Gardarem lo Larzac

Transcription

Gardarem lo Larzac
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Lengas
Revue de sociolinguistique
69 | 2011 :
Varia
« Gardarem lo Larzac » : de la
dimension occitane de la lutte
paysanne à son cheminement
mémoriel
PIERRE-MARIE TERRAL
p. 93-116
Entrées d’index
Mots-clés : Gardarem lo Larzac, lutte paysanne, occitan
Keywords : Gardarem lo Larzac, peasant struggle, Occitan
Mots-claus : Gardarem lo Larzac, lucha paisana, occitan
Texte intégral
1
2
1 sur 20
Gardarem lo Larzac. Trois mots de langue d’oc devenus
emblématiques d’une décennie de lutte pour garder la terre à sa
vocation agricole. Un mouvement dont le caractère symbolique était
souligné en 1978 par Jean-Paul Sartre : « Je salue votre lutte pour la
justice, la liberté et pour la paix, la plus belle lutte de notre
vingtième siècle1. »
À partir de l’étude de ce mouvement et de ses descendances, dans
la thèse, Le Larzac, de la lutte paysanne à l’altermondialisme. Entre
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
3
https://lengas.revues.org/383
histoire et mémoire (1971-2010), sous la direction du professeur
Christian Amalvi (Terral 2010), nous nous recentrerons ici sur la
dimension occitane de cet épisode historique, oscillant aujourd’hui
entre légende et oubli. Il s’agira d’évaluer la réelle implication des
militants occitans dans ce mouvement qui s’étire de 1971 à 1981,
avant de s’intéresser au symbole de la colonisation intérieure qu’ils
érigent et enfin, d’analyser l’importance de cette coloration occitane
dans le souvenir.
Le Larzac et l’Occitanie, cela semble une évidence, comme dans
cet extrait de l’ouvrage du sociologue Didier Martin, Le Larzac,
utopies et réalités (Martin, 1987, 23) décrivant les événements
comme inéluctables :
L’annonce officieuse de l’extension est faite deux ans après la
rupture de 1968 et en pleine période « gauchiste
groupusculaire » et enfin le Causse se trouve au cœur de
l’Occitanie (ce qui connote fortement l’espace larzacien aux
yeux de beaucoup). On se rend compte que cet espace
recueillait tous les éléments nécessaires au déclenchement
d’un conflit social.
4
La réalité était un peu plus complexe. Tout d’abord, parce que
Mai 68 a eu des répercussions assez limitées en Aveyron, même s’il
y a eu un mouvement ouvrier et lycéen. Ce dernier aspect est l’une
des particularités du département, puisque les étudiants s’étaient
dirigés à Montpellier et à Toulouse. Ce n’est pas en 1968 qu’il faut
chercher un précédent. Les agriculteurs, en particulier ceux du
Larzac, y ont été très hostiles. Léon Maillé, qui deviendra l’une des
figures emblématiques du mouvement paysan, en témoigne, non
sans humour (Pialat 2008) : « J’étais un paysan de 24 ans qui venait
de prendre la suite de son père. J’étais normal à l’époque : je votais
à droite et j’allais à la messe. » En effet, loin de se solidariser avec
les événements, les Larzaciens ont largement condamné ce remous,
comme l’écrivait, dans Gardarem lo Larzac, une épouse
d’agriculteur, Christiane Burguière en 1998 :
Autochtones pour la plupart, de tradition chrétienne, nous
étions fidèles à l’ordre établi, à la hiérarchie. Peu ou pas
conscientisés, encore moins politisés, nous suivions les
événements à la télé avec une certaine angoisse liée aux bruits
les plus saugrenus qui couraient alors « les anarchistes, les
gauchistes allaient envahir nos fermes et les piller ».
5
2 sur 20
Durant ces années comprises entre la guerre d’Algérie, avec ce
souvenir de ces grandes luttes de la décolonisation et Mai 68,
l’occitanisme se sédimente dans le sens d’un régionalisme politique
et en Rouergue, c’est à Decazeville, en 1961-1962 qu’il faut
chercher des antériorités. Les soixante-six jours de grève des
mineurs contre la fermeture des houillères ont été un combat
majeur dans le département et plus largement dans la région, le
mouvement devenant le symbole du malaise économique du Midi.
Même si le combat désespéré des gueules noires se solde par un
échec, les militants occitans ont été très sensibles à leurs slogans
écrits en « patois » et en font un cas concret d’exploitation de
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
6
https://lengas.revues.org/383
l’Occitanie2. Les occitans reviennent au nom originel, celui de La
Sala3. La grève de Decazeville a incontestablement eu un rôle de
détonateur, comme le reconnaissait Robert Lafont (1971, 217) :
« Cela a été pour beaucoup d’occitanistes le coup de semonce de
l’actualité, qui leur a fait franchir le pas théorique devant lequel ils
hésitaient. » À la suite d’un article de Serge Mallet dans France
Observateur, « La révolte des colonisés de l’intérieur », faisant écho
à sa visite à Decazeville, en janvier 1962, Robert Lafont reprend
l’idée à son compte de l’exploitation capitaliste des régions
méridionales, au mépris des populations autochtones. La réflexion
des intellectuels occitans sur Decazeville contribue grandement, en
1962, à la fondation du Comité occitan d’études et d’action.
L’orientation politique du courant dominant dans le mouvement
occitan est dorénavant claire : il s’agit de relier la lutte pour la
culture occitane et les luttes sociales, alors que celles-ci enflent
dans les années 1960.
La dimension de crise de l’espace occitan trouve particulièrement
son illustration en Rouergue et le géographe Roger Béteille (1965,
57) craint alors de « voir l’Aveyron se transformer en une curiosité
sociologique, en une “réserve” que les “Parisiens” viendraient
contempler aux vacances... ».
De la protestation paysanne à la
création d’un mouvement : une
implication immédiate des militants
occitans
7
8
3 sur 20
Cette crise se ressent particulièrement à Millau, où l’industrie du
gant, dont la peau provient des Grands Causses, subit de plein fouet
la concurrence étrangère. Dans ce contexte, l’idée du ministre de la
Défense nationale Michel Debré en novembre 1971 d’étendre le
camp militaire du Larzac peut sembler opportune. Le député
gaulliste de la circonscription, Louis-Alexis Delmas, est l’un des plus
fervents partisans de ce projet dont il escompte d’importantes
retombées. La réalisation de cette extension du camp militaire
existant depuis 1902, de 3 000 à 17 000 hectares, doit être une
formalité dans ce Sud-Aveyron, en proie à l’exode rural et aux
difficultés économiques, même si elle condamnerait une centaine
d’agriculteurs et leurs familles. Face à la brutalité d’une annonce
sans concertation, les éleveurs, dont les brebis fournissent le lait du
fromage de Roquefort, organisent, d’abord timidement et à l’échelle
locale, leur protestation.
C’est tout naturellement que les militants occitans se sentent
concernés par l’affaire du Larzac, ce qu’ils affirment, presque avant
même les paysans. L’extension du camp du Larzac n’est encore
qu’officieuse quand, le 12 octobre 1970, André Fanton, secrétaire
d’État à la Défense nationale, annonce lors d’un congrès UDR
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
9
10
11
12
4 sur 20
https://lengas.revues.org/383
(Union des Démocrates pour la République) à La Cavalerie que le
camp du Larzac sera agrandi. Mais déjà, les groupuscules d’extrême
gauche s’agitent. Une poignée de militants millavois membres du
M.D.P.L. (Mouvement pour le désarmement, la paix et la liberté)
organise une marche pour le Larzac. Cette première manifestation
d’ampleur n’est pas une initiative paysanne. Le 9 mai 1971,
plusieurs centaines de militants du Comité occitan d’études et
d’action et d’extrême gauche venus de Montpellier et Toulouse
répondent à l’appel.
Les chefs de file occitans que sont le professeur Robert Lafont et
l’écrivain Yves Rouquette, fondateurs de la revue Viure, sont du
défilé. Dans le cortège, l’Internationale se mêle aux « Volèm viure al
país » ou encore « Debré salaud, le peuple aura ta peau ». Les
membres de la communauté non-violente de l’Arche, qui clôturent la
marche, replantent les panneaux arrachés sur le parcours par les
jeunes qui les précèdent. Parmi les manifestants, des Occitans,
puisque c’est l’époque de la création de Lutte Occitane,
prolongement du Comité Occitan d’Étude et d’Action, qui allie
occitanisme et « gauchisme », groupes d’extrême gauche de l’après
68, partis et syndicats de gauche, non-violents. Tous sont
rassemblés malgré leurs divergences. Toutes les composantes qui
feront le Larzac sont déjà là.
Ne manquent que les agriculteurs. Seul Guy Tarlier, installé sur le
plateau en 1965 après avoir été militaire puis planteur de café en
Centrafrique, est présent de manière discrète, lui qui deviendra le
chef de file des paysans du Larzac. Les autres n’ayant pas souhaité
se mêler à ces militants. De nombreux marcheurs s’offusquent de
cette absence. Les agriculteurs les plus puissants qui participent à
des réseaux de notabilité ont créé l’Association de sauvegarde du
Larzac et de son environnement. Cette association, qui vise à
recueillir le soutien des élus, a tenu à prendre ses distances avec
cette initiative, cette mobilisation des « gauchistes » étant pour elle
et les politiques qui soutiennent les paysans, difficile à accepter.
Lorsqu’en novembre 1971 le ministre d’État à la Défense
nationale, Michel Debré, annonce officiellement à la télévision sa
décision d’étendre le camp militaire de La Cavalerie pour répondre
à l’intérêt supérieur de la Nation, le Larzac est projeté vers une
notoriété inattendue. Face à cette menace d’expropriation sans
concertation, la protestation s’organise localement jusqu’à se muer
en levée de boucliers de ceux qui se regroupent bientôt sous la
dénomination collective de « paysans du Larzac ». La décision du
pouvoir est intervenue « dix ans trop tard » selon Guy Tarlier, l’un
des hommes venus de l’extérieur pour reprendre des fermes en
perdition et impulser un renouveau agricole. En effet, depuis le
début des années 1960 où plusieurs propriétaires d’exploitations
jouxtant les installations militaires avaient prié l’armée de racheter
leurs terres, des bouleversements majeurs se sont produits, autant
localement qu’à l’échelle du pays. Un front départemental de
soutien se dessine, avec notamment le soutien de l’évêque de Rodez.
Mais le soutien dépasse très vite les limites du seul Rouergue et le
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
13
14
15
5 sur 20
https://lengas.revues.org/383
plateau aveyronnais devient un haut lieu de la France militante. La
jeunesse d’extrême gauche, en particulier maoïste, qui vient
manifester dans la région du Larzac, est canalisée par le choix d’une
stratégie non-violente faisant suite au jeûne du patriarche Lanza del
Vasto, à Pâques 1972. La communauté des paysans du Larzac est
portée sur les fonts baptismaux quand, au nombre de 103, ils font le
serment de refuser de céder leurs terres. Ceux-ci ont vite compris
que « ce n’était pas une petite poignée de paysans qui aurait pu
effrayer le gouvernement4 », comme le reconnaissait Jeanne
Jonquet, modeste exploitante du hameau de La Blaquière. Le groupe
restreint doit s’ouvrir à un indispensable soutien extérieur qu’il
s’emploiera à contrôler.
Les occitanistes prennent place dans les comités créés en France
dès le début de l’année 1972. À Toulouse, deux cents militants
d’extrême gauche et de Lutte Occitane manifestent au mois d’avril
contre le ministre Debré, scandant des slogans comme : « L’armée
hors du Larzac », « La terre aux paysans » et dressent des
barricades de pneus enflammés.
Les actions menées gagnent en audace et suscitent une
médiatisation plus large de l’affaire. La renommée commence à
dépasser les frontières, comme en témoigne l’article qu’y consacre
le New York Times, le 30 avril 1972 (Kamms 1972). Le réel signe
d’un changement d’échelle se produit le 14 juillet 1972. Une longue
colonne de tracteurs se dirige depuis le plateau vers Rodez. Vingt
mille personnes ont également convergé vers les rues de la
préfecture, parfois venues d’autres régions de France. Cette
manifestation d’ampleur est ponctuée sur la place du Foirail par des
prises de parole, dont celle de Raymond Lacombe, président de la
F.D.S.E.A. Une phrase de Robert Gastal, agriculteur de La Cavalerie,
fait tressaillir l’assistance (Gabey, Hardy, 1974, 158) : « S’il le faut,
si la décision n’est pas rapportée, nous monterons jusqu’à Paris le
11 novembre avec nos tracteurs. » Les hommes d’Église proches des
103 ont aidé à l’écriture de ce discours5 qui est le signe d’un groupe
paysan décomplexé prêt à élargir le mouvement à l’échelon national.
L’idée lui en aurait été soufflée par Guy Tarlier, charismatique
fermier du Devez-Nouvel, au nord du plateau, qui s’impose
insensiblement comme une personnalité incontournable souvent à
l’origine des actions les plus ambitieuses, mais que son accent du
Nord prive de tribune au profit d’hommes répondant au prototype
du paysan rouergat, car les Larzaciens soignent leur image
publique.
Cette manifestation régionale marque les esprits. Alain Alcouffe
en témoignait en 1999 (Brugarolas 1999) : « La manif de Rodez en
1972 pour défendre le Larzac a été une des apogées du mouvement
occitan, incontestablement. Lutte Occitane avait des contacts assez
étroits avec les paysans du Larzac. » Il ajoutait : « Le projet
d’extension du camp du Larzac a fait prendre conscience du rapport
au territoire à la fois pour les Occitans et pour la population en
général. Cela a été quelque chose d’important. » C’est à cette
époque que naît le slogan, « Gardarem lo Larzac », dont on prête la
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
16
17
18
19
6 sur 20
https://lengas.revues.org/383
paternité au militant occitaniste Roland Pécout, qui est le premier à
faire retentir en langue d’oc le cri du cœur « nous garderons le
Larzac ». Ce slogan va se diffuser comme une trainée de poudre, au
gré des pérégrinations des paysans et de leurs alliés.
En effet, les 103 savent dorénavant que, les décisions se prenant à
Paris, c’est au niveau national qu’il leur faut porter leurs actions de
mécontentement. Afin de montrer leur détermination et de
populariser leur mouvement, le 25 octobre, ils lâchent sous la tour
Eiffel soixante brebis du causse peinturlurées du slogan « Nous
sauverons le Larzac ».
Le 7 janvier 1973, vingt-cinq tracteurs du Larzac, parés de croix
occitanes, s’élancent pour « monter » en six étapes vers la capitale,
qu’il est prévu d’atteindre le 13 pour une grande manifestation. Les
villes se succèdent : Rodez, Saint-Flour, Clermont-Ferrand, Nevers
et Orléans. Le slogan « Gardarem lo Larzac » connaît une diffusion
nationale. Il n’est pourtant pas aisé à saisir au nord de la Loire,
même s’il est très mal orthographié au départ : Politique Hebdo du
11 janvier 1973 mentionne « Gardarel lou Larzac » tandis que Le
Figaro (Miard 1973) relève « Garderem lo Larzac ». De même à
Paris, les banderoles en occitan sont accompagnées de traductions à
l’attention des Parisiens.
Interdite après Orléans par arrêté préfectoral, la marche continue
illégalement vers Paris, malgré le désaccord avec la F.N.S.E.A. de
Raymond Lacombe et de Michel Debatisse, présents sur place. Les
Larzaciens peuvent poursuivre leur route grâce au soutien du
courant Paysans-Travailleurs6 de Bernard Lambert, auteur de
l’ouvrage Les paysans dans la lutte des classes, paru en 1970,
préfacé par Michel Rocard, son ami du P.S.U. Le bouillonnant tribun
paysan vient sur le plateau, à Pâques 1973, proposer l’idée d’une
« marche sur le Larzac » et va prendre en charge son organisation,
avec dans ses bagages, des militants de la GOP, tendance devenue
autonome du P.S.U.7. Lutte Occitane s’investit dans les réunions
préparatoires au rassemblement à Montpellier dans les réunions de
préparation avec la G.O.P. et les Paysans-Travailleurs qui ont besoin
d’appui sur place. En Occitanie, les P.T. sont surtout présents dans la
Drôme et le Lot-et-Garonne. Alain Lipietz (1973), rédacteur en chef
du bulletin L’outil des travailleurs, de la « gauche ouvrière et
paysanne », titre ainsi en Occitan sur la longue marche du Larzac en
février 1973.
La jonction du Larzac et des courants issus de 68 apparaît au
grand jour dans ce rassemblement que Michel Castaing dans
l’édition du 28 août 1973 du Monde qualifie de « vitrine de la
contestation », qu’elle soit régionaliste, antimilitariste ou
anticapitaliste. Si le Larzac est exemplaire, il l’est en particulier
pour la mouvance occitane, comme on peut le lire dans ce même
article, où l’on relève la présence du « barde occitan Claude Marti »,
il est question également de Lutte Occitane « qui dénonce le
“génocide culturel” de l’Occitanie par le colonialisme intérieur ».
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Une cause exemplaire : le Larzac
symbole « du colonialisme
intérieur »
20
21
22
7 sur 20
L’élan de sympathie qui se manifeste à l’égard du Larzac est
vraisemblablement lié à la catégorie professionnelle concernée,
celle des agriculteurs. La population urbaine, souvent elle-même
d’origine rurale, est sensible au maintien des paysans dans les
campagnes. L’attrait des citadins pour la campagne est fort, celle-ci
commençant à être chargée de valeurs positives, face à des villes de
plus en plus congestionnées. Quel meilleur exemple de la volonté de
« vivre et travailler au pays » que celui du Larzac Cette mobilisation
devient le symbole de la lutte contre une décision autoritaire venue
d’en haut.
La presse relève cette éclosion de « nouveaux Larzac » partout où
un projet d’aménagement étatique est contesté. Dès 1972-1973, le
Larzac est connu dans toute la France et son nom est utilisé comme
référence de résistance locale. L’affaire est suffisamment évocatrice
pour que l’expression « nouveau Larzac » permette aux journaux de
caractériser des oppositions entre populations locales et décideurs
de l’aménagement du territoire. « Un nouveau Larzac », titre ainsi
La Dépêche du Midi en juin 1972 ou encore en mars 1973,
concernant l’opposition à un barrage dans le Nord-Aveyron. La
renommée du mouvement de protestation a franchi les limites du
seul Sud-Ouest : « Non au Larzac lorrain » (Beau 1974, 143) alors
que l’armée projette de s’installer près de Nancy.
Le Larzac fédère un mouvement de soutien large et hétéroclite,
ayant acquis une dimension particulière. « Deux ans et demi de
résistance font du Larzac un symbole8 », un « centre de ralliement »
selon Libération en 1973. « Le peuple occitan entend vivre et
construire, avec tous ses alliés, et ils seront nombreux sur le Larzac,
l’avenir auquel il a droit, libéré de l’exploitation de l’homme par
l’homme » peut-on lire dans le numéro de Lutte Occitane9 consacré
au rassemblement paysan. Par sa localisation même, les
mouvements occitans en ont fait un emblème de soumission par le
pouvoir parisien. Alors que peu de bannières sont admises, celle de
l’Occitanie flotte à l’air du causse. D’autres mouvements
régionalistes (les militants préfèrent parler de « lutte des
nationalités ») se reconnaissent dans le combat du Larzac tels les
Corses, Bretons, habitants des départements et territoires
d’outre-mer, comme ces militants anticolonialistes Réunionnais
présents en 1973, et ces étudiants Kanaks de métropole en 1977.
Les minorités profitent de l’espace d’expression que constituent les
rassemblements du plateau, comme ces Indiens d’Amérique qui
prennent le chemin du causse, emmenés par l’actrice d’origine
apache « Petite plume10 » : « Nous voulons faire connaissance avec
tous ceux qui, dans un monde nouveau, veulent faire exister leur
culture. Nous livrons le même combat » déclare-t-elle, le
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
23
https://lengas.revues.org/383
15 mai 1973 (Launet 2003). La dimension mythique du peuple
Indien opprimé et son rapport sacralisé à la terre rejaillissent alors
sur le Larzac et ajoutent au légendaire de cette lutte.
Certains vont au-delà et font de l’Occitanie et particulièrement du
Larzac un foyer insurrectionnel. C’est le cas de Michel Le Bris 11,
auteur d’Occitanie : Volem Viure ! et Les fous du Larzac. Citons un
extrait du premier, fortement teinté de maoïsme, écrit en 1974 (Le
Bris 1974, 291) :
Ce qui se joue là-haut sur le Larzac, tout le monde sent bien
que c’est décisif, pour l’Occitanie entière [...] Une étincelle
peut mettre le feu à toute la plaine, écrivait un jour un grand
dirigeant révolutionnaire. L’étincelle, pour l’Occitanie, ce
pourrait bien être cette « affaire Larzac ».
24
25
26
Fortement marqué par ces idées maoïstes, Libération estime que
« les paysans ont su populariser leur lutte jusqu’à ce qu’elle
devienne celle de toutes les forces progressistes de l’hexagone et le
fer de lance des partisans de l’Occitanie libre12 ». Assurément,
Larzac et Occitanie sont associés par la presse nationale. Le Monde
(Viansson-Ponté 1973) dépeint ces « éléments de la nouvelle gauche
extrême qui, de Fos au Larzac, chantent la patrie perdue,
promettent que l’Occitanie sera non seulement “liura”, mais aussi
“roja” ». Ce rapprochement entre Occitanie et Larzac est parfois
ressenti comme trop exclusif, même dans les rangs militants. Ainsi
de Cavanna (2005, 205) qui appelle à « refuser l’amalgame : contre
l’armée au Larzac, donc pour l’Occitan. Contre la stagnation
économique de la Bretagne, donc pour le Breton obligatoire à
l’école ».
Le grand rassemblement dans le chaos du Rajal del Gorp (la
source du corbeau), en 1973, attirant plus de 60 000 personnes, a
une forte coloration occitane, marqué par la présence des chanteurs
occitans, cette présence étant plus diluée lors de l’édition suivante.
Le rassemblement de 1974 est centré autour de la moisson pour le
Tiers Monde, signe d’une orientation vers l’internationalisme. C’est
au-delà de l’Occitanie que les Larzaciens vont trouver d’autres
alliances comme à Besançon avec les Lip, dès 1973, et quelques
années plus tard, à Plogoff, dans le Finistère, où l’on proteste contre
la construction d’une centrale nucléaire à la pointe du Raz avec
pour slogan Gardarem Plogoff.
Il faut mentionner la présence du groupe nationaliste Poble d’Oc,
créé en 1972, que l’on accuse d’être des « fascistes camouflés ». Le
groupuscule connaît une évolution révolutionnaire, mais reste
difficile à situer politiquement à ce moment-là, accusé d’avoir
participé avec des militants libertaires à l’agression de François
Mitterrand en 1974. Yves Rouquette présent sur les lieux le
confirme :
Poble d’oc, c’étaient des drôles de mecs se réclamant de la
pensée libertaire. J’ai un peu renoncé à comprendre parce que
c’est très incompréhensible. Ça me paraissait ressembler à un
truc anarchiste, qu’il soit de droite ou de gauche. J’en
connaissais un, il me paraissait très extrême droite, après il a
8 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
fait de la taule, mais c’est eux qui ont caillassé Mitterrand, ça
c’est sûr. Je n’étais pas loin, je l’ai vu13.
27
28
29
9 sur 20
Le candidat socialiste a porté les espoirs des paysans lors des
élections présidentielles du printemps 1974, alors que l’écologiste
René Dumont, venu lui aussi sur le plateau, n’a recueilli que très
peu de suffrages. Le Larzac ne s’était pas plus engagé dans un
soutien de la candidature, finalement avortée, de Robert Lafont.
Quant à Guy Héraud, du parti nationaliste occitan, qui réunit les
signatures nécessaires, sa candidature n’a pas d’écho particulier
auprès des caussenards. 1974 constitue un tournant symbolique. Le
mouvement occitan est divisé. Lutte Occitane se réoriente avec les
comités « volèm viure al país ». Sur le Larzac, la dimension occitane
de la protestation, très importante au début, se dilue peu à peu avec
le développement du mouvement à un niveau national et les
nouvelles solidarités qu’il contracte. C’est l’avis de Jean Huillet,
fondateur du Mivoc (Mouvement d’intervention des viticulteurs
occitans), qui contribue aux rassemblements Larzac : « Le slogan
“Gardarem lo Larzac” a été seulement le label de la lutte car
curieusement le Larzac n’a jamais été un haut lieu de l’Occitanisme.
Si la présence de nombreux mouvements occitans a pu donner cette
impression, la particularité néorurale des paysans du Larzac et la
rapide internationalisation du mouvement ont confisqué l’événement
à la territorialité occitane14 ».
Il n’y a de réelle solidarité que ponctuelle avec les viticulteurs,
quelques agriculteurs participant à des manifestations viticoles. Le
4 mars 1976, à Montredon-des-Corbières, les affrontements entre
viticulteurs et gendarmes ont viré au drame, avec la mort du
vigneron Émile Pouytès, mais aussi du commandant de C.R.S. Joël
Le Goff. Sur le plateau, où il y a aussi un Montredon, un scénario de
guérilla n’est pas envisageable, par réalisme mais aussi et peut-être
surtout par souci de l’image. La non-violence doit être plus que
jamais à l’ordre du jour. Mot d’ordre qu’ils vont conserver jusqu’en
1981, tant bien que mal. Le combat peut sembler s’enliser, en tout
cas un recul du mouvement de soutien est à noter. La résignation à
cohabiter sur les terres avec l’armée grandit et, le 27 mars 1976, la
majorité des agriculteurs accepte le principe d’une solution de
raison. L’hypothèse d’une extension limitée du camp se renforce.
Les Larzaciens continuent la lutte, même si des lignes de fracture
se dessinent entre paysans quant à un projet de mini-extension et
avec le mouvement de soutien extérieur. Cette résistance permet
l’interruption de l’enquête parcellaire d’octobre 1975 à août 1978.
L’occupation du terrain recourt à des moyens légaux (Groupement
fonciers agricoles pour contrer les achats par l’armée ou le
développement des fermes menacées par l’extension du périmètre
militaire où les services publics sont interrompus), mais cette
autogestion du territoire emprunte aussi les chemins de l’illégalité
lorsqu’il s’agit d’installer le téléphone ou de réaliser l’adduction
d’eau refusée par l’État. La popularisation du mouvement fait
également appel à des actions de désobéissance civile (renvois de
livrets militaire, appel au refus de 3 % de l’impôt, blocage de
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
30
31
https://lengas.revues.org/383
manœuvres militaires, occupations de fermes acquises par l’armée).
En juin 1976, vingt-deux Larzaciens pénètrent dans des locaux du
camp militaire pour s’informer sur les acquisitions de terre par
l’armée, ce qui se solde par des condamnations à la prison.
Alors que l’expropriation menace, les actions spectaculaires
continuent avec l’entrée en procession en août 1977 de 60 000
personnes jusque dans le camp militaire. En octobre 1979, trente
brebis investissent le tribunal de Millau à l’occasion d’un procès
pour renvoi de livrets militaires. En novembre 1980, des familles du
Larzac et leurs enfants campent durant quatre jours sur le Champ
de Mars avant d’être évacués par la police. Rappelons pour
l’anecdote qu’un journaliste de télévision de premier plan vient à
leur rencontre et les fait parler en Occitan pour vérifier qu’il s’agit
bien de paysans.
C’est que la procédure d’expropriation a repris sur le terrain en
septembre 1978. Si en 1977, la gauche avait remporté les
municipales dans de nombreuses villes, en 1978 la droite conserve
la majorité à l’Assemblée nationale ce qui lui permet de repasser à
l’offensive. Cette phase, qui signifie l’arrêt de mort pour les paysans,
provoque un sursaut du mouvement qui va faire obstruction aux
visites du juge des expropriations en 1979. En 1981, la décision du
président François Mitterrand met un terme au projet d’extension,
au terme de dix ans d’un mouvement, très marqué par sa dimension
occitane.
De la création d’une identité à la
coloration occitane du souvenir du
Larzac
La langue d’Oc et la création d’une identité
32
10 sur 20
De l’extérieur, le Larzac est observé comme ayant cette coloration
régionaliste. Plus que politique, la victoire de la mouvance occitane
avec le Larzac est avant tout culturelle, même si les grands médias
parisiens s’intéressent davantage à une dimension « folklorique ».
Dans cette époque d’expression culturelle occitane forte, le théâtre
est, avec la chanson, le vecteur du renouveau. Le théâtre de la
Carriera, créé en juillet 1968 à Avignon, joue en occitan des pièces
engagées
sur
l’Occitanie
et
les
luttes
viticoles.
C’est
particulièrement le cas de Mort et résurrection de Monsieur
Occitania où, à la fin de la pièce, Monsieur Occitania prend le fusil
et affirme qu’il saura se défendre, ce qui n’est pas sans rappeler les
premiers sentiments des paysans du Larzac. De culture il est
également question avec la Mostra del Larzac, lieu d’art
contemporain créé par Félix-Marcel Castan, le théoricien de la
décentralisation culturelle, à la fin des années 1960, c’est-à-dire
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
33
34
https://lengas.revues.org/383
avant la protestation paysanne avec laquelle les liens ont été très
ténus.
Dans le domaine du cinéma, le film Lo païs de Gérard Guérin
(1973), directement inspiré des événements, met en scène le
personnage de Gaston, jeune homme venu du Larzac vivant
difficilement son arrivée à Paris. L’œuvre figure dans la sélection du
festival de Cannes 1973, signe de l’intérêt accru pour le causse.
Deux ans plus tard, le film militant, Lo Larzac, un païs que vol viure
est réalisé par des membres du comité Larzac de Millau (Michel
Cabirou, Didier Durand, 1975). Il y est question bien sûr
d’Occitanie, mais surtout des liens ouvriers-paysans. Le titre est
inspiré de celui de la chanson de Claude Marti.
La rencontre avec le mouvement culturel occitan s’opère avant
tout avec la chanson dont les têtes d’affiche font le déplacement dès
le début du combat. Parmi les artistes prenant fait et cause pour le
Larzac, on retrouve évidemment Claude Marti. La figure de proue
de la nouvelle chanson occitane vient donner un tour de chant en
faveur des paysans dès le 18 décembre 1971, soit moins de deux
mois après l’annonce officielle de l’extension. Il est déjà de retour
les 2 et 3 avril 1972 durant des journées « fermes ouvertes », au
cours desquelles 3 000 personnes sont reçues par les agriculteurs
pour réagir contre l’image donnée dans les médias d’un Larzac
désert, à la population vieillissante. Marti ne manque pas de
transposer ce soutien dans ses créations, comme Animals a banas
sul Larzac ou dans le morceau « Avançam sul bon camin » (Marti
1974) : « E tu, vinhairon de l’Aude, Tu, minaire de Caramauç, Lip e
Larzac, vosaus mos faires, Inventats l’òme de deman. » Au-delà de
ses créations, l’artiste des Corbières contribue au combat paysan en
le relayant : « Mon rôle était de venir apporter ma solidarité, quand
on me le demandait, et essayer de comprendre ce qui se passait
là-haut pour le répercuter, parce qu’ailleurs, on me demandait « tu
es monté sur le Larzac, qu’est-ce qui se passe ». J’étais devenu une
sorte d’ambassadeur non officiel du mouvement du Larzac15. »
Claude Marti s’acquitte de ce rôle de haut-parleur au gré de ses
concerts qui s’accompagnent d’une réflexion sur la situation de
l’Occitanie et notamment du Larzac, qu’il s’agisse d’un concert
toulousain où intervient le comité Larzac ou d’un récital dans la
Montagne Noire audoise où les paysans lui posent des questions sur
le Larzac. Cette affaire les a frappés, ils lui demandent : « Est-ce
que tu crois qu’ils tiendront ? Comment on peut faire pour les aider,
pour qu’ils sachent qu’on est d’accord avec eux ? » (Marti, Le Bris,
1975, 159). Cette action de sensibilisation s’étend également
au-delà des frontières :
Quand je montais chanter en Allemagne, avec les Comités
d’action viticole, tout le monde demandait « Qu’est-ce qui se
passe là-bas au Larzac ? ». Ils étaient extrêmement curieux. À
Gorleben aussi, on nous a demandé, « Qu’est-ce qui se passe
au Larzac ? Par où on passe pour y aller16 ? »
35
11 sur 20
Les autres figures du renouveau de la chanson occitane sont
présentes, à l’image de Marie Rouanet, de Patric (La canson del
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Larzac) et de Mans de Breish qui sont sur les scènes des grands
rassemblements paysans. Yves Rouquette se souvient de cette
présence occitane :
Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu à intervenir car les paysans
ne laissaient intervenir personne. Lors des grandes
manifestations, les paysans parlent et personne d’autre. Les
politiques n’ont pas eu droit à la parole. On ne s’est pas
imposés, pour qu’il n’y ait pas récupération, et nous on ne
récupère pas totalement, on colore pour faire connaître
l’Occitanie, l’Occitan. La coloration vient que, dans ces soirées,
il y a une grosse présence occitane. Je me rappelle, la nuit
commence à arriver, Marie commence à chanter a cappella et
les gens s’arrêtent, c’était très impressionnant17.
36
La présence de militants occitans contribue à conférer des airs de
résistance identitaire à un mouvement armé de symboles comme le
slogan Gardarem lo Larzac, la langue d’Oc qui s’oppose à la langue
française, le drapeau rouge avec la croix du Languedoc s’opposant
au drapeau tricolore. La plupart des agriculteurs parlent « patois »,
contrairement aux néo-ruraux comme José Bové, installé en 1976 :
On a été beaucoup au contact avec les militants occitans dans
les années 70. Au tout début quand on avait créé l’école du
Larzac en 73, il y avait un instituteur d’occitan qui venait à
l’école mais après l’Éducation nationale n’a pas voulu18.
37
Si rien n’indique que les agriculteurs aient une conscience
occitane, la langue d’oc est le révélateur privilégié de cette
appartenance paysanne mais aussi une langue à usage interne
permettant de communiquer sans être compris par d’autres. Elle est
également destinée à l’extérieur, où l’accent et le dialecte sont
gages d’authenticité. La langue d’oc donne au mouvement son plus
fameux slogan, que clameront à l’unisson Parisiens et provinciaux :
« Gardarem lo Larzac ». Symbole d’authenticité et de terroir, la
revendication défensive connaît un profond écho, au moyen
notamment de graffiti qui se diffusent sur les murs de France et
parfois au-delà. Claude Marti se réjouissait de découvrir ces
inscriptions, au gré de ses déplacements, que ce soit en Italie ou au
Luxembourg19. Un autre témoin, l’homme d’affaires Manuel Diaz,
maire de Millau de 1977 à 1983, bien moins favorable aux paysans,
atteste de la propagation de la formule au-delà des frontières :
En 78-79, le congrès de l’Internationale Libérale, dont j’étais
vice-président, avait lieu à Berlin. En arrivant, l’aéroport était
en pleine ville, l’avion passe sur un pont, il était barré d’une
grande pancarte « Gardarem lo Larzac ». C’était
extraordinaire20 !
38
12 sur 20
Sur le plateau, se dessinent les contours d’une « culture Larzac »,
authentique ou partiellement recréée. Ces valeurs communes
permettent de passer outre les divergences sociales et politiques et
de susciter l’adhésion d’urbains en quête de racines, qu’ils plantent
dans la terre du Larzac par l’achat de mètres carrés par le biais des
G.F.A. qui les lie symboliquement au sort des agriculteurs menacés
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
39
40
https://lengas.revues.org/383
d’expropriation. Certains font du plateau leur région d’adoption,
comme l’historien Jean Chesneaux, qui s’y installe en 1979 et
contribue, avec le géographe Raymond Guglielmo, à la redécouverte
du passé et du patrimoine local, en créant Larzac-Université, qui
cherche à rapprocher paysans et intellectuels. Selon José Bové, qui
découvre alors la région, « pour mener la lutte, il faut des racines et
une histoire. Le Larzac, même pour des gens de l’extérieur, est
devenu une culture et une histoire » (Ariès, Terras 2000, 27).
La lutte s’enracine dans un terroir, ce particularisme s’inscrivant à
l’envers de l’évolution conduisant inéluctablement de la tradition à
la modernité. Le rassemblement de 1974 est organisé autour de la
coutume paysanne de la fête des moissons. Si la bergerie illégale de
La Blaquière est novatrice par son financement recourant à la
désobéissance civile, elle est volontairement construite sur le
modèle traditionnel. Le mode de vie et singulièrement les activités
artisanales exercées par les nouveaux venus (tissage, vannerie,
poterie...) contribuent à la redécouverte de la tradition rurale. Ces
exemples peuvent illustrer la notion de « tradition réinventée » mise
en évidence par l’ethnologue américain Alexander Alland (1995),
auteur de l’ouvrage, Le Larzac et après ; L’étude d’un mouvement
social novateur.
Les acteurs se voient conférer une dimension mythique à laquelle
contribue la dénomination collective de « paysans du Larzac » et de
« 103 ». Une véritable mythologie se développe autour des
agriculteurs que le jeûne suivi du serment a mués en communauté
paysanne. Cette dimension légendaire est renforcée par les
symboles manichéens qu’ils manient alors que l’image offerte à
l’extérieur gomme les aspérités et la complexité des rapports
internes du plateau. « On a rendu mythiques les paysans, pour des
raisons politiques » consent aujourd’hui un militant des comités.
Des représentations historiques et littéraires
occitanes idéalisées
41
Dès 1971, le passé est mobilisé dans un souci de renforcement de
la crédibilité du mouvement. Le plateau est érigé en haut lieu de
l’Occitanie rebelle, sa lutte étant inscrite dans une continuité
mythifiée de révoltes méridionales contre le pouvoir central. Par
analogie historique, les moines soldats Templiers seraient aux
origines de l’oppression et du colonialisme intérieur, comme dans
l’analyse maoïste de Michel Le Bris (1975, 28) :
Il n’y a pas de peuple « naturellement » soumis : il a bien fallu
un jour, le mettre à genoux. Pour le Sud-Aveyron, cela
commence très tôt, au XIIe siècle, quand l’ordre des Templiers
élit domicile sur le Larzac et commence à coloniser
militairement, économiquement et spirituellement toute la
région.
Le Canard enchaîné, défend dès 1971 cette vision de l’histoire
lorsqu’il évoque la cause du causse (Terrace 1971, 5) :
13 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Pour cette vieille civilisation rurale, une armée est toujours
occupante. Jacquou, où sont les fourches ? [...] L’Occitanie a
l’habitude des occupations étrangères, depuis la Croisade des
Albigeois.
42
43
14 sur 20
Remonter chronologiquement cette reconstruction mythique d’un
passé de révoltes mène forcément à la période du catharisme,
instrumentalisée par la revendication régionaliste révolutionnaire.
Le combat des Albigeois, menacés par la croisade, est alors analysé
comme emblématique d’une résistance régionale au pouvoir central,
préfigurant d’autres mobilisations. Lutte Occitane choisit, entre
1973 et 1975, le site symbolique de Montségur pour y organiser des
rassemblements politiques où est notamment dénoncée la situation
du Larzac (Soula 2005). L’assimilation se fait moins pendant le
mouvement paysan qu’a posteriori, après le retour en grâce des
cathares et l’essor de leur usage touristique. Ainsi peut-on relever
l’exemple en 1998, de la revue Pays Cathare Magazine qui dresse
des parallèles dans un dossier intitulé « Le Larzac en lutte, symbole
de l’Occitanie insoumise » (Constans 1998, 42).
Les rébellions paysannes sont un autre point de repère, et plus
particulièrement celles des Croquants. Ce sobriquet est resté
particulièrement attaché aux soulèvements que connaît le
Bas-Rouergue en 1643 et par extension, désignera commodément
ceux des campagnes. Le roman de Le Roy, Jacquou le Croquant,
paru en 1899, achève de rendre emblématique cette figure d’homme
de la terre insurgé. Cette référence est très utilisée dès les débuts
de l’affaire du Larzac par des journalistes ou intellectuels favorables
à ce mouvement : « Si les Croquants du causse, allumaient une
jacquerie pour défendre leurs maisons, les régiments du Régent
dragonneraient contre eux » peut-on lire en 1972 dans Le Canard
enchaîné (« Causse, causse, causse toujours »). Dès les premiers
remous de ce que l’on perçoit comme une levée de fourches,
allusion est faite indifféremment à la jacquerie (Holohan 1975),
jusqu’à se généraliser à de grands quotidiens : « jacquerie des
temps modernes » et « jacquerie religieuse » titreront ainsi Le
Monde (Le Monde, 8 novembre 1978) et Le Figaro (Durante 1978,
70). Ce parallèle continuera à être dressé après la lutte, notamment
autour du personnage de José Bové (Laval 1999). Le Larzac
plongerait également ses racines dans la résistance des Camisards.
Il faut rappeler que les États généraux du protestantisme s’étaient
tenus à Millau en 1573. La tentation a en effet existé durant la lutte
des paysans d’établir une analogie avec les Camisards en la
justifiant par l’appartenance paysanne et l’opposition à l’arbitraire
étatique. Dans la La Dépêche du Midi (« Cent ans de lutte
paysanne ») du 27 décembre 2000, un rapprochement sera
également établi avec la révolte des vignerons de 1907 : « Ferroul
n’aurait sans doute pas renié le « gardarem lou Larzac » des années
1971-1981 ». Mais si le cri Gardarem lo Larzac peut faire écho aux
slogans en langue d’oc, c’est en réalité une longue histoire de
méfiances et de jalousies qui a séparé les conservateurs paysans du
Larzac et leurs voisins vignerons du Midi, décrits comme plus aisés.
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
44
https://lengas.revues.org/383
Ces descriptions à la tonalité mythologique sont à rapprocher des
représentations littéraires, en particulier d’auteurs occitans, ayant
embelli le mouvement et la terre du Larzac. Tout comme la mémoire
orale ressassant les glorieux faits d’armes, les belles-lettres
participent à sacraliser la terre du Larzac et à narrer son histoire à
la façon d’une épopée. Objet d’inspiration, le mouvement du Larzac
l’était pour Robert Lafont (1923-2009). Son beau roman, La Festa,
tire son titre du rassemblement d’août 1973 au Rajal del Gorp. C’est
vers cette fête, dépeinte comme une célébration occitane, que
chemine son héros (Lafont 1984) :
Il voit flotter une mer de drapeaux et de là, on ne distingue pas
lesquels sont rouges, lesquels portent marteau et faucille ou
étoile d’Orient, et lesquels, les plus grands, se croisent pour
Toulouse. [...] En accordant le magnifique qu’était ce ciel
vespéral sur un terrain creux et ombragé, le mystérieux qui
réside dans la symbolique des douze boules (on en avait
beaucoup parlé dans la journée du sens mystique de cet
emblème étonnant pour tant de pèlerins de la paix) et
l’inévitablement subversif, pour la tradition, d’une toile
totalement rouge, le rassemblement, la fête (personne ne
pouvait plus dire le meeting) salua l’avènement de l’Occitanie.
Max Rouquette a également contribué à cet embellissement avec
ces lignes écrites en Français, dans Larzac (Rouquette, Souche
1999, 62) :
C’est au libre vent du Causse que s’est nourri leur farouche
attachement à la liberté. Ils l’ont prouvé quand le Pouvoir de
Paris a fait planer de larges ombres sur les espaces de leur vie.
Et le Pouvoir a reculé. Leur lutte est devenue celle de bien
d’autres.
Rien à voir avec la description de ce plateau, dont il tirait ses
origines, qu’il dressait dans Verd Paradis, en 1961 :
Voici le Larzac, la terre abandonnée. Les aubes y sont espoir, le
crépuscule désespéré. Sur la terre dénudée, plate, qui rejoint
un ciel livide, ce n’est pas, comme ailleurs, le jour seulement
que l’on quitte, mais le ciel tout entier, semble-t-il, pour une
nuit de froidure et de mort. [...] Misérables buis, qui ont vu
mes ancêtres aux yeux clairs, gelés par des années et des
années de neige, de lutte et de vent, de solitude et
d’ignorance. [...] Terre du vent, de la neige et du loup...
Cette évolution des représentations littéraires de ce causse, d’un
Larzac pathétique à un symbole de vie, transparaissait également
sous la plume d’Yves Rouquette (1982) :
Le Larzac, c’était dans mon enfance à Camarès quelque chose
comme le désert de Gobi, en plus froid, avec des congères, des
avens où vont se fracasser les brebis. [...] Et puis un jour, les
paysans nous ont fait signe. Nous ne les avions jamais vus.
Nous n’étions pas loin de penser qu’ils encombraient le
paysage, ils n’avaient pas de place dans nos poèmes et voilà
qu’ils faisaient un bruit à réveiller les morts. [...] Il fallut
l’armée pour que nous découvrions que ce désert était peuplé,
que chaque combe portait son blé.
15 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Un renouveau du plateau qui se poursuit après 1981.
Les descendances : des liens qui
s’effilochent entre Larzac et mouvement
occitan
45
46
47
16 sur 20
La sentence présidentielle marque un coup d’arrêt au projet
militaire sans pour autant briser la dynamique du noyau dur
Larzacien. Celui-ci veille à faire vivre sa singularité en s’engageant
dans un « retour de solidarité » en faveur de mobilisations
internationales. Le Larzac se prend d’amitié pour les Kanaks dont il
essaie de faire évoluer le combat vers la non-violence. Jean-Marie
Tjibaou vient à deux reprises sur le plateau où une « caselle » lui est
dédiée dans la clairière où il avait planté un arbre de la liberté. Des
ouvertures s’effectuent également vers les Sans-Terre du Brésil ou
encore vers la Palestine. Ces liens internationaux ont
progressivement inséré le Larzac dans la mouvance que l’on
nommera altermondialiste.
Les néoruraux s’engagent dans le syndicalisme agricole et
contribuent à la création de la Confédération paysanne. La
mouvance du plateau cultive sa différence en muant son territoire
en laboratoire agricole, perpétuant un esprit d’autogestion. Les
6 300 hectares de terres achetés par l’État pour l’extension sont
confiés, dès 1985, à un office foncier, la Société civile des terres du
Larzac (S.C.T.L.), qui les loue aux agriculteurs, comme le font les
G.F.A. issus de la lutte, offrant ainsi une alternative à la propriété
privée du sol. Pourtant, le Larzac est peu à peu oublié et est souvent
décrit comme endormi. Ce n’est pas la démarche de la revue Amiras
qui y consacre en 1986 un numéro : « Nous sommes un brin
sceptiques, et légèrement réticents devant cet enterrement fleuri de
l’affaire du Larzac » (Boyer, Gardy, Hammel 1986, 3).
Mais pour beaucoup, la surprise est totale lorsqu’un coup d’éclat
fait rejaillir en 1999 ce plateau dans l’actualité, ouvrant ainsi une
troisième période de son histoire militante. Par le démantèlement
d’éléments d’un chantier de l’enseigne américaine Mc Donald’s à
Millau, les syndicalistes agricoles ont voulu protester contre la
validation par l’O.M.C. de la surtaxe douanière qu’appliquent les
États-Unis sur des produits tels que le roquefort, face au refus
européen d’importer du bœuf aux hormones. L’inscription
« gardarem Roquefort Mc Do de fora » peinte sur le toit de
l’établissement fait écho à « armada de fora, gardarem lo Larzac »
des années 1970 et sa traduction en anglais « Mc do go home » est
le signe d’un changement d’échelle de la protestation. Metteur en
scène de l’opposition entre « malbouffe » mondialisée et qualité
terroir, José Bové devient dès lors le porte-voix du groupe militant
par-delà les frontières et incarne ses combats comme celui contre
les organismes génétiquement modifiés. Ce regain militant,
conjugué à une préoccupation grandissante des Français pour
l’environnement, entraine une certaine redécouverte du Larzac.
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
48
https://lengas.revues.org/383
Celui-ci redevient le « causse des causes », se plaçant à la croisée
des contestations avec le rassemblement Larzac 2003 contre l’OMC,
célébrant les trente ans de la première manifestation de ce type sur
le plateau.
Ce point d’orgue de l’altermondialiste hexagonal est rythmé par le
slogan « Gardarem la Tèrra ». Celui-ci provient de la création, le
9 août 2003, d’un mouvement éponyme, sur la base d’un manifeste
ayant reçu le soutien de Robert Lafont. Occitaniste et
altermondialiste, Gardarem la Tèrra est soucieux de défendre la
diversité culturelle et linguistique et s’inscrit dans la continuité de
la lutte paysanne :
Trente ans plus tôt, sur le mot d’ordre de « Gardarem lo
Larzac », les agriculteurs menaient la lutte contre la
dépossession de leurs terres par l’armée et contre la
militarisation de la planète. Cette lutte exemplaire et
finalement victorieuse dans son objectif local préludait au
mouvement actuel passé par Seattle, Davos, Gênes, Porto
Alegre. Les paysans du Larzac ont su garder leur terre. Il
dépend de nous aujourd’hui que nous gardions la Terre21.
49
« Gardarem l’Occitan » titrait La Dépêche du Midi (Delpiroux
2009) suite à la manifestation de défense de la langue occitane
organisée en novembre 2009 à Carcassonne. Au-delà de la présence
de Larzaciens, dont le député européen José Bové dans le défilé,
c’est le signe de la perpétuation d’une association étroite entre la
revendication occitane et la terre qui en a été l’un des écrins.
Aujourd’hui pourtant, sur le plateau où les néoruraux sont
nombreux, le nombre d’agriculteurs pratiquant la langue d’Oc se
réduit irrémédiablement, même si le militant du Larzac Pierre
Marcilhac s’investit dans sa transmission. Certes, l’amitié perdure
avec Yves Rouquette et Marie Rouanet, mais celle-ci se produit
désormais dans la petite église de Saint-Martin du Larzac, bien loin
des foules militantes des gigantesques rassemblements d’été des
années soixante-dix. Une époque que viennent rappeler de fréquents
clins d’œil de l’actualité, tel ce récent slogan des militants
défendant, à Villeneuve-lès-Maguelone, la double signalétique
Français-Occitan : « Gardarem lo panèu » (Nappez 2010).
Bibliographie
ALLAND Jr. Alexander, 1995, Le Larzac et après, L’étude d’un mouvement
social novateur, Paris, L’Harmattan, Collection alternatives rurales, 271 p.
ARIÈS Paul, Terras Christian, 2000, José Bové, la révolte d’un paysan, Paris,
Éditions Golias.
BEAU Georges, 1973, Vie ou mort du Larzac, Paris, Solar.
BÉTEILLE Roger, 1965, Revue du Rouergue, janvier-mars 1965, no 73
BOYER Henry, GARDY Philippe, HAMMEL Étienne, 1986, « Le Larzac revisité »,
Amiras/ Repères occitans, Aix-en-Provence, Édisud, 160 p.
BRUGAROLAS Elie, 1999, « Entretien avec Alain Alcouffe » (réalisé le
5 juillet 1999), Itinéraires militants-Toulouse en 68, disponible sur :
http://itineraires-militants-68.fr.
17 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
BURGUIÈRE Christiane, 1998, « Il y a trente ans mai 68 », Gardarem lo
Larzac, no 221, juillet-août 1998.
CAVANNA François, 2005, Cavanna à Charlie Hebdo, 1969-1981, Paris,
Hoëbeke.
CONSTANS Jean-Marie, 1998, « Le Larzac, terre de paysans. Occitanie la
longue marche », Pays cathare Magazine, no 9, (mai-juin 1998).
DELPIROUX Dominique, 2009, « Gardarem l’occitan », La Dépêche du Midi,
24 octobre 2009.
DURANTE Claude, 1978, « Larzac, le temps des illuminés », Le Figaro,
28 octobre 1978.
HARDY Yves, GABEY Emmanuel, 1974, Dossier L. comme Larzac, Paysans
contre militaires... une armée dévoreuse d’hectares... une terre qui ne veut
pas mourir...une cause nationale, Paris, Moreau, 416 p.
HOLOHAN Wanda, 1975, « Jacquerie sur la forteresse, Le mouvement paysan
du Larzac (octobre 1970-août 1973) », 362-432, Communautés du sud,
Jacques Lacroix, Daniel Fabre (dir.), Paris, Stock 2, 10-18.
KAMMS Henry, 1972, « Nature Lovers Battle the Army for a Peaceful Corner
of France », The New York Times, 30 avril 1972.
LAFONT Robert, 1984, La Festa, tome II, Paris, Federop/Le Chemin Vert,
453 p.
LAFONT Robert, 1971, Clefs pour l’Occitanie, Seghers, 217 p.
LAUNET Édouard, « Larzac, de natifs en néos », Libération, 8 août 2003.
LAVAL Gilbert, 1999, « José Bové, 46 ans, éleveur de brebis dans le Larzac,
mène tambour battant la jacquerie contre la mondialisation. À causse et à
cri », Libération, 17 août 1999.
LE BRIS Michel, 1974, Occitanie : Volem viure !, Gallimard, La France
sauvage.
LE BRIS Michel, 1975, Les Fous du Larzac, Paris, Les Presses d’aujourd’hui,
La France sauvage, 368 p.
LIPIETZ Alain, 1973, « La longa marcha del Larzac sus Paris », L’Outil des
travailleurs, no 11 (février).
MARTI Claude, 1974, L’ome esper, 33 tours, Ventadorn.
MARTI Claude, Le Bris Michel, 1975, Homme d’oc, Dire, Stock 2.
MARTIN Didier, 1987, Larzac : utopies et réalités, Paris, L’Harmattan,
Alternatives paysannes, 223 p.
MIARD Lucien, 1973, « La « longue marche » des paysans du Larzac sur
Paris. Face aux exigences de l’armée, la défense d’une certaine forme de
vie », Le Figaro (15 janvier 1973).
NAPPEZ Patrick, 2010, « À Villeneuve-lès-Maguelone, les panneaux de la
discorde unissent les identités régionales », Midi Libre, 12 décembre 2010.
PIALAT Vincent, 2008, « Le Larzac est la suite de Mai 68 », La Dépêche du
Midi, 14 mai 2008.
ROUQUETTE Max, 2006, Vert Paradis (traduction Surre-Garcia Alem), Paris,
Éditions du Rocher, 342 p.
ROUQUETTE Max, Souche Georges, 1999, Larzac, Lacoste, Cardabelle
éditions.
ROUQUETTE Yves, 1982, « ...comme le désert de Gobi », in Midis, petite
géographie cordiale, Portet-sur-Garonne, éditions Loubatières.
SOULA René, 2005, Les Cathares entre légende et histoire, la mémoire de
l’albigéisme du XIXIe siècle à nos jours, IEO, 331 p.
TERRACE Hervé, 1971, Le Canard enchaîné, 10 novembre 1971, no 2633.
TERRAL Pierre-Marie, 2010, Le Larzac, de la lutte paysanne à
l’altermondialisme. Entre histoire et mémoire (1971-2010), Thèse d’histoire
18 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
contemporaine sous la direction de Christian Amalvi, Université Paul-Valéry
— Montpellier III, 509 p. (paru en 2011 chez Privat, Toulouse)
VIANSSON-PONTÉ Pierre, 1973, « Una occitania liura e roja », Le Monde, 16
septembre 1973.
Notes
1 Lettre de Jean-Paul Sartre aux paysans du Larzac, 28 octobre 1978.
2 C’est le cas dans l’Aude de Claude Marti, comme l’ouvrage Homme d’Oc,
coécrit avec Michel Le Bris (Marti, Le Bris 1975, 82) :
Nous allons dans les quartiers de Carcassonne accompagner des mineurs
avec leur casque sur la tête, ils font la quête. Et les gens donnent, ils
donnent énormément et déjà apparaît ce slogan qui fera plus tard fortune :
« Nous voulons vivre au pays ! » Il n’est pas encore dit en occitan, mais
c’est le leitmotiv des mineurs : « Nous voulons rester à Decazeville ». D’un
coup, la réalité du pillage économique de la région devient sensible.
3 L’appellation Decazeville étant liée au Duc Decazes, ministre de Louis
XVIII ayant développé l’industrie du bassin houiller. « Los carbonièrs de La
Sala » est ainsi le nom du magnifique poème de Boudou, chanté par Mans
de Breish, idéalisant les gueules noires : « Los carbonièrs de La Sala,
Occitans sens o saber, Cantan l’internacionala, La cançon del desespèr ».
4 Entretien avec Jeanne Jonquet, La Blaquière, 27 juin 2003.
5 Les prêtres Robert Mazeran et Pierre Bonnefous confirmaient y avoir
contribué. Entretien avec Robert Mazeran, Saint-Affrique, 7 juin 2006 et
Pierre Bonnefous, Millau, 5 février 2008.
6 Ce courant paysan de gauche trouvera son aboutissement dans la
naissance de la Confédération Paysanne, en 1987.
7 Il deviendra l’expression de ce courant devenu autonome du P.S.U., sous le
nom de Pour le Communisme puis d’Organisation communiste de la Gauche
ouvrière.
8 « Paysans et ouvriers conservent l’initiative, Le Larzac et Lip »,
Libération, édition spéciale, 24 août 1973.
9 « Lo Larzac en marcha », Lutte Occitane, numéro spécial, août 1973.
10 De son nom de naissance, Sacheen Littlefeather, l’actrice a été
mondialement connue le 27 mars 1973, lorsqu’elle a refusé, au nom de
Marlon Brando, l’Oscar décerné à l’interprète du Parrain, en signe de
protestation contre le sort des Indiens américains dans le contexte de
l’occupation par des Sioux de la ville de Wounded Knee dans le Dakota du
Sud.
11 Directeur de La Cause du peuple, il est condamné à ce titre à huit mois
de prison en 1971. Quittant la Gauche prolétarienne, il s’installe près de
Carcassonne et s’intéresse à la situation politique de l’Occitanie.
12 « Paysans et ouvriers conservent l’initiative. Edition spéciale le Larzac et
Lip », Libération, 24 août 1973.
13 Entretien avec Yves Rouquette, Camarès, 6 octobre 2006.
14 Courrier de Jean Huillet, 3 mai 2006.
15 Entretien avec Claude Marti, Estivada de Rodez, 23 juillet 2008.
16 Entretien avec Claude Marti, Rodez, 23 juillet 2008.
17 Entretien avec Yves Rouquette, Camarès, 6 octobre 2006.
18 Entretien avec José Bové, Potensac, 15 mars 2006.
19 Entretien avec Claude Marti, Rodez, 23 juillet 2008.
20 Entretien avec Manuel Diaz, Millau, 17 mai 2008.
21 Site de Gardarem la tèrra, (http://gardaremlaterra.free.fr).
19 sur 20
22/02/2016 18:45
« Gardarem lo Larzac » : de la dimension occita...
https://lengas.revues.org/383
Pour citer cet article
Référence papier
Pierre-Marie Terral, « « Gardarem lo Larzac » : de la dimension occitane de la lutte
paysanne à son cheminement mémoriel », Lengas, 69 | 2011, 93-116.
Référence électronique
Pierre-Marie Terral, « « Gardarem lo Larzac » : de la dimension occitane de la lutte
paysanne à son cheminement mémoriel », Lengas [En ligne], 69 | 2011, mis en ligne le
15 mai 2014, consulté le 22 février 2016. URL : http://lengas.revues.org/383 ; DOI :
10.4000/lengas.383
Auteur
Pierre-Marie Terral
Docteur en histoire contemporaine de l’université Montpellier III
Droits d’auteur
© PULM
20 sur 20
22/02/2016 18:45