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PRÉPARATION
Tenir compte de la question
• Récapitulez les caractéristiques d’une scène d’exposition réussie ; elle
doit informer le lecteur pour qu’il puisse situer action et personnages,
enjeux ; éclairer le passé ; donner un aperçu de l’intrigue et de la tonalité de
la pièce ; intéresser le spectateur…
• Définir pour soi ce qu’est une pièce « engagée » : c’est une pièce qui met
en scène un débat autour d’un problème social, politique
… propre à une époque et à travers laquelle l’auteur prend parti.
Trouver les axes
• Utilisez les pistes que vous ouvre la question, mais composez aussi la
« définition » du texte.
©HATIER
Scène d’exposition de comédie (genre) qui met en scène une dispute
entre un maître et un valet naufragés sur une île où les rôles sont
inversés, comique (registre), mouvementée (adjectif) pour informer le
public, capter son attention et montrer l’évolution des rapports maîtrevalet (buts de l’auteur).
• Utilisez les mots de la question et les éléments de la « définition » pour
trouver des axes ou des idées directrices.
Dans chaque axe, introduisez un mot de la question.
m Premier axe : la scène d’exposition
• Demandez-vous quelles informations sont données (lieu, époque, identité
des personnages, événements antérieurs, événements à venir).
• Quel semble être le registre annoncé ?
m Deuxième axe : l’enjeu, la progression dramatique, l’engagement
• Quel est le problème débattu ?
• Quelles sont les relations entre les deux personnages ?
• Comment évolue le dialogue ? Qui est maître de la parole ? Comparez
début et fin de la scène.
• D’où vient l’efficacité de la scène à la représentation ?
PRÉSENTATION (PLAN DÉTAILLÉ)
Introduction
• Le théâtre au XVIIIe siècle : un genre qu’annexe la philosophie des
Lumières, parce qu’il touche un large public et qu’il permet d’incarner des
idées.
• Marivaux, dans ses pièces, peint les sentiments mais écrit aussi un théâtre
engagé : La Colonie (droit des femmes), L’Île des esclaves (droit des valets
et serviteurs, rapports sociaux).
• Ici, première scène d’une pièce en un acte. En quoi cette scène remplitelle son rôle de scène d’exposition d’une pièce engagée ?
I. Le lieu, l’espace et les personnages mêlés
d’une utopie
1. Une époque hybride
Époque vague, entre Antiquité (référence à l’esclavage en Grèce : « dans le
pays d’Athènes ») et époque moderne (nom d’Arlequin, langue des
personnages…).
©HATIER
2. Un lieu vague
• Aucune précision, sinon qu’il s’agit d’« une île », que son nom renvoie
dans l’imaginaire : « L’île des esclaves ».
• Importance de ce lieu, solitaire, inconnu, imaginaire, qui est un lieu idéal
pour une utopie : tout y est à refaire, à reconstruire.
3. Des personnages mêlés
• De la même façon, les personnages appartiennent à l’Antiquité (cf. le mot
« esclaves »), mais ce sont aussi des personnages de la comédie italienne et
du théâtre français.
• Arlequin, un type de la commedia dell’arte, avec sa « bouteille », symbole
de son goût pour la bonne vie. Gai, impertinent, frondeur (exemples ; cf. ses
exclamations, onomatopées, chanson).
• Le maître, avec son accessoire signe de pouvoir et de supériorité :
« l’épée ». Méprisant, égoïste, autoritaire (cf. son style : ordres).
• Le couple maître-valet est un tandem traditionnel : il s’agit donc de personnages comiques : la tonalité d’ensemble de la pièce est ainsi donnée.
4. Un registre mêlé
• Le registre attendu : entre comédie (présence d’Arlequin, la vivacité de la
scène) et drame bourgeois (pathétique du discours d’Iphicrate, menaces
d’Arlequin, incertitude du dénouement).
• Les conditions idéales d’une utopie, d’une « expérimentation » argumentative à travers le théâtre.
• L’ensemble est contrasté, vif, pour capter l’attention du spectateur, mais
aussi typé, schématique et en même temps vague pour faciliter la généralisation, nécessaire à la « démonstration » de Marivaux.
II. Situation de crise et début d’intrigue :
la progression dramatique
1. Une situation de rupture
• Une situation de rupture : le naufrage (simplement évoqué), qui donne
d’emblée une atmosphère dramatique.
• Un renversement des relations : le rapport maître-valet, fondement de la
société, brutalement renversé, qui implique une remise en cause de l’ordre
établi.
• Une interrogation se pose (spectateur mis en alerte) : que vont devenir les
protagonistes dont les repères sociaux et moraux sont bouleversés à
l’image de leurs repères géographiques ?
• Pour le spectateur, étrangeté du contraste entre ce qu’indiquent les costumes (Iphicrate en maître et Arlequin en valet) et la coutume de l’île.
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2. L’annonce d’un conflit
• Déjà – très vite – Arlequin a pris conscience de l’injustice d’autrefois,
adopte le pli de ces coutumes et revendique sa nouvelle condition : c’est
l’annonce d’un conflit (cf. « j’étais ton esclave, tu me traitais comme un
pauvre animal »).
• Le conflit s’annonce très rude (cf. les coutumes de l’île dramatisées :
« tuer tous les esclaves qu’ils rencontrent » ; « on va te faire esclave à ton
tour » ; « quand tu auras souffert… » : futur de certitude).
3. Un renversement des rôles déjà amorcé ;
un maître progressivement dépossédé de la parole,
un valet qui prend la parole
Comment évoluent les rapports ? Le pouvoir et la supériorité du maître progressivement fragilisés. Un maître progressivement dépossédé de la parole.
a) Un maître qui perd son contrôle
Iphicrate est d’abord encore le maître (il donne des ordres), le « patron » ;
puis il pose des questions (signe de désarroi) ; puis passage de l’affabilité
pour Arlequin (« mon cher »…) à la « colère » et à l’injure, signes de perte de
contrôle et aveu d’impuissance, concrétisé par le recours à la violence (rôle
symbolique et dramatique de l’épée).
b) Un valet qui prend du poids
• Arlequin va de la provocation (« chante, rit… ») à l’impertinence, à l’ironie
(« Monsieur Iphicrate ») – traditionnelle dans la comédie –, à la discussion, et
même à la tirade d’un « air sérieux », à la maxime (l. 77, 87), établit le lien
entre « souffrance » et « raison ».
• Passage du « vous » au « tu » d’Arlequin pour parler à son maître : le valet
est l’égal du maître qui le tutoie.
• Le passage du « nous » (qui marque la fusion des deux) à la différenciation à travers le « je » : chacun pour soi, le couple se scinde.
• Iphicrate parle le premier, mais c’est Arlequin qui a le dernier mot…,
cependant à la fin Arlequin donne aussi un ordre (« prends-y garde »).
4. La théâtralité
La scène à la représentation est très théâtrale (nécessité de capter l’intérêt
du public).
• Pittoresque du personnage d’Arlequin : ses attributs (« bouteille »), ses
actions (« boit », « siffle », signes d’insouciance), toujours en mouvement (cf.
didascalies et répliques) ; les contrastes dans son attitude (« riant » /
« sérieux ») en font un personnage haut en couleur.
• Crescendo dans l’humeur d’Iphicrate, de plus en plus exaspéré (cela doit
se sentir à la représentation).
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• Du mouvement :
– dans les déplacements (course poursuite finale, avec arme !) ;
– dans les paroles qui s’enchaînent en donnant un rythme soutenu à la
scène et qui sont variées dans leur ton.
Conclusion
Une scène qui joue bien son rôle de scène d’exposition, très « théâtrale » :
les informations essentielles sont données, la progression dramatique est
lancée, le spectateur est tenu en haleine et se pose des questions : sur
l’issue du conflit, sur le sort des naufragés…
Au-delà, d’emblée le public sent que les enjeux dépassent le couple particulier qui entre en scène : l’île apparaît comme le lieu utopique idéal pour
une expérimentation bien dans le droit fil des préoccupations du
e
XVIII siècle : les relations maîtres-valets et leur contestation, leur vacillement,
mais tout cela dans la gaieté : « Je me presse de rire de tout de peur de
devoir en pleurer », dirait Figaro.
ENTRETIEN
Voici une stimulation d’entretien détaillée pour vous permettre de mieux
cerner l’exercice. Elle comprend plusieurs questions possibles et la réponse
développée qui pourrait être apportée à la première.
Questions
L’examinateur pourrait débuter l’entretien par la question suivante :
m Pourquoi
le couple maître et valet peut-il être un bon
« ingrédient » théâtral ?
Pour réussir l’entretien
• Il vous faut, pour répondre, battre le rappel des pièces que vous connaissez,
et qui mettent en scène un couple « maître-valet ». À titre d’exemples :
– Dans l’Antiquité romaine : les Guêpes d’Aristophane (Xanthias, l’esclave,
ouvre la pièce) ; dans L’Aulularia de Plaute, le valet épie son maître avare.
– Dans la commedia dell’arte : Pantalon (maître) et Arlequin, rudoyé par son
maître.
– Au XVIIe siècle : dans les comédies de Molière, notamment Le Malade imaginaire (I, 5) ; Les Fourberies de Scapin (I, 4) ; Le Bourgeois gentilhomme ;
mais surtout Dom Juan (Sganarelle-Dom Juan).
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– Au XVIIIe siècle : Marivaux : Le Jeu de l’amour et du hasard ; Les Fausses
Confidences ; L’Île des esclaves ; Beaumarchais : Le Barbier de Séville ; Le
Mariage de Figaro.
– Au XIXe siècle : Ruy Blas (I, 1 ; III, 5…) de Victor Hugo.
– Au XXe siècle : Les Bonnes de Jean Genet.
• Puis demandez-vous quel est son intérêt : pour l’action et la vivacité de la
pièce ? pour faire passer des idées ? pour le registre de la pièce ?
• Pour trouver des arguments, commencez par : « Le couple maître-valet
est efficace, parce que… »
L’entretien pourra se poursuivre dans diverses directions, par exemple :
m Pourquoi le théâtre peut-il être une bonne « tribune » pour faire passer ses
idées ?
m Quelles peuvent être les fonctions du théâtre ?
m Peut-on trouver du plaisir à lire une pièce de théâtre ?
m Quelles spécificités et quel intérêt présente le monologue au théâtre ?
m Avez-vous déjà assisté à une représentation théâtrale ? Précisez…
Réponse développée à la première question
Introduction
Faire remarquer la permanence de ce couple à travers les siècles, mais indiquer qu’il n’est pas figé, qu’il a évolué avec le contexte.
1. Pour l’action, dans « l’économie » dramatique
• De façon très élémentaire, du point de vue dramatique : le valet est au maître
ce que le confident est au héros tragique : l’écoute, il lui permet de se confier ;
il met le spectateur au courant des agissements du maître (rôle informatif du
valet).
• Un moteur de l’action surtout grâce à la vivacité spontanée du valet, qui
brouille et débrouille les situations (Fourberies de Scapin).
• Un moteur de l’intrigue : il porte en lui l’inégalité, donc l’instabilité : potentiel de déséquilibre, qui se traduit dans le théâtre par des coups de théâtre,
des renversements de situation ; il occasionne conflits, affrontements, victoires et échecs (exemples) ; il donne de la vivacité à la pièce par le rapport
de forces qu’il comporte (plaisir théâtral).
• Mais occasion aussi d’alliance (Barbier de Séville), de réconciliations…
→ deux forces complémentaires.
• Générateur de situations cocasses : quand le valet se déguise en maître et
inversement (exemples).
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2. Pour le registre, la tonalité de la pièce
• Générateur de contrastes : dans le parler (→ comique ; cf. Pierrot dans
Dom Juan) ; dans les idées (→ tension dramatique).
• De leurs rapports dépendent la tonalité, le registre de la pièce : comique
(XVIIe), humoristique (XVIIIe) ; dramatique (XIXe) ; humour noir (XXe).
• Coups de bâton (farces), joutes verbales (Dom Juan, L’Île des esclaves),
sadisme vengeur ou rancune (Ruy Blas, les Bonnes).
3. Pour faire passer un message : le théâtre d’idées
• Une image du monde qui nous entoure, le reflet d’une réalité historique et
sociale (la société dans ses états successifs).
• L’occasion de montrer les conflits, d’en démonter les mécanismes et la
complexité.
• Dans le cas des renversements de rôles, une image d’une libération utopique, réalisation d’un désir humain (inversion des rôles, comme dans le
carnaval, pouvoir de défoulement).
• Une image de la condition humaine : une complémentarité fondamentale :
pas de valet sans maître et inversement ; indissociablement liés (Dom Juan),
miroir l’un de l’autre. Complexité du couple : opposés mais complémentaires.
• Une image des contrastes inhérents à la nature humaine : entre la gaieté
et le sérieux ; entre l’instinct et la rigidité des principes ; entre les mots
(arme du valet) et la force (arme du maître) ; entre force abusive et instrument de cette force (instrumentalisation de l’être humain), négation de
l’égalité ; entre le mérite individuel et le pouvoir hérité ( XVIIIe) ; entre deux attitudes devant la vie.
• Une réflexion sur la ressemblance et la différence, une concrétisation et
une incarnation claire de notre dualité interne.
Conclusion
Couple générateur de plaisir théâtral, mais aussi de contestation et de
réflexion.
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