Quai des brumes Debout sur le quai Dedans les

Transcription

Quai des brumes Debout sur le quai Dedans les
Quai des brumes
Debout sur le quai
Dedans les rugissements
Le vent emmêlé
Aux morceaux de cris
Des lambeaux de drapeau
Tendus en amont des tempêtes
Les silhouettes grises
Qui frôlent la mort en silence
Qui frôlent la vie en instance
Des chapeaux sur leur tête
Dans le gris des villes fantômes
La nuit terrible
Givrée tatouée
Les nuits qui s’arrachent les fantasmes
Les aiguisent à la faux
À la fosse des faux témoins
Seule
Devant l’évanescence
La résistance en aval
Emmêlée des rires confus
Des bateaux qu’aucun phare n'éclaire
Vert et rouge inversés
Le quai, l’embarquement
La passerelle
Les pas qui claquent
Vers les cafés assoiffés
Et ceux là attablés
Conquérants des alertes
La brume s’enfonce
Éteint les rumeurs
Attendris les plaisirs
Debout sur le quai
Elle siffle l’air de rien
Un verre à la main
Son parapluie s’est retourné
Il ne l’a pas reconnu
Son parapluie s’est enfui
Encore une fois
Poursuivis par des pluies infidèles
L’eau clapote
Contre les pierres
La marée s’en est allée
Le regard inquiétant
Ses yeux allument les rampes
De la scène
Les figurants s’esquivent
Le visage refait
Les matelots repeignent le port
Délivrent les mouettes
Demain est à la prairie
Au soleil, à l’herbe tendre
Debout, dans le champ
Elle est là
Encore
Arc-boutée contre ses principes
Elle est nue cette fois
Pas de vent
Pas de brume
Un soleil l’étourdit
Pas d’humain
Pas d’ennui
Une colombe qui s’approche
Intriguée
Dans cette scène pas d’anicroche
Pas de bémol
L’herbe haute la caresse
La retient
Soumise à l’équilibre
À la chaleur
Le quai la brume
Les marins ivres
Qui ont abusé de leurs mains
Un saut sans appui
Sauf-conduit du dehors des ténèbres
La saison déraisonne
Les heures répugnent à passer
L’air fluctue
L’heure ne sombre plus
Accrochée à son temps
L’image se désintègre
La déchirure, d’un coup sec
Ravive les cieux
L’œil s’y perd
Rien à quoi s’accrocher
Un arrêt que rien ne dérange
Elle cherche la couleur
Le son, l’étincelle
Rouge le magma
Le feu, le plasma
Chair gluante
Dont il faut sortir
Éclater le placenta
Comment crier
La brume du soleil levant
L’arbre, ses feuilles
Le blé doré
Ceci est ma création
Sortir du visqueux
Appeler la lumière
Exiger la couleur
Le bleu, le vert
Dépasser l’orangé
Transpercer les rouges
Elle appelle l’eau pure
Le corps en étoile
L’humeur féconde
Elle façonne les océans
Avale les éclats
Recrache les nuages
Elle se débat
Si elle veut vivre
Il lui faut sortir
Crever la bulle
Si elle veut vivre
Il lui faut mourir
Mars 2008
Françoise Le Guen