article co-écrit - Femmes3000 Côte d`Azur

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Recherche et Applications en Marketing, vol. 25, n° 3/2010
La confusion des générations ?
Les enjeux identitaires des échanges vestimentaires
entre les mères et leur fille adolescente
Isabelle Decoopman
Docteur en sciences de gestion
Univ Lille Nord de France, LSMRC
Élodie Gentina
Docteur en sciences de gestion
Univ Lille Nord de France, LSMRC
Marie-Hélène Fosse-Gomez
Professeur à l’Université de Lille 2
Univ Lille Nord de France, LSMRC
RÉSUMÉ
Les pratiques d’achat en commun et d’échange de vêtements entre une mère et sa fille adolescente présentent de multiples
formes et des intensités variables. Une typologie construite selon le degré de féminité que la mère attribue à sa fille comme à ellemême rend compte des différences subtiles entre ces pratiques. L’approche interprétative identifie les mécanismes sous
jacents : comparaison sociale et influence interpersonnelle. Sans maîtriser ces mécanismes de nature identitaire, le marketing
peut, en les exploitant, induire la confusion générationnelle.
Mots clés : Féminité partagée, comparaison sociale, influence interpersonnelle, génération mère-fille, comportements vestimentaires mère-fille.
Les auteurs ont contribué équitablement à la production de cette recherche.
Les auteurs remercient vivement les trois lecteurs anonymes ainsi que le rédacteur en chef invité du numéro spécial RAM « Le Marketing
Générationnel » – le professeur Joël Brée – pour leurs commentaires qui ont fortement contribué à l’amélioration de ce travail. Les auteurs peuvent être contactés aux adresses électroniques suivantes :
[email protected] ; [email protected] ; [email protected]
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Isabelle Decoopman, Élodie Gentina, Marie-Hélène Fosse-Gomez
INTRODUCTION
Le succès rencontré par les campagnes de communication de l’enseigne Comptoir des Cotonniers
qui mettent en scène des lignées féminines – à l’origine, une mère et sa fille adolescente, plus récemment jusqu’à trois générations de femmes – a suscité
des protestations chez certains psychologues. Ils
dénoncent une mise en scène qui favorise la confusion des générations et des identités, pouvant mettre en
danger l’équilibre psychique des membres de la
famille si chacun ne tient pas la place qui lui revient au
sein de la famille. D’autres travaux ont déjà soulevé la
question du rôle des pratiques du marketing dans la
reconfiguration des rapports entre générations
(Heilbrunn, 1999). Mais faut-il remettre en cause des
pratiques marketing lorsqu’elles sont susceptibles
d’estomper les frontières entre les générations ? Le
débat a besoin d’être éclairé. L’objet de cet article est
de comprendre les comportements de co-consommation dans leur diversité et d’en identifier les mécanismes sous-jacents. Au-delà des séances communes
de courses dans les magasins, la co-consommation
entre une mère et sa fille recouvre les pratiques
d’emprunts, de prêts, de partage de vêtements ainsi
que les achats en propriété partagée.
Pour nombre d’anthropologues, que chacun
tienne sa place et que les générations soient clairement identifiées et séparées apparaissent comme
deux impératifs pour la structuration et le maintien
d’une société. Godelier (2007) ne dit rien d’autre
lorsqu’il déclare que « faire société suppose que l’on
attribue à chacun (et à chacune) selon son sexe, son
âge et son clan, mais aussi selon ses capacités individuelles, un rôle et une place » (p. 199). La parure et le
vêtement sont deux éléments qui, dans bien des
sociétés, indiquent la place tenue. C’est par la magnificence de ses habits que la noblesse française marquait sa différence avec la bourgeoisie sous l’Ancien
Régime. C’est encore par le vêtement que l’on marquait, à la même époque, la hiérarchie des générations en habillant les enfants selon la mode de la
génération précédente (Ariès, 1960). Dans une
société qui valorise l’apparence (Lipovetsky, 1983),
le vêtement est l’un des marqueurs de la place tenue
par l’individu dans la société, mais aussi dans la
famille. Comment interpréter dès lors l’échange de
vêtements entre mère et fille ? Si la fille y trouve un
moyen commode d’élargir sa garde-robe et d’entrer
dans le monde des adultes, les motivations de la mère
restent à explorer. La présente recherche s’attachera à
comprendre pourquoi les mères se prêtent au jeu de la
co-consommation. Comme l’échange de vêtements
entre mère et fille apparaît particulièrement fréquent au
moment de l’adolescence de la fille (Decoopman,
2008), nous limiterons notre investigation à cette
étape. L’adolescence de sa fille amène une mère à
franchir une étape dans son cycle de vie. Elle doit se
situer entre deux générations : celle de sa fille en voie
de devenir une femme, et celle de sa propre mère qui
lui parait « vieillissante » (Bouchet, 1992 ; Eliacheff et
Heinich, 2002). Se concentrent alors diverses problématiques spécifiques à l’identité féminine : la question de l’affiliation, la question de la reproduction et
celle de la séduction (Bouchet, 1992). Les enjeux
identitaires de ces problématiques chez la mère d’une
adolescente font l’objet principal de la revue de littérature. Celle-ci est suivie d’une étude interprétativiste
qui permet de dégager une typologie des mères, dont
l’analyse, développée dans une troisième partie, met en
évidence les mécanismes sous-jacents à cette coconsommation.
FONDEMENTS THÉORIQUES :
PERSPECTIVES IDENTITAIRES
DU FACE A FACE MÈRE-ADOLESCENTE
Lorsque deux individus adoptent les mêmes comportements vestimentaires, l’existence d’une
influence réciproque s’impose à l’esprit. Lorsque ces
deux individus sont une mère et sa fille, cette
influence peut s’inscrire dans le cadre de la socialisation (Grossbart, Carlson et Walsh, 1991 ; Ladwein,
Carton et Sevin, 2009 ; Martin, 2009). Les travaux
sur la dyade mère- fille portent le plus souvent sur
des produits à forte connotation féminine comme les
vêtements et les produits de soin et d’hygiène
(Saunders, Samli et Tozier, 1973 ; Tissier-Desbordes,
1982, 1983 ; Bergadaà et Roux, 1988 ; Dano, Roux et
Tissier-Desbordes, 2005). Tous indiquent une certaine similarité dans les comportements de consom-
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mation de la mère et de la fille (Moore-Shay et Lutz,
1988 ; Moore, Wilkie et Lutz, 2002 ; Mandrik, Fern et
Bao, 2004 ; Gavish, Shoham et Ruvio, 2008). Ils
mettent en évidence un transfert de compétences et
de savoir, savoir faire, savoir-être entre les deux
membres de la dyade, conséquence d’une influence
intergénérationnelle ou d’une socialisation (directe
ou inversée). Néanmoins, la mère n’étant pas dépourvue de compétences en matière de consommation,
d’autres mécanismes entrent sans doute en jeu. Les
répétitions de génération en génération reposent sur
des phénomènes plus complexes qu’un simple mimétisme (Goldbeter-Merinfeld, 2003) et introduisent la
question de l’identité dans la relation mère-fille.
L’identité, qui s’est par ailleurs déjà révélée pertinente dans de nombreuses recherches sur les comportements liés à l’apparence physique (Schouten,
1991 ; Fabricant et Gould, 1993 ; Marion, 2003 ;
Piacentini et Mailer, 2004), apparaît dès lors comme
une piste pertinente.
Bien des disciplines1 se sont intéressées au
concept d’identité et toutes s’accordent sur l’indissociabilité du moi et de l’alter, car l’identité est une
construction sociale qui se définit dans la relation à
l’autre (Martinot, 2002). Le travail identitaire revêt
deux dimensions symétriques : l’identification et la
différenciation. L’identité idem (le caractère de ce qui
reste identique) se distingue de l’identité ipse (le sens
de sa propre unité et de sa propre continuité)
(Ricœur, 1990). Dans le cas de la dyade mère-fille,
l’une étant issue de l’autre, mère et fille sont semblables l’une et l’autre par le sexe et différentes l’une
de l’autre par les générations (Segers-Laurent, 2003).
La fille est destinée à être une femme, elle doit être a
priori comme sa mère tout en étant différente
(Moraldi, 2006).
Le travail identitaire s’exerce tout au long de
l’existence de l’individu et le processus de construction
identitaire est étroitement lié aux changements et aux
événements de vie (Erikson, 1959 ; Levinson et alii,
1978 ; Neugarten, 1969, 1979). La vie humaine
apparaît ainsi comme une succession d’étapes reliées
entre elles par des périodes de crise ou de transition
(Brim et Ryff, 1980 ; Segalen, 2000 ; Lagabrielle,
2001). Ces étapes ne sont pas sans lien avec les
1. Que ce soit en philosophie (Ricoeur, 1990), en psychanalyse
(Freud, 1953), en psychologie (James, 1890), en psychologie
développementale (Erickson, 1959), en sociologie (Cooley, 1902 ;
Goffman, 1973).
3
modes de consommation : Ladwein et Sevin (2006)
ont ainsi souligné, dans leur recherche sur les primipares, l’évolution de la consommation de la jeune
mère lorsqu’elle franchit cette étape clef de son cycle
de vie. L’entrée d’un enfant dans l’adolescence est
une autre étape dans la vie d’une mère (Decoopman,
2006). Elle modifie en effet l’équilibre des deux
composantes de l’identité féminine2 que sont le
maternel et le féminin, qui coexistent tout au long de la
trajectoire de vie des femmes (Naouri, 2000 ;
Eliacheff et Heinich, 2002 ; Joos de ter Beerst,
2003). La mère d’un enfant qui entre dans l’adolescence est confrontée à la perte progressive de sa
dimension maternelle (nourrissage et reproduction)
au profit de sa dimension de femme, qui tend à se
réveiller (Bouchet, 1992). Et si l’adolescent est de
plus une fille, les enjeux de ce nouvel équilibre s’accentuent. L’adolescence de la fille change radicalement les rapports au sein de la dyade car mère et fille
ont toutes deux un corps de femme (Bouchet, 1992) ;
elles entrent dans un contexte de féminité partagée.
Cette expérience de partage amène la mère à s’interroger sur sa propre féminité. Comme le soulignait
Tissier-Desbordes (1982), ce qui semble important
n’est pas que la mère et la fille soient jeunes mais
qu’elles soient toutes deux à l’âge de la séduction.
Comme tout changement, cette situation nouvelle
engendre une période de flottement ; la mère de
l’adolescente s’interroge et s’inquiète de l’image
qu’elle a d’elle-même. Car la rupture modifie pour le
moins les repères de définition de trois des composantes du soi (Naouri, 2000 ; Eliacheff et Heinich,
2002 ; Marc, 2004) : l’intensité de la dimension
maternelle (soi familial), l’estime que la mère a
d’elle-même (soi affectif) et le soi corporel, espace
où se joue la question de la reproduction et de la
séduction. L’accession de l’adolescente à la féminité
est susceptible d’accentuer, par « l’effet miroir »,
chez la mère, la perception des changements physiques et sociaux et l’amène à une prise de
conscience du vieillissement, qu’il soit réel ou ressenti au sens de Guiot (2006). Ce passage à une nou2. La féminité est un concept complexe dont la définition n’est pas
universelle puisque les chercheurs apportent leur part de subjectivité
dans la vision qu’ils s’en forgent (Godfrind, 2001 ; Le Guen,
2001). Deux grands courants apparaissent cependant : le féminin se
définit soit par rapport au masculin (Cournut-Janin et Cournut,
1993), soit par rapport au maternel (Godfrind, 2001). Compte tenu
de l’objet de la recherche, c’est cette dernière conception (féminin/maternel) qui a été privilégiée.
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velle étape du cycle de vie est de nature identitaire
car il perturbe « la définition même que la mère donnait d’elle à elle-même » (Dubar, 2000, p. 167).
La manifestation de ces états de crise ou de rupture
est utilisée, dans certaines recherches en comportement du consommateur, pour comprendre le rôle de la
consommation symbolique dans le processus de
construction identitaire. Dans la lignée des travaux
de Schouten (1991) qui mettaient en évidence la
contribution de la chirurgie esthétique à la reconstruction du soi en période de transition identitaire,
diverses recherches ont souligné le rôle positif de la
consommation dans ces phases de transition, notamment par les choix de différents produits de
maquillage et de vêtements (Fabricant et Gould,
1993 ; Gentina et Fosse-Gomez, 2006 ; Decoopman,
2008).
L’importance de l’apparence physique et le désir de
plaire semblent prépondérants chez les femmes car
ils sont des éléments importants de la féminité
(Gould et Stern, 1989). Les éléments du soi physique3 sont, en raison de leurs caractères visibles,
prioritairement affectés (Rosenberg, 1986 ; Martin et
Kennedy, 1993 ; Guiot, 1999 ; 2001). Les recherches
les plus récentes en psychologie contestent les caractères fixe et immuable de l’apparence physique (Cash
et alii, 2001) et reconnaissent la possibilité pour un
individu de manipuler et de contrôler activement son
apparence physique, notamment via des comportements de consommation vestimentaire (Pasini,
1998). Les vêtements, au-delà de leur caractère hédonique, portent en effet la marque d’enjeux psychologiques profonds, parlent d’images de soi et de rapports à l’autre (Joubert et Stern, 2005). Ils
participent, dans ce sens, à la construction identitaire
de la mère (Decoopman, 2008, 2009).
Ces divers éléments amènent à se poser la question
suivante : comment les pratiques de consommation
vestimentaire de la mère sont-elles affectées lorsqu’elle prend conscience que sa fille adolescente
accède à la féminité ? Au-delà de la mise en évidence
de la variété des comportements adoptés, l’enjeu de
la recherche est aussi d’explorer les motivations et
les mécanismes qui les sous-tendent.
3. Le concept de soi physique est, selon certains auteurs, unidimensionnel (Bracken, 1992), ou multidimensionnel (Marsh et
Parker, 1984 ; Fox, 1990; Stein et alii, 1998). Il englobe, dans
cette dernière perspective, tout ce qui a trait au corps, particulièrement les capacités physiques (ou condition, agilité physique) et
l’apparence physique (ou traits physiques).
MÉTHODOLOGIE
Les pratiques d’échange de vêtements d’une
femme avec sa fille sont variables d’une femme à
l’autre. Existe t-il une quelconque logique qui puisse
rendre compte de cette variété ? Peut-on y associer
des mécanismes suscités chez la mère par l’accession
de sa fille à l’adolescence ? Les mécanismes recherchés sont sans nul doute complexes. Nous adopterons
dès lors une approche qualitative centrée sur les
mères. L’adolescente connaît certes des modifications dans sa définition d’elle-même, modifications
qui ne sont pas sans conséquence sur ses choix vestimentaires (Marion, 2003), mais rien dans les travaux
sur l’adolescente ne laissait supposer une incidence
sur le comportement vestimentaire des mères. Rien
n’est dit sur ces mères qui modifient leurs comportements vestimentaires, même si elles forment une
cible privilégiée de bien des boutiques et chaînes de
vêtements.
Recueil des données
Nous nous attacherons au discours des mères sur
leurs pratiques de co-consommation avec leur fille,
en les restituant dans le contexte de leur cycle de vie. Il
s’agit bien du cycle de vie vécu et de non celui que
l’observation pourrait identifier car l’entrée de la fille
dans la féminité, qui induit un contexte de féminité
partagée, est affaire de perception et de prise de
conscience bien plus qu’une question d’âge chronologique de la fille. Notre démarche est donc une
approche interprétativiste, d’inspiration phénoménologique, destinée à comprendre le sens subjectif de
l’action des mères, tel qu’il s’est forgé au cours du
temps dans leur rapport avec la féminité, la maternité
et leur propre adolescence. Comme le souligne
Bergadaà (2006), ce type de perspective est adapté à
l’étude d’une action sociale – ici, les pratiques
d’échange – orientée vers autrui – l’autrui étant ici, la
fille adolescente. Pour éclairer ces comportements,
nous utiliserons la vision qu’a chaque mère de ce que
signifie être une mère et une femme, mais aussi sa
lecture de sa trajectoire et le regard qu’elle porte sur sa
vie professionnelle. Nous adoptons une posture
émique, en veillant à ne porter aucun jugement de
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valeur mais en créant une véritable empathie avec les
répondantes (McCracken, 1988).
Un échantillon de 25 mères d’adolescentes a été
recruté essentiellement par bouche-à-oreille. Cet
échantillon de convenance présente une variété en
matière d’âge de l’adolescente, de taille du foyer ou de
statut professionnel de la mère (Annexe A1). Les
femmes ont été interviewées dans un environnement
familier et rassurant, en dehors de la présence de tout
autre membre de la famille. Les entretiens étaient
menés par une chercheuse se situant dans la même
catégorie d’âge que les interviewées ; l’identité de
genre et la proximité des âges sont apparues comme
préférables pour des entretiens où sont abordées des
questions de séduction et de féminité (Thompson et
Hirschman, 1995). L’interviewer a veillé à rester
neutre, afin que son opinion n’interfère pas avec celle
de la répondante (Belk, Sherry et Wallendorf, 1988).
Les entretiens semi-structurés, menés auprès de
mères d’adolescentes, s’organisent en deux parties.
Dans la première, la mère est invitée à s’exprimer sur
sa trajectoire personnelle et professionnelle, sa
conception de la féminité et de la maternité. Dans la
mesure où la recherche s’attache aux diverses étapes
du cycle de vie, il importe en effet de la laisser s’exprimer sur toutes les dimensions de son parcours, y
compris la dimension professionnelle, qui n’est pas
sans incidence sur la place du maternel dans l’existence d’une femme. Dans la seconde partie, la mère est
amenée à décrire ses comportements de co-consommation avec sa fille. Des stimuli visuels – trois photos
présentant des dyades mère-fille avec différents
degrés de mêmeté et de similarité – servaient à faciliter
l’approfondissement du discours dans la dernière
partie de l’entretien, afin d’engendrer un phénomène
de saturation du discours, dans une logique d’élicitation (Dion, 2007). Ces entretiens ont duré de 55
minutes à 1 h 40. Les entretiens les plus courts correspondent aux mères qui n’ont aucune pratique
d’échange ni d’achat commun, ce qui limite la
seconde partie de l’entretien. Les entretiens ont été
enregistrés et retranscrits sur 445 pages.
Analyse des données
Les répondantes ont évoqué diverses situations
d’échange et de consommation communes. Certaines
échangent fréquemment et tout type de vêtements,
5
d’autres n’en échangent que certains ou seulement
dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’il a
déjà été porté par sa légitime propriétaire. Par
ailleurs, certains échanges sont soumis à un accord
préalable, d’autres non. L’analyse doit donc rendre
compte de cette diversité de pratiques, en s’attachant
au sens que les répondantes lui donnent, dans une
approche émique.
Une analyse de contenu itérative a été menée
(Bergadaà, 1995). Dans un premier temps, les entretiens ont été analysés conjointement, pour faire émerger tous les thèmes abordés, qu’ils soient induits par le
guide ou spontanément évoqués par les répondantes.
Les principaux thèmes émergents sont liés au temps
qui passe, au vieillissement, aux rapports avec les
différents membres de la famille (sa propre mère, son
mari et ses autres enfants) sans oublier le rapport
entretenu avec le corps et la gestion de l’espace dédié
aux membres de la dyade. Ce relevé des thématiques a
été réalisé conjointement par les trois chercheuses.
Puis chacune d’entre elles a procédé à une analyse de
chaque entretien sur ces différents thèmes. Les analyses ont alors été confrontées et les rares cas de
divergence débattus et analysés jusqu’à l’obtention
du consensus. De cette confrontation est née une
ébauche de typologie, dont les principes ont été élaborés conjointement. Cette typologie repose sur les
postures de la mère et de la fille en matière de féminité. La mère peut en effet revendiquer ou au
contraire avoir abdiqué sa féminité ; de la même
manière, elle peut percevoir sa fille comme une
« jeune femme » à part entière ou au contraire la
maintenir dans une position de « petite fille ». On
obtient ainsi quatre situations types, selon que la
mère affirme ou non sa féminité et considère sa fille
adolescente comme une « jeune femme » ou une
« petite fille ». Dans l’un seulement des cas de cette
typologie, la mère considère que sa fille et elle-même
se trouvent conjointement en situation de féminité
affirmée et affichée, s’inscrivant ainsi dans le
contexte de féminité partagée, tel qu’il est décrit par
les psychanalystes. La classification des répondantes
entre les quatre catégories de la typologie a ensuite
été réalisée individuellement par chaque chercheuse
et leurs conclusions ont fait l’objet d’une confrontation
jusqu’à obtention du consensus, dans un objectif de
validation intersubjective. Par ailleurs, deux personnes étrangères à la recherche ont été sollicitées
pour participer à la validation interne de cette typolo-
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gie. Elles se sont vu proposer les principes de classification et sept retranscriptions d’entretien. Il leur a été
demandé de procéder à une affectation de ces sept
cas aux différents types proposés. Leurs affectations
ont été conformes à celles des trois chercheuses. Le
tableau de l’Annexe A2 présente les quatre profils de
mères selon la féminité qu’elles accordent à ellesmêmes comme à leur fille. Les 25 femmes interviewées ont pu être affectées à l’un des quatre profils
(Annexe A3).
RÉSULTATS
Les résultats mettent en exergue, dans un premier
temps, une typologie selon que la mère affirme ou
non sa féminité et considère sa fille adolescente
comme une « jeune femme » ou une « petite fille ». Ils
soulignent, dans un second temps, la coexistence de
deux mécanismes – la comparaison sociale et l’influence interpersonnelle – dont les manifestions diffèrent selon les profils de femmes.
Les pratiques de co-consommation mère-fille :
une question de féminité partagée
Quatre profils de mères d’adolescentes émergent.
Un seul présente des comportements de consommation
commune très fréquents : il s’agit du cas où mère et
fille partagent la féminité.
Dans les trois autres profils, la féminité n’est pas
partagée puisque l’une des deux au moins – la mère et/
ou la fille – se situe en dehors de cette logique de
féminité. Dans un premier cas, les mères se placent
dans une logique de féminité mais n’y intègrent pas
leur fille : ce sont les mères « Talons aiguilles 4».
Elles valorisent la féminité, elles s’y retrouvent et se
considèrent comme la seule femme de la maison.
4. Nous choisissons de qualifier les dyades mères-filles par des
noms de films qui relatent différentes relations possibles entre une
mère et sa fille : Lol, Talons aiguilles, Lolita malgré moi et
Princesse malgré elle (Annexe A4).
L’adolescente est volontairement maintenue dans une
position de petite fille, quel que soit son âge. Ainsi
Louise refuse que sa fille mette des talons, évocateurs de féminité : « Je me bats avec Sophie parce
qu’elle voulait s’acheter des talons et que j’étais
contre, elle est trop jeune. C’est mon bébé. » (Louise,
38 ans). En matière de vêtements, ces mères se refusent au partage : elles préfèrent donner car ce qui a
été porté par leur fille n’est plus digne d’être reporté.
Les magasins fréquentés sont différents, les armoires
séparées. Les mères du deuxième profil se présentent
comme sorties de l’univers de la féminité mais soulignent que leur fille l’assume pleinement : ce sont les
mères « Lolita malgré moi ». Elles se définissent
avant tout dans leur dimension maternelle. Certaines
envisagent avec sérénité le passage à la grande
maternité: « J’ai un peu de nostalgie de la voir grandir, devenir une femme [...] on aura sans doute des
petits-enfants » (Nora, 44 ans). En matière de vêtements, leur comportement est caractérisé par la générosité : elles prêtent beaucoup, empruntent peu, achètent parfois en commun mais laissent alors la
jouissance quasi exclusive à leur fille. Mère et fille
peuvent fréquenter les mêmes magasins mais font
cabines séparées. Chacune a son armoire dans
laquelle il est possible de piocher après autorisation.
Dans le troisième profil, les mères se situent et
situent leur fille en dehors de la féminité : ce sont les
mères « Princesse malgré elle ». Leur discours sur la
femme « idéale » est très éloigné de la description
qu’elles font de leur propre vie et de leur parcours.
Tatiana ne s’est jamais considérée comme particulièrement féminine et perçoit sa fille comme une petite
fille : « Ma fille, elle a encore un corps de petite fille,
elle, c’est encore IKKS petite fille. » (Tatiana, 42
ans). Mère et fille vivent dans deux mondes séparés, il
n’y a ni prêt ni emprunt. Même les séances de shopping communes sont réduites au strict minimum.
Le quatrième profil illustre à lui seul la situation de
féminité partagée, les deux membres de la dyade se
situent, selon la mère, dans des logiques de féminité
(« Lol »). Ces mères développent un discours très
valorisant sur la féminité et cherchent à la partager
avec leur fille : « Maintenant avec Sophie qui a 16
ans, [...] on a des discussions entre deux femmes. »
(Diane, 43 ans). Ces femmes sont particulièrement
sensibles aux signes du vieillissement physique.
Elles réagissent négativement à l’image vieillissante
que leur renvoie leur propre mère. Cette dernière
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incarne « a dark mirror » au sens de Buunk et alii
(2005) : « Je ne peux pas me regarder dans une glace
avec un vêtement que pourrait porter ma mère. »
(Doriane, 46 ans). Les relations entre les mères « Lol »
et leur fille sont caractérisées par la mise en œuvre de
processus psychologiques qui relèvent de l’imitation,
voire de l’identification (Rocheblave-Spenlé, 1962 ;
Moral, 2002) : « Je pense que je visionne absolument
ma vie à moi d’ado et de jeune et je pense que j’essaie
d’élever mes enfants comme un miroir par rapport à
moi en me disant : qu’est-ce que j’aurais voulu à cet
âge-là ? » (Diane, 43 ans). L’identification d’une
mère vis-à-vis de sa fille prend alors la forme d’un
processus par lequel la différence est convertie en
similarité (Klein, 1955). Ce processus induit la
dimension de la mêmeté, particulièrement spécifique
au couple mère-fille (Bouchet, 1992 ; Eliacheff et
Heinich, 2002). Les résultats laissent, en effet, entrevoir une forme d’indifférenciation chez certaines
mères envers leur fille : « On a exactement les mêmes
expressions, ce qui fait que les gens disent qu’on se
ressemble. On a la même façon de parler, la même
gestuelle, la même façon de rire, on est toutes les
deux très gaies. On a le même style vestimentaire. »
(Inès, 50 ans). Ces rapports mère-fille, placés sous le
registre de la mêmeté, génèrent un lien qui favorise la
confusion identitaire au détriment d’une réciprocité
du lien (Couchard, 1991). Cette confusion identitaire
génère une relation de type « mère-copines », où
toutes limites et toutes différences sont effacées : « Je
suis plus une maman copine en fin de compte. Je suis
très proche d’elle mais j’ai du mal à être la maman
pure et simple. J’ai besoin de sortir avec elle... »
(Nadine, 42 ans). Cette relation peut même déboucher sur des formes de confusion du corps : « Je
rajeunis peut-être grâce à Annabelle. Déjà, j’ai le
même corps qu’elle, on a la même taille. » (Florence,
46 ans). Mais comme l’ont souligné Eliacheff et
Heinich (2002), le jeu des ressemblances n’est pas
seulement un jeu mais de la rivalité, une jalousie destructrice qui transforme en compétition ce qui devrait
être un passage de relais : « Je dis à ma fille « Ben oui,
je n’ai plus 20 ans, c’est normal que ce soit toi qu’on
regarde dans la rue et plus moi, c’est tout à fait
logique, mais par moments, ça me fait un petit peu
drôle. » (Marie-Isabelle, 46 ans).
Dans le domaine vestimentaire, ces relations
fusionnelles mère-fille se concrétisent dans le partage
des espaces, le « partage » au sens de Belk (2010).
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C’est d’abord la cabine d’essayage que l’on partage :
« On essaie à deux dans la même cabine. On n’a
jamais eu de complexes, même avec la petite, je suis
dans la salle de bains, elle rentre, et inversement. »
(Florence, 46 ans). C’est ensuite l’armoire qui
devient bien commun : « On a une garde-robe commune ! J’ai la commode et l’armoire, sa commode
c’est pour son petit linge perso mais elle est dans ma
chambre, et la penderie c’est un côté pour elle et un
côté pour moi. » (Nadine, 42 ans). Le « vêtement
pour deux » est une autre manifestation de cette
logique fusionnelle : « On achète beaucoup de
choses en commun et on se les partage. On a les
mêmes fringues. » (Nadine 42 ans). Cette fusion peut
aller jusqu’à la (con)fusion des corps. Le partage des
vêtements sous-entend qu’elles ont une peau commune et qu’entre elles, toute limite et toute différence
sont effacées (Couchard, 1991). Cette logique de
corps communs va jusqu’à gommer la notion même de
propriété. Contrairement aux règles prescrites qui
caractérisent les échanges unilatéraux et ponctuels
des trois premières catégories de mères d’adolescentes (accord préalable, limitation du prêt dans le
temps, identification d’objets interdits à l’échange),
chez les mères « Lol », tout se partage sans condition, rien n’est interdit. Même les objets relevant du
domaine de l’intime, à savoir la lingerie, sont susceptibles d’être échangés. Cette fusion des corps évacue
toute crainte de contamination symbolique5 par le
vêtement, telle qu’elle a été définie par Rozin (1994).
Le vêtement est imprégné de l’odeur de la fille adolescente qui l’a porté, de ses formes aussi ; la lessive
marque, par une forme de purification symbolique, le
retour à l’état neutre (Olivier, 2004). Les mères
d’adolescentes « Lol », qui se situent dans une
logique de confusion identitaire avec leur fille, ne
ressentent pas le besoin de laver le vêtement après
que cette dernière l’a porté : « Ma fille prend le vêtement parce qu’elle a envie de le mettre le jour J, si
elle l’a mis une demi-journée, je ne le lave pas, c’est
rangé dans mon armoire. » (Inès, 50 ans).
Cette relation mère-fille basée sur la fusion renvoie à une forme d’intemporalité de la femme : la
5. Le risque de contamination est d’ordre symbolique car on peut
devenir comme l’autre (Rozin, Millman et Nemeroff, 1986).
Rozin (1994) s’appuie sur le principe de la contamination symbolique par contact ou par « contagion ». Quelques recherches en
marketing portent plus spécifiquement sur la contamination symbolique du consommateur (Argo, Dahl et Morales, 2006 ; Belk,
1988 ; 2010 ; Belk et Llamas, à paraître).
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mère n’a plus d’âge, c’est la confusion des générations marquée par des styles vestimentaires très
proches qui gomment les différences entre générations (Moraldi, 2006) : « Le style de ma fille, 15-16
ans, moi c’est dans ce style de vêtements que je me
sens bien, [...] c’est impossible que je mette des
fringues comme les femmes de 45 ans se mettent, je ne
sais pas pourquoi, peut-être que je veux rester très
jeune dans ma tête. » (Doriane, 46 ans). Contrairement aux psychologues et psychanalystes qui soulignent les dangers de la confusion des générations
(par exemple Naouri, 2000 ; André et alii, 2003 ;
Moraldi, 2006), les femmes interviewées soulignent
les bénéfices qu’elles en retirent. Cette fusion génère
entre les deux femmes de générations différentes un
lien privilégié, unique et précieux, du moins pour la
mère : « Je crois que c’est un peu l’amie qu’on n’a
jamais eue, on discute comme le feraient deux
femmes. » (Inès, 50 ans) ; « Le partage de vêtements,
ça génère un lien [...] C’est une source de complicité. »
(Véronique, 43 ans).
Le Tableau 1 synthétise les quatre profils et les
comportements associés. Les diverses facettes de la
co-consommation sont plus précisément illustrées en
Annexe A5.
La comparaison sociale au cœur des pratiques
d’échange
Au-delà de l’identification des différentes formes
de pratiques de co-consommation mère-fille, l’analyse du discours fait transparaître dans les propos de
certaines répondantes une forte logique de comparaison à leur fille. Le contexte dyadique, dans lequel
mère et fille se retrouvent face à face, introduit un
Tableau 1. – Comportements de consommation commune dans les quatre profils
LOGIQUES DE FEMINITE
Mère
« Féminité affirmée »
« Féminité abdiquée »
Fille
« La jeune
femme »
« La petite fille »
« Lol »
« Lolita malgré moi »
Echanges intensifs et bilatéraux (partage)
• Échanges
• Pas d’accord préalable
• Pas de retour à l’état neutre du vêtement par le
lavage
• Pas de limitation du prêt dans le temps
• Achat en co-propriété fréquent
• Espaces partagés : magasins et rayons
communs, cabine d’essayage commune,
armoires communes ou ouvertes
Echanges occasionnels et unilatéraux (prêts /
• Échanges
emprunts)
• Accord préalable indispensable
• Retour à l’état neutre du vêtement par le
lavage
• Limitation du prêt dans le temps
Achat en
enco-propriété
co-propriétéoccasionnel
occasionnel
•Achat
Espaces
séparés
mais
ouverts
: magasins
•
susceptibles d’être communs mais rayons
différents, cabines d’essayage différentes,
armoires séparées
« Talons aiguilles »
« Princesse malgré elle »
• Don de la part de la mère (par refus du
• Aucun échange
partage)
• Aucun achat en co-propriété
• Aucun achat en co-propriété
• Espaces séparés et fermés : magasins
fermés::magasins
magasins différents,
différents, différents, armoires séparées et fermées à
• Espaces séparés et fermés
l’échange
armoires séparées et fermées à l’échange
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effet miroir ; le « soi miroir » de Cooley (1902).
Dans cette perspective, le soi s’établit à travers
l’image que les autres nous renvoient de nous-mêmes :
« Ma fille est un peu le reflet de moi-même en
quelque sorte, on se retrouve, oui on se retrouve. »
(Patricia, 49 ans). Un processus de comparaison
sociale de la mère vis-à-vis de sa fille est alors activé,
qu’il soit conscient ou non. La théorie de la comparaison sociale, initialement développée en psychologie
par Festinger (1954), suggère que les individus, en
l’absence de bases objectives, cherchent à se comparer
à autrui pour évaluer leurs opinions et leurs capacités
d’action sur diverses dimensions (Suls et Wills, 1991 ;
Redersdorff et Martinot, 2003). Ce processus est
considéré comme essentiel dans la connaissance et
l’évaluation de soi (Rosenberg, 1979 ; Buunk et
Gibbons, 2006). Il influence les auto-évaluations et
peut jouer un rôle essentiel dans des stratégies de
préservation de l’image de soi (Brewer et Weber,
1994 ; Redersdorff et Guimond, 2006). Dans le cadre
d’une dyade mère-fille, le processus de comparaison
sociale prend la forme d’une comparaison interpersonnelle. Cette dernière apparaît comme une dynamique centrale chez certaines mères d’adolescente
qui prennent leur fille comme cible de comparaison :
« Sophie n’a pas du tout mon physique, elle a vraiment
les hanches qu’il faut pour les tailles basses alors
que moi je ne peux plus. » (Diane, 43 ans). En effet,
selon Suls et Miller (1977), les individus semblent
choisir des cibles qui leur sont proches. La fille adolescente s’impose naturellement comme un référent
de comparaison pour une mère en quête de repères.
C’est en effet ce qu’on observe principalement chez les
mères « Lol » et les mères « Lolita malgré moi » qui
sont les seules à considérer l’adolescente comme une
femme.
Le processus de comparaison interpersonnelle va
plus loin chez certaines femmes : on décèle, chez les
« Lol », une composante temporelle intra-individuelle telle que l’a définie Albert (1977). Le sujet se
compare non plus à une autre personne mais à luimême. Il le fait toutefois dans une perspective temporelle, en pensant à ce qu’il était dans le passé ou à ce
qu’il pense pouvoir être dans le futur. Dans le
contexte dyadique mère-fille, il s’agit d’une projection de la mère elle-même à un âge antérieur :
« Quelquefois je peux regarder ma fille en me disant :
qu’est ce qu’elle est jolie ma fille ! et je me revois à
son âge, je me retrouve en elle. » (Christine, 51 ans).
9
La complexité des processus de comparaison
d’une mère vis-à-vis de sa fille amène à s’interroger
sur les sources de ces phénomènes. La théorie de la
comparaison sociale indique que les stratégies de
comparaisons des individus sont variables en fonction de leurs motivations ou des objectifs poursuivis
(Wood, 1989 ; Wood et Taylor, 1991). Les interactions avec autrui sont en effet guidées par le déploiement de stratégies destinées à répondre à trois objectifs
différents : l’évaluation de soi6, la valorisation de
soi7 ou l’amélioration de soi8.
Ces trois objectifs sont présents chez toutes les
mères en situation de féminité partagée (les mères
« Lol »). Toutefois, l’objectif de la mère diffère selon
la perception qu’elle a de sa propre féminité : en
doute-t-elle ou non ? Ainsi, lorsque ces mères « Lol »
assument pleinement leur féminité sans être effleurées par le doute, elles ont pour principal objectif un
processus classique d’auto-évaluation qui cherche à
minimiser l’importance de la différence entre elles et
leur fille. Elles se situent dans des logiques de comparaison latérales, c’est-à-dire des comparaisons entre
des individus perçus comme équivalents (deux
femmes sur un pied d’égalité) ; ces comparaisons
s’inscrivent plus spécifiquement dans une démarche
d’évaluation de soi (Gibbons et Buunk, 1999 ; Wood
et Taylor, 1991). C’est l’exemple d’Inès qui contrôle
son corps en se comparant à sa fille : « J’essaie les
vêtements de ma fille et puis ça me serre trop donc
mon mari me dit que c’est trop petit mais je lui dis :
mais non, ça me va ! » (Inès, 50 ans). Mais dès que les
mères « Lol » doutent, ne serait-ce qu’un peu, de leur
séduction et de leur féminité, elles se retrouvent en
situation de fortes interrogations, compte tenu de
l’importance qu’elles accordent à cette dimension.
Elles se situent dès lors dans des recherches de valorisation ou d’amélioration de soi au sens de Wood et
Taylor (1991). Ces femmes ont besoin de leur fille,
qu’elles considèrent comme « dépositaire » de la
féminité pour les guider vers l’idéal féminin qu’elle
incarne. La fille devient alors un facteur motivationnel
6. L’individu tente de réduire l’incertitude concernant ses caractéristiques personnelles en recherchant des informations de ce qu’il
est, qu’il s’agisse de caractéristiques positives ou négatives.
7. L’individu utilise l’information de manière à augmenter les
aspects positifs du concept de soi ou à en minimiser les aspects
négatifs.
8. L’individu privilégie le changement plutôt que la confirmation de
ses qualités personnelles.
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significatif pour la mère, un modèle d’action au sens
de Bandura (1976). « Ma fille me tire quand même un
peu vers le haut [...], elle m’empêche de devenir
peut-être une vieille femme ! Elle me permet de rester
jeune, féminine et belle. » (Nadine, 42 ans). Il s’agit,
semble-t-il, d’un processus de féminisation inversé
de la fille vers la mère, par désirabilité de la féminité
naissante de la fille adolescente. L’achat commun et
l’échange de vêtements apparaissent alors comme
des remèdes qui maintiennent les mères dans une
logique de jeunesse et de féminité : « Quand je porte
les mêmes vêtements que ma fille, ben je me dis que je
ne fais pas si vieille que ça finalement ! Que j’arrive
encore à mettre des choses qu’elle met, que je suis
une maman qui ne s’est pas laissée aller. » (MarieIsabelle, 46 ans).
Complexité des processus d’influence
interpersonnelle au sein de la dyade
L’influence interpersonnelle – entre deux individus – a déjà été largement mise en évidence en comportement du consommateur par des chercheurs
comme Park et Lessig (1977) et plus récemment par
Bearden, Netemeyer et Teel (1989). Ces derniers
(1989, p. 474) ont mis en évidence la coexistence de
deux types d’influence : l’influence normative qui
consiste à « s’identifier ou à rehausser son image vis-àvis d’autres personnes préalablement jugées pertinentes, à travers l’acquisition et l’utilisation des produits ou la volonté de se conformer aux attentes des
autres concernant les décisions d’achat » ; et l’influence informative qui porte sur « la tendance à
apprendre à propos des produits en cherchant des
informations par la conversation et/ou l’observation ».
Les résultats mettent en évidence l’existence de
ces deux mécanismes d’influence au sein de la dyade
mère-fille. Néanmoins, ces deux mécanismes n’apparaissent pas de manière systématique. Et surtout, ils
peuvent apparaître seuls, ou ensemble ou ne pas
apparaître du tout. Là encore, la typologie élaborée,
qui repose, rappelons-le, sur le rapport de chacun des
membres de la dyade à la féminité, permet un éclairage
pertinent.
Ainsi, les mères « Talons aiguilles » et
« Princesse malgré elle » qui maintiennent leur adolescente dans une position de petite fille ne subissent
aucune influence de leur fille, pas plus normative
qu’informative. Les mères « Lolita malgré moi », qui
se définissent avant tout comme des mères et non
comme des femmes, recherchent toutefois, auprès de
leur fille devenue une jeune femme, à évaluer la justesse de leurs choix et de leurs comportements vestimentaires. Elles subissent une influence de type
informatif de la part de leur fille, qu’elles considèrent
comme initiée au monde de la mode : « Quand je
rentre le soir, je montre à ma fille ce que j’ai acheté, je
lui demande son avis [...] Elle est très féminine
quand même, elle aime bien les talons. » (Emilie, 43
ans). Cette initiation de la mère par sa fille passe par la
découverte de nouveaux magasins : « Elle m’a fait
connaître Promod, Naf-Naf, Etam H&M, Bershka et
aussi Zara, c’est un magasin qu’elle aime beaucoup, et
là je trouve aussi des choses pour moi. » (Nora, 44
ans).
Seules les mères « Lol », qui partagent la féminité
avec leur fille et sont adeptes des comportements
d’échange ou d’achat en commun, subissent une
influence de type normative : « J’aime le regard
qu’ont mes filles, c’est critique, et je me rends
compte qu’elles ont raison, elles me comprennent
parce qu’elles ont un corps de femme donc elles
savent. » (Christine, 51 ans). Les analogies de comportements relevés peuvent être générées chez ces
mères par identification ou parce que le comportement adopté permet, par le biais de l’adolescente, la
valorisation de l’image qu’elles ont d’elle-même.
Ces mères, qui sillonnent très fréquemment les
magasins et les rayons avec leur fille, recherchent
activement l’approbation de cette dernière lors de
l’achat de vêtements et n’envisagent pas d’acheter
sans leur avis et leur adhésion. Par ailleurs, un certain
nombre d’entre elles subissent aussi une influence de
type informatif, principalement lorsqu’elles doutent de
leurs choix en matière vestimentaire. Mais ce second
type d’influence n’est pas systématiquement relevé
chez les mères « Lol ». Une vision globale des dynamiques sous-jacentes aux comportements de coconsommation est proposée au Tableau 2.
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Tableau 2. – Dynamiques sous-jacentes aux comportements de co-consommation mère-fille
LOGIQUES DE FEMINITE
Mère
« Féminité affirmée »
« Féminité abdiquée »
Fille
« La jeune femme »
« Lol »
« Lolita malgré moi »
• Comparaison interpersonnelle
• Comparaison interpersonnelle
• Comparaison intra-individuelle (par
• Pas d’influence interpersonnelle de
type normatif
• Influence interpersonnelle de type
informatif
phénomène d’identification)
« Lol » assumant pleinement leur féminité
• Influence interpersonnelle de type normatif
« Lol » en doute
• Influence interpersonnelle de type normatif
• Influence interpersonnelle de type informatif
« La petite fille»
« Talons aiguilles »
« Princesse malgré elle »
• Pas de comparaison interpersonnelle
• Pas d’influence interpersonnelle de type normatif
• Pas d’influence interpersonnelle de type informatif
DISCUSSION ET CONCLUSION
Mères et filles écument ensemble les magasins,
elles échangent des vêtements, font armoires communes et financent des habits en commun. Ce phénomène n’a rien d’exceptionnel mais il n’est pour
autant ni universel ni systématique. En effet, les
formes de co-consommation – emprunts, prêts et partage – diffèrent selon la manière dont la mère se situe
elle-même et situe sa fille en matière de féminité. Il y a
partage du vêtement lorsque la mère expérimente
avec sa fille adolescente une situation de partage de la
féminité. À l’inverse, il y a prêts ou emprunts ponctuels de vêtements avec des règles du jeu précises
lorsque la mère n’a pas le sentiment de partager la
féminité avec sa fille. Cette recherche illustre l’importance du partage au sein de la famille, tout en
ouvrant des perspectives nouvelles. En effet, Belk et
Llamas (à paraître) considèrent que les vêtements,
biens personnels, font l’objet de prêts et d’emprunts,
contrairement aux biens communs. Notre recherche
suggère que les vêtements peuvent, lorsqu’une situation de féminité partagée produit une confusion identitaire, se transformer en biens communs, pour créer un
lien unique, que seul le partage peut générer9. La
recherche met en évidence trois mécanismes sousjacents à ces formes de partage, d’emprunt ou de prêt :
l’influence interpersonnelle informative, l’influence
interpersonnelle normative et la comparaison interpersonnelle, laquelle peut même se transformer en
comparaison intra-individuelle. Ces mécanismes ne
sont pas directement observables par les managers.
Prendre conscience de leur existence leur permettrait
de choisir de mettre en scène la confusion mère-fille
ou de refuser de le faire en toute connaissance de
cause. De même, les entreprises peuvent choisir de
tirer profit ou non du goût pour la confusion au sein de
9. Les mères qui n’échangent pas avec leur fille n’entretiennent
pas pour autant une mauvaise relation affective avec elle. Il n’apparaît pas de lien systématique entre la qualité de la relation et l’importance de la co-consommation.
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certaines dyades pour proposer une offre unique et
décloisonnée, destinée aux deux membres.
Lorsqu’une mère partage des vêtements avec sa fille
adolescente, n’y a-t-il pas danger d’absence de passage de relais d’une génération à l’autre, la mère
refusant de s’effacer devant sa fille ? (Eliacheff et
Heinich, 2002). Le marketer, même s’il ne fait que
mettre en scène une réalité de notre temps en représentant dans une annonce des mères et des filles peu
différenciées, se doit de s’interroger sur sa responsabilité et d’adopter un questionnement moral sur sa
fonction (Bergadaà, 2004). Il risque sinon de contribuer à la confusion des générations dénoncée par les
psychanalystes. Une piste de réponse pour ces managers consisterait à mettre en scène des dyades mèrefille arborant les mêmes vêtements mais associés et
accessoirisés de manière suffisamment différente
pour éviter l’impression de mêmeté. Mère et fille
sont proches mais non semblables. On limite alors le
risque que le marketing, agent institutionnel qui
façonne les comportements (Arnould et Thompson,
2005), ne banalise dans les esprits la confusion des
générations. Ce risque de confusion n’est pas une
menace systématique : rien n’oblige une mère à se
fondre dans sa fille et de nombreuses dyades respectent la hiérarchie des générations tout au long de
l’adolescence de la fille. Même si aujourd’hui la
médiatisation du phénomène pourrait laisser penser
que toute mère, à un moment ou à un autre, se trouvera
en situation de confusion générationnelle, nos travaux démontrent qu’il n’en est rien. Sans doute le
jeunisme ambiant, dénoncé notamment par
Lipovetsky (1987), a-t-il contribué à faire d’une catégorie de femmes, particulièrement touchées dans leur
féminité, une généralité de la société contemporaine ?
Comme toute recherche, ce travail présente différentes limites. L’une d’entre elles tient au choix premier et fondamental que nous avons opéré : celui
d’appréhender des comportements de co-consommation entre une mère et sa fille comme une réponse à
une problématique qui se pose à la mère lorsque cette
dernière partage la féminité avec sa fille. Une
seconde limite tient au recours exclusif à l’entretien :
des prises de photos réalisées par les mères ellesmêmes sur leurs échanges, photos qu’elles auraient
été amenées ensuite à commenter, auraient sans
doute permis de mieux saisir toute l’étendue des
significations (Wallendorf et Arnould, 1991).
Même limitée, cette étude suggère de multiples
voies de recherche. Nous n’en retiendrons que deux.
Tout d’abord, l’émergence de la grand-mère dans le
discours des mères – qu’elle ait été un modèle ou un
contre-modèle (a « dark mirror ») pour sa fille en
matière de féminité – invite à se pencher sur ce personnage essentiel de la transmission (Bouchet,
1992). Par ailleurs, la mise en évidence des pratiques
de co-consommation invite à s’interroger plus avant
sur les diverses formes de prêt, d’emprunt, de partage
et de don qui prennent place au sein de la famille, et
tout particulièrement dans les multiples sous-groupes
qu’elle est susceptible de former : père-adolescent ;
frère-sœur et même le trio mère-fille-grand-mère !
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ANNEXES
A1. – Présentation détaillée de l’échantillon des 25 mères10
PRÉNOM
ET ÂGE DE LA MÈRE
NOMBRE D’ENFANTS
CONFIGURATION
FAMILIALE
PROFESSION
Natacha, 42 ans
1 enfant
1 fille 16 ans
Infirmière
Laura, 41 ans
3 enfants
1 fille 16 ans
1 garçon 15 ans
1 fille 9 ans
Professeur de sport
Séverine, 43 ans
2 enfants
1 fille 16 ans
1 fille 9 ans
Professeur de collège
Florence, 46 ans
3 enfants
1 fille 16 ans
1 garçon 15 ans
1 fille 11 ans
Secrétaire d’entreprise
Anne-Charlotte, 43 ans
2 enfants
1 fille 14 ans
1 garçon 11 ans
Cadre marketing
Émilie, 43 ans
3 enfants
1 garçon 18 ans
1 fille 16 ans
1 fille 11 ans
Assistante puéricultrice
Louise, 38 ans
2 enfants
1 fille 13 ans
1 fille 2 mois
Secrétaire médicale,
actuellement en congés
post-maternité
Nadine, 42 ans
`
2 enfants
1 garçon 20 ans
1 fille 15 ans
Assistance pédagogique
Carole, 45 ans
3 enfants
1 garçon 15 ans
1 fille 15 ans
1 fille 15 ans
Pharmacienne
Marie-Isabelle, 46 ans
3 enfants
1 fille 23 ans
1 garçon 21 ans
1 fille 17 ans
Mère au foyer
Céline, 39 ans
2 enfants
1 fille 14 ans
1 fille 10 ans
Secrétaire
Béatrice, 49 ans
6 enfants
1 fille 16 ans
1 garçon 15 ans
1 fille 12 ans
1 garçon 10 ans
1 garçon 7 ans
1 fille 4 ans
Mère au foyer
Nora, 44 ans
3 enfants
1 fille 17 ans
1 garçon 14 ans
1 garçon 3 ans
Ingénieur
10. Pour des questions évidentes de confidentialité, tous les prénoms ont été modifiés.
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PRÉNOM
ET ÂGE DE LA MÈRE
NOMBRE D’ENFANTS
CONFIGURATION
FAMILIALE
PROFESSION
Christine, 51 ans
2 enfants
1 fille 15 ans
1 fille 12 ans
Gérante de magasins
Inès, 50 ans
1 enfant
1 fille 18 ans
Assistante de direction
Anne, 47 ans
2 enfants
1 fille 14 ans
1 garçon 10 ans
Professeur dans
l’enseignement supérieur
Ingrid, 54 ans
3 enfants
1 fille 28 ans
1 fille 26 ans
1 fille 18 ans
Enseignante au collège
Diane, 43 ans
2 enfants
1 fille 16 ans
1 garçon 18 ans
Médecin libéral
Patricia, 49 ans
3 enfants
1 fille 24 ans
1 fille 22 ans
1 fille 17 ans
Infirmière retraitée
Julie, 44 ans
1 enfant
1 fille 17 ans
Auxiliaire médicale
Véronique, 43 ans
3 enfants
1 garçon 19 ans
1 fille 17 ans
1 garçon 14 ans
Femme au foyer
Tatiana, 42 ans
3 enfants
1 garçon 16 ans
1 garçon 15 ans
1 fille 12 ans
Cadre marketing
Danielle, 45 ans
4 enfants
1 fille 23 ans
1 garçon 21 ans
1 fille 16 ans
1 fille 10 ans
Kinésithérapeute
actuellement au foyer
Valérie, 42 ans
3 enfants
1 fille 17 ans
1 garçon 16 ans
1 garçon 11 ans
Pharmacienne actuellement
au foyer
Doriane, 46 ans
3 enfants
1 garçon 23 ans
1 garçon 21 ans
1 fille 16 ans
Pédicure
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Isabelle Decoopman, Élodie Gentina, Marie-Hélène Fosse-Gomez
A2. – Quatre profils selon le rapport à la féminité
« Lol »
« Lolita malgré moi »
Mère : féminité affirmée
• Fille : adolescente perçue comme une
jeune femme
•
Mère : féminité abdiquée
• Fille : adolescente perçue comme une
jeune femme
•
« Talons aiguilles »
• Mère
« Princesse malgré elle »
: féminité affirmée
• Fille : adolescente perçue comme une
petite fille
Mère : féminité abdiquée
• Fille : adolescente perçue comme une
petite fille
•
A3. – Classification des mères selon le positionnement des deux membres de la dyade vis-à-vis des enjeux
de la féminité perçue par la mère
LOGIQUES DE FEMINITE
Mère
« Féminité affirmée »
« Féminité abdiquée »
Fille
« La jeune femme »
« Lol »
Inès, 50 ans
Christine, 51 ans
Véronique, 43 ans
Patricia, 49 ans
Marie-Isabelle, 46 ans
Florence, 46 ans
Nadine, 42 ans
Doriane, 46 ans
Diane, 43 ans
« La petite fille»
« Talons aiguilles »
Carole, 45 ans
Anne, 47 ans
Louise, 38 ans
Danielle, 45 ans
« Lolita malgré moi »
Nora, 44 ans
Emilie, 43 ans
Céline, 39 ans
Séverine, 43 ans
Laura, 41 ans
Béatrice, 49 ans
Valérie, 42 ans
Ingrid, 54 ans
Julie, 44 ans
« Princesse malgré elle»
Natacha, 42 ans
Tatiana, 42 ans
Anne-Charlotte, 43 ans
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A4. – Synopsis des films
Lol (Lisa Azuelos, 2009)
Lol est une comédie sur les adolescents d’aujourd’hui. « LOL » signifie « Laughing Out Loud » – mort de rire – en
langage MSN. C’est aussi comme ça que les amis de Lola l’appellent. Lola est une lycéenne de 17 ans qui,
comme toutes les jeunes filles de son âge, découvre les premières sorties, les premières expériences amoureuses, les
relations à la fois conflictuelles et fusionnelles avec sa mère. Ce film explore toutes les problématiques chargées
d’ambivalence propre au contexte de féminité partagée : de la fusion à la confusion, les relations mères-filles
bouillonnent de complicité, d’amour mais aussi de haine et de rivalité.
Talons aiguilles (Pedro Almodovar, 1992)
Une mère, vedette internationale de la chanson, rentre au pays après des années d’absence Elle y retrouve sa fille
unique, qu’elle a toujours négligée, devenue présentatrice du JT et mariée à l’un de ses anciens amants. Ce dernier
est assassiné peu après. Le film met en scène la rivalité entre les deux femmes et la difficulté pour la fille à exister
face à une mère séductrice.
Princesse malgré elle (Garry Marshall, 2001)
Mia Thermopolis a 15 ans et vit seule avec sa mère à San Francisco. Mia est une adolescente aux allures de
petite fille qui peine à s’affirmer. Sa tenue vestimentaire est simple, sobre, et pas vraiment féminine, tout comme
celle de sa mère. Sa grand-mère paternelle, élégamment habillée, lui annonce qu’elle est l’unique héritière du trône
de Génovie. Le film met en scène deux femmes en dehors de la féminité, une mère qui n’est pas une séductrice et
une adolescente encore « petite fille » en voie de devenir une « princesse ».
Lolita malgré moi (Mark Waters, 2005)
Cady et sa mère ont vécu en Afrique au contact des animaux sauvages. Mère et fille sont isolées de l’univers féminin et ne portent aucune attention à leur apparence physique. La mère joue, dans le film, un rôle central dans la difficulté de sa fille à se définir comme une jeune fille « féminine ». La mère de Cady ayant trouvé un emploi à l’université Northwestern, la famille déménage aux États-Unis. C’est alors que Cady atterrit dans un lycée de
l’Illinois, où elle découvre l’univers des filles : « les Lolitas ». Cady subit l’influence de ses nouvelles camarades,
au point d’accepter les codes vestimentaires « fashion victim » pour devenir une vraie jeune fille « lolita ».
Achat en copropriété
Choix final
Comportement
au sein du
magasin
Shopping
commun
Rare
Fréquent
Accord non systématique
Accord systématique de la fille
lors du choix
Cabines d’essayage séparées
Cabines d’essayage communes
Rayons différents
Rayons communs
Magasins différents
Magasins communs
Présence de la dyade non
systématique
Présence de la dyade
systématique
« Pour moi je fais Zara, H & M, Esprit…, elle c’est Bershka mais ce n’est pas pour moi, enfin si, pour les petits
tops… mais c’est trop jeune, trop ado. » (Louise, 38 ans, Talons aiguilles)
« Quand on fait du shopping, on rentre dans une boutique et on fait les rayons à deux, on discute comme deux
copines quoi. » (Nadine, 42 ans, Lol)
« On rentre parfois dans le même magasin, si elle a besoin d’un conseil j’y vais, sinon c’est chacune de son côté,
elle va dans son coin et moi dans le mien, et après on se montre ce qu’on a vu. Pour ses achats à elle, elle me
demande mon avis, et moi j’achète sans son avis. » (Laura, 41 ans, Lolita malgré moi).
« Chacune va de son côté et après on se montre les trucs et on essaie à deux dans la même cabine. On n’a
jamais eu de complexes, même avec la petite, je suis dans la salle de bains elle rentre, et inversement… »
(Florence, 46 ans, Lol)
« Souvent on regarde chacune de notre côté, elle vient me voir en me montrant des habits. Quand elle essaie des
choses qui ne me plaisent pas, je lui dis, c’est dans les deux sens. Après on essaie chacune de son côté, si on se
rend compte que ça ne va pas, on ne se montre même pas les vêtements qu’on essaie. Mais si on aime bien, on se
montre les vêtements, on sort chacune de nos cabines, et on en discute. » (Nora, 44 ans, Lolita malgré moi)
« Le fait de faire des boutiques avec Mathilde, c’est un moment privilégié je trouve de faire ça avec sa fille.
Autant elle s’achète des vêtements sans moi de temps en temps, autant moi, c’est très rare, je lui demande
toujours son avis. » (Doriane, 46 ans, Lol)
« Puisqu’on n’a pas forcément les mêmes goûts, ça arrive régulièrement que j’achète des choses qu’elle n’aime
pas, et je l’achète quand même. Je ne demande pas son avis.» (Natacha, 42 ans, Princesse malgré elle).
« On s’achète souvent des vêtements pour deux. C’est très fréquent, on a la même taille, on a les mêmes goûts
donc à chaque saison on a des vêtements en co-propriété. » (Doriane, 46 ans, Lol)
« Lucie et moi avons des styles vestimentaires un peu identiques mais je fais attention de ne pas acheter ses
vêtements, il faut que les gens à l’extérieur fassent la différence entre elle et moi. » (Séverine, 43 ans, Lolita
malgré moi),
« Je fais essentiellement du shopping avec ma fille Isabelle. Et puis je sais qu’elle aime ça, elle adore faire du
shopping et moi j’aime ça aussi, mais on peut faire du shopping et ne rien acheter. C’est être à deux, se balader,
regarder des choses, échanger, et puis on ne fait pas que du shopping. On discute, on papote, comme le feraient
deux femmes. » (Inès, 50 ans, Lol)
« A chaque changement de saison je fais du shopping avec mes filles, je le fais aussi pour leur faire plaisir si
elles ont envie d’aller chez H & M et tout ça. Mais maintenant, je commence à les autoriser à y aller avec des
copines, donc on fait aussi un petit peu de shopping dans la saison, mais ce n’est pas du tout systématique.
D’abord le samedi je déteste… Si vraiment elles insistent je vais y aller, mais je reconnais que ça me gonfle un
petit peu. » (Carole, 45 ans, Talons aiguilles)
« Actuellement c’est plus Bershka, Zara, Pool and Bear, Pimkie mais moins en ce moment, Stradivarius…On a
souvent les mêmes boutiques. Et les mêmes fringues ! » (Nadine, 42 ans, Lol)
A5. – Illustration des diverses pratiques en matière de co-consommation
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ACHAT DU VETEMENT
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MAGASIN
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Les règles du
prêt
Le prêt
Le rangem ent
Retour à l’état neutre
du vêtement par le
lavage
Tous les objets
ouverts à l’échange
Objets interdits à
l’échange
Pas de limitation du
prêt dans le temps
Limitation du prêt
dans le temps
Accord préalable non
systématique
Accord préalable
systématique
Pas de retour à l’état
neutre du vêtement
par le lavage
Peu d’échanges
Echanges intensifs
Armoires séparées
mais ouvertes sur le
partage
Armoires séparées et
fermées à l’échange
Bilatéral
Unilatéral
Armoires communes
« On s’échange beaucoup de choses toutes les deux, même les sous-vêtements, ça nous arrive de les échanger. »
(Véronique, 43 ans, Lol)
« Il y a des vêtements que je ne prête pas, par exemple les sous-vêtements c’est plutôt personnel. » (Ingrid, 54 ans, Lolita
malgré moi)
« Ma fille ne me rend pas toujours mes vêtements. Elle les laisse traîner en boule dans son armoire.» (Marie-Isabelle, 46
ans, Lol)
« Ça ne me dérange pas qu’elle m’emprunte parfois des vêtements, par contre il ne faut pas qu’elle les garde dans sa
chambre une éternité et qu’après je ne sache plus où ils sont. En général, si j’accepte de prêter, c’est pour une durée
limitée. » (Laura, 41 ans, Lolita malgré moi)
« Quand j’ai porté un vêtement de ma fille, après il est lavé, plié, elle vient le chercher, si je ne dois pas le mettre c’est
bon. » (Laura, 41 ans, Lolita malgré moi).
« On n’échange pas, on n’a pas la même taille. Ma fille, elle a encore un corps de petite fille, elle, c’est encore IKKS
petite fille, donc je ne pourrais pas lui emprunter des choses, ne serait-ce un petit haut, elle est trop jeune. » (Tatiana, 42
ans, Princesse malgré elle)
« Je regarde dans les armoires de mes filles et si je vois un truc que je peux mettre je vais le mettre. Je ne leur demande
pas leur avis. Donc c’est peut-être logique qu’elles aillent aussi dans mon armoire. » (Marie-Isabelle, 46 ans, Lol)
« Quand elle me prend quelque chose, elle doit me demander la permission et quand je lui emprunte quelque chose, c’est
plus rare, je lui demande aussi avant. » (Céline, 39 ans, Lolita malgré moi)
« Ma fille prend le vêtement parce qu’elle a envie de le mettre le jour J, si elle l’a mis une demi-journée, je ne le lave pas,
c’est rangé dans mon armoire. » (Inès, 50 ans, Lol)
« On a une garde-robe commune ! J’ai la commode et l’armoire, sa commode c’est pour son petit linge perso mais elle
est dans ma chambre, et la penderie c’est un côté pour elle et un côté pour moi. » (Nadine, 42 ans, Lol).
« Je vais dans son armoire et elle va dans la mienne [… ] on décide que c’est soit pour moi, soit pour elle, donc le
vêtement est rangé dans l’armoire de l’une ou dans l’armoire de l’autre, mais ça n’empêche pas que l’une et l’autre
peuvent le mettre. » (Inès, 50 ans, Lol).
« Ca doit rester dans mon armoire. […] Il ne faut pas qu’elle garde le vêtement dans sa chambre une éternité et qu’après,
je ne le vois plus. » (Laura, 42 ans, Lolita malgré moi).
« On s’échange les pulls, les t-shirts, les chemisiers, les chaussures, les manteaux… » (Marie-Isabelle, 46 ans, Lol)
« Ma fille vient prendre mes vêtements mais moi je ne vais jamais prendre les siens. Déjà c’est là-haut et je vais rarement
dans sa chambre, dans ses placards, ce sont ses vêtements à elle quoi. » (Laura, 41 ans, Lolita malgré moi)
« Les chemises et les petites vestes, on échange, chaussures pareil, on adore s’échanger ça, elle me pique les accessoires.
On s’échange beaucoup de choses toutes les deux. » (Nadine, 42 ans, Lol)
A5. – Illustration des diverses pratiques en matière de co-consommation (suite)
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La confusion des générations ? Les enjeux identitaires des échanges vestimentaires entre les mères et leur fille adolescente
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