Hallucinations (PDF Available)
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 37-120-A-10 37-120-A-10 Hallucinations N Franck F Thibaut Résumé. – Esquirol a introduit le terme hallucination dans la littérature psychiatrique en 1838. De sa conception est issue la définition classique d’Henri EY : « perception sans objet à percevoir ». Outre les causes psychiatriques, un certain nombre de pathologies neurologiques, de causes toxiques, de situations de privation sensorielle, d’états de conscience modifiée peuvent être à l’origine de phénomènes hallucinatoires. Cependant, aucune de ces causes n’entraîne des phénomènes ayant la richesse et la complexité des hallucinations décrites par les patients psychotiques. Les hallucinations verbales, fréquentes dans la schizophrénie, constituent la forme la plus complexe d’hallucinations et, à ce titre, ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques qui ont mis en évidence le rôle des aires de production et de réception du langage. Les anomalies constatées ont été interprétées principalement dans le cadre des modèles de l’action. Enfin, comme le suggère le mode d’action des neuroleptiques, les systèmes dopaminergique et sérotoninergique sont impliqués dans la genèse des hallucinations, mais leur rôle précis n’est pas encore clairement établi. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : hallucination, imagerie fonctionnelle, langage, contrôle de l’action, perception. Introduction Une hallucination est une perception ou une sensation survenant alors qu’aucune stimulation externe ou interne n’affecte les terminaisons nerveuses sensorielles. Le sujet souffrant d’un tel phénomène se méprend sur ce qui advient dans son environnement ou à l’intérieur même de son corps. Les hallucinations peuvent impliquer non seulement les cinq sens, mais aussi simuler toutes les informations perceptives en provenance de l’appareil locomoteur ou phonatoire (à l’origine d’hallucinations motrices) ou des viscères (à l’origine d’hallucinations cénesthésiques). Les pathologies mentales (en particulier la schizophrénie, mais aussi les troubles de l’humeur et la démence), les lésions cérébrales focalisées, comme d’autres maladies neurologiques (certaines formes d’épilepsie ou de migraines), mais aussi la déprivation sensorielle, le manque de sommeil et la consommation de toxiques peuvent être à l’origine de toutes les formes d’hallucinations, depuis la sensation la plus élémentaire sans contenu symbolique, jusqu’à l’audition de langage. Les hallucinations associées à la pathologie mentale ne permettent que rarement aux patients de les caractériser comme des phénomènes non perceptifs. Ils n’ont pas conscience du trouble, alors que les patients neurologiques souffrant d’hallucinations, malgré le caractère très réaliste des manifestations, parviennent généralement à s’y habituer et à les identifier en tant que phénomènes pathologiques. Nicolas Franck : Praticien hospitalier universitaire, service hospitalo-universitaire du professeur Terra, CHS Le Vinatier, 69677 Bron cedex, France et UMRSOIS CNRS-Université Claude Bernard. Florence Thibaut : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service hospitalo-universitaire de psychiatrie, INSERM Emi 9906, centre hospitalier universitaire Charles Nicolle, 76031 Rouen cedex, France. Après un bref historique du concept, nous aborderons successivement la clinique hallucinatoire, l’approche expérimentale de ces phénomènes, les hypothèses explicatives et enfin, les aspects thérapeutiques. Historique Le terme hallucination d’étymologie latine (hallucinatio : divagation, délire) est apparu dans la langue française au XVIIe siècle. Son usage médical a été précisé par Esquirol en 1838. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la définition du vocable hallucination n’était pas arrêtée et son emploi couvrait aussi bien les anomalies sensorielles (telles une diplopie) que les phénomènes mentaux entraînant des perceptions aberrantes. Alexander Crichton (1798), par exemple, confondait hallucinations et illusions dans la définition suivante : « une erreur de l’esprit dans laquelle les idées sont prises pour des réalités, et les objets réels sont faussement représentés sans qu’il existe un dérangement général des facultés intellectuelles ». À la même époque, d’autres auteurs ont commencé à adopter un usage plus restrictif de ces vocables : Sagar (cité par [21]) appelait hallucinations les « fausses perceptions » et Boissier de Sauvages (1768, cité par [22]) définissait les hallucinés comme « ceux qui prennent leurs sensations pour des images et leurs imaginations ou leurs fantasmes pour des sensations ». C’est Esquirol [21] qui a donné au terme hallucination la signification que nous utilisons encore actuellement, celle de la « conviction intime et inébranlable d’une sensation actuellement perçue alors que nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n’est à portée des sens ». Il considérait les hallucinations comme un des symptômes constitutifs du délire « pouvant convenir à plusieurs maladies ». Il avait signalé leur fréquence importante dans les maladies mentales en observant que « sur cent aliénés, quatre-vingts au moins ont des hallucinations ». Esquirol faisait des hallucinations un élément de Toute référence à cet article doit porter la mention : Franck N et Thibaut F. Hallucinations. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie, 37-120-A-10, 2003, 18 p. 37-120-A-10 Hallucinations pronostic défavorable dans les vésanies. Par ailleurs, il avait mentionné l’existence d’hallucinations isolées sans délire. À partir de ses observations cliniques, il avait classé les hallucinations selon les sens impliqués. Il subodorait déjà le rôle du cerveau dans la production des hallucinations : « les prétendues sensations des hallucinés sont des images, des idées, reproduites par la mémoire, associées par l’imagination et personnifiées par l’habitude ». Il les distinguait des illusions (qui, selon lui, ne dépendaient pas du cortex), des états de rêve ou du somnambulisme et enfin, des extases. Plus tard, Ball (1890), simplifia la définition d’Esquirol en écrivant que « l’hallucination est une perception sans objet ». Baillarger [ 1 ] , en 1846, introduisit une distinction entre les hallucinations psychosensorielles (impliquant la participation des organes des sens) et les hallucinations psychiques (ou voix intérieures, c’est-à-dire des phénomènes de pensée sans élément sensoriel, la pensée étant décrite comme abandonnée à elle-même). Il s’est interrogé quant à l’éventuelle participation des voies sensorielles, en plus de celle de l’encéphale, dans la production des hallucinations psychosensorielles. Au cours du XIX e siècle, l’hallucination a en effet été successivement conçue comme une sensation anormale produite par l’action de l’esprit sur les organes des sens [1, 21], comme une image mentale trop intense [6], puis comme une production anormale de langage [93, 104]. Cette dernière hypothèse a été développée à la fin de ce siècle, à la suite de la découverte des aires cérébrales impliquées dans la production et la compréhension du langage. Broca avait en effet montré, dès 1861, qu’une lésion de la troisième circonvolution frontale pouvait abolir la production langagière et Wernicke (1874) qu’une lésion de la première circonvolution temporale pouvait entraîner une atteinte de la compréhension du langage. Par antagonisme avec les troubles des cérébrolésés, de nouvelles hypothèses visant à expliquer le mode de production des hallucinations avaient alors été élaborées. Puisqu’il avait été observé que la destruction des zones du langage provoque des aphasies, c’est-à-dire des défauts de langage, les auteurs avaient supputé qu’une activité excessive de ces mêmes zones pourrait entraîner l’inverse d’une perte de fonction, c’est-à-dire des excès de langage, ou, autrement dit, des hallucinations. L’excitation d’un centre cortical devrait en effet produire le contraire de sa destruction, soit l’hallucination corrélative : « l’hallucination consiste en une excitation pathologique des centres sensoriels du cortex, analogue à ce qui, dans les centres moteurs, produit l’épilepsie d’origine corticale » [ 9 3 ] . On considérait que l’hallucination serait psychosensorielle si l’anomalie concernait la sphère auditive, et psychomotrice s’il s’agissait d’une atteinte de l’aire de production du langage. Par ailleurs, on expliquait le degré plus ou moins important de complexité de l’hallucination par une distinction subtile entre l’excitation des aires de projection ou d’association. Tamburini [104] a élaboré la première de ces théories motrices des hallucinations. Selon lui, les centres sensoriels corticaux pouvaient avoir une fonction motrice en plus de leur fonction perceptive. Il avait proposé d’appeler centres sensorimoteurs ces centres qui seraient excités avant chaque acte moteur, pour produire, d’une part, l’image sensorielle du mouvement et, d’autre part, la commande motrice. L’excitation morbide de ces centres pourrait donner au sujet l’impression qu’il va ou qu’il est en train d’exécuter un mouvement. Cela expliquerait le fait que les patients puissent avoir l’impression de parler ou qu’on parle en eux alors qu’ils ne disent rien, et qu’ils puissent même prononcer des paroles malgré eux si l’excitation de ce centre devient trop forte. Les hallucinations motrices verbales ne représenteraient qu’un exemple, dû à l’atteinte des centres langagiers, de ce type de phénomène qui pourrait aussi bien toucher n’importe quel centre sensorimoteur du corps. Les idées de Tamburini ont eu un rapide succès en France. Elles ont en particulier été adoptées par Magnan (1893) qui prônait l’idée que « l’hallucination a pour siège le centre perceptif cortical ; elle est causée par un état d’excitation, une sorte d’éréthisme de ce centre » ; il ajoutait par ailleurs que « ce trouble sensoriel est la représentation tellement fidèle de l’image normale qu’il entraîne une conviction complète, et que les malades ne peuvent admettre qu’il s’agisse là 2 Psychiatrie d’un phénomène pathologique ». Selon Magnan, une sorte de dédoublement de la personnalité pourrait même s’ensuivre. Le sujet proprement dit serait alors localisé dans le cortex frontal, alors que la personnalité néoformée s’emparerait du centre auditif. Magnan imaginait cette dernière s’émancipant, une sorte de dialogue s’instaurant entre elle et la personnalité propre du sujet, voire plusieurs centres corticaux échangeant automatiquement sans que le sujet puisse jouer un autre rôle que celui d’un spectateur impuissant. Cette théorie préfigurait celle de G. de Clérambault [18], qui fit entrer de tels phénomènes dans le cadre de l’automatisme mental, sur lequel nous reviendrons ultérieurement. À la différence d’Esquirol qui faisait de l’hallucination un des symptômes du délire, de Clérambault fera des hallucinations le socle sur lequel s’érige le délire. Quelque temps après Tamburini, Séglas [93], en se fondant sur le modèle plus complexe de Charcot (1895) comprenant plusieurs centres et les nécessaires voies d’association qui les relient, offrit un modèle à la fois plus complexe et plus riche permettant pour la première fois d’individualiser des hallucinations motrices à proprement parler. Séglas [ 9 3 ] distinguait les hallucinations psychomotrices, qu’il assimilait aux hallucinations psychiques de Baillarger [1], des hallucinations psychosensorielles auditives. Selon sa terminologie, les premières impliqueraient un « état d’éréthisme du centre moteur d’articulation », entraînant la perception par le sujet de ses « images motrices d’articulation », alors que les secondes seraient dues à l’intervention du centre auditif du langage. Séglas pensait que les hallucinations psychomotrices pourraient être la conséquence de la production du « sentiment d’innervation » à mauvais escient. Le « sentiment d’innervation, de décharge nerveuse, d’impulsion centrifuge d’origine centrale » est l’un des deux éléments constituant l’image motrice, l’autre étant représenté par les « images sensorielles, tactiles et musculaires (S. kinesthésique de Bastian) et venues de la périphérie ». Ce « sentiment d’innervation » est une sorte de représentation du mouvement qui peut être dissociée de l’acte moteur proprement dit. Il se rapproche du concept de copie de la commande motrice, développé précédemment par Helmoltz (1866). Nous verrons ultérieurement que des théories actuelles des hallucinations sont encore fondées sur le développement de celui-ci. Séglas estimait que si le sentiment d’innervation en rapport avec une action de langage était produit de façon suffisamment intense, le sujet pourrait avoir l’impression que les paroles sont effectivement prononcées. Il localisait les « images verbales motrices » dans le centre moteur général du langage articulé. Séglas [93], distinguait trois sortes d’hallucinations en fonction du caractère plus ou moins achevé de l’exécution de mouvements de l’appareil phonatoire : les hallucinations verbales kinesthésiques (hallucinations verbales motrices sans mouvement qu’il assimile aux hallucinations psychiques déjà décrites par Baillarger en 1846 [1]), les hallucinations verbales motrices complètes (hallucinations accompagnées d’un commencement de mouvement d’articulation mais sans que les mots ne soient prononcés) et les impulsions verbales (avec prononciation complète des mots). De plus, il classait les hallucinations en deux types selon que le patient a conscience ou non de la nature subjective du phénomène. Dans le premier type, le patient souffre d’hallucinations et se rend compte qu’il s’agit là de sa propre production tout en n’ayant aucune prise sur elle, alors que dans le second type, il n’a aucune conscience de son trouble. Au-delà d’un intérêt purement anecdotique, ces considérations historiques permettent de comprendre quelle est l’origine des théories [64] qui seront, beaucoup plus tard, testées empiriquement lorsque l’évolution des moyens techniques le permettra. En effet, à partir du milieu du XXe siècle, il deviendra possible de vérifier si le « centre moteur d’articulation » [93] est actif lors des hallucinations verbales en enregistrant l’activité subvocale du larynx, puis, grâce au développement de l’imagerie cérébrale fonctionnelle qui a ouvert une fenêtre sur le fonctionnement du cerveau, on pourra savoir si les hallucinations correspondent à des images mentales trop vives [6] et si les aires cérébrales sensorielles [1] ou les aires langagières [93] sont Psychiatrie Hallucinations actives durant le phénomène. La technologie moderne a somme toute permis de répondre à des questions déjà anciennes. Nous en examinerons les résultats ultérieurement. Entre-temps, Ey a repris et précisé la définition de Ball : « l’hallucination est une perception sans objet à percevoir » [22]. Cet auteur a également explicité les diagnostics différentiels des hallucinations : « les hallucinations se distinguent classiquement des illusions car l’illusion est une falsification de la perception d’un objet réel : il peut s’agir de la perception erronée de phénomènes sensoriels (illusions d’optique, de mouvements et de la taille des objets...), ou encore de perceptions erronées de l’identification, ou du sens des percepts (impression de reconnaître une mélodie alors qu’il s’agit d’un autre bruit, ou de voir un crucifix alors qu’il s’agit de taches sur un mur). Lorsque la richesse des illusions est très importante, elles sont qualifiées de pareidolies » [22]. Ey a également distingué l’hallucination de l’hallucinose (ou eidolie hallucinosique) qui est une hallucination reconnue et identifiée comme un phénomène anormal au moment même de sa survenue. Elle s’observe dans certaines pathologies oculaires, certaines crises comitiales et certaines lésions du tronc cérébral. Clinique CAUSES PSYCHIATRIQUES D’HALLUCINATIONS Les hallucinations sont un élément important dans la sémiologie des psychoses aiguës et chroniques, même si Bleuler les considérait comme un symptôme accessoire de schizophrénie. Pour Kurt Schneider (1955), chaque symptôme de premier rang, dont les hallucinations auditives de conversation, les commentaires des actes du patient ou encore les sensations corporelles imposées, était pathognomonique de la schizophrénie. En outre les hallucinations figurent parmi les symptômes caractéristiques de la schizophrénie dans la classification du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) (depuis la troisième version). De plus, si celles-ci commentent les actes du sujet ou si elles conversent entre elles (environ 20 % des sujets schizophrènes), leur seule présence suffit à porter le diagnostic de schizophrénie. Cependant, les hallucinations ne sont pas spécifiques de la schizophrénie (pour revue [87]). On les retrouve également chez les maniaques et, à un degré moindre, chez les déprimés. Les hallucinations sont un symptôme pour lequel il existe une bonne concordance entre les psychiatres, à la différence des symptômes négatifs qui, en dépit de leur fréquence, sont plus difficiles à mettre en évidence. Des hallucinations psychiques et psychosensorielles, le plus souvent auditives, sont rapportées par 50 à 80 % des patients schizophrènes. Elles sont le plus souvent de tonalité désagréable, proférant des insultes à l’égard du sujet, lui donnant des ordres parfois impérieux ou commentant ses actes ou ses pensées. Elles peuvent avoir des conséquences comportementales, être source d’angoisse ou encore d’auto- ou d’hétéroagressivité (environ 25 % des sujets schizophrènes commettraient une tentative de suicide sous l’emprise des hallucinations). Parfois plusieurs voix discutent entre elles de ce qu’il fait ou pense, ne lui épargnant rien, ne lui laissant aucun moment de répit et lui rendant de ce fait l’existence très difficile, voire insupportable. Les hallucinations visuelles sont plus rares dans la schizophrénie (15 % environ), alors qu’elles constituent un des mécanismes fondamentaux du délire onirique. Lors des psychoses de début tardif, les hallucinations auditives prédominent mais les hallucinations visuelles et tactiles sont également fréquentes (elles sont respectivement présentes dans 61 et 44 % des cas). Par ailleurs, les hallucinations sont au premier plan dans la psychose hallucinatoire chronique. Parmi les patients présentant des troubles affectifs, des hallucinations auditives sont observées dans 25 % des cas (en général menaçantes ou accusatrices), des hallucinations visuelles dans 20 % des cas (en général terrifiantes : fantômes, morts, l’enfer...) et des hallucinations olfactives dans 18 % des cas (mauvaises odeurs). On peut enfin retrouver des distorsions sensorielles dans les accès paroxystiques d’angoisse. 37-120-A-10 CAUSES NON PSYCHIATRIQUES D’HALLUCINATIONS Outre les causes psychiatriques, un certain nombre d’autres pathologies, de situations de privation sensorielle ou encore d’états de conscience modifiée peuvent être associés à des hallucinations. Habituellement, lorsque les hallucinations surviennent indépendamment d’une pathologie psychiatrique, elles ont un caractère transitoire, stéréotypé, et sont vécues comme des phénomènes irréels. Les hallucinations visuelles sont plus fréquentes lorsqu’il existe une origine toxique, métabolique ou organique au trouble mental (cf Onirisme). ¶ Causes sensorielles Des situations telles qu’une privation sensorielle (apparition d’hallucinations élémentaires et parfois d’un état qui ressemble à l’onirisme), une privation de sommeil prolongée (hallucinations visuelles), une surdité acquise (hallucinations auditives, déjà évoquées par Esquirol), une cécité (10 à 30 % des aveugles ont présenté des hallucinations visuelles), une amputation (membre fantôme, déjà décrit par Descartes, ou douleurs de membres amputés) peuvent s’accompagner de phénomènes hallucinatoires. Des hallucinations visuelles ont été rapportées chez les patients atteints de dégénérescence maculaire. La palinopsie est la persistance d’une image dans la partie du champ visuel qui est altérée. Le syndrome de Charles Bonnet a été décrit par un naturaliste suisse (spécialiste de la parthénogenèse du puceron) qui a rapporté en 1760 les hallucinations visuelles magiques et amusantes de son grandpère, âgé de 89 ans. Dans ce syndrome, les hallucinations sont critiquées par le patient et ne s’accompagnent pas d’altération de la conscience, elles sont souvent complexes, parfois lilliputiennes, colorées, mobiles. Elles sont associées à une pathologie oculaire (glaucome, cataracte...). ¶ États de conscience altérée Des hallucinations, dites hypnagogiques, de tonalité souvent désagréable et en général visuelles, peuvent survenir chez le sujet normal lors de l’endormissement. Elles ont été commentées par Sartre dans l’Imaginaire. Elles sont plus fréquentes chez les patients atteints de narcolepsie. Des hallucinations dites hypnopompiques sont parfois observées lors du réveil chez le sujet normal. Ces hallucinations, en général, reconnues comme pathologiques par le sujet s’apparentent plutôt à des pseudo-hallucinations. Des états de conscience modifiée, proches du sommeil, sont susceptibles de produire des visions (hypnose, transe, extase, etc). Ils avaient déjà été décrits par Brierre de Boismont [6]. Un stress majeur, menaçant la vie du sujet peut également induire des phénomènes hallucinatoires. ¶ Phénomènes hallucinatoires induits par l’usage de drogues psychodysleptiques L’acide lysergique diéthylamide (LSD) (un des constituants de l’alcaloïde de l’ergot de seigle) a été synthétisé par Hoffman en 1938. Croyant avoir découvert des propriétés analeptiques, il expérimenta le produit sur lui-même et décrivit « une suite ininterrompue et kaléidoscopique d’images fantastiques » ainsi que la perception de stimuli par des canaux sensoriels inhabituels (exemple : vision de voix ou encore perception d’images en mouvement tel un stromboscope). Dans certains cas, des hallucinations visuelles du même type peuvent survenir plusieurs mois ou années après la consommation de LSD (il s’agit « d’un retour d’acide »). Parfois, les sujets sous LSD peuvent présenter des hallucinations dites synesthésiques (hallucinations visuelles colorées après avoir entendu un bruit intense ou inversement). Ces phénomènes seraient dus à une hypersensibilité corticale. La phencyclidine (PCP), le peyotl (cactée du Mexique), la mescaline (alcaloïde du peyotl), la psilocybine (extraite d’un champignon hallucinogène du Mexique) ou plus rarement, le tétrahydrocannabinol (THC) [82] et, plus récemment, la 3 37-120-A-10 Hallucinations 3-4-méthylène-dioxy-métamphétamine (Ecstasy) peuvent induire des visions bizarres ou colorées dont un certain nombre d’artistes, tels Artaud, Baudelaire, Rimbaud ont pu s’inspirer, ou que le psychiatre Moreau de Tours a expérimentées lui-même [ 8 2 ] . Cependant, l’effet des drogues est très variable selon la dose utilisée et l’individu. ¶ Hallucinations iatrogènes Certains médicaments peuvent également être à l’origine d’hallucinations (surtout visuelles), en particulier, les médicaments à forte activité anticholinergique, certains antihypertenseurs comme la clonidine, certains agents antiparkinsoniens agonistes dopaminergiques, certains analgésiques morphiniques (fentanyl), la digoxine, les bétabloquants, la cimétidine, certains antihistaminiques H2, certains anesthésiques, et enfin des sédatifs, tels les benzodiazépines ou les hypnotiques, lors d’un surdosage ou au contraire en période de sevrage brutal. Ces hallucinations visuelles peuvent être colorées en jaune, surtout avec la digitale (elles auraient pu contribuer, pour certains auteurs, au choix des couleurs de Van Gogh), en rose (avec un antihelminthique, le santonin) ou être de taille microscopique (avec les substances à forte activité anticholinergique, en général vécues agréablement), ou encore géantes. ¶ Hallucinations d’autres causes toxiques L’abus de certaines substances telles que l’alcool, le méthylphénidate, les amphétamines, le chloral, peuvent s’accompagner d’hallucinations tactiles perçues comme des parasites se déplaçant sous la peau et induisant parfois des lésions de grattage. L’efficacité du pimozide dans cette indication a été rapportée. Certains solvants volatiles peuvent enfin entraîner des sensations sexuelles. ¶ Hallucinations causées par des affections neurologiques Les hallucinations peuvent avoir pour cause des lésions neurologiques focalisées. Elles sont le plus souvent consécutives à une atteinte des régions pariétotemporale ou occipitale. – Tumeurs cérébrales Certaines localisations tumorales ont des particularités neurologiques. Dans le cas de tumeurs pédonculaires ou de lésions vasculaires de la substance noire, notons l’apparition inconstante d’un syndrome rare, identifié par Lhermitte en 1922 : l’hallucinose pédonculaire, où l’on observe des hallucinations visuelles souvent très colorées, microscopiques ou kaléidoscopiques, parfois avec un certain degré d’obnubilation. Le patient demeure, le plus souvent, persuadé de leur caractère irréel. Dans les tumeurs de la base du crâne impliquant le bulbe olfactif, on peut observer des hallucinations gustatives ou olfactives. – Pathologies vasculaires (anévrismes ou accidents vasculaires cérébraux). – Encéphalopathies. – Chorée de Huntington. – Lupus érythémateux disséminé avec atteinte cérébrale. – Sclérose en plaques. – Démence, en particulier à corps de Lewy (hallucinations visuelles fréquentes (25 à 80 % des cas) mais aussi auditives (11 à 45 %) qui parfois peuvent précéder l’apparition de la démence), mais également démence d’Alzheimer (jusqu’à 50 % d’hallucinations, surtout lorsqu’il existe des lésions pariétales). – Neurosyphilis qui aurait occasionné des phénomènes hallucinatoires oniroïdes chez Maupassant ou encore Lénine [65] ; – Maladie de Parkinson. Chez le sujet parkinsonien âgé et présentant des troubles cognitifs, spontanément ou sous l’influence des traitements dopaminergiques 4 Psychiatrie ou anticholinergiques, des hallucinations (essentiellement visuelles 30 à 50 % des cas) peuvent survenir (elles sont souvent stéréotypées : enfants, défunts, personnes situées à l’arrière du téléviseur, et ont un fort contenu émotionnel). – Épilepsie. Les phénomènes hallucinatoires précédant les crises épileptiques de Dostoïevski ont été étudiés par Alajouanine (cité dans [65]). Des hallucinations visuelles précédaient les crises d’épilepsie de G. Flaubert. Le diagnostic d’épilepsie temporale associé à des hallucinations visuelles ou auditives terrifiantes a été également évoqué dans le cas de Van Gogh [65] . Le compositeur Dmitri Chostakovitch a également été sujet à des hallucinations musicales complexes. Des hallucinations plus ou moins complexes dans les différentes modalités sensorielles ont été rapportées selon les régions cérébrales impliquées. Elles sont plus souvent associées à des lésions de l’hémisphère droit. Elles sont en général brèves, stéréotypées et font référence à des expériences passées, l’impression d’étrangeté et de déjà-vu prédomine et la vigilance est plus au moins atténuée. Cependant, lors des psychoses épileptiques, des hallucinations visuelles complexes peuvent survenir en l’absence de trouble évident de la vigilance. Les thèmes mystiques et religieux y prédominent. La stimulation expérimentale du cortex, au cours d’interventions neurochirurgicales, peut également induire des hallucinations [86] . Cependant, aucune stimulation corticale ne reproduit exactement la complexité des hallucinations décrites par les patients atteints de psychose ; – Auras migraineuses. Elles peuvent s’accompagner de distorsions perceptives, en particulier visuelles (images géométriques), ou olfactives. Des hallucinations visuelles dites autoscopiques sont parfois associées à la migraine, ou encore à l’épilepsie ou la confusion mentale. Le sujet a la sensation de voir tout ou une partie de son propre corps comme s’il apparaissait dans un miroir. Ce spectre apparaît non coloré et il imite les mouvements du sujet. La personne reconnaît le plus souvent le caractère pathologique des troubles et s’en inquiète. Cette image du double est chère aux romanciers (E. Poe : W. Wilson, Dostoïevski : Le Double ; Maupassant : Le Horla ; D’Annunzio : Notturno ; ou encore Musset : Nuit de Décembre). ¶ Autres causes d’hallucinations Des hallucinations auditives (voix ou musique, en relation avec certaines fréquences radio) ont été décrites chez des patients porteurs de pièces métalliques dentaires ou de fragments métalliques (blessures par balles) dans le cerveau ou dans la boîte crânienne. PRÉVALENCE DES HALLUCINATIONS DANS LA POPULATION GÉNÉRALE Il y a environ un siècle était publié le premier article faisant état de l’existence d’hallucinations dans la population générale. Griesinger, dans son traité de psychiatrie, dans le chapitre consacré aux hallucinations, insistait sur l’existence d’hallucinations, en dehors de toute pathologie mentale. Goethe, Spinoza ou encore Pascal souffraient ainsi d’hallucinations en l’absence de pathologie neuropsychiatrique. Une étude plus récente rapporte que 60 à 70 % des étudiants (surtout de sexe masculin) ont fait l’expérience au moins une fois dans leur vie d’une hallucination verbale, comme par exemple, avoir entendu prononcer son nom, parfois jusqu’à une à deux fois par an. Dans la population générale, la prévalence sur la vie entière des hallucinations auditives serait comprise entre 10 et 40 % [106]. Les hallucinations visuelles seraient même plus fréquentes que les hallucinations auditives dans la population générale. En revanche, l’existence de plusieurs voix ou d’hallucinations auditives plus complexes ne semble pas retrouvée dans les études réalisées en population générale (pour revue [16]). Hallucinations Psychiatrie SÉMIOLOGIE DES HALLUCINATIONS ¶ Hallucinations psychosensorielles Elles sont caractérisées par leur sensorialité, leur spatialité, la conviction qu’a le sujet de leur réalité. Elles font généralement appel au contenu stocké dans la mémoire du sujet. Depuis Esquirol, elles sont classées selon les sens incriminés [21]. Visuelles Elles peuvent être élémentaires (lumières, taches colorées, photopsies, flammes, flashs, parfois formes géométriques), ou plus complexes (objets, figures, scènes, etc). Elles sont immobiles ou en mouvement, parfois kaléidoscopiques. Leur taille peut parfois être minuscule (hallucinations lilliputiennes) ou au contraire gigantesque (hallucinations gullivériennes). Elles peuvent apparaître en relief ou non, colorées ou non. Elles peuvent être unilatérales ou hémiopiques (la moitié d’un champ visuel). Lorsqu’il s’agit de visions d’animaux (zoopsies), en général menaçants, elles ont une valeur sémiologique et elles évoquent alors une confusion alcoolique, surtout lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte analogue à un rêve vécu et agi (délire onirique) avec une vigilance altérée (voir le paragraphe sur l’onirisme). Elles peuvent entraîner des réactions affectives euphoriques, exalter ou passionner le sujet (hallucinations mystiques). Elles peuvent être parfois présentes chez les patients schizophrènes en fonction des cultures, mais sont surtout observées dans les états confuso-oniriques et sont alors accrues par l’absence de lumière et la fermeture des yeux. Auditives Il peut s’agir de sons élémentaires (sifflets, cloches) ou de sons plus complexes (mélodies, bruit de la pluie, bruit de pas...), mais le plus souvent, il s’agit de voix (hallucinations acousticoverbales). Elles peuvent s’adresser au sujet à la deuxième personne (Wyrsch, cité par Ey [22] , a insisté sur la valeur de ce signe dans les états schizophréniques) ; elles peuvent également converser entre elles et s’adresser au sujet à la troisième personne. Elles ont souvent une tonalité désagréable (ce sont généralement des insultes, entrant dans le cadre de la trilogie du mépris, de l’injure et de la calomnie [22]), elles peuvent répéter la pensée du sujet (écho de la pensée), commenter ses actes ou encore donner des ordres au sujet (pensée ou actes imposés). Les voix peuvent être connues ou inconnues (parfois il s’agit de défunts, de la voix de Dieu, du diable...), s’exprimer dans la langue maternelle du sujet ou une autre langue, connue ou non du sujet (Esquirol avait déjà rapporté l’histoire d’un aliéné polyglotte, chez qui les voix parlaient plusieurs langues [21]). Elles peuvent être entendues par une oreille ou par les deux, provenir de près ou de loin, et elles sont clairement localisées dans l’espace. Dès 1881, Régis avait décrit l’existence d’hallucinations unilatérales entendues du côté de la lésion, lorsqu’il existait une lésion cérébrale. Le retentissement émotionnel est variable. Des attitudes d’écoute, la mise en place de moyens de protection (écouter de la musique, se concentrer sur une tâche, se boucher les oreilles (chez 10 à 40 % des sujets), des réponses brèves (dialogues hallucinatoires) ou en aparté, une distractibilité pendant l’entretien sont évocateurs d’hallucinations auditives dont le sujet ne parle pas toujours spontanément. Mentionnons également les hallucinations auditives qui surviennent lors du sevrage alcoolique chez certains consommateurs chroniques d’alcool (hallucinose alcoolique de Wernicke), en particulier lorsqu’ils sont âgés et carencés. Il s’agit en général de voix menaçantes, pouvant entraîner des comportements auto- ou hétéroagressifs. En général, ce syndrome dure quelques jours, mais il se prolonge parfois plusieurs mois, voire des années, et il peut même devenir chronique. Olfactives et gustatives Il peut s’agir d’odeurs ou de goûts désagréables ou étranges. Ces hallucinations ont en général un caractère nauséabond. Les odeurs peuvent être de nature humaine, à connotation sexuelle ou 37-120-A-10 scatologique ; le sujet peut ressentir une odeur putride qui émane de lui, de son corps en putréfaction (délire mélancolique ou « syndrome de référence olfactif »). Il peut également s’agir d’odeur de gaz dans le cadre de psychoses délirantes chroniques. Tactiles (haptiques) Les auteurs anciens (tels Régis) distinguaient celles du toucher actif et celles du toucher passif. Les hallucinations du toucher actif sont rares dans les psychoses. Les malades sentent le corps d’un individu à côté d’eux, ou croient toucher des objets, des animaux... Celles du toucher passif sont tégumentaires (brûlures, piqûres, froid, humidité, sensation de reptation, fourmillements, grouillements...). Elles peuvent être rapportées à des contacts manuels, des phénomènes d’électrisation ou la sensation d’être couvert de parasites. Les sujets touchent parfois leurs hallucinations pour tenter de les éliminer (se libérer de liens, écraser les parasites...). Ces dernières hallucinations peuvent s’intégrer dans une élaboration délirante plus complexe (syndrome d’Ekbom, où le sujet est convaincu de la présence de parasites sous la peau, corroborée par l’existence de squames cutanées pouvant s’accompagner de lésions de grattage et parfois d’hallucinations visuelles). Les hallucinations tactiles peuvent compliquer des intoxications (alcool, cocaïne, amphétamines, chloral...). Elles sont exceptionnellement décrites dans la schizophrénie et les troubles affectifs. Lorsqu’elles sont unilatérales, elles peuvent correspondre à des lésions thalamiques ou pariétales. Cénesthésiques Elles intéressent la sensibilité interne. Il peut s’agir d’impressions de transformation du corps dans son ensemble (évidement, éclatement, possession animale ou diabolique, transformation corporelle...) ou d’impressions localisées à une partie du corps, comme les organes génitaux : attouchements, orgasmes, rapports sexuels voluptueux ou douloureux, contre lesquels les malades peuvent chercher à se défendre (ceintures, occlusion des cavités...) ; la sphère digestive : intestins bouchés ou pourris ; la sphère cardiovasculaire : poumons ou cœur absents... Le délire de négation d’organes, dans le cadre duquel entrent ces symptômes, a été décrit par Cotard, en 1882. Les hallucinations concernant la pathologie du schéma corporel ne seront pas abordées ici car elles relèvent souvent du domaine de la neurologie. Elles se manifestent par des illusions de déplacement, une asomatognosie, les sensations de membres fantômes, etc. Motrices Les hallucinations motrices pures, décrites par Séglas [93], sont la perception de mouvements imaginaires du corps. Ces mouvements peuvent être partiels ou généraux (tomber dans un précipice, voler...). Cependant, le plus souvent, ces hallucinations ne concernent pas la locomotion. Il s’agit alors d’hallucinations motrices verbales au cours desquelles les muscles des organes phonatoires présentent des mouvements plus ou moins importants et donnent au sujet l’impression que l’on parle dans et par ses organes. Ces derniers peuvent conduire à l’émission parfois complète et audible de mots ou de phrases (hallucinations verbales motrices). Quelquefois, le sujet dialogue à haute voix avec elles. Elles s’interrompent lorsque le sujet parle lui-même ou lit à haute voix. Parfois, le sujet a la sensation qu’elles viennent de l’épigastre. Une correspondance entre les mouvements de l’appareil phonatoire et le contenu des hallucinations a été observée dès 1949 par Gould [37] et répliquée par Green et Preston [41] en 1981. De la même manière, Séglas a décrit des hallucinations verbales motrices graphiques (l’élément moteur étant alors la représentation des mouvements de l’écriture) [93]. 5 37-120-A-10 Hallucinations ¶ Hallucinations psychiques ou pseudo-hallucinations On les distingue des fausses hallucinations (Mickea), des hallucinations aperceptives ou abstraites de Kahlbaum (images mentales involontaires) et des pseudo-hallucinations de Kandinsky (représentations mentales vives et animées). Elles ont été identifiées par Baillarger en 1846 [1]. Ces hallucinations ne sont pas objectivées dans le monde extérieur (elles ne présentent pas de caractère de sensorialité ni de spatialité) ; elles sont perçues comme des phénomènes intrapsychiques étrangers au sujet. Il s’agit le plus souvent de voix intérieures, de murmures intrapsychiques. L’halluciné entend ses pensées comme si elles venaient d’autrui et a l’impression de vol, de divulgation, de devinement de la pensée, de transmission de la pensée, de pensées imposées... Dans le phénomène d’écho de la pensée, également décrit par Baillarger, le sujet entend ses propres pensées répétées à voix haute, comme renvoyées par un écho [1]. Ces hallucinations psychiques sont prévalentes dans le syndrome d’automatisme mental décrit par de Clérambault [18] (voir chapitre « Automatisme mental ») et dans le syndrome d’influence (qui résulte de multiples phénomènes parasites et imposés, vécus par le sujet comme émanant d’une action extérieure). ¶ Syndrome d’automatisme mental La doctrine de l’automatisme mental a été élaborée par Gaëtan de Clérambault, à partir de l’observation des patients accueillis à l’infirmerie spéciale. Elle a été exposée dans des cours dès 1909 avant qu’il ne la formule par écrit en 1920 [18]. « Le terme d’automatisme mental désigne un syndrome clinique contenant des phénomènes automatiques de trois ordres : moteur, sensitif et idéoverbal... Ce syndrome est l’élément initial, fondamental, générateur des psychoses hallucinatoires chroniques... Ce triple automatisme est une séquelle tardive d’infection ou d’intoxication ». Jackson, au début du siècle, [55] avait formulé l’hypothèse suivante : lorsque l’influence inhibitrice des centres corticaux supérieurs est interrompue, les centres inférieurs (en particulier les ganglions de la base) deviennent hyperactifs, ce qui peut entraîner la production d’hallucinations. Dans le climat des idées jacksoniennes, pour de Clérambault, l’essentiel de la psychose consistait en l’émergence dans la conscience d’un mode de pensée inférieur et pathologique coexistant avec la pensée normale mais souvent en désaccord avec elle, que le malade ne reconnaît pas comme le produit naturel de son propre psychisme. L’automatisme mental est primitif. L’élaboration délirante est secondaire : elle consiste en un travail de regroupement et d’explication de ces phénomènes, élaboré à partir de la partie saine du psychisme. À ceux qui voulaient voir toujours dans le délire l’aboutissement de l’histoire d’une personnalité humaine empêchée de déployer librement ses instincts dans la vie sociale, de Clérambault a opposé la réalité des causes toxiques, infectieuses ou autres qui atteignent primitivement le cerveau et indirectement la personnalité (Guiraud, cité dans [18] ). Cette conception dérive des théories de Janet (1889) sur l’automatisme psychologique et de celles de Grasset sur les deux psychismes. Au début, il s’agit d’un syndrome non sensoriel : pensée devancée, énonciation des actes, impulsions verbales, phénomènes psychomoteurs, déjà décrits, auxquels de Clérambault va ajouter des symptômes nouveaux : dévidage muet de souvenirs, idéorrhée, fausses reconnaissances, étrangeté des gens et des choses, disparition ou vide de la pensée, phénomènes psittaciques. L’automatisme sensitif comprend des phénomènes anidéiques, dont les hallucinations dans toutes les modalités sensorielles. L’automatisme idéoverbal comprend, d’une part, des éléments positifs ou intrusions : phénomènes psittaciques (comprenant les jeux verbaux parcellaires, les non-sens, les scies verbales, les mots jaculatoires fortuits), le mentisme (dévidement incoercible de la pensée), l’idéorrhée, les hypermnésies diverses (dévidage muet des souvenirs), les phénomènes d’étrangeté (des gens et des choses), les fausses reconnaissances, les phénomènes de dédoublement 6 Psychiatrie mécanique de la pensée (écho de la pensée, de la lecture, ou des actes, énonciation des gestes ou des intentions, vol et devinement de la pensée, commentaire des actes) et, d’autre part, des processus négatifs ou inhibitions : disparition des pensées, oublis, perplexité, doute, vide de la pensée, aprosexie, fatigue, substitution de pensée... L’automatisme moteur comprend des impressions kinesthésiques dans les organes de la phonation ou dans la musculature de la face, du cou ou des membres. Il s’agit de mouvements imposés, d’articulations verbales forcées (hallucinations verbales). Enfin, le petit automatisme ou syndrome de passivité est caractérisé par les échos, non-sens, paresthésies, phénomènes psychomoteurs et inhibitions ; Clérambault l’a appelé ainsi pour le distinguer de l’automatisme général et des hallucinations thématiques. Le caractère commun de tous ces éléments est leur non-annexion au Moi. ¶ Onirisme Dès le début du XXe siècle, Régis a isolé le délire onirique du cadre des hallucinations [91]. Le délire onirique associe un certain degré de confusion à un délire, ayant les caractéristiques du rêve et une prédominance nocturne, et à une reviviscence hallucinatoire d’images et de souvenirs de la vie professionnelle et familiale et d’événements étranges. La croyance à la réalité de ce délire onirique est certaine et le délire est vécu et agi. Cependant, la conviction est très variable dans le temps, avec une certaine sensibilité à la suggestion. Il s’agit d’un état voisin du somnambulisme et de l’état second dont l’origine organique est déjà soulignée (toxique ou infectieuse). Le délire onirique peut être observé chez le sujet alcoolique, en particulier lors d’un sevrage brutal et récent. D’autres causes métaboliques (endocriniennes, rénales, hydroélectrolytiques ou des carences vitaminiques) peuvent en être responsables. Physiopathologie ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES HALLUCINATIONS VERBALES Les hallucinations verbales (HV) sont la forme d’hallucination la plus complexe et la plus étudiée scientifiquement. L’abord expérimental de ces manifestations a conduit tout naturellement les auteurs à s’intéresser à la fonction langagière des patients, avec l’hypothèse que les HV s’apparentent au langage intérieur. Dans ce contexte, les HV pourraient être des phénomènes subvocaux ou la conséquence d’une vivacité excessive de l’imagerie auditivoverbale. Les auteurs ont donc recherché des anomalies morphologiques ou fonctionnelles au niveau des aires cérébrales de Broca (partie inférieure de la troisième circonvolution frontale, impliquée dans la production du langage) et de Wernicke (partie postérieure de la première circonvolution temporale, à l’origine de la compréhension du langage) chez les patients souffrant d’HV. Nous aborderons successivement les résultats anatomopathologiques puis la neuro-imagerie morphologique concernant ces régions, avant d’envisager les études électrophysiologiques concernant les HV, la fonction auditive et l’étude du langage subvocal chez les hallucinés et enfin la neuro-imagerie fonctionnelle des HV et de l’imagerie verbale. ¶ Études anatomopathologiques Selon une revue de la littérature [45], les études des cerveaux de patients schizophrènes décédés ont mis en évidence, entre autres, des anomalies de la structure cérébrale au niveau des régions frontale et temporale supérieure, où sont situées les aires de production et de compréhension du langage. Chez ces patients, la densité neuronale est augmentée et l’épaisseur corticale est réduite au niveau du cortex préfrontal. Ces anomalies ont été interprétées comme la conséquence d’une diminution du nombre de Psychiatrie Hallucinations prolongements axonaux et dendritiques. De plus, une étude postmortem a montré que le volume du gyrus temporal supérieur gauche est significativement plus petit chez les schizophrènes que chez les témoins sains [48]. Cependant aucune étude n’a mis en relation les altérations structurales des patients décédés avec leurs symptômes préalables. De plus, il est douteux que de telles anomalies soient impliquées dans la genèse des HV car de tels phénomènes sont rares dans un contexte de lésion cérébrale. Une étude concernant 412 cas de tumeurs cérébrales authentifiées [11] n’a mis en évidence que quatre patients présentant des HV parmi les 99 souffrant d’une tumeur du lobe temporal et six parmi les 98 ayant une tumeur frontale. Ces hallucinations sont volontiers unilatérales, reflétant l’atteinte du gyrus temporal supérieur controlatéral [16]. L’étude du cas d’un patient schizophrène ayant présenté des HV bilatérales jusqu’à ce qu’il s’inflige une destruction complète de l’hippocampe droit qui a entraîné la disparition complète de ses HV controlatérales, montre que cette structure pourrait être impliquée dans la production des HV (Takebayashi et al, 2002). Par ailleurs, des hallucinations auditives unilatérales, en particulier musicales, peuvent être causées par une atteinte de l’oreille [16]. Nous examinerons plus loin les résultats concernant l’audition des patients schizophrènes. Avant de conclure quant au rôle potentiel d’anomalies structurales dans le déclenchement des HV, nous allons considérer les données fournies in vivo par l’imagerie structurale. ¶ Études en neuro-imagerie morphologique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de mesurer le volume d’une région cérébrale définie. L’utilisation de cette technique a permis de mettre en évidence, dans certaines études, une corrélation entre la réduction de volume du gyrus temporal supérieur gauche, ou d’une partie de celui-ci et l’importance des hallucinations auditives [67] ou des troubles du cours de la pensée [94], alors que d’autres études n’ont retrouvé aucune différence entre le volume de cette région chez les patients hallucinés ou non hallucinés [ 1 9 , 4 4 ] ni d’ailleurs entre les schizophrènes en général et les témoins sains [44]. Par ailleurs, d’autres auteurs ont rapporté une diminution significative du volume de matière grise au niveau temporal supérieur postérieur gauche chez des schizophrènes en début d’évolution, par comparaison avec des témoins sains et avec des patients présentant un premier épisode thymique [50]. Toutefois, aucune corrélation n’a été retrouvée entre l’importance du syndrome hallucinatoire et délirant et le volume de matière grise de quelque région cérébrale que ce soit [8]. Si certaines études ont montré qu’il existe chez les schizophrènes une diminution de l’asymétrie hémisphérique des lobes temporaux et frontaux [71] ou une inversion de l’asymétrie hémisphérique de la partie postérieure du gyrus temporal supérieur [88], aucune relation entre ces caractéristiques et les HV n’a en revanche été rapportée [11, 88] , alors que les troubles du cours de la pensée sont corrélés à l’inversion de l’asymétrie de la partie postérieure du gyrus temporal supérieur, encore appelée planum temporale [88]. D’autres études n’ont pas retrouvé de différence entre le coefficient d’asymétrie du planum temporale des schizophrènes hallucinés et non hallucinés [19] ou ont mis en évidence un profil d’asymétrie normal chez les schizophrènes. Au total, selon les données actuelles de la littérature, il n’existe pas d’anomalie structurale clairement associée aux HV. Au contraire, les résultats sont contradictoires et il n’est pas possible d’affirmer que les zones cérébrales jouant un rôle dans la fonction langagière aient une morphologie anormale chez les patients hallucinés [101]. Nous verrons plus loin ce qu’il en est de leur fonctionnement. ¶ Études électrophysiologiques Les célèbres études de Penfield et Perot [85] ont montré que la stimulation électrique des aires auditives primaires droite et gauche provoque chez le sujet normal l’audition de bruits élémentaires. La 37-120-A-10 stimulation des aires secondaires produit, elle, des sons plus complexes, des expériences auditivoverbales complexes, des hallucinations musicales, voire des HV. Toutefois, sur un nombre total d’études de stimulation de 1 132, dont 520 des lobes temporaux, seules 40 furent à l’origine d’expériences hallucinatoires. De plus, ces hallucinations, quand elles étaient verbales, étaient généralement peu élaborées, les sujets rapportant l’audition de voix peu nettes, murmurant, chuchotant ou criant. Leur contenu concernait généralement le souvenir de certaines phrases prononcées précédemment par le sujet lui-même. Certains ont eu la vision onirique d’une personne leur parlant. Seuls cinq sujets ont entendu une voix répétant un mot, donnant une instruction simple (« oui, sors »), disant leur propre nom ou le nom de leur conjoint. Ces hallucinations étaient provoquées par la stimulation de la surface latérale et supérieure de la première circonvolution temporale droite, (dans trois cas) et gauche (dans les deux autres cas). Des sensations auditives peuvent aussi être provoquées par la stimulation électrique de l’aire cingulaire antérieure ou de l’amygdale. Au total, si ces résultats confirment que l’activation anormale de certaines zones cérébrales peut générer l’audition de sons plus ou moins complexes, tous les phénomènes produits par des stimulations cérébrales localisées sont bien différents des HV décrites par les patients schizophrènes consistant en des phrases très distinctes, ayant un message élaboré, et dont les patients ne se reconnaissent pas comme étant les auteurs. Toutefois, ces données justifient l’utilisation de techniques pouvant réduire l’excitabilité corticale au niveau des aires langagières chez les patients hallucinés. C’est le cas de la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) lorsqu’elle est administrée à la fréquence de 1 Hz. Or, la stimulation temporopariétale gauche prolongée par cette méthode a permis de diminuer significativement les phénomènes hallucinatoires de patients schizophrènes [52]. On s’est par ailleurs demandé si les phénomènes hallucinatoires n’étaient pas des équivalents épileptiques. L’hypothèse de la nature épileptique des hallucinations est ancienne et les notions d’éréthisme du centre sensorimoteur de Tamburini [104] ou du centre moteur d’articulation de Séglas [93] en sont, en quelque sorte, les premiers développements. Il faut néanmoins distinguer ce qui relève des modèles d’irritation cérébrale, considérant que la genèse des hallucinations serait due à une modification très ponctuelle et complexe de l’excitabilité corticale, de ce qui serait une réelle crise d’épilepsie avec ses stigmates électroencéphalographiques (EEG). Une étude EEG a été consacrée à la recherche de marqueurs électriques des manifestations comportementales de la schizophrénie chez 40 patients libres de leurs actions [102]. Elle a permis de mettre en évidence des ralentissements ou des pics électriques au niveau des régions temporales d’environ la moitié des patients. Toutefois, ces anomalies coïncidaient parfois avec des barrages, des stéréotypies ou d’autres comportements anormaux, mais pas avec des hallucinations. Par ailleurs, certains patients souffrant d’épilepsie temporale vivent des expériences hallucinatoires au cours de leurs crises [12] ou bien avant ou encore au décours de cellesci, pendant l’aura ou la période postictale [25]. Comme en ce qui concerne les résultats des stimulations électriques cérébrales, ces hallucinations sont le plus souvent très peu élaborées ou bien impliquent plusieurs modalités sensorielles. Elles se distinguent donc nettement des hallucinations des patients psychotiques, qui ne peuvent définitivement pas être considérées comme la simple conséquence mentale d’une décharge cérébrale paroxystique. Les potentiels évoqués auditifs réalisés chez des patients schizophrènes au cours du phénomène hallucinatoire mettent en évidence des modifications de l’onde N100 proches de celles qui sont provoquées par l’audition de sons réels [105]. Par ailleurs, la diminution de l’amplitude de l’onde P300 gauche est plus importante chez les schizophrènes présentant habituellement des HV que chez les autres [44]. Enfin, l’apparition d’hallucinations auditives est susceptible de modifier certaines caractéristiques des potentiels évoqués visuels au niveau temporopariétal droit [69]. 7 37-120-A-10 Hallucinations Ces différents résultats montrent que les aires de perception du langage jouent un rôle dans la production des HV, mais qu’elles ne sont probablement pas les seules puisque leur activation ne peut produire à elle seule tout le phénomène. Un réseau cérébral plus large paraît donc impliqué. Nous verrons plus loin que les résultats fournis par les techniques d’imagerie fonctionnelle apportent des informations supplémentaires pour la compréhension de ce processus complexe. ¶ Étude de l’audition des patients hallucinés Nous avons vu que l’activité des aires auditives est nécessaire à la production d’HV, que leur intégrité structurale est le plus souvent respectée, et qu’une baisse de l’audition peut être associée à des phénomènes hallucinatoires, même si ceux-ci ne prennent pas la forme d’HV. Dans ce contexte, il était légitime d’explorer les processus de traitement de l’information auditive chez les patients hallucinés. Collicut et Hemsley [10] ont comparé les performances d’un groupe de schizophrènes hallucinés avec celles d’un groupe de personnes âgées et celles de sujets anxieux dans une tâche de seuil auditif. Les résultats n’ont mis en évidence aucune différence significative entre les trois échantillons. Une batterie de tests auditifs a été proposée à des patients psychotiques avec ou sans antécédents d’hallucinations auditives récentes [79]. Cette batterie comprenait neuf tests audiologiques utilisés pour le diagnostic des déficits auditifs centraux. Les résultats montrent que les deux échantillons de patients présentaient des résultats normaux dans la plupart des tests, y compris ceux qui explorent les performances de la partie basse du tronc cérébral. Dans les tests sensibles aux processus plus centraux (ayant lieu dans la partie haute du tronc cérébral ou le cortex), les deux groupes de patients présentèrent des performances diminuées, mais ils ne se distinguèrent pas l’un de l’autre, sauf dans une tâche (langage filtré monaural dans l’oreille gauche). Le profil de réponse des deux groupes de patients était compatible avec une dysfonction hémisphérique droite (à distance du cortex auditif primaire) ou une anomalie de la communication entre les deux hémisphères. Le fait que les réponses des sujets hallucinés soient proches de celles des autres patients indique que les résultats sont probablement à mettre en relation avec le processus schizophrénique en général, plutôt qu’avec les HV elles-mêmes, quoique les auteurs n’excluent pas que celles-ci puissent être produites par une aggravation du même profil d’anomalies. Par ailleurs, les données de la littérature concernant le traitement des informations auditives et en particulier la latéralité et les interactions hémisphériques dans la schizophrénie sont hétérogènes [92]. Une étude récente a été consacrée au transfert interhémisphérique d’informations auditives, ainsi qu’à la latéralité fonctionnelle chez les schizophrènes [81]. Comme les sujets sains, les patients schizophrènes présentaient un avantage en faveur de l’oreille droite, ce qui indique une supériorité hémisphérique gauche dans le traitement du langage. De plus, le traitement des mots et pseudomots lors des présentations bilatérales ne différait en aucune façon des deux présentations unilatérales. Ces résultats sont en faveur de l’existence d’un profil normal d’asymétrie fonctionnelle dans le traitement du langage et la discrimination des tons chez les schizophrènes. Cela signifie que les anomalies structurales retrouvées chez ce type de patients n’auraient pas de traduction fonctionnelle. Même si le caractère halluciné ou non des patients n’a pas été considéré dans cette dernière étude, l’ensemble des résultats tend à montrer qu’il n’y a pas lieu d’incriminer un trouble de la perception auditive dans la production des HV. Examinons maintenant les données étayant la thèse d’une production anormale de langage. ¶ Étude de l’acticité subvocale des patients hallucinés Certaines constatations expérimentales sont venues a posteriori confirmer l’hypothèse théorique des hallucinations psychomotrices, développée primitivement par Séglas et ses contemporains. En effet, ils avaient observé que certains patients hallucinés, au moment où ils entendent leurs voix, ébauchent parfois des mouvements 8 Psychiatrie articulatoires, ou prononcent même à voix haute des paroles correspondant au contenu de leurs hallucinations. Plus tard, Ey [22] a appellé ce symptôme « voix extérieures d’articulations soliloques ». Ces données cliniques ont pu être expliquées ultérieurement par différents travaux sur l’activité subvocale des patients hallucinés. Ceux-ci ont montré que ces phénomènes vocaux participaient du phénomène hallucinatoire, non en tant que fait clinique anecdotique, mais en tant qu’événement essentiel. On a alors pensé que le mécanisme hallucinatoire était essentiellement moteur et non perceptif comme on le croyait généralement jusqu’alors, et comme le laissait entendre la définition « perception sans objet ». Le sujet en tant qu’acteur, même involontaire, retrouvait une place dans le phénomène et on a pu parler plus tard d’« action sans sujet » pour caractériser les hallucinations [35]. Gould [37] a été le premier à pouvoir enregistrer, grâce à un microphone placé près de la bouche d’un patient, un discours correspondant au contenu de ses hallucinations et différent du contenu du discours articulé du patient. Ce résultat a été répliqué ultérieurement par Green et Preston [41] qui ont enregistré les hallucinations verbales d’un patient à l’aide de deux microphones placés de part et d’autre de son larynx. L’activité chuchotée, amplifiée et enregistrée, correspondait cette fois encore au contenu hallucinatoire révélé par le patient. McGuigan [75] s’est efforcé d’obtenir des résultats quantitatifs correspondant à ces phénomènes. Pour cela, il a enregistré les potentiels électriques musculaires du menton et l’amplitude respiratoire d’un patient halluciné faisant part du moment précis où commençaient ses hallucinations. Les variables physiologiques mesurées étaient augmentées quelques secondes avant les périodes hallucinatoires. Inouye et Shimizu [54] ont obtenu un résultat similaire en enregistrant l’électromyogramme de quatre muscles nécessaires à la parole chez neuf patients hallucinés ; ils ont mis en évidence une augmentation de l’activité vocale au moment où les patients signalaient leurs hallucinations. Enfin, Bick et Kinsbourne [4] ont montré que le maintien de leur bouche ouverte prévenait les hallucinations verbales de 18 schizophrènes, contrairement au fait de fermer les paupières ou de serrer le poing. Ce résultat abonde aussi dans le sens d’une expression des hallucinations au niveau laryngé, cette expression étant mise en échec par le blocage mécanique des subvocalisations. De même, le fait de discuter ou des manœuvres telles que se gargariser, déglutir ou chanter interrompent les hallucinations. À l’inverse, d’autres études n’ont pas pu mettre en évidence de signes électromyographiques de langage subvocal durant les HV [40, 63] ou n’ont pu répliquer le contrôle des HV par le maintien de la bouche ouverte alors que le fredonnement s’avérait efficace [39]. Il existe donc un corpus de résultats associant les hallucinations verbales au langage subvocal. Toutefois, on ne sait pas si les différentes manœuvres diminuant les HV le font en bloquant le langage subvocal ou bien si elles agissent en mobilisant le cortex langagier ou auditif [101]. Deux études vont dans ce sens en montrant la supériorité de la lecture à voix haute ou de l’audition de langage sur l’écoute de bruits blancs ou l’isolement sensoriel dans le contrôle des HV (Margo A, Hemsley DR, Slade PD, 1981) et l’efficacité plus importante de l’énoncé à voix haute de la couleur de cartes à classer par rapport à un classement silencieux (pour revue [97]). Au total, l’association des HV et du langage subvocal ne peut être considérée comme le produit d’un lien de causalité entre ce dernier et celles-ci. Les patients hallucinés ne peuvent l’être par l’audition de langage subvocal, puisque celui-ci n’est pas présent chez tous [40] et qu’il n’est de toute façon pas audible par définition. Le langage subvocal serait plutôt une conséquence annexe du mécanisme responsable des HV et son blocage laisserait intacte la composante perceptive de celles-ci [101]. ¶ Neuro-imagerie fonctionnelle des hallucinations verbales, du langage intérieur et de l’imagerie verbale Un nombre non négligeable d’études en imagerie cérébrale fonctionnelle a été consacré aux HV. Plusieurs d’entre elles ont Psychiatrie Hallucinations permis d’enregistrer un signal reflétant l’activité cérébrale des patients au cours de périodes hallucinatoires. Ces études non seulement ont mis en évidence une activation des zones corticales correspondant au cortex auditif primaire, mais elles ont aussi montré une implication des aires de production du langage dans la genèse des hallucinations. D’autres études enfin se sont employées à caractériser les éventuels dysfonctionnements cérébraux en relation avec des ensembles symptomatiques pouvant comprendre les HV. Nous allons passer en revue ces différentes études, ce qui nous permettra en particulier de caractériser de façon assez précise le fonctionnement cérébral au moment où les hallucinations se produisent (état) et de donner quelques indications sur les éventuelles anomalies permanentes (trait). Étude générale des relations entre les symptômes positifs et les débits sanguins cérébraux régionaux de repos Liddle et al [68] ont étudié en tomographie par émission de positons (TEP) les relations entre les débits sanguins cérébraux régionaux (DSCr) et la symptomatologie de 30 patients schizophrènes. Les patients n’effectuaient aucune tâche particulière durant la saisie des images. Leur profil clinique était quantifié par les scores de trois syndromes (pauvreté psychomotrice, désorganisation, distorsion de la réalité) obtenus par l’analyse factorielle de scores symptomatiques. L’importance du syndrome de distorsion de la réalité, qui englobe les HV, était corrélée positivement avec l’activité de la région parahippocampique gauche (aires 27 et 30), la partie ventrale du striatum gauche, et négativement avec l’activité du cortex cingulaire postérieur droit. Ce résultat va dans le sens de l’implication du lobe temporal dans la production des HV (étant donné la fonction mnésique de l’hippocampe, l’hyperactivité de cette région correspondrait au substratum organique de ce qui peut passer pour l’émergence consciente de souvenirs à un moment inopportun), mais ce travail aborde malheureusement les symptômes positifs de manière très large. On en retiendra une éventuelle prédisposition (puisqu’il s’agit d’une recherche de marqueurs de trait et non d’état) aux symptômes positifs, et donc entre autres aux HV, représentée par l’hyperactivité de la région parahippocampique. Étude en neuro-imagerie fonctionnelle de l’hypothèse d’un trouble de la connectivité corticocorticale à l’origine des HV L’hypothèse d’un trouble du contrôle du langage intérieur, qui entraînerait chez le patient une confusion entre le discours qu’il produit et des paroles entendues, a été étudié en imagerie fonctionnelle par Frith, McGuire et leurs collaborateurs. L’idée directrice est qu’un trouble des connexions entre le cortex frontal et le cortex temporal serait responsable de l’impression fallacieuse que le langage intérieur produit par l’aire de Broca est en fait de provenance externe et serait perçu par le cortex auditif. Nous verrons plus bas que McGuire et al [76] ont d’abord mis en évidence une activation de l’aire frontale inférieure gauche lors des hallucinations auditives. Or, cette aire s’active non seulement bien sûr au cours du langage parlé, comme l’ont mis en évidence tout d’abord l’observation du cerveau des aphasiques puis les études de neuro-imagerie fonctionnelle [89], mais aussi au cours du langage intérieur [49]. Cela conduit à considérer les hallucinations comme du langage intérieur non reconnu comme tel. La question qui se pose est alors de savoir pourquoi, ou plutôt comment, une partie du langage intérieur peut ainsi être « objectivée ». Grâce à l’imagerie fonctionnelle, on peut essayer de comprendre quelles aires cérébrales jouent un rôle dans la perception ou la production de langage, y compris de langage intérieur. Pour cela, les auteurs ont imaginé différentes tâches. • Étude en tomographie par émission de positons de la connectivité frontotemporale gauche Frith et al [33] ont comparé en TEP au dioxyde de carbone marqué à l’15O les DSCr de 18 patients schizophrènes et six témoins sains dans trois tâches verbales : une tâche de fluence verbale (mettant en jeu 37-120-A-10 des processus sémantiques pour générer la réponse), une tâche de classement de mots (sollicitant des processus sémantiques stimulidépendants) et une tâche de répétition (dépendant uniquement du stimulus). Dans les deux échantillons de sujets, les aires suivantes étaient significativement plus activées dans la tâche de fluence verbale que dans la tâche de répétition : le cortex préfrontal dorsolatéral gauche, le cortex cingulaire antérieur et le thalamus. La tâche de classement était à l’origine d’activations intermédiaires entre celles qui étaient provoquées par les deux autres tâches. La seule zone cérébrale ne s’activant pas de la même manière dans les différentes tâches entre les deux groupes de sujets était le gyrus temporal supérieur gauche. Chez les sujets sains, cette zone s’activait davantage durant la tâche de répétition que durant la tâche de fluence verbale, alors que chez les schizophrènes, son activation ne différait pas significativement entre les deux tâches. Les auteurs ont interprété cela comme le résultat d’une anomalie de la connectivité (ici définie comme la relation statistique existant entre les activations de différentes régions cérébrales lors de différentes tâches) entre le cortex préfrontal (qui s’active normalement) et le gyrus temporal supérieur qui, du fait de cette anomalie, ne peut pas être inhibé par la région productrice antérieure. Une inhibition de la zone perceptive devrait en effet avoir lieu dans une tâche où les sujets produisent euxmêmes du langage. Dans ces circonstances, les aires perceptives auditives ne devraient pas être activées puisque les sujets entendent leur propre production verbale. Une anomalie de la connectivité entre l’aire de production et l’aire de réception du langage conduirait au fait que les aires perceptives ne seraient pas informées du discours produit, substratum fonctionnel hypothétique des hallucinations. Cette interprétation soulève quelques questions. En effet, cette hypothèse considère les hallucinations comme du langage intérieur, conséquence d’une dysconnexion antéropostérieure. Toutefois, il reste nécessaire de comprendre comment cette dysconnexion peut générer des hallucinations. Effectivement, les hallucinations ne sont pas que du discours intérieur : elles sont du discours intérieur qui n’est pas reconnu comme congruent avec les autres pensées du sujet. Le fait de dire qu’il s’agit d’une production verbale interne ne suffit pas pour expliquer que cette production est considérée comme étrangère aux pensées du sujet et non pas seulement comme inappropriée dans ces circonstances de production. Nous voulons dire par là que s’il s’agissait de discours interne produit sans intention de le produire, mais quand même cohérent avec les autres pensées du sujet, il n’y aurait pas de raison que le malade le vive comme quelque chose de véritablement extérieur. Nous verrons plus loin quelles explications peuvent être proposées à cet égard. D’autre part, on pourrait tout aussi bien imaginer que l’anomalie décrite par ces auteurs, une anomalie des connexions frontotemporales, aboutisse à une désinhibition des aires perceptives du fait de la levée du contrôle exercé normalement par les aires de production, désinhibition qui serait alors à l’origine d’une autonomisation du fonctionnement des aires perceptives. Dans ce cas, les hallucinations verbales ne correspondraient plus à du discours intérieur, soustendu par l’activation de l’aire de Broca, mais à un phénomène d’ordre perceptif. Une autre question concerne le fait que dans l’expérience de Frith et al [33] les patients n’étaient pas inclus en fonction de leur symptomatologie mais de leur seul diagnostic de schizophrénie, qui était considéré en lui-même comme un facteur prédisposant aux hallucinations. Cela sous-entend que la schizophrénie serait un trouble unitaire auquel correspondrait une anomalie neurophysiologique unitaire, ce qui n’est pas démontré. L’étude de McGuire et al [78], présentée ultérieurement, permet de répondre à cette critique grâce à la répartition des patients en plusieurs groupes en fonction de leur symptomatologie. Différentes études de la fluence verbale en TEP confirment les données de Frith et al [33]. Grasby et al [38] ont, en particulier, mis en évidence qu’au cours d’une tâche de fluence verbale, les schizophrènes activent normalement leur lobe frontal, mais n’inhibent pas, dans le même temps, leur lobe temporal gauche, alors que, comme on l’a vu, les études réalisées chez le sujet normal 9 37-120-A-10 Hallucinations montrent que lorsqu’il parle (ou même lorsqu’il croit parler) le cortex temporal est inhibé et que cette zone ne s’active lors du discours que si le sujet entend en même temps une voix étrangère ou qu’il croit étrangère [77]. Mais par ailleurs, une étude en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle réalisée avec cinq patients souffrant de schizophrénie [13] n’a pas montré d’activation anormale du lobe temporal chez ces patients lors d’une tâche de fluence verbale. D’autres études confirment les anomalies de fonctionnement des régions frontale et temporale chez les schizophrènes. Certaines montrent une diminution couplée du métabolisme de ces deux zones pouvant altérer les capacités à traiter les informations des schizophrènes. Par exemple, Ganguli et al [34] ont mis en évidence, par la mesure des DSCr (H215O) au cours d’une tâche de rétention mnésique, que huit patients schizophrènes présentaient une plus faible activation bilatérale du gyrus temporal supérieur et du cortex cingulaire antérieur, ainsi qu’une plus faible activation préfrontale dorsolatérale gauche, comparés à des témoins sains. Finalement, l’expérience en TEP à l’H215O de Spence et al [100] n’a pas permis de confirmer l’hypothèse d’une dysconnexion frontotemporale. Dans cette étude, dix patients schizophrènes, dix sujets à risque de schizophrénie (sujets sans signe clinique de psychose, mais ayant des antécédents de schizophrénie à la génération précédente ou contemporaine et ayant un enfant schizophrène alors que leur partenaire n’est pas schizophrène) et dix témoins sains ont été soumis à une tâche de fluence verbale pendant l’enregistrement de leurs DSCr. Les résultats n’ont relevé aucune anomalie de désactivation du gyrus temporal supérieur gauche chez les patients ou chez les sujets à risque et les analyses de covariance ont infirmé l’hypothèse d’un trouble de la connectivité entre le cortex préfrontal dorsolatéral gauche et le gyrus temporal supérieur gauche dans ces deux échantillons. En revanche, les analyses ont mis en évidence une activation anormale du cortex cingulaire antérieur chez les patients. Les auteurs ont conclu à l’absence de valeur prédictive d’une dysconnectivité frontotemporale gauche pour le diagnostic de schizophrénie. • Étude du discours intérieur et de l’imagerie verbale auditive chez les schizophrènes hallucinés ou non hallucinés McGuire et al [78] ont cherché une prédisposition aux phénomènes hallucinatoires verbaux dans l’anomalie du contrôle du langage intérieur en comparant trois échantillons de sujets présentant une tendance plus ou moins importante à être hallucinés dans des tâches impliquant le langage intérieur ou l’imagerie verbale auditive. Au cours de ces tâches, les DSCr étaient mesurés en TEP (H215O). Le premier groupe de sujets comprenait six personnes dites « hallucinées » (patients schizophrènes souffrant d’hallucinations verbales fréquentes durant les phases productives de leur maladie), le deuxième, six personnes dites « non hallucinées » (quatre patients schizophrènes n’ayant jamais souffert d’hallucinations verbales et deux n’ayant présenté ces phénomènes qu’à une ou deux reprises), le troisième, six témoins sains. Aucun patient n’a présenté de phénomène hallucinatoire au cours de l’enregistrement. Les trois tâches étaient les suivantes : – lire des mots silencieusement (tâche contrôle) ; – penser des phrases ayant la forme suivante : « tu es... », « tu es un... » et se terminant par des mots présentés, en utilisant sa « voix intérieure » habituelle (discours intérieur) ; – penser des phrases se terminant par des mots présentés, en imaginant que ces phrases sont prononcées par quelqu’un d’autre (imagerie verbale auditive). Au niveau des trois groupes, discours intérieur et imagerie verbale auditive ont entraîné une augmentation de l’activité cérébrale (p < 0,01) au niveau frontal inférieur gauche et une diminution au niveau de la jonction occipitotemporale droite. Seule l’imagerie verbale auditive était associée à une diminution de l’activité cingulaire postérieure. Les hallucinés se différenciaient significativement des témoins durant la tâche d’imagerie verbale 10 Psychiatrie auditive par une diminution de l’activation du gyrus temporal moyen gauche, de la partie rostrale de l’aire motrice supplémentaire (AMS) et du cortex préfrontal médian. Ils se différenciaient des nonhallucinés d’une part au cours de la tâche de discours intérieur par l’absence d’activation du gyrus temporal supérieur gauche, du cortex visuel secondaire bilatéral et de la tête du noyau caudé droit, et d’autre part au cours de la tâche d’imagerie verbale par une diminution de l’activation du gyrus temporal moyen gauche, de l’AMS rostrale, des aires visuelles primaire et secondaire et du cortex cérébelleux adjacent, ainsi que par une augmentation de l’activation de l’opercule frontopariétal droit. En conclusion, les patients hallucinés présentaient en particulier une diminution de l’activité cérébrale au niveau du gyrus temporal moyen gauche (aire 21) et de l’AMS (aire 6) quand ils imaginaient quelqu’un d’autre parler, alors que les témoins et les autres patients présentaient une augmentation de l’activité de ces zones. Peut-on parler de prédisposition aux hallucinations ? L’AMS est impliquée dans l’initiation des mouvements et il se peut qu’elle contienne la trace que l’action est autogénérée. Cette première zone et le gyrus temporal moyen gauche sont normalement activés quand on imagine quelqu’un en train de parler [78, 96]. Cela laisse supposer que dans le cas des hallucinations, une action générée au niveau frontal ne pourrait pas être reconnue comme appartenant au sujet du fait d’un défaut d’activation de l’AMS ; le lobe temporal ne s’activerait pas parce que le sujet recevrait son discours intérieur comme quelque chose d’étranger. Les hallucinations verbales correspondraient ainsi à du discours intérieur (activité de la zone de Broca) qui ne serait pas en lui-même anormal, mais ne pourrait pas être attribué au sujet du fait des anomalies d’activation des aires qui servent normalement à déterminer l’origine du discours (AMS et gyrus temporal moyen gauche). Une étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) de l’activation cérébrale au cours d’une tâche motrice chez les schizophrènes [74] a confirmé l’hypoactivation de l’AMS constatée par McGuire et al [78] chez de tels patients. Huit patients schizophrènes et huit témoins normaux devaient réaliser des mouvements d’opposition des doigts. Chez les patients, une moins bonne focalisation de l’activité corticale que chez les témoins a été retrouvée, en particulier une latéralisation moins spécifique et une plus faible activation de l’aire motrice supplémentaire et du striatum. Les auteurs mettaient cela en relation avec les mouvements en miroir qui font partie des signes neurologiques mineurs rencontrés chez les patients schizophrènes. Ce type de signes existe aussi chez les jeunes enfants et disparaît avec la maturation du système nerveux. Cette étude confirme donc l’hypoactivation de l’AMS constatée par McGuire et al [78] et montre qu’elle n’est pas spécifique des activités langagières, mais qu’elle existe aussi dans une tâche impliquant seulement une action manuelle du sujet. Cette donnée est peut-être à mettre en relation avec les difficultés cliniques qu’ont les patients non seulement pour identifier qui est à l’origine de leur discours intérieur, mais aussi qui est à l’origine de certaines de leurs actions. Démonstration de l’implication des aires langagières cérébrales (cortex auditif et aire de Broca) dans la genèse des HV • Activité du cortex auditif des schizophrènes hallucinés soumis à des stimulations auditives David et al [17] ont montré que l’enregistrement en IRMf de la réponse du cortex temporal de patients schizophrènes soumis à des stimuli auditifs était nettement diminuée quand ceux-ci « entendaient » des hallucinations verbales par rapport à l’enregistrement du signal chez les mêmes patients mais dans une période exempte d’hallucination, et cela, que les patients reçoivent des neuroleptiques ou non. Ce résultat, qui confirme un travail en potentiel évoqué mentionné plus haut [105], montre que le cortex auditif est moins sensible durant les HV qu’en dehors de leur présence, ce qui va dans le sens d’une probable implication de cette structure dans le processus hallucinatoire. De plus, il montre que les hallucinations coïncident avec une activation du cortex sensoriel et associatif spécifique de la modalité de l’hallucination. Par ailleurs, Psychiatrie Hallucinations une autre étude en IRMf de la réponse cérébrale à l’audition de langage [108] a comparé les résultats de patients schizophrènes ayant des antécédents d’hallucinations avec ceux de patients n’ayant pas de tels antécédents et ceux de témoins sains. Lorsque les patients du premier groupe n’étaient pas hallucinés au moment de l’enregistrement, leur profil de réponse ne différait pas de celui des patients du second groupe. En revanche, lorsque l’on comparait les enregistrements réalisés au moment où les patients sont hallucinés, on constatait que l’importance de la réponse du cortex temporal, et en particulier du gyrus temporal moyen droit, était inférieure chez les patients ayant eu des HV sévères par rapport à ceux ayant eu des HV modérées. Ce résultat évoque l’existence d’une hypothétique compétition dans le traitement des HV et du langage perçu au niveau temporal et il pourrait expliquer l’efficacité de l’écoute de musique ou de langage dans le traitement des HV [97]. Nous allons voir que d’autres études en neuro-imagerie fonctionnelle, dont les images ont été saisies au moment même où les patients sont hallucinés, ont montré que le cortex auditif et l’aire de Broca sont actifs lors des HV. • Enregistrement de l’activité cérébrale des patients schizophrènes au cours du phénomène hallucinatoire Les premières études avaient échoué dans cet objectif, probablement en raison de l’utilisation d’une technique inadaptée à des manifestations généralement plus fugaces que permanentes. L’emploi en particulier du fluorodéoxyglucose marqué au 18F dans les études en TEP nécessitait un enregistrement des images trois quarts d’heure après l’injection radioactive ; cela ne permettait pas d’avoir une résolution temporelle adaptée au phénomène hallucinatoire. Cleghorn et al [9] avaient utilisé ce marqueur pour étudier le métabolisme cérébral de 22 patients schizophrènes souffrant d’hallucinations auditives. Douze de ces patients présentaient des hallucinations au moment de l’injection du traceur, soit 45 minutes avant la saisie des images. Les résultats montraient que les patients hallucinés avaient un métabolisme plus bas que les autres au niveau des aires auditives primaires droite et gauche et de la partie postérieure de la région temporale supérieure droite (c’està-dire au niveau du cortex auditif associatif ou aire de Wernicke). En revanche, les patients hallucinés présentaient une activité légèrement plus importante (tendance) que les patients non hallucinés au niveau de la région corticale droite homologue de l’aire de Broca. Enfin, le métabolisme des régions striatale et cingulaire antérieure était corrélé positivement avec le score hallucinatoire des patients hallucinés. Cette dernière zone cérébrale jouerait un rôle dans l’identification des stimuli vocaux par rapport aux autres stimuli auditifs, selon des données électrophysiologiques provenant de la recherche animale [83]. Par ailleurs, le fait que l’activité du cortex cingulaire antérieur soit sous contrôle dopaminergique est en faveur du rôle d’une anomalie potentielle du fonctionnement de cette zone corticale dans la schizophrénie. Au total, une technique ayant une mauvaise résolution temporelle a néanmoins permis de mettre en évidence un réseau d’activation cérébrale proche de celui du langage chez des patients hallucinés. McGuire et al [76] ont étudié en single photon emission SPECT computed tomography (SPECT) 12 patients schizophrènes au moment où ils étaient hallucinés. Le marqueur qu’ils ont utilisé (le technétium 99m) a une bonne résolution temporelle. Les patients étaient leurs propres témoins grâce à un retest après résolution des phénomènes hallucinatoires. Au moment des hallucinations, les débits sanguins cérébraux régionaux (DSCr) étaient augmentés de façon significative (p = 0,001) au niveau de l’aire de Broca, tendaient à l’être au niveau du cortex cingulaire antérieur gauche (p = 0,06) et l’étaient de manière non significative au niveau temporal gauche. Cette étude fut la première à clairement démontrer l’activation de l’aire de production du langage au cours des hallucinations verbales. D’autres études ont mis en évidence des profils de résultats variables. Silbersweig et al [98] ont réalisé une étude en TEP à l’eau marquée à à l’eau marquée à l’15O de patients hallucinés au moment de la saisie des images, les sujets devant appuyer sur une touche 37-120-A-10 quand les hallucinations commençaient. Ils ont étudié cinq patients schizophrènes présentant des hallucinations verbales et un schizophrène présentant à la fois des hallucinations verbales et visuelles. Les auteurs ne donnent pas les résultats détaillés par sujet pour l’échantillon de cinq patients, mais précisent que l’étude individuelle montre une activation du cortex auditif associatif temporopariétal chez tous les sujets (alors que l’étude groupale n’offre pas de résultat significatif du point de vue cortical). En ce qui concerne les résultats moyens du groupe, on constate une activation du thalamus droit et gauche, du putamen droit, du gyrus parahippocampique droit (aire de Brodmann 36) et gauche (aires de Brodmann 27 et 30), du corps caudé droit, du vermis cérébelleux gauche et du gyrus subcallosal gauche (niveau de significativité retenu : p < 0,001, Z > 3,09). Le sujet souffrant d’hallucinations verbales et visuelles présentait une activation au niveau des aires perceptives auditives et visuelles, ainsi que du cortex multimodal associatif (aires de Brodmann 18, 19, 37, 21, 22 et 39), principalement à gauche. Dierks et al [20] ont mis en évidence, en IRMf, une activation du cortex auditif primaire (gyrus de Heschl) gauche chez trois patients schizophrènes pendant la période où chacun de ces trois patients entendait une voix hallucinatoire. La même zone était activée dans une condition où ces mêmes sujets étaient soumis à des stimuli auditifs. Cette étude révélait aussi, au cours des hallucinations, une activation des zones suivantes : la partie postérieure du gyrus temporal supérieur, le gyrus temporal moyen, une activation bilatérale de l’opercule frontopariétal (c’est-à-dire de l’aire de Broca), une activation bilatérale de l’hippocampe (pouvant correspondre à la récupération en mémoire soit du matériel hallucinatoire, soit des instructions liées à l’expérience en cours) et une activation bilatérale de l’amygdale (pouvant correspondre aux réactions émotionnelles des patients confrontés aux HV). Cette étude montre donc qu’au cours du phénomène hallucinatoire, sont activées, non seulement les zones de production et de réception du langage, mais aussi le cortex auditif primaire. L’activation de ce dernier serait à mettre en relation avec le caractère très perceptuel des hallucinations verbales que n’ont pas les tâches d’imagerie auditive, au cours desquelles le cortex auditif primaire n’est pas actif, ni le langage intérieur, au cours duquel l’activité du cortex auditif primaire décroît. Lennox et al [66] ont mis en évidence, en IRMf, l’activation des gyri temporaux supérieurs droit et gauche, du cortex pariétal inférieur gauche et du gyrus frontal médian gauche chez des schizophrènes au moment de leurs HV. Cette étude n’a pas montré en revanche d’activation de l’aire de Broca. Enfin, Shergill et al [95] ont utilisé une méthode, basée sur un échantillonnage aléatoire des périodes d’enregistrement en IRMf, ce qui évitait aux patients d’avoir à signaler le début de leurs HV. Dans cette étude, les HV étaient associées à une activité bilatérale au niveau frontal inférieur, insulaire, cingulaire antérieur et temporal (avec une prédominance droite), à une activité du thalamus et du colliculus inférieur droits, et à une activité parahippocampale et hippocampale gauche. Au total, les études en neuro-imagerie fonctionnelle réalisées pendant les HV montrent qu’un réseau cérébral largement distribué est impliqué dans leur production et qu’on ne peut les considérer comme la conséquence d’une activation épileptiforme du cortex auditif. Celle-ci, simulée lors des études de stimulation cérébrale, s’avère incapable de reproduire de tels phénomènes. L’implication du réseau auditif à un niveau cortical et sous-cortical pourrait expliquer pourquoi les manifestations hallucinatoires de la schizophrénie paraissent si réalistes aux patients. Les aires de production du langage ne paraissent pas impliquées systématiquement et on ne peut considérer que les HV sont exclusivement une pathologie du langage intérieur. MODÈLES EXPLICATIFS Selon David (pour revue [16]) deux types de dysfonctions cérébrales peuvent expliquer la production des HV : soit une « irritation » corticale à l’origine d’une activité aberrante vécue comme hallucinatoire, soit une désinhibition qui serait la conséquence d’une 11 37-120-A-10 Hallucinations diminution des informations parvenant aux aires corticales auditives. Selon les modèles « irritatifs », l’hallucination serait la conséquence directe du fonctionnement excessif de telle ou telle aire cérébrale. Celle-ci pourrait être d’origine chimique (usage de drogues) ou électrique (stimulation corticale expérimentale ou crise comitiale). La production des HV pourrait ainsi être la conséquence d’une activité anormale des aires perceptives auditives, des zones de production du langage telles l’aire de Broca ou d’un système sémantique ectopique. Les modèles de désinhibition sont des modèles connexionnistes envisageant les HV comme étant dues à une anomalie touchant la transmission des informations d’une aire à une autre. Ils considèrent le fonctionnement en réseau des aires cérébrales et non plus telle ou telle aire isolément. La plupart des modèles intégratifs que nous allons examiner s’inscrivent dans cette seconde catégorie et nous venons d’ailleurs de voir que les profils d’activation mis en évidence par la neuro-imagerie fonctionnelle abondent aussi dans ce sens. ¶ Hypothèse d’un trouble de la planification du discours Hoffman a émis l’hypothèse que des anomalies de planification du discours pourraient conduire à l’apparition de représentations verbales non intentionnelles vécues par le sujet comme des HV. Des mots ou des phrases, sans rapport avec le sens général de ce que le patient veut dire, seraient insérés dans son discours et considérés comme étrangers du fait de leur incongruité, de leur absence de cohérence avec les intentions du patient. Selon l’auteur, ce déficit dans la planification serait aussi bien à l’origine de l’incohérence du discours que des hallucinations. Pour étayer cette hypothèse, Hoffman [51] a montré l’existence d’un trouble de l’organisation du discours produit par des schizophrènes et une corrélation entre ce trouble et les HV. Cependant, les études concernant la symptomatologie schizophrénique ne mettent généralement pas en évidence d’association entre la dimension hallucinatoire et la désorganisation. Pour répondre à cette objection, Hoffman a suggéré que les hallucinés ne présentant pas de troubles du cours de la pensée géraient leurs difficultés de planification par une simplification de leur discours. [51] ¶ Hypothèse d’une imagerie mentale trop vive L’idée qu’il peut y avoir identité entre représentation mentale et hallucination est ancienne, puisque Brierre de Boismont [6] soutenait déjà cette hypothèse. Brierre de Boismont avait rapporté à la Société médico-psychologique le cas d’un sculpteur capable de donner une qualité sensible aux images qu’il évoquait. Plus tard, Quercy [90] s’est intéressé à ce genre de personnes pouvant reconstituer une perception en l’absence d’objet extérieur ; il a appelé ces reconstitutions « images éidétiques ». Plus récemment, Horowitz [53] a repris l’hypothèse qu’une imagerie mentale trop vive pourrait être à l’origine des hallucinations. Il a distingué trois types de représentations mentales : les représentations lexicales, les représentations imagées et les représentations énactives (ou motrices). Les images pourraient être divisées en fonction des modalités sensorielles, dominées par les imageries visuelle et auditive. Au cours des hallucinations, les représentations imagées prendraient le pas sur les deux autres catégories de représentations. Il se pourrait qu’un niveau de fonctionnement trop important du système des images, par rapport aux systèmes moteur et lexical, prédispose aux hallucinations. La suprématie de ce système de représentation sur les deux autres donnerait une qualité presque perceptive aux représentations mentales qui pourraient être alors vécues par le patient comme des hallucinations. Cette explication des phénomènes hallucinatoires par la vivacité de l’imagerie mentale a aussi été proposée par Mintz et Alpert [80]. Ces auteurs considéraient les hallucinations comme le produit de la combinaison d’une imagerie mentale trop intense avec un déficit de reality testing, comme nous le verrons plus loin. Il existe cependant des arguments allant à l’encontre d’une telle hypothèse. Neisser [84] a fait remarquer qu’il n’y a pas de relation 12 Psychiatrie directe entre la vivacité d’une représentation et la croyance dans sa réalité perceptive. En effet, les hallucinés entendent parfois très faiblement leurs voix, ce qui ne les empêchent pas de croire fortement dans la réalité de celles-ci. À l’inverse, des individus normaux peuvent expérimenter de manière très forte des événements mentaux sans que cela les empêche d’en assumer la production. Un tel argument ne s’oppose pas vraiment à l’hypothèse qui fait des hallucinations des images mentales, en ce sens que le problème ne se situe probablement pas dans la question de l’intensité, caractéristique calquée de manière simpliste sur des qualités perceptives très périphériques, mais dans la question de savoir à qui sont ces représentations. Cela n’empêche pas d’imaginer qu’une imagerie mentale très forte pourrait avoir un rôle favorisant, mais cette hypothèse ne permet pas d’expliquer en soi les phénomènes hallucinatoires. ¶ Hypothèse d’un trouble de la mémoire de la source de l’action Bentall et ses collaborateurs ont développé l’idée qu’un trouble de la mémoire de la source de l’action (ou reality testing) expliquerait pourquoi les hallucinés prendraient leurs propres productions pour des faits extérieurs à eux-mêmes. Cette anomalie conduirait à une mauvaise attribution des événements privés internes, qui seraient pris pour des événements perceptifs externes. Les premiers auteurs à avoir envisagé cette possibilité d’une confusion entre événements privés et événements publics sont Sarbin (cité dans [46]), Heilbrun [46], Bentall et Slade [3]. Mintz et Alpert [80] ont apporté des arguments expérimentaux en faveur d’un trouble du reality testing. Les auteurs interprètent cependant leurs résultats comme le fait à la fois d’une imagerie mentale trop intense et d’une anomalie du reality testing Ils ont fait passer le test White Christmas de Barber et al (1964) [80] à des patients habituellement hallucinés. Ce test consiste à faire fermer les yeux aux sujets et à leur demander d’écouter un enregistrement (comme celui de White Christmas), qu’on ne diffuse pas en réalité. Dans ces circonstances, environ 50 % des sujets normaux rapportent avoir entendu l’enregistrement, même s’ils savent qu’on ne le leur a pas réellement diffusé [5, 99]. Or, les patients hallucinés soumis à ce test ont, selon Mintz et Alpert [80], une tendance significativement plus importante que les sujets normaux et que les schizophrènes non hallucinés à croire qu’ils ont bien entendu quelque chose (85 % des hallucinés croient avoir entendu la chanson). Heilbrun et al [ 4 7 ] ont cherché à savoir, d’une part, si les hallucinations survenaient plus particulièrement sur le mode sensoriel non préférentiel des sujets atteints (ce qui signifierait en particulier que des sujets souffrant d’hallucinations verbales auraient un mode préférentiel visuel) et, d’autre part, si les patients hallucinés présentaient plus de difficulté à localiser l’origine d’un son dans l’environnement, ce qui pourrait être le soubassement de troubles dans la détermination du caractère externe ou interne d’une sensation auditive. Les auteurs ont testé 16 patients ayant des antécédents d’hallucinations et 14 n’en présentant pas. Les résultats des tests montraient que les patients ayant des antécédents d’hallucinations ont beaucoup plus rarement que les autres un mode perceptif préférentiel auditif. D’autre part, seuls les patients ayant des antécédents d’hallucinations et un mauvais statut prémorbide présentaient des difficultés à localiser l’origine des sons. Bentall et Slade [3] ont utilisé la théorie de détection de signal (TDS) chez des étudiants tout-venant ayant ou non une propension aux hallucinations (score maximum ou minimum à l’échelle d’hallucination de Launay et Slade) et chez des schizophrènes hallucinés au moment de l’expérience ou n’ayant jamais été hallucinés. La TDS se prête en effet à l’investigation des processus de prise de décision dans des conditions d’incertitude. Les sujets étaient placés dans une situation d’écoute où ils pouvaient entendre, à la suite d’un signal sonore, soit un bruit blanc seul, soit une voix prononçant le mot « who » sur un fond de bruit blanc. Ils avaient pour consigne de déterminer, de manière probabiliste s’ils avaient entendu ou non la voix (en cotant 1 s’ils étaient certains d’avoir Psychiatrie Hallucinations entendu cette voix, 5 s’ils étaient certains de ne pas l’avoir entendue, et 2, 3 ou 4 dans les cas intermédiaires), à la suite de chaque essai. Les sujets hallucinés ou fortement prédisposés aux hallucinations différaient des autres par une tendance à croire qu’un stimulus était présent (existence d’un biais en faveur de la détection de stimuli externes), ce qui était à l’origine d’un faible rapport signal/bruit ; en revanche, ils n’en différaient pas par la sensibilité auditive. Ce second résultat va à l’encontre de l’hypothèse d’une imagerie mentale très intense à l’origine des hallucinations. En effet, dans ce cas, la sensibilité perceptive de ces sujets serait abaissée, du fait d’une compétition entre les percepts et les images mentales. En revanche, le premier résultat est cohérent avec le fait que les hallucinés ont une faible capacité de reality testing. Bentall et Slade interprètent cette tendance comme une prédisposition cognitive possible aux hallucinations, c’est-à-dire comme une tendance générale de ces sujets à attribuer dans le doute leurs expériences à une cause extérieure. Ce pourrait être un facteur favorisant les hallucinations. Dans un travail ultérieur, Bentall et al [2] ont évalué la capacité de patients hallucinés à discriminer les souvenirs de pensées qu’ils avaient eues des souvenirs d’événements qu’ils avaient vécus. Dans une tâche de reality monitoring comme celle-ci, les sujets normaux sont meilleurs dans la reconnaissance de leurs propres pensées que dans celle des événements externes (c’est le generation effect de Johnson et Raye [62]). De plus, leurs difficultés à discriminer leurs propres productions des événements externes sont augmentées si ces productions sont de type « ouvert » (c’est-à-dire prononcées à voix haute) plutôt que de type « couvert » (ce qui signifie qu’elles ont été seulement pensées). Bentall et al [2] ont comparé, dans une tâche de ce type, 16 schizophrènes souffrant régulièrement d’hallucinations auditives, 11 patients psychotiques n’ayant jamais été hallucinés et 22 témoins sains. Dans une première phase, les sujets devaient soit générer des mots selon des indices donnés oralement par l’expérimentateur (la première lettre du mot et une catégorie sémantique), soit répéter une paire de mots (une catégorie et un exemple particulier). La seconde phase de l’expérience se déroulait une semaine plus tard. Les sujets devaient déterminer si les mots qu’on leur présentait alors avaient été précédemment produits par eux ou donnés par l’expérimentateur, ou bien encore s’il s’agissait de leurres. Les hallucinés et les autres patients psychiatriques ont présenté des résultats globaux similaires. Toutefois, les hallucinés avaient une tendance plus importante que les sujets normaux ou les autres patients à attribuer à l’expérimentateur une catégorie particulière de mots produits par eux (ceux demandant un effort cognitif important). Les auteurs ont interprété ce résultat comme le produit d’un biais en faveur de l’attribution à une cause externe des événements pour lesquels il y a doute. Ce type de conception amène donc à considérer le point de vue que les schizophrènes peuvent avoir a posteriori sur leurs productions. En effet, la mémoire de la source représente la capacité que possède un sujet de déterminer l’origine des expériences qu’il a vécues antérieurement. Des facteurs d’encodage mnésique et d’évocation jouent un rôle dans ce processus. Bentall et al [2] considèrent qu’une anomalie de ce processus de monitoring pourrait être à l’origine des hallucinations. Pour Harvey [43], il faudrait plutôt mettre en relation une telle anomalie avec les troubles du cours de la pensée schizophréniques. Il existe différents types de mémoire de la source [61] : – la mémoire de la source externe, qui permet de distinguer des événements en provenance de l’extérieur (par exemple, distinguer ce qu’a dit une personne de ce qu’a dit une autre personne) ; – la mémoire de la source interne (permettant la distinction, par exemple, entre ce qu’on a dit et ce qu’on a pensé) ; – le reality monitoring qui détermine ce qui est originaire du sujet et ce qui provient de l’extérieur. Certaines actions pourraient appartenir à la fois à la mémoire de la source interne et au reality monitoring. En effet, ce qu’un sujet 37-120-A-10 prononce à voix haute peut être d’une part considéré comme un événement d’origine interne, relevant de la mémoire de la source interne, et d’autre part comme un événement public, en rapport avec le reality monitoring. Cette dernière forme de mémoire de la source serait altérée chez les schizophrènes, avec un biais en faveur du souvenir d’avoir agi alors qu’en fait, les sujets n’avaient fait que penser à quelque chose [29]. Les structures responsables de la mémoire de la source seraient situées au niveau préfrontal, puisque des lésions de cette région entraînent une diminution des performances dans ce domaine [56]. Frith [31] a fait remarquer que les expériences concernant la mémoire de la source évaluent le jugement que le sujet porte sur des expériences qu’il a vécues précédemment, alors que les hallucinations correspondent à un jugement erroné dès l’instant où il se produit. On peut donc penser que les troubles du reality monitoring peuvent partager la même cause que les hallucinations, mais il se pourrait aussi que ces troubles aient pour origine une anomalie purement mnésique de l’encodage ou de l’évocation. Or, il a été mis en évidence, indépendamment de toute symptomatologie hallucinatoire, des troubles mnésiques divers chez les patients schizophrènes [14]. ¶ Hypothèse d’un trouble du contrôle de ses actions Depuis une quinzaine d’années, Christopher D. Frith s’est consacré à la construction d’un modèle théorique destiné à comprendre les anomalies de traitement de l’information sous-jacentes aux symptômes psychotiques et en particulier aux HV. Cet auteur a développé sa théorie dans le cadre de la neuropsychologie cognitive, qui établit une analogie entre la neuropsychologie traditionnelle (telle fonction est localisée dans telle zone cérébrale donc telle lésion cérébrale est à l’origine de la disparition de telle fonction) et la psychopathologie (telle fonction cognitive défaillante est responsable de tel symptôme ou de tel groupe de symptômes). Selon cette conception, il importerait plus d’étudier les symptômes psychotiques que les entités nosographiques en tant que telles. Distinction des actions volontaires et stimuli-induites Frith [30, 32] a élaboré un modèle appréhendant les symptômes schizophréniques en tant qu’actions. Selon ce modèle, ces symptômes correspondraient soit à des actions inadéquates (symptômes positifs), soit à l’impossibilité de générer des actions volontaires (symptômes négatifs). Frith distingue deux types d’actions : les actions spontanément entreprises par le sujet et les actions induites par l’environnement. Selon Frith, les symptômes négatifs correspondraient à un déficit d’initiation des actions. Les conséquences de la perte de la capacité à générer des actions peuvent être triples : impossibilité d’entreprendre quoi que ce soit (pauvreté motrice), persistance de la réponse précédente (persévérations), réponse automatique et inappropriée à un stimulus de l’environnement (comportement stimulus-induit). Le fait que ces comportements correspondent à ceux qui sont adoptés par les schizophrènes présentant des signes négatifs valide le modèle en ce qui concerne cet ordre de symptômes. Pour les symptômes positifs en revanche, ce premier modèle n’est pas satisfaisant. Il les considère en effet comme la conséquence d’un défaut d’inhibition des actions secondaires aux stimulations environnementales et les réduit à des actions stimuliinduites. Or, certains patients schizophrènes entendent des voix dans le silence complet, ce qui va contre l’hypothèse que ces hallucinations seraient des actions de langage induites par exemple par des bruits perçus par le sujet. Monitoring de ses propres actions En fait, les HV pourraient être considérées comme des actions langagières produites par le sujet, mais qu’il ne reconnaît pas comme étant siennes. Frith [30] a introduit le concept de self-monitoring pour expliquer que le sujet produit ces actions qu’il n’identifie pas comme siennes. En 13 37-120-A-10 Hallucinations effet, le self-monitoring permettrait une sorte d’étiquetage des actions et pensées générées par le sujet lui-même grâce à ce qu’on a appelé copie d’efférence ou décharge corollaire. Ces deux notions recouvrent l’idée que lorsque le sujet produit une action, il envoie systématiquement une copie de la commande motrice à une instance de régulation (ce que Frith appelle le système de monitoring interne). Quels sont les arguments en faveur de l’existence de telles copies ? Helmoltz (1866) avait déjà noté que nous sommes capables de savoir si les déplacements des images sur notre rétine sont dus à nos mouvements oculaires ou à une autre cause : quand nous bougeons les yeux, les conséquences de cette action sont en quelque sorte annulées et on ne voit pas le monde bouger, alors que si l’on se trouve dans un train en marche et que l’on regarde par la fenêtre, l’image du monde environnant paraît alors se déplacer. L’idée d’un étiquetage des informations en provenance des organes des sens selon que le sujet en est la cause ou non a donc vu le jour dès la fin du XIXe siècle. Le principe en est le suivant : à chaque fois que les centres moteurs envoient une commande vers les effecteurs périphériques, ils envoient de façon concomitante dans une structure centrale une copie de cet ordre moteur qui y est comparée aux informations sensorielles décrivant le mouvement effectivement exécuté. Si cette copie est défaillante, le sujet ne se sentira pas auteur de l’action en question. Feinberg [24] avait postulé qu’un tel mécanisme pourrait exister pour toutes les pensées conscientes, et non pas seulement pour les modifications des informations visuelles consécutives aux mouvements oculaires, dont il serait le garant qu’elles ont bien été produites par le sujet. Cet auteur avait également proposé qu’une altération de ce processus puisse conduire à l’autonomisation de certains contenus de pensée dans la schizophrénie. Frith et Done ont cherché à valider expérimentalement cette hypothèse grâce à une épreuve de correction d’erreur sans contrôle visuel. Leur expérience a repris un travail antérieur, réalisé par Malenka et al [72], auquel ils ont ajouté une catégorisation des patients selon la clinique. Dans leur expérience de 1989, Frith et Done (cité dans [30]) demandaient aux sujets d’atteindre une cible située à gauche ou à droite d’un écran en poussant un joystick soit à droite soit à gauche, en fonction de l’endroit où apparaissait la cible ; le mouvement du joystick déclenchait le départ d’un projectile ; régulièrement, la relation entre le mouvement du joystick et la direction de ce projectile sur l’écran était inversée pour que la tâche ne soit pas élémentaire et nécessite un réel contrôle des actions requises. Les sujets exécutaient un grand nombre d’essais avec pour consigne d’atteindre la cible avec le projectile. Il était possible aux sujets de corriger leurs erreurs à n’importe quel moment en bougeant le joystick dans la direction opposée à celle choisie au début de l’essai, ce qui supprimait le premier projectile et en faisait apparaître un second prenant la direction opposée. Après un entraînement, les sujets accomplissaient cette même tâche, à la différence près que le début de la trajectoire du projectile était masqué. Les sujets pouvaient néanmoins réussir à effectuer la tâche car l’inversion des effets du joystick était régulière et intervenait systématiquement après un nombre d’essais constant (par exemple, cinq essais au cours desquels le joystick répondait normalement, suivis de cinq essais au cours desquels il répondait de manière inverse, puis cinq essais avec réponse normale et ainsi de suite jusqu’à la fin de l’expérience). Dans cette expérience, tous les sujets, y compris les patients, faisaient peu d’erreurs et étaient capables de corriger celles qu’ils effectuaient et qui étaient bien sûr induites par l’inversion des effets du joystick sur la direction donnée au projectile. Ce dernier point attestait de l’attention portée par tous les sujets à la tâche. Par ailleurs, les schizophrènes avec syndrome d’influence corrigeaient tardivement la direction du projectile, c’està-dire seulement lorsqu’il devenait visible, alors que les autres patients et les témoins la corrigeaient plus tôt, alors même qu’il était encore invisible. Les auteurs ont interprété cela comme le fait que la réponse des patients souffrant d’un syndrome d’influence dépendrait exclusivement des informations visuelles et donc que le contrôle interne de leurs actions (ou monitoring) serait altéré. Cela 14 Psychiatrie pourrait être la conséquence d’un déficit de l’hypothétique décharge corollaire, processus pouvant potentiellement participer à la genèse des symptômes d’influence. Modèle interne Frith [30] considère donc qu’il existe une unité fonctionnelle réalisant un monitoring de nos actions et de nos intentions. Son action serait fondée, comme on vient de le voir, sur la comparaison entre les données perceptives et les données centrales. Une défaillance de ce système de monitoring pourrait être à l’origine des symptômes schneidériens (HV et syndrome d’influence), du fait de l’altération des informations centrales qui attestent que le patient est bien l’auteur des actions effectuées. Pour préciser la nature des informations centrales en question, Frith s’est appuyé sur les travaux de Wolpert et al [107] qui ont développé la notion de modèle interne. Ce modèle consisterait en un système capable de simuler les conséquences d’une action (forward model ou modèle de prédiction) et de prédire les caractéristiques d’une action selon l’état final désiré du système (inverse model ou modèle inverse). Selon ce modèle, trois niveaux de comparaison concernant les différentes informations en rapport avec le mouvement permettraient sa régulation : – comparaison entre intention et état prédit, permettant d’améliorer une modélisation inverse qui peut être imparfaite ; – comparaison entre état actuel et état prédit, permettant une optimisation de l’action en temps réel et offrant en même temps la preuve à l’auteur de l’action qu’il a précisément causé cette dernière (sensation d’agentivité) ; – et enfin comparaison entre état actuel et intention, apportant au sujet la confirmation grossière qu’il est à l’origine de l’action (sensation de propriété). Pour Frith et al [32], le point crucial pour les symptômes qui nous intéressent réside dans la détérioration du modèle de prédiction : le sujet reste capable de formuler des intentions et de générer des actions, mais il n’est plus apte à prédire les conséquences de certaines de ses propres actions, ce qui le conduit à les considérer comme d’origine externe. Ce modèle permet en outre de distinguer le mécanisme de production des phénomènes forcés [22], qui seraient dus à une atteinte du modèle de prédiction, et celui des phénomènes étrangers, qui eux seraient dus à une atteinte plus extensive touchant aussi la comparaison entre intention et état actuel. Dans le premier cas, en effet, le fait que la comparaison entre l’état actuel et les intentions soit préservée permettrait au sujet de se reconnaître comme étant à l’origine de l’action, alors que la perte de la capacité d’anticiper les conséquences précises de chaque étape de l’action en question lui ôterait la sensation que c’est bien lui qui l’exécute. Dans le second cas, en revanche, le sujet n’aurait même plus l’impression d’être à l’origine de l’action, faute de pouvoir comparer l’état actuel à ses intentions. Le fait de ne pas être capable d’anticiper le résultat d’une action ôterait à celle-ci son caractère volontaire. Toutefois, une expérience dont les résultats ont été récemment publiés [27] montre que les mauvaises performances des patients influencés de l’étude de Frith et Done (cité dans [32]) ne sont pas forcément interprétables en termes de prédiction des conséquences de l’action. En effet, ces auteurs ont finalement plus testé la capacité des patients à accomplir deux tâches à la fois (diriger le joystick vers l’objectif qui apparaît et se souvenir qu’il faut régulièrement tirer du côté opposé à la cible) et à intégrer une règle (inversion régulière des effets du joystick sur le côté du tir) que l’intégrité de leur modèle interne. Dans cette expérience, il était évidemment plus difficile de corriger ses erreurs sans voir ce que l’on faisait si l’on ne se souvenait pas où on en était de la séquence (c’était le cas des patients influencés) que si l’on s’en souvenait (ce qui était probablement le cas des témoins et des patients non influencés) et il fallait, dans le premier cas, attendre la réapparition de la balle pour corriger sa direction. Fourneret et al [27] se sont attachés à développer une méthodologie étudiant le contrôle de l’action en temps réel et les corrections qu’il Psychiatrie Hallucinations requiert. Dans cette expérience, 19 patients schizophrènes (dix d’entre eux présentant des symptômes schneidériens dont des HV), ont été comparés à 19 témoins normaux dans une épreuve d’ajustement sensorimoteur. Les sujets devaient tracer une ligne sur une tablette graphique sans avoir une vision directe de leur main tenant le stylo. Dans la session d’entraînement, ils voyaient en même temps l’image d’une ligne qui était exactement celle qu’ils traçaient. Lors de la session expérimentale à proprement parler, cette ligne était déviée de 15° vers la droite, grâce au traitement par un ordinateur des informations en provenance de la tablette graphique. Les deux premiers tiers de la trajectoire étaient alors masqués. Au fil des essais, la trajectoire visualisée devenait de plus en plus rectiligne, du fait de la correction apportée automatiquement par les sujets. Les schizophrènes, qu’ils soient schneidériens ou non, parvenaient à tracer une ligne droite en un nombre d’essais similaire à celui qui était requis par les sujets témoins. Ceci atteste donc de la conservation de la capacité à prédire les conséquences du mouvement chez les patients schneidériens. Ces résultats appellent deux remarques. La première concerne le fait que seules certaines actions ne sont pas reconnues comme étant les leurs par les patients schneidériens. En effet, la plupart du temps, ils pensent et agissent et savent que ce sont eux qui pensent ou agissent. Seules certaines actions ou pensées échappent au sentiment d’appartenance personnelle. On est donc en droit de se demander s’il ne faudrait pas étudier les facteurs qui font que ces actions ou pensées s’émancipent plutôt que d’étudier d’emblée des troubles considérés a priori comme permanents. Néanmoins, on laissera cette remarque de côté dans un premier temps. La seconde remarque porte sur le niveau de perturbation susceptible de sous-tendre les symptômes qui nous intéressent. Le travail de Fourneret et al [27] laisse penser qu’il n’est pas pertinent de les considérer comme une anomalie de la modélisation interne de l’action et conduit au modèle présenté dans la partie suivante. Ce dernier est basé sur une conception différente de l’action, qui n’est plus abordée comme la production d’une personne isolée dans une conception de type solipsiste, mais comme une sorte de monnaie d’échange entre soi et l’autre dans une conception plus sociale de ce phénomène [36]. ¶ Hypothèse d’un trouble de l’attribution des actions Ce modèle développé par Jeannerod et al [59] ne concerne plus le contrôle de l’action, dont les processus visent à répondre à des questions du type « Où en est le mouvement ? » et « Que se passet-il dans mon corps ? », mais il postule qu’il existe un autre système en rapport avec l’action, d’une nature différente, dont la finalité est de répondre à la question « Qui agit ? ». Il est nécessaire de répondre à cette question du fait de l’existence, en chacun de nous, aussi bien de la représentation de ses propres actions que de la représentation des actions d’autrui. Cette dernière était appelée par Janet, en 1937, « personnalité des autres ». Selon cet auteur, cette instance se construirait en même temps que la personnalité propre du sujet, dont elle se séparerait après un stade de « confusion ». Seule cette « division psychologique » autoriserait enfin une « répartition » des actes entre le sujet et le « socius ». Pour Janet, une atteinte de ce système pouvait conduire en particulier au sentiment d’emprise des aliénés dû à une « objectivation intentionnelle », aussi bien qu’à la « subjectivation intentionnelle » consistant en l’impression pour le sujet de pouvoir imposer ses actes aux autres. Représentations partagées La présence de ce système destiné à déterminer qui, du sujet ou d’autrui, est l’auteur d’une action serait rendue indispensable par l’existence d’une base représentationnelle et cérébrale commune à l’exécution, à la simulation mentale et à l’observation d’actions. Toutes ces modalités de l’action reposeraient sur l’existence de représentations mentales en rapport avec l’action [58] formant une base unique. La notion de représentations motrices s’inspire de celle, plus générale, de représentation mentale ou d’imagerie mentale. Les représentations motrices seraient liées aux intentions motrices et à la préparation du mouvement. Elles sous-tendraient aussi 37-120-A-10 l’imagerie motrice ou représentation de soi en action. Ces représentations pourraient être activées aussi bien quand le sujet s’imaginerait en train d’exécuter telle ou telle action, sans que quoi que ce soit se passe autour de lui, que lorsqu’il observerait quelqu’un faisant quelque chose. C’est le cas par exemple du spectateur d’un exploit sportif, qui, tout en regardant l’athlète accomplir sa performance, sent se dessiner dans son corps l’ébauche des mouvements qu’il observe sans quitter son siège. Ces considérations ont conduit Jeannerod [57] à postuler l’existence de représentations partagées. Le concept de représentations partagées se fonde en particulier sur un certain nombre d’études en neuro-imagerie fonctionnelle montrant l’existence d’un réseau d’activation cérébrale commun à l’exécution de ses propres actions, à leur simulation mentale et à l’observation d’actions effectuées par autrui. Grèzes et Decety [42] ont effectué une méta-analyse de ces études. Leur travail montre que l’exécution d’une action implique principalement le cortex moteur primaire, le cortex prémoteur, l’aire motrice supplémentaire, le gyrus cingulaire, le cervelet et le lobe pariétal inférieur et supérieur. La simulation mentale d’une action, définie comme la répétition mentale de cette action sans qu’elle soit effectivement exécutée, entraîne l’activation du cortex préfrontal dorsolatéral, du gyrus précentral, de l’aire motrice supplémentaire, du lobe pariétal inférieur, du gyrus cingulaire, des noyaux sous-corticaux et du cervelet. Enfin, l’observation d’une action provoque essentiellement l’activation du cortex prémoteur, des gyri temporaux moyen et supérieur gauches, des gyri frontaux inférieur et moyen et du cortex pariétal droit et gauche. Finalement, selon Grèzes et Decety [42], les aires corticales ayant un bon niveau de chevauchement dans les tâches d’exécution, de simulation et d’observation d’actions sont l’aire motrice supplémentaire, le cortex prémoteur dorsal, le lobe pariétal supérieur et le gyrus supramarginal (lobe pariétal inférieur). Leur implication s’expliquerait par le rôle qu’elles jouent dans la génération de plans moteurs destinés à atteindre des objectifs définis. De plus, la simulation mentale nécessite la participation du cortex prémoteur ventral, ce qui pourrait s’expliquer par l’implication de phénomènes langagiers dans ce type de tâche, alors que l’observation active le cortex temporal gauche, probablement du fait du traitement sémantique des informations visuelles. Enfin, la simulation mentale comme l’observation supposent l’activation de la pré-aire motrice supplémentaire et du cortex préfrontal dorsolatéral, vraisemblablement en raison des aspects mnésiques nécessaires à la planification de l’action. Le fait que ces représentations communes existent conduit à penser qu’il existe des mécanismes pour reconnaître l’auteur de telle ou telle action. Une défaillance de ces hypothétiques mécanismes pourrait conduire à une confusion entre ce qui est exécuté par le sujet et ce qui est exécuté par d’autres. S’il s’agit de langage intérieur, la confusion pourrait se traduire pour le sujet par des HV. Distinction des représentations motrices liées à sa propre activité des représentations motrices liées à l’activité d’autrui L’existence de cette base fonctionnelle commune aux actions personnelles ou observées crée la nécessité d’un système capable de distinguer ce qui appartient à soi et ce qui relève d’autrui. Selon Georgieff et Jeannerod [36], la conscience de ses actions ne relèverait pas de la discrimination entre signaux centraux et réafférences sensorielles, comme cela est prôné par le modèle précédent, mais de la discrimination entre les représentations centrales liées à soi et les représentations centrales liées à autrui. En effet, chaque représentation d’action autogénérée correspond, chez l’autre, à une représentation d’action observée, les deux types de représentations ayant chez un même sujet une part commune. Pour Georgieff et Jeannerod [36] un tel modèle serait conforme à la clinique en ce qu’il pourrait expliquer aussi bien l’attribution à autrui de ses propres actions (AA), par défaut des représentations d’actions autogénérées et excès des représentations d’actions observées, que l’attribution à soi des actions des autres (AS), par défaut des représentations d’actions observées et excès des représentations d’actions autogénérées. Or, il est vrai que la clinique 15 37-120-A-10 Hallucinations schizophrénique nous confronte tant aux symptômes schneidériens dont les HV (correspondant à l’AA), qu’à des idées mégalomaniaques de contrôle des autres, voire du monde entier (correspondant à l’AS). Une série d’expériences récentes [15, 23, 28, 60] est venue apporter des arguments en faveur de l’existence d’un tel trouble de la reconnaissance de ses propres actions chez les patients schizophrènes hallucinés. En effet, placés dans un contexte où leurs actions manuelles ou bien leurs paroles leur étaient soit retransmises telles quelles, soit déformées, soit remplacées par celles d’autrui, les schizophrènes, et spécialement ceux qui sont hallucinés, ont présenté plus de difficulté pour reconnaître l’auteur des actions en question. L’expérience de Farrer et al [23] a en particulier montré que les erreurs d’attribution des patients se font dans les deux sens (excès d’AA ou d’AS), ce qui est compatible avec la clinique de l’attribution telle qu’elle vient d’être décrite. RÔLE DES SYSTÈMES MONOAMINERGIQUES DANS LES PHÉNOMÈNES HALLUCINATOIRES ¶ Dopamine L’amphétamine, la cocaïne aggravent les symptômes paranoïdes chez les schizophrènes et l’amphétamine pourrait induire des hallucinations. Les agonistes dopaminergiques spécifiques tels que le ropinirole, utilisé chez le patient parkinsonien, peuvent favoriser la survenue d’hallucinations. Cependant, les situations d’hyperdopaminergie chez les parkinsoniens sont davantage corrélées aux fluctuations motrices qu’à la survenue d’hallucinations. L’efficacité antihallucinatoire des neuroleptiques (antagonistes dopaminergiques) est une donnée désormais classique. À partir de ces observation cliniques, l’hypothèse d’un hyperfonctionnement du système dopaminergique pouvant contribuer à la symptomatologie positive de la schizophrénie a été formulée. L’hypothèse dopaminergique de la schizophrénie a été ultérieurement rendue plus complexe par l’introduction de la notion de déséquilibre cortico-sous-cortical du système dopaminergique. Celui-ci associerait une diminution d’activité dans le cortex préfrontal et une augmentation secondaire d’activité dans la région mésolimbique. Les modifications dopaminergiques dans le cortex préfrontal pourraient contribuer au déficit de la mémoire de travail observé chez les schizophrènes (par l’intermédiaire des récepteurs D1 qui ne sont cependant pas la cible d’action privilégiée des neuroleptiques dans le cadre de l’activité antipsychotique). Les modifications de l’activité dopaminergique dans le système mésolimbique, riche en récepteurs D2, paraissent davantage liées aux phénomènes hallucinatoires. Cependant, les études réalisées en TEP ou SPECT avec des ligands des récepteurs D2 n’ont pas mis en évidence de lien entre le nombre de récepteurs D2 et la sévérité des hallucinations [73]. Un déséquilibre entre les tonus dopaminergique et cholinergique ne peut toutefois être exclu. Un traitement cholinergique pourrait même améliorer les hallucinations chez le parkinsonien, à l’instar de ce qui est observé dans le traitement des hallucinations visuelles dans les démences à corps de Lewy (où les traitements neuroleptiques sont mal tolérés). Le système acide gamma-aminobutyrique (GABA)ergique a également été incriminé, compte-tenu de son rôle modulateur inhibiteur et de ses interactions avec le système dopaminergique. Busatto et al [7] ont récemment rapporté (SPECT) une faible diminution du nombre des récepteurs GABAA (principal sous-type) dans plusieurs régions corticales chez des sujets schizophrènes et surtout une bonne corrélation entre la diminution observée dans le cortex médiotemporal gauche et l’intensité des hallucinations et de la production délirante. Or, une augmentation de l’activité de cette partie du cortex chez les sujets hallucinés a été rapportée dans certaines études. 16 Psychiatrie ¶ Sérotonine Selon Fishman [26], l’intrusion d’ondes d’origine géniculopontine occipitales au cours des états de veille pourrait être responsable des hallucinations. Un déficit sérotoninergique pourrait favoriser ce phénomène. L’hypothèse d’un continuum entre sommeil, rêve et hallucinations est ainsi soulevée à nouveau. Un certain nombre de drogues qui diminuent le tonus sérotoninergique peuvent induire des hallucinations (LSD, mescaline). THÉORIES PSYCHOLOGIQUES DES HALLUCINATIONS La psychanalyse ne fournit pas réellement de modèle théorique explicatif des hallucinations, qu’elle apparente au rêve : « nous n’ignorons pas davantage que le contenu même des hallucinations, tant verbales que sexuelles, correspond à quelque chose qui a été rejeté du niveau conscient (refoulé ou forclos) et qui revient en se manifestant dans le réel » (Lacan, 1959). Citons la conception organodynamique d’Henri Ey qui insiste, d’une part, sur les aspects négatifs de l’expérience délirante qui constituent une déstructuration de la conscience (expériences délirantes et hallucinatoires des psychoses aiguës) et, d’autre part, sur les aspects positifs de la construction délirante qui expriment symboliquement les exigences inconscientes du délirant [22]. Selon Strauss [103], la proportion d’hallucinations (surtout auditives) comparativement à celle d’idées délirantes, refléterait le niveau intellectuel du patient (les hallucinations seraient moins fréquentes lorsque le niveau serait plus élevé). Le patient utiliserait ainsi différentes possibilités pour exprimer une même expérience interne stressante. Traitement Le traitement des hallucinations est souvent difficile à individualiser de celui de la pathologie à laquelle elles sont associées, surtout lorsqu’il s’agit d’une pathologie organique. STRATÉGIES PSYCHOLOGIQUES Les cas publiés sont peu nombreux, les diagnostics souvent incertains et l’efficacité très discutée. TECHNIQUES COGNITIVOCOMPORTEMENTALES (POUR REVUE [97]) ¶ Approche comportementale Leur principe repose sur l’utilisation, à des fins thérapeutiques, des stratégies auxquelles les patients font spontanément appel pour diminuer leurs hallucinations auditives (écouter de la musique ou parler à d’autres gens, pour se distraire des voix ; modifier leur comportement comme par exemple débuter une activité physique, ou au contraire dormir ; ou encore utiliser des tâches cognitives, comme ignorer volontairement les voix, réorienter leurs pensées vers d’autres thèmes ou se concentrer sur une tâche). Les études, pour la plupart non contrôlées, font état d’une amélioration des hallucinations auditives (diminution de leur fréquence ou de leur durée) dans des schizophrénies anciennes. Différentes techniques ont été utilisées, dont certaines assez peu éthiques, comme la délivrance de chocs électriques au cours des hallucinations. Des techniques d’exposition (consistant à se concentrer sur les hallucinations lorsque celles-ci surviennent, puis à enregistrer leur contenu et à réécouter régulièrement ces enregistrements) sont moins efficaces. Des techniques de diversion utilisées pendant les phénomènes hallucinatoires (écouter, à l’aide d’un magnétophone, des histoires Hallucinations Psychiatrie agréables, de la musique dont l’intérêt doit être évident pour le sujet, parler à quelqu’un, prononcer des mots à voix haute ou encore avoir une activité comme le classement de cartes à jouer) permettent de réduire la fréquence des hallucinations. Des stratégies de protection utilisant des bouchons d’oreille (tels les boules Quiès) peuvent également être efficaces, même unilatéralement, mais le choix du côté le plus pertinent est variable selon les sujets. En fait, plus généralement, l’augmentation des stimuli externes visuels et/ou auditifs, surtout lorsque leur contenu mobilise l’attention du sujet, permet de diminuer la fréquence et l’intensité des hallucinations. ¶ Approche cognitive Les techniques cognitives, visant à améliorer les sentiments négatifs associés à la survenue des hallucinations, peuvent être efficaces, en particulier dans les schizophrénies récentes, mais des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces données. L’efficacité des thérapies cognitives prédomine sur l’interprétation délirante qui survient consécutivement aux phénomènes hallucinatoires confirmant ainsi, s’il en était besoin, le caractère primitif des phénomènes hallucinatoires, secondairement objet d’interprétation délirante ou de rationalisation morbide. Ces techniques, lorsqu’elles sont associées à un traitement pharmacologique, permettent au moins de diminuer l’impact négatif des hallucinations sur la vie quotidienne du sujet. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE Il demeure un élément incontournable du traitement des hallucinations. Les neuroleptiques classiques permettent de traiter efficacement les hallucinations dans 70 à 75 % des cas (surtout les hallucinations auditives), l’halopéridol étant considéré comme un puissant hallucinolytique (pour revue [87]). 37-120-A-10 En ce qui concerne les neuroleptiques atypiques, le recul est actuellement encore insuffisant pour juger d’une action spécifique sur les hallucinations, en dehors de la clozapine, qui a comme indication les schizophrénies résistantes. Little et al [70] ont observé que la présence d’hallucinations sévères chez les patients pourrait représenter un élément prédictif de la nécessité d’utiliser de plus fortes doses de neuroleptiques. Lorsque l’hallucination s’inscrit dans le cadre d’un onirisme, le traitement est avant tout celui de la cause de la confusion mentale. Il en est de même lorsque les hallucinations sont liées à une atteinte cérébrale organique. Chez les sujets parkinsoniens, la clozapine ou la quétiapine sont efficaces. Chez les sujets déments, les neuroleptiques sont surtout efficaces sur le délire et les hallucinations auditives. Dans les démences à corps de Lewy, il faut souligner la mauvaise tolérance des neuroleptiques et insister sur l’efficacité des thérapeutiques cholinergiques. STIMULATION MAGNÉTIQUE TRANSCRÂNIENNE Le mécanisme d’action exact de la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) demeure mal connu (modification de l’activité neuronale, modifications métaboliques...). Une étude d’Hoffman et al [52], portant sur l’efficacité de la SMT chez 12 patients hallucinés, a rapporté une diminution significative des hallucinations auditives. La SMT portait sur la région pariétotemporale gauche (dont l’activité augmente au cours des hallucinations auditives, en particulier au niveau des zones impliquées dans la perception du langage) avec les caractéristiques suivantes : 1Hz – étude en cross-over : traitement psychotrope + placebo versus traitement psychotrope + SMT – 80 % seuil moteur – 4 sessions – 4 minutes au début, en augmentant à 16 minutes – total de 2 880 stimulations. Références [1] Baillarger J. Des hallucinations, des causes qui les produisent, et des maladies qu’elles caractérisent. In : Mémoires de l’académie royale de médecine, Tome XII. Paris : JB Baillière, 1846 : 273-475 [13] Curtis VA, Bullmore ET, Brammer M, Wright IC, Williams SCR, Morris RG et al. Attenuated frontal activation during a verbal fluency task in patients with schizophrenia. Am J Psychiatry 1998 ; 155 : 1056-1063 [2] Bentall RP, Baker GA, Havers S. Reality monitoring and psychotic hallucinations. 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