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La passe du grand flambeau
L’âge d’or
Abomination d’une quarte de triton
Oremus
Finale d’Edgar
Précréation
Tout l’temps
Introduction « Comme un fou »
Comme un fou
Voyage au Tibet
Ateliers I & IV
Ste-Mélanie blues
Voix et violon
Liberté
Résurrection
La folle complainte
Circus Maximus
Octobre
Dionysos
ExCubus
Offenbach
Offenbach
Morse Code
Pollen
Harmonium
Harmonium
Jacques Tom Rivest
Conventum
Contraction
L’Engoulevent
Charles Kaczynski
Dionne-Brégent
Jacques Brégent
Vincent Dionne
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0:43
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5:05
3:26
1:29
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Paix
Yama Nekh
J’freak assez
Les pétoncles
Coyotte
J’un œil
Pixieland
Le cosmophile
Rien ne sert de courir il faut partir à point
L’Infonie
Ville Émard Blues Band
Toubabou
Maneige
Ungava
Sloche
Contraction
Sloche
Lasting Weep
10:52
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4:44
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Jumping Jelly Beans
La samba du Bas-du-Fleuve
Jean-Jacques
Des lacs, des rivières, des ruisseaux
Lasting Weep
Yves Laferrière
Maneige
L’Orchestre sympathique
3:38
5:31
4:13
5:51
Mot de l’éditeur : Jean-Pierre Sévigny
La première anthologie des musiques progressives québécoises
Grande oubliée de l’histoire de la musique populaire (plusieurs albums importants
n’ayant jamais été réédités jusqu’à tout récemment) et sous documentée, cette musique
est pourtant très populaire dans les années 70 au Québec. La province (et pas
seulement Montréal) est un des berceaux du rock progressif de la planète. En écoutant
cette anthologie des meilleurs moments des musiques progressives québécoises, on
comprend pourquoi. Les groupes cultes ont créé un genre musical libre de formules
pré-formatées, un univers où les idées foisonnent et les instrumentistes s’illustrent. Ces
œuvres uniques et remasterisés sonnent mieux que jamais.
Le « prog rock » est apparu à la fin des années 1960, sous la pulsion créatrice de
groupes britanniques tels que les Beatles, et a connu son âge d’or dans les années
1970. Au Québec, le rock progressif a été oublié et ne figure dans aucun livre
d’histoire, dictionnaire ou encyclopédie. « Je me souviens » …mais de quoi au juste !
Au sein de l’industrie du disque et de la radio commerciale, le rock progressif demeure
– pour paraphraser Freud – une musique étrange et inquiétante. En effet, comment
commercialiser et marchandiser ces musiques qui font fi de toutes les conventions
établies et normatives de la musique populaire de masse, ces chansons de trois minutes
aux refrains facilement assimilables, dotées de « hooks » accrocheurs, de couplets
répétitifs et de petits solos ? Le rock progressif est à mille lieues de tout cela et
demeure, aujourd’hui encore, un art multiforme et enrichissant qui a puisé aux sources
de plusieurs traditions musicales : jazz, funk, folk, traditionnel, musique symphonique,
musique de chambre, électroacoustique et musiques du monde.
Les musiciens du rock progressif – le son des années 1970 – ont inventé une nouvelle
façon de concevoir et de jouer de la musique.
Michel Rivard chantait : « En soixante-sept tout était beau / C’était l’année d’l’amour,
c’était l’année d’l’Expo (...) »... Mais 1967, c’était aussi l’année de la parution du très
surprenant Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles, un disque enregistré
non pas pour promouvoir la tournée suivante du groupe (les Beatles ont donné leur
dernier concert le 29 août 1966, au Candlestick Park de San Francisco), mais pour
permettre aux musiciens de lâcher la bride à leurs inspirations multiformes, le
contexte, qui leur était pour le moins favorable, leur permettant les explorations
musicales les plus folles. On trouve dans cet album des Beatles presque toutes les
caractéristiques qui définissent ce qui deviendra le « rock progressif » : un rock qui va
plus loin, qui n’est pas simplement conçu « pour faire danser les bougalous », comme
le chantait Robert Charlebois dans Ordinaire, en 1970… Tout d’abord,
l’instrumentation utilisée est extrêmement sophistiquée et dépasse largement le
concept « guitares-basse-batterie ». Il y a par exemple, dans la pièce-titre, un très
inhabituel quatuor de cors français et, dans une autre pièce, un quatuor à cordes, du
clavecin, etc. Deuxièmement, la production du disque, même à une époque où l’on
enregistrait sur quatre pistes, est un véritable petit chef-d’œuvre de montage et de
design sonores qui utilise tous les trucs disponibles dans un studio d’enregistrement
opéré par des ingénieurs du son imaginatifs. Ensuite, les pièces sont de styles fort
diversifiés, mais la plupart d’entre elles s’enchaînent et sont unifiées par un thème, ce
qui fait de cet album l’un des premiers « albums concept » (de nombreux groupes du
genre en feront par la suite). Ce disque des Beatles est aussi l’un des premiers (sinon le
premier) des disques de « musique pop » à inclure la retranscription des paroles des
chansons sur sa pochette, un détail qui montre bien que cette musique a «quelque
chose à dire de plus» (même si ce n’est pas toujours très compréhensible) ! Enfin, la
pochette elle-même comporte une foule de détails graphiques qui se rapportent au
contenu musical, à commencer par les Beatles eux-mêmes, qui y prennent
littéralement une nouvelle identité en enfilant les costumes du Sgt. Pepper’s Lonely
Hearts Club Band (comme le fera Peter Gabriel avec Genesis, ou les membres de
l’Infonie chez nous, de Magma en France, etc.).
Les jeunes musiciens de l’époque comprendront rapidement que l’on peut désormais
créer une musique qui n’est pas forcément destinée au « top 40 » et que l’on peut faire
du rock sans se priver d’utiliser d’autres genres musicaux. Par exemple, les musiciens
ayant étudié dans des institutions (conservatoires) ne se gêneront plus pour intégrer
leurs influences venues de la musique classique ou de la musique contemporaine, et la
virtuosité propre aux grands musiciens deviendra un élément important du rock
progressif.
Le vent de fraîcheur musicale apporté par les Beatles souffle sur une année charnière :
en 1967, en Angleterre, naissent ou s’activent déjà les premières incarnations de Van
der Graaf Generator, de King Crimson (Giles, Giles & Fripp), de Genesis, de Jethro
Tull et de Gentle Giant (Simon Dupree and the Big Sound), entre autres, et Pink Floyd
lance son premier disque. Il serait de mise que tout cela ait commencé dans « les vieux
pays », mais chez nous, en effet, tout était beau, et l’Exposition universelle de
Montréal était l’un des plus beaux fruits de la Révolution tranquille, qui éveillait les
consciences par centaines et remettait les pendules à l’heure.
L’Infonie, c’est 1967 aussi, et c’est bien l’Expo qui en sera le déclencheur. Qu’ils
aient en poche un passeport de l’Expo ou qu’ils aient en tête quelques airs opiacés en
provenance du summer of love de la côte ouest états-unienne, ils seront bientôt
nombreux chez nous à faire de la musique autrement. À une époque où une très grande
partie de la jeunesse québécoise s’époumonait encore, avec un train de retard, devant
les « vedettes » que lui offrait Pierre Lalonde à « Jeunesse d’aujourd’hui » (19621971), faire autrement, c’était diablement original et passablement risqué. En 1969,
l’Infonie ridiculisera d’ailleurs le genre « Jeunesse d’aujourd’hui » sur son premier
disque, avec la pièce Viens danser le «O.K. là»!
Toujours en 1969, du côté de Valleyfield, le groupe Dionysos voit le jour. Son premier
disque, un 45 tours, paraît à l’automne 1970. C’est Suzie, un clin d’œil à un autre
artiste, américain celui-là, dont la musique a inspiré beaucoup de musiciens de chez
nous : Frank Zappa (« Zappa d’ami, Suzie Creamcheese! »). En 1974, Plume
Latraverse le salue aussi en chantant une ligne de Cruising for Burgers à la fin de
Bonne soirée et, le 30 juin de la même année, le lendemain d’un concert à la Place des
Nations, à l’Expo, Zappa est en studio à Montréal pour enregistrer une chanson de
Robert Charlebois (Petroleum), qu’il avait croisé plusieurs années auparavant (en
1967) en Californie.
1974… On connaît déjà les premiers disques de Contraction (1972), d’Offenbach
(1972), de Brégent (1973), d’Octobre (1973) et de Ville Émard Blues Band (1973).
C’est en 1974 que Maneige lance son premier disque, sur lequel on trouve une
musique instrumentale exigeante qui ne pactise guère avec la musique populaire
d’hier. Enfin, c’est également en 1974 qu’un trio acoustique lance son premier disque
de chansons. Ce trio s’appelle Harmonium. La même année paraissent aussi les
premiers disques de Sloche et de Toubabou. On connaîtra bientôt Pollen (1976), Et
Cetera (1976), Dionne-Brégent (1976), Conventum (1977), L’Engoulevent (1977),
Ungava (1977) et L’Orchestre sympathique (1979).
En 1977, c’est un autre raz-de-marée britannique qui frappe le monde, celui du
mouvement punk qui prône un retour aux sources du rock and roll avec, en exergue,
Do it Yourself et, comme credo, No Future. Certains avaient vu venir le coup : Robert
Fripp mettait fin à King Crimson en 1974 pour devenir une unité indépendante (il y
reviendra !), Peter Gabriel quittait Genesis. Pour une étude détaillée des innovations
apportées par Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, on pourra se référer au livre
Sgt. Pepper and the Beatles – It Was Forty Years Ago Today, paru aux éditions
Ashgate en 2008, sous la direction d’Olivier Julien en 1975. C’est en 1977, au moment
où il commence à peine à toucher au succès international, que Serge Fiori met un
terme à l’aventure d’Harmonium. La fatigue que ressent Fiori est généralisée et la
grande ère des groupes de musique progressive s’achève, au Québec. Ils ne
disparaîtront pas tout à fait et se transformeront (on parle presque déjà de « musique
actuelle »), mais le monde a définitivement changé, et leurs musiques ne retrouveront
pas les succès publics qu’elles avaient pourtant suscités dans la décennie qui prend fin.
Plus de trente ans après, où en est-on ? Le groupe britannique Yes, un phare du rock
progressif, célébrait en 2008 son 40e anniversaire par une tournée américaine avec à sa
tête un chanteur… québécois ! Benoît David a été recruté pour ses performances
exceptionnelles au sein du groupe-hommage Close to the Edge. Un autre groupehommage québécois, The Musical Box, a tourné aux États-Unis et en Europe en
reprenant la musique de Genesis et, dans son cas, ce sont les membres du groupe
original qui sont venus se joindre à lui lors de quelques rencontres impromptues ! Il y
a des dizaines de groupes qui reprennent encore aujourd’hui les répertoires des grands
groupes de rock progressif européens (ou québécois, comme Premier Ciel, qui reprend
Harmonium), mais si on pouvait rêver un peu, dans le paysage « staracadémique » qui
est le nôtre, c’est bien à des retours que l’on penserait… Un beau petit festival, avec
les vrais Conventum, Octobre, Morse Code, Sloche et compagnie, ce serait quand
même pas mal, non ? Pour nourrir ce rêve, les deux disques de ce coffret sont sans
doute la meilleure nourriture.

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