REGLEMENTATION DES PROGRAMMES ET CHAINES NON

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REGLEMENTATION DES PROGRAMMES ET CHAINES NON
UNIVERSITE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE III
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES
INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDE EN DROIT DE L’INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION
REGLEMENTATION DES PROGRAMMES
ET CHAINES NON GENERALISTES :
LE CONTROLE DES CHAINES
SATELLITAIRES
Rapport de recherche réalisé par
Laetitia Cervoni et Justine Robert
Sous la direction du Professeur Jean-Pierre Ferrand
Année scolaire 2004/2005
DEA Droit des Médias
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I LA RÈGLEMENTATION JURIDIQUE DES CHAÎNES
SATELLITAIRES
Chapitre 1
Le droit international et communautaire
I/ LE DROIT INTERNATIONAL
A. La difficile définition technique des satellites et de leurs régimes juridiques
B. Les textes internationaux en matière de satellite
II/ LE DROIT COMMUNAUTAIRE
A. La convention européenne des droits de l'homme
B. Les autres textes européens
Chapitre 2
Le droit français et les difficultés à trouver une réglementation adéquate
I/ LE DROIT FRANÇAIS APPLICABLE
A. La loi du 30 septembre 1986
B. Les lois complétant ou modifiant la loi du 30 septembre 1986
II/ LES DIFFICULTÉS A TROUVER UNE RÉGLEMENTATION ADÉQUATE
PARTIE II. LES DIFFICULTES DU CONTROLE DES CHAINES
SATELLITAIRES
Chapitre 1
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, organe de contrôle par excellence
I/ LES PROCÉDURES DE CONVENTION ET DE DECLARATION
A. Les conditions nécessaires à l’obtention de l’autorisation
B. Le contenu du dossier à présenter
3
II/ LA RÉGLEMENTATION DES PROGRAMMES DES CHAÎNES DIFFUSÉES
PAR SATELLITE
A. Dispositions communes à toutes les chaînes
B. Les dispositions spécifiques aux chaînes du satellite
Chapitre 2
Les limites au contrôle des chaînes satellites
I/ LE PROBLÈME DES CHAÎNES « EXTRA EUROPÉENNES »
A. Le cas Al Manar
B. L’établissement d’une convention type pour les chaînes « extra-communautaires »
II/ LES CAS PLUS CLASSIQUES DE CONTRÔLE
A. Des exemples de contrôles efficaces
B. Des affaires plus difficiles
CONCLUSION
ANNEXES
Annexe 1 : Notice de présentation d’un dossier en vue d’une déclaration ou d’un
conventionnement
Annexe 2 : Notice de présentation d’un dossier déclaration
Annexe 3 : Convention type pour les services extra-européens
Annexe 4 : Convention de la chaîne Al Manar
BIBLIOGRAPHIE
4
INTRODUCTION
Les premiers satellites ont été fabriqués et lancés à partir des années 50 pour des
opérations liées à la défense et à la recherche. La conception des satellites de diffusion directe
a débutée en 1963. Dans les années 70-80 les satellites ont commencés à être exploités par des
sociétés privées pour des applications professionnelles. En 1965 a été lancé Early Bird,
premier satellite géostationnaire. Jusqu’en 1975 les satellites serviront à des échanges
d’images et à des transmissions en direct. En 1975, Home Box Office est la première chaîne
conçue pour une diffusion satellitaire. En 1979, une dizaine de chaînes sont distribuées aux
Etats-Unis à destination des réseaux câblés. L’apparition des satellites de diffusion directe a
eu lieu en Europe en 1985. Grâce à ce type de satellite il est possible pour chaque foyer
équipé d’une parabole de réception de recevoir une multitude de services de radiodiffusion.
Il existe deux grands types de satellites : les satellites de diffusion directe et les satellites
de télécommunications qui sont soumis à un régime différent. Il est donc nécessaire d’étudier
les règles qui gouvernent les satellites. Il existe des organismes spécialement compétents pour
traiter des questions relatives aux satellites et accorder des autorisations. Tout cela est assez
complexe et mérite une étude plus approfondie. Comment contrôler la diffusion des chaînes
satellitaires ? Quelles sont les différentes libertés misent en concours ? Comment concilier
divers impératifs ? La réglementation se situe à trois niveaux : international, européen et
national.
Au niveau international c’est l’Union Internationale des Télécommunications qui est
compétente. Le droit communautaire a également pris des dispositions particulières
concernant le satellite. En droit français c’est la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté
de communication qui est le texte de référence.
En France trois opérateurs de chaînes numériques diffusées par satellite sont présents sur
le marché : AB Sat, CanalSatellite et TPS. AB sat a été lancé en décembre 1995,
CanalSatellite en avril 1996 et TPS en décembre 1996. L’arrivée des bouquets satellitaires
dans notre pays est donc relativement récente. CanalSatellite et TPS sont les seuls aujourd’hui
à commercialiser effectivement un bouquet complet assorti de chaînes en option. AB Sat s’est
pour sa part replié sur son métier de base d’éditeur de chaînes thématiques qui sont
5
commercialisées au sein des bouquets CanalSatellite et TPS dans le cadre d’accord de
distribution. CanalSatellite et TPS proposent chacun plusieurs dizaines de programmes de
télévision et de radio et leur offre est en évolution constante. En juin 2003, le satellite
représentait 59% de l’ensemble des abonnés à une offre élargie. Depuis le lancement en 1996
des bouquets satellite numériques CanalSatellite puis TPS, le satellite a été le vecteur de
croissance le plus dynamique. Depuis 1996, l’augmentation du nombre d’abonnés au satellite
a ainsi toujours été supérieure à celle du câble. Cette tendance se prolonge ces trois dernières
années, en dépit de la baisse relative des taux de croissance du satellite après la phase de
lancement des deux bouquets. Les taux de croissance atteignaient ainsi 96,2%, en moyenne,
entre 1996 et 2000. 3,2 millions de foyers sont abonnés à un bouquet numérique distribué par
satellite au 30 juin 2003, soit 14% des foyers équipés de téléviseurs. Depuis l’arrêt de la
commercialisation d’AB sat, le marché des bouquets satellitaires se partage entre
CanalSatellite et TPS. L’engouement suscité par ce type de bouquets est donc indéniable.
Cela est devenu un véritable produit commercial. Nous pouvons d’ailleurs constater que les
deux opérateurs rivalisent de concurrence à tous les niveaux : prix, offre, diversité…
Il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que la diffusion en France par le biais des
satellites de chaînes de plus en plus nombreuses et diversifiées donne nécessairement lieu à un
contrôle et à une réglementation particulière, cela au niveau du contenu des programmes
notamment. D’autre part cela pose le problème de la diffusion d’un certain nombre de chaînes
extra-communautaires qui ne sont pas conventionnées et qui ne peuvent être contrôlées.
En France l’organe de contrôle et de régulation est le CSA qui accorde les conventions
nécessaires aux chaînes pour pouvoir être diffusées : ces dernières doivent respecter certaines
règles et certains principes. Le juge administratif a lui aussi le pouvoir de sanctionner et
d’interdire. La diffusion des chaînes par le biais du satellite pose la question de savoir dans
quelle mesure doit-on concilier la liberté de communication avec les valeurs fondamentales
défendues par l’ensemble de la communauté internationale, européenne et nationale ?
Dans une première partie nous allons nous intéresser à la réglementation juridique des
chaînes satellitaires et dans une seconde partie nous analyserons les difficultés rencontrées
lors du contrôle des chaînes diffusées par le biais du satellite.
6
PARTIE I
LA RÈGLEMENTATION JURIDIQUE DES
CHAÎNES SATELLITAIRES
Chapitre 1
Le droit international et communautaire
La réglementation en matière de satellite est apparue nécessaire assez rapidement. En droit
international c’est l’union internationale des télécommunications qui est l’autorité
compétente. Cependant le droit international demeure relativement imprécis dans ce domaine.
En droit européen les deux textes de référence sont la Convention Européenne des Droits de
l’Homme de 1950 et la directive télévision sans frontière de 1989 modifiée en 1997.
I/ LE DROIT INTERNATIONAL
Plusieurs textes internationaux instituent la liberté d’expression au rang de principe
fondamental : cette dernière se définit comme la liberté d’émettre et de recevoir des messages
et des informations. La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dispose que
« tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui lui implique le droit de ne
pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans
considération de frontières les informations et idées par quelque moyen que ce soit ».
Les moyens de communication ont évolués depuis la rédaction de ce texte mais ces
principes demeurent plus que jamais d’actualité et doivent continuer à être respecté. Cette
formule a été reprise à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 23 mars 1976.
7
A. La difficile définition technique des satellites et de leurs régimes juridiques
Le droit international a bien évidemment été amené à se prononcer sur le sort des satellites
puisque ces derniers se sont beaucoup développés et permettent désormais la diffusion de
nombreux services. Il faut opérer une distinction importante entre les différents types de
satellites car la réglementation n’est pas identique.
Il existait initialement deux grandes catégories de satellites : les satellites de
télécommunications et les satellites de diffusion directe. En ce qui concerne les premiers, les
Etats récepteurs conservent les moyens de contrôler la diffusion par l’intermédiaire d’une
station terrestre qui ré-émet les signaux qu’ils envoient vers le réseau national. A l’inverse les
seconds, qui sont beaucoup plus puissants, ne nécessitent pas de relais sur terre et permettent
une réception directe des programmes par les individus dotés du matériel de réception
adéquate.
La réglementation internationale était donc basée sur une typologie dualiste : d’un coté le
transport de signaux d’un organisme à un autre, il s’agit des SFS (services fixes par satellite)
impliquant le relais de stations terrestre. Et de l’autre coté, l’émission de services destinés à
être reçus directement par le public, il s’agit des SRS (services de radiodiffusion par satellite).
Cependant depuis quelques années une troisième catégorie de satellites est apparue ce sont
des satellites de télécommunications de moyenne puissance qui permettent une réception
directe alors qu’ils n’y étaient pas initialement destinés. La réception est assurée par
l’intermédiaire d’une antenne parabolique individuelle. Cela pose problème au niveau de la
réglementation internationale car au départ il n’y avait que deux types de satellites. Ce
troisième type de satellite représente aujourd’hui l’essentiel de la diffusion directe des
programmes audiovisuels mais il n’était censé fonctionner que sur la base du service fixe.
C’est en fait un satellite de télécommunications que les opérateurs satellitaires utilisent
désormais. En effet leur choix s’est porté sur les bandes de fréquences du service fixe que
nous avons évoqué précédemment et ce dans le but d’une radio diffusion directe. Le problème
est que ces fréquences relèvent d’un régime juridique différent des satellites de diffusion
directe. L’union internationale des télécommunications interdit que des satellites de
8
télécommunications procèdent à la diffusion directe de programmes de télévision destinés au
public.
Cependant ces dispositions sont quelques peu dépassées a l’heure actuelle : si l’on prend
les deux satellites les plus connus en Europe : Astra et Eutelsat, qui sont des satellites de
troisième type identifiés comme des satellites de télécommunications qui assurent une
diffusion directe des programmes, ils utilisent des bandes de fréquences réservées aux
télécommunications, sans faire mention de projet de télévision directe et n’ont pourtant jamais
été inquiétés.
Le droit international réglemente la répartition spatiale des supports satellitaires et
l’utilisation du spectre radio électronique et d’autre part il s’attache à la formulation des
principes relatifs à la liberté de diffusion de ces satellites au regard des souverainetés
étatiques.1
B. Les textes internationaux en matière de satellite
Une autorité est compétente au niveau mondial c’est l’UIT (l’union internationale des
télécommunications)2 fondée en 1932 et rattachée à l’ONU depuis 1947, son siège est à
Genève. C’est la première organisation internationale concernée par le statut de la diffusion
satellitaire. Elle est compétente en matière d’attribution des fréquences, de gestion de
coordination et de répartition du spectre.
Le premier texte international en matière de satellite a été édicté par l’UIT, il a été adopté
à Nairobi en 1982 et est entré en vigueur en 1984. Le but premier était l’utilisation la
meilleure possible du spectre de radiodiffusion. L’UIT distingue bien évidemment les
satellites de télécommunication des satellites de diffusion directe. En effet en ce qui concerne
ces derniers, l’autorisation d’usage des fréquences utilisées est de la compétence de l’instance
de régulation alors qu’en ce qui concerne les satellites de télécommunication ils relèvent de la
compétence du ministre des postes et télécommunications.
1
Regourd S. Droit de la communication audiovisuelle Paris PUF Droit fondamental droit politique et théorique
2001
2
www.itu.int/home/index-fr.html
9
Les services radioélectriques font l’objet des prescriptions du Règlement des
radiocommunications. Leur respect relève du contrôle de l’un des organes techniques
permanents de l’UIT : le comité international d’enregistrement des fréquences encore appelé
Radio Regulation Board qui a pour mission d’enregistrer les fréquences attribuées par les
Etats membres à leurs utilisateurs nationaux
et les positions orbitales assignées à leurs
satellites géostationnaires. Leur inscription sur le fichier de référence internationale des
fréquences permet la reconnaissance internationale de ces attributions et leur confère un droit
à la protection contre les brouillages.
En 1977 la conférence administrative mondiale de la radiodiffusion de Genève établit un
plan d’attribution équitable des fréquences pour l’ensemble des pays. La France se voit
reconnaître une position sur orbite géostationnaire, cinq fréquences et une ellipse de diffusion
directe couvrant la plus grande partie de l’Europe. C’est également à cette date qu’est crée
EUTELSAT (organisation européenne de télécommunications par satellite)3 : organisation
européenne intergouvernementale regroupant 48 pays signataires dont la France depuis 1986.
Eutelsat a été privatisée en 1998.
Cette conférence a déterminé une planification des fréquences qui est entrée en vigueur le
1er janvier 1979 pour une durée de 15 ans. Elle est juridiquement obligatoire pour tous les
Etats membres et se fonde sur le principe d’une couverture nationale. En effet les Etats
doivent respecter l’aire de rayonnement qui leur est attribué et réduire au maximum les
débordements sur les pays voisins. L’aspect très positif de cela est la grande égalité de
traitement des Etats dans l’accès à la diffusion satellitaire.
Le droit de l’espace, notamment le traité sur l’espace du 17 janvier 1967, énonce comme
principe que tout Etat doit pouvoir accéder librement à l’espace et mettre sur orbite des
satellites de communication cependant le traité précise que l’utilisation des satellites devra
être conforme au droit international et notamment à la charte des Nations Unies et ce pour
préserver la paix et la sécurité internationale. Un problème va se poser avec les satellites de
diffusion directe : en effet ce type de satellite permet de diffuser une multitude d’émissions
sans considération de frontières. Les satellites ignorent les frontières et empêchent les Etats de
contrôler les programmes diffusés sur leur territoire. La encore il y a confrontation de deux
3
Balle F. Médias et sociétés Paris Montchrestien 2003
10
principes d’un coté la libre circulation de l’information et de l’autre le respect de la
souveraineté étatique.
Le 15 novembre 1972, l’UNESCO a adopté une déclaration relative aux « principes
directeurs de l’utilisation de la radiodiffusion par satellite, pour la libre circulation de
l’information, l’extension de l’éducation et le développement des échanges culturels » dont le
principe est le consentement préalable de l’Etat récepteur des émissions ainsi diffusées et ce
afin de protéger la souveraineté des Etats et leurs identités culturelles.
L’assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution le 10 décembre 1982 qui
subordonne l’établissement d’un service de télévision directe à la conclusion d’un accord en
ce sens entre les Etats émetteurs et les Etats récepteurs. Le principe retenu est donc celui du
consentement préalable de l’Etat de réception. Le problème est que ces solutions n’ont pas de
vertu normative et sont contraires aux intérêts des principales puissances concernées.
Plusieurs des Etats disposant des capacités satellitaires en cause se sont opposés à cette
résolution.4
A travers cela on peut constater qu’il n’existe pas réellement de solution précise et
satisfaisante au niveau international. Il faut donc se pencher sur les règles du droit européen
qui encadrent le statut de la diffusion directe par satellite.
II/ LE DROIT COMMUNAUTAIRE
A. La convention européenne des droits de l'homme
La convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 dans son article 10
énonce comme principe que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit
comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations
ou des idées sans qu’il puisse y avoir d’ingérence d’autorités publiques et sans considération
de frontières. »
4
Regourd S. Droit de la communication audiovisuelle Paris PUF Droit fondamental droit politique et théorique
2001
11
Cependant le paragraphe deux de ce même article précise que : « L’exercice de ces
libertés peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions, ou sanctions prévues
par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité
nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre public et à la
prévention du crime, à la protection de la santé et de la morale, à la protection de la réputation
et des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour
garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
Bien que le principe de liberté de communication soit énoncé dans tous les textes
fondamentaux au niveau international, européen et national il n’en découle pas moins
quelques restrictions nécessaires à la protection de l’ordre public car la liberté d’expression et
de communication doit bien évidemment être garantie mais elle doit également être conciliée
avec d’autres grands principes qui sont notamment le respect de la vie privé5 et également la
présomption d’innocence6.
B. Les autres textes européens
En matière de droit européen d’autres textes plus spécifiques traitent du droit des
satellites.
Il y tout d’abord la convention européenne sur la Télévision transfrontière adoptée par le
comité des ministres du Conseil de l’Europe le 15 mars 1989, ratifiée par la France le 21
octobre 1994 et entrée en vigueur le 1er février 1995. Elle se réfère dans son préambule à
l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Elle concerne tous les types
de satellites émettant des programmes de télévision destinés à être reçu par le public en
général. Cette dernière a été créée pour faciliter la libre circulation des émissions télévisées
entre les Etats contractants.
D’autre part le conseil de l’Europe a voulu harmoniser les législations des Etats membres
concernant la télévision. La convention a été ouverte à la signature de tous les Etats membres
de l’Union Européenne ainsi qu’à d’autres Etats extérieurs invités par le conseil des ministres.
L’objectif essentiel de cette convention est la garantie de la liberté d’expression.
5
6
Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
CJCE Dudgeon 21/10/1981
12
Il faut préciser que l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme a été
réinterprété par la jurisprudence « Autronic AG » du 22 mai 1990 dans lequel la Cour
européenne des droits de l’homme a jugée que la liberté de réception des informations était
applicable à la réception des signaux diffusés par satellite et qu’aucun Etat n’avait le droit
d’imposer à ses citoyens le choix des satellites qu’ils peuvent capter avec une antenne
parabolique individuelle.
On peut donc conclure que la liberté de réception est établie indépendamment de la
distinction entre satellite de télécommunication et satellite de réception directe et que la
liberté de recevoir des informations s’étend à toute émission destinée au public en général. En
l’espèce la cour avait condamné une réglementation suisse qui interdisait la réception
d’émissions télévisées diffusées par un satellite russe.
La directive sur la Télévision Sans Frontières du 3 octobre 1989 modifiée le 30 juin 1997
régit quant à elle l’activité de télévision diffusée par voie hertzienne terrestre, par câble ou par
satellite. Elle fixe également des règles afin de veiller au respect du principe de la libre
expression et à celui de libre circulation des services. Son objectif est donc l’abolition, entre
les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des services. Elle a un double objectif :
la création d’un marché commun de l’audiovisuel et le développement d’une industrie de
programmes en Europe.
Elle constitue désormais le socle des législations nationales des Etats membres dans ce
domaine. Elle est fondée sur l’engagement des Etats membres à assurer « la liberté de
réception » sur leurs territoires respectifs « des émissions télévisées en provenance d’autres
Etats membres ». En contrepartie chacun s’engage à respecter les dispositions définies par la
directive. Cependant il est possible pour les Etats membres de créer dans leur législation des
restrictions à la libre circulation des émissions télévisées, dans la mesure ou elles ne sont pas
discriminatoires et sont justifiées par des motifs d’intérêt général7.
Au niveau de la réglementation le droit qui s’applique est celui du pays émetteur. Les
Etats ne peuvent s’opposer à la diffusion d’une émission provenant d’un autre Etat membre et
7
CJCE 18 mars 1980 Procureur du Roi contre Marc JVC Debauve et autres
13
conforme à la directive à moins d’invoquer des motifs justifiés. Les émissions captées dans
des Etats autres que les Etats membres ne sont pas concernées par cette directive.
Après s’être attaché aux dispositions du droit européen il convient désormais d’étudier les
dispositions spécifiques du droit français en la matière. Dispositions plus précises et plus
nombreuses dans ce domaine puisque le texte référence à savoir la loi du 30 septembre 1986 a
été modifiée de nombreuses fois et plusieurs décrets d’application sont également intervenus.
D’autre part la loi du premier août 2000 est venue combler un certain vide juridique.
14
Chapitre 2
Le droit français et les difficultés
à trouver une réglementation adéquate
I/ LE DROIT FRANÇAIS APPLICABLE
Suite à l’évolution des satellites et avec l’apparition des satellites de diffusion directe le
monopole que l’Etat détenait sur la télévision a été fortement contrarié. En effet, les tous
premiers satellites dits « de point à point » ne posaient pas vraiment de problèmes puisqu’ils
permettaient la liaison entre deux stations terrestres puissantes qui se chargeaient de
retransmettre l’information par voie classique, à savoir par signaux hertziens, câbles ou fils.
Ensuite sont apparus les satellites de télédistribution qui passaient eux aussi par
l’intermédiaire de distributeurs terrestres donc la encore pas d’atteinte au monopole.
Les choses vont changer avec la mise au point du satellite de diffusion directe qui permet
de transmettre plusieurs programmes directement à des récepteurs individuels sans passer par
l’intermédiaire des stations terrestres de retransmission. Chaque individu peut donc recevoir
librement des programmes produits à l’étranger et qui sont diffusés par un satellite étranger.
Les monopoles de programmation et de diffusion n’existent plus puisque les programmes
reçus ne sont pas ceux des sociétés nationales de programmes et ne sont pas diffusés par
l’établissement public de diffusion8. Le monopole d’Etat a pris fin par la loi du 29 juillet 1982
qui affirme dans son article premier : « La communication audiovisuelle est libre ». Libre
certes mais il a tout de même fallut établir certaines règles.
D’autre part, lorsque le démarrage du satellite a eu lieu en France au début des années
1980 est apparue la création des chaînes thématiques qui sont spécialisées autour d’un thème
et visent un public plus ciblé que celui des grandes chaînes généralistes. C’est à partir de 1982
que les chaînes thématiques ont fait leur apparition en France. Ce sont en effet les
programmes, argument commercial de première importance qui font le succès des réseaux
satellitaires : cela comprend les chaînes de télévision mais aussi d’autres services. Les chaînes
8
Debbasch C. Droit des médias Paris Dalloz 2002
15
du satellite ont permis une plus grande diversité de programmes. Plus de 100 chaînes ont été
conventionnées en 2003.
A. La loi du 30 septembre 1986
Le texte de référence en la matière est la loi numéro 86-1067 du 30 septembre 1986
modifiée a plusieurs reprises et tout dernièrement par la loi du 9 juillet 2004 relative aux
communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Dans son article 31, la loi de 1986 précise : « l’usage des fréquences de diffusion
afférentes à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite est autorisée par le Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel selon une procédure fixée par décret en Conseil d’Etat. Les
autorisations ne peuvent être accordées qu’à des sociétés. », « les obligations mentionnées à
l’article 27 de la présente loi ne s’appliquent pas aux services autorisés en vertu du présent
article, lorsqu’ils sont diffusés exclusivement en langue étrangère et sans sous titrage en
langue française. »
Initialement, les satellites concernés par cet article étaient ceux du type TDF-1 c'est-à-dire
un satellite de diffusion directe et non de transmission directe dont la forte puissance permet
leur réception par des antennes de faible diamètre dont le prix, peu élevé, permet leur
acquisition par des particuliers .
En outre, l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986 soumet à l’autorisation du CSA
l’usage des fréquences afférentes à la télévision par satellite de télévision directe alors que
l’article 24 de cette même loi impose la délivrance d’un agrément par le CSA et la signature
d’une convention pour utiliser des fréquences relevant du ministère des télécommunications.
Le satellite dès le début de son essor à tout de suite été contrôlé,. Entre 1985 et 1995, les
pouvoirs publics avaient tenté d’interdire les paraboles individuelles, et ce sous la pression de
certains lobbies. La naissance de la télévision par satellite remonte quand même aux années
1960 et plus précisément à l’année 1963, date des premières transmissions de programmes TV
par satellite en Europe. Cependant un grand laps de temps s’est écoulé entre cette date et la
période à laquelle le satellite a commencé à toucher le grand public.
16
La France, s’étant attardé sur l’introduction de nouvelles technologies, sera encore très en
retard sur ses voisins car une fois de plus l’impasse sera faite sur les nécessités commerciales
et l’offre en programmes. En effet l’accent est plus volontiers mis sur les prouesses techniques
plutôt que sur la diversité des programmes proposés aux utilisateurs.
La loi de 1986 opère la distinction entre les satellites de radiodiffusion et les satellites de
télécommunications. Les satellites de radiodiffusion sont, rappelons le, des satellites de
diffusion directe de forte puissance qui transmettent des signaux vers des stations de réception
individuelles de façon nationale ou continentale. Les satellites de distribution sont des
satellites de télécommunications de puissance moyenne qui transmettent des signaux entre des
stations sur des zones de diffusion nationale ou continentale. Les satellites de distribution
modernes permettent aussi la diffusion directe comme nous l’avons vu précédemment.
9
Les satellites de radiodiffusion directe utilisant des fréquences gérées par le CSA, le
diffuseur doit conclure un accord avec l’exploitant du satellite et solliciter une autorisation du
CSA dans le cadre d’une procédure d’appel aux candidatures prévu par un décret
d’application de l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986. Cette convention fixait les règles
particulières applicables au service en tenant compte de sa zone de desserte, de la part prise
dans le marché publicitaire, du respect de l’égalité de traitement entre les différents services et
des conditions de concurrence propre à chacun d’eux.
Les satellites de télécommunications qui eux n’utilisaient pas en principe des fréquences
gérées par le CSA, devaient alors conclure un accord avec l’exploitant du satellite et obtenir
une autorisation d’usage de la fréquence du ministère compétent et enfin une convention de
type câble avec le CSA.(au départ cela devait être un agrément du CSA pris sur la base d’un
décret d’application de l’article 24 de la loi de 1986 mais ce décret n’est jamais intervenu
d’où l’utilisation de la convention de type câble).
Le vide demeurait très important en matière de satellite, la loi de 1986 ne réglementait pas
réellement la diffusion par satellite et puis avec l’essor de ce dernier il a fallu édicter une loi
plus complète . Cela a été fait avec la loi du 1er août 2000.
9
Balle F. Dictionnaire des médias Larousse 1998
17
B. Les lois complétant ou modifiant la loi du 30 septembre 1986
La distinction entre les deux types de satellites n’ayant plus vraiment lieu d’être de part la
révolution numérique, la loi du 1er août 2000 a abrogé l’article 24 de la loi et a créé un régime
unique pour le satellite.
L’article 60 de la loi du 1er août 2000 refond le régime juridique applicable au satellite en
créant un article 34-2. Depuis la loi du 1er août 2000, le régime juridique des services de
télévision, diffusés par satellite de télécommunications est le suivant : « tout distributeur de
services qui met à disposition du public, par satellite, une offre de services de communication
audiovisuelle comportant des services de radiodiffusion sonore ou de télévision doit effectuer
une déclaration préalable auprès du CSA. Cette déclaration ne peut être présentée que par une
société. Le dossier doit comporter la composition et la structure de l’offre de services, ses
modalités de commercialisation, l’équilibre économique des relations avec les éditeurs de
services, la composition du capital de la société ainsi que tout accord de commercialisation du
système d’accès sous condition. Toute modification de ces éléments doit être préalablement
notifiée au CSA. Un décret en Conseil d’Etat va déterminer ensuite les proportions minimales
de service en langue française qui ne doivent pas être contrôlés ni par le distributeur ni par
l’un de ses actionnaires détenant au moins 5% de son capital, ni par la personne physique ou
morale qui contrôle au moins la moitié des services concernés et d’autre part ne doivent pas
être contrôlés par un distributeur de services. »10
La loi du 1er août 2000 soumet désormais aux mêmes dispositions les éditeurs de
programmes qu’ils soient distribués par câble ou par satellite. Le régime de la diffusion
satellitaire s’est aligné sur celui de la câblodistribution.
En outre, la loi du premier août 2000 interdit d’accorder une exclusivité de quelque sorte
que ce soit des chaînes publiques au sein du bouquet. Les chaînes du satellite sont soumises
tout comme les chaînes du câble à une obligation de must carry Il est interdit pour les deux
éditeurs de services français : Canalsatellite et TPS de privilégier une des chaînes publique au
détriment des autres. En effet les actionnaires de TPS sont TF1 à 66% et M6 à 34% : il n’est
pas possible pour TPS de faire prévaloir ces deux chaînes. L’obligation de must carry
implique l’obligation de diffuser les chaînes du service public.
18
De nombreux décrets d’application de la loi du premier août 2000 modifiant et complétant
la loi du 30 septembre 1986 sont intervenus. Le décret câble et satellite numéro 2002-140 du 4
février 2002 définit le régime de contribution à la production des chaînes françaises diffusées
par satellite sur la base d’un régime plus souple que celui des chaînes terrestres11. Les éditeurs
de services doivent consacrer chaque année au moins 16% de leur chiffre d’affaire annuel à
des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres audiovisuelles
européennes ou d’expression originale française, la part de cette obligation est fixée par la
convention sans pouvoir être inférieure aux trois quart du montant total de l’obligation (article
11 du décret)
D’autre part, pour l’ensemble des services il est prévu que les conventions puissent
assurer une progressivité des obligations de contribution à la production audiovisuelle et
cinématographique. Pour l’ensemble des services, les conventions peuvent fixer les modalités
selon lesquelles l’éditeur de services se conforme à ces obligations dans un délai n’excédant
pas 5 ans à compter de la conclusion de la première convention aux proportions d’œuvres
audiovisuelles sans que ces proportions puissent être inférieures à 50% pour les œuvres
européennes (article 18 du décret)12
Le décret du 22 décembre 2004 fixe les conditions dans lesquelles doit être assurée, par
les éditeurs de services de télévision, la retransmission exclusive des événements
d’importance majeure afin qu’une partie importante du public ne soit pas privée de la
possibilité de les suivre sur un service de télévision à accès libre. Il précise : « par
transposition de la directive télévision sans frontières du 3 octobre 1989, les événements
d’importance majeure ne peuvent être retransmis d’une manière qui prive une partie du public
de la possibilité de les suivre en direct ou en différé ».
D’autres décrets restent à prendre notamment concernant la proportion de chaînes
indépendantes par satellite : un décret devrait à la fois déterminer les conditions de cette
indépendance capitalistique et la proportion de chaînes indépendantes qui doit être diffusée.
11
Les chaînes européennes sont quant à elles soumises à un régime déclaratif et sont régies par la réglementation
de leur pays d’origine. (cf. articles 33 ; 33-1 ; 33-2 et 71 de la loi de 1986 modifiée).
12
Franceschini L. Infocom télévision et droit de la communication Paris Ellipses 2003
19
Un renforcement des moyens pour lutter contre la diffusion de programmes à caractère
raciste, xénophobe ou antisémite par satellite est fortement nécessaire. La loi s’attache à éviter
ce genre de dérives de la part des chaînes distribuées par satellite. Le législateur en effet
établit une liste de programmes interdits comme par exemple les programmes violents ou
racistes mais aussi les programmes incitant à la pornographie notamment enfantine. Une
nouvelle campagne de signalétique jeunesse a été adoptée par le CSA. La volonté actuelle est
de protéger la jeunesse contre certain types de programmes particulièrement choquant : les
chaînes satellitaires doivent respecter ces principes. Tout cela sera développé dans la seconde
partie de ce rapport.
Le CSA veille à ce que les programmes audiovisuels ne contiennent en rien des messages
d’incitation à la haine raciale ou à la violence. Il est d’ailleurs intervenu en 2003 à neuf
reprises auprès de différents opérateurs pour leur rappeler ces règles. Un problème persistait
tout de même à ce moment-là: plus de 150 chaînes extra-communautaires sont diffusées sur
Eutelsat sans être conventionnées ni en France ni dans aucun pays de l’Union.
En application de la directive télévision sans frontières, les chaînes établies hors de
l’Union diffusées par Eutelsat relèvent de la compétence de la France et doivent à ce titre être
conventionnées par le CSA et relèvent de la compétence de ce dernier. En février 2001 le
gouvernement français a approuvé les décrets d’application de la loi d’août 2000 selon
lesquels toutes les chaînes diffusées par satellite doivent être autorisées par le CSA.
Cependant le CSA ne dispose pas d’un pouvoir de sanction à l’encontre de ces chaînes et
la loi ne prévoit pas la possibilité pour lui d’engager une procédure à l’encontre des opérateurs
qui diffusent ces chaînes. Le CSA a réagit et amené le gouvernement à déposer à l’Assemblée
Nationale une série d’amendements tendant à mettre en place un dispositif juridique
établissant la responsabilité des opérateurs satellitaires dans le transport des chaînes non
conventionnées. De plus le CSA et Eutelsat ont décidé d’instaurer une coopération en vue de
recenser les chaînes de télévision non conventionnées diffusées par le biais d’Eutelsat et de
les mettre en conformité avec la législation européenne.
En 2004 sont intervenues deux nouvelles loi : la loi du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l’économie numérique et la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
20
La LCEN du 21 juin 2004 intitule son titre IV « Des systèmes satellitaires » et précise à
l’article 47 la définition des systèmes satellitaires : « tout ensemble de stations terriennes et
spatiales ayant pour objet d’assurer des radiocommunications spatiales et comportant un ou
plusieurs satellites artificiels de la Terre » dans l’article 48 elle précise le régime d’assignation
des fréquences. En France l’autorité nationale compétente est l’agence nationale des
fréquences (ANF).
L’article 57 de la loi du 9 juillet 2004 modifie la loi de 1986 en rétablissant l’article 31 et
en y insérant après l’article 30-5 un article 30-6 qui précise que « sous réserve des
dispositions de l’article 26 l’usage des fréquences de diffusion afférentes à la radio et à la
télévision par satellite est autorisé parle conseil supérieur de l’audiovisuel selon une
procédure fixée par décret en Conseil d’Etat. La durée des autorisations pour les services de
radio en mode numérique et de télévision ne peut être supérieure à dix ans et à cinq ans pour
les services de radio en mode analogique.»
Nous allons pour terminer cette première partie soulever certaines difficultés que l’on
rencontre en matière de diffusion par satellite.
II/ LES DIFFICULTÉS A TROUVER UNE RÉGLEMENTATION
ADÉQUATE
Nous avons pu constater qu’il existe bien une réglementation à la fois internationale,
européenne et française. Cependant il reste encore de nombreux problèmes qui n’ont pas été
réglés et qui paraissent difficiles à résoudre. En effet certaines chaînes ne respectent pas les
obligations de la loi française et sont pourtant diffusées en France par le biais du satellite. Il
est particulièrement difficile de trouver une réglementation adéquate et ce en raison de la
nature même de la diffusion par satellite.
Il est particulièrement difficile, de surcroît, d’exercer un contrôle efficace et total.
Certaines chaînes passent outre le contrôle du CSA et peuvent être diffusées en l’absence de
convention. Il arrive que des chaînes extra-communautaires qui doivent normalement pour
21
pouvoir être diffusées en France avoir obtenue une convention de la part du CSA, soit
diffusées en l’absence de convention et échappent donc à tout contrôle.
D’autre part les chaînes du satellite dérogent à certains principes applicables aux chaînes
hertziennes et notamment le défense de la langue française : en effet plusieurs chaînes du
satellite sont diffusées intégralement en langue étrangère. D’autant plus que comme nous
l’avons déjà évoqué la liberté de réception est totale il est donc impossible pour l’Etat
d’exercer un contrôle individuel.
Enfin en matière de responsabilité qu’en est il ? Il est ici question des contrats de diffusion
par satellite. Ces contrats sont passés entre les sociétés de programme d’une part et les
organismes spécialisés dans la gestion des capacités satellitaires d’autre part. Il faut noter que
jusqu’à la libéralisation complète du système des télécommunications c’est France Telecom
qui assure en France les fonctions d’intermédiaires entre les organismes des radiotélévision et
les sociétés gestionnaires de satellite. L’organisme de radio télévision demeure seul
responsable du contenu des programmes vis-à-vis de son cocontractant. Ce dernier n’assurant
qu’un service de transport n’étant, a priori, pas susceptible d’engager sa responsabilité vis-àvis des tiers. Toutefois l’organisme chargé de l’exploitation du satellite est responsable de
l’acheminement régulier du signal vers le satellite.13
De nombreuses failles dans la réglementation font que la plupart de ces problèmes restent
en suspend. Ils sont très difficiles à résoudre de part la nature même de la diffusion par
satellite qui dépasse largement les frontières et complique ainsi le contrôle. Nous allons donc
aborder ces différentes difficultés dans une seconde partie et montrer que grâce à la loi du 9
juillet 2004 certaines ont pu être en partie résolues.
13
Debbasch C. Droit des médias Paris Dalloz Dalloz référence 2002
22
PARTIE II
LES DIFFICULTES DU CONTROLE DES CHAINES
SATELLITAIRES
Il appartient au CSA, en vertu de la loi de 1986 consolidée de contrôler la diffusion et la
programmation des chaînes diffusées par les réseaux satellites français. Depuis la dernière
modification de la loi de 86, effectuée en 2004 (LOI n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux
communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle), le CSA a
quelque peu modifié les procédures permettant aux chaînes satellites d’être diffusées sur le
territoire français.
De plus, l’année 2004 a été marquée par « l’affaire Al Manar ». Cette chaîne
arabophone, diffusée en France par un opérateur français, a en effet commis plusieurs
infractions à la loi de 1986 modifiée. Le CSA a donc dû prendre les mesures nécessaires pour
que cela cesse. Cette affaire a mis en lumière les pouvoirs du Conseil supérieur de
l'audiovisuel vis-à-vis des chaînes extra-communautaires mais aussi les difficultés de leur
contrôle.
Dans le premier chapitre, nous examinerons les procédures de conventionnement et de
déclaration, modalités qui permettent au Conseil supérieur de l'audiovisuel de contrôler les
chaînes satellites. Puis nous étudierons les domaines de compétence du Conseil supérieur de
l'audiovisuel en matière de réglementation des programmes des chaînes satellitaires. Ces
dernières sont soumises aux mêmes obligations que les chaînes hertziennes, mais bénéficient
parfois de quelques aménagements.
Le second chapitre nous amènera à étudier différents cas de jurisprudence. A travers
ceux-ci nous verrons que si le contrôle du CSA sur les chaînes satellites est efficace, il
présente pourtant certaines limites. Pour ce faire nous examinerons en détail l’affaire Al
Manar, et montrerons pourquoi et comment le CSA a été amené à interdire la diffusion de la
chaîne en France. Nous nous pencherons ensuite sur quelques décisions du Conseil prises à
l’encontre de chaînes diffusées par satellite. Celles-ci nous amènerons à voir les possibilités
de contournement de la réglementation des programmes satellitaires.
23
Chapitre 1
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
organe de contrôle par excellence
I/ LES PROCÉDURES DE CONVENTION ET DE DECLARATION
Pour mettre en œuvre le contrôle des chaînes diffusées par satellite, le Conseil supérieur
de l'audiovisuel doit au préalable autoriser leur diffusion. Mais cela ne suffit pas. Comme
pour toute chaîne diffusée en France, elles sont soumises au principe du conventionnement.
Ce principe peut toutefois être assoupli à un simple régime déclaratif dans certains cas. Ainsi,
après avoir étudié les critères qui permettent de savoir si la chaîne doit être déclarée ou
conventionnée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, nous étudierons le contenu du dossier
de demande que doivent remplir les chaînes.
A. Les conditions nécessaires à l’obtention de l’autorisation
1. L’autorisation de l’usage des fréquences afférentes à la télévision par satellite
La loi du 30 septembre 1986 modifiée et la loi du 2 août 2000 organisent le contrôle des
chaînes diffusées par satellite. Il incombe à l’autorité de régulation de mettre en œuvre ce
contrôle. Ainsi, en vertu de l’article 30-6 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, l’usage des
fréquences de diffusion par les télévisions satellites est autorisé par le Conseil supérieur de
l'audiovisuel. Il s’agit d’une autorisation pour une durée maximale de dix ans.
L’autorisation d’émettre est soumise à des impératifs prioritaires, posés à l’article 29 de la
même loi. Ainsi l’autorisation doit être accordée au regard du pluralisme des courants de
pensée et d’opinion, de la diversification des opérateurs, et de l’existence d’une libre
concurrence entre les acteurs du marché. De plus, le conseil doit tenir compte de l’expérience
du candidat dans le domaine de la communication, des moyens de financements et
d’exploitation du service ainsi que des éventuelles parts que le candidat pourrait détenir dans
des entreprises de presse ou des régies publicitaires.
24
Ce principe d’autorisation d’émettre est couplé au principe du passage d’une convention
entre l’éditeur du service et l’autorité régulatrice des programmes. En ce qui concerne les
chaînes du satellite, la règle est quelque peu différente. En effet, certaines chaînes,
correspondant à des cas de figure bien précis et déterminés par le législateur peuvent
bénéficier d’un simple régime déclaratif.
2. Les critères déterminant le régime de conventionnement ou de simple
déclaration
Les articles 33 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée soumettent tous les
services diffusés par des réseaux n’utilisant pas les fréquences assignées par le Conseil
supérieur de l'audiovisuel à un régime de conventionnement. Mais ces articles posent aussi un
certain nombre d’exceptions.
D’une part, le conventionnement n’est pas nécessaire si la chaîne consiste en la reprise
intégrale et simultanée :
- d’une chaîne publique appartenant au groupe France Télévision (c'est-à-dire France 2,
France 3, France 4, France 5 et Arte), de la chaîne parlementaire Public Sénat ou de la chaîne
publique européenne. En effet, ces services sont créés par la loi, et donc non soumis au
principe d’autorisation.
- d’une chaîne qui bénéficie déjà d’une autorisation d’émettre sur la voie hertzienne. Par
exemple, pour être reprise sur le bouquet satellite TPS, la chaîne privée TF1 n’a pas eu à
repasser une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel14.
D’autre part, la diffusion de certains services ne nécessite pas l’établissement d’une
convention mais d’une simple déclaration auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le
régime déclaratif s’applique :
- aux services de télévision dont le budget annuel est inférieur à 150 000 .
- aux services de télévision relevant de la compétence d'un autre État membre de l'Union
européenne ou d'un État signataire de l'accord sur l'Espace économique européen (E.E.E.) ou
d’une Etat ayant ratifié la Convention Télévision transfrontière, et qui souhaitent être repris
14
Toutefois si la reprise a pour effet de faire passer la population de la zone desservie par un service de
télévision locale à plus de 10 millions d’habitants, une convention sera nécessaire. Mais ce cas de figure
intéresse plutôt les chaînes distribuées par le câble que celles diffusées par les satellites.
25
sur un réseau satellite français. Cette disposition découle des principes posés par la Directive
Télévision Sans Frontière, notamment celui de la liberté de réception. C’est ainsi que la
chaîne sud-coréenne Arirang TV (donc extra-européenne) s’est vu soumise au simple régime
déclaratif car elle bénéficiait d’une autorisation d’émettre délivrée par l’autorité de régulation
slovaque.
En fait, il faudra établir une convention pour les services de télévision qui utilisent ou
souhaitent utiliser une capacité satellitaire française, (ce qui est le cas pour les satellites de la
société Eutelsat), mais dont l’éditeur n’est pas établi ou ne dispose pas d’une licence délivrée
dans :
- un Etat membre de l’Union européenne
- un pays partie à l’accord sur l’Espace Economique Européen
- un pays ayant ratifié la convention européenne Télévision transfrontière
En effet, ces services relèvent, pour leur diffusion en France et en Europe, de la
compétence de la France. Il incombe donc au Conseil supérieur de l'audiovisuel de leur faire
appliquer la réglementation des programmes prévue par la loi française. Le conseil a adopté
une convention type pour ces chaînes dites « extra européennes »15.
Chaque éditeur de chaîne satellite souhaitant émettre en France doit donc déposer
obligatoirement un dossier auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel. En effet, avant la loi
du 9 juillet 2004 qui tente d’éclaircir les différents cas de figure (notamment en créant des
chaînes « extra-européennes »), certaines chaînes étaient reprises sur les bouquets satellites
français sans s’être fait connaître auprès du CSA.
B. Le contenu du dossier à présenter
1. La déclaration d’une chaîne de télévision européenne en vue de sa diffusion par
satellite
Comme nous l’avons dit, les éditeurs de télévision relevant de la compétence d'un État
membre de l'Union européenne ou d'un État signataire de l'accord sur l'Espace économique
européen doivent, préalablement à la mise à la disposition desdits services au sein d’une offre
15
Cf. chapitre 2
26
d’un distributeur par satellite, avoir fait l’objet d’une déclaration auprès du CSA. La
déclaration est effective à compter de la délivrance par le CSA, dans un délai d’un mois
suivant la réception de la déclaration, d’un récépissé.
La déclaration comporte les éléments suivants :
- une identification de la personne morale éditant le service (statuts de la personne morale,
montant et répartition du capital, participations dans le secteur audiovisuel, dans le secteur des
télécommunications et de la presse écrite)
- conditions de l'autorisation délivrée : durée, lieu d’établissement de l’éditeur, autorité
ayant délivrée l’autorisation
- descriptif général du service : nature de la programmation (généraliste ou thématique)
- à titre d'information : durée quotidienne de programmation, recours aux émissions de
téléachat (types de produits, notamment s'il s'agit de médicaments ou de traitements
médicaux), conditions d'accès (crypté ou en clair)
2. Le dossier de demande de conventionnement
Afin de se faire connaître auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les chaînes doivent
déposer un dossier de demande. C’est sur la base des renseignements fournis dans ce
document que le Conseil déterminera si le service relève de la procédure de
conventionnement ou de la procédure de déclaration. Il est donc important que le dossier
comporte une présentation claire et une justification de la nature de la programmation mais
aussi des hypothèses financières retenues. Le Conseil se prononce sur la demande de
conventionnement ou de déclaration dans un délai de 2 mois à compter de la réception du
dossier complet.
Ainsi, la personne morale éditant le service doit être clairement identifiée. Les statuts de la
société ou de l’association ou encore de l’établissement public doivent être fourni. Le Conseil
doit pouvoir rechercher les coupables en cas d’infraction à la législation française, c’est
pourquoi il demande à ce que lui soit fourni une composition détaillée des organes de
direction.
En ce qui concerne les moyens de financement, le Conseil réclame deux grandes
catégories de renseignements. D’une part, les origines des ressources de la société éditrice
27
(répartition des capitaux de départ, ressources publicitaires, prix de vente au distributeur,
montant de l’abonnement pour le public etc.). D’autre part, le Conseil souhaite connaître la
destination des financements (dépense par catégorie de programmes, frais de diffusion,
charges de personnel etc.) Ces renseignements ont pour base légale l’article 30-6 cité plus
haut. Le Conseil se doit d’autoriser des opérateurs ayant une bonne santé financière et qui
respectent les règles de concurrence16.
Le CSA doit aussi posséder des informations concernant le mode de diffusion17 envisagé
et la programmation du service. L’éditeur doit lui fournir une grille des programmes sur une
semaine (horaires, thèmes, durée des émissions, rediffusions éventuelles). C’est de cette
manière que le Conseil peut faire appliquer la réglementation des programmes en matière de
pluralisme, de publicité, de protection des mineurs, de production et de diffusion des œuvres
cinématographiques et audiovisuelles, et de respect de la langue française.
Grâce à cette multitude de renseignements, à la fois techniques et financiers, le Conseil
pourra se prononcer sur le régime applicable. Ainsi, par exemple s’il s’avère que la chaîne
présente un budget de fonctionnement inférieur à 150 000, elle pourra faire l’objet d’une
simple déclaration. Ensuite, à partir de la grille de programme, le Conseil établira la
convention nécessaire, contenant les clauses applicables au type de la chaîne souhaitant être
conventionnée. Nous verrons en détail ces obligations contenues dans la convention dans la
section suivante.
II/ LA RÉGLEMENTATION DES PROGRAMMES DES CHAÎNES
DIFFUSÉES PAR SATELLITE
L’article 33 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée précise le contenu des conventions.
Elles doivent établir la durée d’applicabilité de la convention. Elles doivent aussi établir les
règles générales de programmation. Elles doivent surtout contenir les règles applicables en
matière de publicité et de parrainage, de protection des mineurs, de production et de diffusion
d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques, et les dispositions propres à assurer le respect
16
C’est ainsi que l’on demande aussi à l’opérateur s’il possède des intérêts financiers dans d’autre groupes
audiovisuels ou dans la presse écrite.
28
de la langue française. Ces conventions précisent également les prérogatives et les pénalités
contractuelles dont disposent le CSA.
Le décret 2002-140 pris en application de l’article 33 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée présente les dispositions de contrôle des programmes. Les chaînes du satellite
doivent respecter la même réglementation que les chaînes hertziennes. Cependant, les chaînes
dites « thématiques » diffusées sur les bouquets français présentent certaines spécificités qui
rendent obligatoires certains aménagements des règles en vigueur.
A. Dispositions communes à toutes les chaînes
1. La publicité et le parrainage
Le CSA a une mission de contrôle sur l'objet, le contenu et les modalités de
programmation des émissions publicitaires au moment de leur diffusion. Le Conseil a de
nombreux motifs d'intervention, fondés sur le non-respect de la réglementation. Ainsi, la
diffusion de messages pour des secteurs interdits de publicité télévisée est prohibée, pour des
raisons déontologiques ou économiques. Il en va de même pour le recours à des pratiques
relevant de la publicité clandestine.
Le Conseil est en outre particulièrement attentif aux modalités d'identification et
d'insertion des écrans publicitaires dans les programmes. Il s'assure ainsi que les diffuseurs
respectent les règles relatives à l'interruption des œuvres cinématographiques et
audiovisuelles. Il contrôle le temps d'antenne consacré à la programmation de messages
publicitaires et intervient auprès des chaînes en cas de dépassement de la durée maximale de
publicité fixée par les conventions des opérateurs.
Le Conseil contrôle aussi les parrainages. Il s’agit d’une pratique commerciale de plus en
plus fréquente. Les annonceurs parrainent une émission, c'est-à-dire participent à une partie de
son financement en échange d’un encart publicitaire pour leur marque, au début et à la fin du
programme. Parfois même, les programmes sont livrés « clé en main » aux chaînes qui n’ont
plus qu’à le diffuser tel quel. C’est le cas notamment, sur la chaîne Filles TV, du mini
programme « Passion Surfeuse » entièrement financer par la marque Gilette ( !). Cette
17
Par exemple le satellite et la norme de diffusion utilisée, ou le système de cryptage
29
pratique est strictement encadrée. Suite à des plaintes des téléspectateurs le Conseil mène
actuellement une étude sur le sujet.
2. La protection des mineurs
La nécessité de protéger les enfants et les adolescents de la vision de programmes
télévisés susceptibles de nuire à leur épanouissement a fait l'objet de dispositions particulières
en France dès les années 70. C'est l'une des missions essentielles que l'article 15 de la loi
relative à la liberté de la communication a confiée au CSA.
Le 5 mai 1989, le Conseil a élaboré une directive selon laquelle les chaînes doivent veiller
à ne pas diffuser d'émissions pour la jeunesse comportant des scènes de nature à heurter la
sensibilité du jeune public. Les chaînes doivent également veiller à programmer aux heures de
grande écoute des émissions destinées au public familial.
Cette directive demande en outre aux diffuseurs de ne pas programmer avant 22h30 de
films interdits aux moins de 16 ans, ni des séquences à caractère érotique ou pouvant inciter à
la violence. Ils doivent par ailleurs avertir les téléspectateurs, sous une forme appropriée, de la
diffusion d'émissions susceptibles de heurter leur sensibilité, notamment celle des enfants et
des adolescents. Parallèlement, le Conseil a demandé à chaque chaîne de mettre en place un
comité de visionnage.
Constatant que le niveau de représentation des violences à l'écran dans les fictions était
particulièrement élevé et que ces représentations faisaient partie des préoccupations premières
du public en matière de télévision, le CSA a mis en œuvre un système de classification des
œuvres au regard de la protection de l'enfance et de l'adolescence, visible à l'écran. Il s’agit de
la signalétique jeunesse. Tout d’abord mise en place par les grandes chaînes hertziennes, la
signalétique s’est étendue aux chaînes diffusées par satellite en mars 2000.
La signalétique jeunesse délivre des recommandations pratiques en termes d’âge grâce à
des pictogrammes précisant la catégorie de personnes à qui le programme est déconseillé ou
interdit. Les programmes classés en catégorie I sont pour tous publics et ne nécessitent aucun
pictogramme particulier. Les programmes de catégorie II sont déconseillés aux moins de 10
ans, ceux de catégorie III sont interdits aux moins de 12 ans car ils comportent des scènes de
30
violence physique ou psychologique pouvant heurté la sensibilité du jeune publique. Les
émissions classées en catégorie IV sont interdites aux moins de 16 ans. Il s’agit de
programmes à caractère érotique ou violent susceptibles de nuire à l’épanouissement physique
mental ou moral des moins de 16 ans.
Le CSA a, le 15 décembre 2004, adressé une recommandation aux éditeurs et aux
opérateurs de bouquets satellite diffusant des programmes de catégorie V. En effet, ils
comportent dans leurs offres des chaînes dites « cinéma » ou des services de paiement à la
séance, autorisés à diffuser des films pornographiques18. Ces chaînes ne peuvent diffuser ces
programmes ni dans les parties en clair ni entre 5h et 24h et doivent respecter les dispositions
législatives relatives à la protection des mineurs. À cet effet, l'éditeur s'assure que ces
programmes ne sont diffusés que par des opérateurs satellites ayant mis en œuvre un dispositif
technique, opérationnel sur l'ensemble des terminaux d'accès, subordonnant tout accès à un
programme de catégorie V à la composition d’un code personnel19.
Enfin, notons que les chaînes jeunesse et les chaînes musicales font l’objet d’une
réglementation stricte. Ainsi, les chaînes destinées aux touts petits (TiJi, Playhouse Disney) et
celles qui ne diffusent que des programmes d’animation et de fiction destinés aux enfants
(Disney Channel, Toon Disney) ne programment aucune œuvre susceptible d'être classée dans
une catégorie supérieure à la catégorie I et sont donc dispensées de la mise en œuvre de la
signalétique. Les chaînes pour enfants qui s’adressent à un public large (Fox Kids, Canal J,
Télétoon) doivent avertir le public lorsque certains programmes destinés aux plus grands (912 ans) risquent de perturber les plus jeunes.
B. Les dispositions spécifiques aux chaînes du satellite
1. La contribution au développement des œuvres cinématographiques et audiovisuelles
a. Production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles
Des obligations relatives à leur investissement dans la production d'œuvres audiovisuelles
et cinématographiques européennes et d'expression originale française sont imposées aux
chaînes.
18
Le CSA a adopté, le 21 octobre 2003, un dispositif conventionnel destiné aux chaînes qui diffusent des
programmes pornographiques ou de très grande violence comme la chaîne XXL ou les canaux de Kiosque
(Canalsatellite) qui proposent des films érotiques à toute heure du jour, en paiement à la séance.
31
Toutes les chaînes, quel que soit leur support (hertzien, câble ou satellite), dont l'objet
principal n'est pas la diffusion d'œuvres cinématographiques et qui diffusent au moins 52
œuvres cinématographiques de longue durée par an doivent investir un minimum de 3,2 % de
leur chiffre d'affaires net de l'année précédente dans des films européens. 2,5 % du chiffre
d'affaires doivent être consacrés à des films d'expression originale française. Les chaînes du
satellite, pour lesquelles ces obligations sont récentes, peuvent bénéficier d'une montée en
charge de leurs dépenses.
En ce qui concerne les chaînes de cinéma du satellite, leurs acquisitions de droits de
diffusion doivent représenter les proportions suivantes de leurs ressources totales annuelles de
l'exercice en cours : 21 % pour les œuvres européennes (26 % s'il s'agit d'un service de cinéma
de premières diffusions) et 17 % pour les œuvres d'expression originale française (22 % s'il
s'agit d'un service de cinéma de premières diffusion). Leur convention doit, comme celle de
Canal+, contenir une clause de diversité. Elle peut en outre prévoir une montée en charge de
ces dépenses.
La convention des chaînes de paiement à la séance, quant à elles, doit fixer la part de leurs
ressources qui doit être consacrée à l'achat de droits de diffusion d'œuvres
cinématographiques européennes ou d'expression originale française ainsi que la part de ces
dépenses devant être consacrée à la production indépendante. La convention doit également
prévoir le taux de rémunération versé aux ayants droits des œuvres cinématographiques.
b. Les quotas de diffusion d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques
Aux termes de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et des articles 7, 13 et
14 du décret n°90-66 modifié, les chaînes sont tenues de diffuser au moins 60 % d'œuvres
cinématographiques et 60 % d'œuvres audiovisuelles européennes d'une part, au moins 40 %
d'œuvres cinématographiques et 40 % d'œuvres audiovisuelles d'expression originale
française d'autre part. Ces proportions doivent être atteintes tant sur l'ensemble de la diffusion
qu'aux heures de grande écoute
19
Il s’agit du « Code parent ». A la place du programme érotique il y a un écran noir. Puis au bout de quelques
secondes un bandeau apparaît demandant de composer un code pour accéder au film.
32
Pour les chaînes du satellite, les seuils de diffusion d'œuvres audiovisuelles mentionnés cidessus peuvent être atteints en plusieurs années, selon une montée en charge. En outre, les
chaînes du câble et du satellite disposent de la possibilité de voir leurs quotas de diffusion
abaissés en contrepartie d'un engagement dans la production indépendante inédite
d'expression originale française, sans toutefois que le seuil de 50 % de diffusion d'œuvres
européennes (minimum fixé par la directive européenne Télévision sans frontières) puisse être
remis en cause.
Les chaînes de cinéma et les chaînes de paiement à la séance ne peuvent diffuser chaque
année plus de 500 films de long métrage. Les services de cinéma ne peuvent diffuser plus de
sept films par période de trois semaines. Une huitième diffusion peut intervenir à la condition
d'être accompagnée d'un sous-titrage destiné spécifiquement aux personnes sourdes et
malentendantes.
En ce qui concerne les services de cinéma, aucun film ne peut être diffusé le vendredi de
18h à 21h, le samedi de 18h à 23h et le dimanche de 13h à 18h. Les services de cinéma de
premières diffusions ne peuvent en outre diffuser aucun film le mercredi de 13h à 21h.
2. La promotion de la langue française
Il incombe au CSA, en application de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986
modifiée, de veiller «à la défense et à l'illustration de la langue française» dans la
communication audiovisuelle. Le Conseil s'attache à remplir cette mission en veillant au
respect des obligations envers la langue française inscrites dans les conventions. Cependant,
certaines chaînes satellites, pourtant diffusées en France, ne sont pas françaises. Leurs
programmes sont donc conçus dans la langue de leur pays d’origine.
Pour les chaînes soumises à régime déclaratif, c'est-à-dire les chaînes européennes ou
autorisées par un pays membre de l’UE, de l’E.E.E. ou signataire de la Convention Télévision
transfrontière la question ne se pose pas. Elles sont autorisées à émettre des programmes en
France dans leur langue d’origine mais doivent respecter les quotas de diffusion d’œuvres
européennes. On ne leur applique toutefois pas les quotas de diffusion d’œuvre françaises.
33
Par contre, certaines dispositions particulières sont applicables aux éditeurs de services de
télévision dites « extra-communautaires », entièrement ou partiellement émis dans une langue
autre que celle des Etats membres de l'UE, de l'E.E.E. ou signataires de la convention
européenne sur la Télévision transfrontière.
Lorsque la convention prévoit la diffusion totale ou partielle du service dans une langue
non européenne inscrite dans la convention du service, et les règles relatives aux obligations
de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ne sont pas applicables :
- à la part des programmes diffusés dans une autre langue que celles des Etats membres de
l'Union européenne ou signataires de l'accord sur l'Espace économique européen sur le
territoire de l'un de ces Etats ;
- à la part des programmes diffusés dans une autre langue que celles des Etats parties à la
convention européenne sur la télévision transfrontière sur le territoire de l'un de ces Etats.
34
Chapitre 2
Les limites au contrôle des chaînes satellites
Les chaînes satellites sont donc encadrées au même titre que les chaînes hertziennes
malgré quelques aménagements. Pourtant, Christian Estrosi, député des Alpes-Maritimes, a
attiré l’attention sur l’insuffisance des moyens dont dispose le CSA afin de contrôler certains
programmes diffusés par satellite par des chaînes de télévision étrangères. Que peut faire le
CSA pour lutter contre la diffusion d’émissions incitant à la violence pour des raisons de
religion, de mœurs, de sexe ou de nationalité par le biais d’opérateurs satellitaires ?
C’est pourquoi la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle, donne au CSA les pouvoirs nécessaires au contrôle
effectif des chaînes d’origine extracommunautaires relevant de la compétence de la France.
Pouvoirs que l’autorité de régulation a pu mettre en œuvre à l’automne 2004 lorsque la chaîne
Al Manar lui a posé des difficultés. Cette affaire a poussé le Conseil supérieur de l'audiovisuel
à mettre en place une nouvelle convention type pour les chaînes dites « extra-européennes ».
Au-delà de cette affaire qui a fait grand bruit dans le milieu des médias, le Conseil
supérieur de l'audiovisuel effectue quotidiennement des contrôles des chaînes satellites. Il
entreprend des procédures de sanctions et parfois même sanctionne ces chaînes. La
jurisprudence est donc abondante, mais nous verrons que même dans ces procédures plus
classiques, le Conseil se trouve parfois face à des limites.
I/ LE PROBLÈME DES CHAÎNES « EXTRA EUROPÉENNES »
Depuis la loi modificative du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et
aux services de communication audiovisuelle, le CSA bénéficie de nouvelles prérogatives visà-vis des chaînes extra-communautaires relevant de la compétence française. Jusqu’alors,
celles-ci pouvaient être diffusées en France sans faire l’objet d’aucune convention. On se
trouvait véritablement face à un vide juridique. Comment contrôler une chaîne dont on ne
connaît même pas l’existence, du moins du point de vue juridique ?
35
Désormais le Conseil peut obtenir de la part des opérateurs de réseaux satellitaires « toutes
les informations nécessaires à l’identification des éditeurs de services de télévision
transportés ». De plus, le CSA a la possibilité, par la voie du référé administratif, de faire
cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire relevant de la compétence de la France, de
programmes qui porteraient atteinte aux principes fondamentaux encadrant l’exercice de la
liberté de communication. Enfin le régime des sanctions administratives a été étendu aux
opérateurs de réseaux satellitaires.
Ces mesures permettent au CSA d’exercer un contrôle effectif sur les chaînes diffusées
par les satellites relevant de la compétence de la France. C’est ainsi que le Conseil a pu
utiliser toutes les possibilités de recours dans le cas de la chaîne Al Manar.
A. Le cas Al Manar
1. Le rappel des faits
Le 1er juillet 2004 le CSA a saisi le président de la section du contentieux du Conseil
d’Etat d’une requête en référé tendant à ce qu’il soit ordonné à Eutelsat (société de droit
français) de faire cesser la diffusion de la chaîne libanaise Al Manar. Le Conseil a fait valoir
que les programmes de la chaîne portaient atteinte aux principes des articles 1er et 15 de la loi
du 30 septembre 1986 modifiée. En effet la chaîne a notamment diffusé des émissions
intitulées « Flambeau sur la route de Jérusalem » ou « Princes du Paradis », glorifiant les
actions kamikazes contre la communauté juive.
Le président de la section du contentieux du conseil d’Etat répond dans son ordonnance en
date du 20 août 2004 qu’à défaut de présentation d’une demande de conventionnement,
Eutelsat devra faire cesser au plus tard le 30 novembre 2004 la diffusion sur ses satellites des
services de télévision d’Al Manar. En effet, Eutelsat émettait Al Manar en France sans
qu’aucune procédure de conventionnement n’ait été engagée.
Pour se mettre en conformité avec le droit français, la chaîne décide d’engager une
procédure de conventionnement. Le 21 septembre 2004, le CSA est saisi d’un dossier complet
de demande de conventionnement par la société Lebanese Communication group qui édite le
service Al Manar
36
Après avoir procédé à l’examen de la demande de conventionnement de la chaîne, le
Conseil adopte un projet de convention comportant des stipulations rigoureuses en matière de
déontologie des programmes. Il est à noter que la convention n’est accordée que pour un délai
d’un an. De plus, il est stipulé que la signature de la convention implique que la chaîne ne
diffuse plus de programmes contraires à la législation française sur le signal empruntant un
satellite relevant du droit français.
La convention est signée par la société Lebanese Communication group le 19 novembre
2004 et entre en vigueur à la même date. Elle implique que la chaîne s’engage à respecter les
principes énoncés dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée et donc à concilier sa ligne
éditoriale avec les normes qui gouvernent le droit français et européen de l’audiovisuel.
Cependant la chaîne ne respecte pas ces principes, et par là même son engagement, et
continue de diffuser des programmes incitant à la violence et à la haine raciale. Ainsi, dès le
23 novembre, lors d’une revue de presse, un expert soutien que des « tentatives de
transmission volontaire de maladies graves avaient été commises par les sionistes ». La ligne
éditoriale de la chaîne Al Manar reste inconciliable avec les principes du droit de
l’audiovisuel et constitue un risque pour la sauvegarde de l’ordre public, en France même.
C’est pourquoi le CSA estime qu’il doit être mis fin à la diffusion de cette chaîne.
2. La solution du Conseil d’Etat
En vertu de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « En cas de
manquement aux obligations résultant de la présente loi [...] le président [du Conseil supérieur
de l'audiovisuel] peut demander en justice qu’il soit ordonné à la personne qui en est
responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l’irrégularité ou d’en
supprimer les effets. » De plus, depuis la loi modificative du 9 juillet 2004, cette action en
justice « peut avoir pour objet de faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d’un
service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent
atteinte à l’un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 ». Enfin, l’article
précise qu’il appartient au Conseil d’Etat de se prononcer et que sa décision est
« immédiatement exécutoire ».
37
C’est ainsi que le 13 décembre 2004 le président de la section contentieux du Conseil
d’Etat rend sa décision. Il constate que les émissions de la chaîne portent atteinte aux articles
1er, 3-1 et 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. Ces manquements sont « d’une
particulière gravité » selon le Conseil d’Etat. De plus, il note qu’en dépit des nombreux
avertissements adressés à la chaîne elle n’a pas modifié sa ligne éditoriale.
Le Conseil d’Etat enjoint à la société Eutelsat « de prendre toutes les dispositions à l’effet
de faire cesser [...] la diffusion sur ses satellites des services de télévision Al Manar. Il assorti
son ordonnance d’une astreinte de 5 000 par jour de retard. La diffusion de la chaîne a cessé
le 17 décembre.
B. L’établissement d’une convention type pour les chaînes « extracommunautaires »
1. Les stipulations de la convention
Cette affaire met en relief le problème de la réglementation de la diffusion des chaînes
satellitaires en Europe. Elle a forcé le Conseil supérieur de l'audiovisuel à se pencher sur un
renforcement des règles de diffusion des chaînes extracommunautaires. D’autant que la
France est dans une position plutôt délicate. Eutelsat est l’opérateur le plus puissant en
Europe, il est donc de ce fait systématiquement sollicité par les chaînes non européennes.
C’est donc sur la France que repose la responsabilité de leur conventionnement.
C’est ainsi que la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 9 juillet 2004 prend en
compte ce problème et crée une véritable législation pour les chaînes extra-européennes,
comme nous l’avons vu plus haut. Désormais, plus aucun de ses services ne peut être diffusé
en France sans avoir fait l’objet d’une procédure de conventionnement auprès du CSA.
Pour rendre cette procédure plus aisée, et ainsi éviter une deuxième affaire Al Manar (qui
a, ne l’oublions pas, posé quelques problèmes diplomatiques), le Conseil a élaboré une
convention type. Celle-ci se compose de cinq parties.
La première partie est consacrée à la mise en évidence de l’objet de la convention et à la
présentation de l’éditeur. Le CSA rappelle que la société qui s’apprête à souscrire à la
38
convention relève du droit français et doit donc le respecter. De plus, l’autorité de régulation
veut connaître la société éditrice, son siège social et la composition de son capital, pour qu’en
cas de poursuites, les responsables soient facilement identifiables.
La deuxième partie énumère un certain nombre de conditions que l’éditeur s’engage à
respecter. Il s’agit notamment d’établir la responsabilité éditoriale, et de rappeler
l’engagement de l’éditeur à respecter les recommandations prises par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel en application des articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986. De plus, la
convention présente les obligations déontologiques que l’éditeur doit respecter. Il s’agit de ne
pas porter atteinte à la dignité de la personne humaine, de ne pas inciter à la violence ou à la
haine, de ne pas diffuser de programmes pouvant entraîner des troubles à l’ordre public, de
respecter la législation française en matière de droits de la personne, et de veiller à l’honnêteté
de l’information et à la protection de l’enfance.
La troisième partie indique que l’éditeur doit fournir une grille des programmes. Si celleci fait l’objet de modifications substantielles, le Conseil doit en être tenu informé.
La quatrième partie rappelle les pouvoirs de contrôle des programmes dont dispose le
Conseil supérieur de l'audiovisuel et les sanctions auxquelles l’éditeur s’expose s’il ne
respecte pas les règles précisées par la convention. Ainsi, l’éditeur risque la suspension de la
distribution du service pour un mois, ou la réduction de la durée de la convention, ou une
sanction pécuniaire et dans les cas les plus graves, la résiliation unilatérale de la convention.
La cinquième partie stipule que la convention peut être conclue pour une durée de cinq
ans maximum20, qu’il est possible de la modifier et que les dispositions législatives et
réglementaires françaises qui pourront intervenir, postérieurement à la signature de cette
convention, pourront être applicables à l’éditeur.
2. Les limites de la convention
On le voit, l’exemple d’Al Manar a échaudé le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui
prévoit désormais la plupart des cas de figure pour ses prochaines conventions avec une
39
chaîne extra européenne diffusée par un opérateur français21. Cette dernière précision est
importante car il faut rappeler que le Conseil ne peut faire signer cette convention qu’à des
chaînes diffusées par Eutelsat.
En revanche, si elles choisissent de passer par un autre satellite, plus aucun contrôle n’est
possible. Et c‘est ce qui se passe pour Al Manar, qui malgré l’interdiction de diffusion par
Eutelsat, est toujours visible sur notre territoire. En effet, par un simple réglage de sa parabole
vers les faisceaux de Arabsat, réseau satellitaire qui continue de diffuser Al Manar, on peut
capter la chaîne. Ainsi, bien que le Conseil supérieur de l'audiovisuel ait mis toutes les
chances de son côté, les chaînes qui souhaiteront contrevenir à la législation française
pourront passer entre les mailles du filet tout simplement en se faisant distribuer par un autre
réseau qu’Eutelsat.
II/ LES CAS PLUS CLASSIQUES DE CONTRÔLE
La procédure engagée dans le cadre de l’affaire Al Manar reste très exceptionnelle. En
revanche, le Conseil supérieur de l'audiovisuel effectue chaque jour des contrôles sur les
chaînes satellites diffusées en France et qui relèvent de son autorité bien évidemment. Nous
allons nous pencher sur quelques cas de jurisprudence qui montrent à la fois que la
réglementation des programmes des chaînes satellites est effective, mais que parfois elle se
trouve limitée.
A. Des exemples de contrôle efficace
1. Publicité, parrainage et télé-achat
Nous l’avons vu la réglementation de la publicité et du parrainage est une des prérogatives
du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Elle l’exerce aussi à l’égard des chaînes satellites.
20
alors que la loi du 30 septembre 1986 modifiée permet que les conventions soient établies pour une durée
maximale de dix ans.
21
Ainsi, le 12 avril 2005, le Conseil a rappelé à l'opérateur satellitaire Globecast, la nécessité de régulariser la
situation des chaînes relevant de la compétence de la France et qui ne disposent pas encore d'une convention
avec le CSA, ainsi que de veiller à ce qu'aucune chaîne ne commence sa diffusion sans convention du CSA ou
autorisation d'un autre État membre de l'Union européenne.
40
Le 21 décembre 2004, le Conseil a écrit à la chaîne Filles TV au sujet du parrainage d’un
magazine par la marque Gemey. Le générique de parrainage diffusé en début d'émission,
d'une durée de sept secondes, a été rediffusé treize fois. Or, aux termes de la convention de la
chaîne qui reprend les dispositions du décret du 27 mars 1992, les rappels du parrainage
doivent être ponctuels et discrets et ne pas excéder cinq secondes. Le Conseil en a donc fait la
remarque à la chaîne. Il a également attiré son attention sur la mention trop peu lisible du coût
des SMS présentés dans certains écrans publicitaires.
Le Conseil est en outre particulièrement vigilant en ce qui concerne les chaînes satellites
diffusant des émissions de télé achat. La réglementation est en effet différente selon le type de
chaîne. Celles qui ne diffusent que ce programme (comme M6 Boutique et Best of Shopping
diffusées sur Canalsat) ne sont pas assujetties à un nombre ou une durée limitée d’émissions.
En revanche, sur les chaînes généralistes le téléachat doit représenté moins de 50% du temps
d’antenne et est limité à trois heures d’émission par jour et pas plus de huit émissions par
semaine.
Il est aussi intéressant de se pencher sur cet exemple de la réglementation publicitaire de
la chaîne France 5. Par voie hertzienne, cette chaîne du service publique est diffusée sur le
même canal que la chaîne franco-allemande Arte. Les deux services se partagent donc leur
temps d’antenne, France 5 étant diffusée jusqu’à 19 heures et Arte prenant le relais le soir. Or,
les deux chaînes ont été reprises par les bouquets satellitaires français (principe du must carry)
et sont dans ce cas retransmises sur deux canaux différents. France 5 peut désormais proposer
des programmes après 19 heures. Mais qu’en est-il de la publicité ? Lui est-il possible de
diffuser des messages publicitaires dans cette nouvelle tranche horaire ? Le Conseil a décidé
de lui accorder cette possibilité. Lors de sa séance du 22 juin 2004, il a en effet, « autorisé la
chaîne à programmer des messages publicitaires dans la partie de son programme diffusée par
câble et par satellite qui ne consiste pas en la reprise intégrale et simultanée de son
programme hertzien. »
2. Le respect des quotas d’œuvre audiovisuelles et cinématographiques européennes
Les chaînes du satellite, comme tous les services de télévision, sont tenues de diffuser au
moins 60 % d’œuvres européennes. Et si elles ne se conforment pas à cette règle les chaînes
encourent des sanctions. C’est ainsi que la chaîne spécialisée dans les séries, Canal Jimmy
s’est vue infliger une sanction pécuniaire.
41
Lors de l’exercice 2002, la part dédiée par Canal Jimmy à la diffusion d'oeuvres
audiovisuelles européennes s'est élevée, sur l'ensemble de sa programmation, à 46 % de la
durée annuelle consacrée à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles
Ainsi, le 24 juillet 2003 le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après avoir constaté que la
société Canal Jimmy n'avait pas respecté, le quota de diffusion d'oeuvres audiovisuelles
européennes met cette société en demeure de se conformer, pour l’avenir à la législation
française en la matière. De plus, le 26 juillet 2004 le Conseil décide d'engager à l'encontre de
cette société la procédure de sanction prévue à l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée.
Le 1er février 2005, le CSA considère « qu'eu égard, d'une part, à la gravité du
manquement commis et, d'autre part, aux avantages susceptibles d'avoir été tirés de ce
manquement par la société Canal Jimmy il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un
montant de 50 000 »
B. Des affaires plus difficiles
1. La réglementation en matière de respect de la langue française
Comme nous l’avons vu les chaînes satellites sont elles aussi soumises à l’obligation de
diffuser leurs programmes en français ou du moins de proposer un sous-titrage. Mais cette
obligation s’avère difficile à mettre en place et les chaînes trouvent des moyens de contourner
la législation française en se faisant autoriser dans un autre pays.
C’est le cas de la chaîne Fashion TV. Il s’agit d’une chaîne thématique spécialisée dans la
mode et les tendances. La plus grande partie de sa programmation est consacrée à la
retransmission de défilés de mode. En décembre 2000, le CSA adresse une mise en demeure à
Fashion TV car à la suite d’un contrôle et en dépit de nombreux avertissements, il apparaît
que la chaîne utilise principalement l’anglais pour les informations accompagnant la diffusion
de ses programmes, contrairement aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée
relatives à l’usage de la langue française.
42
La chaîne décide de répliquer en arguant du caractère international de sa diffusion. Elle
demande ainsi à être exemptée de l’obligation d’utiliser la langue française. Mais le CSA
n’accède pas à sa requête en se fondant sur les dispositions de l’article 20-1 de la loi du 30
septembre 1986 modifiée qui rend l'emploi du français obligatoire dans l'ensemble des
émissions et des messages publicitaires des services de télévision, quel que soit leur mode de
diffusion ou de distribution, à l'exception des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles
en version originale. Mais cette exception ne peut s’appliquer puisque il est ici question des
« informations accompagnant les programmes ». Fashion TV ne peut être exemptée.
Malgré la première mise en demeure et le défaut d’exemption, Fashion TV ne se conforme
toujours pas à loi française. Elle continue à utiliser des langues étrangères, l’anglais
essentiellement, « dans les mentions qui apparaissent sur l’image en surimpression ou en
mode déroulant ». Par conséquent, le Conseil décide, en janvier 2002, d’engager une
procédure de sanction à l’encontre de la chaîne.
Pour se soustraire à cette procédure de sanction, la chaîne trouve un moyen de contourner
la loi française. En effet, le 21 octobre 2003, elle se fait autoriser par l’autorité de régulation
autrichienne. Ainsi, Fashion TV ne relève plus de la compétence de la France mais de celle de
l’Autriche. On ne peut donc plus lui imposer l’emploi de la langue française. Cet exemple met
en exergue la portée limitée du contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est alors
obligé de clore la procédure de sanction engagée.
2. La protection des mineurs
Il s’agit essentiellement de problèmes liés à des mauvaises qualifications en matière de
signalétique jeunesse ou à des horaires de diffusion.
Par exemple, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, le 25 janvier dernier, décidé d’écrire
à la chaîne musicale Fun TV afin qu’elle fasse cesser la diffusion d’un clip sur ses ondes.
Cette chaîne, qui vise un public jeunesse, a diffusé en journée le vidéo clip du titre « Call on
me ». Or, le Conseil a estimé qu’il comportait « plusieurs images à connotation clairement
érotique ». Mais ce contrôle a posteriori est-il vraiment efficace : le clip a été diffusé durant
tout le mois de novembre, et le conseil n’a réagi qu’en janvier.
43
Lors de l’assemblée tenue le 25 janvier 2005, le Conseil a aussi mis en cause la chaîne
généraliste Paris Première. Il a écrit aux responsables de la chaîne pour appeler leur attention
sur la diffusion, depuis le 22 septembre 2004 en première partie de soirée, de plusieurs
épisodes de la série américaine « Nip Tuck22 » accompagnés d'une signalétique de catégorie
III. Le Conseil a rappelé à la chaîne que, conformément à sa convention, la diffusion de
programmes de catégorie III doit rester exceptionnelle avant 22h. Si Paris Première réserve
une case régulière de programmation à une série dont un nombre important d'épisodes
comporte une classification supérieure à la catégorie II, le Conseil lui demande de la diffuser
dans son ensemble après 22h. Mais une grande partie des épisodes ont déjà été diffusés.
On le voit, le CSA n’hésite pas à contrôler les chaînes thématiques et généralistes du
satellite, au même titre que les chaînes hertziennes. Pourtant, on peut se demander si ce
contrôle a posteriori est vraiment efficace. En effet, que ce soit dans le cas des clips à
connotations érotiques ou de la série jugée un peu trop réaliste, les images avaient déjà été
diffusées, parfois pendant plusieurs mois, lorsque l’avertissement du Conseil a eu lieu. Dans
le cadre de la protection de l’enfance, il serait peut-être plus efficace que les programmations
de ces chaînes soient examinées plus régulièrement et que les moyens d’actions soient plus
rapides.
22
Il s’agit d’une série américaine racontant le quotidien de deux chirurgiens esthétiques. Sa particularité est de
montrer avec un brin de cynisme et beaucoup de réalisme les opérations pratiquées.
44
CONCLUSION
La législation en matière de réglementation des programmes est complexe. Elle l’est
d’autant plus lorsqu’il s’agit des chaînes diffusées par satellite. En effet, il faut tenir compte à
la fois du droit international des télécommunications, du droit européen et des spécificités du
droit français. Ce dernier, ne évolue constamment pour être plus efficace, et doit sans cesse
faire face à de nouveaux cas de figure.
Le contrôle des chaînes effectué par le Conseil supérieur de l'audiovisuel est efficace.
Mais il est compliqué par la multiplication des cas de figures. On l’a vu, des chaînes
européennes n’entrent pas dans son champ de compétence parce que autorisées par un autre
Etat membre. Des chaînes extra-communautaires, qui devraient être réglementées par le droit
français, se font autoriser par un Etat européen et échappent encore au droit français. Jusqu’en
2004, certaines chaînes étaient même diffusées sur notre territoire sans même s’être fait
connaître auprès du Conseil. Sans parler de la chaîne AL Manar, qui malgré la sanction
infligée, continue à pouvoir être visible en France.
Il est donc extrêmement complexe de contrôler les chaînes satellitaires. Pourtant, le
conseil n’hésite pas lorsqu’il le peut à utiliser toutes les voies de recours possibles contre
celles qui contreviennent à la législation française. Ainsi, elles appliquent désormais la
signalétique jeunesse et elles sont fortement réglementées au niveau des programmes
publicitaires.
Une association a été créée en octobre 1997 :l’ACCèS qui regroupe aujourd’hui 37
chaînes établies en France. Pour devenir membre une chaîne doit avoir conclu une convention
avec le conseil supérieur de l’audiovisuel et être diffusée de façon significative par le câble et
le satellite sur le territoire français. L’objectif de l’association est la défense des intérêts
communs des chaînes du câble et du satellite par la mise en valeur de leurs spécificités auprès
de l’ensemble des acteurs de la communication afin notamment que le cadre juridique et
économique dans lequel elles évoluent leur permette un développement durable de leur
activité.
45
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrage :
BALLE Francis, Médias et sociétés, Paris, Montchrestien, 10ème édition, 2001
Normes :
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication JORF
"Lois et Décrets" du 1er octobre 1986
LOI n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication, JORF n° 177 du 2 août 2000
LOI n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF
n° 143 du 22 juin 2004
LOI n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle JORF n° 159 du 10 juillet 2004
Décret n°2002-140 du 4 février 2002 pris pour l'application des articles 33, 33-1, 33-2
et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant le régime applicable aux
différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués
par câble ou diffusés par satellite, JORF n° du 6 février 2002
Conseil d'Etat - Ordonnance du juge des référés du 13 décembre 2004
Décision CSA n°2004-526 du 17 décembre 2004 prononçant une sanction à l'encontre
de la société Lebanese Communication Group SAL
Décision CSA n° 2005-65 du 1er février 2005 prononçant une sanction à l'encontre de
la société Canal Jimmy
Site web :
www.csa.fr
46

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