux à quatre jours. L’examen clinique met
en évidence un syndrome vestibulaire déficitaire unilatéral harmonieux. Le diagnostic nécessite que le syndrome vestibulaire
soit isolé sans céphalée, signes auditifs ou neurologiques. Il
est nécessaire de confirmer le diagnostic par des tests vestibulaires, notamment une épreuve calorique qui montre une
hypo- ou une aréflexie vestibulaire unilatérale. Cet orage vestibulaire doit s’estomper dans un délai d’une à six semaines.
L’aréflexie vestibulaire à l’épreuve calorique peut, cependant,
persister définitivement. Son étiopathogénie reste encore mystérieuse : atteinte inflammatoire, virale ou vasculaire ? Elle peut
être considérée comme l’équivalent vestibulaire de la surdité
brusque à laquelle elle peut être associée. La neuronite vestibulaire peut exceptionnellement s’accompagner d’une surdité,
d’une paralysie faciale et d’une éruption de vésicules dans la
zone de Ramsay-Hunt. Il s’agit du zona du VIII (et du VII), la
ponction lombaire confirmant une méningite lymphocytaire et
la sérologie une séroconversion au virus varicelle et zona.
2.1.2. Traitement
À la phase aiguë de la neuronite vestibulaire, il est nécessaire
d’avoir recours à des médicaments dépresseurs vestibulaires
pour atténuer le vertige et les signes végétatifs associés. Le mode
d’action de ces médicaments est une dépression de l’activité
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vestibulaire de manière à rétablir l’équilibre de décharge neuronale sur les deux nerfs vestibulaires par un nivellement par le
bas. On utilise plus souvent l’acétyl-dl-leucine (Tanganil® ) ; la
méclozine (Agyrax® ) ou la flunarizine (Sibelium® ) ; la thiéthylpérazine (Torécan® ) ; les benzodiazépines.
L’évolution de la neuronite vestibulaire est spontanément
favorable par compensation vestibulaire ou récupération de
la fonction vestibulaire. Cependant, des séquelles à type de
déséquilibre ou de vertiges peuvent persister par défaut ou
insuffisance de compensation vestibulaire. C’est la raison pour
laquelle les médicaments vestibuloplégiques pouvant s’opposer
à la compensation vestibulaire sont à arrêter rapidement.
Après 48 heures, il faut faire lever le patient, le sortir de
son lit, encourager les positions qui déclenchent le vertige,
avec pour seule prescription médicamenteuse un antiémétique
(Motilium® ). La rééducation vestibulaire, aidant à la compensation vestibulaire, doit être prescrite d’emblée, à raison d’une
séance tous les jours la première semaine, à réévaluer ensuite en
fonction de l’évolution. Le bilan vestibulaire est aussi réalisé à
l’arrêt des vestibuloplégiques.
2.2. L’accident vasculaire cérébral ischémique
Les accidents vasculaires cérébraux ischémiques constitués
(AIC) sont les plus grands pourvoyeurs de manifestations vestibulaires centrales. La vascularisation de l’oreille interne, du
tronc cérébral et du cervelet vestibulaire dépend du système
vertébrobasilaire. Une souffrance ischémique dans le territoire
de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure, antéro-inférieure ou
supérieure peut induire un vertige, le plus souvent associé à
d’autres signes neurologiques. Deux AIC sont particulièrement
pourvoyeurs d’un grand vertige : l’infarctus cérébelleux et le
syndrome de Wallenberg.
2.2.1. L’infarctus cérébelleux
L’infarctus cérébelleux dans le territoire de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure, vascularisant le cervelet vestibulaire,
induit un tableau clinique dominé par un syndrome vestibulaire aigu d’allure périphérique sans signes cochléaires. La
dysmétrie segmentaire homolatérale ou la dysarthrie peuvent
manquer. En revanche, les céphalées, l’importance de l’ataxie
par rapport au vertige, la persistance de symptômes majeurs
au-delà de 24 heures et l’absence d’aréflexie vestibulaire à
l’épreuve calorique doivent faire évoquer ce diagnostic. L’IRM
est plus performante que le scanner cérébral pour mettre en évidence la lésion ischémique (Fig. 1A). La présence de céphalées
importantes doit faire redouter une hypertension intracrânienne
secondaire à une compression œdémateuse du quatrième ventricule par l’infarctus. Il est parfois nécessaire de réaliser une
dérivation ou une décompression chirurgicale.
2.2.2. Le syndrome de Wallenberg
Il s’agit d’un accident vasculaire de topographie latérobulbaire touchant les noyaux vestibulaires (Fig. 1B). Les
symptômes vestibulaires intéressent la fonction canalaire donnant un grand vertige rotatoire, un nystagmus de direction de
sens de battement variable et des troubles posturaux ressemblant à une atteinte périphérique. Les symptômes vestibulaires
peuvent également intéresser la fonction otolithique et se présenter sous la forme d’une illusion de bascule de l’environnement,
d’une skew deviation, et sur le plan postural d’une latéropulsion
axiale. Ces symptômes vestibulaires d’allure parfois périphérique s’associent à des symptômes neurologiques qui ne passent
pas inaperçus :
• une hypoesthésie hémifaciale, un syndrome cérébelleux,
une paralysie vélopharyngolaryngée (dysphonie, dysarthrie,
Fig. 1. Coupes axiale en IRM T2 chez deux patients différents. A. Il existe une lésion ischémique cérébelleuse inférieure en hypersignal (flèche) dans le territoire de
l’artère cérébelleuse postéro-inférieure droite. Un tel infarctus peut être à l’origine d’un grand vertige rotatoire isolé et représente le principal diagnostic différentiel
de la neuronite vestibulaire. B. Il existe une lésion ischémique latérobulbaire droite responsable d’un syndrome de Wallenberg.
Axial slice of T2-weighted sequence MRI in two different patients. A. Right-sided inferior cerebellar hypersignal suggesting ischemia in the posteroinferior cerebellar
artery territory. This type of stroke can result in acute vertigo, the main differential diagnosis of vestibular neuronitis. B. Right-sided laterobulbar hypersignal (arrow)
such as seen in Wallenberg’s syndrome.
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hoquet, signe du voile, signe du rideau), un syndrome de
Claude-Bernard-Horner (myosis, ptosis) du côté de la lésion ;
• une hypoésthésie thermoalgique hemicorporelle controlatérale à la lésion.
2.3. Les autres étiologies ORL
La présence de signes otologiques évoque une topographie
périphérique de l’atteinte vestibulaire, soit au niveau de l’organe
cochléovestibulaire, soit sur le nerf vestibulaire avant son entrée
dans le tronc cérébral.
2.3.1. La pathologie vasculaire
L’ischémie labyrinthique est également une étiologie des
vertiges vasculaires. Un infarctus de l’oreille interne doit être
évoqué chez tout patient présentant un vertige et/ou une surdité
brutale. Cette ischémie labyrinthique peut avoir été précédée par
des signes d’insuffisance vertébrobasilaire ou s’accompagner de
signes de souffrance ischémique du tronc cérébral ou du cervelet,
orientant vers une étiologie vasculaire. Cependant, la symptomatologie peut être purement vestibulaire et suggérer une névrite
vestibulaire.
2.3.2. La pathologie ORL infectieuse et traumatique
Un contexte inflammatoire et fébrile, une otalgie, une otorrhée, la notion d’otites antérieures et le plus souvent une
hypoacousie évoquent les étiologies infectieuses. Soit le vertige vient compliquer l’évolution d’une otite moyenne aiguë et
doit faire redouter une labyrinthite ou une otomastoïdite avec
son double risque fonctionnel et méningé. Il est classique de
distinguer un stade de labyrinthite séreuse réversible et un stade
de labyrinthite suppurée avec destruction labyrinthique. Cette
évolution justifie en urgence un traitement anti-infectieux et un
drainage. Soit, et le plus souvent, le vertige vient compliquer
une otite chronique simple ou une otite cholestéatomateuse. Il
faut alors redouter une fistule labyrinthique qui doit être traitée
chirurgicalement.
Les vertiges aigus post-traumatiques sont très fréquents,
leurs mécanismes divers, certains d’entre eux nécessitant une
thérapeutique spécifique. Un vertige aigu durable, destructif
accompagné d’une surdité évoque une fracture du rocher. Sans
surdité, il s’agit d’une commotion labyrinthique. Dans ce cas, il
n’y a pas de fracture du rocher, mais une lésion des membranes
labyrinthiques.
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3.1. La maladie de Ménière
3.1.1. Diagnostic
Il s’agit d’une maladie qui affecte les adultes et se manifeste par l’association de crises de vertiges rotatoires durant
quelques heures, au maximum 24 heures, une surdité unilatérale fluctuante, des acouphènes et une sensation de plénitude
de l’oreille d’un côté (Toupet et al., 1999 ; Tilikete et Vighetto,
2005). Chaque crise de vertige débute par des acouphènes unilatéraux, une sensation de plénitude de l’oreille, une majoration
de l’hypoacousie. La fréquence des crises est variable, d’une par
an à plusieurs par semaine. Au cours de l’évolution, l’audition
s’altère et il s’installe une hypoacousie permanente progressive
sur les fréquences moyennes ou graves, alors que les vertiges
sont moins fréquents et remplacés par une instabilité permanente. Le tableau clinique peut également survenir des années
après l’installation d’une surdité profonde unilatérale (delayed
vertigo). Le diagnostic est généralement aisé, sauf au stade initial de la maladie, lorsque l’affection est purement vestibulaire.
Parfois, l’expression de la maladie peut se limiter aux vertiges.
On parle alors de vestibulopathie récurrente, dont la physiopathologie est plus incertaine.
Les symptômes de la maladie de Ménière sont liés à
un hydrops labyrinthique, c’est-à-dire une hyperpression des
liquides de l’oreille interne, probablement consécutifs à un
défaut de résorption du liquide endolymphatique. Les épisodes
aigus vertigineux sont expliqués soit par un phénomène mécanique de déformation de l’oreille interne, soit par une rupture de
la membrane labyrinthique et fuite du liquide endolymphatique
riche en potassium stimulant le nerf vestibulaire.
3. Vertige récurrent
3.1.2. Diagnostics différentiels
Le diagnostic différentiel principal est représenté par le
schwannome du VIII ou les autres processus expansifs de la
fosse cérébrale postérieure pouvant potentiellement comprimer
le nerf cochléovestibulaire. Toute surdité de perception accompagnant des vertiges récurrents doit faire l’objet d’une étude
par potentiels évoqués auditifs (PEA). Toute atteinte rétrocochléaire sur les PEA doit faire réaliser une IRM avec injection
de gadolinium centrée sur les conduits auditifs internes.
Les autres diagnostics différentiels principaux devant
l’association de vertiges récurrents et d’une surdité sont le vertige par conflit vasculonerveux du VIII, la déhiscence du canal
semi-circulaire supérieur, la syphilis acquise ou congénitale et
le syndrome de Cogan (qui s’accompagne d’une kératite interstitielle et parfois d’une insuffisance aortique).
Le patient présente des attaques de vertiges soudaines et temporaires durant quelques minutes à quelques heures. La durée du
vertige est un élément important de l’interrogatoire. Le patient
retrouve son état antérieur entre les épisodes de vertige. De
manière schématique, il s’agit soit d’une maladie de Ménière,
soit d’une migraine. Le schwannome du VIII doit être évoqué comme diagnostic différentiel de la maladie de Ménière.
La pathologie ischémique transitoire cérébrale doit être évoquée chez des patients à risque vasculaire mais la présentation
purement vertigineuse est exceptionnelle.
3.1.3. Traitement
De nombreuses thérapeutiques ont été proposées dans la
maladie de Ménière, basées sur différentes hypothèses physiopathologiques comme des régimes (pauvres en sel, nicotine,
caféine, alcool), l’usage de diurétiques (acétazolamide ou furosémide) visant à réduire l’hydrops. Le médicament actuellement
reconnu comme efficace est la bétahistine (Serc® , Lectil® ), par
le biais d’une amélioration de la microcirculation de l’oreille
interne et peut-être par un effet inhibiteur des neurones des
noyaux vestibulaires. Cependant, dans 1 à 5 % des cas, une
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prise en charge chirurgicale s’avère nécessaire. Il peut s’agir de
techniques dites conservatives, par instillation de médicaments
ototoxiques intratympaniques (atteinte selective de l’épithélium
sécrétant) ou par création d’un shunt endolymphatique (Brandt,
2000). Les techniques destructives suppriment la fonction vestibulaire en sectionnant le nerf vestibulaire. Cet acte chirurgical
est indiqué si la fonction auditive est franchement dégradée.
3.2. La migraine
Les vertiges et les migraines sont deux affections très fréquentes dans la population générale et il n’est pas étonnant
qu’elles soient associées. Cependant, les vertiges sont plus
fréquents chez les patients migraineux et peuvent survenir
chez près de 25 % d’entre eux. La séméiologie vertigineuse
n’est pas spécifique et dure de quelques minutes à quelques
heures. La difficulté est de déterminer si les deux affections sont effectivement liées (Lempert et Neuhauser, 2005 ;
Eggers, 2007). Dans certains cas, les vertiges représentent
l’aura de la céphalée migraineuse. Dans d’autres cas, il s’agit
d’une migraine basilaire, où les vertiges s’associent à d’autres
manifestations vertébrobasilaires (troubles visuels bilatéraux,
paresthésies bilatérales, dysarthrie, ataxie. . .), l’ensemble de
ces manifestations disparaissant à l’installation de la céphalée.
Dans ces deux cas, il est facile de rattacher les vertiges aux
migraines et les traitements de fond antimigraineux améliorent
les deux symptômes. Dans d’autres cas, les vertiges surviennent
indépendamment des migraines ou les patients développent
migraines et vertiges à des périodes différentes de leur vie,
rendant plus difficile leur rattachement l’un à l’autre. La physiopathologie des vertiges migraineux est mal connue, mais
on suppose un mécanisme ischémique dans le territoire de
l’artère auditive interne. Le traitement est celui des migraines
accompagnées.
3.3. Les accidents ischémiques transitoires
vertébrobasilaires
Les accidents ischémiques transitoires du territoire vertébrobasilaire sont une cause de vertiges dans la population âgée.
Le mécanisme vasculaire a, cependant, été excessivement utilisé pour expliquer des vertiges d’origine mal déterminée. Les
vertiges vasculaires sont brusques, durant quelques minutes et
généralement associés à d’autres symptômes neurologiques de
souffrance vasculaire du territoire vertébrobasilaire comme une
hémianopsie, des paresthésies, une ataxie, une dysarthrie, une
diplopie, un déficit moteur hémicorporel. . . Dans des cas exceptionnels, le vertige peut être le seul symptôme (Grad et Baloh,
1989). Les patients présentent des facteurs de risque vasculaire
ou une maladie vasculaire athéromateuse déjà connue.
4. Les instabilités : ataxie vestibulaire
L’instabilité est définie comme une impression d’ébriété,
de tangage, de sol ondulant ou mou. Elle n’apparaît que lors
du maintien de la station debout et à la marche et disparaît
en position assise ou couchée. L’instabilité traduit l’existence
d’une ataxie que confirme l’examen clinique. L’ataxie vestibulaire s’aggrave à l’obscurité, peut être associée à des vertiges
positionnels et s’accompagne de signes objectifs de déficit vestibulaire. Lorsqu’il existe une atteinte vestibulaire bilatérale et
sévère, il existe un défaut de stabilisation du regard lors des
mouvements de la tête, rendant compte d’une oscillopsie ou
instabilité de la scène visuelle. Diverses étiologies responsables
d’une atteinte vestibulaire périphérique ou centrale chronique
et/ou progressive peuvent être responsables d’une ataxie vestibulaire. Nous développerons plus particulièrement les tableaux
d’aréflexie vestibulaire idiopathique, les tumeurs de la fosse
cérébrale postérieure, les pathologies dégénératives, malformatives et toxiques.
4.1. L’aréflexie vestibulaire idiopathique
Certains patients présentent un déficit vestibulaire bilatéral chronique, le plus souvent progressif, se manifestant par
une ataxie progressive, habituellement en l’absence de vertiges.
L’expertise clinique et fonctionnelle met en évidence un déficit
vestibulaire périphérique bilatéral. Cette ataxie peut être associée à des signes neurologiques dans le cadre d’une maladie
neurologique, telle qu’un syndrome cérébelleux dégénératif,
une neuropathie périphérique et/ou des nerfs crâniens ou une
séquelle de méningite ; elle peut être la conséquence de certains
médicaments vestibulotoxiques tels les aminosides ; elle peut
être associée à des signes otologiques dans le cadre de diverses
affections ORL bilatérales évoluées ou consécutive à une maladie auto-immune. Dans un certain nombre de cas, cependant,
le tableau est isolé, aboutissant au diagnostic d’aréflexie vestibulaire idiopathique (Rinne et al., 1998). Le traitement repose
essentiellement sur la rééducation vestibulaire.
4.2. Les tumeurs de la fosse cérébrale postérieure
Elles sont redoutées. La séméiologie ataxique vestibulaire le plus souvent centrale est progressive, continue et
s’associe à des céphalées ainsi qu’à d’autres symptômes neurologiques traduisant la lésion locale. Il peut s’agir de tumeurs
bénignes (neurinome, méningiome, kyste dermoïde. . .) ou
de tumeurs malignes (médulloblastome, hémangioblastome,
astrocytomes. . .).
4.3. La pathologie dégénérative et malformative
Toutes variétés d’atrophie cérébelleuse (génétique ou
acquise) ou pontocérébelleuse peuvent comporter une séméiologie vestibulaire centrale ou périphérique, souvent intriquée
à la séméiologie cérébelleuse et dont l’évolution est très lente
sur plusieurs années. La malformation de Chiari est une malformation de la charnière cervico-occipitale avec une descente
anormale des amygdales cérébelleuses dans le trou occipital,
entraînant une compression du bulbe et du cervelet. Elle peut
s’associer à une cavitation centrale bulbaire : la syringobulbie.
Elle peut avoir une expression vestibulaire centrale pure, souvent
associée à des cervicalgies, le diagnostic étant évoqué lorsqu’un
nystagmus vertical battant vers le bas est observé.
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4.4. La pathologie neurotoxique
Outre la toxicité vestibulaire périphérique des aminosides,
l’alcool, de nombreux médicaments (sels de lithium, antiépileptiques, psychotropes) peuvent entraîner un syndrome
vestibulaire central.
5. Le vertige par conflit vasculonerveux du VIII :
vestibular paroxysmia
Il est maintenant admis qu’une compression par une boucle
vasculaire de la racine nerveuse des Ve , VIIe ou IXe nerfs
crâniens peut donner lieu respectivement à une névralgie du
trijumeau, un spasme hémifacial ou une névralgie glossopharyngée. Il a d’ailleurs été mis en évidence des vaisseaux comprimant
localement le nerf en question, et la décompression microvasculaire est un traitement efficace de ces syndromes (Jannetta,
1980 ; Sindou et al., 1990 ; McLaughlin et al., 1999). Le conflit
doit intéresser la myéline centrale qui accompagne le nerf à son
entrée ou sa sortie du tronc cérébral (Adams, 1989). Ce conflit
serait responsable d’une démyélinisation locale, elle-même responsable d’une hyperactivité axonale et d’une transmission
éphaptique, soit au niveau de la zone de conflit, soit dans le noyau
dont dépend le nerf en question. Les manifestations cliniques
sont le plus souvent le fait d’une hyperexcitabilité, comme dans
le spasme hémifacial ou la névralgie du trijumeau. Cependant,
les manifestations peuvent être déficitaires, comme dans certains
cas de paralysies des nerfs oculomoteurs. Par extrapolation, il est
raisonnable de penser qu’une compression vasculaire du VIIIe
nerf crânien puisse entraîner des signes vestibulaires (vertiges,
instabilité) et/ou des signes auditifs (acouphènes, hypoacousie), ce d’autant plus que pour le VIIIe nerf crânien, la myéline
centrale est étendue tout le long du trajet dans l’angle pontocérébelleux, allant du tronc cérébral au conduit auditif interne
(Skinner, 1931).
À partir de ces assomptions, l’équipe de Jannetta a décrit,
en 1986, un syndrome appelé : le disabling positional vertigo (DPV) relevant d’un conflit vasculonerveux (Moller et
al., 1986). Ils décrivent principalement des patients dont les
manifestations vestibulaires chroniques et insensibles aux thérapeutiques habituelles ont été améliorées par une décompression
vasculonerveuse du VIII. Leur description clinique et paraclinique est, cependant, assez pauvre. En effet, autant le spasme
hémifacial est de diagnostic clinique facile, autant les vertiges sont une manifestation perceptive subjective fréquente et
répondant à de nombreuses étiologies, dont des causes psychologiques. On ne peut donc dénier chez les patients de cette
dernière catégorie un effet placebo de l’intervention neurochirurgicale (Bergsneider et Becker, 1995 ; Monstad, 2007).
De plus, le complexe acousticofacial est physiologiquement
accompagné de vaisseaux et, notamment, de l’artère cérébelleuse antéro-inférieure (AICA) à l’intérieur du conduit
auditif interne pouvant suggérer plus facilement la présence
d’un conflit lors de l’intervention chirurgicale (Bergsneider et
Becker, 1995). Bien que le sujet soit à caution et à polémique
(Bergsneider et Becker, 1995 ; Monstad, 2007), il paraît, cependant, indéniable que cette pathologie existe, et elle représenterait
265
pour certains 4 % des étiologies des vertiges (Hufner et al.,
2008).
5.1. Diagnostic du vertige par conflit vasculonerveux du
VIII
Depuis les travaux de l’équipe de Jannetta (Moller et al.,
1986), plusieurs auteurs ont tenté d’améliorer les critères cliniques et paracliniques permettant d’évoquer ce diagnostic
(Moller et al., 1986 ; Ter Bruggen et al., 1987 ; Schwaber et Hall,
1992 ; Hufner et al., 2008 ; Brandt et Dieterich, 1994 ; Ryu et al.,
1998). Les critères diagnostiques ainsi que les indications thérapeutiques diffèrent radicalement en fonction de la spécialité
médicale ou chirurgicale des équipes concernées. Les critères
cliniques très récemment proposés par une équipe médicale allemande nous semblent les mieux détaillés et les plus utiles au
diagnostic positif de vertige par conflit vasculonerveux (Hufner
et al., 2008) (Tableau 2).
Il s’agit de vertiges rotatoires ou « en va-et-vient », le plus
souvent accompagnés de troubles de l’équilibre. Alors que ces
vertiges sont souvent favorisés par des facteurs positionnels, le
facteur provoquant le plus fréquent semble être le repos. Le
vertige est bref, de quelques secondes à quelques minutes. Il
peut être associé à des nausées ou vomissement ou à des acouphènes, mais le plus souvent il est isolé. L’examen des patients
en dehors des périodes de vertiges est le plus souvent normal,
mis à part quelques troubles de l’équilibre les yeux fermés. Il
est, cependant, très souvent observé un nystagmus (sans vertige)
induit par l’hyperventilation, témoignant de l’hyperexcitabilité
vestibulaire. Enfin, les manœuvres positionnelles du VPPB sont
Tableau 2
Critères diagnostiques du vertige par conflit vasculonerveux du VIII (Hufner et
al., 2008).
Diagnostic criteria for vertigo stemming from neurovascular compression syndrome of the VIIIth nerve (Hufner et al., 2008).
A
B
a
b
c
C
a
b
c
d
e
f
D
a
b
c
E
Attaque de vertiges de quelques secondes à quelques minutes. Les
attaques cèdent sans intervention thérapeutique
Un ou plusieurs facteurs provocants
Repos
Certaines positions (non spécifique du VPPB)
Certains positionnements de tête (non spécifique du VPPB)
Une ou plusieurs caractéristiques pendant les attaques :
Pas de symptômes d’accompagnement
Troubles de la marche
Troubles de l’équilibre
Acouphène unilatéral
Sensation de plénitude ou de pression dans ou autour de l’oreille
Hypoacousie unilatérale
Un ou plusieurs des critères diagnostics additionnels suivants
Compression neurovasculaire démontrée sur l’IRM
Enregistrement (VNG, ENG) d’un nystagmus induit par
l’hyperventilation
Réponse aux traitements antiépileptique (non applicable à la
première consultation)
Absence d’autres explications aux symptômes
Diagnostic définiti : au moins cinq attaques correspondant aux critères suivants
(A–E).
Diagnostic probable : au moins cinq attaques et le patient remplit le critère A et
au moins trois des critères B à E.
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négatives. Il semble exister une relation entre les manifestations
cliniques purement vestibulaires ou purement cochléaires et le
site du conflit (Ryu et al., 1999), mais cette allégation reste
sujette à controverse (Sirikci et al., 2005).
5.2. Diagnostics différentiels
Les principaux diagnostics différentiels sont les autres syndromes vertigineux récurrents tels la vestibulopathie récurrente,
la migraine, la déhiscence du canal semi-circulaire supérieur et le
VPPB en l’absence de signes cochléaires ; la maladie de Ménière
et la fistule périlymphatique en présence de signes cochléaires.
5.3. Explorations fonctionnelles
Un déficit auditif et/ou vestibulaire unilatéral fait partie des
critères diagnostiques additionnels selon Hüfner et al. (Hufner
et al., 2008). Un déficit vestibulaire unilatéral peut apparaître
progressivement dans le temps. Dans 50 à 80 % des cas, il
existe une hypoacousie neurosensorielle, et/ou dans 50 % des
cas, des réflexes acoustiques de l’oreille moyenne anormaux,
traduisant l’atteinte de la portion auditive du nerf vestibulaire.
L’hypoacousie porte le plus souvent sur les hautes fréquences
mais peut également toucher les moyennes et les basses fréquences. Les principaux tests électrophysiologiques détaillés
dans les différentes études sont les PEA, car ce sont eux qui
donnent des éléments de latéralisation et de topographie rétrocochléaire de l’affection. La perturbation la plus fréquente
et attendue (75 % des cas) est un allongement unilatéral des
latences entre le premier et le troisième pic, anomalie rencontrée dans le neurinome de l’acoustique, qui signe une atteinte
de la portion proximale du nerf cochléaire (Ryu et al., 1999).
Aux enregistrements oculomoteurs, on retrouve des anomalies
dans 93 % des cas. Le plus souvent, il s’agit d’un nystagmus
spontané ou positionnel. Ce nystagmus peut battre vers l’oreille
atteinte (60 %) traduisant une hyperexcitabilité du côté du conflit
ou vers l’oreille saine (30 %) traduisant un déficit vestibulaire
du côté du conflit. Il s’agit également d’une abolition ou d’une
diminution de la réponse aux tests caloriques à l’eau chaude et
froide avec une prépondérance directionnelle supérieure à 25 %.
Cependant, les tests caloriques peuvent montrer une hyperexcitabilité du côté du conflit, c’est-à-dire une réponse supérieure
à 50◦ par seconde (Schwaber et Hall, 1992). Les test vestibu-
laires sur fauteuil rotatoire peuvent montrer une prépondérance
directionnelle pathologique supérieure à 25 %. Ces anomalies,
quand elles existent, apparaissent constantes entre les attaques
de vertiges. En l’absence d’hypoacousie latéralisée ou de spasme
hémifacial, ces anomalies vestibulaires (nystagmus spontané et
asymétries) peuvent manquer de spécificité, notamment pour
donner le côté du conflit : en dehors de l’aréflexie franche ou de
l’hyperrefléxie franche, ils peuvent en effet traduire soit un déficit, soit une hyperexcitabilité. À la différence des tests auditifs,
aucun test vestibulaire ne peut aider au diagnostic topographique
endo- ou rétrolabyrinthique.
L’imagerie IRM, notamment avec la technique du CISS,
serait pour certaines équipes très intéressante en montrant un
croisement entre une artère et le nerf cochléovestibulaire dans
35 à 95 % des cas (Ryu et al., 1998 ; Hufner et al., 2008) (Fig. 2).
Cependant, il semble que la description de boucles vasculaires
dans la région du paquet acousticofacial ne soit d’aucune spécificité, ces boucles étant physiologiques et ne traduisant pas un
conflit sous-jacent (Makins et al., 1998 ; Sirikci et al., 2005).
Comme dernier critère diagnostique, la plupart des patients
chez qui le diagnostic a été porté présentent une boucle vasculaire au contact du nerf vestibulaire lors de l’intervention
chirurgicale. Cette boucle dépend le plus souvent de l’AICA
ou d’une artériole. Contrairement au nerf facial, le conflit peut
se localiser sur tout le trajet du nerf jusqu’à sa sortie du
conduit auditif interne. Cependant, sur des études anatomopathologiques, il est souvent retrouvé des boucles vasculaires
asymptomatiques du vivant du patient au contact du nerf
cochléovestibulaire (Makins et al., 1998).
5.4. Traitement
Comme thérapeutique médicamenteuse, il est reconnu que
les médicaments vestibuloplégiques communément utilisés sont
sans intérêt. Seul le diazépam a pu être partiellement efficace.
Deux études de la même équipe médicale se sont intéressées au
traitement par la carbamazépine ou l’oxcarbazépine, médicaments de choix de la névralgie essentielle du trijumeau (Brandt
et Dieterich, 1994 ; Hufner et al., 2008). Dans leur récente étude
portant sur 25 patients, le traitement améliore la fréquence des
attaques de 90 % en moyenne (de sept par semaine à 1,5 par
semaine) et leur durée de 11 % (Hufner et al., 2008). Un cas
a été amélioré par un traitement par hydantoïne (Dihydan® )
Fig. 2. Coupe axiale IRM T2 montrant une boucle vasculaire (flèche) au contact du VIII gauche à son entrée dans le tronc cérébral.
Axial slice of T2-weighted sequence MRI showing a vascular loop (arrow) in close proximity with the left VIIIth nerve, at the brainstem entry zone.
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(Slater, 1987). Aucune étude ne s’est intéressée au gabapentin, qui peut s’avérer efficace dans la névralgie du trijumeau.
Finalement, d’après les différentes études, la décompression
microvasculaire est efficace (« améliorés » ou « résultats excellents ») dans 76 % des cas (Moller et al., 1986 ; Ryu et al., 1998).
Cependant, les résultats sont mal détaillés. Notamment, il y a
très peu d’explorations audiovestibulaires postchirurgicales ou
d’échelle fonctionnelle des vertiges. Une série rapporte un essai
de traitement par section du nerf vestibulaire qui est proposé
dans certains cas de maladie de Ménière invalidante. Ce traitement était relativement efficace sur les vertiges, mais pas sur le
symptôme d’instabilité permanente. Il n’est donc pas préconisé
dans cette affection (Schwaber et Hall, 1992). Les complications
chirurgicales sont rares avec quatre surdités profondes, quatre
surdités légères, une contusion cérébelleuse, une paralysie transitoire du grand oblique et une paralysie d’une corde vocale, sur
une série de 207 patients (Moller et al., 1993). Par ailleurs, il
est rapporté une perte auditive d’environ 3 % en moyenne par
malade.
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