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Ambassade de France au Royaume-Uni Service Science et Technologie Royaume oyaume--Uni Science & Technologie au Juillet-Août 2010 Nanotechnologies et alimentation Sommaire 2 Dossier 4 Nanotechnologies et alimentation Politique scientifique et technique 20 Sciences de l’ingénieur 30 Mise en œuvre du plan « Sciences du vivant 2010 » Bloodhound SSC : susciter des vocations avec 20 un projet technologique emblématique 30 Restructuration de l’organisation des organismes de réglementation Le moteur à explosion n’a pas dit son 22 dernier mot 31 Dialogue sur la biologie synthétique 23 Environnement 33 MRC-Technology collabore avec l’industrie et le secteur à but non lucratif La stratégie du nouveau gouvernement 25 en matière d’énergie 33 Les autorités locales britanniques encouragées à produire de l’électricité verte 36 Géo-ingénierie : un cadre réglementaire s’avère indispensable 37 Espace Conclusions d’une troisième enquête 28 indépendante sur l’affaire du « Climategate » 38 L’approche du gouvernement de coalition dans le secteur de l’espace Des institutions britanniques informent les 28 négociateurs sur le changement climatique 40 Comment conjuguer restrictions budgétaires et lutte contre le changement climatique ? 42 Accords de coopération scientifique et technologique entre l’Inde et le Royaume-Uni 26 Le destin des centres de nanotechnologie britanniques et autres mesures budgétaires 27 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk Science & Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 ISSN 2042-7719 Directeur de la publication et rédacteur en chef Serge Plattard Responsable de la publication Joël Constant Équipe rédactionnelle Dossier du mois Maggy Heintz Politique scientifique et technique Claire Mouchot Maggy Heintz Espace Maggy Heintz Sciences de l’ingénieur Joël Constant Environnement Joël Constant En couverture Une fraise Crédits Image réalisée à partir de Strawberry444 Benjamint444 Creative Commons 3.0 Partage et modification avec obligation d’attribution et de diffusion sous la même licence Service Science et Technologie Ambassade de France au Royaume-Uni 6 Cromwell Place Londres SW7 2JN Téléphone : (44) 207 073 13 80 Télécopie : (44) 207 073 13 90 [email protected] Taux de change de l’euro le 31/08/2010 1 livre ≈ 1,56 dollar US 1 livre ≈ 1,22 euro www.ambascience.co.uk Éditorial par Serge Plattard, Conseiller pour la science et la technologie Des biologistes de nouveau à la manœuvre Alors que rien de ferme sur les prochaines orientations budgétaires ne sera connu d’ici le 20 octobre, il convient de relever, en revanche, que des changements significatifs ont été décidés cet été à la tête de la Royal Society et du Medical Research Council (MRC) ainsi que la nomination du directeur du futur UK Centre for Medical Research and Innovation (UKCMRI). Paul Nurse, âgé de 61 ans, Prix Nobel de physiologie et de médecine 2001, élu par ses pairs en juillet, deviendra le nouveau président de la Royal Society à partir du 1er décembre 2010, succédant à l’astronome royal Lord Rees qui termine son mandat quinquennal alors que cette institution célèbre son 350 e anniversaire cette année. Après 25 ans cette présidence revient à nouveau à un biologiste. Cette académie retrouve également une certaine tradition puisque depuis l’existence du Prix Nobel, les 2/3 de ses présidents en étaient lauréats, dont la moitié en physiologie et médecine. Titulaire d’un doctorat de l’université d’East Anglia, ce généticien et biochimiste cellulaire a dirigé en 1996 l’Imperial Research Cancer Fund, future composante de Cancer Research UK, qu’il quittera en 2003 pour prendre la présidence de l’université Rockefeller à Manhattan jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement à cette charge à la Royal Society, considérée comme un mi-temps, Paul Nurse a accepté en juillet de devenir, à partir du 1 er janvier 2011, le directeur fondateur et le directeur exécutif de l’UKCMRI qui devrait compter 1 500 personnes en 2015 et dont il préside le comité scientifique préparatoire depuis deux ans. Financé à hauteur de 600 M£, pour plus de la moitié par le MRC, avec des apports de Cancer Research UK, du Wellcome Trust et de University College London, cet impressionnant centre de recherches interdisciplinaires, qui se focalisera sur la biomédecine, et situé au cœur de Londres dans le voisinage immédiat de St Pancras, sera le plus significatif du genre en Europe. « Peut-être le poste scientifique le plus important en Europe », selon Sir Leszek Borysiewicz, directeur exécutif partant du MRC, lui-même appelé à devenir vice-chancelier de l’université de Cambridge le 1 er novembre, le premier biologiste à occuper ce poste depuis 25 ans. Inspiré par son expérience new-yorkaise et par les pratiques du Howard Hughes Medical Institute, Sir Paul évitera de formaliser la gestion de ce centre via des directions et des départements. Ce seront les groupes de recherche, un peu plus d’une centaine, qui seront les moteurs de la créativité et de l’innovation, chaque individu pouvant changer de groupe ou appartenir à plusieurs d’entre eux selon ses centres d’intérêt. Les 2/3 de ces groupes seront constitués de jeunes chercheurs. Une fois devenus plus expérimentés, la politique du centre consistera à les faire essaimer à l’extérieur pour faire venir de nouveaux jeunes scientifiques. Pour les 100 ou 150 meilleurs d’entre eux, le futur directeur estime qu’une solution évitant les arcanes bureaucratiques habituels devra être trouvée afin de leur laisser un maximum de temps pour leur recherche. Enfin, la cohabitation de chercheurs en biologie fondamentale, de cliniciens et de pharmaciens sera l’occasion de donner une impulsion nouvelle à la recherche médicale translationnelle. Relevons également que fin juillet, John Savill a été retenu pour devenir le nouveau directeur exécutif du MRC à compter du 1er octobre après avoir dirigé le collège de médecine et de médecine vétérinaire de l’université d’Edimbourg. Salué pour sa grande connaissance de l’interface recherche fondamentale/recherche clinique, il aura la lourde tâche de défendre le budget de ce conseil dans un contexte de décrue budgétaire sensible pour pratiquement tous les départements ministériels. Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 3 Dossier Nanotechnologies et alimentation Depuis l’invention de la cuisine il y a 300 000 ans, l’homme a utilisé diverses technologies pour modifier sa nourriture. Le développement de l’agriculture, il y a environ 10 000 ans, a entraîné la mise au point de toutes sortes de nouvelles technologies, des plus basiques concernant les méthodes de préservation des aliments (salaison, séchage, fumage) aux plus élaborées permettant d’améliorer les rendements des récoltes. L’industrialisation de la production alimentaire, au 19ème siècle, a permis le développement de technologies innovantes dans les domaines du traitement et de la conservation des aliments. Si certaines ont parfois été acceptées avec réticence (par exemple, la pasteurisation du lait), d’autres, comme le pré-emballage de plats surgelés « prêts à manger », ont été acceptées sans sourciller par le consommateur. De nos jours, bien que l’introduction des nanotechnologies dans la chaîne alimentaire n’en soit encore qu’à ses balbutiements comparativement aux secteurs de l’électronique, de la chimie ou de l’industrie pharmaceutique, l’envergure du débat actuel autour des nanotechnologies a incité les Lords composant le Science and Technology Committee à examiner les relations entre nanotechnologies et alimentation. Leurs conclusions sont exposées dans un rapport publié en janvier 2010 et présenté ciaprès. Introduction L’enquête des Lords ne s’est pas limitée à l’étude des nanomatériaux utilisés en tant qu’ingrédients dans les aliments. Elle a été étendue afin de traiter de l’utilisation des nanotechnologies au sein de la chaîne alimentaire dans son intégralité : pesticides et engrais, procédés de production des aliments et emballages au contact de ceux-ci. Compte-tenu de l’importance de l’étude, il a été décidé d’exclure de celle-ci l’impact sur l’environnement des nanotechnologies utilisées dans l’industrie alimentaire, ou leur utilisation dans des produits dérivés qui, bien que n’étant pas des aliments, pourraient conduire à l’ingestion de nanomatériaux et nanoparticules (par exemple, pâte dentifrice ou produits cosmétiques). Avant de s’intéresser aux résultats de cette enquête, nous allons dans un premier temps nous interroger sur la signification des nanosciences et le secteur de recherche associé, aborder le concept de « l’économie des nanotechnologies », puis 4 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 brièvement explorer l’engouement actuel, au Royaume-Uni et en France, concernant le développement et la réglementation des nanotechnologies. 1. Généralités 1.1 Nanosciences, nanotechnologies et nanomatériaux 1.1.1 Historique Richard Feynman, prix Nobel américain de physique en 1965, fut le premier scientifique à avancer l’idée qu’il serait bientôt possible pour l’homme de transformer la matière à l’échelle atomique. Dans un discours visionnaire intitulé « There’s plenty of room at the bottom » prononcé en 1959 devant l’American Physical Society, il envisageait de réorganiser la matière atome par atome et de faire tenir tout le contenu de l’encyclopédie Britannica sur la tête d’une épingle. Il établit au cours de cette conférence les bases de ce qui allait de- www.ambascience.co.uk Atomes de xénon déposés par un microscope à effet tunnel sur du nickel par des chercheurs d'IBM. Crédit : Donald Eigler (IBM) Creative Commons 2.5 1.1.2 Définitions « Nano » est le préfixe du système international d'unités qui représente 10-9, soit un milliardième de l'unité de base. Pour donner une idée de l’ordre de grandeur, une feuille de papier a une épaisseur de 100 000 nm, un globule rouge un diamètre de 7 000 nm, et un atome d’or un diamètre d’environ 1/3 nm. 300 000 000 nanoparticules, chacune d’un diamètre de 100 nm, pourraient être disposées sur la tête d’une épingle. Par analogie, les nanosciences pourraient donc être définies comme les sciences de l’infiniment petit. S’agissant d’un champ scientifique en émergence, il n’y a cependant pas, à l’heure actuelle, de consensus www.ambascience.co.uk scientifique sur ces définitions. Selon le rapport « Nanoscience and nanotechnologies : opportunities and uncertainties »1 conjointement publié par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering en 2004, les nanosciences sont l’étude des phénomènes et de la manipulation de la matière aux échelles atomique, moléculaire et macromoléculaire, où les propriétés diffèrent sensiblement de celles qui prévalent à une plus grande échelle. Les nanotechnologies, quant à elles, concernent la conception, la caractérisation, la production et l’application de structures, dispositifs et systèmes par le contrôle de la forme et de la taille à une échelle nanométrique. Les nanomatériaux, enfin, sont des matériaux dont la structure interne ou externe est de dimension nanométrique dans au moins une des trois dimensions. On distingue trois types de nanomatériaux : les nanofilms, ou couches minces, dont une seule des trois dimensions est de l’ordre du nanomètre ; les nanotubes, dont deux des trois dimensions sont de l’ordre du nanomètre. Il s’agit de structures cristallines particulières, de forme tubulaire, creuse et close, composées d'atomes disposés régulièrement en pentagones, hexagones et/ou heptagones, et obtenues à partir de certains matériaux, en particulier le carbone et le nitrure de bore ; les nanoparticules, dont les trois dimensions sont de l’ordre du nanomètre. On distingue les nanoparticules d’origine naturelle (poussières volcaniques, par exemple), les nanoparticules d’origine humaine non intentionnelle (particules émises lors de combustion, par exemple) et les nanoparticules manufacturées. Il convient de noter que la particularité qui fait qu’un matériau peut être considéré comme « nano » n’est pas à proprement parler purement quantitative – un matériau est considéré comme nano à partir du moment où il démontre une nouvelle fonctionnalité résultant de sa petite taille. Les matériaux à l’échelle nanométrique présentent des propriétés différentes de ceux à plus grande échelle car : les nanomatériaux ont une surface beaucoup plus grande et par conséquent peuvent être chimiquement plus réactifs (voir tableau 1) ; les matériaux à l’échelle nanométrique peuvent commencer à présenter des effets quantiques dans lesquels les comportements électronique, magnétique et optique peuvent changer. La grande diversité des nanomatériaux rend leur réglementation et l’analyse des risques liés à leur utilisation particulièrement difficile. Dossier venir 20 ans plus tard la nanotechnologie moléculaire. Le terme « nanotechnologie » fut utilisé pour la première fois en 1974 par le professeur Norio Tanigushi de l’Université des sciences de Tokyo, et défini comme « le procédé de séparation, de consolidation et de déformation des matériaux par un atome ou une molécule ». Il fut définitivement popularisé par Dr Kim Eric Dexler dans les années 80. La manipulation de la matière à l’échelle atomique a été rendue possible grâce à la mise au point en 1982 du microscope à effet tunnel (STM, Scanning Tunneling Microscope) par Gerd Binnig et Heinrich Rohrer, du laboratoire IBM de Zurich. Cette invention a valu à ses inventeurs le prix Nobel de physique en 1986 et fut à l’origine d’une nouvelle idée qui consiste à imaginer qu’en plus de l’observation, les scientifiques vont être capables d’assembler la matière atome par atome, selon la logique « bottom up ». Non seulement le STM permet de distinguer chaque atome à la surface d’un objet, mais il permet dans certaines conditions d’arracher un atome à un endroit et de le déposer ailleurs. L’équipe d’IBM ainsi écrit les lettres IBM en déposant un à un 35 atomes de xenon sur une surface de nickel. Gerd Binnig a ensuite développé, en 1986, le microscope à force atomique (AFM, Atomic Force Microscopy), exploitant les énergies superficielles pour les représenter et les manipuler à l'échelle atomique, selon un autre concept essentiel de la nanotechnologie. 1.2 Un secteur stratégique de la recherche Les nanosciences et nanotechnologies représentent un secteur stratégique de la recherche, très compétitif, en croissance rapide, avec un potentiel économique considérable dans de nombreux domaines : informatique et télécommunications, médecine et biologie, matériaux et chimie, énergie et environnement. Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 5 Dossier Diamètre de la particule (nm) Nombre de particules par gramme Superficie totale en cm2 par gramme 1 000 100 10 1.9 x 1012 1.9 x 1015 1.9 x 1018 60 000 600 000 6 000 000 Tableau 1 : Nanomatériaux : nombre de particules et superficie par unités de masse et de volume, en fonction du diamètre de la particule Source : Food Safety Authority of Ireland, The relevance of Food Safety of Applications of Nanotechnology in the Food and Feed Industries2, 2008, p.41 1.2.1 L’économie des nanotechnologies Les nanomatériaux et les nanotechnologies peuvent être utilisés pour adresser un grand nombre de problèmes sociétaux, et les opportunités d’application sont par conséquent très importantes. Ceci entraîne un marché global phénoménal et une véritable « économie des nanotechnologies ». Lux Research3, une compagnie indépendante de recherche apportant des conseils stratégiques et des renseignements continus sur les technologies émergentes, estimait, en 2007, que le marché des produits manufacturés intégrant des nanotechnologies avait une valeur de 147 Md$. Les estimations futures du marché des nanotechnologies prévoient 1 600 Md$ d’ici 2013 et 3 100 Md$ d’ici 2015. Ces chiffres doivent cependant être considérés avec précaution, la valeur estimée du marché dépendant de la source des données. Ainsi, Wintergreen Research4, cabinet-conseil en évaluation stratégique de marché dans le domaine des télécommunications, des services de santé et des technologies informatiques, estime le marché à 750 Md$ en 2015, contre 1 500 Md$ selon Cientifica5, cabinet de consultants à l’origine du rapport « Half Way to the Trillion Dollar Market ? »6. Tous prédisent cependant une croissance sans équivoque à partir de 2010, et il est de plus estimé qu’à l’horizon 2015, environ deux millions de personnes seront employées dans l’industrie des nanotechnologies. 1.2.2 Investissements financiers aux États-Unis et en Europe (exemple de la France) Lux Research a publié en 2006 un rapport intitulé « The Nanotech Report 4th Edition »7 dans lequel il est fait état des dépenses gouvernementales en Amérique du Nord, en Asie et en Europe pour la R&D en nanotechnologies en 2005 : les montants variaient de 1,1 Md$ à 1,7 Md$, respectivement. Les États-Unis sont actuellement leader en matière d’investissement dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies, ainsi qu’en termes de publications scientifiques et de valorisation de la recherche. L’effort financier de la France dans le domaine des nanotechnologies place le pays au 2ème rang européen derrière l’Allemagne. Entre 2001 et 2005, plus de 1 Md€ de fonds publics ont été investis en France. Dans les pays leaders dans le domaine, l’in- 6 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 vestissement public se double d’un soutien privé très important. À titre d’exemple, en 2004, la part de l’investissement privé s’élevait à 1,7 Md€ aux États-Unis (pour 1,2 Md€ de fonds publics), contre 580 M€ en Europe (pour 1,4 Md€ de fonds publics). La France et l’Europe apparaissent globalement bien placées dans le domaine de la production scientifique sur le thème des nanotechnologies mais rencontrent des difficultés dans la capacité à convertir leurs travaux en produits et en valeur (dépôts de brevets et création d’entreprises innovantes). 1.2.3 Investissements financiers au Royaume-Uni Les dépenses du gouvernement britannique sont considérées dans le contexte mondial. Le tableau 2 indique les financements publics pour la R&D en nanotechnologies dans différents pays. Les données sont obtenues à partir de sites gouvernementaux et documents propres à chaque pays. Les dépenses en dollars américains sont représentées en termes de financement absolu et relatif, par habitant. Il ressort de ce comparatif que le financement public au Royaume-Uni est à la traîne, en termes absolus et relatifs. L’investissement privé dans le secteur est représenté dans le tableau 3. Le secteur privé au Royaume-Uni, en France et à Taïwan investit à niveau équivalent dans la R&D en nanotechnologies, ce qui est très faible comparativement au Japon et surtout aux États-Unis. Il est difficile de définir de façon précise les dépenses gouvernementales au Royaume-Uni en termes de R&D dans le domaine des nanotechnologies, principalement par manque de distinction entre le secteur des micro- et des nanotechnologies (MNT). Ceci dit, les dépenses publiques pour les nanotechnologies au cours des 12 dernières années peuvent être estimées à plus de 640 M£. Les futures priorités de financement sont du ressort du comité stratégique pour la technologie (TSB, Technology Strategy Board), des conseils pour la recherche et des agences et départements gouvernementaux appropriés. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement a investi de façon significative dans la communauté MNT, dont par exemple 90 M£ destinées à déve- www.ambascience.co.uk Niveau de financement par habitant ($ américains) 1.96 Etats-Unis 1.554 5.06 Allemagne 0.5 6.07 Japon 0.38 2.99 France Taiwan 0.21 0.12 3.28 5.22 Dossier Royaume-Uni Niveau de financement réel (Md$ américains) 0.12 Pays Tableau 2 : Estimation du financement public pour la R&D en nanotechnologies en 2008 Royaume-Uni Niveau de financement réel (Md$ américains) 0.09 Niveau de financement par habitant ($ américains) 1.47 Etats-Unis 1.8 5.86 Allemagne 0.3 3.64 Japon 1.1 8.66 France Taiwan 0.1 0.11 1.56 4.79 Pays Tableau 3 : Estimation du financement privé pour la R&D en nanotechnologies en 2008 lopper un nouveau réseau d’équipements et de services. Le conseil pour la recherche en sciences de l’ingénieur et sciences physiques (EPSRC, Engineering and Physical Sciences Research Council) a investi 253 M£ depuis 2003, distribuées sur un porte-feuille de plus de 400 projets, les plus importants d’entre eux étant le Grand Challenge for Healthcare (le grand défi pour les services de santé, 19 projets totalisant 16,6 M£) et le Grand Challenge for Energy (le grand challenge pour l’énergie, 2 projets totalisant 6,78 M£). Le ministère de la défense, l’EPSCR, le conseil pour la recherche en biotechnologies et sciences biologiques (BBSRC, Biotechnology and Biological Sciences Research Council) et le conseil pour la recherche médicale (MRC, Medical Research Council) ont contribué à hauteur de 19,4 M£ (3,4 M£, 10 M£, 3 M£ et 3 M£, respectivement) pour la mise en œuvre de centres de recherche pluridisciplinaire (IRC, Interdisciplinary Research Centres) en nanotechnologies. Devant l’ampleur du développement récent des nanotechnologies, que ce soit en termes d’avancées scientifiques, d’impact sociétal, d’économie de marché, d’emplois ou d’éthique, il n’est pas étonnant que l’opinion publique se mobilise et cherche à connaître les tenants et les aboutissants de ces nouvelles technologies. 1.3 Nanotechnologies et prise de conscience en France et au Royaume-Uni Si les nanotechnologies avaient déjà fait l’objet de différents forums, tables rondes ou discussions publi- www.ambascience.co.uk ques en France, force est de constater, probablement en raison d’une insuffisante médiatisation, que le public dans son ensemble ignore ces technologies, leurs applications et les questions qu’elles soulèvent. Un débat public sur des questions de développement et de réglementation des nanotechnologies, afin de dégager les pistes appropriées à un développement responsable et sécurisé des nanotechnologies et à répondre aux interrogations des diverses parties prenantes, opérateurs et citoyens, sur leurs usages et conséquences, a donc eu lieu du 15 octobre 2009 au 24 février 2010 en France. Confronté à la montée en puissance de perturbations bruyantes, le débat n’a cependant pas eu le succès escompté, probablement à cause de (i) l’amplitude du sujet, (ii) la question de l’opportunité : à quoi servent les nanotechnologies ? en avons-nous besoin ?, (iii) l’aspect hautement scientifique des thèmes abordés, (iv) la date et le moment du débat, concomitant des débats sur l’identité nationale et (v) l’opposition au débat. Les initiatives britanniques, pour répondre aux problèmes et questionnements liés aux nanotechnologies, consistent en l’élaboration de stratégies et de rapports du gouvernement et/ou de sociétés savantes. Au cours des 10 dernières années se sont ainsi succédés une pléthore de rapports, parmi lesquels : « Nanoscience and nanotechnologies : opportunities and uncertainties », rapport publié conjointement en juillet 2004 par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering ; la réponse du gouvernement au rapport précédent, publié en février 2005 ; Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 7 Dossier Voluntary Reporting Scheme8, un dispositif destiné à contribuer, de façon volontaire, à l’évaluation des risques potentiels des nanotechnologies, initié par le Ministère de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (Defra, Department for Environment, Food and Rural Affairs) en septembre 2006 ; « Nanoscience and Nanotechnologies: A Review of Government's Progress on its Policy Commitments »9, rapport du conseil pour la science et la technologie (CST, Council for Science and Technology), publié en mars 2007 ; « Novel Materials in the Environment: The Case of Nanotechnology »10, 27ème rapport de la commission royale sur la pollution environnementale (RCEP, Royal Commission on Environmental Pollution), publié en novembre 2008 ; « Nanoscale Technology Strategy 2009-12 »11, rapport du comité stratégique pour la technologie (TSB), publié en octobre 2009 ; « Nanotechnologies and Food »12, rapport de la Chambre des Lords, publié en janvier 2010 et objet du présent dossier ; « Nanotechnology : a UK Industry View »13, rapport de la Mini Innovation & Growth Team, publié en janvier 2010 ; « UK Government Nanotechnology Strategy »14, la stratégie britannique sur les nanotechnologies, publiée en mars 2010, après consultation avec un panel d’experts du monde académique, de l’industrie et d’organisations non gouvernementales. Nous allons maintenant étudier en détails le rapport de la Chambre des Lords concernant l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire. 2. Le rapport du Select Committee de la Chambre des Lords – Nanotechnologies et alimentation Il convient de noter que tout au long de ce rapport, le terme « nanomatériau » fait référence à des substances de taille nanométrique qui ne sont pas présentes à l’état naturel dans les produits alimentaires ou les matériaux alimentaires naturels qui ont été délibérément conçus à l’échelle nanométrique. 2.1 Les nanotechnologies dans l’industrie alimentaire 2.1.1 Utilisations actuelles et potentielles Selon l’agence britannique des standards alimentaires (FSA, Food Standards Agency), il n’est pas possible de fournir une liste définitive des nanoaliments et nanomatériaux au contact des aliments sur le marché européen, notamment à cause de l’absence d’un inventaire. Il y a cependant certaines preuves, bien que purement indicatives, de la présence des nanotechnologies dans le secteur alimentaire. La FSA, ainsi que la fédération britannique de l’alimentation et de la boisson (FDF, Food and Drink Federation), s’accordent pour dire qu’il y a très peu de produits alimentaires au Royaume-Uni qui contiennent des nano- 8 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 matériaux ou qui ont été élaborés ou conditionnés en ayant eu recours à des nanotechnologies. Le bureau américain de l’alimentation et des médicaments (FDA, Food and Drug Administration) confirme que la situation est similaire aux États-Unis et qu’il y a seulement quelques produits alimentaires disponibles sur le marché, principalement des suppléments diététiques, ayant impliqué des nanotechnologies. Celles-ci offrent la possibilité de créer des aliments avec de nouvelles saveurs et textures, mais également des produits plus sains, contenant moins de sel, graisse ou sucre, ou plus de vitamines et nutriments. Si l’utilisation des nanotechnologies permet d’aborder des problèmes sociétaux majeurs tels l’obésité, l’inconvénient est que leur utilisation pourrait amener à une consommation excessive de produits alimentaires hautement transformés. Quelques nanomatériaux ont été utilisés depuis plusieurs années sous la forme d’additifs, c’est-à-dire des substances qui ont peu ou pas de valeur nutritionnelle mais qui participent au traitement alimentaire (par exemple la silice est utilisée comme un agent permettant aux poudres de ne pas former de grumeaux). La FSA affirme que la plupart des matériaux de contact dont la mise au point a fait appel à des nanotechnologies, ne sont présents que sur les marchés américain et asiatique. De tels matériaux ont par exemple été élaborés pour leur conférer de meilleures propriétés de barrière (par exemple, une bouteille de bière en plastique utilisant des nanoparticules d’argile agissant comme barrière aux gaz, permet d’accroître la durée de conservation de cette bière – ce produit est actuellement sur le marché européen). Des preuves ont également été reçues quant à la possibilité d’utiliser les nanotechnologies dans le domaine de l’emballage alimentaire. La Royal Society of Chemistry suggère, par exemple, qu’il pourrait être envisageable d’utiliser de nouveaux matériaux, plus fins et plus légers, obtenus grâce à des nanotechnologies, et présentant la possibilité de réduire les déchets liés aux emballages excessifs. Les opposants à ce concept voient dans ces nouvelles technologies une augmentation de la complexité des matériaux d’emballage qui pourraient être potentiellement plus difficiles à recycler. Enfin, les nanotechnologies peuvent également être impliquées dans les procédés de production alimentaire, des nanomatériaux pouvant être inclus dans des agents anti-microbiens ou sur une surface anti-adhésive. Les nanotechnologies ne sont pour l’instant pas utilisées dans le secteur de l’agriculture, mais un nombre d’applications potentielles ont été identifiées dans un rapport du projet européen ObservatoryNANO15, publié en 2009. Par exemple, des systèmes plus efficaces d’utilisation de pesticides ou d’engrais dans l’environnement (utilisation moins fréquente et en plus faibles quantités), libérant leurs composés chimiques plus lentement, pourraient être envisagés. 2.1.2 Croissance projetée des nanotechnologies dans le secteur alimentaire Les applications potentielles des nanotechnologies dans le secteur alimentaire sont très importantes, mais il www.ambascience.co.uk 2.1.3 État de l’industrie La plupart des investissements britanniques relatifs à l’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire proviennent de l’industrie. La recherche opérée par l’industrie alimentaire, en termes d’utilisation et d’application des nanotechnologies, a débuté au Royaume-Uni il y a une dizaine d’années, mais il s’avère que l’industrie alimentaire n’est pas disposée à fournir des informations sur ses activités dans ce secteur. S’il n’est par conséquent pas aisé d’établir les progrès effectués, ni les niveaux d’investissements engagés, l’impression est tout de même que la recherche britannique, en termes d’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire, a été relativement lente par rapport à d’autres secteurs industriels. 2.1.4 Encourager la commercialisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire Soutien gouvernemental Bien que le gouvernement ne finance pas directement le développement des applications des nanotechnologies dans le secteur alimentaire, celui-ci peut soutenir de plusieurs manières le processus de transforma- www.ambascience.co.uk tion des résultats scientifiques en produits commerciaux : développer la recherche fondamentale ; encourager le transfert de connaissances et la translation de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée et les applications commerciales ; fournir un marché pour la recherche innovante. Dossier est à l’heure actuelle difficile de définir leur vitesse de développement ainsi que leur chronologie d’apparition sur le marché. Un certain nombre de témoins ont rapporté qu’au Royaume-Uni, ces développements n’en sont encore qu’au stade précoce et de plus amples recherches sont nécessaires pour comprendre la structure des aliments à l’échelle nanométrique et la façon appropriée de les manipuler. Il est envisagé que dans les cinq prochaines années, les emballages alimentaires comportant des nanomatériaux vont se développer considérablement et vont constituer le principal domaine d’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire. Les nanotechnologies vont également être utilisées dans le domaine du revêtement des surfaces de préparation des aliments. D’ici cinq à dix ans, des aliments bénéfiques pour la santé, que ce soit par le biais d’une altération de la texture, ou d’une modification du taux de sel ou de graisses, pourraient être mis sur le marché. En amont de la chaîne alimentaire, l’utilisation des nanomatériaux dans les pesticides est actuellement considérée pour autorisation par l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA, Environment Protection Agency), et si celle-ci est accordée, leur utilisation au RoyaumeUni pourrait rapidement suivre. Si l’évolution de l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire au Royaume-Uni est difficilement prévisible, notamment à cause de l’incertitude quant à la réaction des consommateurs, le rapport de Cientifica de 2007 stipule que les produits contenant des nanotechnologies, dans le secteur alimentaire, ont contribué à hauteur de 410 M$ à l’économie mondiale en 2006 et ce chiffre s’élèvera à 5,8 Md$ en 2012, soit une croissance de 1 400 % en 6 ans. Recherche fondamentale Les différents conseils pour la recherche financent un large porte-feuille de projets de recherche en nanotechnologie avec une grande variété d’applications potentielles dans des domaines tels la nanotoxicologie, la nanométrologie< L’EPSRC a investi 220 M£ sur les cinq dernières années pour la recherche en nanotechnologies et le BBSRC a investi 4,5 M£ en 2007-08. Soutien au transfert de connaissances Le TSB est responsable de la promotion, du soutien et de l’investissement dans les recherches technologiques, le développement et la commercialisation, et fournit un mécanisme de translation de la recherche fondamentale vers de nouveaux produits et services. Un des moyens pour le TSB de promouvoir l’innovation dans ce domaine est le réseau de transfert de connaissances en nanotechnologie (nanoKTN, Nanotechnology Knowledge Transfer Network), entre l’industrie et le monde universitaire. En collaboration avec Leatherhead Food International (LFI), le nanoKTN a élaboré un groupe dont l’attention est focalisée sur l’alimentation (Food Focus Group), et dont l’objectif est de « promouvoir la prise de conscience du potentiel de ces technologies émergentes et de ces nouveaux matériaux dans l’industrie alimentaire, et d’encourager l’industrie à faire entendre ses prises de position. » La stratégie gouvernementale sur les nanotechnologies est déterminée par le groupe ministériel sur les nanotechnologies (Ministerial Group on Nanotechnologies), établi en 2007 et incluant des représentants du Defra, des ministères de la santé (DH, Department for Health), et de l’emploi et des retraites (DWP, Department for Work and Pensions). Une étude menée par ce groupe a mis en évidence le manque d’efficacité du nanoKTN sur les questions de transfert de connaissances entre les secteurs industriels et entre l’industrie et le monde académique, dans le secteur de l’alimentation, et a incité le gouvernement à développer une stratégie sur les nanotechnologies qui pose à la fois les problématiques de l’exploitation des technologies et de la gestion des risques potentiels associés. Cette stratégie a été publiée le 18 mars 2010 (voir encart). Les Lords recommandent que (i) le gouvernement prenne particulièrement en compte les besoins de l’industrie alimentaire et fasse en sorte de les satisfaire dans la stratégie gouvernementale de 2010, (ii) le gouvernement prenne position dans l’établissement de collaborations entre l’industrie, le monde académique et les autres acteurs concernés, afin de promouvoir la translation de la recherche vers des applications com- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 9 Dossier mercialement viables des nanotechnologies dans le secteur alimentaire, et (iii) que le TSB effectue un compte-rendu de l’état de commercialisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire et suggère des moyens d’améliorer les systèmes actuels de transfert de connaissances. Aide aux petites et moyennes entreprises La plupart des entreprises travaillant dans le secteur alimentaire au Royaume-Uni sont des petites et moyennes entreprises (PME). Elles contribuent à l’innovation dans le domaine des nanotechnologies, mais les petites entreprises ont beaucoup de difficulté à atti- rer les capitaux-risqueurs, et donc à financer leurs projets de recherche. Il devient nécessaire que le gouvernement fasse en sorte que les PME bénéficient d’un financement afin de promouvoir l’innovation dans ce domaine. Bénéfices sociaux Tel qu’exposé précédemment, l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire a le potentiel de résoudre des problèmes sociétaux majeurs (obésité, pollution<). Cependant, si on ne dispose pas d’un système efficace de translation de la recherche vers des applications industrielles grâce à des trans- Annoncée en 2009 en réponse au rapport de la Royal Commission on Environmental Pollution, la stratégie britannique sur les nanotechnologies a été publiée le 18 mars 2010, après consultation avec un panel d’experts du monde académique, de l’industrie et d’organisations non gouvernementales. Il est nécessaire que le gouvernement reconnaisse et traite des implications que peuvent avoir les nanotechnologies sur la santé, la sécurité et l’environnement. Cette stratégie s’articule autour de quatre thématiques pour lesquelles plus de 40 actions destinées à développer, règlementer et promouvoir l’utilisation en toute sécurité des nanotechnologies ont été exposées. Nous retiendrons : 1. Entreprises, innovation et industrie unification de l’industrie ; investissement continu du TSB dans la R&D, aides régionales, et renforcement des transferts de connaissances entre fournisseurs et consommateurs, entreprises et universités ; développement des nanotechnologies permettant de répondre à des problèmes de société ; développement des compétences nécessaires à l’appréciation des risques liés à l’utilisation des nanotechnologies. 2. Environnement, santé et sécurité étude de l’impact sur la santé des nanomatériaux absorbés par inhalation et du comportement dans le système digestif de nanoparticules présentes dans la nourriture ; développement de méthodes de détection des nanoparticules manufacturées dans les aliments ; mise en place d’un programme d’étude des risques liés à l’exposition aux nanomatériaux sur les lieux de travail et révision de la réglementation existante ; mise en place d’un programme de formation de toxicologues. 3. Réglementation implication de l’agence des normes alimentaires (FSA, Food Standard Agency) dans l’amendement de la règlementation de 1997 sur les aliments nouveaux et surveillance de la réglementation sur les additifs et nanomatériaux en contact avec les aliments ; participation du Royaume-Uni à la modification de la législation européenne REACH (voir paragraphe 2.3.5) de façon à y intégrer les nanomatériaux ; mise en place d’un plan de recensement d’informations sur les nanomatériaux et les produits utilisant les nanomatériaux disponibles au Royaume-Uni. 4. Interaction du gouvernement avec les consommateurs, les chercheurs et les industriels 10 mise en place d’un groupe de collaboration sur les nanotechnologies facilitant la communication entre le gouvernement, les mondes académique et industriel (prévue pour septembre 2010) ; mise en place par l’équipe Science et Société du BIS d’un portail internet de diffusion d’informations sur les nanotechnologies et leur gouvernance. Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk 2.2 Santé et sécurité 2.2.1 Facteurs de risques connus Si l’application des nanotechnologies dans le secteur alimentaire offre des bénéfices, des inquiétudes ont été exprimées concernant leurs risques potentiels en matière de santé et de sécurité pour les consommateurs. Dans certains cas, rares, des conséquences sur la santé ont été rapportées (une similitude entre les effets des nanotubes de carbone à parois multiples et de l’amiante a été observée sur des rongeurs, par exemple). L’effet de l’ingestion de nanomatériaux sur la santé humaine n’a cependant aucunement été démontré. De manière générale, les nanomatériaux offrent un vaste éventail de propriétés, et les risques potentiels qu’ils présentent varient en conséquence. Si certains types de nanomatériaux présentent de faibles risques pour la santé humaine, certains pourraient s’avérer plus dangereux. L’impact sur la santé humaine est analysé en fonction de six caractéristiques détaillées cidessous. Taille La petite taille des nanomatériaux peut leur permettre d’outrepasser certaines barrières physiologiques, indépendamment des nouvelles propriétés qui leurs sont conférées. Si les nanomatériaux parviennent à traverser l’épithélium, par exemple, (ensemble de cellules (tissu) recouvrant la surface externe et les organes internes de l'organisme) ils peuvent pénétrer dans la paroi intestinale, les vaisseaux lymphatiques ou directement dans le sang. Il est ainsi envisageable que l’exceptionnelle mobilité des nanomatériaux leur permette d’atteindre toutes les parties du corps, jusqu’au cerveau et au noyau des cellules. Solubilité et rémanence Un autre risque posé par les nanomatériaux est leur potentielle accumulation dans certains organes, et leurs effets à moyen et long terme. La question est donc de savoir si un nanomatériau entrant dans le corps humain est décomposé en ses composants élémentaires, sa toxicité étant alors relative à sa composition chimique plutôt qu’à sa taille. La principale préoccupation concerne les nanoparticules insolubles, indi- www.ambascience.co.uk gestes et non-dégradables, qui peuvent persister dans les intestins et mener à une toxicité chronique. Réactivité chimique et catalytique Le rapport entre la grande superficie et la masse des nanomatériaux signifie que ceux-ci peuvent être très réactifs et nocifs. De plus, à cause de leur réactivité, les nanomatériaux peuvent se lier à d’autres substances, fournissant ainsi un véhicule à la distribution de ces matériaux au travers de barrières cellulaires qu’ils ne pourraient normalement pas traverser. Dossier ferts de connaissances, et si les petites entreprises n’ont pas la capacité financière pour développer des produits innovants, ces applications risquent de ne pas émerger. Les Lords recommandent que (i) le TSB prenne en considération, dans sa stratégie de promotion des technologies et des sciences biologiques à l’échelle nanométrique, le rôle que les nanotechnologies peuvent jouer pour aider l’industrie alimentaire à répondre aux défis sociétaux, tels que l’obésité et la pollution, et (ii) le TSB propose des moyens pour aider le développement et la commercialisation de ces technologies. Forme La forme d’une particule pourrait également avoir un impact sur la possible nocivité des nanomatériaux (les particules à fort rapport superficie/masse peuvent être assimilées à l’amiante). Effets anti-microbiens Les nanomatériaux utilisés pour leurs propriétés anti-microbiennes (par exemple, les particules de nano-argent) pourraient être ingérés via les emballages et suppléments alimentaires et avoir un effet nocif sur la flore intestinale naturelle. Agrégation et agglomération La grande superficie, la réactivité et la charge électrique des nanomatériaux créent des conditions favorables à « l’agrégation » (forces physiques) ou à « l’agglomération » (forces chimiques) de particules . Si la taille des particules peut augmenter de façon drastique grâce à ces processus, sous différentes conditions, ces assemblages peuvent se désagréger et ainsi altérer leurs propriétés physico-chimiques et leur réactivité. De tels phénomènes réversibles ajoutent à la difficulté de compréhension du comportement et de la toxicologie des nanomatériaux. 2.2.2 Facteurs de risques supplémentaires Certains types de pathologies (maladie inflammatoire chronique de l’intestin ou diarrhée chronique) rendent les personnes qui en sont atteintes plus sensibles aux risques potentiels posés par l’ingestion des nanomatériaux car ils permettent à ceux-ci de pénétrer la paroi intestinale plus facilement. 2.2.3 Fossés de connaissances Il y a beaucoup de lacunes dans notre compréhension du comportement des nanomatériaux et de leur incidence sur la biologie des organismes vivants et particulièrement sur la santé humaine. L’attention des Lords a été attirée sur plusieurs domaines dans lesquels davantage de recherches seront nécessaires afin d’évaluer de façon efficace les risques liés à l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire : caractérisation et détection des nanomatériaux ; comportement des nanomatériaux dans les intestins ; effets sur le fœtus humain ; recherche spécifique aux aliments ; Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 11 Dossier mouvements subséquents des nanomatériaux dans le corps (toxicocinétique) ; effets chroniques (toxicodynamique) ; développement de tests toxicologiques validés. Caractérisation, détection et mesures Avant de comprendre le comportement des nanomatériaux, il faut pouvoir les détecter, les mesurer, les caractériser, et avant tout, il est nécessaire de pouvoir faire la distinction entre nanomatériaux manufacturés et ceux présents naturellement dans les aliments. Comportement des nanomatériaux dans les intestins L’ingestion des nanomatériaux n’est pas un phénomène nouveau. L’homme a de tout temps été exposé à des nanomatériaux naturels (par exemple les particules provenant d’éruption volcanique) et l’exposition aux nanomatériaux artificiels (par exemple ceux provenant de la combustion de fuel fossile) a pris place il y a plusieurs décennies. Une grande proportion des nanoparticules inhalées sont transportées dans les intestins. Le système digestif est bien adapté pour faciliter l’absorption de certains nanomatériaux. Ceux qui se décomposent en leurs composants chimiques de base lors de l’ingestion ou qui ne sont pas affectés par leur passage dans le système digestif, ont tendance à poser moins de risques pour la santé humaine que les nanoparticules qui ne se décomposent pas et qui peuvent être absorbées en différents endroits du système digestif. À l’heure actuelle, peu de recherches ont été conduites concernant l’impact, le comportement et l’interaction des nanomatériaux dans le système digestif ou leurs effets sur la flore intestinale naturelle. En revanche, beaucoup de recherches ont été conduites au sujet de l’effet des nanomatériaux sur les poumons. Effet sur le fœtus humain Bien que très peu de données soient disponibles, les conseils pour la recherche déclarent qu’il semble très peu probable que les nanoparticules puissent pénétrer dans le fœtus humain par simple diffusion, à moins qu’elles ne soient très petites et de structure simple. Si toutefois les nanoparticules entrent en contact avec le fœtus, leur concentration serait substantiellement moins élevée que chez la mère. Le rapport SCENIHR de l’Union Européenne a cependant noté que la distribution de nanoparticules vers le fœtus in utero a été observée. L’EFSA a également fait remarquer que certaines informations démontrent que des nanomatériaux manufacturés peuvent passer au travers du placenta. Recherche spécifique aux aliments Davantage de travail est nécessaire pour comprendre comment l’incorporation des nanoparticules dans les produits alimentaires peut affecter leur comportement à la fois dans le tube digestif et, une fois absorbés, dans le corps humain. 12 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 Toxicocinétique Les nanomatériaux sont transportés dans diverses parties du corps par un mécanisme qui débute par leur ingestion par les globules blancs. Ces cellules sont équipées d’enzymes qui ont la capacité de dégrader les protéines et les hydrates de carbone complexes. Si un nanomatériau est non-dégradable, ces cellules vont le transporter vers la rate, le foie et la moelle osseuse. Les nanoparticules vont alors soit rester dans ces organes, soit être transportées vers le cerveau ou les reins. La compréhension des facteurs qui déterminent le schéma d’accumulation et de distribution des nanoparticules dans le corps est à l’heure actuelle rudimentaire. Effets chroniques des nanomatériaux Les effets chroniques des nanomatériaux sur le corps humain peuvent prendre des années à se manifester et de plus amples recherches sont nécessaires dans ce domaine. Tests toxicologiques validés Le développement de nouveaux tests toxicologiques est également nécessaire. L’institut britannique des normes (BSI, British Standards Institute) a mis l’accent sur le besoin de développer des méthodes normalisées de mesures et de tests, appropriées et validées. Notons également que le Royaume-Uni prend part à un programme de l’organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) destiné à développer des tests de toxicité pour 14 nanomatériaux. 2.2.4 Combler le fossé de connaissances Un récent rapport, EMERGNANO16, concernant les progrès effectués par rapport aux 19 objectifs de recherche du gouvernement (groupés en cinq grandes thématiques que sont (i) métrologie, caractérisation et normalisation, (ii) sort et comportement dans l’environnement, (iii) toxicologie humaine, (iv) exposition, sources et cheminement, et (v) engagement social), publié par l’Institute of Occupational Medicine (IoM) et sponsorisé par le Defra, a montré que bien que des progrès aient été effectués, d’importants fossés de connaissances persistent. Coordination de la recherche au Royaume-Uni La recherche publique sur les nanotechnologies est coordonnée par le NRCG (Nanotechnology Research Coordination Group), présidé par le Defra, et incluant des ministères et agences gouvernementales, les conseils pour la recherche et les administrations dévoluées. Au sein des conseils pour la recherche, le RCUK Nanotechnology Group (Research Councils UK, conseils de recherche du Royaume-Uni), sous la direction de l’EPSRC, coordonne un programme entre tous les conseils pour la recherche. De plus, plusieurs conseils pour la recherche ont leurs propres programmes en nanotechnologies (« Nanoscience through engineering to application » de l’EPSRC, ou « Environmental Nanoscience Initiative » impliquant le conseil pour la recherche www.ambascience.co.uk Mécanismes de financement du conseil pour la recherche C’est la responsabilité de chaque conseil pour la recherche de faire en sorte que la recherche, identifiée par le NRCG, soit financée de façon adéquate. Les Lords notent cependant que le MRC n’a pas progressé, au terme de quatre années, sur la thématique de l’ingestion comme voie d’exposition aux nanoparticules. Ce constat est pour le moins inquiétant. Le rapport de 2007 du CST a conclu que la principale raison de la lenteur des progrès gouvernementaux sur la problématique de la santé et de la sécurité tenait à la sur-dépendance du gouvernement au financement de programmes blancs, plutôt que sur des appels à projets thématiques. Depuis mars 2007, les conseils www.ambascience.co.uk pour la recherche ont ainsi activement encouragé les projets de recherche dans les domaines de la nanotoxicologie et de la sécurité. Le MRC a alloué 3 M£ à six projets en nanotoxicologie, aucun n’étant cependant en relation avec l’alimentation. Au vu de ces résultats, les Lords recommandent que (i) les conseils pour la recherche établissent des formes de financement plus pro-actives pour encourager la soumission de projets permettant de combler le fossé de connaissances, et (ii) le gouvernement fasse en sorte que des recherches spécifiques soient focalisées sur les intestins et autres thématiques identifiées ci-dessus. Dossier sur l’environnement naturel (NERC, Natural Environment Research Council), Defra et l’agence pour l’environnement (EA, Environment Agency)). Au sein de cette structure, la responsabilité de la recherche fondamentale est impartie aux conseils pour la recherche. Le rapport de 2004 de la Royal Society et de la Royal Academy of Engineering recommandait aux conseils pour la recherche d’établir un centre multidisciplinaire pour entreprendre des recherches en toxicité, épidémiologie, persistance et bioaccumulation des nanoparticules manufacturées et des nanotubes, afin de travailler sur les voies d’exposition et de développer des méthodes de mesures. Le gouvernement n’a cependant pas adopté cette recommandation et a continué à financer de la recherche en nanotechnologies via les réseaux établis de financement en mode réponse par les conseils pour la recherche et les départements gouvernementaux, coordonnant ses efforts par le biais du NRCG. Le rapport de 2007 du CST recommandait la mise en place d’un organisme gouvernemental ayant la responsabilité et l’autorité d’allouer les financements et d’engager des actions. Le rapport de 2008 du RCEP concluait qu’il y avait un besoin urgent de normaliser et de coordonner l’effort de recherche, et de se focaliser sur le domaine de la nanotoxicologie. Si le gouvernement est resté confiant quant au rôle du NRCG, les Lords remettent en question son efficacité. De plus, EMERGNANO a rapporté le manque d’études systématiques sur la probabilité de différentes nanoparticules de se propager dans le sang, la lymphe ou les poumons. Cette conclusion est pour le moins inquiétante. Si le NRCG a initialement bien su identifier les domaines de recherche dans lesquels plus de travail était requis, il n’a pas réussi à sécuriser les financements appropriés, et ceci pour plusieurs raisons : l’inefficacité des mécanismes actuels employés par les conseils pour la recherche pour promouvoir la recherche dans ces domaines ; le financement relativement limité alloué pour la recherche en santé et sécurité ; la capacité limitée de la communauté de recherche en toxicologie à concevoir et entreprendre les études nécessaires pour combler ce fossé de connaissances. Financement pour la recherche dans les domaines de l’environnement, de la santé et de la sécurité Le montant du financement du gouvernement britannique pour la recherche concernant les nanotechnologies et leurs effets sur l’environnement, la santé humaine et la sécurité (EHS, Environment, Health and Security) varie en fonction de différents rapports. Ainsi, un rapport du NRCG publié en 200717 stipule que les ministères et agences gouvernementales ont investi 10 M£ entre 2005 et 2008 pour la recherche en EHS, en plus des financements des conseils pour la recherche, tandis que d’après le rapport EMERGNANO, 3,3 M£ aurait été investies entre 2004 et 2008 (ce chiffre n’inclut pas le financement du MRC, qui a contribué à hauteur de 3,8 M£ en 2007-08). Bien que les chiffres varient, il reste cependant évident que les dépenses pour la recherche en EHS ne représentent qu’une très faible proportion des dépenses totales dans le domaine des nanotechnologies. Les Lords recommandent que le gouvernement s’assure que le décompte des dépenses publiques concernant les investissements pour la recherche en rapport avec les nanotechnologies et leurs impacts sur l’environnement, la santé et la sécurité, soit à jour. La communauté de recherche en toxicologie De nombreux témoins ont exprimé leur inquiétude quant au faible nombre de toxicologues qualifiés exerçant au Royaume-Uni. Le rapport de 2008 de la RCEP concluait déjà dans ce sens, et par conséquent, les Lords appuient la décision de la RCEP de porter plus d’attention à la formation des toxicologues et approuvent l’engagement du gouvernement à répondre à la pénurie de personnel qualifié et à évaluer les compétences des toxicologues et écotoxicologues britanniques. Coordination internationale L’impact des nanotechnologies sur l’environnement, la santé et la sécurité est une problématique globale, nécessitant une coordination internationale de l’effort de recherche, pour non seulement partager les informations, mais également éviter la duplication des efforts. La coordination internationale prend place au sein de l’OCDE, notamment en ce qui concerne l’ac- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 13 Dossier cord international sur les procédures d’estimation des risques. Il apparaît cependant pour de nombreux témoins que l’OCDE soit particulièrement caractérisée par un manque de transparence, l’adhésion restreinte et l’implication limitée des parties prenantes. L’organisation internationale pour la normalisation (IOS, International Organisation for Standardisation) joue également un rôle important dans les développements nationaux et internationaux des réglementations, et une initiative commune entre NERC, Defra et l’agence pour l’environnement a été mise en place. La communauté européenne de son côté finance également la recherche dans le domaine des nanomatériaux et de la sécurité, et bien que le Royaume-Uni soit représenté au sein de la commission, les auteurs du rapport ne sont pas convaincus que les conseils pour la recherche fassent les efforts nécessaires pour coordonner leurs recherches avec celles des autres États membres de l’Union. Par conséquent, les Lords recommandent que le gouvernement travaille en collaboration avec les États membres de l’Union sur la thématique des nanomatériaux et de leur impact sur la santé et la sécurité, afin de rapidement combler le fossé de connaissances et d’éviter la duplication des efforts, tout en continuant à soutenir la coordination de la recherche à l’échelle internationale, notamment via l’IOS et l’OCDE. Le rôle de l’industrie À l’heure actuelle, ce sont les industries chimiques et pharmaceutiques, plutôt que l’industrie alimentaire, qui financent la recherche sur la toxicologie des nanomatériaux. Une coopération existe entre l’industrie alimentaire, le milieu universitaire et l’Union Européenne au niveau de la recherche « précompétitive », c’est-à-dire concernant la nature des nanomatériaux plutôt que leurs applications potentielles dans des aliments, ce que les entreprises considéreraient comme de la recherche commerciale. Le TSB est en train d’établir un consortium industriel destiné notamment à traiter les problèmes toxicologiques et éco-toxicologiques. L’instrument principal du TSB est SAFENANO18, un site Internet entretenu par l’IoM et financé par le TSB, dont le but est de fournir aux parties prenantes des informations impartiales et indépendantes sur les risques potentiels pour la santé et la sécurité découlant de l’utilisation des nanomatériaux. Il n’existe cependant pas, au Royaume-Uni, de base de données centrale regroupant l’ensemble des données collectées par le monde universitaire, l’industrie et le gouvernement. Le Defra a mis au point depuis septembre 2006 un système de listage de nanomatériaux utilisés par l’industrie, sur la base d’une participation volontaire. Ce genre de système s’est cependant souvent avéré inefficace. Les Lords recommandent le développement, par l’agence des normes alimentaires (FSA), en collaboration avec l’industrie alimentaire, d’une base de 14 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 données confidentielle concernant les nanomatériaux faisant l’objet de recherches dans le secteur alimentaire, afin d’informer sur le développement de procédures appropriées d’évaluation des risques et pour aider à définir les priorités de recherche. La participation de l’industrie dans l’élaboration de cette base de données devrait être obligatoire. 2.3 Réglementation À l’heure actuelle, les efforts de réglementation consistent à appliquer au domaine des nanotechnologies les réglementations existantes, et à les modifier afin d’adresser la question des risques potentiellement associés aux nanotechnologies. 2.3.1 Réglementation actuelle L’industrie alimentaire britannique est réglementée par toute une série de lois dont le but est d’assurer que les risques pour la santé humaine des produits alimentaires mis sur le marché ont été évalués. Cette réglementation est principalement décidée à l’échelle européenne. Tous les produits alimentaires doivent répondre aux conditions générales de sécurité selon les principes généraux de la loi sur l’alimentation (EC/178/2002). Des lois plus spécifiques couvrent l’utilisation des nouveaux aliments, des additifs alimentaires et des matériaux au contact des aliments. Les nanomatériaux utilisés dans l’industrie alimentaire peuvent également être inclus dans REACH, la réglementation de la communauté européenne relative aux composés chimiques et à leur utilisation sans danger (Registration, Evaluation, Autorisation and restriction of CHemical substances). 2.3.2 Adéquation de la législation existante Selon un rapport de la FSA publié en août 2008 19, il ne semblerait pas qu’il y ait de manquement majeur dans les réglementations existantes et leur application aux nanotechnologies, mais certaines zones d’incertitudes ont été relevées concernant : les définitions des nanotechnologies et nanomatériaux ; les variations de la taille des particules des matériaux à l’échelle nanométrique ; la nouvelle génération de nanotechnologies et nanomatériaux ; le rôle de REACH. Si la législation sur les nouveaux aliments (NFR, Novel Foods Reglementation) représente un « filet de protection » pour les consommateurs, les incertitudes scientifiques quant aux effets potentiels sur la santé des nanomatériaux empêchent l’industrie de dire avec certitude quels sont les nanomatériaux sains ou non. Tandis que la législation générale empêche les entreprises de placer sur le marché des produits alimentaires dangereux, elle n’offre aucune protection dans des situations où les entreprises ne sont ellesmêmes pas conscientes de la dangerosité de leurs produits. www.ambascience.co.uk La législation doit-elle définir les nanotechnologies et les nanomatériaux ? S’il existe des lois couvrant en principe l’utilisation des nanotechnologies et des nanomatériaux, aucune législation, au Royaume-Uni ou au sein de l’Union Européenne, ne définit ou réglemente spécifiquement l’utilisation des nanotechnologies dans tous les secteurs. Certains témoins craignent que l’absence d’une définition des nanomatériaux conduise à des situations où les nanomatériaux ne seraient pas reconnus en tant que tels. Une telle définition doit-elle être incluse dans les réglementations ? La FDA pense que les connaissances scientifiques actuelles ne sont pas suffisamment complètes pour apporter une définition des nanotechnologies adaptée aux besoins de la réglementation. L’absence d’une définition légale a des impacts non seulement sur l’industrie, mais également sur les consommateurs. L’EPA a par exemple autorisé par inadvertance l’utilisation d’un pesticide, sans savoir que celui-ci comportait des nanomatériaux. Compte-tenu de l’incertitude relative aux risques potentiels posés par les nanomatériaux, il est essentiel que tout nanomatériau utilisé dans un produit alimentaire soit sujet à une évaluation formelle des risques via la European Food Safety Authority. Les Lords recommandent que le gouvernement britannique travaille avec l’Union Européenne afin de promouvoir l’amendement de la législation existante visant à assurer que tous les nanomatériaux utilisés dans les produits, additifs ou suppléments alimentaires, soient adaptés à la législation actuelle. De plus, cette législation doit inclure des définitions de travail des nanomatériaux et différents concepts associés. Définition des nanomatériaux à des fins réglementaires La définition des nanomatériaux proposée dans le cadre de la réglementation sur les aliments nouveaux ne se concentre que sur des matériaux ayant une taille inférieure à 100 nm. Or ce n’est pas simplement une mesure quantitative qui permet de définir un nanomatériau, mais plutôt le moment à partir duquel le matériau démontre de nouvelles propriétés résultant de sa petite taille. Si ces nouvelles propriétés émergent à des tailles supérieures à 100 nm, « 100 nm » en tant que tel n’a aucune valeur toxicologique. Les Lords recommandent donc que le gouvernement fasse en sorte que toute définition des nanomatériaux proposée au niveau européen, en particulier dans la réglementation sur les aliments nouveaux, n’inclut pas de taille limite à 100 nm mais réfère plutôt à une échelle nanométrique, de façon à ce que tout matériau de taille inférieure à 1 000 nm soit considéré. Un changement de fonctionnalité devrait être le facteur permettant de distinguer un www.ambascience.co.uk nanomatériau de sa forme plus large. De plus, le gouvernement devrait travailler en adéquation avec l’Union Européenne afin de clarifier la mention de « propriétés caractéristiques à l’échelle nanométrique » et d’inclure dans la réglementation une liste plus détaillée de ce que ces propriétés englobent. Cette liste devrait de plus être revue régulièrement en fonction des avancées scientifiques en termes de compréhension des nanomatériaux. Dossier 2.3.3 Définition des nanotechnologies et nanomatériaux Nanomatériaux « naturels » L’institut pour la science alimentaire et la technologie (IFST, Institute of Food Science and Technology) a identifié trois types de nanomatériaux présents dans les aliments : les substances naturellement présentes (protéines, graisses<), une proportion de matériaux dérivés des techniques de traitement conventionnelles et, enfin, des substances manufacturées dans le but de leur conférer des propriétés particulières. Les Lords, au gré de leur enquête, ont identifié un quatrième type de nanomatériaux présents dans les aliments : ceux formés à partir d’aliments existants et en utilisant des techniques de traitement conventionnelles. Certains témoins suggèrent que ceux-ci, étant créés à partir de substances alimentaires existantes, devraient être considérés différemment. Les conseils pour la recherche et le PEN (Project on Emerging Nanotechnologies, initié aux États-Unis par le Woodrow Wilson International Centre for Scholars) pensent cependant que quel que soit le type de nanomatériau, des mesures appropriées d’évaluation des risques doivent être mises en place à partir du moment où les nouvelles propriétés conférées à ces matériaux du fait de leur très petite taille peuvent avoir des incidences sur la santé humaine et la sécurité. Devant cette divergence d’opinions, les Lords recommandent qu’à des fins réglementaires, toute définition des « nanomatériaux » devrait exclure ceux créés à partir de substances alimentaires naturelles, sauf ceux qui ont été délibérément sélectionnés ou manufacturés afin d’exploiter les propriétés propres à leur petite taille. Le fait que ces matériaux aient été choisis en vertu de leurs nouvelles propriétés indique qu’ils pourraient potentiellement présenter des risques nouveaux. Distribution de la taille des particules Un autre problème concernant la conformité de la réglementation existante est la variation de la taille des particules au sein d’un matériau, sachant que les nanoparticules ne peuvent pas, à l’heure actuelle, être manufacturées de façon homogène et qu’il y aura une distribution de tailles autour d’une taille moyenne souhaitée. Les Lords suggèrent que le gouvernement s’assure que les directives pour la législation fassent clairement état de la proportion d’un matériau à l’échelle nanométrique qui doit être présente pour que la surveillance soit déclenchée. Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 15 Dossier Nouvelle génération de nanomatériaux Les réglementations actuelles sont à même de couvrir les utilisations et applications des nanotechnologies et des nanomatériaux dans le secteur alimentaire. La question est de savoir si cela va continuer à être le cas en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques dans le domaine. Compte-tenu de la vitesse à laquelle se développent ces nouvelles technologies, les Lords recommandent que la FSA revoie de façon formelle la pertinence de la législation tous les trois ans. 2.3.4 REACH REACH est la réglementation de la communauté européenne relative aux composés chimiques et à leur utilisation sans danger (Registration, Evaluation, Authorisation and restriction of CHemical substances). REACH joue un rôle, limité, dans la réglementation des nanomatériaux. Bien que les matériaux utilisés uniquement dans la production alimentaire soient exclus de cette réglementation, les nanomatériaux utilisés en tant que produits chimiques dans d’autres domaines, ainsi que les substances utilisées dans l’emballage alimentaire, sont réglementés par REACH. Les Lords approuvent la décision gouvernementale, en réponse au rapport de la RCEP, de reconnaître que la fonctionnalité, au même titre que la taille, doivent être les objectifs des révisions requises pour REACH. Ils approuvent également l’engagement du gouvernement à poser le problème de la limite de « une tonne » actuellement appliquée avant de considérer les effets potentiellement toxiques d’une substance (les substances chimiques produites en quantité inférieure à une tonne ne sont en effet pas couvertes par la réglementation REACH. Or, compte-tenu du nombre très important de particules qui peuvent être présentes dans de très petites quantités de nanomatériaux, une tonne est une limite beaucoup trop élevée). 2.3.5 Auto-réglementation Un certain nombre de programmes volontaires d’auto-réglementation concernant les nanotechnologies existent : une initiative interne de BASF, un code de conduite pour la recherche en nanosciences et nanotechnologies de la Commission Européenne, et le Responsible Nano Code britannique, conjointement initié par la Royal Society, Insight Investment et Nanotechnology Industries Association. Bien que très louables, ces initiatives ne peuvent cependant pas remplacer une législation adaptée. Les Lords recommandent que le gouvernement, en collaboration avec les parties prenantes appropriées, soutienne le développement de ces codes de conduite volontaires, s’assure qu’ils soient de haute qualité, efficacement surveillés et transparents. 2.4 Mise en application de la réglementation La réglementation actuelle a une portée suffisamment vaste pour couvrir l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire. Cependant, afin de pouvoir 16 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 la mettre en application, il y a deux aspects qu’il convient d’analyser en détail : l’évaluation des risques ainsi que les importations et la vente de produits sur Internet. 2.4.1 Évaluation du risque Pour que la réglementation soit applicable, il faut que tout nanomatériau soit soumis à une évaluation des risques par l’EFSA avant d’être approuvé pour la consommation humaine. La procédure d’évaluation du risque La procédure d’évaluation du risque comprend les quatre éléments suivants : (i) identification du danger, (ii) caractérisation du danger, (iii) évaluation de la consommation, et (iv) caractérisation du risque. Application de la structure d’évaluation des risques Une procédure d’évaluation des risques est-elle applicable dans un domaine où demeurent de grandes incertitudes scientifiques ? Il est, à l’heure actuelle, difficile de caractériser, de détecter et de mesurer les nanomatériaux manufacturés présents dans les aliments, et il y a très peu de données sur l’exposition orale et la toxicité. Au vu de ces incertitudes, certaines associations (Friends of the Earth Australia, Soil Association) ont décrété un moratoire sur l’utilisation des nanotechnologies et nanomatériaux dans les aliments. Cependant, en l’absence d’une définition bien établie, la portée d’un tel moratoire n’est pas significative. L’EFSA évalue les produits au cas par cas. S’il existe un manque d’information relatif au risque potentiel posé par un produit sur la santé humaine, ce produit ne sera pas approuvé. Les Lords approuvent cette façon de procéder de l’EFSA, qui permet le développement responsable de produits à faible risque et représente, en fait, un moratoire sélectif sur les produits pour lesquels nous ne disposons pas de données relatives à leur impact sur la santé. Cela permet également de rassurer le consommateur, dans la mesure où un produit qui n’a pas été déclaré sans risque ne sera pas autorisé sur le marché. 2.4.2 Importations Bien que seuls les produits répondant aux normes de sécurité de l’Union Européenne puissent être mis en circulation dans les États membres, deux problèmes persistent : l’Internet. D’après la FSA, les produits alimentaires commandés par Internet en provenance de pays noneuropéens, en petites quantités et pour usage personnel, pourraient ne pas être soumis à la réglementation britannique ; les compétences des autorités sanitaires qui ne sont pas en mesure, à l’heure actuelle, de détecter la présence de nanomatériaux dans les produits alimentaires importés. Les Lords recommandent au gouvernement (i) de veiller à ce que les activités de recherche visant à mesurer la présence de nanomatériaux dans les produits ali- www.ambascience.co.uk liée à un manque d’information, et les Lords discutent dans ce chapitre de l’attitude du public par rapport à l’introduction de nanotechnologies dans l’industrie alimentaire et les activités d’information et d’engagement du public mises en oeuvre. 2.4.3 Conseil pour les entreprises Les Lords recommandent au gouvernement de travailler en adéquation avec l’EFSA sur le développement de conseils relatifs à la mise en pratique de la réglementation sur les aliments nouveaux et autres législations associées. Les Lords exhortent également le gouvernement à spécifier quelles seront les étapes mises en place pour faire en sorte que l’industrie et les universitaires soient impliqués dans le développement de ces conseils. 2.5.1 Contexte Le rapport de 2004 de la Royal Society et de la Royal Academy of Engineering recommandait (i) aux conseils pour la recherche de financer un programme de recherche étudiant la relation du public aux nanotechnologies, et (ii) au gouvernement de mettre en place un dialogue public centré sur le développement des nanotechnologies et financé adéquatement. Le gouvernement établit en 2005 le Nanotechnology Engagement Group (NEG), dont le rapport final, publié en 2007, identifiait six projets d’engagement au Royaume-Uni et incluait un certain nombre de conclusions et de recommandations pour développer les activités futures du gouvernement dans ce domaine. Si la situation semble ne pas avoir beaucoup évolué depuis la publication de ce rapport, en 2008 cependant, le gouvernement a lancé l’initiative Science and Society20 afin d’améliorer l’interaction entre le public et la communauté scientifique. 2.4.4 Harmonisation internationale L’industrie de l’alimentation représente un marché global, et par conséquent, tout système de réglementation concernant l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire aura des répercutions sur le marché alimentaire global. Deux approches sont envisagées : mettre en place une réglementation internationale, sous la tutelle de Codex Alimentarius, une agence intergouvernementale créée par l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, Food and Agriculture Organisation) et l’organisation mondiale de la santé (WHO, World Health Organisation) ; favoriser l’échange de connaissances et de discussions informées entre nations. Les Lords reconnaissent qu’il est trop tôt pour envisager l’harmonisation des réglementations sur la scène internationale et recommandent au gouvernement de continuer à favoriser le dialogue et les échanges d’informations entre nations et de s’assurer que les organisations internationales sont informées des implications émergeant du développement des nanotechnologies. 2.4.5 Base de données des nanomatériaux présents dans l’industrie alimentaire La FSA considère plusieurs options concernant l’élaboration d’un registre ou d’une base de données de produits alimentaires contenant des nanomatériaux. La Commission Européenne avait annoncé un début de recensement des nanomatériaux en 2009, mais aucune action de la sorte n’aurait pour l’instant été prise. Les Lords recommandent que la FSA crée et maintienne une liste de données publiquement accessibles concernant la présence de nanomatériaux dans les produits alimentaires ou produits d’emballage alimentaire approuvés par l’EFSA. 2.5 Communication Obtenir la confiance du consommateur est vital pour le succès de toute nouvelle technologie, notamment dans le secteur de l’industrie alimentaire, comme l’a prouvé récemment la polémique sur les organismes génétiquement modifiés. La peur du consommateur est souvent www.ambascience.co.uk Dossier mentaires conduisent au développement de tests permettant aux autorités sanitaires de détecter leur présence dans les produits importés, et (ii) de développer une méthode pour informer et éduquer les autorités sanitaires de façon adéquate. 2.5.2 Attitude du public par rapport à l’utilisation des nanotechnologies L’attitude du public par rapport à l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire sera un des facteurs déterminant pour l’avenir des nanomatériaux dans ce secteur. Le niveau public de connaissance et de compréhension des nanotechnologies apparaît relativement faible. Une étude menée par Which?, association de protection des consommateurs britanniques, en 2008, a révélé que seulement 45 % de la population au Royaume-Uni avait entendu le terme de « nanotechnologie », contre 49 % aux États-Unis (résultat d’une enquête menée par une association similaire). Paradoxalement cependant, les consommateurs semblent penser que les bénéfices apportés par les nanotechnologies seraient plus importants que les risques potentiellement associés, mis à part le secteur de l’industrie alimentaire. Une étude conduite par PEN en 2007 a ainsi révélé que seuls 7 % d’américains achèteraient des « nano » produits alimentaires et 62 % nécessiteraient de plus amples informations concernant les potentiels risques associés à l’utilisation de ces produits avant de les acheter. Compte-tenu du rôle crucial joué par l’opinion publique, les Lords recommandent au gouvernement de commissionner une enquête sur l’attitude du public par rapport à l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire. Cette étude devra être reconduite régulièrement afin d’évoluer en adéquation avec l’opinion publique. Une communication publique efficace et une stratégie d’engagement du public devraient : fournir aux consommateurs l’information dont ils ont besoin, que ce soit par le biais du gouvernement, de Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 17 Dossier l’industrie ou de tout autre partie prenante, pour leur permettre de prendre des décisions informées par rapport à l’utilisation des nanotechnologies dans le secteur alimentaire ; faire en sorte qu’il y ait un mécanisme en place permettant le dialogue entre le public et les principales parties prenantes. 2.5.3 Stratégie de communication gouvernementale Le gouvernement a un rôle clé à jouer dans les problèmes de communication relatifs à l’introduction des nanotechnologies dans le secteur de l’industrie alimentaire. Aussi, les Lords approuvent la décision du gouvernement de réaliser un site Internet destiné à fournir au public des sources d’informations objectives sur les nanotechnologies, et ils applaudissent particulièrement la décision d’y inclure une section couvrant spécifiquement l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire. 2.5.4 Transparence dans l’industrie La transparence est l’élément le plus important pour s’octroyer la confiance du public. Il est par conséquent regrettable de constater que l’industrie alimentaire n’est pas transparente sur ses activités relatives à l’utilisation des nanotechnologies. Si l’attitude des industriels est principalement due à la crainte de recevoir une réaction négative du public, leur comportement et leur manque de transparence risquent au contraire de déclencher cette réaction négative. Les Lords recommandent au gouvernement de travailler en adéquation avec l’industrie alimentaire afin de la rendre plus transparente sur ses activités de recherche, de développement et d’applications des nanotechnologies dans les produits alimentaires. 2.5.5 Étiquetage Si la transparence est importante, elle n’est pas pour autant gage d’une communication efficace. Il ne suffit pas que l’information soit disponible, elle doit également être accessible et pertinente. Les Lords considèrent que la première étape d’information des consommateurs n’est pas l’étiquetage mais la réalisation d’une base de données de produits alimentaires contenant des nanomatériaux, et ils exhortent le gouvernement, ainsi que les groupes de consommateurs, à considérer d’autres moyens permettant de rendre ces informations disponibles et accessibles aux consommateurs. 2.5.6 Engagement du public Des leçons tirées du passé ont permis de se rendre compte qu’il est essentiel d’engager le public dès l’introduction d’une nouvelle technologie et de s’assurer qu’il y aura un dialogue à double sens. S’il est important de donner à chaque individu la possibilité de s’exprimer, il est reconnu que des groupes représentatifs (groupes de consommateurs ou organisations non 18 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 gouvernementales) auront plus d’impact que des individus isolés. Les Lords recommandent au gouvernement d’établir un groupe de discussion ouvert, sur le modèle du forum maintenu et financé par le Defra (Nanotechnologies Stakeholder Forum), permettant d’aborder la problématique de l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie alimentaire. L’industrie alimentaire, le gouvernement, la communauté universitaire et les groupes de consommateurs devraient tous jouer un rôle à part entière dans le débat public. Les réunions devraient prendre place à intervalle régulier, en fonction du développement des diverses applications des nanotechnologies et de leur entrée sur le marché alimentaire britannique. De surcroît, les inquiétudes et les suggestions devraient être prises en compte lors des processus de prise de décision gouvernementaux.■ Dossier rédigé par Dr Maggy Heintz Sources : - Le Cedef, Centre de documentation Economie-Finances, Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, http:// www.budget.gouv.fr/directions_services/cedef/synthese/ nanotechnologies/synthese.htm#3 - Nanotechnology : a UK Industry View, Mini Innovation & Growth Team, Nanotechnology, http://www.matuk.co.uk/docs/ Nano_report.pdf* - Nanotechnologies and Food, House of Lords, Science and Technology Committee, January 2010, http:// www.publications.parliament.uk/pa/ld200910/ldselect/ ldsctech/22/22i.pdf - Bilan du débat public sur le développement et la réglementation des nanotechnologies, 9 avril 2010, Commission nationale du débat public 1. http://www.nanotec.org.uk/finalReport.htm 2. http://www.nanowerk.com/nanotechnology/reports/ reportpdf/report119.pdf 3. http://www.luxresearchinc.com/ 4. http://wintergreenresearch.com/index.htm 5. http://cientifica.eu/blog/ 6. http://cientifica.eu/attachments/054_A%20Reassessment% 20of%20the%20Trillion%20WP.pdf 7. http://www.luxresearchinc.com/pdf/TNR4_TOC.pdf 8. http://www.defra.gov.uk/environment/quality/nanotech/ documents/vrs-nanoscale.pdf 9. http://www.cst.gov.uk/business/files/nano_review.pdf 10. http://www.rcep.org.uk/reports/27-novel%20materials/27novelmaterials.htm 11. http://www.innovateuk.org/_assets/pdf/CorporatePublications/NanoscaleTechnologiesStrategy.pdf 12. http://www.publications.parliament.uk/pa/ld200910/ldselect/ ldsctech/22/22i.pdf www.ambascience.co.uk www.ambascience.co.uk 17. Characterising the potential risks posed by engineered nanoparticles : a second UK government research report 18. http://www.safenano.org/ 19. A review of potential implications of nanotechnologies for reglementations and risk assessment in relation to food 20..http://www.bis.gov.uk/policies/science/science-and-society Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 Dossier 13. http://www.matuk.co.uk/docs/Nano_report.pdf 14. http://bis.gov.uk/assets/biscore/corporate/docs/n/10-825nanotechnologies-strategy 15. http://www.observatory-nano.eu/project/ 16. http://www.safenano.org/Uploads/ EMERGNANO_CB0409_Full.pdf 19 Politique scientifique et technique 20 Mise en œuvre du plan « Sciences du vivant 2010 » Bien que datant de janvier 2010, la publication par l’Office for Life Sciences (OLS, Bureau pour les sciences du vivant) de la mise en œuvre du plan pour les sciences du vivant nous a semblé importante pour être rapportée dans ses grandes lignes. À noter que les engagements annoncés ne s’appliquent pas automatiquement à l’ensemble des quatre régions dévoluées du Royaume-Uni, et qu’elles s’appliquent parfois uniquement à l’Angleterre. Cette publication vient souligner les progrès qui ont été faits depuis la création de l’OLS en janvier 2009 (voir encadré) pour assurer que le Royaume-Uni maintienne son statut dans le groupe nombreuses réformes auquel le pays fait face dans les années à venir. Toutes les mesures présentées ci-dessus ne seront en revanche pas forcément maintenues. 1. Le UK Life Sciences Super Cluster Cette pépinière vise à relancer la collaboration et le leadership dans le secteur de la recherche translationnelle, en impliquant l’industrie, le NHS et le secteur universitaire. Une étude pilote, démarrée début 2010 et financée à hauteur de 1 M£ ciblera ainsi la recherche dans les domaines de l’immunologie et de l’inflammation, en se focalisant en particulier sur les pathologies telles que l’asthme et l’arthrite rhumatoïde. L’iOffice for Life Sciences dentification des Créé en janvier 2009 par le premier ministre, premiers particil’OLS illustre l’importance que le gouvernement pants universitaibritannique donne aux sciences du vivant au res, industriels et Royaume-Uni et rend compte de la nécessité, sedu NHS arrive à lon le gouvernement, de faire davantage pour souson terme et le pilote devrait détenir ce secteur d’excellence. marrer rapideLe bureau pour les sciences du vivant a pour rôle ment. de mettre en œuvre des actions visant à améliorer la collaboration entre l’industrie et le secteur uni2. La Patent Box versitaire, renforcer les partenariats entre l’indusPour répondre à trie et le NHS, bénéficier aux patients, et favoriser une compétition un environnement florissant pour les biotechnolointernationale toujours plus difficile gies médicales, l’industrie pharmaceutique, les eu égard aux régitechnologies médicales et les entreprises de diames de taxation gnostic au Royaume-Uni. favorables sur les revenus dérivant de la propriété de tête de l’industrie à l’échelle intellectuelle et des brevets, la taxe internationale. En collaboration corporative sera réduite à 10 % à avec l’industrie, le secteur de l’en- partir d’avril 2013. Cette réduction seignement supérieur, le National est une mesure d’incitation à l’inHealth Service (NHS, service natio- vestissement par les entreprises nal pour la santé) et le gouverne- innovantes, visant ainsi à attirer ment au sens large, l’OLS avait davantage d’entreprises sur le terpublié en juillet 2009 une liste de ritoire britannique. points importants à développer. 3. Le RegenMed Programme Le présent rapport reprend ces points, indiquant les progrès efGéré par le Technology Strategy fectués au cours de l’année. À no- Board (TSB, conseil pour la stratéter que le nouveau gouvernement gie technologique) et fort d’un de coalition à donné le feu vert à investissement de 21,5 M£, ce prol’OLS, qui sera donc épargné des gramme viendra soutenir une in- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 dustrie britannique de la médecine régénérative en plein essor grâce à un comité de conseil d’experts venant de l’industrie et du monde universitaire. L’objectif est de trouver la meilleure manière d’accélérer la recherche translationnelle et les succès commerciaux, tout en s’assurant la participation de tous les acteurs du domaine. Les appels à proposition sont spécifiquement destinés à des projets menés par le secteur industriel, et non universitaire. 4. L’innovation Pass Après évaluation par le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence, Institut national pour la santé et l'excellence clinique)1, la majorité des nouveaux produits thérapeutiques sont acceptés et intégrés dans le NHS. Cependant, pour certaines nouvelles thérapies ayant le potentiel d’améliorer la qualité de vie de petits groupes de patients, les données d’efficacité sont trop limitées, en partie en raison du petit nombre de patients touchés. Cette initiative vise donc à permettre un accès accéléré à des nouvelles thérapies ayant déjà obtenu une licence d’exploitation, mais non encore évaluées par le NICE. Il s’agit d’un programme sur trois ans, qui s’appliquera à certains médicaments spécifiques, et financés à hauteur de 25 M£ pour l’année 2010-2011. 5. Le NHS Life Sciences Innovation Delivery Board Cette commission a été mise en place pour, d’une part, renforcer les relations entre l’industrie et le NHS, et, d’autre part, accélérer l’intégration de technologies médicales et produits thérapeutiques innovants au sein du NHS, et ayant été évalués et recommandés par le NICE comme présentant un bon rendement coût/efficacité. Financé par le ministère de la santé britannique dans sa première année, son financement devra être revu pour les années suivantes. www.ambascience.co.uk 7. L’Accreditation model for undergraduate biological sciences degrees Le gouvernement britannique a commissionné la Society of Biology (Société de Biologie) de mettre en œuvre un modèle d’accréditation de licences en sciences biologiques. Cette initiative a pour objectif d’assurer que les étudiants sortant de licence aient les compétences et connaissances en mathématiques et biologie nécessaires pour démarrer une carrière en sciences biologiques. À plus long terme, cela devrait également relancer la population des actifs scientifiques qualifiés et ainsi redonner un avantage compétitif au RoyaumeUni par rapport aux autres na- tions. Une étude pilote démarrera à l’année scolaire 2010-11. 8. Le Life Sciences Business and Leadership Programme Ce programme vise à aider les dirigeants d’entreprises à développer leurs compétences d’entreprenariat. En réponse à un financement public de ce programme, le gouvernement, a demandé que l’industrie propose un modèle de sponsoring. Le programme pilote ciblera initialement les compagnies de biotechnologies médicales, avant d’être étendu aux compagnies médicales de technologies et de biotechnologies industrielles. 9. Le UK Innovation Investment Fund Les sociétés innovantes et de hautes technologies ont des difficultés croissantes à sécuriser des fonds de capital risque, menaçant une atrophie sur le moyen ou long terme de la R&D fortement innovante. Pour ces raisons, le gouvernement a créé le UK Innovation Investment Fund destiné spécifiquement aux petites (et croissantes) entreprises, incluant les startup et les spin-out. Les managers de ce fonds de fonds sont en poste et ont déjà levé 175 M£, venant s’ajouter aux 150 M£ apportés par le gouvernement britannique : l’objectif initial a été largement dépassé. 10. Le Marketing Programme Ce programme national a pour objectif de promouvoir les sciences du vivant au Royaume-Uni, attirer des investissements étrangers et redorer le blason du Royaume-Uni à l’étranger. Pour cela, le UKTI (United Kingdom Trade and Investment, équivalent d’Invest in France et Ubifrance réunis) a accru ses activités de marketing au cours de cette dernière année pour redorer la réputation du Royaume-Uni et construire une marque « UK Lifes sciences » à l’étranger. Parmi les activités entreprises, notons par exemple un programme de visites ministérielles coordonné à l’étranger et une augmentation de la présence du Royaume-Uni dans les événements internationaux d’envergure.■ Claire Mouchot Source : Office for Life Sciences, janvier 2010, http://www.bis.gov.uk/assets/biscore/ corporate/docs/l/10-542-life-sciences-2010delivering-the-blueprint.pdf 1. NICE : voir « Actualités scientifiques au Royaume-Uni » d’avril 2008, p. 12 Les sciences du vivant au Royaume-Uni en quelques chiffres Politique scientifique et technique 6. L’Industry and Higher Education Forum Le forum permettra aux personnalités des mondes industriel, universitaire et du secteur public qui le composent de se mettre d’accord sur le curriculum des cours que devront suivre les étudiants en licence. Il aura pour rôle de s’assurer que les étudiants ayant obtenu une licence possèdent les compétences et les connaissances nécessaires au démarrage d’une carrière en sciences du vivant. Ce secteur emploie environ 120 000 personnes et atteint 4,6 M£ d’investissements en R&D. Le secteur pharmaceutique Secteur de prédilection du Royaume-Uni, il compte 600 entreprises pour un total de ventes de près de 16 Md£, ce qui représente environ 4 % de toutes les ventes internationales, et 14 % des ventes européennes. Le secteur emploie 67 000 personnes et a investi 4,3 Md£ sur le territoire (chiffres 2008), ce qui correspond à un quart de l’ensemble des dépenses privées de R&D, tous domaines confondus. Le secteur des biotechnologies médicales 780 entreprises présentent un chiffre d’affaires global de 4,2 Md£, soit 9 % du chiffre d’affaire mondial ou 30 % du chiffres d’affaire européen. Le secteur emploie 24 000 personnes, ce qui correspond à un quart du total européen. Le secteur des technologies médicales Fort d’environ 28 000 entreprises, la majorité étant des PME, le secteur emploie 52 000 personnes et génère près de 11 Md£ de chiffre d’affaires. De plus, près de 25 % de l’ensemble des entreprises de technologies médicales européennes sont basées au Royaume-Uni. www.ambascience.co.uk Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 21 Politique scientifique et technique 22 Restructuration de l’organisation des organismes de réglementation Le Department of Health (DH, ministère de la santé) a publié fin juillet 2010 sa stratégie d’avenir eu égard aux organismes nongouvernementaux quasiautonomes mettant en application la politique gouvernementale (« arm’s length body ») en matière de santé publique. Une fois la restructuration terminée, la moitié de ces organismes auront disparu, leur nombre passant de 18 à huit ou dix d’ici 2013. L’objectif du gouvernement de coalition est de réduire la bureaucratie, le déficit, en faisant économiser plus de 180 M£ d’ici 2014-2015, et les duplications. Cette révision, qui fait suite au Livre blanc du DH « Equity and Excellence: Liberating the NHS » (« Actifs et excellence : décharger le service de santé public »), visait à évaluer si le travail effectué par l’ensemble de ces 18 organisations était d’une utilité essentielle au plan national, ou s’il pouvait être effectué par un autre organisme déjà en place. Après approbation par le Parlement, les huit à dix organisations jugées non nécessaires seront donc supprimées, et leur activités essentielles transférées vers celles restantes. Parmi elles, la Human Fertilisation and Embryology Authority, (HFEA, haute autorité britannique en charge de l’aide à la procréation assistée et de la recherche en embryologie) serait ainsi supprimée, et ses activités transférées : la réglementation des traitements de fertilité au sein de l’organisme chargé de la réglementation de la santé et de l’approvisionnement des soins de santé pour adultes, la Care Quality Commission (CQC, commission relative à la qualité des soins de santé) ; les autorisations de projets de recherche vers un nouveau super -organisme réglementaire qui intégrera également les missions de la HTA (Human Tissue Authority, en charge du contrôle des dons d’organes et de l’utilisation des tissus humains dans les acti- La Human Fertilisation and Embryology Authority Créée en 1991 à la suite de la loi HFE Act votée en 1990, la HFEA est en charge de la réglementation des traitements de fertilité et de la recherche impliquant des embryons humains. Le travail de la HFEA consiste à inspecter et attribuer les autorisations cliniques aux centres de fertilité agréés, et à donner des conseils éthiques et légaux aux scientifiques et au public. Depuis sa création, les scientifiques ont pour la grande majorité applaudi le travail sérieux de la HFEA, appréciant le cadre réglementaire clair et précis de ce qui est autorisé ou non. L’annonce du gouvernement de coalition de la supprimer a donc soulevé un large mécontentement dans les sphères à la fois scientifique et politique, les acteurs impliqués dans ce domaine connaissant la valeur de la HFEA et son rayonnement international. En effet, au sein de cette discipline récente qu’est la recherche sur l’embryon humain (incluant les cellules souches embryonnaires), la HFEA est toujours considérée comme le leader mondial en termes de réglementation et de recommandations auprès des scientifiques, et de nombreux pays se sont largement inspirés de cet organisme pour la création de leurs propres agences. vités de recherche et d’enseignement). En 2004, le gouvernement travailliste avait étudié, sans poursuivre davantage, la possibilité d’une telle fusion entre la HFEA et la HTA. En effet, suite à une large Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 consultation auprès de l’ensemble des acteurs impliqués, le gouvernement avait jugé que la séparation des activités de recherche et de clinique en embryologie risquait de faire perdre l’expertise et les connaissances existantes. La proposition avait été définitivement enterrée après qu’une enquête parlementaire multipartite en 2007 conclut que la fusion n’était pas une bonne idée et ne fasse des recommandations s’y opposant. Au cours de cette enquête, les députés avaient notamment entendu que l’expertise et le travail de la HFEA étaient très différents et plus complexes en termes d’éthique que ceux de la HTA. Les aspects les plus convaincants, toutefois, avaient été : (1) le risque encouru que la disparition de la HFEA ne vienne réduire la confiance du grand public sur ces sujets controversés ; (2) le fait que pour rester efficace, les ressources humaines de la HFEA devraient être maintenues à la suite d’une fusion avec la HTA, limitant ainsi les réductions de coûts. Ruth Deech, membre de la Chambre des Lords et ex-présidente de la HFEA, souligne aujourd’hui que les raisons pour lesquelles la proposition faite par le précédent gouvernement avait été abandonnée sont tout aussi valides aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2007.■ C.M. Sources : - Human Fertilisation and Embryology Authority, News, 26/07/10, www.hfea.gov.uk - Nature, 10/08/10, News, www.nature.com - Department of Health, News, 26/07/10, http://nds.coi.gov.uk/content/detail.aspx? NewsAreaId=2&ReleaseID=414647&Subje ctId=15&DepartmentMode=true www.ambascience.co.uk Les résultats d’une large enquête sur l’opinion du grand public concernant la biologie synthétique ont été publiés dans le courant de l’été 2010 par les conseils de recherche Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC, conseil pour la recherche en biotechnologie et sciences biologiques) et Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC, conseil pour la recherche en sciences de l'ingénieur et sciences physiques), en collaboration avec l’agence ScienceWise. L’objectif global de cette enquête était d’entendre les résidents venant d’horizons différents lors d’ateliers publics spécialisés afin que les politiques d’avenir en matière de biologie synthétique reflètent davantage ces opinions, inquiétudes et aspirations. Si la biologie synthétique offre de grandes possibilités de progrès dans beaucoup de domaines, elle s’accompagne d’inquiétudes, allant de la biosécurité à la justice sociale, La biologie synthétique en passant par des questions éthiques profondes. La réglementation efficace de cette discipline risque d’être particulièrement délicate et complexe étant donné les larges inquiétudes du grand public eu égard au génie génétique mené au Royaume-Uni. Pour ces raisons, l’enquête cherchait également à (i) faciliter la discussion entre individus de milieux différents, (ii) permettre aux différents acteurs du secteur d’être présents à ces ateliers afin d’en assurer l’impartialité et d’en mesurer l’impact, et (iii) soulever les points importants et sensibiliser les acteurs publics du domaine. L’enquête représente une manière différente de penser à la gouvernance de la biologie synthétique. Elle a permis de créer un espace au sein duquel les citoyens (160 personnes), les scientifiques et l’ensemble des acteurs impliqués (40 personnes) ont pu échanger et débattre de manière informée à la fois sur les valeurs du public mais aussi sur les questions éthiques et les applications potentielles de la biologie synthétique. Le rapport indique 12 points, ci-après, soulevés par les participants au cours de ces ateliers. La biologie synthétique est une discipline scientifique encore émergente, qui s’appuie sur les développements des sciences de l’ingénieur et les biosciences pour créer de nouvelles structures biologiques (les « blocks ») ou pour modifier celles déjà existantes afin de leur donner la capacité d’effectuer une tâche différente. La biologie synthétique avance à grands pas, grâce notamment aux progrès importants faits dans le domaine de l’informatique ayant permis le séquençage et la synthèse d’ADN. En particulier, la biologie synthétique fait entrevoir la possibilité de créer de nouveaux matériels biologiques présentant des fonctions et finalités différentes, par exemple dans les secteurs alimentaires ou des agro-carburants, en passant par le médical, le diagnostic, la bioremédiation ou encore les biosenseurs. www.ambascience.co.uk 1. Réactions initiales des participants La biologie synthétique présente à la fois des potentiels prometteurs et inquiétants et est entourée d’une aura d’incertitude sur ce que le domaine peut apporter et la direction qu’il va prendre. Par ailleurs, une question importante a été longuement débattue : qui pousse les développements de la biologie synthétique ? Cinq autres questions, destinées plus particulièrement aux chercheurs, s’articulaient ainsi : quelles sont les intentions de votre recherche ? pourquoi menez-vous cette recherche ? qu’en attendez-vous ? quelles autres applications peut-elle avoir ? comment savez-vous que vous avez raison ? 2. Espoirs apportés par la biologie synthétique La science peut répondre aux grandes questions auxquelles l’humanité fait face telles que le changement climatique, les maladies graves, les problèmes d’énergie ou de sécurité alimentaire. Le fait que la biologie synthétique puisse potentiellement répondre à ces grands défis est un facteur significatif d’acceptation de ce domaine. 3. Inquiétudes des participants Elles incluent la rapidité de développement de la science en général et dans ce domaine en particulier. Ceci est d’autant plus inquiétant lorsque les impacts à long terme restent inconnus, notamment en termes de direction de la recherche à l’avenir et de libération d’organismes synthétiques dans l’environnement. 4. Rôle des scientifiques L’une des grandes questions est de connaître la motivation des scientifiques menant ce type de recherche. En effet, leur curiosité, couplée à la pression imposée pour publier, pourrait pousser les scientifiques à ne se focaliser que sur les aspects positifs potentiels de leur recherche, sans prendre le temps de réfléchir aux risques potentiels. Les participants souhaitent que les scientifiques prennent davantage de temps pour considérer les implications plus larges du travail qu’ils accomplissent et mettent en relation la routine quotidienne du laboratoire et le domaine dans son ensemble. Politique scientifique et technique Dialogue sur la biologie synthétique 5. Cadres réglementaires Il existe un besoin de mettre en place, au plan international, une réglementation et un contrôle efficaces, et de voir une capacité accrue des instances réglementaires à anticiper les développements scientifiques. En effet, puisque chaque organisme synthétique créé est par définition nouveau, le sentiment général est le scepticisme quant au bien fondé de la réglementation actuelle. Les observations suivantes ont été faites lors d’une ré- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 23 Politique scientifique et technique flexion plus générale sur la réglementation : les erreurs sont inévitables ; il est impossible de contrôler tous les risques ; il existe des risques inconnus à cette étape précoce du développement ; la libération dans l’environnement est une vraie question ; poursuivre avec prudence. 6. Interventionnisme dans le monde biologique naturel Ce type de recherche, qui vient interagir avec et/ou sur le monde biologique naturel, devrait être mené avec dignité, responsabilité, humilité et respect. Pour la majorité, l’idée de créer la vie par des techniques de biologie synthétique est acceptable si les développements apportent les bénéfices promis. 7. Application des sciences de l’ingénieur aux systèmes biologiques L’idée de morceler les entités naturelles en parties indépendantes pouvant être assemblées pour former un organisme viable ayant les caractéristiques choisies est vue comme problématique ; les raisons évoquées sont principalement que la nature est trop complexe et trop dynamique pour pouvoir être encapsulée et prédite de manière précise. Par ailleurs, les sciences de l’ingénieur sont perçues comme étant capables de spécifier, répliquer et développer à une échelle industrielle les produits développés. Or, l’implication des sciences de l’ingénieur dans la biologie synthétique soulève encore davantage d’inquiétudes, car elles sont perçues comme permettant de produire à grande échelle des organismes dont on ne connaît pas les impacts à long terme. 8. Rôle des conseils pour la recherche Ils sont vus comme ayant un rôle majeur dans la gouvernance de la biologie synthétique. Cependant, une question-clé concerne la critériologie utilisée pour classifier le « financement de l’excellence de 24 la science ». Ceci n’est perçu comme ne prenant en compte que l’excellence technique, excluant la dimension normative et sociale. 9. Applications dans le secteur de la santé Les réactions initiales aux développements médicaux étaient positives. Il existe cependant un sentiment de préférence à ce que les produits issus de la biologie synthétique soient utilisés dans les processus de production médicale plutôt que directement in vivo. En particulier, certaines craintes concernent la potentielle de mauvaise utilisation des développements, ainsi que l’impossibilité de prédire les impacts sur le long terme des produits issus de la biologie synthétique (santé, environnement, etc.). 10. Applications dans le secteur de l’énergie Les discussions se sont centrées sur le développement des agrocarburants, notamment le potentiel des micro-organismes synthétiques d’être utilisés pour la digestion de la cellulose des plantes. Le sentiment est que l’utilisation de la biologie synthétique dans ce domaine est considérée comme l’une des approches possibles pour le développement des carburants du futur. Cette approche ne devrait par ailleurs être développée davantage que si elle se focalise sur la valorisation des produits agricoles rejetés, et non sur l’augmentation de la compétition des cultures sur les terres arables (utilisées pour l’alimentation humaine et animale) et nécessitant beaucoup de ressources en eau. En raison d’une utilisation essentiellement au sein de procédés industriels confinés pour le développement d’agro-carburants, les impacts potentiels négatifs sur la santé ou l’environnement sont perçus comme étant relativement faibles. 11. Applications dans le secteur de l’environnement Les discussions se sont focalisées sur la bioremédiation et le potentiel pour les micro-organismes Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 synthétiques d’agir comme dépolluants. Bien que l’espoir de créer des organismes synthétiques capables de corriger les dommages déjà infligés à l’environnement soit réel, les craintes proviennent du fait que ces nouveaux organismes, dont on ne sait déterminer les impacts potentiels à long terme, pourraient eux-mêmes créer un type de pollution différent. Il existe un besoin de mettre en œuvre des standards internationaux et de créer des agences réglementaires ayant la possibilité de contrôler les progrès dans chaque pays. 12. Applications dans le secteur agricole et alimentaire Les participants étaient initialement encouragés par le potentiel de la biologie synthétique à pouvoir répondre à des questions telles que la pénurie alimentaire. Les inquiétudes soulevées concernaient la question de savoir qui allait bénéficier et à qui appartiendrait cette technologie – en raison de la capacité des grandes firmes à breveter les développements et à créer des monopoles, maintenant ainsi la dépendance des pays en développement envers les pays du Nord. Une autre inquiétude concernait également les risques de contamination croisée entre un organisme artificiellement créé et des plantes alentour. Enfin, la transparence quant à l’étiquetage des produits alimentaires reste une question cruciale, afin que les consommateurs puissent choisir en connaissance de cause. En conclusion, les participants à cette enquête souhaitent : une communauté de scientifiques assumant ses responsabilités et considérant les aspects plus larges de leur recherche ; que les inquiétudes et les espoirs du grand public puissent être entendus dès les premières étapes du financement, et que celuici inclut des valeurs sociales ; une gouvernance plus adaptée, ainsi qu’une coordination internationale de la réglementation qui accepte d’être ouverte à la critique. www.ambascience.co.uk pants quand cela sera approprié afin de les tenir informé de la manière avec laquelle ils ont pris en compte l’ensemble des questions soulevées.■ C.M. Source : Synthetic Biology Dialogue, Rapport par le BBSRC, l'EPSRC et ScienceWise, 2010, http://www.bbsrc.ac.uk/web/ FILES/Reviews/1006-synthetic-biologydialogue.pdf MRC-Technology collabore avec l’industrie et le secteur à but non lucratif Les agences de valorisation de la recherche du Medical Research Council (MRC, conseil pour la recherche médicale), MRCTechnology, et de l’association caritative Cancer Research UK (CRUK), Cancer Research Technology (CRT) ont signé des accords d’échanges des découvertes scientifiques effectuées au sein de l’une ou l’autre institution de recherche. À terme, l’objectif de cet accord est donc d’utiliser au mieux l’expertise de chaque organisation afin d’accélérer le nombre de brevets et d’accélérer leur valorisation en thérapies nouvelles, pour le bénéfice des patients. Selon cet accord, le MRCTechnology et le CRT pourront chacun gérer, développer et breveter les découvertes émanant de leur institution ou de l’institution partenaire : une découverte brevetée en oncologie, menée par des scientifiques du MRC, pourra être offerte par le MRC-Technology au CRT ayant une plus grande expertise dans ce domaine ; à l’inverse, le CRT pourra offrir une découverte brevetée pour laquelle l’expertise du MRC-Technology serait plus appropriée. Les dividendes seront partagés entre les deux partenaires au cas par cas. Selon les directeurs des deux sociétés de transfert de technologies, il s’agit d’une situation optimale qui bénéficiera à la fois aux deux organisations ayant des spécialités complémentaires et aux patients grâce à une augmentation du nombre de thérapies efficaces sur le marché. Par ailleurs, ces accords permettent à chacune de ne pas dupliquer les efforts, de réduire leurs dépenses et d’économiser le temps-homme nécessaire pour www.ambascience.co.uk atteindre des objectifs communs de valorisation de cibles thérapeutiques en opportunités commerciales. Par ailleurs, le MRC-Technology vient de signer des accords exclusifs avec la société de biotechnologie Genentech appartenant au groupe pharmaceutique Roche. Cet accord donne l’exclusivité à Genentech pour l’utilisation et le développement d’une série de petites molécules brevetées candidates pour le traitement potentiel de maladies neurologiques. Selon les termes de cet accord, MRC-Technology recevra des paie- ments en plusieurs temps : le premier à la remise des molécules elles-mêmes, puis au fur et à mesure des étapes importantes de leur développement clinique, et enfin un pourcentage sur les ventes éventuelles. Cette série de petites molécules est issue du premier programme récemment initié par le MRCTechnology à travers le Centre for Therapeutic Discovery (CTD), créé pour accroître la capacité du MRCTechnology à renforcer les ressources britanniques en termes de découvertes de nouvelles molécules et anticorps pouvant potentiellement devenir produits thérapeuti- MRC-Technology Compagnie ayant le statut d’association caritative affiliée au MRC. Son rôle est de développer, commercialiser et valoriser les découvertes scientifiques de pointe en produits thérapeutiques. MRC-Techology possède l’expertise de valorisation de découvertes à travers un ensemble de disciplines et thématiques scientifiques, émanant de la recherche financée par le MRC. Politique scientifique et technique Cette enquête, qui a permis d’articuler un certain nombre de questions importantes concernant le développement de ce domaine de la recherche scientifique, doit pousser les conseils de recherche à reprendre contact avec les partici- Cancer Research Technology Société spécialiste de commercialisation et de développement, dont l’objectif est de favoriser le développement de nouvelles découvertes en oncologie pour le bénéfice des patients. En travaillant en collaboration étroite avec les spécialistes internationaux de la recherche en oncologie, le CRT offre à ceux-ci et à leurs institutions la protection de leur propriété intellectuelle émanant de leur recherche et d’établir des liens étroits avec des partenaires commerciaux. CRT est la propriété entière de CRUK. Centre for Therapeutics Discovery Le CTD collabore avec les scientifiques universitaires pour faciliter et accélérer les découvertes de nouveaux médicaments ciblant des maladies sans thérapies existantes. Des méthodes de chimie médicinale et d’informatique sont utilisées pour développer de nouveaux produits spécifiques présentant une fonction thérapeutique potentielle. Les scientifiques collaborant avec le CTD ont ainsi accès à des outils et des réactifs tels que les anticorps monoclonaux dans le but de valider et de caractériser les études préliminaires. Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 25 Politique scientifique et technique 26 ques. La propriété intellectuelle du MRC-Technology provient non seulement du MRC mais également d’institutions universitaires réparties dans le monde entier. Il s’agit d’un premier accord avec un partenaire industriel.■ C.M. Sources : - Research Fortnight, 14/07/2010, www.researchresearch.com - MRC-Technology, 12/07/10 & 26/07/10, News, www.mrctechnology.org Accords de coopération scientifique et technologique entre l’Inde et le Royaume-Uni Le premier ministre britannique David Cameron a effectué, du 27 au 29 juillet 2010, une visite en Inde très médiatisée, accompagné d'une délégation de ministres et hommes d'affaires, dont Dr Vince Cable, ministre des entreprises, de l'innovation et des compétences (BIS, Business, Innovation and Skills), et Mr David Willetts, secrétaire d'État pour la science et les universités. Le Royaume-Uni et l’Inde projettent la signature d’accords à grande échelle dans les domaines de la science et de la technologie, afin de sceller une forte coopération bilatérale à bénéfices réciproques en médecine, technologies de l’information et de la communication, recherche et développement, énergie et éducation. Le voyage a débuté à Bangalore, vitrine de l'industrie high-tech indienne, classée quatrième plus grand centre technologique au monde par les Nations Unies. David Cameron y a visité le siège d'Infosys, le plus grand groupe informatique indien et y a adressé son discours d’ouverture, au cours duquel il a affirmé que : les investisseurs britanniques et britanniques en quête de coopéraindiens se sont engagés à financer conjointement, à hauteur de 60 M£, des projets de recherche dans les domaines du changement climatique, de l’eau et de la sécurité alimentaire, et de la prévention des maladies ; les scientifiques britanniques et indiens vont collaborer sur des projets de recherche financés à hauteur de 2,4 M£ visant à assurer la sûreté et l’efficacité accrues des centrales nucléaires ; le Wellcome Trust a annoncé un financement de 45 M£ pour effectuer des recherches avec le ministère indien des biotechnologies quant à l’élaboration d’un système de soins de santé abordables. Le premier ministre britannique a également mentionné les sujets qu’il comptait discuter avec son homologue Indien, Manmohan Singh, à savoir : é l a r g i r l ’ i n i t i a t i v e i n d o britannique, couronnée de succès, de coopération dans les domaines de l’éducation et de la recherche (UKIERI, UK-India Education and Research Initiative) ; encourager le jumelage des meilleures universités britanniques avec les 14 nouvelles universités pour l’innovation (Innovation universities) que l’Inde a l’intention de créer ; mettre en place une prestigieuse bourse d’études Chevening RollsRoyce pour la science et l’innovation. Dr Cable a visité Narayana Health City, l’une des plus grandes infrastructures médicales au monde. Il y a annoncé un programme d’activités, sur une durée de trois ans, conçu pour permettre une augmentation du commerce et des investissements bilatéraux entre les industries de technologies d’information et de communication britanniques et indiennes. David Willetts s’est pour sa part rendu à l’institut indien de technologies de Madras (IIT Madras), à Chennai. Il y a annoncé un nouveau « one stop shop » (guichet unique) destiné à améliorer la coordination et la facilité d’accès aux services pour les commerces et institutions Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 tions internationales dans les secteurs de l’éducation et des compétences. L’Inde y sera une nation prioritaire, s’appuyant sur l’expertise britannique du UK Trade and Investment et du British Council, en partenariat avec le ministère des entreprises, de l’innovation et des compétences . David Willetts a rappelé que le Royaume-Uni et l’Inde sont des partenaires réciproques de choix en termes de collaboration dans les domaines de la science et de l’éducation, car il y a d’immenses opportunités pour les deux pays. L’Inde est actuellement à la veille d’une révolution de son système éducatif, et le Royaume-Uni est son partenaire privilégié, ayant d’ores et déjà mis en place plus de 80 collaborations.■ Maggy Heintz Source : Communiqué de presse, UK Trade & Investment, 28 juillet 2010 www.ambascience.co.uk Lors du discours du trône du 25 mai 2010, marquant le début de la nouvelle législature et détaillant le programme du nouveau gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux démocrates, la Reine a rappelé que la priorité du gouvernement britannique était de réduire la dette publique et de restaurer la croissance économique du pays. Des chiffres publiés par l’office national des statistiques (ONS, Office for National Statistics) le 20 juillet 2010, montrent que la dette nette du secteur public, exprimée en pourcentages du PIB, était de 63,9 % à la fin juin 2010, contre 57,3 % à la fin juin 2009, ce qui correspond à 926,9 Md£ en juin 2010 contre 797,5 Md£ un an plus tôt. Dans ce climat d’austérité, il est pressenti que la plupart des budgets ministériels vont être réduits de 25 à 40 %, et le budget pour la science ne fera pas exception à la règle. Lors de ses précédentes interventions depuis sa nomination en tant que ministre pour la science et les universités, David Willets n’a fait aucune déclaration tangible. Il semblerait toutefois qu’après consultation avec les sociétés savantes britanniques, et notamment avec la Royal Society, celui-ci ait enfin i ndi qué au Treasury (ministère de l’économie et des finances) les domaines de recherche dans lesquels pourraient s’effectuer des coupes budgétaires. C’est au cours du premier débat public, depuis les élections de mai, du Science and Technology Committee de la Chambre des Communes, que David Willets a annoncé une série de mesures qu’il entend mettre en œuvre afin de contribuer à la réduction de la dette publique britannique. 1. Les centres de nanotechnologie Lorsque les cinq derniers centres de nanotechnologie ont ouvert leurs portes en 2006, le ministre www.ambascience.co.uk britannique pour la science de l’époque, Lord Sainsbury, affirmait que le Royaume-Uni venait de se doter d’un réseau d’infrastructures de pointe qui allait permettre à l’industrie de considérablement exploiter les nanotechnologies et toutes leurs applications économiques potentielles. Quatre ans plus tard cepdendant, le 23 juillet 2010, David Willets a annoncé qu’il était très peu probable que les 24 centres de nanotechnologie répartis dans tout le pays soient encore opérationnels dans les 18 prochains mois. Il est dorénavant du ressort du Technology Strategy Board (TSB, conseil pour la stratégie technologique) de considérer les centres au cas par cas, à l’échelle régionale. goureuse des secteurs de la recherche scientifique qu’il convient de préserver au maximum, sans se contenter de dresser une liste de sujets dits « à la mode », tels les biotechnologies ou l’espace. Le ministre a également insisté sur la nécessité de renforcer les liens entre la communauté universitaire et l’industrie, suggérant que les centres allemands de technologie et d’innovation, les centres Fraunhofer, servent de modèle à des centres similaires qu’il conviendrait de développer au Royaume-Uni. Ceci rejoint l’étude menée par Hermann Hauser et présentée dans le numéro de Mai-Juin 2010 de « Science et Technologie au Royaume-Uni », p30. 2. Les agences de développement régionales David Willetts a de plus exprimé son inquiétude concernant le fractionnement des ressources par région, inquiétude qui s’inscrit dans la volonté du gouvernement de coalition de supprimer les agences de développement régionales (RDA, Regional Development Agencies). Les RDA ont été établies par les travaillistes, directement après leur arrivée au gouvernement, et les conservateurs ainsi que les libéraux démocrates affirment qu’elles coûtent trop cher à l’État et que leur travail est souvent redondant. Ils suggèrent de les remplacer par de nouveaux partenariats locaux d’entreprises (LEP, Local Enterprise Partnerships), qui permettraient de rapprocher les gouvernements locaux et les entreprises. 4. Investissement privé dans la R&D Enfin, dans ce premier discours à la Chambre des Communes au cours duquel le ministre a finalement donné quelques lignes conductrices concernant les mesures budgétaires envisagées pour la recherche scientifique, celui-ci a également plaidé en faveur d’un accroissement de l’investissement privé dans le secteur de la recherche et du développement, et il a indiqué que le ministère allait explorer la possibilité de mettre en place des avantages fiscaux.■ M. H. Politique scientifique et technique Le destin des centres de nanotechnologie britanniques et autres mesures budgétaires Source : BBC News, 23/07/2010, http:// www.bbc.co.uk/news/uk-politics-10728357 3. Recherche fondamentale et centres d’innovation Si des coupes budgétaires sont inévitables, David Willetts a cependant exprimé sa détermination à protéger la recherche dite « blue skies » (recherche extrêmement fondamentale pour laquelle aucune application n’est envisagée), et il prévoit d’effectuer une analyse ri- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 27 Espace 28 L’approche du gouvernement de coalition dans le secteur de l’espace L’agence spatiale britannique (UK Space Agency) était présente aux côtés de l’agence spatiale européenne (ESA, European Space Agency), de l’agence spatiale italienne (ASI, Agenzia Spaziale Italiana) et de l’industrie, dans une zone réservée à l’espace au salon aéronautique international qui s’est tenu à Farnborough du 19 au 25 juillet 2010. L’objectif de cette « zone espace » était de constituer une vitrine permettant de montrer en quoi les systèmes spatiaux et leurs applications peuvent jouer un rôle important face aux grands problèmes mondiaux, offrant aux décideurs des outils pour relever des défis majeurs tels que le changement climatique et la sécurité à l’échelle planétaire. Dans notre monde en rapide évolution, les avancées technologiques dans le secteur de l’espace ont de nombreuses retombées, d’un point de vue scientifique, permettant d’acquérir une meilleure connaissance de la Terre et de l’Univers, mais également d’un point de vue économique, favorisant la croissance et l’emploi en Europe. L’espace se positionne de plus en tant que vecteur de nouvelles technologies et d’innovations, et comme moteur de l’aventure humaine dans les prochaines décennies. David Willetts, secrétaire d’État britannique pour la science et les universités, a rejoint le salon au cours de la journée consacrée à l’espace. Il a en premier lieu tenu à exprimer son admiration pour les magnifiques images obtenues par le téléscope européen Planck, dévoilées par l’ESA au début du mois de juillet 2010. Placé en orbite à quelques 1,5 millions de kilomètres de la Terre depuis juillet 2009, le téléscope a pour mission d’observer en continu la voûte céleste et de cartographier l'ensemble du ciel. Le satellite Planck vient de terminer son premier tour de ciel et a obtenu la première image à très haute résolution : des détails insoupçonnés sur l'émission de gaz et de poussières dans notre galaxie y sont révé- lés, et les plus anciennes sources lumineuses du cosmos, datant d’il y a environ 13,7 milliards d’années, peuvent y être identifiées. David Willetts s’est inspiré de cet exemple pour rappeler l’attrait qu’exerce l’espace sur la naissance de carrières scientifiques, 27 % d’ingénieurs déclarant avoir été influencés dans leurs choix de carrière par les avancées scientifiques dans le secteur spatial. Après avoir rappelé le positionnement enviable du Royaume-Uni dans le secteur de l’espace, un écosystème sain et une bureaucratie limitée, permettant aux industriels et aux universitaires d’interagir de façon permanente sur des projets théoriques ou dans des entreprises commerciales, David Willetts a annoncé que les recommandations énoncées dans la stratégie spatiale publiée par le gouvernement en février 2010 ne pourront pas toutes être abordées dans le climat économique actuel (voir numéro de Mars -Avril 2010 de « Science et Technologie au Royaume-Uni »). Le ministre a cependant exprimé la vision du nouveau gouvernement de coalition, apportant, selon lui, « quatre bonnes nouvelles » : des bourses de recherche, totalisant 38 M£, ont été octroyées par le conseil pour la recherche en sciences de l’ingénieur et sciences physiques (EPSRC, Engineering and Physical Sciences Research Council) à 46 jeunes chercheurs, dans des disciplines allant de l’étude de la mécanique quantique à la navigation robotisée ; l’agence spatiale britannique a annoncé un programme pilote d’un an, destiné à concevoir et lancer un CubeSat, ou satellite cubique miniature, de la taille d’une boîte à chaussures, qui permettra au Royaume-Uni de tester de nouvelles technologies spatiales, rapidement et à peu de frais. UKube1, ainsi baptisé, sera construit par la firme écossaise Clyde Space Ltd. Sa conception fait à l’heure actuelle l’objet d’une compétition ouverte entre industriels et universitaires, dont le but est d’identifier les idées les plus créatives et innovantes. Le lancement de UKube1 est prévu pour mi 2011 ; le gouvernement a signé un contrat de 5 M£ avec Astrium afin d’établir un centre d’observation terrestre au sein de l’Inter- Le ciel vu par Planck (The microwave sky as seen by Planck) Crédits: ESA/ LFI & HFI Consortia, ID number: SEMWN4PZVAG Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk www.ambascience.co.uk enfin, dans l’espoir de redémarrer les relations avec la NASA, David Willetts a signé un accord avec Charles Bolden, administrateur actuel de la NASA, afin d’examiner les collaborations potentielles entre les deux pays dans les domaines scientifiques, d’exploration, et d’observation. Un accord similaire a également été signé entre le Royaume-Uni et la Russie, ouvrant la voie à des collaborations scientifiques et commerciales dans le domaine de l’espace entre les deux nations. David Willetts a laissé entendre que des négociations similaires seront entreprises au cours de l’année 2010 avec, entre autres, la Chine, le Kazakhstan, le Pérou, la Jordanie et Bahreïn. Lors de son déplacement en Inde fin juillet 2010, le secrétaire d'État a abordé avec le ministre indien pour la science, Prithviraj Chavan, les possibilités de coopération dans les domaines de l’espace et de la recherche nucléaire. David Willetts a notamment fait remarquer que l’Inde a développé une grande expertise dans le lancement de petits satellites et que le Royaume-Uni est actuellement en train de développer des satellites. Enfin, David Willets a conclu son allocution en révélant les chiffres du rapport biannuel de l’UK Space Agency, suggérant que la croissance économique de l’industrie spatiale britannique pour l’année 2010 était de l’ordre de 8 à 9 %.■ M.H. Espace national Science and Innovation Centre (ISIC) de Harwell, dans l’Oxfordshire. Ce contrat s’inscrit dans le cadre d’un investissement public global de 12 M£. Cette décision intervient alors que les avis sont partagés au sein du gouvernement quant à la nécessité de se doter d’un système propre de satellites d’observation terrestre. L’objectif du centre est d’acquérir des données environnementales, telles des informations sur la déforestation et son impact sur le changement climatique. À cet effet, l’UK Agency sera en pourparlers avec son homologue indonésien. D’autres domaines d’intérêt incluent la surveillance de l’évolution des calottes glaciaires et l’impact de la fonte des glaces sur la circulation océanique, l’augmentation du niveau de la mer et le changement climatique global. L’ouverture du centre d’observation, qui permettra de favoriser les échanges entre industriels et universitaires, est prévue pour avril 2011 ; Sources : - ESA, http://www.esa.int/esaCP/ SEMW5RZOFBG_Luxembourg_2.html - BIS, http://www.bis.gov.uk/news/ speeches - BBC News, 21/07/2010, http:// www.bbc.co.uk/news/scienceenvironment-10705614 - ESA Images, http://www.esa.int/esammg/mmg.pl?type=I Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 29 Sciences de l’ingénieur 30 Bloodhound SSC : susciter des vocations avec un projet technique emblématique Une maquette grandeur nature de la future voiture supersonique Bloodhound SSC a été dévoilée dans les allées du salon aéronautique de Farnborough qui s’est tenu du 19 au 25 juillet 2010. C’est l’occasion de faire le point sur ce projet qui ne vise pas seulement à atteindre les 1 000 miles par heure (plus de 1 600 km/h) sur terre, mais aussi à susciter des vocations scientifiques chez les écoliers et étudiants du RoyaumeUni. La conception et la construction d’une voiture supersonique destinée à battre le record de vitesse sur terre, au cours d’une tentative prévue en 2012, ne paraissent pas vraiment dans l’air du temps. Et pour cause : loin d’être des modèles en termes d’économie d’énergie, les véhicules s’attaquant à ce record sont si éloignés techniquement de ceux de tous les jours que tout transfert d’innovation vers le marché automobile semble lointain. Qu’est-ce qui a donc pu pousser Richard Noble et son équipe à se lancer dans l’aventure Bloodhound SSC (Super Sonic Car) avec le soutien de l’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC, conseil de recherche pour les sciences de l’ingénieur et les sciences physiques) ? Il y a bien sûr le record en luimême et le seuil symbolique des 1 000 mph qui est plus élevé que l’actuel record de vitesse en vol à basse altitude ! Atteindre cette vitesse aux commandes de la voiture supersonique permettrait de poursuivre la fructueuse moisson par le Royaume-Uni de records de vitesse sur terre (l’actuel record s’élève à 763 mph et est détenu par Thrust SSC dont certains membres sont présents dans l’équipe Bloodhound SSC). Ce type de défi est incontestablement une vitrine exceptionnelle pour l’excellence britannique sur des sujets relevant de la science, de aérodynamique : comment The 1 000 mph BLOODHOUND SSC Image courtesy of Nick Haselwood http://www.bloodhoundssc.com la technologie, des sciences de l’ingénieur et des mathématiques. Cependant, la principale raison d’être de ce projet ambitieux est bel et bien d’attirer les étudiants et les scolaires vers des carrières scientifiques. Le Royaume-Uni doit en effet faire face à un cruel manque d’ingénieurs et de scientifiques et le projet Bloodhound SSC se veut être un symbole destiné à éveiller l’intérêt des jeunes pour la science et la technologie. Pour cela, l’équipe de Richard Noble travaille en partenariat avec des universités et des écoles : les étudiants ont ainsi accès à des études de cas réels à la pointe de la technologie concernant Bloodhound SSC, et les écoliers de tous niveaux voient leurs cours scientifiques appliqués aux phénomènes mis en jeu par la conception et le fonctionnement d’un véhicule terrestre supersonique. De plus, l’ensemble des données et des études relatives au véhicule est public et libre d’accès afin d’alimenter ces programmes éducatifs. Au vu de la multiplicité et de la diversité des défis techniques à relever pour concevoir, fabriquer et faire fonctionner une voiture supersonique, il est clair que ce projet peut légitimement s’ériger en démonstrateur de l’excellence britannique. Voici un bref aperçu des sujets scientifiques et technologiques mis en jeu : Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 faire pour que la voiture génère le moins de traînée possible tout en restant clouée au sol et en étant contrôlable par le pilote ? Ce problème est d’autant plus complexe à appréhender que la voiture doit fonctionner et répondre à ces exigences sur une large plage de vitesses correspondant à des écoulements d’air subsoniques puis supersoniques autour du fuselage. Par ailleurs, le travail sur l’aérodynamique fait largement appel aux mathématiques et à l’informatique puisque le profil de Bloodhound SSC a été conçu en s’appuyant sur des méthodes CFD (Computational Fluid Dynamics, dynamique des fluides assistée par ordinateur). science des matériaux : comment faire pour construire une structure assez légère et résistante aux contraintes d’accélération lors d’une tentative de record ? Comment construire des roues capables de supporter un choc avec une pierre à très haute vitesse ou bien l’accélération radiale de 50 000 G due à la vitesse de rotation de plus de 10 000 tours par minute lorsque la voiture se déplace à 1 000 mph ? propulsion : comment implanter suffisamment de puissance propulsive sur le véhicule dans des conditions satisfaisantes d’encombrement, de poids et de sécurité pour le pilote ? dynamique du véhicule : comment assurer la suspension de l’ensemble et permettre au pilote de contrôler le véhicule à tout moment ? systèmes de contrôle : comment assurer la gestion du fonctionnement des moteurs ? Le cahier des charges du projet et une grande quantité de travail ont donné naissance sur le papier à un objet roulant non identifié aux caractéristiques exceptionnelles. Il mesure 13,4 m de long et pèse plus www.ambascience.co.uk Jusqu’au salon aéronautique de Farnborough, Bloodhound SSC était encore à un stade virtuel. Une première étape a été franchie avec la présentation d’une maquette grandeur nature de l’engin au public du salon. Mais quel est l’avancement exact du projet à cette date ? La phase de conception est déjà bien avancée, comme en témoignent la maquette et l’ensemble des données publiées sur le site Internet du projet. Le réacteur d’avion est déjà entre les mains de l’équipe et a été récemment testé. La moitié de la construction du fuselage est déjà assurée grâce au soutien des sponsors. En ce qui concerne les objectifs relatifs à l’éducation, le projet a pour partenaires l’University of West England de Bristol, l’Université de Swansea et l’Université de Southampton. Plus d’1,5 million d’écoliers issus de 3 500 écoles profitent du volet éducatif du programme Bloodhound SSC. Ce dernier a d’ailleurs fait l’objet d’un rapport positif de la NFER (National Foundation for Educational Research, fondation nationale pour la recherche en éducation) Le projet a enregistré l’arrivée de nouveaux sponsors, institutionnels comme The Institution of Mechanical Engineers ou privés. fiques. Cependant, vu le nombre d’écoliers et d’institutions que le projet a réussi à toucher, il y a fort à parier que l’impact soit finalement positif. La présence sur un stand du salon de Farnborough prouve en tout cas que l’exposition médiatique du projet est bien réelle. Enfin, si le record de 1 000 mph venait à être atteint en 2012, l’excellence de la recherche et de l’industrie britanniques dans les domaines automobile et aéronautique et leur capacité à innover seraient encore une fois démontrées.■ Joël Constant Sources : - Bloodhound SSC, http:// www.bloodhoundssc.com/ - The Telegraph, 16/07/2010, http:// www.telegraph.co.uk/finance/ newsbysector/transport/farnboroughairshow/7893521/FarnboroughInternational-Airshow-showcasingaerospace-talent.html Sciences de l’ingénieur de six tonnes. La puissance propulsive est fournie par deux moteurs (ce qui permet de contrôler avec plus de précision que si la voiture était propulsée par un unique moteur-fusée). Un réacteur issu du programme Eurofighter Typhoon est utilisé pour amener la voiture jusqu’à 300 mph. Pour atteindre les vitesses supérieures, ce réacteur assistera un moteur-fusée de type hybride, c’est-à-dire dans lequel la chambre de combustion contient un carburant solide et un comburant liquide stocké dans un réservoir annexe. Cette architecture est le résultat d’un compromis entre la complexité (moindre que celle d’un moteur-fusée à carburant et comburant liquides) et la sécurité et le contrôle (par rapport à un moteurfusée à carburant et comburant solides). Pour terminer, un troisième moteur conventionnel sera embarqué sur Bloodhound SSC, fournissant la puissance auxiliaire nécessaire pour démarrer le réacteur et amener le comburant dans la chambre de combustion du moteur -fusée. Quant au système de freinage, il est lui aussi inspiré de l’aéronautique avec, comme sur un avion de chasse, la conjugaison d’aérofreins, d’un parachute et de freins au niveau des roues. À ce stade, il est difficile d’évaluer les retombées de Bloodhound SSC en termes de vocations scienti- Le moteur à explosion n’a pas dit son dernier mot Basée à Dundee en Écosse, une petite entreprise appelée Oxy-Gen Combustion s’est donné pour mission de rendre possible un futur plus écologique dans le domaine des transports. Pour cela, elle adopte une approche intéressante qui contraste avec les « révolutions » techniques des véhicules hybrides et électriques : améliorer le moteur à combustion interne plutôt que le remplacer. Entraîné par la demande de marchés émergents tels que le Brésil, la Russie, l’Inde et surtout la Chine, le parc automobile mondial pourrait passer d’environ 800 mil- www.ambascience.co.uk lions d’unités aujourd’hui à 3 milliards à l’horizon 2050. Il est peu probable que ces nouveaux automobilistes s’équiperont de coûteux modèles hybrides ou électriques. Dès lors, comment faire en sorte que la lutte contre le changement climatique ne soit pas totalement ignorée alors que des véhicules toujours plus nombreux envahissent les routes de la planète ? Pour David Tonery, diplômé de l’Université de Dundee et fondateur d’Oxy-Gen Combustion, la solution réside dans un moteur à combustion interne, fonctionnant avec des carburants fossiles ou des biocarburants, capable de réduire si- gnificativement les émissions par rapport à aux moteurs utilisés actuellement. Un tel produit pourrait être développé relativement rapidement et mis sur le marché dans la foulée à moindre coût. C’est dans cet esprit que la petite entreprise écossaise travaille sur les moteurs HCCI (Homogeneous Charge Combustion Ignition) qu’elle considère comme une étape intermédiaire avant l’adoption à grande échelle de solutions plus radicales telles que les piles à combustible. Le principe de base du moteur HCCI n’est pas nouveau. Il repose sur la compression du mélange aircarburant contenu dans le cylindre Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 31 Sciences de l’ingénieur jusqu’à son auto-allumage en plusieurs points simultanément. Ainsi, comme dans un moteur diesel, il n’y a pas besoin d’étincelle pour initier la combustion du mélange ; mais, comme dans un moteur à essence, il s’agit d’un phénomène de combustion homogène qui n’est pas initié par l’injection du carburant dans le cylindre. En théorie, la mise en œuvre de ce mode de combustion particulier présente l’avantage de réduire les émissions de dioxyde de carbone et la consommation de carburant (entre 15 et 30 %), mais aussi de rendre négligeables les émissions de NOx et de particules polluantes, et ceci sans remettre en cause fondamentalement l’architecture du véhicule ou celle du moteur. Cependant, il est bien plus difficile de maîtriser la combustion dans le cas des moteurs HCCI (où il faut contrôler la pression, la température et la composition du mélange) que dans les moteurs à essence ou diesel. De plus, la plage d’utilisation des moteurs HCCI est limitée : une faible vitesse occasionnera des problèmes d’allumage tandis qu’une vitesse trop importante entraînera une forte pression dans le cylindre susceptible d’endommager le moteur. Les progrès des systèmes de contrôle permettent de contourner la première difficulté, mais la seconde explique pourquoi de tels moteurs n’ont pas été utilisés à grande échelle jusqu’à présent. La réponse d’Oxy-Gen Combustion à ces inconvénients est simple, sinon à concevoir, au moins à formuler. Il suffit de jouer sur la quantité d’oxygène absorbée par le moteur, ce qui va changer la composition du mélange à brûler et donc les conditions de sa combustion tout en rendant celle-ci plus facile à contrôler. Selon David Tonery, la technologie développée par OxyGen Combustion permet déjà de faire face aux sollicitations du moteur 90 % du temps, et l’objectif est d’être capable d’utiliser ce mode de combustion en permanence. Preuve que le projet de l’entreprise de Dundee pourrait bien un jour arriver sur les routes, celle-ci a 32 déjà été lauréate de plusieurs prix attribués notamment par Scottish Enterprise, The Royal Society of Edinburgh ou par des entreprises comme Shell à travers le Shell Springboard Award. Elle bénéficie par ailleurs du soutien de Michelin qui possède une usine à Dundee et qui a permis à Oxy-Gen Combustion de profiter de l’exposition médiatique du Challenge Bibendum organisé à Rio en 2010. La petite structure cherche maintenant à conclure des partenariats industriels afin de poursuivre sa croissance et de continuer le développement de son bloc propulseur innovant. D’après David Tonery, un moteur prototype prêt à être mis en production pourrait être disponible d’ici deux ans. Différentes applications seraient alors graduellement mises sur le marché : utilisation en tant que générateurs, en moteurs marins puis à terme sur les automobiles. Si le temps nécessaire à la diffusion de cette technologie et les bénéfices exacts qu’elle apporterait sont encore assez flous, le dirigeant d’Oxy-Gen Combustion se montre confiant quant à la place de choix réservée aux moteurs HCCI développés par son entreprise dans le parc automobile à moyen terme. Cette technologie profiterait bien sûr de sa compatibilité avec l’utilisation de biocarburants. Il est vrai que certaines études de marché confortent la vision du chef d’entreprise et prévoient que 40 % des poids lourds seront équipés de moteurs HCCI en 2020, entraînant une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni. interne pour diminuer d’ores et déjà les émissions de gaz à effet de serre en attendant l’avènement de nouvelles technologies de rupture.■ J.C. Sources : - Science Scotland, Summer 2010, issue 9, On the road to success - Wikipedia, http://en.wikipedia.org/wiki/ Homogeneous_charge_compression_ignition - « A Study of n-Heptane/Ethanol HCCI Combustion Characteristics by Experiment and Detailed Chemical Kinetics Simulation », http://www.combustion.org.uk/ ECM_2009/P810343.pdf - Conclusions de la table ronde sur les moteurs à combustion interne avancés, challenge Bibendum 2010, http:// www.challengebibendum.com/fr/content/ download/3740/31979/version/2/file/ RT1_Findings.pdf En tous les cas, le travail d’OxyGen Combustion montre bien que le Royaume-Uni a encore une position de leader dans le domaine de l’innovation automobile même si cette industrie y connaît une perte de vitesse en volume. Elle pourrait bien profiter de la lutte contre le changement climatique pour se renouveler et prospérer à nouveau. Ce projet montre également qu’il faut continuer de travailler sur la conception et la façon dont sont utilisés les moteurs à combustion Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk Le ministre Chris Huhne (libéral -démocrate), à la tête du Department of Energy and Climate Change (DECC, ministère de l’énergie et du changement climatique), a présenté au Parlement la première déclaration annuelle de la nouvelle législature sur la politique énergétique du Royaume-Uni (Annual Energy Statement). Il satisfait ainsi à l’engagement pris dans le programme de la coalition et montre, après seulement trois mois en poste, l’importance qu’accorde le gouvernement à la définition d’une stratégie claire visant à assurer une production d’énergie suffisante, peu chère et faiblement émettrice de carbone. Faisant le constat que le temps est à l’économie, Chris Huhne souligne que le rôle de l’État britannique est de mettre en place des conditions favorables pour que les investissements privés affluent dans le domaine de l’énergie. L’objet de cette déclaration au Parlement est donc de décliner, à travers des actions et des préoccupations concrètes, la stratégie politique envisagée par le gouvernement sur les prochaines années pour se mettre en position d’atteindre, à terme, les objectifs fixés par le Climate Change Act. Le document publié par le DECC commence par décliner la stratégie gouvernementale en matière d’économies d’énergie. Il s’agit en effet du levier le plus évident (et le moins cher) pour mener à bien la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les actions annoncées dans ce domaine concernent à la fois les particuliers et les entreprises mais aussi le gouvernement lui-même qui se doit de montrer la voie. Pour encourager les particuliers dans leur démarche d’économie d’énergie, le gouvernement met l’accent sur les aides à l’installation d’une isolation performante des habitations et sur le déploiement des compteurs intelligents (smart meters). Il est également question de dispositions spéciales à destination des consommateurs les plus fragiles financière- www.ambascience.co.uk ment qui n’auraient, par exemple, pas les moyens d’engager les frais nécessaires à des travaux d’isolation pour leur logement et ne pourraient donc pas profiter de factures réduites. En ce qui concerne les entreprises et le secteur public, l’objectif affiché est l’amélioration de l’efficacité énergétique. Le gouvernement central souhaitant avoir un comportement exemplaire en la matière, ses 17 ministères se sont déjà engagés à réduire de 10 % leurs dépenses énergétiques. Le deuxième thème abordé dans cet Annual Energy Statement est la réponse au problème de la fiabilité et de la disponibilité de l’énergie issue de technologies faiblement émettrices de carbone. Au niveau international tout d’abord, le gouvernement britannique se propose d’intervenir auprès de Bruxelles pour que soit définie une stratégie énergétique claire pour l’Union Européenne jusqu’en 2020. Par ailleurs, le Royaume-Uni souhaite jouer un rôle moteur sur la scène européenne en proposant de durcir encore les réductions d’émissions prévues à cet horizon. Au niveau national, la déclaration au Parlement comprend une définition des grandes lignes d’une stratégie visant à mettre en place un mix énergétique bas carbone diversifié garantissant une énergie disponible, abordable et peu polluante. Les technologies soutenues par le gouvernement dans cette optique sont en particulier la production d’énergie issue de déchets et de l’énergie marine. De plus, des mesures affectant le réseau seront prises pour assurer la mise en service de ces nouveaux modes de production ainsi que celle des unités de micro-génération. Enfin, le gouvernement, n’ayant pas l’intention de subventionner la production nucléaire, souhaite faciliter les investissements privés dans ce domaine et s’assurer que les opérateurs chargés d’exploiter les centrales prévoient l’allocation de fonds suffisants au traitement des déchets radioactifs. Le DECC s’intéresse ensuite à la gestion du patrimoine énergétique existant. Sur ce point, aucune action concrète n’est pour le moment envisagée mais la question de la gestion du parc nucléaire existant est soulevée, les enjeux étant le traitement à long terme des déchets radioactifs et la recherche d’une alternative à leur simple stockage. Le gouvernement doit également composer avec des engagements contractés auprès des travailleurs de l’ancienne industrie minière d’État. Pour terminer, la déclaration formulée par le nouveau gouvernement évoque le pilotage des actions menées pour lutter contre le changement climatique aussi bien au niveau national qu’international. Sur ce dossier, le Royaume-Uni, conscient que ce problème ne se règlera pas de manière isolée, entend montrer par ses succès nationaux qu’il est possible de faire la transition vers une économie verte avec succès. Sur un plan global, les priorités fixées par le DECC sont de préserver la place prépondérante de l’Europe dans les technologies vertes et surtout de préparer de manière efficace un accord mondial ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, le ministre propose d’agir en amont des négociations qui auront lieu entre le 29 novembre et le 10 décembre 2010 lors du sommet sur le climat à Cancun. Sachant que la conclusion d’un accord contraignant ambitieux lors de ce sommet paraît peu probable, le gouvernement britannique pense néanmoins qu’il est possible de se rapprocher d’un tel accord en insistant sur cinq points clés : il faut faire en sorte que les pays qui se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre lors du sommet de Copenhague en 2009 et qui ont, depuis, défini des objectifs quantitatifs les respectent ; la communauté internationale doit débloquer suffisamment de Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 Environnement La stratégie du nouveau gouvernement en matière d’énergie 33 Environnement fonds pour aider les pays en développement à traiter les problèmes liés au changement climatique. Le Royaume-Uni maintient son engagement à verser 1,5 Md£ d’ici 2012 dans ce but et souhaite que des avancées concrètes soient faites à la suite des promesses des pays développés de verser 30 Md$ sur la même période ; des progrès doivent être faits sur la définition d’un cadre régissant la collaboration entre pays sur les technologies bas carbone ; il faut s’attacher à établir les bases des mécanismes internationaux destinés à soutenir les actions globales à mettre en place ; des actions concrètes doivent être lancées sur des sujets ayant un poids important dans les émissions des GES : à titre d’exemple, le gouvernement britannique débloque 300 M£ pour traiter le problème de la déforestation. Cette première déclaration sur la politique énergétique est donc, en plus d’une feuille de route stratégique pour le DECC et le gouvernement britannique, la preuve que la coalition menée par le premier ministre David Cameron considère le changement climatique comme l’un des principaux défis internationaux auxquels elle doit faire face. Cependant, si des actions précises sont listées dans cette déclaration, il y manque encore la plupart des détails chiffrés pour se rendre compte de l’engagement réel du gouvernement. Ceux-ci seront dévoilés à l’automne, à l’issue de la revue des dépenses (Spending Review) dont le but est de diminuer le déficit public britannique.■ J.C. Sources : - DECC, « 2050 Pathways Analysis », http://www.decc.gov.uk/assets/decc/ What%20we%20do/A%20low% 20carbon%20UK/2050/216-2050pathways-analysis-report.pdf - DECC, « Annual Energy Statement, DECC Departmental Memorandum », http://www.decc.gov.uk/assets/decc/ What%20we%20do/UK%20energy% 20supply/237-annual-energy-statement2010.pdf 34 En parallèle à la déclaration annuelle sur la politique énergétique du gouvernement, un document de travail intitulé 2050 Pathways Analysis (Analyse des chemins vers 2050) s’intéressant au futur énergétique du Royaume-Uni a été publié. Il présente notamment six voies possibles qui permettraient au pays d’atteindre ses objectifs de réduction d’émission de GES en 2050. Ces différents chemins sont issus d’un modèle de prévision fondé sur une décomposition en secteurs impliqués dans la production d’énergie (bioénergie, nucléaire, éolien, …), la consommation d’énergie (éclairage et appareils ménagers, transports, industrie, chauffage et climatisation) ainsi qu’en secteurs dits « non-énergétiques » qui, s’ils ne participent pas à augmenter la demande énergétique, ont un rôle à jouer dans le bilan d’émissions des GES du pays (utilisation des terres, gestion des forêts, des déchets, …). Pour chacun de ces secteurs, quatre trajectoires ont été définies qui reflètent des niveaux différents d’implication dans la transition vers une économie verte. Des discussions entre experts venant d’ONG, d’universités, et d’entreprises ont permis de quantifier ces trajectoires. Une fois que l’on dispose de quatre trajectoires pour chacun des secteurs identifiés, il suffit de les combiner (une trajectoire sélectionnée par secteur) pour construire un chemin énergétique vers 2050 et savoir si la demande en énergie est satisfaite. Le modèle permet également d’obtenir une estimation des résultats en termes d’émissions de gaz à effet de serre par rapport au degré d’effort consenti. La relative simplicité de cet outil a permis au DECC, outre d’en extraire six possibilités analysées dans le document publié, de mettre à disposition du grand public un outil informatique de simulation. Il permet à chacun de jouer sur les efforts consentis dans chaque secteur et d’en voir les conséquences sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni jusqu’en 2050. Pour le DECC, il s’agit d’un moyen de communication efficace à destination des citoyens britanniques. Pour d’autres pays, cet outil est un modèle qu’il semble intéressant de suivre pour informer le grand public sur les stratégies politiques en matière d’énergie. Ce modèle, tout attrayant et exhaustif qu’il soit, présente cependant plusieurs limites dues à sa simplicité. La principale est qu’il n’est pas capable de modéliser les coûts inhérents à tel ou tel futur énergétique. Par ailleurs, il n’est pas capable de prendre en compte toutes les interactions existant entre les différents secteurs. Enfin, toujours dans le but de rester simple, il repose sur des hypothèses de croissances économique et démographique fixes qui ne permettent pas de modéliser ces paramètres. Le schéma ci-contre résume le processus sous-jacent à la construction des voies futures possibles. Modes de production d’énergie Secteurs consommateurs d’énergie Secteurs influençant les émissions 1 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 Niveau d’effort consenti, de 1 à 4 Exemple de chemin www.ambascience.co.uk BIOMASSE 1 2 3 4 NUCLÉAIRE 1 2 3 4 CARBURANTS FOSSILES + CSC1 1 2 3 4 ÉOLIEN ONSHORE 1 2 3 4 ÉOLIEN OFFSHORE 1 2 3 4 MARÉE 1 2 3 4 VAGUES ET COURANTS 1 2 3 4 MICRO-GÉNÉRATION 1 2 3 4 GÉOTHERMIQUE 1 2 3 4 HYDRAULIQUE 1 2 3 4 ÉCLAIRAGE ET APPAREILS ÉLECTRIQUES 1 2 3 4 TRANSPORTS 1 2 3 4 INDUSTRIE 1 2 3 4 CHAUFFAGE ET CLIMATISATION 1 2 3 4 GESTION DES DÉCHETS 1 2 3 4 AGRICULTURE 1 2 3 4 GESTION DES TERRES ET DES FORÊTS 1 2 3 4 PROCESS INDUSTRIELS 1 2 3 4 ÉMISSIONS NÉGATIVES2 1 2 3 4 1—Captage et Stockage du Carbone 2—Retirer du dioxyde de carbone de l’atmosphère www.ambascience.co.uk Environnement HYPOTHÈSES - Croissance économique fixe - Croissance démographique fixe - Prix du carburant fossile sur 2010-2050 - Prix du kW par technologie sur 2010-2050 UN CHEMIN POSSIBLE : PRÉVISION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE JUSQU’EN 2050 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 35 Environnement Les autorités locales britanniques encouragées à produire de l’électricité verte Depuis le 18 août 2010, les municipalités et autorités locales du Royaume-Uni sont autorisées à vendre l’électricité excédentaire qu’elles produisent à partir de sources renouvelables. En raison de mesures prises à l’époque de la privatisation du marché de l’électricité au Royaume-Uni, il était jusqu’à présent interdit aux autorités locales de vendre l’électricité qu’elles produisaient en excès de la consommation locale. Revenant sur ces dispositions qu’il jugeait « ridicules », le ministre du Department of Energy and Climate Change (DECC, ministère de l’énergie et du changement climatique), Chris Huhne, a fait en sorte de mettre rapidement fin à cette interdiction. Ainsi, depuis le 18 août 2010, les municipalités britanniques (councils) peuvent revendre le surplus d’électricité généré par leurs installations à condition que l’énergie provienne de sources renouvelables (solaire, éolien, biomasse, etc<). Cette nouvelle réglementation vise à accentuer le rôle des autorités locales dans la transition vers la production d’énergie verte et la réduction des émissions de gaz à effet de serre engagées par le Royaume-Uni. Le DECC estime qu’à l’échelle de l’Angleterre et du Pays de Galles, ce sont 100 M£ qui pourraient s’ajouter aux revenus des municipalités grâce à cette nouvelle disposition législative conjuguée aux dispositifs de rachat de l’électricité dirigée vers le réseau (Feed-in-Tariffs). Cette manne financière pourrait permettre d’amélio- 36 rer les services locaux ou de baisser les taxes (ce dont on attend un impact positif quant aux réticences que peuvent parfois rencontrer les projets de production d’énergie bas carbone parmi les populations locales). Par ailleurs, le but affiché est d’augmenter la part de production d’électricité verte assurée par les autorités locales en rendant l’utilisation d’énergies renouvelables commercialement viable. À l’heure actuelle, 0,01 % de la production d’électricité du pays est assurée par les municipalités via des sources renouvelables (en 2008-2009, elles ont produit 600 000 kWh à partir de ressources solaires et éoliennes), alors que ce chiffre s’élève à 1 % en Allemagne ! L’association des gouvernements locaux (Local Government Association) a salué cette initiative, y voyant un moyen de révolutionner la façon dont l’énergie est fournie à la population ainsi qu’une aide pour traverser des temps difficiles financièrement. Certains councils ont déjà des projets en cours qui vont profiter de ces nouvelles incitations et comptent sur ce nouveau règlement pour en développer d’autres : la municipalité de Bristol va ainsi implanter des éoliennes dans l’estuaire de la Severn et Derby va lancer la construction de sa première centrale hydro-électrique à Longbridge. nement a conscience du rôle des municipalités dans la stratégie énergétique du pays. En effet, les objectifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne pourront être atteints que grâce à la complémentarité entre des projets locaux de taille réduite et des grands projets industriels.■ J.C. Sources : - DECC, 09/08/2010, Huhne ends Local Authority power struggle, http:// www.decc.gov.uk/en/content/cms/news/ pn10_89/pn10_89.aspx - DECC, 09/08/2010, Derby is front runner to cash in on new Government rules allowing councils to sell electricity, http:// www.decc.gov.uk/en/content/cms/ news/10_91/10_91.aspx - DECC, 09/08/2010, Bristol is front runner to cash in on new Government rules allowing councils to sell electricity, http:// www.decc.gov.uk/en/content/cms/news/ pn10_93/pn10_93.aspx - The Independent, 06/08/2010, http:// www.independent.co.uk/environment/green -living/councils-to-sell-electricity-to-thenational-grid-in-green-initiative2044814.html - DECC, CO2 emissions from local authorities, http://www.decc.gov.uk/Media/ viewfile.ashx?FilePath=Statistics/ nationalindicators/41-CO2-NOX-PM10emissions-LA-operations-Department of Energy and Climate Change, CO2 emissions from local authorities, http:// www.decc.gov.uk/Media/viewfile.ashx? FilePath=Statistics/nationalindicators/41CO2-NOX-PM10-emissions-LAoperations200809.xls&filetype=4&minwidth=true La rapidité avec laquelle Mr Huhne a rendu cette proposition (formulée au début du mois de juillet) légalement applicable montre en tout cas que le nouveau gouver- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk L e t er m e g éo - i ng é ni e ri e (geoengineering) désigne l’ensemble des techniques spécifiquement conçues pour modifier le climat à une échelle globale dans le but de contrer le changement climatique résultant des activités humaines. Le Royaume-Uni, qui s’est engagé à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 pour tenter d’enrayer le réchauffement climatique, considère la géo-ingénierie comme un « Plan B » destiné à suppléer les programmes en cours (développement de l’énergie éolienne, réseaux de distribution d’énergie intelligents, <) dans le cas où la diminution des émissions de gaz à effet de serre ne suffise pas à enrayer la hausse des températures. C’est pourquoi le Science and Techology Select Committee (Comité Parlementaire sur la Science et la Technologie) composé de membres de la Chambre des Communes a publié en mars dernier un rapport issu de travaux conjoints avec son homologue américain, le US House of Representatives Science and Technology Committee (Comité sur la Science et la Technologie de la Chambre des Représentants des États-Unis), sur la question de la réglementation et du contrôle de la géo-ingénierie. Les techniques de manipulation du climat sont nombreuses et variées (voir dans Science & Technologie au Royaume-Uni de novembre-décembre 2009, p18). Celles-ci sont communément rassemblées en deux grandes catégories selon qu’elles visent à retirer le dioxyde de carbone de l’air pour atténuer l’effet de serre (CDR, Carbon Dioxide Removal) ou qu’elles manipulent les radiations lumineuses issues du Soleil pour augmenter la quantité d’énergie réfléchie par la Terre et son atmosphère et donc abaisser la température (SRM, Solar Radiation Management). En préambule à son étude, le comité n’a pas jugé inutile de s’attarder sur la définition exacte qu’il convenait de donner au terme géo-ingénierie et sur le péri- www.ambascience.co.uk mètre qu’il recouvre. Par exemple, en insistant sur la dimension globale des modifications du climat induite par les techniques de géoingénierie, les députés en excluent l’insémination des nuages (déjà utilisée dans un grand nombre de pays, et notamment massivement en Chine). En effet, elle ne donne lieu à des modifications de climat que sur un espace et une période limités. L’essentiel du travail des comités parlementaires britannique et américain a consisté en une réflexion sur la réglementation par laquelle il faudra encadrer la géoingénierie à partir du stade de la recherche jusqu’à un éventuel déploiement. Les députés fondent la nécessité d’établir sans tarder une telle réglementation sur trois principales raisons : les techniques de géo-ingénierie donnent potentiellement à un pays la capacité de modifier de manière unilatérale le climat ; des tests sont d’ores et déjà en cours sur certaines techniques de géo-ingénierie ; investir dans la recherche dès maintenant, et ce dans un cadre réglementaire bien défini, est indispensable pour faire de la géoingénierie une alternative crédible si le besoin s’en faisait sentir. Une fois posée la nécessité d’une régulation, les membres du comité ont cherché à déterminer des critères sur lesquels elle pourrait s’appuyer. En effet, de par la diversité des techniques faisant partie de la géo-ingénierie (mais surtout la diversité de leurs conséquences), il n’apparaît ni approprié ni possible de formuler une réglementation unique qui s’appliquerait à toutes. En conséquence, le comité propose de les classer selon différents facteurs listés ci-dessous afin d’évaluer la nature des contrôles appropriés à chacune : les effets que les différentes techniques peuvent avoir au-delà des frontières du pays qui les met en œuvre ; la dispersion d’éléments potentiellement dangereux dans l’environnement ; les conséquences directes sur les écosystèmes. Ainsi, les députés de la Chambre des Communes affirment qu’une réglementation et un contrôle gradués sur les recherches et le développement en matière de géoingénierie s’avèrent indispensables. À partir de là, il reste à poser le problème du cadre qui serait le mieux adapté pour mettre en place et faire respecter ces règlements, et celui des principes de base qu’ils serviront à garantir. Étant donné le caractère transnational des éventuels effets négatifs de la géoingénierie que des textes réglementaires chercheraient à bannir, il est clair que ceux-ci ont vocation à être définis à un niveau international. Si les députés évoquent l’Organisation des Nations-Unies comme responsable, à terme, de ce contrôle, ils soulignent également l’importance du rôle que les gouvernements nationaux, et celui du Royaume-Uni en particulier, ont à jouer pour amener la question de la géo-ingénierie à l’ordre du jour des discussions internationales et lancer le processus de réglementation. Quant aux principes de base des futurs textes internationaux, le comité les exprime en cinq points : la géo-ingénierie et les recherches et le développement associés doivent être encadrés dans l’intérêt du public (sans toutefois bannir les investissements privés, bien au contraire) ; la participation des instances publiques, qu’elles soient nationales ou internationales, dans les prises de décision relatives à la géoingénierie, est nécessaire ; la recherche dans ce domaine et ses résultats doivent être entièrement rendus publics pour faciliter la compréhension des risques inhérents à la géo-ingénierie et être en mesure de rassurer les populations ; l’impact potentiel des projets de géo-ingénierie doit être évalué Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 Environnement Géo-ingénierie : un cadre réglementaire s’avère indispensable 37 Environnement par des groupes de travail indépendants de ceux qui produisent la recherche et qui s’organisent au niveau approprié (régional, national ou international) selon l’étendue des risques engendrés ; le déploiement de dispositifs faisant appel à des techniques de géo-ingénierie ne doit pas se faire avant la mise en place d’une gouvernance robuste sur le sujet et la définition de règles contraignantes. Le rapport du Science and Technology Select Committee plante le décor dans lequel doit s’inscrire le travail de régulation à effectuer au niveau du gouvernement du Royaume-Uni puis à l’échelle internationale pour prévenir un développement incontrôlé et dangereux de la géo-ingénierie. Mais il témoigne aussi d’une innovation sur le plan diplomatique : le travail en commun avec un comité du même type aux États-Unis. Cette coopération s’est faite en dehors de proto- Une commission d’enquête mandatée par l’Université d’East Anglia a publié le 7 juillet 2010 son rapport final sur le « Climategate ». Comme les précédentes, elle ne met pas en cause l’honnêteté et la rigueur des scientifiques concernés mais les accuse d’un manque d’ouverture dans la diffusion d’informations. Le rapport pointe également la responsabilité de l’université et de ses dirigeants et présente des recommandations pour éviter, à l’avenir, de mettre en péril la crédibilité de l’université et celle de l’ensemble de la climatologie britannique. L’affaire remonte à novembre 2009 lorsque, trois semaines avant l’ouverture de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, un grand nombre de courriels et d’autres documents issus du piratage du réseau informatique du Climatic Research Unit (CRU, unité de recherche climatique) de l’Université d’East Anglia (UEA) furent rendus publics. Ces échanges entre des scientifiques du monde entier 38 coles prédéfinis (qui n’existent à l’heure actuelle que pour des travaux communs entre des députés de la House of Commons, Chambre des Communes, et d’autres de la National Assembly for Wales, Assemblée Nationale du Pays de Galles), et sans que les deux comités parlementaires ne siègent ensemble. Elle s’est fondée sur le partage d’informations au cours de fréquents contacts entre les élus des deux côtés de l’Atlantique. À l’issue de cette expérience, le Comité sur la Science et la Technologie conclut que la nature globale des défis liés à la science et la technologie appelle à renouveler des collaborations de ce type avec d’autres gouvernements. Il suggère même que, le cas échéant, un membre du comité partenaire assiste en qualité d’observateur aux sessions du Select Committee par l’intermédiaire d’une liaison vidéo par exemple. britannique, s’il suit les recommandations du rapport du Science and Technology Select Committee de la législature précédente, devrait se pencher dans un futur proche. Il semble pertinent que ce groupe de députés encourage son gouvernement à agir dès maintenant, avant d’avoir à faire face à des évolutions irréversibles du climat.■ J.C. Sources : - House of Commons, Science and Technology Select Committee, 5ème rapport de la session parlementaire 2009-2010, 18/03/2010, http:// www.publications.parliament.uk/pa/ cm200910/cmselect/cmsctech/221/221.pdf - Bulletins Électroniques, 21/01/2010, Géoingénierie : science, gouvernance et incertitude, http:// www.bulletinselectroniques.com/ actualites/61972.htm La géo-ingénierie est donc un sujet sur lequel le gouvernement Conclusions d’une troisième enquête indépendante sur l’affaire du « Climategate » et leurs collègues du CRU ont ouvert la voie à des critiques, certains y voyant des preuves que des données avaient été manipulées, voire supprimées, pour appuyer la thèse du réchauffement climatique d’origine anthropique. De plus, on suspectait les chercheurs de s’efforcer d’empêcher l’accès à certaines informations et d’entraver la parution de publications affichant un point de vue différent du leur sur le changement climatique. La date à laquelle ont été dévoilés ces courriels et documents et l’interprétation qui en était faite visaient à perturber le processus de négociation en instillant le doute sur la thèse du réchauffement climatique causé par les activités humaines. Au Royaume-Uni, plusieurs enquêtes ont été lancées dans le but de vérifier la pertinence de ces accusations, et une enquête de police sur le piratage de ces courriels est tou- Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 jours en cours. Ainsi, un rapport du comité scientifique et technologique de la Chambre des Communes concluait en mars dernier que si la réputation scientifique des membres du CRU n’était pas en cause, l’accès que les chercheurs du groupe avaient laissé aux données utilisées dans leurs travaux posait néanmoins problème. En avril 2010, une seconde commission d’enquête dirigée par Lord Oxburgh – exprésident du comité scientifique et technologique de la Chambre des Lords – était chargée d’examiner les publications scientifiques du CRU. Elle n’allait y déceler aucune preuve de manipulation délibérée. Enfin, le rapport d’une commission d’enquête indépendante mise en place par l’UEA a été publié le 7 juillet 2010. Sous la direction de Sir Muir Russell, ancien Vice Chancelier de l’Université de Glasgow, le groupe de travail s’est atta- www.ambascience.co.uk Les membres de la commission sont arrivés aux conclusions suivantes : la rigueur et l’intégrité des scientifiques du CRU ne sont pas en doute et sont compatibles avec la conduite des recherches dans le domaine sensible de la climatologie ; de plus, les informations fournies aux décideurs politiques n’ont pas été faussées par le comportement des membres du CRU. Les conclusions de l’IPCC (Intergovernmental Panel On Climate Change, connu en France sous le nom de GIEC pour groupe d’experts inergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le changement climatique ne doivent donc pas être remises en cause ; cependant, l’UEA et les scientifiques du CRU ont, de manière récurrente, fait preuve d’un manque d’ouverture préjudiciable à la crédibilité de l’université et à celle de toute la climatologie britannique. En particulier, l’esprit du Freedom of Information Act et les règles concernant les informations relatives à l’environnement (Environmental Information Regulations, 2004) n’auraient pas été respectés lors des réponses aux demandes qui leur étaient adressées. De son côté, l’UEA est critiquée pour sa mise en œuvre des procédures nécessaires pour assurer la conformité vis-à-vis de ces deux règlements. En s’appuyant sur ces conclusions, la commission a formulé plusieurs recommandations à l’adresse de l’UEA. En premier lieu, l’implication de ses dirigeants dans les domaines mettant en jeu sa crédibilité doit pouvoir être assurée de www.ambascience.co.uk manière plus satisfaisante. Par ailleurs, l’université et son ViceChancelier sont les garants de la conformité avec le Freedom of Information Act et les Environmental Information Regulations. Ils doivent donc avoir la main sur les systèmes de demandes d’informations. Enfin, les membres du CRU devraient, en parallèle de leurs publications, diffuser des données suffisantes pour permettre à d’autres de reproduire leurs travaux. La réaction de l’UEA a été d’accepter les conclusions du rapport et d’annoncer, par la voix de son Vice-Chancelier Edward Acton, des efforts en vue de développer une culture d’ouverture et de transparence au sein du CRU ainsi qu’une meilleure intégration du groupe de recherche dans la faculté de sciences environnementales de l’UEA. En outre, le professeur Phil Jones, qui dirigeait le CRU avant le « Climategate », sera rétabli dans ses fonctions (il avait démissionné en décembre 2009) après qu’il ait été disculpé de tout comportement répréhensible par cette dernière enquête. point, de nouvelles informations diffusées par le Met Office et allant dans le sens d’un indéniable réchauffement climatique devraient aider à convaincre un peu plus le grand public. D’autre part, l’enquête de police menée par la police du Norfolk afin de découvrir comment et par qui les documents informatiques ont pu être piratés devrait permettre d’en savoir plus sur le ou les commanditaire(s) et les buts réels poursuivis.■ J.C. Sources : - The Guardian, 01/08/2010, http:// www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/ aug/01/climate-change-robin-mckie - The Guardian, 08/07/2010, http:// www.guardian.co.uk/environment/2010/ jul/08/muir-russell-climategate-climatescience - Met Office, 28/07/2010, http:// www.metoffice.gov.uk/corporate/ pressoffice/2010/pr20100728.html - The Independent Climate Change Email Review, http://www.ccereview.org/pdf/ FINAL%20REPORT.pdf Environnement ché à étudier les pratiques au sein du CRU, notamment vis-à-vis des règlements de l’UEA et de la loi britannique sur la liberté d’information (Freedom of Information Act, 2000), ainsi que les échanges de courriels et de documents rendus publics. En revanche, les résultats scientifiques du CRU, ou de la climatologie elle-même, ne faisaient pas l’objet de l’enquête. La publication du rapport de la commission dirigée par Sir Muir Russell clôt la série d’enquêtes indépendantes visant à éclairer l’affaire qui a pris le nom de « Climategate ». Les résultats de chacune sont finalement assez cohérents, soulignant des problèmes de communication et de transmission d’informations tout en niant la manipulation de données et l’invalidité des résultats des travaux du CRU. L’affaire n’est toutefois pas encore classée. D’une part, il faut désormais s’attacher à mesurer l’impact qu’elle a pu avoir sur les négociations de Copenhague et celui qu’elle aura sur l’opinion publique britannique par rapport à la climatologie et à la thèse du réchauffement climatique. Il n’est pas facile de discerner le rôle de l’hiver excessivement froid au RoyaumeUni de celui du « Climategate » dans l’augmentation récente du nombre de sceptiques par rapport au réchauffement climatique. Sur ce Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 39 Environnement Des institutions britanniques informent les négociateurs sur le changement climatique Dans le but d’alimenter et d’éclairer les discussions des NationsUnies ayant lieu à Bonn au début du mois d’août, plusieurs institutions britanniques ont publié conjointement un rapport qui s’interroge sur la possibilité de limiter la hausse des températures à la surface de la Terre à 1,5 °C par rapport à leur niveau pré-industriel. Les pays membres de l’UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change, convention cadre sur les changements climatiques des NationsUnies), se sont réunis du 2 au 6 août 2010 à Bonn. L’objectif de cette réunion, la troisième du genre depuis le sommet de Copenhague l’an passé, était de continuer la préparation de la Conférence des Nations-Unies sur le Changement Climatique qui se tiendra à la fin de cette année à Cancun. Au cours de leurs travaux, les négociateurs ve- search Institute on Climate Change and the Environment (Institut de Recherche sur le Changement Climatique et l’Environnement), le CCCEP (Centre for Climate Change Economics and Policy, centre pour l’économie et la politique du changement climatique) et le Met Office Hadley Centre. Ces trois institutions ont cherché à dégager des voies possibles, en termes de réduction des émissions globales de gaz à effet de serre, présentant des chances raisonnables de limiter la hausse des températures à 1,5 °C par rapport à ce qu’elles étaient avant la révolution industrielle. Ainsi qu’évoqué plus haut, cette étude a pu permettre aux représentants des différents pays de l’UNFCCC d’évaluer les mesures à prendre et les objectifs chiffrés que devrait fixer un éventuel accord mondial si une telle limitation de la hausse des températures devait être mise en avant. probabilités associées aux valeurs de l’augmentation des températures moyennes à la surface du globe. Le premier constat que dresse cette étude est des plus pessimistes quant à l’objectif d’une hausse contenue à 1,5 °C : en effet, si les émissions annuelles globales de gaz à effet de serre passaient de 47 milliards de tonnes en 2010 à 40 en 2020 (valeur en dessous de laquelle des réductions jugées trop importantes devraient être atteintes dans la prochaine décennie), puis tombaient à zéro après cette date, il y aurait moins d’une chance sur deux d’éviter une hausse de plus d’1,5 °C ! Ce scénario, clairement irréaliste, est en fait utilisé pour tester la validité théorique d’un tel objectif. Les chances de le réaliser à partir de scénarios d’évolution des émissions réalisables étant très faibles, le rapport s’intéresse par la suite à des scénarios d’entrée amenant, à Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment Créé en 2008 par la London School of Economics and Political Science (LSE), il rassemblant des compétences en économie, finance, géographie, environnement et développement international, elle aborde le problème du changement climatique à travers différents prismes. Il est financé par la Grantham Foundation for the Protection of the Environment (fondation pour la protection de l’environnement) qui soutient également un centre de recherche sur le changement climatique à l’Imperial College London. Centre for Climate Change Economics and Policy Inauguré en 2009 par le célèbre économiste Lord Stern de Brentford, le CCCEP est un organisme de recherche interdisciplinaire dépendant à la fois de la LSE et de l’Université de Leeds. Financé en partie par l’ESRC (Economic and Social Resarch Council , conseil pour la recherche économique et sociale), il répond à deux principaux objectifs : promouvoir un nouvel accord mondial sur le changement climatique et améliorer la capacité des décideurs, privés comme publics, à y faire face. Met Office Hadley Le Met Office est une agence publique qui se trouve sous la tutelle du Ministry of Defence (ministère de la défense). Au sein du Met Office, le Hadley Centre est, depuis sa création en 1990, le centre de recherche officiel du Royaume-Uni pour les sujets traitant du climat. Sa mission est de fournir les bases scientifiques sur lesquelles vont s’appuyer le gouvernement britannique (mais aussi les parties prenantes du monde entier) pour prendre leurs décisions relatives au changement climatique. nus de 175 pays ont pu s’appuyer sur un rapport examinant les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement climatique publié conjointement par le Grantham Re- 40 Le travail des rédacteurs du rapport exploite un modèle capable de fournir, à partir d’un scénario donné d’évolution des émissions globales de gaz à effet de serre, les Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 plus de 50 % de probabilité, des températures dépassant la limite fixée mais qui baissent par la suite à très long terme, jusqu’à atteindre la valeur souhaitée. www.ambascience.co.uk www.ambascience.co.uk bone retenu dans les sols gelés est relâché dans l’atmosphère, par exemple). Enfin, l’écosystème pourrait être perturbé de manière irréversible (extinction d’espèces, territoires inondés, etc<). Ainsi, le rapport n’écarte pas de manière définitive la possibilité d’éviter une hausse des températures de plus d’1,5 °C par rapport au niveau pré-industriel mais se montre très prudent quant à la possibilité d’une hausse si faible, et la réserve de toute façon à un horizon temporel lointain. Il propose donc aux décideurs politiques de se mettre d’accord sur des mesures qui viseraient à limiter l’augmentation des températures à 2 °C tout en laissant ouverte la possibilité de prendre des mesures plus contraignantes par la suite. En revanche, le niveau des émissions globales de gaz à effet de serre ne devrait en aucun cas excéder 48 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2020 (soit un niveau équivalent aux 47 milliards de tonnes de 2010) sous peine de voir les températures à la surface du globe augmenter bien au-delà de ces 2 °C. Les résultats des discussions de Bonn, malgré ce rapport incitant à mettre en place rapidement des actions concrètes pour lutter contre le changement climatique, ont été jugés mitigés. Quelques progrès ont été enregistrés concernant la forme que devrait revêtir le résultat de la conférence de Cancun à la fin de l’année, mais certains négociateurs, venant de pays riches ou pauvres, n’hésitent pas à exprimer leur impression de recul des négociations sur le changement climatique par rapport à l’année dernière. Il est vrai que les textes objets des discussions se sont vus ajouter de nouvelles propositions ou d’anciennes qui avaient été préalablement écartées, ce qui rendra plus difficile la tâche des décideurs politiques amenés à prendre les décisions finales. En revanche, 107 pays ont exprimé leur souhait de limiter la hausse des températures à 1,5 °C en lieu et place des 2 °C souhaités par l’Union Européenne, les ÉtatsUnis et les autres pays riches. Peut- on y voir l’influence de l’étude britannique analysée dans cet article ? En attendant la conférence des Nations-Unies à Cancun, une autre réunion préparatoire aura lieu à Tianjin en Chine, du 4 au 9 octobre 2010. Elle sera la dernière occasion de préparer la voie à la mise en place de mesures concrètes de lutte contre le changement climatique. Si elle semble écarter la possibilité d’un accord mondial légalement contraignant dès la fin de cette année, Christiana Figueres – secrétaire générale de l’UNFCCC—estime que les pays membres pourraient se mettre d’accord sur des mesures concernant entre autres les transferts de technologie et les conditions financières nécessaires pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. En ce qui concerne le gouvernement du Royaume-Uni, celui-ci affirme, à travers un communiqué du Department of Energy and Climate Change (DECC, ministère de l’énergie et du changement climatique) à l’issue de la rencontre de Bonn, continuer à chercher à établir un accord global contraignant. Il renouvelle également son engagement d’être le gouvernement le plus tourné vers l’écologie que le pays n’ait jamais eu.■ J.C. Environnement D’après les rédacteurs, tous les scénarios d’entrée « concluants » rassemblent quatre caractéristiques : des émissions annuelles globales qui, inversant la tendance actuelle, commencent à baisser avant 2015, et ne dépassent pas les 48 milliards de tonnes d’équivalent CO2 rejetées dans l’atmosphère en 2020. D’après des recherches menées auparavant, ceci est possible et économiquement viable si des mesures appropriées sont mises en place dès à présent ; une baisse régulière d’au moins 3 % par an de ces émissions à partir de 2020. Une telle valeur semble techniquement possible, mais la question du coût global d’une telle baisse pose question (notamment par rapport à des scénarios qui seraient compatibles avec une limitation de la hausse des températures à 2 °C) ; des émissions annuelles globales qui tendent vers zéro d’ici à 2100, très largement en dessous de 5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an. Pour cela, des technologies à « émissions négatives » (le captage et le stockage de CO2 par exemple) devraient être mises en place à très grande échelle. Mais à l’heure actuelle, il est difficile d’évaluer la faisabilité d’un tel développement de ces techniques qui pourraient poser des problèmes (sécurité ou efficacité à long terme) si elles étaient massivement utilisées ; un dépassement, sur quelques décennies, de la hausse prescrite de 1,5 °C avant de revenir dans les limites fixées. La période sur laquelle se ferait un tel dépassement (voire même la possibilité d’une baisse des températures) fait largement débat dans la communauté scientifique car de nombreuses incertitudes planent sur la vitesse des variations de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère après une éventuelle réduction des émissions dues à l’activité humaine. En outre, les risques de voir le réchauffement climatique s’emballer ne sont pas nuls (si le car- Sources : - CCCEP, 02/08/2010, « Mitigating Climate Change through reductions in greenhouse gas emissions : is it possible to limit global warming to no more than 1,5 °C ? », http://www.cccep.ac.uk/Publications/ Policy/Policy-docs/PB_mitigating-climatechange.pdf - DECC, 06/08/2010, http:// www.decc.gov.uk/en/content/cms/ what_we_do/change_energy/ tackling_clima/int_climate/climate_news/ bonn_aug_talks/bonn_aug_talks.aspx - BBC News, 07/08/2010, http:// www.bbc.co.uk/news/science-environment10900798 - The Guardian, 06/08/2010, http:// www.guardian.co.uk/world/2010/aug/06/ climate-talks-us-china-clash Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 41 Environnement Comment conjuguer restrictions budgétaires et lutte contre le changement climatique? Alors que le Department of Energy and Climate Change (DECC, Ministère de l’Énergie et du Changement Climatique) vient de publier les restrictions budgétaires affectant le financement des technologies faiblement émettrices de carbone (voir encadré), un rapport publié par le Committee on Climate Change (CCC, Comité sur le Changement Climatique) met en garde contre une baisse des financements publics susceptible de mettre en péril la transition vers une économie verte au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni s’est engagé légalement, à travers le Climate Change Act de 2008, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80 % par rapport au niveau de l’année 1990 d’ici à 2050. En plus de fixer ces objectifs chiffrés, cette loi a entraîné la création d’une commission indépendante intitulée Committee on Climate Change dont la vocation est, d’une part, d’apporter ses conseils au gouvernement dans la démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays, et, d’autre part, de mener des études pour évaluer l’avancement des différents programmes technologiques concernés par cet engagement. À la demande du gouvernement, le CCC a étudié la pertinence des mesures prises par le Royaume-Uni dans les domaines de la recherche et de l’innovation pour atteindre les objectifs fixés par le Climate Change Act. La conclusion du CCC, rendue dans un rapport publié le 19 juillet 2010, est sans appel : toute réduction du soutien financier du gouvernement envers les technologies faiblement émettrices de carbone est susceptible de fragiliser la position du RoyaumeUni dans ce domaine, mais aussi de ralentir la transition vers une économie verte et d’empêcher le respect des résultats imposés par le Climate Change Act. Dans le cas de certains programmes, le comité plaide même pour une augmentation des budgets afin de pouvoir atteindre les objectifs fixés en 2050. Le rapport commence par présenter les grandes étapes d’une feuille de route vers 2050. La première étape est de rendre la production d’énergie elle-même moins émettrice de gaz à effet de serre. À partir de là, l’utilisation massive de l’électricité dans des domaines tels que les transports ou le chauffage permettra de faire baisser significativement les émissions du pays. D’une manière générale, l’efficacité énergétique doit être le but poursuivi une fois que la production d’énergie ne nécessite plus d’émettre de grandes quantités de gaz à effet de serre. Dans son rapport, le CCC identifie six secteurs essentiels pour lesquels le soutien du gouvernement doit être sans faille. Il s’agit en fait des domaines où le CCC juge que le Royaume-Uni est le mieux placé en termes d’installations dédiées à la recherche et à la production, ce qui permettrait au pays de consolider ou de conquérir une place de leader dans le monde et donc d’accélérer le cycle de développement des technologies. Les six secteurs désignés par le CCC sont les suivants : la production d’énergie éolienne en offshore : les atouts du Royaume-Uni sont ses ressources naturelles et sa recherche en pointe dans ce domaine. Cela en fait le pays le mieux placé pour assurer le déploiement relativement rapide de ce type de fermes éoliennes ; la production d’énergie marémotrice et houlomotrice : les ressources naturelles potentielles du Royaume-Uni et l’expertise dans le domaine des technologies marines que possèdent les entrepri- En mai 2010, peu après la formation du nouveau gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux-démocrates, un plan d’économies immédiates de 6,2 Md£ répartis sur l’ensemble des ministères destiné à endiguer le déficit public (11 % du Produit Intérieur Brut en 2009) était annoncé. Relativement épargné par rapport aux autres ministères, le DECC était toutefois chargé de réduire ses dépenses de 85 M£. Les coupes prévues sur les dépenses de fonctionnement au sein du ministère ont été très rapidement rendues publiques le 16 juillet ; elles représentent la majorité des efforts demandés au DECC avec 50 M£. Restaient 35 M£ à retirer des budgets destinés à accompagner la transition vers une économie reposant sur des technologies faiblement émettrices de carbone. Les subventions accordées à la production d’énergie issue de la biomasse, de la géothermie ou du vent sont en baisse alors que le fonds destiné à aider la construction de bâtiments moins consommateurs en énergie est purement et simplement supprimé. Pour finir, le budget consacré à équiper le gouvernement et à en faire un exemple dans l’utilisation des technologies bas carbone est lui aussi réduit, ainsi que la subvention du DECC au Carbon Trust, organisation dont le but est d’accélérer et de faciliter l’émergence d’une économie verte au Royaume-Uni. Malgré ces restrictions budgétaires, les dépenses du DECC destinées aux technologies permettant de diminuer substantiellement les émissions de gaz à effet de serre s’élèveront pour l’année 2010 à 150 M£. 42 Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 www.ambascience.co.uk www.ambascience.co.uk production d’énergie par fission nucléaire, les pompes à chaleur et l’isolation des bâtiments ainsi que les technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone pour l’industrie (à distinguer de celles associées aux centrales thermiques de production d’électricité). Enfin, le CCC évoque les technologies qui sont à un stade moins avancé mais qui sont susceptibles de participer à l’effort de réduction des émissions d’ici à 2050. Elles doivent bénéficier du soutien de fonds publics pour la Recherche et le Développement avant une implication plus grande éventuelle selon les premiers résultats obtenus. Le comité recommande donc de soutenir, entre autres, les programmes de recherche visant à améliorer l’efficacité des panneaux solaires, à développer de nouveaux moyens de stockage de l’énergie, et ceux qui sont consacrés aux piles à combustible. Le rapport s’intéresse ensuite de manière plus quantitative aux niveaux de financement public des différentes technologies et conclut qu’ils sont actuellement au niveau minimum pour atteindre les objectifs légaux. Tout en soulignant que la raison d’être de ces financements est de permettre aux nouvelles technologies d’attirer des investissements privés, le CCC préconise une augmentation des financements publics dans la plupart des technologies clés identifiées plus haut. La dernière section du rapport est consacrée au cadre institutionnel du soutien public aux technologies vertes. Dans ce volet de son étude, le CCC met le doigt sur l’absence de stratégie à très long terme (jusqu’à 2050) de la part du gouvernement qui se contente d’un plan à l’horizon 2020. Par ailleurs, le rapport souligne le décalage entre les financements publics dépendant pour la plupart de cycles budgétaires de trois ans incompatibles avec les cycles de développement de la plupart des technologies et il plaide donc pour une plus grande continuité dans les financements et les stratégies adoptés par les gouvernements successifs. Il est intéressant de mettre en parallèle les conclusions du rapport du CCC avec les réductions budgétaires annoncées par le DECC (voir encadré) rendues publiques à quelques jours d’intervalle. L’avenir nous dira si la promesse faite par le Premier Ministre Cameron en mai de faire de son gouvernement le plus « vert » qu’il y ait jamais eu a été effectivement tenue : était-il possible de faire plus « vert » que ces coupes modérées dans un contexte de restrictions budgétaires drastiques ?■ J.C. Environnement ses britanniques font du pays un futur leader ; le captage et le stockage du dioxyde de carbone au niveau des centrales de production d’énergie : les forces du RoyaumeUni dans ce domaine sont la présence de sites de stockage potentiels et l’expertise en matière d’études des sols issues de l’exploitation gazière de la mer du Nord ; les réseaux de distribution d’électricité dits intelligents (smart grids) : le Royaume-Uni peut s’appuyer dans ce domaine sur les capacités de recherche de ses universités et sur l’industrie des machines électriques et de l’électronique de puissance ; les véhicules électriques : la position du pays en termes de Recherche & Développement et d’innovation sur les moteurs électriques et l’électronique de puissance est solide. De plus, les récents investissements de constructeurs étrangers dans la production de batteries et de véhicules électriques sur le sol britannique permettent au pays d’espérer prendre une place importante dans le secteur, même si les grands centres de décisions de l’industrie automobile ne sont plus au Royaume-Uni ; l’aéronautique : la position du Royaume-Uni est très forte dans ce secteur notamment sur les voilures, les moteurs et la recherche sur de nouveaux matériaux pour le transport aérien. Ainsi, le pays peut briguer une place de leader dans le développement de technologies visant à inscrire ce secteur dans la nouvelle économie verte. Le rapport du CCC identifie également des technologies essentielles dans la perspective de remplir les objectifs fixés par le Climate Change Act, mais pour lesquelles la position actuelle du Royaume-Uni ne devrait pas lui permettre de jouer un rôle moteur au niveau mondial. Pour celles-ci, le soutien public devrait aller dans le sens du déploiement et de l’adaptation au marché britannique. Le CCC inclut notamment dans cette catégorie la Sources : - Committee on Climate Change, 19/07/2010, « Building a low-carbon economy – the UK’s innovation challenge », http://downloads.theccc.org.uk.s3. amazonaws.com/Low%20carbon%20Innovation/ CCC_Low-Carbon_WEB.pdf - DECC, 16/07/2010, Savings by DECC on Low Carbon Technology Programmes, http://www.decc.gov.uk/en/content/cms/ news/pn10_84/pn10_84.aspx Science et Technologie au Royaume-Uni Juillet-Août 2010 43 www.ambascience.co.uk Les articles de Science et Technologie au Royaume-Uni publiés par le service Science et Technologie de l’Ambassade de France au Royaume-Uni sont diffusés selon les termes de la licence Creative Common Paternité-Pas d'utilisation commerciale-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France. 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