Autonomiser les enfants atteints de diabète et leur parents

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Autonomiser les enfants atteints de diabète et leur parents
De l’empathie aux actions concrètes
Autonomiser les enfants atteints
de diabète et leur parents
` Hilary MCV Hoey
Lorsque le diabète est diagnostiqué chez un enfant, la nouvelle
est un choc pour tous les membres de la famille provoquant
douleur et tristesse. Les enfants atteints de diabète et leurs
parents se sentent souvent submergés par la quantité de
connaissances à acquérir pour gérer efficacement la condition.
Parents et enfants peuvent ressentir de la culpabilité : les
parents pensent parfois qu'ils auraient pu prévenir le diabète
de leur enfant ; les enfants peuvent percevoir la condition et
son traitement comme une forme de punition. Dans cet article,
Hilary Hoey explore les problèmes psychosociaux liés à la
gestion, l'éducation et l'autonomisation des jeunes atteints de
diabète et de leurs parents.
>>
Le diabète peut être une cause de
stress majeure pour les enfants et
leurs familles. Les jeunes atteints de
diabète doivent suivre un programme
de gestion compliqué, impliquant des
injections quotidiennes d'insuline, des
contrôles fréquents des taux de
glycémie et une alimentation adaptée.
Les enfants et les adolescents peuvent
se sentir stigmatisés par certains
aspects de leur condition, comme le
fait de s'injecter de l'insuline. Ils
doivent faire face à la possibilité de
futures complications du diabète,
comme l'insuffisance rénale, la cécité,
les maladies cardiaques et des
problèmes circulatoires.
Les acteurs du traitement
Une gestion efficace du diabète limite
non seulement les complications, mais
est également associée à une meilleure
qualité de vie pour les enfants et
adolescents atteints de diabète et leurs
parents.1 Ceux qui sont impliqués dans
le traitement sont principalement
l'enfant et ses parents. Un rôle
important peut être joué par la famille
au sens large, notamment les grandsparents, oncles, tantes et cousins. Le
25
médecin de famille et l'école jouent
également un rôle actif dans la gestion
du diabète de l'enfant. L'éducation et
l'autonomisation doivent par conséquent
impliquer tous ces acteurs.
L'autonomisation par l'éducation
Au départ, les membres de l'équipe
clinique multidisciplinaire en charge de
la gestion du diabète, qui comprend les
médecins, le personnel infirmier, un
diététicien et un psychologue, devront
assurer le rôle d'éducateur. En particulier
dans les premiers temps de la prise en
charge, la confiance de l'enfant et des
parents est d'une importance capitale.
Réconfort, éloges et encouragements
sont nécessaires pour renforcer leur
amour-propre.
L'éducation commence dés la pose
du diagnostic. Elle se poursuit lors
de chaque visite ultérieure à la
clinique. L'objectif est d'informer et
d'autonomiser la famille en vue de lui
permettre de gérer la condition avec la
compétence et la confiance nécessaires.
L'éducation devrait être centrée sur
le jeune atteint de la condition et sa
famille, en leur apprenant à adapter
l'alimentation et les doses d'insuline,
sur base des données de glycémie. Un
traitement individualisé doit être établi à
travers une collaboration étroite entre
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Volume 49
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Numéro spécial
De l’empathie aux actions concrètes
effets de différents aliments et
de la réaction à l'insuline. C'est
particulièrement le cas chez les
enfants et adolescents étant donné
les changements dans leurs besoins
liés à la croissance et à la puberté.
Les besoins d'un très jeune enfant,
d'un enfant en âge scolaire ou d'un
adolescent sont très différents. La
santé d'un jeune enfant atteint de
diabète dépend principalement de
ses parents et des professionnels
de la santé en charge de l'enfant.
les membres de l'équipe et les
personnes concernées.
Cette autonomisation du jeune et de la
famille contribue à réduire les
frustrations liées aux soins du diabète
et améliore les résultats du traitement.
L'éducation doit être continue et
inclure l'identification des barrières
psychosociales à une gestion efficace
du diabète. Afin de prendre en compte
les différents styles d'apprentissage des
enfants, des adolescents et de leurs
familles, les éducateurs doivent faire
preuve de flexibilité et adapter leurs
stratégies individuelles d'apprentissage.
Déplacer le centre d'attention
La gestion du diabète peut être
frustrante en raison des grandes
variations des taux de glycémie, des
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Numéro spécial
L'objectif est de donner la
responsabilité des soins à l'enfant
plus âgé et à l'adolescent et d'aller
vers une auto-gestion et une efficacité
accrues. Le soutien de la famille
pendant l'adolescence est déterminante
d'une bonne auto-gestion pour le
futur.2 Des études ont démontré que
les enfants atteints de diabète issus
d'une famille instruite et réceptive à
l'autonomisation ont amélioré leur
gestion du diabète et portent un
regard plus positif sur la vie.3
( )
Les enfants issus d'une
famille instruite ont
amélioré leur gestion
du diabète et portent
un regard plus positif
sur la vie.
L'autonomisation de l'enfant atteint
de diabète et de sa famille leur permet
de gérer les soins quotidiens. Cette
approche est plus saine que le modèle
traditionnel par lequel le professionnel
de la santé est perçu comme actif,
puissant, bien informé et ayant le
contrôle de la gestion du diabète
tandis que la personne atteinte de
la condition est considérée comme
26
passive, soumise et dépendante. Les
médecins peuvent devenir des experts
en gestion du diabète, mais seules les
personnes atteintes de la condition
peuvent devenir des experts dans la
conduite de leur propre vie.
Bien que les membres des équipes de
soins aient été décrits comme égaux
pendant des années, la perception
générale était que le médecin était le
premier parmi les égaux. Dans la
gestion du diabète, ce statut appartient
de plein droit à la personne atteinte de
la condition. L'éducation au diabète
devrait par conséquent aider les jeunes
atteints de diabète et leurs parents à :
Š acquérir les connaissances relatives à
la gestion clinique du diabète
Š apprendre à adapter leurs
comportements
Š développer les compétences
nécessaires en termes d'affirmation
de soi et de communication afin de
collaborer de façon efficace avec
l'équipe soignante
Š évaluer si le plan de soins
recommandé est réaliste, approprié
et durable.
Crises d'adolescence
A l'adolescence, une mauvaise gestion
du diabète est courante. Le contrôle
métabolique peut se détériorer et
provoquer des craintes et une satisfaction
réduite par rapport à la vie chez
l'adolescent.1 Des craintes relatives
aux perspectives de carrière et aux
complications du diabète peuvent
provoquer peur, colère, dépression et
révolte. A cet âge-là, un enfant cherche à
atteindre son indépendance, alors que les
parents ont souvent du mal à accorder
plus de liberté par crainte d'un mauvais
contrôle ou de crises d'hypoglycémie.
De l’empathie aux actions concrètes
Cependant, il est important que
l'enfant participe à des activités avec
ses pairs. La dépendance aux injections
d'insuline et la crainte d'une
hypoglycémie peuvent conduire à des
difficultés d'intégration et à éloigner
l'enfant du sport et d'autres activités
sociales. L'émergence de l'identité
sexuelle peut s'avérer plus
problématique chez un adolescent
atteint de diabète. Chez les filles, on
observe une prévalence croissante des
troubles de l'alimentation qui peuvent
être une forme de compensation.4
( )
Seules les personnes
atteintes de diabète
peuvent devenir des
experts dans la
conduite de leur
propre vie.
nouvelles idées ou problèmes avec les
différents membres de l'équipe.
Le soutien de leurs pairs
En rejoignant l'association du diabète
locale, la famille peut collecter une
grande quantité d'informations grâce à
des réunions, de la littérature et l'accès
à des équipements d'apprentissage par
voie électronique. Les camps du diabète
proposent un environnement de vacances
où les enfants atteints de diabète peuvent
acquérir l'indépendance initiale. Les jeunes
peuvent améliorer leurs connaissances et
compétences en matière de gestion du
diabète en observant la façon dont les
autres assument leur condition. Ils
peuvent également aider d'autres jeunes
moins préparés, développant ainsi leur
confiance et leur amour-propre.
Ces problèmes psychosociaux peuvent
réduire la capacité d'un jeune à
assumer la gestion de son diabète.
L'intérêt, le tact et la considération
sont indispensables pour encourager
les adolescents à se prendre en charge.
Les jeunes doivent se sentir soutenus
par leur famille et comprendre l'utilité
des visites régulières à la clinique.
Les enfants issus de familles
monoparentales et de groupes ethniques
minoritaires ont souvent un mauvais
contrôle métabolique ; les personnes
issues de groupes ethniques minoritaires
ont une qualité de vie nettement moins
bonne.1 Il est par conséquent très
important que des ressources soient
prévues pour répondre aux besoins de
ce groupe particulièrement vulnérable.
Une éducation complémentaire et
un développement des connaissances
doivent être assurés lors des visites
ultérieures à la clinique. Les nouvelles
situations qui se sont présentées ou
sont sur le point de se présenter
peuvent être discutées, comme les
vacances et le sport. Ces visites
constituent également une opportunité
de discuter des nouvelles techniques
de gestion et des progrès dans la
recherche sur le diabète. Les familles
peuvent également aborder des
Le défi
L'objectif principal de l'éducation au
diabète est d'autonomiser le jeune
atteint de la condition pour qu'il
devienne indépendant et capable
d'adapter les doses d'insuline et son
alimentation en fonction des résultats
des tests de glycémie, qu'il soit capable
de gérer le stress inattendu et qu'il
adopte une approche positive de la
vie. Une gestion efficace du diabète
dépend du bon suivi du programme
thérapeutique par l'enfant et sa famille.
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Autonomiser les enfants et leurs
familles par le biais de l'éducation,
la motivation et le soutien est donc
la pierre angulaire d'une bonne gestion
du diabète. Les frères et soeurs, la
famille au sens large et l'école
devraient être impliqués dans ce
processus. Suivre les traitements
recommandés sur une longue période
implique de nombreuses difficultés
pour les enfants et leurs familles. Le
défi pour l'équipe responsable des
soins du diabète de l'enfant consiste à
offrir un soutien enthousiaste, positif
et complet et à préparer les jeunes et
leurs familles à faire face à la vie avec
le diabète de façon positive et efficace.
` Hilary MCV Hoey
Hilary MCV Hoey est chef du Département de
Pédiatrie de l'Université de Dublin, Irelande.
Elle est consultante en endocrinologie
pédiatrique auprès du National Children's
Hospital, Tallaght, Dublin, Irlande.
Références
1
Hoey H, Aanstoot HJ, Chiarelli F, Daneman D, Danne T,
Dorchy H, et al. Good metabolic control is associated
with better quality of life in 2,101 adolescents with
type 1 diabetes. Diabetes Care 2001 Nov; 24: 1923-8.
2
Skinner TC, Hampson SE. Social support and personal
models of diabetes in relation to self-care and wellbeing in adolescents with type I diabetes mellitus.
J Adolesc 1998 ; 21: 703-15.
3
Florian V, Elad D. The impact of mothers' sense of
empowerment on the metabolic control of their
children with juvenile diabetes. J Pediatr Psychol
1998 ; 23: 239-47.
4
Maharaj SI, Rodin GM, Olmsted MP, Connolly JA,
Daneman D. Eating disturbances in girls with diabetes:
the contribution of adolescent self-concept, maternal
weight and shape concerns and mother-daughter
relationships. Psychol Med 2003; 33: 525-39.
5
Daneman D, Olmsted M, Rydall A, Maharaj S, Rodin G.
Eating disorders in young women with type 1
diabetes. Prevalence, problems and prevention. Horm
Res 1998; 50 (suppl 1): 79-86.
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