2008 02 notion inventeur ISM FT

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2008 02 notion inventeur ISM FT
COMMENT DETERMINER LE VERITABLE
INVENTEUR ?
Par Isabelle MENDELSOHN, Conseil en PI, Cabinet
REGIMBEAU
Et Franck TETAZ, Associé, Cabinet REGIMBEAU
Quel employeur, service de valorisation, responsable R&D ou
autre responsable de la propriété industrielle d’une entreprise
n’a pas été confronté à la difficile tache de désigner les
inventeurs pour le dépôt d’une demande de brevet ?
L’invention qui sera valorisée est généralement le fruit d’une
chaîne de collaboration où chaque acteur apporte sa pierre à
l’édifice final.
Distinguer les uns des autres revient à isoler les différents
acteurs de cette chaîne de valeur et touche directement à la
gestion des ressources humaines dans l’entreprise.
Or, selon l’article L611-6 du Code de la Propriété
Intellectuelle (CPI), « le droit au titre de propriété
industrielle appartient à l’inventeur ou à son ayant cause ».
Déterminer le(s) véritable(s) inventeur(s) est donc un acte
essentiel pour s’assurer de la propriété de l’invention. Cette
démarche est essentielle pour s’assurer que l’inventeur ou son
éventuel ayant-cause sera bien identifié comme tel dans la
demande de brevet, et le cas échéant faire valoir ses droits au
titre dans le cadre d’un contrat de collaboration. Dans le cas
contraire, l’article L. 611-8 CPI permet au véritable inventeur
ou à son ayant cause de revendiquer la propriété du brevet.
La désignation de l’inventeur est d’ailleurs obligatoire, l’article
L611-9 CPI disposant en ce sens que, « l’inventeur, salarié ou
non, est mentionné comme tel dans le brevet ». Une telle
désignation, dans le cas des inventeurs salariés, déclenche
l’obligation de versement d’une rémunération supplémentaire ou
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d’un juste prix (article L611-7 CPI), source potentielle de litige
entre employeur et employé.
L’invention est d’abord une conception intellectuelle qui est le
fruit de la réflexion d’un ou de plusieurs individus. Il s’agit donc
d’une question de faits par rapport au rôle de chaque individu
dans la conception de l’invention et de sa contribution
intellectuelle et technique.
Cette question de faits ne peut être définie au préalable par la
loi ou par un contrat.
Ainsi, en France, il n’existe pas de définition légale de
« l’inventeur ».
Toutefois, un inventeur désigné comme tel dans une demande
de brevet est légalement présumé être le véritable inventeur.
La charge de la preuve pour renverser une telle présomption est
particulièrement lourde, et sera d’autant plus délicate que
l’inventeur présumé aura également été désigné comme tel dans
d’autres demandes de brevet, par exemple aux Etats-Unis.
Il est donc essentiel de pouvoir dès l’origine disposer d’une
« grille de lecture » qui permette aux décideurs de distinguer les
inventeurs des autres acteurs impliqués dans le développement
et la valorisation d’une invention, et le cas échéant de trancher.
La plupart des conventions collectives comportant des
dispositions sur les droits des inventeurs restent muette sur la
définition exacte de la paternité de l’invention.
Certaines d’entre elles, dont la Convention collective des
Industries Chimiques, proposent quatre indices permettant
d’évaluer le droit à rétribution de l’inventeur salarié :
-Le cadre général de l’invention ;
-Les difficultés de mise au point pratiques ;
-La contribution personnelle et originale du salarié ;
-L’intérêt commercial de l’invention.
Mais la notion de contribution personnelle est vague. Elle
implique d’analyser le cadre de la recherche pour saisir le
rôle personnel du salarié dans la découverte de l’invention.
Seule la jurisprudence fournit des indices plus précis sur la
notion d’inventeur.
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Tout d’abord, l’inventeur est une personne physique et non une
personne morale, l’invention étant le fruit d’une activité
intellectuelle. Il a ainsi été confirmé par la Cour de Paris le 18
juin 2004 que l’inventeur ne peut être qu’une personne qui a
concrètement participé à l’élaboration de l’invention. (GRAIRE
c/ POL SCARPE SPORTIVE,
Par ailleurs, la présence d’une activité inventive est nécessaire à
la qualification d’inventeur et celui qui se revendique en tant
que tel doit apporter lui-même la preuve de son activité
inventive.
Attention toutefois à ne pas confondre cette notion d’activité
inventive avec le critère de brevetabilité de l’article L 611-14
CPI.
Toute personne peut apporter cette preuve et sa position
hiérarchique dans l’entreprise ne présume pas de sa qualité
d’inventeur. Les tribunaux analysent en effet leur contribution
personnelle à la conception et le cas échéant à la réalisation de
l’invention et regardent si cette contribution dépasse le cadre
d’une fonction de simple exécutant.
Un des moyens de preuves le plus favorablement reçu par les
tribunaux est la participation du prétendu inventeur à la
rédaction de la demande de brevet avec l’aide du conseil en
propriété industrielle. Les autres moyens de preuves utilisables
sont des moyens usuels tels que les comptes-rendus de réunion
indiquant les participants et leur fonction, les publications
scientifiques, les notes de synthèse ou autre notes internes
concernant l’invention, la direction ou le suivi d’essais
industriels, les témoignages et bien entendu les cahiers de
laboratoire.
Les allégations d’activité inventive peuvent toutefois être
remises en cause et les tribunaux amenés à vérifier la
compétence technique ou professionnelle des prétendus
inventeurs pour concevoir l’invention ainsi que leur fonction au
sein de l’entreprise.
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Certaines catégories de salariés seront alors habituellement
considérées comme de simples exécutants non inventeurs. C’est
le cas en général des technicien, agent de maîtrise, ingénieur
d’entretien, préparateur de travaux, gérant, mandataire social,
secrétaire, président du directoire, administrateur, président du
conseil d’administration, etc.
D’autres seront plus aisément admis comme inventeurs. Il s’agit
le plus souvent de chercheurs qui ont une mission inventive.
En général, sera considérée comme inventeur toute personne
ayant participé à la réalisation d’une invention en analysant le
problème à résoudre et la solution technique à y apporter.
La jurisprudence a ainsi relevé les indices prouvant ou non la
contribution du prétendu inventeur.
Une invention est bien souvent le fait d’une équipe et non
d’un seul individu.
Dans ce cas, seront généralement considérés comme inventeurs
la personne à l’origine de l’invention et de l’idée inventive
d’une part, et les personnes qui ont contribué à sa mise au point
technique et industrielle d’autre part. Le Tribunal de Paris a
ainsi décidé que pouvait être désigné comme co-inventeur, le
salarié étant à l'origine de l'idée technique et de l'idée marketing
de l'invention et non de sa faisabilité technique et que la
paternité de l’invention serait alors partagée entre celui-ci et le
service d’étude et de développement à qui a été confié la
faisabilité et la réalisation du projet.( THIBIERGE c/ Sté ARJO
WIGGINS, TGI Paris, 16 octobre 2001)
D’ailleurs, l’absence de description précise de la contribution de
chaque membre d’une équipe peut favoriser l’inventeur
présumé. Ainsi le Tribunal de Paris aura également reconnu la
qualité d’inventeur à une personne en tenant compte de ce que
la mise au point du produit a été réalisée par une équipe à
laquelle il appartenait, sans qu’il puisse être affirmé qu’il ait eu
un rôle déterminant en son sein. (BRINON c/ VYGON ; TGI Paris,
14 septembre 2005)
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Des personnes qui sont intervenues dans la mise au point
technique et/ou la mise en œuvre industrielle ne sont pas
automatiquement considérées comme co-inventeurs et les
Tribunaux doivent regarder également la nature de la
contribution de chacun pour distinguer les inventeurs des
autres :
La simple fourniture de moyens ou de conseils au sein d’une
équipe est insuffisante pour conférer la qualité de coinventeur.
Le seul prêt de matériel est insuffisant pour qualifier
quelqu’un de co-inventeur.
Le financement à lui seul des études ayant conduit à une
invention ne donne aucune qualité d’inventeur à celui qui a
assumé ce coût.
La simple formulation d’un problème à résoudre ou
l’élaboration d’un cahier des charges ne peut en général pas
suffire à conférer la qualité d’inventeur ou de co-inventeur.
Le seul échange d'idées sur l'intérêt de l'invention est
insuffisant pour attribuer une quelconque propriété sur le
brevet.
La participation à l’invention qui relève du seul domaine des
idées abstraites ne peut conférer à elle seule la qualité de
co-inventeur.
C’est donc sur cette base que les organismes publics et les
entreprises devraient édicter des directives internes claires pour
la désignation des inventeurs. Ceci permettrait sans doute
d’éviter la majorité des litiges dans ce domaine.
Pour plus d’informations :
Isabelle MENDELSOHN, 0144293500, [email protected]
Franck TETAZ, 0472838570, [email protected]
Avec la participation de Virginie PROUTEAU
Paris, février 2008.
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A propos du Cabinet Regimbeau :
Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne
depuis plus de 75 ans les entreprises et les porteurs de projets des
secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la
rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques, dessins et
modèles). 9 associés animent une équipe de 180 personnes, dont les
compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la
propriété industrielle: veille technologique, contrats de licence,
audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de
partenariat, acquisition des droits, contentieux. La force de frappe
homogène du Cabinet Regimbeau et de ses agences régionales permet
de répondre à des logiques stratégiques internationales, tout en
préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses
clients.
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