Couverture et crédits. Viollet-le-Duc à Pierrefonds

Transcription

Couverture et crédits. Viollet-le-Duc à Pierrefonds
idées et débats
Viollet-le-Duc à Pierrefonds
et dans l’Oise
Viollet-le-Duc at Pierrefonds
and in the Oise region
Directrice des éditions et de la diffusion : Dominique Seridji
Responsable des éditions : Denis Picard
Responsable adjointe des éditions : Karin Franques
Coordination éditoriale : Caecilia Pieri
Maquette, mise en pages et mise en ligne : Opixido, Paris
Correction : Isabelle Warolin
Administrateur du château de Pierrefonds : Isabelle de Gourcuff
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Ouverture du colloque
Résumé
Christophe Vallet
président du Centre des monuments nationaux, Paris
Ce colloque, organisé à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la commande de la
reconstruction du château de Pierrefonds par l’empereur Napoléon III, marque le renouveau
des études scientifiques concernant l’œuvre de l’architecte Viollet-le-Duc. Le bâtiment et le
parc du château, ouverts partiellement à la visite dès 1868, propriétés de l’État français depuis
1871, sont maintenant placés sous la responsabilité du Centre des monuments nationaux.
Conservé aujourd’hui dans les meilleures conditions aux archives départementales de l’Oise
à Beauvais, le fonds ancien de l’agence de Pierrefonds – essentiellement constitué de documents de la main de l’architecte – offre une richesse inédite dont l’exploitation ne fait que
commencer pour le chercheur et l’amateur.
English abstract
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Symposium opens
abstract
Christophe Vallet
president, Centre des monuments nationaux, Paris, France
This symposium, organised on the occasion of the 150th anniversary of the commissioning of
the restoration of the Château de Pierrefonds (region Oise) by Emperor Napoleon III, marks the
renewal of interest in studying the œuvre of the architect Eugène Viollet-le-Duc. The ­chateau
and its grounds, partly opened to visitors since 1868 and property of the French state since
1871, now come under the aegis of the Centre des monuments nationaux. Now kept in
­optimal conditions at the Archives départementales de l’Oise in Beauvais, the collection of the
Pierrefonds office – essentially made up of documents in the architect’s own hand– offers a
new wealth of material to the researcher and admirer, and has just started being used.
Résumé
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L’exposition Viollet-le-Duc
au Grand Palais à Paris (1979-1980)
Bruno Foucart
docteur ès lettres, professeur honoraire, université Paris-IV,
commissaire général de l’exposition Viollet-le-Duc à Paris en 1980.
La pratique des anniversaires, commémorations et célébrations, du privé au national, peut
quelquefois lasser ; elle a l’avantage de donner des états de situation. Comment Viollet-­le­-­Duc,
cent ans après sa mort, réapparaissait-il ? Quel était au vrai ce personnage si divers, si complexe, si talentueux, si présent et si contesté, avec lequel le patrimoine n’allait plus cesser
de vivre, en mal ou en bien, en guerre ou en paix ? Un véritable revival de Viollet-le-Duc était
en tout cas en cours, depuis les années 1960, comme en témoignent la thèse de ­Robert
­Middleton en 1958, les articles parmi d’autres de Besset et de Revel de 1960 et 1964, comme le confirment la recension de Geert Bekaert dans son À la recherche de Viollet-le-Duc
publié chez Mardaga en 1980 et, bien sûr, la bibliographie réunie dans le catalogue de 1980,
où l’année 1965 marque le début d’un long, contesté et passionné retour en honneur.
Cette année 1965 était celle où la Caisse nationale des monuments historiques (CNMH) célé­
brait le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Viollet-le-Duc, le 27 janvier 1814.
L’exposition n’eut pas, semble-t-il, tous les égards qu’elle aurait mérités mais Pierre-­Marie
Auzas, cet inspecteur général qui s’était intrépidement voué à Mérimée et Viollet-le-Duc,
­publiait avec l’actif engagement de Geneviève Viollet-le-Duc et de sa sœur, Mme Henriquet,
un faux catalogue qui était une vraie et substantielle biographie-chronologie. La consultation
directe des archives familiales transparaissait et donnait toute sa valeur à cette somme qui a
été republiée telle quelle en 1980, comme accompagnement de la CNMH au centenaire de la
mort de l’artiste survenue le 17 septembre 1879, à Lausanne.
Le centenaire, précisément, ne pouvait-il donner l’occasion d’un hommage solennel et raisonné ? Après tant de polémiques le temps de la compréhension n’était-il pas venu ? L’idée
de Michel Guy, alors secrétaire d’État à la Culture, était d’initier les nouvelles protections du
xixe et du xxe siècle. Il aimait Pierrefonds comme la villa Savoye et, inversement, Bram Van
Velde comme Gérôme. L’entreprise d’Orsay avait-elle un sens si on ne se réconciliait pas avec
le plus flamboyant inspirateur du siècle ? L’Association du centenaire de Viollet-le-Duc1 avait
le sentiment que Viollet-le-Duc méritait plus. Michel Guy voulut donc symboliquement que
l’exposition eût lieu dans les Galeries nationales du Grand Palais. Viollet-le-Duc ne serait pas
ainsi limité à son action de restaurateur ; il apparaîtrait comme un créateur universel, un phare.
Convaincu, Jean-Philippe Lecat, ministre de la Culture, donna son accord ; la ­conjonction
avec l’année du Patrimoine fournissait une bonne opportunité. Viollet-le-Duc n’était-il pas
dans l’histoire patrimoniale celui qui avait le mieux et continûment célébré les noces renouvelées du passé et du présent ? Ainsi patronnée et baptisée, l’exposition ouvrit le 19 février et
se termina le 5 mai 1980.
L’honneur du Grand Palais fait à un architecte – ce qui n’a pas été renouvelé depuis, fût-ce
pour Le Corbusier ou Perret – impliquait des efforts particuliers de présentation. Michel Guy
pensa à Richard Peduzzi ; celui-ci fit confiance à Christian Siret. Avec Bruno Donzet, ils réussirent à reconstituer des espaces, à créer une atmosphère colorée directement prise à la
palette de Viollet-le-Duc. La salle des Preuses de Pierrefonds par l’intermédiaire de ses plâtres
ressuscités, les chambres d’Eu et de Roquetaillade avec leur mobilier présent en personne,
et même le grand salon du donjon de Pierrefonds, avec des éléments de boiserie, apparurent
en trois dimensions. Au secours du commissaire général, la direction de l’architecture avait
envoyé Françoise Bercé et le musée d’Orsay, alors en gestation, ainsi qu’Henri Loyrette et
Caroline Matthieu, jeune stagiaire. Il revint donc à cette société des quatre de mettre en œuvre
cette « montre » mise en situation par l’équipe Christian Siret-Bruno Donzet.
1. Association dont les animateurs, autour de Michel Guy, son président, étaient son arrière-petite-fille Geneviève Viollet-le-Duc,
Jean Musy, directeur de l’École des beaux-arts, Jean-Jacques Aillagon et moi-même.
L’exposition Viollet-le-Duc
au Grand Palais à Paris (1979-1980)
Bruno Foucart
Le parti de l’exposition ne pouvait être que celui de l’universel. Il fallait servir Viollet-le-Duc
dans tous ses états : restaurateur, constructeur, décorateur, théoricien, artiste ; il fallait aussi et
d’abord que l’homme et sa sensibilité fussent présents. Comment permettre les lectures les
plus compréhensives de celui qui fut une sorte de Léonard-Jules Vinci-Verne ? L’exposition
se voulut donc comme le spectre de l’arc-en-ciel viollet-le-ducien. Il fallait qu’elle traduise les
diversités du grand homme et qu’en même temps elle s’ouvre aux différentes approches que
celui-ci permettait. La variété des contributions vérifiée par la table des auteurs du catalogue
traduit cette préoccupation. Dans cet hosanna il y eut sans doute des absents, peut-être des
oubliés mais sûrement pas d’exclus. Les trente-sept signatures du catalogue, toutes générations et formations mêlées, conservateurs, inspecteurs, universitaires, indépendants, ­ancêtres
et jeunes loups représentaient assez fidèlement le « viollet-le-ducianisme » des ­années 1980.
L’une des vertus secondaires de cette exposition est donc d’avoir témoigné, en ces temps
post-modernes, pour l’histoire de l’histoire de l’art et de ses acteurs2.
Quant aux sections, elles concernaient dans l’ordre le restaurateur, le constructeur, le
déco­rateur, le dessinateur, la postérité. Chacune était organisée en dossiers, de sorte que
­Pierrefonds était par exemple traité à la fois par Louis Grodecki pour la restauration, par
Marie-­Hélène ­Thibierge pour la sculpture, par Colombe Samoyault-Verlet pour le mobilier, par
François Loyer pour le décor peint. Avec ses cinq grandes entrées, ses soixante et un dossiers, ses six cent quarante-neuf numéros, le catalogue comptait des annexes où l’on trouvait
un premier inventaire des dessins conservés alors au centre de recherches des monuments
historiques de Chaillot et une « liste des écrits de Viollet-le-Duc » due à Jean-Jacques Aillagon
– liste inédite et non remplacée à ce jour. Certes il y eut des manques comme par exemple
les châteaux d’Abbadia ou de Pupetières ; l’influence du théoricien aurait pu être davantage
approfondie. Mais, en faisant une place privilégiée au dessinateur, et d’abord celui du massif
des Alpes, on suggérait bien que là était l’intuition essentielle de Viollet-le-Duc : dans l’unité
de l’homme et de l’univers, dans l’analyse logique du créé. Le catalogue avait une ambition :
rester utile. Il semble qu’il n’ait pas encore démérité.
L’exposition du Grand Palais s’était très vite transformée en étoile du berger d’une nouvelle
constellation. À peine la décision prise et connue surgirent de multiples autres propositions.
Cette floraison d’expositions pouvait poser quelques problèmes à un commissariat général
qui risquait de se voir privé de documents essentiels ; elle témoignait d’abord de la force du
sigle VLD. Les lieux et édifices qui avaient connu ses interventions commençaient enfin à s’en
glorifier, même si à Saint-Sernin de Toulouse un projet de dérestauration se posait en exception. Des accords sur le calendrier furent à chaque fois trouvés.
Le festival Viollet-le-Duc se déroula sans heurts. De mai à novembre 1979 le château d’Eu,
à partir de ses propres archives, fit l’historique des travaux exécutés de 1874 à 1879 pour
le comte de Paris. Martine Bailleux-Delbecq proposa tout simplement une nouvelle lecture du château, en l’analysant comme consubstantiellement « viollet-le-ducien » puisque
­Viollet-le-Duc réinventait pour Eu le mobilier Louis-Philippe-Bidermeier, dans le même esprit
d’avant-gardisme qu’à Pierrefonds pour le mobilier médiéval. Les meubles de la chambre
dite « dorée » furent exposés à Paris. Au musée Bargoin de Clermont-Ferrand, Marie-Laure
­Hallopeau présenta Viollet-le-Duc en Auvergne. Le parti était celui d’étudier toutes les présences et activités de Viollet-le-Duc dans une même région : du voyage de 1831 en Auvergne
jusqu’à l’achèvement de la cathédrale de Clermont-Ferrand à partir de 1864, l’ubiquité du
grand homme se vérifiait. Au tour de Lydwine Saulnier et Claude Hohl : Viollet-le-Duc dans
l’Yonne fit l’objet d’une enquête comparable. Les chapiteaux de Vézelay, déposés, restaurés,
2. Nous ne résistons pas au plaisir de rappeler les noms des « 37 » : Jean-Jacques Aillagon, Martine Bailleux-Delbecq, Claudine
Berger, Françoise Bercé, Marie-Claude Béthune, Nicole Blondel, Françoise Boudon, Patrick Bracco, Yvonne Brunhammer, Ghislaine Cazenave, Régine Couennaux, Marcel Durliat, Alain Erlande-Brandenburg, Bruno Foucart, Jacques Foucart-Borville, Patrick
Goulet, Louis Grodecki, Marie-Laure Hallopeau, Dominique Hervier, Jean-Claude Lasserre, Bernard Lauvergeon, Bertrand Lemoine,
Jean-Michel Leniaud, Annie Lotte, François Loyer, Henri Loyrette, Catherine Marmoz, Caroline Mathieu, Mathieu Meras, Robin Middleton, Jannie Mayer, Françoise Perrot, Léon Pressouyre, Colombe Samoyault-Verlet, Lydwine Saulnier, Marie-Thérèse Thibierge,
Geneviève Viollet-le-Duc.
L’exposition Viollet-le-Duc
au Grand Palais à Paris (1979-1980)
Bruno Foucart
firent l’objet d’une présentation particulière. Enfin les catalogues étaient modestes mais riches
en faits et révélations. Ainsi se dessinait ce que pouvait être à l’échelon national un véritable
« tout Viollet-le-Duc », dont l’exposition de 1980 ne pouvait malgré son ampleur donner une
synthèse, fût-elle arborescente.
Deux manifestations tranchaient par leur différence : celles de Lausanne et de l’École des
beaux-arts parisienne. Lausanne, où Viollet-le-Duc vécut ses dernières années et mourut,
se devait de lui offrir un hommage particulier. L’exposition présentée de juin à octobre 1979
célébrait bien sûr le restaurateur de la cathédrale, mais aussi le concepteur de l’exemplaire
chalet « pré-wrightien » de la Vedette que l’on n’avait su ou pu conserver (cette disparition
alors récente était une blessure vive). Les dessins de montagnes apparaissaient comme l’expression finale et synthétique du grand œuvre de celui qui fut capable de comprendre et de
réunir Notre-Dame de Paris et le ­Mont-Blanc dans un même élan. Le catalogue ajoutait des
contributions générales, réunissant des grandes signatures, de Georg Germann à Jacques
Gubler, et de Philippe Junod à Robin Middleton.
À Paris, Geneviève Viollet-le-Duc, Jean Musy et Jean-Jacques Aillagon tenaient à ce que que
le voyage en Italie (1836-1837) fasse l’objet d’une présentation particulière3. La beauté des
dessins et aquarelles conservés dans ce que l’on appelait le « fonds Viollet-le-Duc », le retour
dans l’École des beaux-arts qui n’avait pas encore vraiment réparé le drame de 1863 justifiait
cette présentation qui, de janvier à mars 1980, dans la chapelle réouverte, se révéla un lieu
de grande émotion. Le catalogue était le commentaire illustré et pratiquement exhaustif de ce
voyage, dont le jeune Viollet-le-Duc sut renouveler les charmes et les enseignements.
Le centenaire du 17 septembre 1979, marqué par une telle explosion d’expositions, mani­
festations, publications, prolongé sur deux ans de 1979 à 1980, célébrait le triomphe de
­Viollet-le-Duc ; on ne se demanderait plus s’il était bon où méchant : il existait4. Mais l’important était bien dans tous ces nouveaux regards convergeant vers un Viollet-le-Duc aimable,
et de mieux en mieux aimé. Pierrefonds reconnaissait enfin sa véritable paternité. En republiant, quatorze ans après sa parution, un texte de Louis Grodecki, admirable de lucidité, en
investissant les salles du Grand Palais avec les plâtres de la salle des Preuses et les meubles
références du salon du donjon, enfin, en commandant à Jean-Michel Leniaud une présentation dans les murs de ce que fut cette restauration-création, le château montrait qu’il était
décidé à assumer fièrement son destin : celui d’avoir été le laboratoire et l’atelier du premier
des architectes-savants-poètes du xixe siècle.
3. Geneviève Viollet-le-Duc avait publié, en 1971, les lettres de ce voyage initiatique.
4. Certes, le projet de dérestauration de Saint-Sernin de Toulouse présenté par Yves Boiret et libéralement accroché aux cimaises
du Grand Palais désespérait tous ceux qui le considéraient au mieux comme un anachronisme.
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Le château du xve siècle.
L’œuvre de Louis d’Orléans à Pierrefonds
Résumé
Jean Mesqui
docteur ès lettres, ingénieur général des Ponts et Chaussées
Si Pierrefonds est sans doute l’un des châteaux français les plus connus, il le doit essentiellement à sa restauration. Retrouver, derrière l’image et la structure qu’a imposées ­Viollet-le-Duc,
la réalité de l’œuvre de Louis d’Orléans et de ses architectes n’est pas tâche facile ; pas plus
n’est-il facile de démêler entre les thèses qui ont circulé et ont été publiées à propos de ce
château emblématique. Pour autant, mener cette enquête est une tâche passionnante, car
elle permet de détruire bien des idées fausses, et de restituer le programme d’un château hors
du commun, palais inachevé d’un prince qui marqua son époque de sentiments contrastés
mais jamais indifférents.
Texte non communiqué.
English abstract
Contents >>
The fifteenth-century chateau.
The work of Louis d’Orléans at Pierrefonds
abstract
Jean Mesqui
PhD, construction general engineer, École nationale des ponts et chaussées
Pierrefonds is undoubtedly one of the best known French chateaux – this is mainly due
to its restoration. Finding, behind the image and the structure imposed by Viollet-le-Duc,
the reality of the work of Louis d’Orléans and his architects is not an easy task; nor is it
less difficult to untangle the theories that have circulated – and were published – about
this emblematic chateau. For all that, leading this investigation is a fascinating task, as it
allows one to demolish a great number of false ideas and to recreate the programme of
an extraordinary chateau, the unfinished palace of a prince who inspired contrasting – but
never indifferent – feelings in his time.
This text is not available.
Résumé
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Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Résumé
Jean-Paul Midant
docteur en histoire,
maître-assistant à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville
Même si cette destination a été envisagée, la reconstruction du château impérial de
­Pierrefonds n’a pas été menée pour servir de résidence au souverain. L’architecte a considéré
­Napoléon III comme un mécène au fait de l’histoire de la fortification et de l’armement, acceptant de soutenir sur sa cassette personnelle cette réalisation d’exception, plutôt que comme
un aristocrate nostalgique et rêveur. Pierrefonds, édifice austère, sans confort moderne, est
pour ­Viollet-le-Duc ce qu’il nommait déjà, en 1857, un « spécimen » de l’art français, dont la
vocation était de servir d’« objet d’étude ». L’architecte ira plus loin encore : avec la reconstruction de Pierrefonds, c’est l’art français du xve siècle qu’il convient de faire reconnaître au
niveau de l’art italien du Quattrocento. Le château de Pierrefonds conçu par Viollet-le-Duc
n’est donc pas un château romantique : c’est une leçon d’histoire, une leçon d’architecture,
un monument à la grandeur nationale, et un parcours ouvert aux visiteurs pour donner à réfléchir sur l’action de l’homme quand il construit, quand il fortifie son abri, quand il édifie son
logis, quand il en exécute la décoration. En résumé, ce château a été refait au xixe siècle pour
s’interroger sur les moyens et les buts de l’architecture, en suscitant, par un questionnement
sur la société médiévale et ses mœurs, une interrogation sur l’époque contemporaine (celle
de V
­ iollet-le-Duc et, si l’on veut bien s’y prêter, sur la nôtre).
English abstract
Contents >>
The reconstructed chateau of Pierrefonds:
residence or museum?
abstraCt
Jean-Paul Midant
PhD in history, lecturer, École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville
Even though this purpose was envisaged, the imperial chateau of Pierrefonds was not rebuilt
to serve as the sovereign’s residence. The architect considered Napoleon III a patron, acquainted with the history of fortification and arms, who agreed to pay out of his own pocket
for this exceptional creation, rather than a nostalgic and dreamy aristocrat. Pierrefonds, an
austere building with no modern conveniences, was for Viollet-le-Duc what he called in 1857
a “specimen” of French art, whose purpose was to serve as an “object of study”. The architect
was to go even further: with the reconstruction of Pierrefonds, it is French art of the fifteenth
century that should be acknowledged as being on a par with Italian art of the Quattrocento.
The Château de Pierrefonds conceived by Viollet-le-Duc is thus not a Romantic chateau: it is
a history lesson, a lesson in architecture, a monument to national grandeur, and an itinerary
open to visitors to inspire thoughts about the acts of man when he builds, when he fortifies
his shelter, when he constructs his dwelling, when he decorates it. In brief, this chateau was
restored in the nineteenth century to examine the means and the goals of architecture, by
giving rise to –through the questioning of medieval society and its mores– a questioning of the
contemporary era (that of Viollet-le-Duc and, if we so desire, our own).
Résumé
Sommaire >>
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
docteur en histoire, maître-assistant à l’École nationale supérieure
d’architecture de Paris-Belleville
On peut repérer chez Viollet-le-Duc les traces de son intérêt pour le château de Pierrefonds
pendant l’année 1845, quand paraissent sous la direction du Baron Taylor les Voyages pittoresques de l’ancienne France consacrés à la Picardie. Les vues du château lithographiées
par Eugène Cicéri, d’après ses dessins où se sont glissées des erreurs d’observation, indiquent néanmoins que le jeune architecte restaurateur n’a pas encore exécuté de relevés
précis sur le motif, et qu’il s’est inspiré des nombreuses gravures alors à sa disposition.
La curiosité que suscitent les restes du château achetés par Napoléon Ier en 1812, gérés
par l’administration des forêts de la Maison du souverain (dont le père de Viollet-le-Duc fut
un temps le chef du bureau au Ministère), accessibles sur demande, est confirmée par ces
représentations, mais elle est aussi attestée dans plusieurs brochures réimprimées régulièrement. On peut citer la plus complète : le Précis historique du château de Pierrefonds chez
Jules Lescuyer à Compiègne (en circulation depuis 1827 et qui atteint 47 pages illustrées
de deux lithographies en 1842), où l’on précise qu’un sauvetage et une mise en scène
paysagère avec plantations de pins et de mélèzes sur la colline du côté du village et dans
l’intérieur du château ont été réalisées sous la direction du duc de Doudeauville, ministre
Fig. 1. Vue restaurée du château
de Pierrefonds, dans la
Description du château
de Pierrefonds
par Viollet-le-Duc…,
édition 1857.
Figure 1
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
de la Maison du roi, au printemps 1827. Comme on peut remarquer la Notice historique sur
­Compiègne et ­Pierrefonds – qui paraît depuis 1836 chez Baillet éditeur, place de l’Hôtel-deVille à ­Compiègne –, où l’on note qu’à l’occasion de la fête ­donnée dans la cour du château
en 1832 pour le mariage de la fille de Louis-Philippe avec le roi des Belges Léopold Ier, « le
roi actuel est venu saluer le château de Pierrefonds comme le domaine de ses ancêtres » et
que l’on construit « dans la tour principale l’escalier et le belvédère qu’on y voit aujourd’hui ».
Cette curiosité pour l’histoire, propice à une future étude à venir, s’accroît – et cela n’est certainement pas anodin ici – de la découverte des vertus thérapeutiques de l’eau de source locale attestées depuis 1846 (vantées par l’Étude médicale sur les eaux minérales sulfureuses
de Pierrefonds-les-Bains par le docteur Sales-Girons, parue à Paris chez Victor Masson
en 1853) ; elle est vérifiée en 1847 avec l’exposition au Salon par l’architecte Aymar Verdier
de deux aquarelles ­présentant un état actuel et un état restauré du château, premier essai
architec­tural aujourd’hui perdu de transformation des ruines.
Viollet-le-Duc prend sérieusement connaissance du site dans la perspective de la parution, en 1854, de l’article « Architecture », figu­rant au premier tome du Dictionnaire raisonné
de l’architecture française du xie au xvie siècle, où un long développement est consacré à
l’architecture militaire (repris dans l’Essai sur l’architecture militaire au Moyen Âge ­publié
la même année). Tandis que les observations sur l’enceinte et le château de Carcassonne
ainsi que sur les remparts d’Avignon constituent une part très importante de la documentation exploitée ici par l’architecte, la fortification de Pierrefonds est uniquement consi­dérée
à partir de l’étude des chemins de ronde en maçonnerie ceignant les tours et les courtines
encore visibles. Un premier plan et une ­pre­mière élévation restitués du bâtiment apparaissent trois ans plus tard, en 1857, dans la Description du château de Pierrefonds (repris
dans ­l’article « Château » du troisième tome du Dictionnaire raisonné, paru la même année),
et correspondent à la volonté d’approfondir l’analyse (fig.1). Viollet-le-Duc situe alors le système fortifié de Pierrefonds au terme d’une évolution sociale et formelle, depuis le xie siècle
jusqu’au début du xve siècle, dont les étapes marquantes seraient successi­vement données
par les dispositions des châteaux ­d’­Arques-la-Bataille, de Château-Gaillard, de Coucy, et
par le Louvre de Charles V.
Les travaux menés à Pierrefonds sous la direction de Viollet-le-Duc jusqu’à sa mort résultent d’une commande de Napoléon III, formulée à la fin du mois de décembre 1857, il y a
donc maintenant près de cent cinquante ans. Le chantier commence quelques jours après
le 15 janvier 1858, suite à l’embauche comme inspecteur de Lucjan Wyganowski, ancien
collaborateur de l’architecte Jean-Baptiste Lassus, disparu peu de temps auparavant1. La
première préoccupation du souverain n’est pas à mettre sur le compte d’une quelconque
volonté de reconstruire le château sous l’apparence où nous le voyons aujourd’hui. Il s’agit
d’abord, pour Napoléon III, en tant que responsable de cette propriété de la liste civile,
réduite à l’état de ruines, mais renommée et visitée, de permettre la restitution d’une des
tours située à l’angle nord-est. La tour Hector est en effet la mieux conservée après le démantèlement du xviie siècle et c’est elle qui a fait l’objet d’une illustration dans le modeste
essai de restauration de Viollet-le-Duc, paru quelques mois auparavant. Refaire le chemin
de ronde, mettre la maçon­nerie ancienne sous toit, en assurer un accès aisé par la réfection
de la circulation verticale intérieure est un travail pour lequel l’architecte utilise une somme
de cent mille francs prise sur la cassette personnelle de l’empereur2. Ce mode de financement ainsi que la focalisation sur une partie du monument jugée alors la plus significative
s’expliquent par l’intérêt personnel du souverain pour l’archéologie. Cet intérêt se poursuit
sur l’ensemble du territoire français, et il apparaît ici aux confins des possessions de la liste
civile liées au domaine de Compiègne comme à Champlieu ou à Saint-Pierre-en-­Chastres,
1. Voir aux archives départementales de l’Oise à Beauvais le fonds de dessins de Lucjan Wyganowski réalisés dans l’agence de
Lassus, coté 65 J1-6. Le premier ordre de Viollet-le-Duc est donné le 21 janvier 1858 : « Je prie M. Wyganowski de faire consolider
le pont de l’entrée du château de Pierrefonds de manière à ce que les voitures puissent entrer dans l’ouvrage. » Archives départementales de l’Oise, 4Tp7, correspondance.
2. Les bordereaux de comptes et les attachements figurés pour l’année 1859 sont aux Archives nationales de France égarés dans
une liasse cotée F21 3412/1. Pour l’année 1858, il faut aller aux archives départementales de l’Oise en 4Tp9 et 4Tp10.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
Figure 2
Fig. 2. Pierrefonds, tour Hector, avec la vis de comble et le chemin de ronde restaurés en 1858.
deux autres chantiers menés en parallèle par Viollet-le-Duc dans les premières années des
travaux à Pierrefonds3. Il est certain que Pierrefonds, forteresse médiévale construite au
début du xve siècle par le frère du roi de France Charles VI, a séduit d’abord l’homme
d’État du xixe siècle pour son intérêt historique. Au même titre que les ruines du sanctuaire
gallo-romain et du théâtre que l’on pensait alors mérovingien, exhumées à proximité de la
chaussée de Brunehaut, et que le camp de César remontant à l’âge du bronze, retrouvé à
quelques kilomètres dans la forêt. Souvenirs de la Guerre des Gaules, évocation des premiers souverains français et ruines médiévales dressent ainsi un panorama de l’architecture
nationale accessible depuis le palais ressuscité de Compiègne ; ce sont autant de nouveaux
buts de promenades, de délassement, voire de loisir intelligent pour une Cour fort assagie
et résolument moderne (fig. 2).
Dès février 1858, un dessin flatteur produit par Viollet-le-Duc ouvre une perspective permettant d’aller au-delà des fouilles et des restitutions engagées, et atteste qu’on ait eu
dans l’entourage de l’empereur l’idée de faire de Pierrefonds une résidence4. La tour
Hector est couverte comme à l’angle nord-ouest la tour Godefroy ; toutes deux sont
reliées par des murs laissés en ruine. Le logis est restitué. Le promontoire sur lequel est
3. Voir l’intervention de Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec dans ce même colloque.
4. Ce dessin bien connu est conservé dans le fonds Viollet-le-Duc aux archives de la Médiathèque du patrimoine. Il a été gravé pour
figurer dans Baudot, Perrault-Dabot, Monuments historiques, tome 1, et apparaît dans la planche 70.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
installé le château est traité en jardin à l’anglaise et des communs sont construits au sud.
Mais l’affaire n’est peut-être pas si facile à mener : Pierrefonds a gagné dans l’opinion
publique ses galons de monument historique (l’endroit est continuellement visité, ce dont
se plaint d’ailleurs Wyganowski en cours de chantier5). Et pour Viollet-le-Duc, qui n’a pas
un tempérament à s’en laisser conter, le château ruiné est assurément un témoignage
de valeur méritant la plus grande attention, malgré l’appa­rence de son projet d’appropriation. L’homme a sans doute quelques travers, mais il n’est pas courtisan ; du moins,
il ne l’est plus tout à fait depuis le milieu des années 1840 et la fin du règne – pour lui
très contestable – de son premier protecteur, le roi Louis-Philippe. Architecte de la cathédrale de Paris avec Lassus depuis 1844, il a décoré à ce titre l’édifice pour le Te Deum
chanté le 1er janvier 1852 ; il a également veillé à la décoration du mariage avec Eugénie
en 1853, puis accompagné les souverains à Amiens pour l’inauguration de son nouvel
aménagement de la chapelle de la Vierge dans la cathédrale. Mais son indépendance
d’esprit et la reconnaissance de son travail lui permettent alors une certaine fermeté. En
1852, justement, dans la Revue générale de l’architecture, Viollet-le-Duc a ainsi défini le
rôle de l’archéologue, rôle qui ne peut s’accorder des caprices d’un monarque ou d’une
bureaucratie étroite : « En quoi l’archéologie peut-elle favoriser l’indépendance dans les
arts ? Parce qu’elle admet la critique absolue, parce qu’elle conduit à la collection des
faits, indépendamment des influences du moment. Parce qu’elle fait voir que toutes les
époques qui ont produit des ­œuvres originales, logiques, et belles en même temps, sont
celles où l’art s’est développé sous l’influence puissante et fertile des artistes livrés à euxmêmes, et non point sous la volonté ou le goût d’un souverain, d’un ministre ou d’une
académie6. » Après de tels propos ­l’empereur, en choisissant Viollet-le-Duc, sait donc
à quoi s’en tenir. En commettant néanmoins ce fameux dessin et surtout cette huile où
­Napoléon III et Eugénie semblent pouvoir couler des jours heureux en leur demeure de
Pierrefonds (image que Viollet-le-Duc a d’ailleurs conservée sans la donner aux souverains), l’architecte n’a-t-il pas été trop complaisant ?
Dans une série d’articles publiés dans L’Artiste d’août à octobre 1858, intitulés « L’Architecture et les architectes au xixe siècle », Viollet-le-Duc montre par ailleurs que la page du
romantisme de fantaisie est pour lui tournée depuis longtemps. Évoquant les réalisations
architecturales des années 1820, il précise : « Cette première réaction, venue avec le romantisme en littérature, nous la désignons, nous architectes (car il faut bien trouver des
noms aux choses et aux temps), sous ce titre : d’école troubadour. C’était une sorte d’art
sentimental qui ne dépassa pas le seuil des kiosques, des chapelles, des châteaux, des
boudoirs, des théâtres de boulevard, et ne fut pratiqué que par quelques amateurs. Car au
fond rien n’est moins romanesque que l’architecture7. »
Avec de telles convictions, la restitution-reconstruction d’un monument du Moyen Âge laisse augurer d’un sérieux qui ne saurait tolérer d’inévitables concessions pour organiser ici
le ­séjour de la Cour. Ce projet incongru de résidence d’un chef d’État industrialisé au cœur
d’un ensemble médiéval évoquant la féodalité, auquel a souscrit un temps l’architecte,
s’explique peut-être par le fait qu’en février 1858, ce dernier est encore loin d’avoir pris la
mesure de l’intérêt d’un édifice dont beaucoup de vestiges sont encore enfouis sous les déblais. Les Descriptions du château écrites de sa main, modifiées à cinq reprises entre 1857
5. Archives départementales de l’Oise à Beauvais, 4Tp7. Correspondance. Lettre de Wyganowski à Viollet-le-Duc du 12 juin 1859 :
« M. le maire de Pierrefonds m’a répondu que les demandeurs trouvent cette faculté de visiter le château avec le gardien insuffisante
et qu’ils veulent s’y promener comme sur une place publique du matin au soir ; il m’a cité comme exemple le jardin des Tuileries à
Paris et le parc du château de Compiègne, et c’est en vain que je lui ai fait observer que les jardins des Tuileries et de Compiègne
sont surveillés par plusieurs sentinelles, gardiens, sergents de ville. Tandis qu’à Pierrefonds, il n’y a pas un seul gardien et le
château, un fois livré au public, serait bientôt dans un état dans lequel nous l’avons trouvé en commençant la restauration, c’est-àdire le jardin aussi nu et dévasté qu’une place publique de village ; de même en ce moment malgré la surveillance très active, nous
sommes obligés journellement de réparer les dégâts de la veille faits par les visiteurs. Malgré tous mes raisonnements, M. le maire
en se retirant a déclaré que les habitants et les visiteurs étaient habitués depuis longtemps à regarder le château de Pierrefonds
comme un lieu public. »
6. Revue générale de l’architecture, 1852, col. 371-372
7. L’Artiste, 1858, p. 227.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
et 1869, révèlent une prise de conscience progressive. Il n’est pas possible ici d’analyser
en détail les ajouts, les repentirs, les avancées dans le raisonnement que l’on peut remarquer dans le texte, mais les conclusions des éditions de 1857 et 1861 indiquent combien
­Viollet-le-Duc s’attache à un édifice au point qu’il ne peut permettre de le laisser au bénéfice d’un seul, ­fût-ce le monarque. En 1857, alors même que le chantier n’est pas encore
engagé, l’architecte termine ainsi sa Description du château de Pierrefonds : « Tel qu’il est
encore aujourd’hui, avec ses bâtiments rasés et ses tours éventrées à la sape, le château
de Pierrefonds est un sujet d’études inépuisable. Des fouilles ont déjà dégagé les ouvrages
au sud vers le fossé, et si ces travaux étaient continués, ils donneraient des ­renseignements
précieux ; car c’est de ce côté, comme étant le plus accessible, que ­devaient être les défenses les plus fortes […]. Le château de Pierrefonds, demeuré intact, nous donnerait une
idée de ce qu’étaient ces demeures déjà richement décorées à l’intérieur, où les habitudes
du luxe et de confort même commençaient à prendre une grande place dans la vie des
seigneurs féodaux. »
En 1861, la conclusion est la suivante : « Depuis le commencement de l’année 1858, des
travaux considérables de déblaiement, puis de restauration, ont été entrepris au château
de Pierrefonds, par ordre de l’empereur Napoléon III. L’empereur a reconnu l’importance
des ruines de Pierrefonds au point de vue de l’histoire et de l’art. Le donjon et presque
toutes les défenses extérieures reprennent leur aspect primitif ; ainsi nous pourrons voir
bientôt le plus beau spécimen de l’architecture féodale du xve siècle en France renaître
par la volonté auguste du souverain. Nous n’avons que trop de ruines dans notre pays, et
les ruines ne ­donnent guère l’idée de ce qu’étaient ces habitations des grands seigneurs
les plus éclairés du Moyen Âge, amis des arts et des lettres, possesseurs de richesses
immenses. Le château de Pierrefonds, rétabli en totalité, fera connaître cet art à la fois civil
et militaire, qui, de Charles V à Louis XI, était supérieur à tout ce que l’on faisait alors en
Europe. C’est dans l’art féodal du xve siècle en France, développé sous l’inspiration des
Valois, que l’on trouve en germe toutes les splendeurs de la Renaissance, bien plus que
dans l’imitation des arts italiens. »
Ce programme complet de restauration, Viollet-le-Duc le mènera effectivement, bien qu’il
soit peu compatible avec l’établissement d’une résidence impériale à Pierrefonds. Le
bâtiment ­lui-même résiste à sa transformation. De 1859 à la fin de l’année 1862, Violletle-Duc refait avec précaution la tour Godefroy, la tour carrée du donjon, les trois grandes
salles superposées du logis, et construit avec beaucoup de liberté le nouvel escalier
d’honneur en avant du donjon. Toutefois, si la toiture a été placée sous ce premier ensemble, il manque encore la plupart des parquets et les menuiseries des baies. Les travaux
de Pierrefonds alternent alors avec ceux de Champlieu et de Saint-Pierre-en-Chastres,
sans apparaître comme une priorité8. À l’automne, rendez-vous est pris, chaque année,
avec l’empereur, pour lui faire découvrir l’avancement du chantier, mais ce sera seulement
après la visite des souverains et de leurs soixante invités, le 30 septembre 1862, que l’affaire prendra une autre ampleur9. On pense alors en effet à doubler la partie déjà réalisée
en adoptant résolument le projet de 1858. Un dessin précisant les dispositions envisagées en 1863, conservé aux archives départementales de l’Oise à Beauvais, le confirme :
il faut donc imaginer, au premier étage du logis médiéval restitué, la chambre de l’impé8. Archives départementales de l’Oise, Beauvais, 4Tp7. En juin 1859, l’activité cesse complètement sur le chantier de Pierrefonds
pour reprendre à Champlieu jusqu’en décembre. Le camp de Saint-Pierre est fouillé au cours de l’année 1861 et l’essentiel de l’activité de Wyganowski se concentre là pendant l’hiver et le printemps 1862. Voir Correspondance W et VLD.
9. Archives départementales de l’Oise, Beauvais, Tp7. Pendant la visite de Pierrefonds, le 8 septembre 1862, l’empereur semble
malgré tout beaucoup préoccupé par les trouvailles récentes effectuées sur le site du camp de Saint-Pierre. Wyganowski à Violletle-Duc : « Leurs Majestés l’empereur et l’impératrice, accompagnés de leurs invités en nombre de soixante personnes, sont venus
au château de Pierrefonds. La visite a duré une heure et demie. Pendant ce temps, les invités ont parcouru les salles du grand logis
admirant les détails de l’escalier ainsi que la tour carrée. L’empereur m’a dit qu’il n’a pas trouvé les pierres de fronde en silex qu’il a
vues à Saint-Pierre. J’ai répondu à Sa Majesté que je les avais mises au fond de la petite boîte en les recouvrant avec une feuille de
papier et il est probable que la personne chargée de retirer les objets de cette boîte ait laissé lesdites pierres au fond. Sa Majesté a
dit que cela est possible et vous communique cette particularité afin que vous ayez la bonté de vérifier la boîte en question pendant
votre séjour à Compiègne. »
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
ratrice prévue dans la tour Charlemagne, au même niveau que la chambre de l’empereur,
sise dans la tour Jules César – l’emplacement est beaucoup plus conforme aux usages du
xixe siècle que celui qui est indiqué aujourd’hui dans la visite –, et dans ce même logis tous
les services nécessaires. Mais la tour Charlemagne est totalement à reconstruire, comme
la tour Jules César. Et ces travaux sont subordonnés à de longues et délicates fouilles
dans cette partie la plus ruinée de l’édifice, où il faut en outre retrouver et redessiner l’accès au monument par le sud. Ces travaux colossaux, engagés avec l’exigence scientifique de l’architecte, prennent du temps malgré l’importance des moyens engagés. C’est
le début d’une fuite en avant sur un projet d’ensemble non établi10 : on lance, en 1864, la
reconstruction de l’aile ouest comprenant la salle des mercenaires, la grande salle et son
décor, au-dessus des deux étages de caves encore debout (dont celui situé à l’affleurement du sol de la cour est repris, consolidé et surélevé). L’enveloppe projetée permet d’y
installer une vaste salle de banquets au niveau de la cour et une salle de bal avec son
parquet au niveau supérieur : tout cela exige de l’architecte-archéologue une argumentation acrobatique au regard d’une probable vérité historique. Faire de Pierrefonds un palais
moderne, du moins utilisable pour le souverain et sa Cour, entre cette fois-ci directement
en contradiction avec le souhait initial, qui était de fixer, à travers la reconstruction du
château, un état de la pensée sur l’architecture au début du xve siècle, la manière de se
défendre et d’habiter. Viollet-le-Duc et son commanditaire ont sans doute mené ensemble
la réflexion qui devait déboucher sur l’abandon du programme résidentiel.
En 1865, Napoléon III prend la décision d’organiser la seconde Exposition universelle du
règne à Paris et d’en fixer l’inauguration au 1er avril 1867. Restauré, accessible de la gare de
Compiègne, ouvert au public, bénéficiant d’une capacité d’accueil liée au développement
de la station thermale, Pierrefonds peut devenir un but de promenade pour les visiteurs
attendus dans la capitale, comme pour les chefs d’État et leurs entourages. Le château
acquiert de cette manière une valeur d’autant plus importante aux yeux du régime. Violletle-Duc, quant à lui, et ce manifestement depuis l’année 1863 avec la parution de la nouvelle
série de la ­Gazette des Architectes et du Bâtiment, codirigée par son fils, a pris résolument
le parti de l’art industriel et plus généralement encore « de l’industrie du bâtiment et de l’ensemble des ­progrès de toute sorte qu’elle introduit alors dans le domaine de l’architecture »,
souhaitant ainsi participer « à cet échange incessant et facile de communications, qui fait
que chacun est mis en éveil sur tout ce qui se produit de nouveau11 ». Avec ses charpentes
métalliques, ses modes de couvertures et son ornementation en métal repoussé, son décor
peint d’un caractère inédit réalisé selon un procédé à la détrempe expérimenté pour l’occasion – dont l’emploi a été à chaque fois justifié par Viollet-le-Duc au bénéfice de la science
archéologique –, le chantier de ­Pierrefonds se fait l’écho d’une préoccupation de plus en
plus pressante, réunissant l’histoire, le présent et l’avenir.
Le commanditaire et son architecte partagent donc un même intérêt à rendre visitable
le ­château de Pierrefonds pour l’Exposition. D’autre part, dès 1862, selon la volonté de
­l’empereur, la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye12 a débuté pour y installer le musée des Antiquités nationales, suivant une démarche archéologique menée par
Émile Millet, architecte proche de Viollet-le-Duc, qui se veut elle aussi exemplaire. Les
10. Le projet de reconstruction de la grande salle d’après Viollet-le-Duc résulte uniquement d’après lui d’une série d’observations
menées à Pierrefonds sur le terrain (voir Description du château de Pierrefonds, édition de 1872, p. 23-24). On peut penser que l’architecte s’est inspiré de dispositions visibles encore à Coucy, documentées dans Androuet du Cerceau en ce qui concerne la cheminée monumentale. La salle de bal, avec sa tribune pour les musiciens, son vestibule curieux établi comme un narthex, et surtout
sa statuaire plutôt mièvre, est la partie du château traitée avec le plus de fantaisie : elle reste unique en ce genre à Pierrefonds. Et, à
l’exception du nuancier de couleurs de son décor mural et ses motifs, elle illustre un art de cour anachronique teinté de romantisme
très années 1820, qui se détourne totalement de l’archéologie.
11. Ces citations successives de Viollet-le-Duc sont extraites de la Gazette des architectes et du bâtiment, « Études sur l’Exposition
universelle de 1867 », p. 2 et 3.
12. Viollet-le-Duc soutient le projet d’Eugène Millet pour le château de Saint-Germain devant une commission de spécialistes réunie
pour l’occasion, et obtient la suppression des adjonctions faites pendant le règne de Louis XIV. Les deux architectes se connaissent
bien et s’estiment notamment depuis le passage de Millet dans l’agence de Viollet-le-Duc, quand ce dernier obtient qu’il devienne
son adjoint sur ses chantiers de restauration dès 1847.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
Figure 3
Fig. 3. Pierrefonds, chambre dite « du Seigneur ». Photo J.-P. Midant.
Figure 4
Fig. 4. Pierrefonds, cabinet de l’Empereur. Photo J.-P. Midant.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
châteaux de Pierrefonds et de Saint-Germain peuvent donc ouvrir au public, en 1867,
pour devenir la vitrine de ce nouveau « rationalisme réformateur13 » dans l’architecture
dont Viollet-le-Duc veut être le héros – son optique étant de constituer de l’un à l’autre une
rétrospective de l’architecture et de l’art français, de l’Antiquité à la Renaissance (avec la
redécouverte de l’architecture du château de Saint-Germain « soulagée » des ajouts du
règne de Louis XIV).
En 1866, la salle de bal devient galerie de musée, avec l’installation, dans le vestibule et la
grande salle de l’aile nouvellement reconstruite de Pierrefonds, de la collection d’armures
et d’armes de poing acquise par l’empereur à la vente Soltikoff, présentée auparavant
dans le palais de l’Industrie aux Champs-Élysées14. L’évocation de la société féodale
est complétée par la décoration d’une partie du grand logis. La pièce dite « chambre
de ­l’empereur », ainsi que sa voisine, dite « cabinet de travail », sont les premières à être
terminées au cours de l’année 1866. Sur les murs le chiffre impérial établit le parallèle
ente le prince du Moyen Âge et le souverain du xixe siècle; mais il indique que ce dernier
y ­demeurera en tant que mécène. Quant au premier (et unique) appartement livré au château par ­Viollet-le-Duc, il est situé non loin de là, entre le vestibule de la salle des gardes
et la chambre du pont-levis, dans la courtine terminée par la tour Artus ; il est habité par
le sieur Taupin, surveillant militaire chargé de faire visiter la partie du bâtiment ouverte au
public à partir du dimanche 2 juin 1867 (fig. 3 et 4).
La poursuite des travaux dans la cour intérieure reçoit une impulsion définitive lorsque
­Viollet-le-Duc, accompagné de son collaborateur Anatole de Baudot et de Wyganowski,
vient, en février 1866, mettre au point les dessins de la façade de la chapelle, ainsi que
le projet de l’aile des remises et de l’aile des cuisines15. Il s’applique ensuite à « architecturer » les abords de l’édifice à l’ouest, au nord et à l’est, une fois fixée définitivement, en
1869, l’entrée principale du parc à l’emplacement d’aujourd’hui. De l’autre côté, sur le
plateau au sud, les premiers talus, réalisés dès 1861, sont aussi repris. Un plan complet
de fortifications avancées est dressé sur l’ensemble de la propriété avant la chute de
l’empire16. Ici encore, la collaboration entre le souverain et son architecte passe par une
complicité sur le terrain de l’histoire. C’est la dernière fois qu’elle s’exprime à Pierrefonds,
mais elle est la plus révélatrice de leur réel intérêt commun : l’architecture militaire. Louis
Napoléon Bonaparte avait en effet fait paraître, d’abord chez Dumaine, en 1846, puis
lorsqu’il était prince président en 1851, les deux ­premiers ­tomes de son étude sur Le
Passé et l’Avenir de l’artillerie, précédés d’un avant-propos qui ne pouvait manquer de
plaire à son architecte. On y lisait : « Pour entreprendre un travail de si longue haleine, il
me fallait un puissant mobile, ce mobile c’est l’amour de l’étude et de la vérité ­historique.
J’adresse donc mon ouvrage à tous ceux qui aiment les sciences et l’histoire, ces guides
dans la prospérité, ces consolateurs dans la mauvaise fortune. » (Louis Napoléon faisait
allusion dans cette dernière remarque à sa captivité au fort de Ham où il avait trouvé le
temps de se consacrer à cet ouvrage.)
Ouverts au public sous le Second Empire comme un musée, le bâtiment et son parc,
une fois la défaite consommée, retrouvent cette vocation, et, jusqu’en 1879, date de la
mort de Viollet-le-Duc les travaux d’aménagement se poursuivent. Pourtant, dès l’année
1870, la ­collection d’armures a été déménagée. Vide, le château est loin d’être terminé.
13. Ce terme est celui qui, selon Viollet-le-Duc, définit le mieux son attitude vis-à-vis du projet d’architecture contemporain. Voir
L’Artiste, 1859.
14. Voir l’intervention du conservateur du musée de l’Armée dans ce même colloque.
15. Archives départementales de l’Oise à Beauvais, 4 Tp7, Correspondance, lettre du 20 février 1866 : « Mon cher Wyg, j’emmènerai
de Baudot avec moi mardi, pour qu’à nous trois nous fassions force besogne. Faites disposer une table sur laquelle il puisse travailler. J’envoie des planches de Paris. »
16. À notre connaissance, aucun plan conservé dans les archives publiques aujourd’hui ne rend compte exactement des travaux
réalisés par Viollet-le-Duc dans le parc. Notamment en ce qui concerne les levées de terres situées au sud, qui évoquent un camp
romain ou plutôt un camp celtique, à la manière de celui qui se trouve à quelques kilomètres dans la forêt à Saint-Pierre-en-Chastres. Quoique Nicolas Faucherre reste dans l’expectative, nous aimons à penser, au vu des témoignages repérables aujourd’hui,
que le dessein de l’architecte était de faire du parc de Pierrefonds un musée de la fortification en plein air.
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
Figure 5
Fig. 5. Pierrefonds, façade sud. Photo J.-P. Midant.
Les ­visiteurs se font ­rares. Ils afflueront plus tard, d’autant qu’en 1884, date du décès de
Maurice ­Ouradou, ­gendre de l’architecte, qui avait poursuivi l’entreprise d’après les dessins
de son beau-père, le train arrivera à Pierrefonds.
Mais, après 1870, Viollet-le-Duc programme seul la reconstruction du château. L’empereur est absent, humilié par les Prussiens, oublié, et, en définitive, il passe aux yeux de
­Viollet-le-Duc pour le plus incapable des militaires et le plus mauvais des historiens ; l’architecte ­prépare donc sans lui le devenir de cette œuvre si peu ordinaire et fait de la reconstruction de ­Pierrefonds une leçon pour le présent.
« Nous avons un tort aujourd’hui, auquel nous ne saurions apporter de remède, nous
­venons trop tard. Les anciens nous ont volés, en venant avant nous avec des idées simples et ­belles, que nous eussions eues, peut-être. Nous ne pouvons plus, comme eux,
ramener à un ­système unique. Notre rôle d’artiste est très difficile. Nous avons une infinité
de vieux ­préjugés, de vieilles habitudes qui tiennent à une civilisation morte et, en même
temps, nous avons nos besoins, nos habitudes, nos convenances ­modernes. ­Cependant
nous avons comme les anciens la faculté de raisonner et un peu celle de ­sentir. C’est
au moyen de ces deux ­facultés que nous devons chercher le vrai et le beau. Je suis
Le château de Pierrefonds reconstruit :
résidence ou musée ?
Jean-Paul Midant
­convaincu qu’on ­perfectionne le goût de notre génération en l’habituant à ­raisonner.
­ bservez que, dans un grand nombre de cas, le ­raisonnement rend compte du jugement
O
que le goût a prononcé. Très ­souvent (peut-être ­toujours), le sentiment du goût n’est
qu’un raisonnement involontaire dont les ­termes nous échappent. Acquérir du goût n’est
autre chose que prendre l’habitude du beau, ­c’est-à-dire choisir ; or nous appelons à
­notre aide, pour pouvoir faire ce choix, notre faculté de ­raisonner. Nous voyons un édifice ;
tout d’abord notre esprit est charmé ; nous disons : “Voilà un beau monument.” Mais ce
jugement d’instinct ne suffit pas ; nous nous demandons : “Ce ­monument ­est-il beau ?”
Nous voulons découvrir les causes de l’effet qu’il produit sur nous. Nous ­cherchons alors
à analyser toutes les parties de l’œuvre qui nous charme, afin de ­pouvoir nous livrer à la
synthèse lorsque nous devrons produire à notre tour. »
Nous sommes ainsi persuadés qu’à Pierrefonds Viollet-le-Duc n’a pas travaillé pour un
homme, pour sa famille, ou la gloire du régime politique qui l’employait. Pour autant, il n’a
pas fait œuvre de rigoureux archéologue. Son but était certainement ailleurs : sans doute
a-t-il pensé donner, en faisant du château un musée, une leçon sur l’art et sur l’architecture
que tous ceux qui voudraient bien la recevoir pourraient partager.
« À tant de traditions plus ou moins anciennes, ce ne sont donc pas des formes qu’il faudrait
prendre, mais ces principes invariables comme la raison humaine. Et plus un art se rapprochera de ces principes, plus il en sera la fidèle et simple expression et plus nous devrions
nous efforcer d’imiter […] non les formes qu’il a adoptées, mais la méthode qu’il a suivie
pour les trouver […]. À l’aide de ce procédé intellectuel si naturel, nous pourrions laisser
ainsi des monuments que les siècles futurs étudieraient avec profit […]. Ce serait donc au
public à prendre en main cette question, puisqu’il est partie intéressée ; ce serait donc au
public à ne plus regarder les œuvres d’architecture comme l’émanation d’une étude mystérieuse, d’une secte d’initiés, mais comme un art qui, au contraire, doit toujours être prêt à
expliquer ses moyens, à rendre raison à ses conceptions. » (Fig.5.)
Sommaire >>
Le parc du château du Pierrefonds,
un projet singulier
Résumé
Nicolas Faucherre
professeur d’histoire de l’art à l’université de Nantes (Loire-Atlantique)
Depuis les travaux d’élagage et de dégagement effectués dans le parc du château, en analysant les plans du domaine récemment sortis de l’oubli, on observe que le traitement des
abords a été réalisé sous la conduite de Viollet-le-Duc avec un objectif singulier : celui d’offrir
au visiteur un parcours didactique dans l’histoire de la fortification, depuis l’Antiquité jusqu’à
sa propre époque, peut-être même avec l’idée que ces ouvrages puissent un jour servir.
Confronté à l’épreuve du feu en 1830 puis en 1870, tenu de négocier avec l’élite du génie militaire à Carcassonne en 1854, Viollet-le-Duc a-t-il pu être un passeur de recherches formelles
dans les derniers soubresauts de la fortification de pierre ?
Texte non communiqué.
English abstract
Contents >>
The chateau grounds at Pierrefonds,
a remarkable project
abstract
Nicolas Faucherre
professor of History of Art, université de Nantes (Loire-Atlantique, France)
Since the pruning and clearing carried out in the chateau grounds, when analysing the plans
of the estate recently brought out of oblivion, one notices that the treatment of the surroundings was carried out under the supervision of Viollet-le-Duc with a remarkable objective:
that of offering the visitor an educational itinerary through the history of the fortification, from
antiquity to his own era, perhaps with the idea that these works would one day be of use.
Himself confronted with the ordeal by fire in 1830, then in 1870, and obliged to negotiate with
the military engineering elite in Carcassonne in 1854, was Viollet-le-Duc able to be a facilitator
of formal research into the dying days of fortification?
This text is not available.
Résumé
Sommaire >>
Un château reconstruit
dans les années 1860
(la leçon d’architecture)
Résumé
Étienne Poncelet
architecte en chef et inspecteur général des monuments historiques
À Pierrefonds, Eugène Viollet-le-Duc est architecte et pédagogue. Son programme est ­exprimé
de manière claire en 1853 : « Le château de Pierrefonds, rétabli en totalité, fera connaître cet
art à la fois civil et militaire qui, de Charles V à Louis XI, était supérieur à tout ce que l’on faisait
alors en Europe. »
Cette proclamation de nationalisme architectural sera concrètement mise en œuvre tout au
long de sa carrière professionnelle, accompagnée d’un argumentaire pédagogique basé sur
une stratégie de publications.
L’œuvre de Pierrefonds est donc une leçon d’architecture. Elle est un manifeste du répertoire décoratif architectural, directement issu de ses dessins et de l’emploi des procédés
constructifs performants de son temps. La silhouette générale du château est rehaussée
par la virtuosité des nombreux et variés accessoires de toitures (lucarnes, crêtes de faîtage,
épis, poinçons, girouettes et bannières). Nous sommes en présence d’un véritable catalogue
d’ouvrages in situ complété par la collection du couvreur Monduit, exposée dans les salles.
Si l’apparence est médiévale, les procédés constructifs sont ceux du xixe siècle. L’usage du fer
est généralisé, visible dans les combles pour les charpentes et dissimulé dans les planchers
dont l’âme des poutres est renforcée de métal. Les couvertures d’ardoise sont posées au
crochet. Le confort moderne fait son apparition avec l’installation d’un calorifère répartissant
l’air chaud dans les salles par des boisseaux en fer et plâtre.
Les portails et le pont-levis sont entièrement métalliques.
La leçon d’architecture est donc la mise en œuvre de matériaux les plus performants et économiques possibles, notamment le fer, au service d’une forme ou d’une apparence extérieure
néo-médiévale. La vérité architecturale est réduite à la forme, masquant, s’il le faut, les artifices constructifs modernes.
Ces avancées technologiques seront présentées à l’Exposition universelle de 1867.
English abstract
Contents >>
A chateau
s
château reconstructed in the 1860
1860s
(the lesson in architecture)
abstract
Étienne Poncelet
chief architect and general inspector, Monuments historiques
At Pierrefonds, Eugène Viollet-le-Duc was both architect and teacher. His programme was
clearly expressed in 1853: “The Château de Pierrefonds, entirely restored, will make known
the civil and military art, which, from Charles V to Louis XI, was superior to all that was being
carried out in Europe at that time.”
This proclamation of architectural nationalism was to be implemented in concrete terms throughout his professional career, accompanied by an educational argument based on a publications strategy.
Pierrefonds is thus a lesson in architecture. It is a manifesto of the architectural decorative
repertory, directly stemming from his drawings and the use of the efficient construction processes of his era. The general shape of the chateau is enhanced by the virtuosity of the many
and varied roof accessories (dormer windows, cresting, finials, king posts, weathervanes, and
banners). We are in the presence of a veritable catalogue of works in situ complemented by
the collection of the roofer Monduit, which is exhibited in the rooms.
While the appearance is medieval, the construction processes are those of the nineteenth
century. The use of iron is widespread, visible in the roof trussing and concealed in the floors
whose webs are reinforced with metal. The slate roofing has been laid using hooks. Modern
conveniences make their appearance with the installation of a furnace distributing warm air
among the rooms via iron and plaster flues.
The gates and drawbridge are entirely in metal.
The lesson in architecture is thus the use of the most high-performance and economic materials possible, particularly iron, in the service of neo-medieval form or external appearance.
The architectural truth is reduced to form, masking, if need be, the modern construction
devices.
These technological advances were presented at the Exposition universelle of 1867.
Résumé
Sommaire >>
Un château reconstruit
dans les années 1860
(la leçon d’architecture)
Étienne Poncelet
architecte en chef et inspecteur général des monuments historiques
À Pierrefonds, Eugène Viollet-le-Duc est architecte et pédagogue. Il esquisse son programme
de manière claire, en 1853 : « Le château de Pierrefonds, rétabli en totalité, fera connaître
cet art à la fois civil et militaire qui, de Charles V à Louis XI, était supérieur à tout ce que l’on
faisait alors en Europe. » Cette proclamation de nationalisme architectural sera concrètement
mise en œuvre tout au long de sa carrière professionnelle, accompagnée par un argumentaire
pédagogique basé sur une stratégie de publications. Par ces justificatifs écrits, en amont et
en aval du chantier, il inaugure la méthode de travail des Monuments historiques fondée sur
les études préalables et les dossiers documentaires et des ouvrages exécutés. L’œuvre de
Pierrefonds est donc une leçon d’architecture. Alors qu’à notre époque, l’État cherche à se
replier sur son strict rôle de censeur, Viollet-le-Duc nous donne une illustration concrète de ce
qu’étaient le « pouvoir de l’exemple » et la force du monument.
En 1830, Viollet-le-Duc a seize ans. Les Trois Glorieuses vont inaugurer le lever de rideau
de la société moderne dont notre architecte sera l’un des acteurs dans le domaine de la
­construction. La conjonction du nouveau pouvoir politique dirigé par le roi des Français va
de pair avec la naissance du service des Monuments historiques. L’envol du romantisme
architectural sera servi par l’essor du siècle de fer dont les technologies se développeront en
même temps que le chantier de Pierrefonds.
Un premier événement a lieu en 1832 : les vins d’honneur du mariage de la princesse Louise
sont organisés au milieu des ruines de Pierrefonds. Cette anecdote mondaine est prétexte
à la fête inaugurale du monument revisité, celle d’une ruine habitée et bientôt d’un château
reconstruit.
Rappelons-nous les quelques dates du formidable développement de l’industrie qui accompagnera la genèse et la réalisation du projet de Pierrefonds. Ce siècle est marqué par le développement des énergies nouvelles fondées sur le charbon et la vapeur. Celles-ci permettront
le développement de la sidérurgie sous ses formes militaires mais aussi architecturales. En
1837, Polonceau ajuste ses fermes métalliques. En 1840, Hittorff assemble ses ouvrages de
fonte de dimensions exceptionnelles place de la Concorde, réalisés par la fonderie Muel. En
1855, le palais de l’Industrie et la galerie des Machines accueillent les visiteurs à Paris ­donnant
à voir les possibilités de la construction moderne. L’acier Martin est breveté en 1864. Les
premiers bétons armés sont coulés en 1867. Pendant ce temps, Baltard et Ballu rivalisent de
virtuosité dans l’architecture monumentale armée de fer à Saint-Augustin et à La Trinité.
C’est dans ce contexte que Viollet-le-Duc grandit et forge sa doctrine. « Voir c’est savoir, nous
dit-il. Dessiner c’est bien voir. » La première étape est un corps-à-corps avec l’épreuve du
dessin. Il pratique l’art du ­relevé à Coucy et à Arques-la-Bataille, en 1834. Lorsqu’il publie sa
description du château de ­Pierrefonds, en 1857, il n’est pas le premier à étudier le monument.
Les ruines du château sont déjà classées comme monuments historiques depuis neuf ans.
Questel et Leblanc viennent d’y réaliser les premières fouilles archéologiques.
La pédagogie de l’architecture commence par l’étude préalable du monument. Viollet-le-Duc
nous en donne une première synthèse qui sera publiée dès 1857 dans sa Description du
château de Pierrefonds.
Son approche de l’architecture s’appuie sur un postulat qui servira de base à la doctrine des
Monuments historiques : « Le monument seul commande. »
L’évocation des hypothèses de restitution forme un manifeste architectural que l’empereur assume bientôt comme un programme d’opération. La mécanique de l’autoconstruction se met
alors en marche et nourrira les phases de chantier jusqu’à la mort de l’architecte, et même
au-delà, jusqu’aux finitions assumées par son gendre Maurice Ouradou.
Un château reconstruit dans les années 1860
(la leçon d’architecture)
Étienne Poncelet
La méthodologie élaborée pour le chantier est exemplaire. Il faut mettre en place la vie d’un
important chantier dans un espace escarpé, d’accès difficile. Ce sera l’œuvre de ­Wyganowski,
embauché en 1858 comme inspecteur de chantier de l’architecte. Celui-ci s’installera en 1866
dans l’« agence » dont les ruines sont encore visibles sur le site. Maurice Ouradou, le gendre
de Viollet-le-Duc, y assurera la présence virtuelle du maître jusqu’en 1884, cinq ans après
sa mort. Jean-Just Lisch sera ensuite le premier architecte en chef en titre des Monuments
historiques, succédant à près de trente ans d’études et de chantier continus qui nous ont
livré le château que nous connaissons. Pendant cette période, les entreprises se confrontent
aux difficultés d’accès (le chemin de fer n’arrivera à Pierrefonds qu’en 1870), aux questions
d’approvisionnement en eau (le puits artésien n’est foncé que tardivement, à plusieurs dizaines de mètres de profondeur), à l’exiguïté des zones de travail in situ, dans l’embarras des
petites carrières ouvertes sur l’éperon lui-même et de quelques ruines à peine épargnées par
Viollet-le-Duc. Mais les atouts existent également sur place. L’excellente pierre de Bonneuil
utilisée pour le château n’est exploitée qu’à quelques kilomètres. Le sable est sur place. En
revanche la chaux, le plâtre et le fer doivent venir par convois. Il en est de même pour les ardoises ardennaises éloignées du site. La logistique du chantier est donc la première prouesse
de cette geste architecturale.
Au-delà de l’organisation de chantier, la leçon d’architecture de Viollet-le-Duc se poursuit
pour chacun des corps d’état. La maçonnerie est réalisée de manière traditionnelle. On
sacrifie cependant à l’usage des placages agrafés par des cavaliers en fer rendus inoxydables par traitement. Les fers sont chauffés de « bleu minéral » en remplacement du minium.
Les charpentes des planchers sont réalisées avec des poutres composites réalisées avec
des assemblages de bois et de fer boulonnés entre eux. Les sondages que nous avons
effectués nous ont confirmé les limites structurelles de ces premiers essais de poutres
armées d’âmes métalliques généralisant l’emploi du moisage boulonné et du placage. Les
charpentes de toiture sont réalisées pour l’essentiel en fer. Ces structures sont assemblées
aux murs gouttereaux par des boulons scellés au plomb, « les entretoises portant des
éléments coudés en L sur lesquels reposent des fentons, retenant les hourdis en plâtre ».
Sur ces charpentes, économisant le bois et limitant les risques d’incendie, sont fixées les
­« ­voliges en fer », selon le système mis au point par le serrurier Lachambre, en 1864. Ce
principe permet d’adapter le « mode de crochets en cuivre rouge utilisés par M. Monduit
pour soutenir les ardoises sans les clouer ». Les poinçons métalliques des charpentes servent également de paratonnerre. Au corps d’état de la couverture se rattachent les ouvrages décoratifs de toiture, en ­grande partie dus à l’entreprise Monduit à laquelle succédera
l’entreprise Marçais. La sculpture ­monumentale à Pierrefonds est relativement classique,
voire académique. Il n’en est pas de même de l’exubérance des faîtages et poinçons décoratifs dessinés avec virtuosité par ­Viollet-le-Duc et exécutés avec un luxe de détails par
les couvreurs et plombiers.
Les faîtages, poinçons et girouettes en plomb et en cuivre qui découpent la silhouette du
château sont la signature personnelle de Viollet-le-Duc.
Les murs intérieurs sont lambrissés et décorés de peintures appliquées à sec selon les
­procédés modernes de l’époque. La peinture « industrielle » est ainsi réalisée selon le procédé
de M. Borromée. Après avoir strié la pierre, celui-ci encolle le parement en deux couches
d’une « lotion d’huile de lin avec essence de térébenthine liquide de Venise ». Sur ce « fond
unique » revêtu d’un enduit « glacé à la planchette » est appliquée la peinture. M. Borromée
développera ce procédé de peinture à la détrempe qu’il appliquera au château de Pierrefonds
et à l’abbaye de Saint-Denis.
Le chantier, interrompu par la défaite de Sedan en 1870, avait ébauché la mise en place
d’équipements de confort. L’installation de calorifères a été commencée par le fumiste
­Spinetta. Les chaudières sont en place, ainsi que les conduits d’air chaud réalisés par des
boisseaux de terre cuite hourdés au plâtre sur une petite armature métallique. Des essais de
mise en chauffe de ces installations ont été faits en 1914 puis abandonnés.
Un château reconstruit dans les années 1860
(la leçon d’architecture)
Étienne Poncelet
En conclusion, nous pouvons nous interroger sur la finalité de cette leçon d’architecture que
nous livre Viollet-le-Duc au château de Pierrefonds.
À la différence des choix de notre temps qui privilégient la vérité des savoir-faire traditionnels, Viollet-le-Duc place en premier le résultat formel. Celui-ci prime sur les moyens mis en
œuvre pour y parvenir. L’usage systématique des solutions économiques et performantes
est au service d’une enveloppe extérieure prestigieuse mais dont il faut reconnaître l’aspect
factice au premier sens du mot. Viollet-le-Duc privilégie la forme sur le fond. Paradoxalement,
le fonctionnalisme dont il se réclame ne se traduit pas, à Pierrefonds, par une expression
architecturale spécifique. La leçon d’architecture est donc la mise en œuvre de matériaux
les plus performants et ­économiques possibles au service d’une forme ou d’une apparence
extérieure ­néo-médiévale. La vérité architecturale est réduite à l’aspect, masquant les artifices
constructifs modernes. Les avancées technologiques mises en œuvre à Pierrefonds seront
présentées à l’Exposition universelle de 1867 comme un manifeste architectural de l’art de
construire. Mais le château de Pierrefonds restera, quant à lui, l’expression d’un décor architectural, spécifiquement f­ormaliste.
Le château, classé en 1848 comme monument historique, reconstruit en 1860, est une œuvre vraie du xixe siècle, à la fois pour son décor vu que pour sa structure cachée. Si l’on veut
rester fidèle à l’esprit de Pierrefonds, il nous appartient donc de poursuivre la ­démonstration
de Viollet-le-Duc par la restitution scrupuleuse de ses formes extérieures, mais aussi de ses
artifices techniques.
Un château reconstruit dans les années 1860
(la leçon d’architecture)
Étienne Poncelet
Fig. 1, 2 et 3. Description du château de Pierrefonds,
Paris, Bance, 1857.
Fig. 4. « Détails des charpentes en fer »,
Gazette des architectes et du bâtiment, 1865.
Fig. 5. Charpente métallique et couverture au crochet.
Figure 1
Fig. 6. Faîtage décoratif en plomb.
Figure 2
Figure 3
Figure 5
Figure 6
Figure 4
Sommaire >>
Le cabinet d’armes
de Napoléon III à Pierrefonds
Résumé
Jean-Pierre Reverseau
conservateur général du patrimoine, directeur adjoint du musée de l’Armée, Paris
En organisant sa présentation au château de Pierrefonds et en poursuivant une campagne
décidée pour éviter sa dispersion en 1873, la carrière de Viollet-le-Duc apparaît liée à l’histoire de la collection d’armes anciennes réunie par Napoléon III. Le souverain et l’auteur du
Dictionnaire raisonné du mobilier ont partagé un goût commun pour ces pièces ; à l’inverse,
semble-t-il, d’un Nieuwerkerke, ils n’apparaissent pas comme des connaisseurs avertis, mais
plutôt comme des amateurs éclairés sensibles tout d’abord aux dimensions historiques et à
l’aspect pittoresque et spectaculaire des armures.
Le spécialiste et observateur impartial retiendra cependant une action patrimoniale exemplaire
à l’origine d’un enrichissement significatif des collections nationales.
English abstract
Contents >>
Napoleon III’s collection
of armour at Pierrefonds
abstract
Jean-Pierre Reverseau
heritage chief curator, deputy director of the Musée de l’Armée, Paris
By organising its presentation at the château de Pierrefonds and by pursuing a determined
campaign to prevent its break-up in 1873, Viollet-le-Duc seems to be linked to the history of
the collection of antique weapons put together by Napoleon III. The sovereign and the author
of the Dictionnaire raisonné du mobilier (Analytical Dictionary of Furniture) shared a taste for
these pieces but, unlike, it seems, Nieuwerkerke, they did not appear to be well-informed
connoisseurs, but rather as informed amateurs first and foremost who were sensitive to the
historical dimension, and picturesque and spectacular appearance of the armour. The specialist and the impartial observer remember, however, an exemplary act of cultural heritage that
was resulted in a significant enrichment of the national collections.
Résumé
Sommaire >>
Le Cabinet d’armes
de Napoléon III à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
conservateur général du patrimoine, directeur adjoint du musée de l’Armée, Paris
En peuplant d’armes et d’armures un château de légende, Napoléon III adhère pleinement
aux goûts de son temps. Il ne reconstitue pas la « salle historique » d’un espace nobiliaire mais
restitue l’ambiance et l’environnement supposés d’une demeure médiévale en y installant son
« cabinet d’armes ».
L’empereur, dont on connaît l’intérêt pour les progrès techniques et notamment ceux de
­l’artillerie, et qui savait que l’armement à travers l’Histoire a constitué un domaine d’application
des techniques les plus avancées1, a montré un intérêt très vif pour les armes anciennes. Jeune,
durant un séjour en Angleterre, il a participé, en revêtant le harnois, à un tournoi organisé en
1839 à ­Eglinton et demeuré célèbre2. Proche de l’empereur, le surintendant des Beaux-Arts et
directeur des Musées, le comte de Nieuwerkerke, avait rassemblé une importante collection
d’objets comprenant de nombreuses armes anciennes3 ; installées dans son appartement du
Louvre, ces pièces – dont certaines firent l’objet d’échanges avec Napoléon III – entrèrent dans
la célèbre collection de Richard Wallace4 après l’exil du surintendant en 1870. « Napoléon III ne
se connaissait pas en armes… il savait qu’une épée était une épée, une arme une arme et rien
de plus… » Ce jugement extrême porté dans ses Mémoires5 par René de Belleval qui, par la
suite, devait vendre à l’empereur sa collection personnelle, mérite d’être quelque peu nuancé. À
l’opposé de Nieuwerkerke, Napoléon III n’est certes pas un amateur très averti ; mais, à l’instar
de ses contemporains, il est sensible au pittoresque de l’armure et des armes anciennes dont
les données techniques lui sont connues. Son dessein évident est de donner un écrin à son
cabinet d’armes et, selon Viollet-le-Duc, il veut faire à Pierrefonds un musée du Moyen Âge tout
comme il composait un musée gallo-romain6 à Saint-Germain-en-Laye – une approche paradoxale puisque, à l’examen, la majorité des pièces réunies à Pierrefonds datent du xvie siècle.
Le noyau de la collection de l’empereur fut constitué par l’acquisition, en 1861, de la collec­
tion Soltykoff 7. D’autres achats suivirent auprès de particuliers (le comte d’Armaillé, le marquis de Belleval notamment en 1869), de nombreux marchands et, à l’étranger, en Suède
et au ­Danemark. Des pièces provenant du Louvre appartenant aux anciennes collections
­Sauvageot et Revoil complétèrent l’ensemble.
Le prince Soltykoff avait transformé son hôtel particulier de la rue Bretonvilliers, sur l’île
­Saint-Louis à Paris, en un véritable musée ouvert aux amateurs chaque jeudi.
Le catalogue établi pour la vente des objets d’art, en 1861, fournit une liste impressionnante
de chefs-d’œuvre dont certains, achetés par Alexandre du Sommerard, entrèrent au musée
de Cluny8. La même année Napoléon III acquérait, pour un montant de 250 000 francs, l’ensemble réuni d’armes anciennes. Lors des voyages du prince, l’importante section des armes
orientales, elle, avait été achetée en bloc par le tsar de Russie pour être exposée au palais de
Tsarkoïe Selo. Nous connaissons l’origine de quelques-unes de ces acquisitions, notamment
dans la célèbre collection Debruge-Duménil, dont proviennent des pièces très importantes
1. Bonaparte, Louis Napoléon : Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie, 6 volumes, Paris, 1846-1871 (à partir du t. 3 rédaction
du capitaine I. Fave).
2. Watts, Karen, « The Eglinton Tournament, 1839 », in Riddarlek och tornerspel, cat. exp. Stockholm, juin-décembre 1992, p. 449-451.
3. Le Comte de Nieuwerkerke. Art et pouvoir sous Napoléon III, cat. exp. musée national du château de Compiègne,
octobre 2000-­janvier 2001, p. 128-135.
4. Wallace collection catalogues, European Arms and Armour, tome I, Armour introduction p. xiii-xx.
5. Belleval, René de, Souvenirs de ma jeunesse, Paris, 1895, chapitre VIII, p. 269-292.
6. Viollet-le-Duc, Eugène, Exposé des faits relatifs à la transaction passée entre le gouvernement français et l’ancienne liste civile,
musée des Armes et Musée chinois, Paris, Hetzel, 31 décembre 1873.
7. Darcel, Armand, Gazette des Beaux-Arts, « La collection Soltykoff », 1861, vol. 2, p. 173.
8. Belleval, René de, « La Panoplie du xve au xviiie, Paris, 1873 », Catalogue des objets d’art et de haute curiosité composant la célèbre
collection du Prince Soltykoff, hôtel Drouot, lundi 8 avril et jours suivants, Paris, 1861, p. 125.
Le Cabinet d’armes de Napoléon III
à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
telles que l’épée réalisée par l’orfèvre Gasparo Mola9 ou le chanfrein de Philippe II. On sait en
effet le rôle qu’a joué auprès de lui le marchand Louis Carrand (1827-1888) qui l’a orienté vers
les pièces occidentales.
La dominante germanique est sensible dans l’importante collection que Napoléon III fait
transporter dans des locaux des Tuileries en bordure de la rue de Rivoli. En 1865, comme
Nieuwerkerke, l’empereur expose des pièces au palais de l’Industrie10. En 1869, il acquiert la
collection rassemblée par le marquis René de Belleval, érudit et collectionneur, qui comprenait
123 pièces dont 18 armures ; Belleval en avait publié le catalogue11 avant de s’en séparer
lorsqu’il avait quitté son château du Bois-Robin en 1869, se réservant « les pièces provenant
authentiquement de ses ancêtres », qui seront dispersées en vente publique en 1901 et dont
certaines sont entrées au musée de l’Armée12. Personnalité intéressante, Belleval semble l’archétype du collectionneur de la deuxième partie du xixe siècle, amateur érudit ou fortuné13.
C’est à un spécialiste réputé, le lieutenant-colonel Octave Penguilly l’Haridon (1811-1870), conservateur du musée d’Artillerie, polytechnicien et auteur d’un catalogue remarqué du musée, que
l’empereur confie le soin d’étudier et de publier la collection de Pierrefonds dont l’intéressant
catalogue (1864) est complété trois ans plus tard d’un remarquable album légendé (1867) rassemblant 61 planches photographiques par Auguste Chevallier14. Ce catalogue et cet album photographique fournissent des informations descriptives détaillées ; les notices, concises, traduisent
la volonté évidente d’une approche scientifique. La provenance Soltykoff correspond à la mention
« CS », les autres origines sont identifiées par « ASM » (À Sa Majesté) et « ML » pour musée du
Louvre. On se doit de souligner les dimensions historiques et qualitatives de nombreuses pièces
au moins égales à celles conservées dans les collections du musée d’Artillerie. Les provenances
germaniques, déjà soulignées, sont majeures au niveau des armures.
Les travaux de recherche contemporains permettent de les identifier. Soltykoff avait réuni
quatre armures de joute pour le Gestech (une joute allemande) (Fig. 1), commandées par
la cour de Vienne ; vraisemblablement réalisées pour l’empereur Maximilien Ier, dans l’atelier
Lorenz Helsmchmied d’Augsbourg, au début du xvie siècle, ces harnois (inv. G 162 à G 165)
appartiennent aux grandes séries impériales qui subsistent de nos jours au Leibrustkammer de Vienne. D’une égale importance, deux extraordinaires armures d’enfant pour la joute
(le Rennen allemand, inv. G 184) relèvent d’autres commandes impériales. Aux collections
d’Ambras, à proximité d’Innsbruck, appartiennent très certainement plusieurs armures de
joute commandées par l’archiduc Ferdinand II, à la fin du xvie siècle15. Du château de Nieswiez
en Lituanie, propriété de la famille Radziwill et dont l’armurerie a été dispersée au début du
xixe siècle, proviennent de très importantes pièces : une salade (défense de tête) pour un ensemble de joute réalisé pour le prince Nicolas IV Radziwill et en partie conservé à Vienne16.
L’exceptionnelle armure incomplète attribuée à Koloman Helmschmied, probablement réalisée à l’usage impérial vers 1530, proviendrait également de cette armurerie, notamment un
remarquable armet, de travail français et au décor maniériste, réalisé pour le duc d’Anjou et
datable de l’éphémère royauté du futur Henri III sur le trône de Pologne (inv. H 259). Lors
9. Buttin, Charles, « Le chef-d’œuvre de Gasparo Mola au musée de l’Armée », Gazette des Beaux-Arts, 1924, p. 111 sqq.
10. Union centrale des beaux-arts appliquée à l’industrie, Musée rétrospectif, Paris, palais de l’Industrie, catalogue des collections
de Sa Majesté l’Empereur dressé par M. Octave Penguilly l’Haridon, 1865.
11. Belleval, René de, 1873, op. cit. p. 126.
12. L’armure dite de Belleval, inv. MA G 84 ; le garde-rein, inv. MA G 348. Marquis de Belleval et de Licques, vente du Beauvais
21 janvier 1901, nos 11 et 14.
13. Deux exemples célèbres : dans la première partie du xxe siècle, par exemple les richissimes Pauilhac ou le célèbre Wallace, ou,
plus tôt, l’érudit Édouard de Beaumont (1821-1888).
14. Penguilly l’Haridon, Octave, Catalogue des collections du cabinet d’armes de Sa Majesté l’Empereur, Paris, 1864. Album du
Cabinet d’Armes de Sa Majesté l’empereur Napoléon III, pour faire suite au catalogue dressé par M. Octave Penguilly l’Haridon,
photographies d’Auguste Chevallier, Paris, 1867.
15. Les quatre armures monumentales destinées à la joute, sous sa forme allemande appelée Gestech, portent au musée de l’Armée
les numéros d’inventaires G 162-165. Les 2 armures d’enfant destinées au Rennen ont été inventoriées sous la cote G 184. « Prélevées » par l’occupant en 1941, elles seraient actuellement conservées dans les réserves d’un musée de Moscou. Les armures de
joute inv. MA G168/169 appartiennent aux séries d’Ambras.
16. Salade Inv. H 52, travail de K. Lochner, v. 1555-Vienne, Leibruestkammer, Inv. A 1412.
Le Cabinet d’armes de Napoléon III
à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
Figure 2
Fig. 2. Armure et barde de cheval dite de Louis XIII,
travail français, v. 1630 (inv. G 124-G 564), photo RMN.
Figure 1
Fig. 1. Armure pour la joute (Gestech), travail vraisemblable
de Lorenz Helmschied pour Maximilien Ier v. 1500-1510,
(inv. G 164), photo RMN.
Le Cabinet d’armes de Napoléon III
à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
de la vente Debruge-Duménil, en 1850, Soltykoff s’était rendu acquéreur d’une magnifique
épée due à l’orfèvre romain Gasparo Mola, vers 1600 ; il demanda ensuite à Fabergé d’en
compléter la garde ainsi que celle de sa dague de main gauche (inv. H 259). Le chanfrein de
Philippe II, œuvre de Jorg Sigman et Koloman Helmschmied, est de la même provenance17.
Au centre de la galerie de Pierrefonds figuraient une barde de cheval ainsi qu’une armure de
cavalier (planche B) assorties des pièces pour la joute. Cet ensemble, souvent relié à Louis XIII
et dont une partie a très certainement été refaite au xixe siècle, avait été offert à Napoléon III
pour la fête de la « Saint-Napoléon », le 15 août 1862 : l’impératrice l’avait acheté chez l’antiquaire Petitprêtre, quai Voltaire à Paris. Également offerte par Eugénie à l’empereur, une armure d’apparat (inv. G 93), qui avait été découverte en Belgique, dans le château de la famille de
Perglas. Enfin, on notera la présence de deux pièces également remarquables : un corselet,
de travail milanais, provenant de l’ancienne collection Revoil appartenant au Louvre et, dans
la série des armures maximiliennes, une armure dont l’armet à visage humain provient de la
collection Belleval (inv. G 30) entrée à Pierrefonds en 1869. L’origine des nombreuses épées
et armes à feu, souvent de grande qualité, est en revanche plus difficile à identifier18.
Chargé de la conservation de la collection de l’empereur, Viollet-le-Duc bénéficiait donc de la plus
large documentation sur les armes anciennes, bien qu’à l’évidence, la part des pièces correspondant à la période médiévale, centre de son intérêt et de ses préoccupations, apparaisse réduite.
On sait que l’objet principal de son Dictionnaire19 était de fournir aux artistes une documentation précise et datée des accessoires qu’ils devaient utiliser et faire entrer dans leurs
­compositions et œuvres afin d’éviter les erreurs et les anachronismes. Les illustrations du
dictionnaire offrent « l’habituelle qualité du trait, le souci affirmé de l’analyse ; il fouille de son
crayon, démonte, remonte, étale les pièces constitutives20 », a-t-on pu écrire.
L’une de ces meilleures études représente l’armet complémentaire de l’armure (inv. G 4, planche C) du musée de l’Armée admirée de Belleval, la plus ancienne armure complétée de la
collection de Pierrefonds21. On ne peut que célébrer l’extrême probité du dessinateur dans le
rendu des divers éléments constitutifs de la pièce : le timbre, le mézail et sa vue, le colletin à
gorge… (planche D).
Malheureusement, les études de cette qualité restent trop rares. Sur un nombre important d’illustrations – notamment dans la catégorie spécifique des défenses de têtes, bassinets, heaumes –,
les représentations sont pleines d’inexactitudes, surchargées de détails et d’accessoires fantaisistes. Leurs sources ont été dévoyées, les pièces sont devenues techniquement irrationnelles,
incohérentes. Par exemple, à l’article « Bassinet » (t. 6, p. 125), une défense de tête ayant l’aspect
d’un « heaume » offre des formes extravagantes qui évoquent certaines coiffures civiles d’origine
japonaise ; ailleurs, un heaume (t. 6, p. 121) présente une construction absurde ; il en va de même
pour le bassinet (planche E) (t. 5, p. 159) et nombreux sont ces exemples consternants…
Dans le domaine des armures complètes, l’exemple de l’étude figurant un harnois (t. 5, p. 139)
témoigne de la même incompréhension pour les seules dimensions utilitaires ou techniques de
ce type de défense. Au premier abord, la représentation de Jeanne d’Arc à cheval, revêtue de
l’armure (planche F) (t. 5, p. 137), semble correcte. Cependant, l’approche technique révèle des
inexactitudes flagrantes : la salade est d’une forme inusitée, quant aux épaulières, d’une construction absurde, elles adhèrent au torse au point de contrarier le déplacement des membres ! De tels
17. Épée et dague, travail de Gasparo Mola, v. 1620, inv. MA J129 cf.BUTTIN, 1924, op. cit.
Chanfrein de Philippe II d’Espagne, travail de Jorg Sigman et Koloman Helmschmied, 1550, remis au gouvernement espagnol en
1914, le musée de l’Armée en conserve une réplique.
18. L’armure dite de Louis XIII inv. G164-G564, in Jean-Pierre Reverseau, « Les armures des rois de France au musée de l’Armée »,
Saint-Julien-le-Sault, 1982 p. 98-102. Pour l’armure provenant de la famille de Perglas, voir Armes & Armures anciennes et souvenirs
historiques les plus précieux, général Niox (dir.), Paris, 1917, planche XXIV.
19. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance, t. 5 et 6, 8e partie,
armes de guerre offensives et défensives, Paris, 1874-1875.
20. Foucart, Bruno, dir., Viollet-le-Duc, cat. exp. Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 19 février-5 mai 1980, Paris, RMN, 1980, p. 339.
21. Étude à la mine de plomb, datée du 19 octobre 1871, reprise à la p. 59 du Dictionnaire raisonné du mobilier..., t. 5, 1874, et dans
le catalogue de l’exposition Viollet-le-Duc de 1980, p. 348.
Le Cabinet d’armes de Napoléon III
à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
Figure 4
Figure 3
Figure 5
Fig. 3. Harnois composite, vers
1500 (Inv G 4), photo RMN.
Fig. 4. Étude de l’armet monté
sur l’armure du musée de l’Armée
inv. G 4, mine de plomb datée
du 19 octobre 1871, Tome 5
du Dictionnaire raisonné
du mobilier… 1874.*
Fig. 5. Bacinet, selon
­Viollet-le-Duc, page 159,
tome 5 du Dictionnaire
raisonné du mobilier… 1874.*
* Clichés Musée de l’Armée, Paris
Le Cabinet d’armes de Napoléon III
à Pierrefonds
Jean-Pierre Reverseau
exemples pourraient être multipliés, illustrant
cette incompréhension des dimensions techniques de l’armure et cette absence de sens
critique, de logique scientifique dans le rendu
des sources auxiliaires : peintures, manuscrits,
sculptures anciennes sans cesse sollicitées et
adaptées sans discernement. Les textes des
notices complémentaires qui suivent ceux de
John Hewitt, publiés en 1855/1860 en Angleterre et eux-mêmes inspirés des recherches de
Samuel Rush Meyrick, ne semblent guère se
hausser au-delà des généralités.
Les événements tragiques de 1870 ont leurs
répercussions immédiates sur le devenir de la
collection qui, dès le 16 août, est mise en caisse
par les soins de Viollet-le-Duc, en présence de
Nieuwerkerke. Les caisses sont acheminées par
les voitures du Garde-Meuble vers le musée du
Louvre où elles sont entreposées dans un couloir voisin de l’appartement du surintendant22.
Investissant Pierrefonds, les envahisseurs réclameront en vain les armes qu’ils rechercheront
jusque dans les caves du château. Dans son
mémoire « relatif à la transaction passée entre le
gouvernement et l’ancienne liste civile… », Viollet-le-Duc s’est longuement attaché à rapporter
et détailler les faits qui suivirent la découverte,
par la commission chargée de la conservation
des musées, des caisses sur lesquelles avaient
été portée l’inscription du nom « Porto », trahissant un projet d’expatriation de la collection.
La commission de liquidation de l’ancienne Figure 6
liste civile avait reconnu, en 1873, la dette Fig. 6. Jeanne d’Arc à cheval, page 137,
tome 5 du Dictionnaire raisonné du mobilier… 1874.
de l’État envers la succession de l’empe23
reur et envisageait la vente de la collection .
­Viollet-le-Duc oppose à ce projet la volonté de ­Napoléon III de conserver dans le patrimoine
national la collection de Pierrefonds, expertisée à l’époque pour un montant de 500 000 francs,
et pour laquelle Richard Wallace avait proposé 2 millions de francs. Les négociations durèrent
jusqu’en 1879 et, le 21 février 1880, un décret présidentiel devait affecter la plus grande partie des collections d’armes de Napoléon III au musée d’Artillerie. L’ancien réfectoire situé au
sud-ouest de la cour d’honneur – connu sous le nom de « salle François Ier » devenue « salle
Pierrefonds » – devait accueillir la collection célèbre et disputée jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale. Depuis, on l’a intégrée à l’ensemble des fonds du département ancien des Armes
et Armures : ce faisant, on a certainement suivi la volonté de Napoléon III ainsi que, vraisemblablement, l’action déterminée et préservatrice de Viollet-le-Duc.
22. Viollet-le-Duc, Eugène, 1873, op. cit.
23. La liste exhaustive des pièces (soit 1 407 numéros, certains rassemblant plusieurs objets) est portée sur le livre des entrées au
mois de mai et d’août 1980 ; le président de la République, vu le jugement du Tribunal de première instance de la Seine, en date du
12 février 1979 attribue à l’Etat la propriété de la collection d’Armes et d’Armures dite de Pierrefonds. Cf. Reverseau, Jean-Pierre,
« La salle Francois Ier, métamorphoses muséographiques », Peintures murales aux Invalides. L’œuvre révélé de Joseph Parrocel,
p. 94-103, éditions Faton, Dijon, 2005.
Le procès-verbal de réception au musée d’Artillerie a été dressé par E. Saglio, conservateur au Louvre, le 11 mai 1880 pour la
décharge et par le colonel Leclerc, conservateur du musée d’Artillerie pour la prise en charge (archives du musée de l’Armée). La
totalité de la collection de Pierrefonds fut inventoriée par le colonel L. Robert dans son Catalogue des collections composant le
musée d’Artillerie, dont le 1er tome fut publié à partir de 1890.
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Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Résumé
Martin Bressani
professeur agrégé, école d’architecture, université McGill, Montréal (Canada)
Expert en fortification, inspecteur général de l’administration et grand promoteur du mythe
du Moyen Âge français, Viollet-le-Duc défend une idée de l’Empire et de la nation dont le
château de Pierrefonds reconstruit, avec son musée d’armes anciennes, est une des matérialisations les plus concrètes. Le célèbre Dictionnaire raisonné de l’architecture française
du xie au xvie siècle, avant tout ouvrage de bâtisseur, se mesure aussi à l’aune de l’idéologie
militariste du Second Empire. Commencée quelques mois seulement après la proclamation
de l’Empire, le 2 décembre 1852, et alors que Viollet-le-Duc est nommé inspecteur général
des édifices diocésains, la rédaction du Dictionnaire raisonné doit être envisagée comme le
reflet des points de vue et des représentations du nouveau régime de Napoléon III, régime qui
incarne le patriotisme et la grandeur militaire française. Dans cette perspective, l’auteur de la
communication analyse, alors que s’amorce l’année 1853, les événements et les activités ou
publications de Viollet-le-Duc à la même époque.
English abstract
Contents >>
Empire, nation, and militarist ideology
in Viollet-le-Duc works
abstract
Martin Bressani
professor, school of architecture, McGill University, Montreal (Canada)
Expert in fortification, chief government inspector, and great promoter of the myth of the
French Middle Ages, Viollet-le-Duc defended an idea of empire and the nation of which the reconstructed château de Pierrefonds, with its museum of antique weapons, is one of the most
concrete materialisations. The renowned Dictionnaire raisonné de l’architecture française du
xie au xvie siècle (Analytical Dictionary of French Architecture from the Eleventh to the Sixteenth
Century), first and foremost a builder’s work, may also be judged using the yardstick of the
militaristic ideology of the Second Empire. Started only a few months after the proclamation
of the empire on 2 December 1852, and when Viollet-le-Duc was appointed chief inspector
of diocesan buildings, the compiling of the Dictionnaire raisonné should be viewed as the
reflection of the points of view and representations of the new government of Napoleon III,
a government that embodied French patriotism and military might. From this viewpoint, the
author of this paper analyses the events of the beginning of 1853 as well as the activities and
publications of Viollet-le-Duc at the time.
Résumé
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Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
professeur agrégé, école d’architecture, Université McGill de Montréal (Canada)
Il est rarement souligné que Viollet-le-Duc entreprend la rédaction de son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle au début du Second Empire. Voici quelques
jalons de ce grand travail : en janvier 1853, Viollet-le-Duc interrompt, sans préavis, les livraisons de son long article sur l’origine de l’art de bâtir en France qui paraissait dans la Revue
générale de l’architecture de César Daly depuis le début de 18521 ; en mars, il est nommé
inspecteur général des édifices diocésains ; un mois plus tard, le 30 avril 1853, une annonce
de prépublication du Dictionnaire raisonné est insérée dans le Feuilleton de la librairie2 (fig. 1) ;
enfin, au début de juin, paraît la première livraison du célèbre ouvrage, à peine six mois après
la proclamation de l’empire3.
Idéologie et principes à l’œuvre dans les écrits
de Viollet-le-Duc
Plusieurs événements ont certainement influé sur la décision de Viollet-le-Duc de publier son
dictionnaire, dont sa nomination au poste d’inspecteur général, déterminante pour sa carrière.
Mais on ne peut douter qu’un des buts du projet était aussi d’attirer l’attention de la nouvelle
cour impériale. L’ouvrage était apte à plaire à l’empereur, archéologue amateur. D’autant que
près du quart du premier volume du Dictionnaire raisonné porte sur l’architecture militaire,
sujet favori de Napoléon III, qui avait lui-même déjà publié plusieurs ouvrages sur l’artillerie et
son histoire4. Cette partie du Dictionnaire raisonné fera d’ailleurs l’objet d’une publication distincte, plus luxueuse et légèrement augmentée, qui paraît au début de décembre 1854 (fig. 2),
au moment précis où le siège de Sébastopol évolue vers un conflit armé majeur. L’Essai sur
l’architecture militaire est en effet un hommage à l’esprit militaire de la France, cette nation
qui, écrit Viollet-le-Duc dans ses pages, « est belliqueuse par instinct5 ». Viollet-le-Duc y salue
au passage Napoléon III, dont il cite avec éloge le grand ouvrage historique sur l’artillerie6. Le
très beau livre de Viollet-le-Duc était réellement conçu comme un traité d’architecture militaire,
utile à l’enseignement des officiers de l’armée du Second Empire ainsi que le suggère la vignette de la page de titre7. Rappelons qu’à peu près à la même époque Viollet-le-Duc donnait
lui-même des conférences aux militaires sur le sujet8.
Le Second Empire ne fut jamais une dictature militaire, mais l’armée y prit une forte importance
symbolique. Né d’un coup d’État, le régime de Napoléon III maintiendra toujours l’armée à
l’avant-scène de ses représentations (fig. 3). Lors des processions, les généraux prenaient place
1. Viollet-le-Duc, Eugène, « Essai sur l’origine et les développements de l’art de bâtir en France, depuis la chute de l’Empire romain
jusqu’au xvie siècle », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 19, 1852, col. 35-42, 74-81, 134-146, 242-253,
343-352 ; vol. 11, 1853, col. 8-16. La dernière livraison se termine avec la formule habituelle : « La suite prochainement. » D’ailleurs
Viollet-le-Duc était encore loin d’atteindre son objectif de couvrir la période jusqu’au xvie siècle.
2. Feuilleton du journal de la librairie, n° 18, 30 avril 1853, p. 194.
3. Bibliographie de la France, n° 25, 16 juin 1853, p. 410.
4. Bonaparte, Louis Napoléon, Manuel d’artillerie à l’usage des officiers d’artillerie de la République helvétique, Zurich, 1 836 ; Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie, 2 vol., Paris, 1846-1851 ; Histoire du canon dans les armées modernes, Paris, 1848. Études
sur le passé et l’avenir de l’artillerie est l’ouvrage le plus important. Dans sa version finale, terminée en 1871 par Favé à partir des
notes de l’empereur, il aura six volumes.
5. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, volume I, Paris, 1854, p. 399 ou dans
Essai sur l’architecture militaire, Paris, 1854, p. 139.
6. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné, vol. 1, p. 344-345 ; Essai sur l’architecture militaire, Paris, 1854, p. 32.
7. Un fait que souligne l’ami de Viollet-le-Duc, John Henry Parker, dans la préface de l’édition anglaise de l’Essai sur l’architecture
militaire ; voir Viollet-le-Duc, Eugène, Military Architecture, translated from the French of E. Viollet-le-Duc by M. Macdermott, London, 1879, p. iii-vi. La première édition de cette traduction paraît en 1860.
8. Du moins d’après Massillon Rouvet dans Viollet-le-Duc et Alphand au siège de Paris, Paris, 1892, p. 24.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Figure 1
Fig. 1. Annonce de « Bance, Éditeur » pour le
Dictionnaire raisonné de l’architecture française du
onzième au seizième siècle par M. Viollet-le-Duc,
Feuilleton du journal de la librairie, n° 18,
30 avril 1853, p. 194, McGill University Libraries.
Figure 2
Fig. 2. Page de titre,
Essai sur l’architecture militaire au Moyen âge,
(Paris, Bance, 1854). Collection de l’auteur.
devant les évêques, préfets et procureurs généraux9. Durant tout le régime, pompes et parades
militaires atteignirent une ampleur sans précédent, le château de Pierrefonds constituant l’une
des manifestations les plus spectaculaires – et les plus permanentes – de cet appareil festif
guerrier. Sans aucune expérience militaire, l’empereur n’en portait pas moins l’uniforme dans
toutes les cérémonies publiques, se posant en chef suprême de l’armée, symbole de l’unité nationale. Des simulacres de batailles reproduisant les vraies campagnes militaires de Napoléon III
à travers le monde étaient mis en scène à Paris, sorte de pantomimes de la guerre qui avait une
fonction quasi rituelle dans l’imaginaire national (fig. 4). L’armée était en somme l’image même
d’une nation unifiée et œuvrant de concert. Viollet-le-Duc a vite exploité l’occasion, d’autant que
cette idéologie autoritaire et militariste était proche de ses convictions.
9. Voir l’excellent travail de Matthew Truesdell, Spectacular Politics. Louis-Napoléon Bonaparte and the Fête impériale, 1849-1870,
Oxford, New York, 1997, p. 136-155. Voir aussi, Price Roger, The French Second Empire. An Anatomy of Political Power, Cambridge,
2001, p. 37 et 407 ; Raoul Girardet, La Société militaire en France, Paris, 1953, p. 24-26 ; Comte Fleury et Sonolet Louis, La Société du
Second Empire d’après les mémoires contemporains et des documents nouveaux, Paris, 1911 et Jean-Jacques Becker et Stéphane
Audoin-Rouzeau, La France, la Nation, la Guerre : 1850-1920, Paris, 1995.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Fig. 3. « Louis Napoléon » tiré de L’Illustration, vol. 19, n° 481,
supplément, mai 1852, p. 324. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada).
Figure 3
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Figure 4
Fig. 4. «Fête du 15 Août, pantomime militaire au Champ-de-Mars, siège de Silistrie», tiré de L’Illustration, vol. 17,
n°. 599, 19 août 1854, p. 116. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada).
Afin de bien saisir, à l’occasion de l’anniversaire de la commande du château de Pierrefonds, comment une idéologie militariste, proprement bonapartiste, s’implante dans la
pensée de Viollet-le-Duc, je proposerai ici une analyse, partielle, de deux ouvrages complétés au cours de l’année 1852, période cruciale entre le coup d’État de décembre 1851
et la déclaration de l’empire de novembre 1852. Nous considérerons d’abord l’article
mentionné plus haut sur l’origine de l’art de bâtir en France paru en feuilleton dans la
Revue générale durant toute cette période ; et ensuite, la cérémonie du Te Deum qui se
déroula à l’église de Notre-Dame en janvier 1852 et dont Jean-Baptiste Lassus et Violletle-Duc composèrent le décor.
Bien que souvent négligé par les historiens, l’article de la Revue générale est très révélateur
(fig. 5). Commencé en janvier 1852, ce long essai historique est le deuxième texte d’importance de Viollet-le-Duc, une révision de son article des Annales archéologiques paru entre 1844
et 1847. Il innove à plus d’un égard. Premièrement, Viollet-le-Duc y expose pour la première
fois son interprétation libérale et laïque de l’architecture gothique, interprétation à laquelle il
est a priori associé mais qui n’apparaît nulle part avant cette date. En fait, l’Essai constitue
son premier texte de philosophie historique10. L’évolution du titre entre l’article des Annales
archéologiques et celui de la Revue générale est très révélatrice : le « De la construction des
édifices religieux en France » de 1844 devient « Essai sur l’origine de l’art de bâtir » en 1852 ;
d’un traité sur la construction, on glisse vers un essai sur ses origines historiques.
Je me pencherai plus longuement aujourd’hui sur un deuxième trait saillant de l’article de
1852, qui offre à Viollet-le-Duc la première occasion de célébrer la venue imminente du nouveau régime impérial.
Le message principal de l’Essai sur l’origine de bâtir en France est que la guerre, bien qu’intolérable à plusieurs égards, est un moteur historique essentiel, en supposant bien sûr que
l’énergie qu’elle dégage soit bien canalisée. L’organisation sociale qui forme l’aboutissement
10. Auparavant, Viollet-le-Duc omettait délibérément toute spéculation sur les causes historiques. Dans les Annales archéologiques, par exemple, il avait pris la peine de souligner qu’il laissait « à d’autres le soin de trouver pourquoi et comment […] » ; Violletle-Duc, « De la construction », Annales archéologiques, t. 2, 1845, p. 71.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
du Moyen Âge, nous dit Viollet-le-Duc, est le produit de longues années d’anarchie et de
guerre, convulsions inévitables à l’enfantement d’une nouvelle société. Cet état de désordre remonte aux invasions barbares. Non seulement les invasions massives et répétées ont
détruit l’Empire romain apparemment inébranlable, mais la société féodale qui en émerge
institue la guerre comme « l’état normal de toute la société11 ». Une telle situation de constant
défi « fait naître le courage et le sentiment de la responsabilité individuelle12 ». « Sans l’invasion
des barbares, résume Viollet-le-Duc, jamais le christianisme n’aurait pu changer le cours de
la civilisation13. » C’est cet état guerrier qui fut « la cause la plus active du développement intellectuel au Moyen Âge14 ».
Viollet-le-Duc ne fait pas l’apologie de la guerre en soi, mais il essaie de démontrer comment
une société martiale instaure l’habitude d’un « état permanent de révolte contre la matière »
et « la prépondérance de la science15 » : « Si sauvage ou si primitif que soit un état social, du
moment qu’une force le constitue, il s’élève immédiatement une force opposée qui lui fait
contrepoids. La féodalité, abstraitement parlant, est un gouvernement intolérable ; mais la
féodalité établit l’antagonisme, le besoin et l’habitude de lutter chaque jour car des populations élevées dans ce milieu devaient être singulièrement aptes à vaincre toutes les difficultés,
à les surmonter, à se constituer en corps, à développer tous les moyens dont elles pouvaient
disposer, en ne comptant que sur elles-mêmes16. »
Le principe dynamique d’action/réaction, énoncé ici pour la première fois, est capital
dans l’œuvre et la pensée de Viollet-le-Duc : tout effort vital ne paraît qu’une réaction à
une force qui l’oppose, conception quasi guerrière du monde qui s’inspire, notamment,
des écrits de Prosper Mérimée. En 1852, l’idée d’un fondement négatif à tout acte créatif
pousse Viollet-le-Duc à souligner l’opposition entre le roman et le gothique, division traditionnelle mais qu’il avait entièrement négligée dans ses écrits antérieurs. Viollet-le-Duc
oppose ainsi l’architecture de la féodalité, née du sol, à l’architecture gothique née au sein
de nouvelles associations urbaines. Pour illustrer cette thèse, il fait graver trois planches
par Penel pour offrir la preuve graphique que l’architecture romane suit plus étroitement
la nature géologique du sol que les divisions politiques de la société féodale (fig. 6-7).
L’art gothique, par contraste, est indissociable de l’unification politique associée à l’émergence des communes et à l’essor de la monarchie. C’est un art nouveau, produit « de
ce mouvement laïque vers l’art de bâtir17 ». Mais ce mouvement laïque et démocratique
n’aurait jamais vu le jour, selon Viollet-le-Duc, si la féodalité n’avait établi « l’habitude de
lutter chaque jour ». En architecture, son premier champ d’expérimentation, précise Viollet-le-Duc, fut la construction de ces châteaux féodaux qui parsemèrent rapidement tout
le royaume de France.
Cette ode à la force comme prélude à la paix était évidemment un thème de la plus grande
actualité en janvier 1852, à peine un mois après le coup d’État opéré par Louis Napoléon.
Le discours officiel légitimait ce déploiement de force comme nécessaire pour abolir le désordre et rétablir l’unité. L’idée s’accordait parfaitement avec les principes fondamentaux du
bonapartisme : le retour à l’ordre pour vaincre l’anarchie, la force comme prélude à la liberté,
l’État autoritaire comme forme populaire de gouvernement. Le triomphe sans précédent de
Louis Napoléon au plébiscite des 20 et 21 décembre confirmait que la violence du coup
d’État n’était effectivement qu’une convulsion nécessaire pour instaurer l’unité ainsi qu’une
véritable représentation populaire.
11. Viollet-le-Duc, Eugène « Essai sur l’origine et les développements de l’art de bâtir en France… »,
Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 19, 1852, col. 141.
12. Ibid., col. 142.
13. Ibid., col. 38.
14. Ibid., col. 142.
15. Ibid., col. 246.
16. Ibid., col. 346.
17. Ibid., col. 352.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Figure 6
Figure 7
Figure 5
Fig. 5. Page titre de l’article d’Eugène
Viollet-le-Duc, «Essai sur l’origine…»,
Revue générale de l’architecture et des travaux
publics, vol. 10, 1852, col. 35-36.
Collection de l’auteur.
Fig. 6 et 7. Eugène Viollet-le-Duc, dessinateur ;
F. Penel, graveur ; « Division de la France, par styles » et
« Division géologique de la France », planches 10 et 11,
Revue générale de l’architecture
et des travaux publics, vol. 10, 1852.
Collection de l’auteur.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Mise à part l’idée générale du lien entre force et démocratie, d’autres aspects de l’essai
de Viollet-le-Duc démontrent son intention d’utiliser l’histoire du Moyen Âge pour interpréter les événements contemporains. L’article ouvre d’ailleurs sur un parallèle entre la
volonté de changement du xiie siècle et l’ère industrielle moderne. Certaines allusions, bien
que transparentes à l’époque, sont plus difficiles à saisir aujourd’hui. Le thème de « l’invasion des barbares » qui court tout au long de l’article est particulièrement important, ces
invasions étant une métaphore couramment employée à l’époque pour désigner la masse
révolutionnaire contemporaine. Dans l’introduction à son ouvrage Le Peuple (1846), Michelet en souligne la popularité, tournant le caractère péjoratif de la comparaison en une
affirmation positive de la vitalité du peuple : « Souvent aujourd’hui l’on compare l’ascension
du peuple, son progrès, à l’invasion des Barbares. Le mot me plaît, je l’accepte… Barbares ! Oui, c’est-à-dire pleins d’une sève nouvelle, vivante et rajeunissante18. » Mais selon
François Furet, la métaphore fut surtout en usage après les événements de juin 1848, la
brutale révolte ouvrière étant envisagée comme le retour des barbares contre la civilisation19. Montalembert, par exemple, écrit : « La voilà cette invasion des barbares que l’on
nous annonçait ! Nous n’y échapperons pas plus que l’Empire romain n’y a échappé20. »
Exactement au même moment, Viollet-le-Duc décrivait à l’identique les émeutes de juin :
« Ce sont des invasions de barbares venant du dedans, la lutte ne finira que quand la
civilisation aura repoussé jusqu’au dernier de ces monstres21… » Cette phrase en dit long
sur ses opinions politiques en 1848.
La référence aux invasions barbares dans un texte qui porte sur l’histoire de la chute de l’Empire romain n’est évidemment pas significative en soi. Mais Viollet-le-Duc s’arrange pour que
les liens avec la politique de son temps soient incontournables. Premièrement, il institue les
invasions comme principe universel, un agent historique semblable aux révolutions du xixe siècle. Ensuite, et c’est ce qui est le plus pertinent pour la situation en 1852, il insiste tout au long
de l’essai sur le fait que seule l’émergence d’un chef représentatif peut stabiliser et rendre
productives les populations barbares. Autrement dit, pour que la masse populaire chaotique
se transforme en un corps politique stable, elle doit pouvoir s’incarner dans un chef.
Cette thèse autoritaire est reprise subrepticement tout au long de l’article. Au premier
chapitre, Viollet-le-Duc affirme que c’est l’invasion des Barbares qui « a forcé les chefs
de la nouvelle religion à prendre le bâton de pasteur pour instruire et diriger ces troupes
d’hommes neufs ». Et il ajoute : « Ce n’était pas avec les lettres et la philosophie antiques que l’on pouvait agir sur ces sauvages22 », transposition sur la scène historique de
la petite guerre qu’il mène contre l’hégémonie de l’Académie des beaux-arts. Plus loin
dans le même chapitre, Viollet-le-Duc présente Charlemagne comme le chef modèle :
«­ ­Charlemagne, pendant toute la durée de son règne, avait fait des efforts surhumains
pour établir l’unité gouvernementale ; […] il avait tenté de restaurer cet empire d’Occident.
Conquêtes, chartes, règlements administratifs, il avait tout mis en œuvre pour sauver
une civilisation qui sombrait23. » Mais, continue Viollet-le-Duc, Charlemagne fut incapable
d’instaurer une unité durable puisque sa représentativité était fausse. Viollet-le-Duc fait
alors une référence explicite à son siècle : « Nous ne voulons pas diminuer l’importance
de ce grand personnage, ni contester l’efficacité de ses efforts ; toutefois il nous paraît
qu’un homme, fût-il Alexandre, César, Charlemagne ou Napoléon, n’arrive à ce degré
d’influence que parce qu’il est l’expression, le résumé des idées de son siècle. L’homme
de génie est précisément celui qui comprend le mieux les besoins, les désirs, les tendances de son temps, qui les devance et les développe, et donne une direction à ces désirs
18. Michelet, Jules, Le Peuple, Paris, 1846, p. 72.
19. J’ai consulté la traduction anglaise : François Furet, Revolutionary France 1770-1880, Oxford, 1992, p. 405.
20. Montalembert, Charles de, lettre à Xavier de Mérode du 28 juin 1848 citée dans Montalembert Charles de, Journal intime inédit,
t. 4, 1844-1848, Paris, 2004, p. 550, n. 1.
21. Viollet-le-Duc, Eugène, « Lettre à son père, 30 juin 1848 » dans Lettres inédites de Viollet-le-Duc recueillies et annotées par son
fils, Paris, 1902, p. 11-12.
22. Viollet-le-Duc, Eugène, « Essai sur l’origine », ibid., col. 38.
23. Ibid.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
et à ces tendances qui sans lui fussent restées (sic) à l’état de germe. Aussi n’est-ce qu’à
la suite des époques de confusion, alors que des populations entières sont dans l’enfantement, qu’apparaissent ces grandes figures dont le rôle consiste à diriger vers un seul
point les idées de tous24. »
Il était irrésistible à l’époque de faire l’association entre « ces grandes figures » représentatives
du peuple et le monarque récemment élu, Louis Napoléon Bonaparte. Rappelons que Louis
Napoléon est le premier chef de gouvernement européen élu par suffrage universel masculin,
un « César plébiscité25 » selon l’heureuse expression d’Eric Hobsbawm. Son ascension fulgurante était entièrement liée à une symbolique d’unification nationale, le futur empereur étant
perçu par l’opinion générale comme, enfin, le vrai représentant de la nation après les « faux »
régimes des Bourbons et de Louis-Philippe. Joignant autorité et représentativité, Louis Napoléon est l’image parfaite de cet « homme de génie » qui, selon Viollet-le-Duc, comprend « les
besoins, les désirs, les tendances de son temps ».
Il est bien sûr difficile aujourd’hui de concevoir Napoléon III comme étant représentatif
de qui ou de quoi que ce soit, puisqu’il a été détruit dans l’opinion non seulement par la
misérable défaite de 1870 mais surtout par les critiques dévastatrices de deux parmi les
plus célèbres figures du siècle, Victor Hugo et Karl Marx. On sous-estime donc facilement
la puissance de rassemblement de Louis Napoléon durant les dernières années de la
Deuxième République. Il était perçu par l’opinion publique comme l’incarnation même du
patriotisme. L’extraordinaire suite d’événements qui le porta sur le trône à la fin de 1852
demeurerait inexplicable si on ne prenait en compte l’aura patriotique qui entoure son
nom. Neveu du grand Napoléon, seul descendant de la dynastie des Bonaparte, Louis
Napoléon utilise adroitement les sentiments nationalistes associés à la mémoire glorieuse
de l’armée du Premier Empire. D’où son choix du 2 décembre pour le coup d’État et la
proclamation de l’empire : cette date est celle du couronnement de Napoléon en 1804,
mais aussi et surtout, de la victoire d’Austerlitz en 1805. Pour la grande majorité des Français du milieu du xixe siècle, l’avènement du Second Empire ressuscite le Premier. C’est
un fait historique d’une importance symbolique extraordinaire et qui sera souligné par des
festivités spectaculaires, les plus importants rassemblements populaires du siècle selon
Alain Corbin26.
Il serait étonnant que Viollet-le-Duc ait subi l’emprise du mythe napoléonien, fruit d’une
manœuvre politique qui touchera surtout les classes populaires et rurales. Par contre,
il ne fait aucun doute que les principes du bonapartisme reflètent sa pensée politique.
La promesse d’une réconciliation des divisions nationales internes grâce à un ­r égime
autoritaire et centralisateur est un leitmotiv du Dictionnaire raisonné. Viollet-le-Duc
­entretenait aussi une croyance presque religieuse dans le principe des nationalités,
base d’une Sainte-Alliance européenne qu’avait prônée Louis Napoléon dans ses Idées
napoléoniennes, en 1839.
Afin de bien saisir la force de cette symbolique unificatrice dans l’œuvre de ­Viollet-le-Duc
du début des années 1850, je propose d’examiner le décor pour la cérémonie du Te
Deum donnée à Notre-Dame, le 1er janvier 1852, en l’honneur du prince-président
­Louis ­Napoléon, célébration du plébiscite de décembre, sorte de couronnement impérial
et mort rituelle de la Deuxième République avant la lettre (fig. 8). Lassus et Viollet-le-Duc,
qui ont travaillé ensemble au projet, n’avaient évidemment pas d’autre choix que de créer
un spectacle de propagande pour le nouveau régime, ce programme étant au centre
même de la commande soumise aux architectes par le duc de Morny juste avant Noël
185127. Mais, à en juger par la force et l’originalité de leur travail, on voit qu’ils ont pris à
cœur les idéaux qu’ils avaient à exprimer. Pour cette raison, et bien qu’aucun document
24. Ibid.
25. Hobsbawm, Eric J., L’Ère du capital, Paris, 1978, p. 146.
26. Corbin, Alain, « Traces et silences des sens : propositions pour une histoire impossible », Revue européenne d’histoire, 1995,
vol. 2, p. 125.
27. Archives nationales, F21 721.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Fig. 8. «Vue intérieure de Notre-Dame pendant la cérémonie du 1er Janvier (Te Deum). – Dessin de Clerget»
tiré de L’Illustration, vol. 19, n° 464, 17 janvier 1852, p. 37. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada).
Figure 8
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
ne permette de l’affirmer avec certitude, je suis enclin à penser que Viollet-le-Duc, et non
Lassus, en a été le principal concepteur. C’est d’ailleurs Viollet-le-Duc qui fait la description détaillée de la cérémonie dans les pages de la Revue générale sans faire aucune
mention de son associé28. (Pour simplifier, je ne parlerai ici que de Viollet-le-Duc mais il ne
faut pas y voir de ma part la volonté d’évincer Lassus.)
La fête du Te Deum, janvier 1852,
ou la mise en scène de l’unité d’une nation.
Le décor est élaboré avec grande maîtrise et célérité : commencé le 24 décembre, il était fin
prêt le 1er janvier, grâce à un travail acharné de six jours et six nuits par une équipe d’ouvriers
entièrement régie par Viollet-le-Duc selon une organisation quasi militaire. Bien que le budget
alloué au spectacle ait été plutôt généreux – 125 000 francs pour la décoration seulement –,
le manque de temps a écorné la somptuosité du décor, par comparaison avec les cérémonies préparées par Percier et Fontaine ou Hittorff dans les premières décennies du siècle, ou
encore avec celles que prépareront Lassus et Viollet-le-Duc plus tard dans le Second Empire.
Mais le Te Deum de janvier 1852 était particulièrement efficace précisément du fait de son
dépouillement et de son unité.
Comme toujours dans ces fêtes à portée nationale, tout est affaire de représentation : dans
ce cas-ci, il s’agit de rien de moins que de façonner le spectacle visuel de la nation dans son
entier. Dans sa description de la Revue générale – insérée à peine quelques pages avant la
première livraison de son « Essai sur l’origine de l’art de bâtir » –, Viollet-le-Duc s’étend sur les
difficultés qu’il a eues à monter un spectacle représentatif. Il se plaint entre autres de l’« uniformité d’habits » dans la société moderne, qui limite considérablement la force d’expression
dans le cérémonial29. Il a donc dû élaborer un code visuel nouveau où l’effet sensoriel global
primait sur l’ornementation vestimentaire et iconographique particulière, impliquant une dévaluation de l’élément individuel au profit de l’ensemble.
Pour bien juger de la cérémonie, la description de Viollet-le-Duc et la magnifique gravure
de Gaucherel qui l’accompagne constituent les meilleurs guides (fig. 9). La disposition générale était d’une grande simplicité. Sur l’axe central, à la croisée du transept, était placé,
isolé, le prie-Dieu de Louis Napoléon, en velours cramoisi ; au-dessus, un dais colossal,
du même velours rouge, était suspendu à la voûte ; l’auditoire était réparti autour de ce
noyau central sur des tribunes en gradins, à l’exception du corps militaire, placé debout
au centre de la nef, derrière le prince-président, son chef. Des gradins occupant toute
la profondeur de chacun des bras du transept accueillaient les différents corps gouvernementaux. Le long des bas-côtés, deux rangées parallèles de tribunes regroupaient
les représentants des régions de France et, au fond, les femmes. Tout en haut, dans
les galeries du premier étage de l’église, d’autres gradins étaient installés pour le grand
public. L’ordre adopté était à peu près inversement proportionnel entre hauteur et hiérarchie : ceux qui se trouvaient le plus bas dans l’église, donc au plus près du niveau de
Louis ­Napoléon, constituaient le plus haut grade dans la hiérarchie.
À certains égards, le schéma organisationnel adopté par Viollet-le-Duc suit la tradition
impériale ou monarchique établie par les Menus Plaisirs sous le Premier Empire et la
Restauration : on y retrouve les mêmes structures en gradins le long de la nef répartissant les différents corps d’état autour d’un foyer central autel ou trône – spécialement
construit pour l’occasion. La cérémonie de 1852, cependant, se distingue nettement par
la spatialité et le dégagement de l’ensemble. Si on compare, par exemple, avec le décor
pour le baptême du duc de Bordeaux en mai 1821 – cérémonie à laquelle fait allusion
Viollet-le-Duc, précédent le plus proche dans son organisation –, les différences sont très
28. Viollet-le-Duc, Eugène, « Cérémonies publiques accomplies dans l’église Notre-Dame de Paris. Te Deum chanté le 1er janvier
1852 », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852, col. 3-12.
29. Ibid., col. 9-10.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Fig. 9. Léon Gaucherel, dessinateur et graveur, « Décoration de l’Église de Notre-Dame à l’occasion du Te Deum du 1er janvier 1852 »,
planche 3, Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 10, 1852. Collection de l’auteur.
Figure 9
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
Figure 10
Fig. 10. « Décoration extérieure de Notre-Dame pour la cérémonie du 1er janvier 1852 »
tiré de L’Illustration, vol. 19, 3 janvier 1852, p. 1. Bibliothèque de l’Université Laval (Canada).
marquées : alors qu’en 1821 les tribunes sont comprimées le long de la nef pour que les
spectateurs puissent bien suivre la procession entre le trône au milieu et l’autel au bout,
en 1852 les gradins emplissent les bas-côtés et le transept dans toute leur profondeur,
la nef étant elle-même occupée par le corps militaire. Le but recherché en 1852 n’est
pas tant que les spectateurs puissent tous voir la cérémonie, mais qu’ils soient groupés
en un ensemble clair. Ainsi, le dispositif théâtral de 1821 est remplacé par un schéma
symbolique : la nation tout entière se distribue selon une configuration cruciforme, avec
Louis ­Napoléon à sa tête. Afin d’accentuer la clarté de l’ensemble – et d’assurer la prééminence du prince-président –, Viollet-le-Duc bloque la zone du chœur, l’autel avec son
baldaquin gothique formant alors un écran qui délimite spatialement la cérémonie.
Bien que fermé à la circulation, le chœur n’en demeure pas moins visuellement
­accessible. Viollet-le-Duc l’exploite magnifiquement en y plaçant des centaines de
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
l­ustres et de girandoles, transformant le chœur, selon ses propres mots, « en un vaste
foyer de ­lumière 30 ». Afin de renforcer l’aspect spectral, Viollet-le-Duc dissimule cinq
cents musiciens et chanteurs dans le triforium du chœur, de sorte que lumière, chant et
musique confondus semblent provenir de la même source. La division chœur/nef, entre
l’ici et le là-bas, loin de rompre l’unité de la cérémonie, ne fait que la renforcer : à l’ouest
tous les corps de la nation avec l’archevêque et Louis Napoléon en tête ; à l’est, comme
une sorte d’ultime destination, le sanctuaire illuminé. Un dessin anonyme lithographié
par Cluget donne une très bonne idée de l’effet lumineux (fig. 11). Contrairement au
baptême du duc d’Orléans, organisé autour de la procession, le Te Deum de 1852 se
dirige vers une destination future, sorte de « chemin de lumière » semblable à celui de
Vézelay. En suggérant une fusion mystique à venir, le dispositif vise à créer chez les
participants un sentiment d’unité morale.
Cette composante religieuse de la cérémonie est évidemment liée à la dimension politique, le
Te Deum ayant pour but premier de bénir la nouvelle mission conférée par le peuple français
à Louis Napoléon. La cérémonie s’achève d’ailleurs sur une prière assez peu orthodoxe, le
Domine salvum fac Ludovicum Napoleonem, qui ne manquera pas de soulever quelques
protestations dans le clergé31. De plus, c’est le chiffre de Louis Napoléon qui domine la cérémonie, davantage que les emblèmes républicains, en une impérialisation de la République
qui avait débuté dès janvier 185132. Les initiales LN entourées de lauriers constellent la nef et
confèrent déjà au prince-président le statut de monarque.
Le programme iconographique qui se déploie à l’extérieur de l’église avait déjà préparé
le spectateur à ce couronnement (fig. 10). Viollet-le-Duc fait fixer sur chacune des tours
de l’église deux immenses toiles de plus de quatre mètres de hauteur représentant, à
gauche, Charlemagne et saint Louis, à droite, Louis XIV et Napoléon Ier, un dispositif qu’il
reprendra avec Lassus pour le mariage de l’empereur l’année suivante. De Charlemagne
à Napoléon, en passant par l’interlude monarchique, on suit un panorama dynastique tel
que l’avait déjà établi Napoléon le Grand, en 1804. À en juger par la gravure parue en
page titre de L’Illustration, le 3 janvier 1852, seuls Charlemagne et Napoléon semblent
prendre part à la cérémonie qui se déroule à leurs pieds, saint Louis et Louis XIV regardant
ailleurs. Aux portes latérales de la cathédrale, Viollet-le-Duc a fait tendre des tapisseries
des Gobelins représentant, à gauche, des scènes de l’Ancien Testament, et, à droite, du
Nouveau. Le message est clair : Charlemagne est à l’Ancien Testament ce que Napoléon
est au Nouveau. La superposition du religieux au politique montre ainsi la forme d’une
destinée historique.
À l’intérieur, le spectacle transforme en un drame unifié le message annoncé à l’extérieur.
Tout l’appareil iconographique disparaît. Seules les initiales NL demeurent, accompagnées d’un choix de musiques à connotation historique. Cela suffit amplement à évoquer
la mystique napoléonienne dans une représentation dominée par le chant, la musique, la
lumière, la couleur, et l’échelle plutôt que par une iconographie complexe. Je regrette de
ne pouvoir faire, faute d’informations, une analyse plus minutieuse du programme musical ; je souligne cependant ce chant venu du lointain, émanant du sanctuaire. Cette spatialisation de la musique, où le proche et le lointain s’entrelacent, crée en effet une sorte
de fantasmagorie acoustique. Le spectacle fait surgir à la fois l’image d’un passé mythique et d’un futur glorieux. La cathédrale, laissée relativement dénudée par ­Viollet-le-Duc,
est enfin débarrassée de son caractère troubadour : la totalité et la sublimité du spectacle
s’opposent à tout art de genre. Le Moyen Âge intègre ainsi la vie de la nation d’une façon
qui apparaît immédiate et réelle : toute nostalgie s’efface devant l’obligation collective.
Au centre de ce spectacle total, dans son uniforme militaire, tourné vers le sanctuaire
30. Viollet-le-Duc, Eugène, ibid., col. 9-10.
31. C’est le cas de Mgr Jacques Baillès, évêque de Luçon, qui refusa d’utiliser la formule prescrite. Voir Jean Maurain, La Politique
ecclésiastique du Second Empire, Paris, 1930, p. 12-13.
32. Dalisson, Rémi, Les Trois Couleurs, Marianne et l’Empereur. Fêtes libérales et politiques symboliques en France 1815-1870,
Paris, 2004, p. 215-217.
Empire, nation et idéologie militariste
chez Viollet-le-Duc
Martin Bressani
éblouissant et suivi de son état-major, Louis Napoléon apparaît prêt à aller de l’avant. La
cérémonie entière est un prélude, l’amorce d’une fusion spirituelle qu’amènera la restauration de l’Empire. Le chemin de lumière est celui d’une destinée patriotique et sacrée,
cette union sacrée que Viollet-le-Duc évoquera lui-même au front durant la guerre francoprussienne de 187033. La fusion et la complémentarité des arts au sein de la cathédrale
en est l’« annonciation ».
La restauration de l’Empire français et la restauration des cathédrales de France font désormais partie du même programme. Le temps, dirait Walter Benjamin, s’arrête de façon fantasmagorique dans le subterfuge d’un archaïsme absolu34. Viollet-le-Duc écrit l’année suivante
dans sa préface du Dictionnaire raisonné que ce qui « constitue les nationalités, c’est le lien
qui unit étroitement les différentes périodes de leur existence35 ». L’histoire, sous forme de
dictionnaire, n’est en effet plus récit mais langage, c’est-à-dire l’« âme du pays36 ». Cette âme
qui resurgit, palpable, dans les fêtes impériales ou, de façon plus réelle et souvent moins glorieuse, dans les tranchées.
33. Massillon Rouvet, Viollet-le-Duc et Alphand, p. 140.
34. Voir les chapitres « Louis-Philippe ou l’intérieur » et « Baudelaire ou les rues de Paris » dans Walter Benjamin, Paris, capitale du xixe ­siècle,
consulté le 28 mai 2007 à l’adresse http://classiques.uqac.ca/classiques/benjamin_walter/paris_capitale_19e_siecle/paris_capitale.html
35. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné, vol. 1, chap. iii.
36. Ibid., chap. iv.
Sommaire >>
Une « histoire naturelle à part » et
la sculpture d’invention de Pierrefonds
Résumé
Laurent Baridon
docteur en histoire de l’art, professeur à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère)
Pour certaines parties de Pierrefonds, Viollet-le-Duc a été contraint d’inventer des décors
sculptés. Rejetant le symbolisme chrétien qui retenait l’attention de nombreux archéologues,
il a privilégié un panthéisme primitif et ancestral. La représentation du bestiaire lui semblait
en effet relever du caractère populaire et authentique de l’art médiéval. Dans ses créations, il
a tenté de redécouvrir l’esprit d’un peuple et d’une époque à travers ses manifestations les
plus anodines. Les premiers historiens de la satire visuelle et de la caricature, Baudelaire ou
­Champfleury, partageaient cette conception. Avec ce travail de créateur, Viollet-le-Duc participa à l’histoire de la sculpture de son temps qui, par le romantisme, prenait pour sujets les
animaux, les diables, les monstres et, plus généralement, tout ce qui s’écarte de l’idéal. Son
intérêt pour l’histoire naturelle a contribué à nourrir son imaginaire.
English abstract
Contents >>
A kind of “natural history”
and the inventive sculpture at Pierrefonds
abstract
Laurent Baridon
PhD in art history, professor at université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère, France)
For certain parts of Pierrefonds, Viollet-le-Duc was obliged to invent the sculpted decoration.
Rejecting the Christian symbolism that held the attention of many archaeologists, he favoured
a primitive and ancestral pantheism. The representation of the bestiary seemed to him to be a
product of the popular and authentic nature of medieval art. In his creations, he attempted to
rediscover the spirit of a people and an era through its most insignificant expressions.
The first historians of visual satire and caricature, Baudelaire and Champfleury, shared this
way of thinking. With this creative work, Viollet-le-Duc took part in the history of the sculpture
of his time, which, via the Romantic Movement, took as subjects animals, devils, monsters,
and, more generally, all that deviated from the ideal. His interest in natural history helped feed
his imagination.
Résumé
Sommaire >>
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention
du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
docteur en histoire de l’art, professeur à l’université Pierre-Mendès-France, larha (UMr 5190),
Grenoble (Isère)
La pratique du décor de Viollet-le-Duc est au cœur des questions soulevées par l’art du xixe ­siècle
dans sa relation complexe à l’histoire et à la modernité. À Pierrefonds, Viollet-le-Duc restaure et
reconstruit l’architecture comme il rétablit et invente le décor, qu’il soit sculpté ou peint. Cette
démarche historiciste, qui, en apparence, dénie à la ruine son pittoresque évocateur pour lui ­préférer
l’état de complétude idéale, lie l’étude à la création, l’archéologie à l’art et le vestige à l’esquisse. Elle
résulte d’une conception tout à la fois romantique et positiviste qui veut étudier chaque fragment
pour en déduire une loi générale, sans toutefois renoncer à l’imagination et à la création.
Ainsi le traitement de la sculpture du château de Pierrefonds obéit d’abord à une démarche qu’il
faut qualifier d’archéologique – en se référant au contexte du xixe siècle. Il procède des fouilles effectuées avant et pendant la restauration et, même si la collecte de ce que nous appelons aujourd’hui
le mobilier n’avait pas le caractère systématique qu’elle commence à prendre la fin du xixe ­siècle1,
elle a permis de mettre au jour un grand nombre de vestiges. Ils ont nourri le Dictionnaire du
mobilier et surtout le travail de décorateur de Viollet-le-Duc à Pierrefonds. Pour ce qui concerne
particulièrement la sculpture, son traitement peut être réparti en quatre grandes catégories définies par Léon Pressouyre et Marie-Thérèse Thibierge2. La première consiste à la mise au dépôt de
la sculpture, sans réutilisation ou réemploi d’aucune sorte. La seconde est une restauration avec
remise en place. La troisième relève d’une restitution à partir de vestiges souvent peu explicites.
Enfin la quatrième procède de l’invention pure et simple, sans qu’aucun vestige ne vienne lui servir
de source ou de prétexte. Ce dernier cas retiendra particulièrement notre attention.
Viollet-le-Duc se charge de dessiner presque toute la sculpture et s’entoure d’une équipe de
praticiens, le plus souvent réduits au rôle de simples exécutants. Certains d’entre eux font
preuve ­d’expressivité. François-Antoine Zoegger sculpte sur des dessins de Viollet-le-Duc les
monstres et les hybrides des boiseries de la grande salle du donjon. Ses autres réalisations, à
­Pierrefonds comme ailleurs, témoignent d’un sens du spectaculaire et du monstrueux3. Le second est ­beaucoup plus prestigieux puisqu’il s’agit d’Emmanuel Frémiet. Celui-ci jouit d’une
indépendance certaine au sein du chantier auquel pourtant il s’intègre harmonieusement en
sculptant les animaux ­fantastiques des rampes du perron d’angle de la cour principale. Nous
proposons de rechercher les sources, les principes ­fondateurs et les rapports qu’entretient
cette sculpture avec ses modèles médiévaux et ses contextes contemporains.
Les sources médiévales
Ces créations procèdent d’une connaissance exceptionnelle de la sculpture du Moyen Âge. Dès
1855, Viollet-le-Duc réclame la création d’un musée de sculpture comparée dont il remet à ­Jules
Ferry le projet détaillé en 1878, l’année précédant son décès. Ses galeries exposeront de ­nombreux
moulages représentatifs de tous les aspects de cette sculpture, des statues les plus nobles aux
gargouilles les plus monstrueuses4. L’article « Sculpture » du Dictionnaire raisonné de l’architecture,
1. Cf. les remarques à ce sujet de Jean-Jacques Schwien dans Laurent Baridon et Jean-Jacques Schwien, « Le château du HautKoenigsbourg », Congrès archéologique de France, 162e session, 2004, Strasbourg et Basse-Alsace, Société française d’archéo­
logie, musée des Monuments français, Paris, 2006, p. 33-49.
2. Dans leur contribution au catalogue de l’exposition du Grand Palais en 1980, respectivement, « Viollet-le-Duc et la sculpture »,
p. 144-149 et « Le château de Pierrefonds : le décor sculpté », p. 164-169.
3.Cf. le dessin conservé au musée d’Orsay, Projet de deux flèches agrémentées de girouettes (ARO1988-1-144 et visible sur le site
www.photo.rmn.fr).
4. Le Musée de sculpture comparée : naissance de l’histoire de l’art moderne, actes du colloque « Le Musée de sculpture comparée :
l’invention d’un modèle au xixe siècle », tenu à Paris au musée des Monuments français les 8 et 9 décembre 1999, Paris, Centre des
monuments nationaux, Éditions du patrimoine, 2001.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
Figure 1
Fig. 1. Histoire du renard et de la poule, détail d’un chapiteau
de la galerie basse de la cour d’honneur du château de Pierrefonds.
contemporain du chantier de Pierrefonds puisque paru en 1866, est illustré ­d’exemples ­caractéristiques. Il propose des pistes d’interprétation sur lesquelles nous reviendrons. Mais, avant que
cet article soit rédigé, d’autres entrées de l’ouvrage livrent des éléments importants qui permettent
de comprendre à quelles conceptions de la sculpture médiévale leur auteur se réfère.
L’article « Fabliau5 » du tome V témoigne que le Dictionnaire raisonné est conçu comme une encyclopédie médiévale chargée d’exhumer les vestiges de ce que Viollet-le-Duc présente comme
la véritable culture de la nation française. Une large citation d’Emmanuel ­Viollet-le-Duc indique
qu’Eugène hérite de son père sa connaissance du sujet. Celui qui fut conservateur des résidences
royales sous Louis-Philippe était surtout un des premiers connaisseurs de la littérature médiévale
et un spécialiste de l’histoire de la satire, genre auquel il ne dédaignait pas de se livrer6. Les différents catalogues de vente de sa bibliothèque, comparés à celui de la bibliothèque de son fils aîné,
indiquent bien qu’en ce domaine les intérêts du second découlent de ceux du premier7. Ils partagent les mêmes analyses, notamment sur le caractère national de ces satires dont la tradition s’est
ensuite poursuivie jusqu’à Rabelais et La ­Fontaine ­ – en omettant de citer Ésope et les sources
antiques. Eugène Viollet-le-Duc défend l’idée que leur esprit, qui « raille sans blesser » pour « faire
songer en se jouant », est essentiellement différent de celui des autres traditions européennes. Il
s’accorde encore avec son père pour trouver légitime cette satire sociale qui s’en prend parfois
violemment aux prêtres et aux moines, coupables d’affaiblir le pays en prêchant des croisades ou
en empêchant « la classe laïque inférieure » de s’exprimer – autrement que par l’art.
À Pierrefonds, la tradition du fabliau sculpté est essentiellement représentée par les chapiteaux
de la galerie de la cour d’honneur. Ils représentent l’histoire du renard et de la poule, un récit
sans doute inspiré du fameux Roman de Renart, mettant en scène, comme bien d’autres récits
médiévaux, les aventures d’un goupil (fig. 1). La suite est inachevée, ainsi qu’en témoignent les
chapiteaux seulement épannelés, rendant difficile une lecture comparée précise avec les sources
médiévales. Mais leur influence est évidente.
5. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, t. 5, p. 186, article « Fabliau », p. 354-359.
6. Pour son travail d’historien de la satire, Œuvres complètes de Mathurin Régnier, avec les commentaires revus et corrigés, précédés de Histoire de la satire en France, pour servir de discours préliminaire, par M. Viollet-le-Duc, Paris, Pierre Jannet, 1853. Et pour son œuvre de satiriste,
cf. Emmanuel Viollet-le-Duc, Le Retour d’Apollon, poème satirique, à Paris, chez Jannet et Cotelle, 1812.
7. Cf. Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Viollet-le-Duc, Hôtel des commissaires-priseurs, rue Drouot. Vente du
mardi 18 au lundi 31 mai 1880, Paris, A. Labitte, 1880, n° 1174 (Fabliaux et contes de poètes français des xie, xiie, xiiie, xive et xve siècles,
publiés par Barbazan, 1808, 4 vol., avec figures de Langlois ; ainsi que les nos 1175, 1176, 1178, 1179 (Raynouard, Des troubadours et des
cours d’amour, 1817), 1180 (La Poésie des troubadours, Frédéric Diez), 1181 (Les Anciens Poètes de la France, M. F. Guessard, 1859-1870,
10 vol.), 1182 (Collection des poètes champenois antérieurs au xvie siècle, Paris, 1863). Précisons encore qu’un catalogue de vente de la
bibliothèque d’une personne anonyme, mais identifiée par des mentions manuscrites sur plusieurs exemplaires comme portant le nom de
Viollet-le-Duc, semble attester que l’intérêt de la famille pour la littérature remonte plus loin. Cette vente qui eut lieu le jeudi 15 avril 1819, et
non le 26 mars comme imprimé, serait relative à la bibliothèque de Sigismond Viollet-le-Duc, né en 1769, l’oncle d’Eugène et frère aîné de
son père Emmanuel, si l’on en croit la notice de la Bibliothèque nationale rédigée par Louis Denise (Sigismond Viollet-le-Duc, Catalogue
des livres rares et singuliers de M*** [Viollet-le-Duc], […], Paris, De Bure frères, 1819). Sur cette famille, cf. Geneviève Viollet-le-Duc, Les
Viollet-le-Duc : Histoire d’une famille, documents et correspondances, Sommières, Romain Pagès, Genève, Slatkine, 2 000.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
Force est pourtant de constater que l’esprit satirique, paillard et grotesque
ne s’exprime pas dans le décor de Pierrefonds : aucun de ces moines obèses et obscènes livrés aux vices ou aux démons, aucune expression de
cette satire sociale. La sculpture d’invention de ­Pierrefonds respecte en cela
le programme iconographique originel que Viollet-le-Duc connaissait par les
vestiges. Mais, d’une façon plus générale, celui-ci se méfie de la caricature
telle que son siècle la pratique et dont il aurait pu reconnaître une origine dans
les gargouilles et les grotesques médiévaux. Sur ce point, il fait une mise au
point à l’occasion d’un compte rendu de l’Histoire de la caricature au Moyen
Âge de Champfleury, lequel avait pourtant beaucoup puisé dans le Dictionnaire raisonné8 : « La caricature est une transposition burlesque ; ainsi, vêtir
un loup ou un renard d’un froc de moine est une caricature. La charge – le
mot l’indique – est l’exagération d’un défaut ou d’une qualité. Faire traîner à
un bonhomme son ventre dans une brouette est la charge du personnage à
l’abdomen trop volumineux. La satire est la flagellation publique infligée à un
vice ou à un travers. Montrer un prélat caressant une jouvencelle, c’est une
satire. Or le Moyen Âge est souvent satirique, plus rarement caricaturiste ou
faiseur de charges9. »
Ces définitions, bien que contestables, étaient nécessaires tant Champfleury ne se soucie guère de précision terminologique et emploie indifféFigure 2
remment « satire » pour « caricature » dans les premières pages de l’ouvraFig. 2. Eugène Viollet-le-Duc,
ge recensé. Il en est d’ailleurs reconnaissant à Viollet-le-Duc, au point de
« Tête d’homme au nez croche
reprendre verbatim ce passage dans son Histoire de la caricature sous la
et gargouille », musée du Louvre
(RF 42006).
République, l’Empire et la ­Restauration10. L’idée que le Moyen Âge pratiquait peu la caricature pose la question du rapport de Viollet-le-Duc à ce
type de figuration. Il la pratique ­lui-même, comme en témoignent certains
croquis, parfois aquarellés, de son voyage en Italie11. Dans sa jeunesse, il a
probablement fréquenté le salon de Pierre Luc Charles Cicéri, pour lequel il
travailla12, où l’on tenait un fameux « cahier des charges13 ». Mais il n’appréciait sans doute pas les
violentes attaques des journaux de Philipon et de ses dessinateurs contre Louis-Philippe. Pourtant, à l’aube de la IIIe République, il célèbre le talent de Daumier, incitant les lecteurs du xixe siècle
à visiter l’exposition dont on sait qu’elle fut un échec14. Dans son article, il ne loue cependant
pas le caricaturiste contestataire mais le philanthrope à l’art « profondément ­humain ». Il célèbre
l’artiste indépendant : « De l’Apollon du Belvédère à Daumier, il y a loin, il y a des mondes, il y a la
distance qui sépare l’académie de la vie, le convenu, l’officiel de la liberté de sentir, de penser et
de dire. » Contestation esthétique et esprit de liberté se retrouvent ici, comme dans le symbolisme
social de la sculpture médiévale sur lequel nous reviendrons plus loin. Il est cependant tout à fait
évident que la caricature intéresse peu Viollet-le-Duc, sans doute parce que les origines de cette
pratique sont italiennes et renaissantes. Et même si quelques témoignages graphiques attestent
que les procédés d’essence physiognomonique de Giambattista della Porta et de Charles Le Brun
trouvent certains échos chez lui (fig. 2), il les écarte au profit de la recherche de modes de pensée
et de formulation visuelle propres au Moyen Âge. Il y avait donc de multiples raisons pour que la
caricature n’apparaisse pas dans le programme sculpté de Pierrefonds.
8. Histoire de la caricature au Moyen Âge, Paris, Dentu, s.d., p. 236, par exemple, où Champfleury extrapole à partir d’une citation de
Viollet-le-Duc (« À la fin du xiie siècle, l’érection d’une cathédrale était une protestation éclatante contre la féodalité »), en enchaînant :
« La cathédrale pourrait-on dire est un sorte de symbole, comme en 1789 l’arbre de la liberté planté sur les places de village. »
9. Viollet-le-duc, Eugène, « Histoire de la Caricature au Moyen Âge par M. Champfleury », Encyclopédie d’architecture, 2e série,
vol. I, 1872, p. 35-39.
10. Édition de 1894, p. 24, ainsi que l’a remarqué Annie Duprat, dans Le Roi décapité : essai sur les imaginaires politiques, Paris,
Éditions du Cerf, 1992, p. 36-37.
11. Cf. Le Voyage d’Italie d’Eugène Viollet-le-Duc, catalogue d’exposition, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1980.
12. Pierre-Marie Auzas, Eugène Viollet-le-Duc, 1814-1879, Paris, CNMHS, 1979, p. 22.
13. Cf. Philippe Sorel, in Dantan Jeune. Caricatures et portraits de la société romantique. Collections du Musée Carnavalet, cat.
expo. Paris, Maison de Balzac, 1989, p. 29.
14. Viollet-le-Duc, Eugène, « L’œuvre de Daumier », Le xixe Siècle, 18 mai 1878.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
symbolique
Ce programme est presque tout entier dédié à la représentation des animaux et semble
ainsi s’écarter des intentions trop explicitement satiriques de la sculpture médiévale et
de la caricature moderne. Néanmoins, comme l’exemple des chapiteaux historiés du
­fabliau de Goupil le montrent, la représentation d’une faune naturelle ou inventée ne peut
d’emblée exclure tout sous-entendu. D’ailleurs, la plupart des exégètes de la sculpture
médiévale s’accordaient alors pour y reconnaître un symbolisme, certes moins explicite que celui de la statuaire sacrée, mais reposant sur les mêmes principes chrétiens.
­Viollet-le-Duc ne l’ignore pas ainsi qu’en attestent ses renvois aux savants volumes des
Mélanges ­d’archéologie, d’histoire et de littérature des pères Martin et Cahier. Pourtant,
il minore autant que possible la dimension chrétienne de la sculpture et de l’iconographe
en général. Jamais il n’emprunte à la « zoologie mystique » de Martin et Cahier, laquelle
est pourtant fort documentée15. En cela, il suit Champfleury, lequel se gausse des travaux
de Félicie d’Ayzac parus dans la Revue générale de l’architecture et des travaux publics,
en les qualifiant de « tourbillon de visées archéologiques16 ». Celle-ci procède en effet à
une interprétation de la symbolique du bestiaire de Saint-Denis, en s’appuyant sur la
patristique et Hrabanus Maurus. Ainsi fait-elle du chat « le symbole de la flatterie, malice
insidieuse et perfide, quand il est accroupi de la mollesse, quand il court de l’indépendance incoercible ». Ces critères ne s’appliquent pas aisément aux chats des lucarnes
de ­Pierrefonds (fig. 3), d’autant que Viollet-le-Duc n’a laissé aucun témoignage pouvant
corroborer cette hypothèse. Il est certain, en revanche, que Champfleury les appréciait
beaucoup, au point de demander à leur auteur d’accepter de les voir reproduits dans
Les Chats, au voisinage de ceux de Manet. Les animaux de Viollet-le-Duc sont ici inscrits
dans l’orbite du réalisme, dont l’auteur de Chien-Caillou était le critique attitré. Probablement est-ce ainsi qu’il faut considérer les félins des parties hautes de Pierrefonds.
D’une façon générale, les différents articles qui ont trait aux animaux dans le Dictionnaire
raisonné tentent presque toujours de relativiser ou d’oblitérer le symbolisme chrétien. À l’article « Coq », on lit qu’il « est bien entendu que le coq placé au sommet des clochers était un
symbole », celui des prédicateurs selon le Rational des divins offices17 de Guillaume Durand,
largement cité. Mais Viollet-le-Duc préfère ajouter que « de plus, il est clair que le coq était
mobile et servait de girouette », afin de plaider contre l’éradication de ces volatiles au faîte
des églises, au titre qu’il s’agit d’une spécificité nationale qu’on ne rencontre jamais en Italie.
Il en va de même des autres animaux et notamment des statues colossales de bœufs et de
chevaux de la cathédrale de Laon. Elles sont un « hommage rendu à la patience et à la force
utile des animaux qui ont contribué à l’édification de l’église, l’expression naïve d’un sentiment
de justice assez touchant18 ». Le symbolisme est relativisé au profit du fonctionnalisme et de
la sensibilité.
Viollet-le-Duc semble ne pas partager entièrement les conceptions de Champfleury
­auquel il reproche de fonder la « caricature médiévale » sur une « fantaisie » au « symbolisme inconscient » – après avoir vainement cherché à y trouver l’expression d’une révolte
populaire. Viollet-le-Duc rejette ces deux écueils. Il reconnaît que la surenchère satirique
du xve siècle relève de « fantaisies trop lourdes », « sans motifs ni raison, jusqu’au moment
où la Renaissance vient balayer des jeux d’esprit usés pour y substituer ses propres
égarements19 ». Mais c’est un défaut que ne présente pas la sculpture des siècles anté15. Martin, Arthur et Cahier, Charles, Sur quelques points de zoologie mystique dans les anciens vitraux peints. Fragment extrait
d’une monographie de la cathédrale de Bourges, Paris, Firmin Didot, 1842.
16. Champfleury renvoie à cet article en parlant des chats que Viollet-le-Duc a dessinés pour Pierrefonds et dont il reproduit un
exemple dans son livre Les Chats, p. 318 (cf. la correspondance entre les deux hommes à ce sujet dans Lettres inédites de Violletle-Duc recueillies et annotées par son fils, Paris, Libr. Impr. réunies, 1902, p. 83 et aux dates du 25 mars 1869, 21 janvier 1872 et
10 octobre 1873) ; Félicie d’Ayzac, « Mémoires sur 32 statues symboliques observées dans la partie haute des tourelles de SaintDenys », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, t. VII, 1847-1848, col. 49, 65, 97 et 129.
17. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné…, t. IV, 1859, p. 205-206.
18. Ibid., t. III (1858), art. « Clocher », p. 388.
19. Ibid., t. I (1854), art. « Animaux », p. 24.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
Figure 3
Fig. 3. Détail d’une lucarne de la cour du château de Pierrefonds.
rieurs. Pour cette période, s’il partage autant que possible le rejet du symbolisme chrétien, il avance l’hypothèse d’un symbolisme social, parfaitement conscient. Selon lui les
sculpteurs, tout comme les maîtres maçons, s’opposaient « au pouvoir des monastères »
et leurs sculptures laissent parfois transparaître leurs revendications pour retentir des
conflits qui clivaient la société médiévale. Ce faisant, ces imagiers retrouvent l’esprit des
fabliaux ou des bestiaires moralisés. Cette hypothèse rejoint l’interprétation que proposait
le père de Viollet-le-Duc à partir de ces mêmes sources.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
Panthéisme védique et esprit scientifique
Cependant, les conceptions du rédacteur du Dictionnaire raisonné s’enrichissent et évoluent
au fil de la rédaction de l’ouvrage. Utilisant les travaux d’Alfred Maury et d’Arthur de Gobineau,
Eugène Viollet-le-Duc envisage une filiation entre la symbolique médiévale et les répertoires
iconographiques de l’Inde. Dans cette généalogie, la Grèce sert de relais. Les gorgones et
les sphinx, parfois également présents sur les cathédrales ­françaises, auraient tous la même
origine lointaine. Viollet-le-Duc relit ainsi les Veda au prisme de la mythologie grecque et du
décor médiéval. Le phénix, symbole du Christ ressuscitant au Moyen Âge, présent dans le
décor grec, n’est autre, selon lui, que l’Agni des textes védiques. L’esprit du décor gothique
n’est plus à rapprocher des traditions gallo-romaines, mais d’un vieux fonds païen qui trouve
son origine dans « l’esprit de la race », tel qu’il s’est déposé dans les bestiaires : « Ceux-ci
étaient comme le résumé de l’univers, un véritable cosmos, une encyclopédie, comprenant
toute la création, non seulement dans sa forme sensible, mais dans son principe intellectuel.
Là encore nous retrouvons la trace effacée, mais appréciable encore, du panthéisme splendide des Aryas. Le vieil esprit gaulois perçait ainsi à travers le christianisme, et revenait ainsi à
ses traditions de race, en sautant d’un bond par-dessus l’antiquité gallo-romaine20. »
La symbolique chrétienne est donc écartée au profit d’une symbolique védique fondée sur l’anthropologie naissante. Ces thèses aryanistes sont alors nouvelles et Viollet-le-Duc les ­applique
aussi à l’histoire des grands modes de construction dans les Entretiens sur l’architecture comme dans l’Histoire de l’habitation humaine21. Cette explication avait l’avantage de prendre en
compte les monstres hybrides grotesques qui animent l’extérieur des cathédrales, plus efficacement que les autres types d’interprétation évoqués précédemment. Sans doute légitime-t-elle
donc les monstres de Pierrefonds qui apparaissent ainsi dénués de tout esprit satirique, comme
ennobli par cette lointaine et supposée ascendance transmise par le sang gaulois. La polychromie très vive dont bénéficient certains musequins ornant des corbeaux dans les salles évoque
d’ailleurs celle des décors de l’Inde. Il faut enfin préciser que Napoléon III aurait plus facilement
apprécié cette thèse que celle du symbolisme social, plus contestataire.
Mais, bien avant d’exposer ces idées, Viollet-le-Duc avait suggéré, dès le deuxième volume
de son Dictionnaire raisonné, de suivre une piste d’interprétation relative à sa perception du
Moyen Âge. Elle procède du dualisme de la pensée historiciste, dans la mesure où, tout en
exaltant la modernité du travail des imagiers, il en recherche les origines les plus anciennes.
Reprenant à son compte la métaphore hugolienne du livre de pierre, il présente la cathédrale comme « un cycle encyclopédique, qui renferme non seulement toute la nature créée,
mais encore les passions, les vertus, les vices et l’histoire de l’humanité, ses connaissances
­intellectuelles et physiques, ses arts et même ses aspirations vers le bien absolu22 ».
C’est donc un résumé du monde que propose la sculpture, un grand bestiaire moralisé qui ne
représente pas les survivances antiques ou les superstitions populaires, mais, au contraire,
la naissance d’un esprit scientifique. La cathédrale devient alors une sorte de muséum. Elle
présente, selon une classification spéciale, l’unité du monde et son organisation : « L’unité,
l’ordre, le classement. Tout a sa place dans la création, tout a un but et une fonction, tout se
rapporte à l’homme qui doit compte à Dieu, comme responsable à cause de son intelligence,
de toute chose créée pour lui. Ne regardons pas, dans nos monuments, ces sculptures d’animaux, souvent étranges, comme des caprices d’artistes, des bizarreries sans signification :
voyons-y, au contraire, l’unité vers laquelle tendait la pensée du Moyen Âge, les premiers efforts encyclopédiques des intelligences du xiiie siècle, les premiers pas de la science moderne
dont nous sommes si fiers23 ».
20. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné…, t. VIII (1866), art. « Sculpture », p. 245.
21. Cf. notre livre : L’Imaginaire scientifique de Viollet-le-Duc, Paris, université des sciences humaines de Strasbourg/L’Harmattan,
collection Villes, histoire, culture, société, 1996, p. 43-57 et p. 107-118.
22. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné…, t. II, 1858, art. « Cathédrale », p. 386.
23. Ibid., art. « Bestiaires », p. 205.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Laurent Baridon
Viollet-le-Duc attribue ainsi aux artistes médiévaux un intérêt pour les formes de la nature,
pour les plantes qui servent de modèles au décor des chapiteaux24. Mais il estime que ces
imagiers cherchent surtout à découvrir les méthodes dont la nature s’est servie pour « voûter
ce grand édifice qu’est le globe terrestre ». Ainsi, le fameux article « Style » du Dictionnaire
raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle explique que les maîtres maçons ont
intuitivement redécouvert les lois de la cristallographie, retrouvant la forme parfaite du triangle
équilatéral dans laquelle s’inscrit l’ogive gothique. De la même façon, il suggère dans l’article
« Animaux » que les imagiers ont su observer la nature pour créer un faune spécifique qui, tout
en étant artificielle ou monstrueuse – « innaturelle » préfère écrire Viollet-le-Duc –, constitue une
« histoire naturelle à part » : « Tout en sortant de la nature, [ces animaux] ont cependant une
physionomie bien à eux, quelque chose de réel qui frappe l’imagination : c’est une histoire
naturelle à part, dont tous les individus pourraient être classés par espèces. Chaque province
possède ses types particuliers, qu’on retrouve dans les édifices de la même époque ; mais
ces types ont un caractère commun de puissance sauvage ; ils sont tous emprunts d’un sentiment d’observation de la nature très remarquable. Les membres de ces créatures bizarres
sont toujours bien attachés, rendus avec vérité ; leurs contours sont simples et rappellent la
grâce que l’on ne peut se lasser d’admirer dans les animaux de la race féline, dans les oiseaux
de proie, chez certains reptiles25. »
On retrouve ici le dualisme de la pensée de Viollet-le-Duc, forgée d’une part au creuset
du romantisme et de son goût pour le monstrueux, et, de l’autre, à l’approche positiviste,
tournée vers la rationalité scientifique. Les grands lézards sur les murs qui tiennent de
l’ichtyosaure, les monstres et les hybrides de la galerie de la cour de Pierrefonds (fig. 4),
ou ceux des boiseries de la grande salle du donjon ressortissent à cet imaginaire scientifique qui est celui de leur concepteur et de ses contemporains. Il ne fait pas de doute
que les découvertes de l’histoire naturelle, et en particulier de la paléontologie naissante,
nourrissaient les imaginations. Dans un passage connu de La Peau de chagrin, Balzac
célèbre Georges Cuvier, « le plus grand poète de notre siècle », dont la voix fait apparaître
« d’innombrables dynasties de créatures gigantesques » provoquant une « épouvantable
résurrection26 ». Les créations de Viollet-le-Duc pour Pierrefonds s’inscrivent dans cette
fascination pour ce qu’on appelait alors des « espèces perdues » et dont Cuvier proposait
dès l’Empire les premières reconstitutions graphiques. Il a déjà été montré que la conception viollet-le-ducienne de l’histoire monumentale et de la restauration architecturale s’est
nourrie de l’histoire naturelle telle que la concevait la science romantique, et notamment
du débat entre Georges Cuvier et Étienne Geoffroy ­Saint-Hilaire. Goethe avait célébré les
idées de ce dernier en les rattachant à la naturphilosophie. ­Viollet-le-Duc, en dessinant les
monstres de Pierrefonds, se plaçait dans la même perspective que ces savants romantiques. Mais il entendait aussi prolonger la tradition des imagiers, faisant à la fois preuve
d’esprit scientifique et d’imagination créatrice. C’est peut-être la raison pour laquelle il
associe, de part et d’autre de chaque clef d’arc de la galerie de la cour, des artisans et
des monstres, rapprochant ainsi la puissance inventive des premiers de celle de la nature,
et s’inscrivant ­lui-même dans ce processus. Et ce qu’il écrit sur la sculpture médiévale
semble ­devoir s’appliquer à ses propres créations : « Cette faune innaturelle possède son
anatomie bien caractérisée, qui lui donne une apparence de réalité. On croirait voir dans
ces bestiaires de pierre, une création perdue, mais procédant avec la logique imposée à
toutes les productions naturelles27.»
24.« Quand il s’agit d’ornements, ils [les artistes du xiie siècle] ne veulent plus regarder les vieux chapiteaux et les frises romanes ;
ils vont dans les bois, dans les champs ; ils cherchent sous l’herbe les plus petites plantes ; ils examinent leurs bourgeons, leurs
boutons, leurs fleurs et leurs fruits, et les voilà qui, avec cette humble flore, composent une variété infinie d’ornements d’une grandeur de style, d’une fermeté d’exécution qui laissent bien loin les meilleurs exemples de la sculpture romane. Qui sait si ces artistes
ne trouvaient pas des joies intimes dans la reproduction monumentale de ces humbles plantes, d’eux seuls connues, cueillies et
observées longuement dans le silence des bois ? », Id., t. V, 1861, art. « Flore », p. 488.
25. Ibid., t. I, 1854, art. « Animaux », p. 23.
26. Œuvres complètes, Paris, Furne et Hetzel, 1845, p. 18.
27. Viollet-le-Duc, Eugène, Dictionnaire raisonné…, t. VIII, 1866, art. « Sculpture », p. 245.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
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Figure 4
Fig. 4. Clé d’arc sculptée dans la galerie basse de la cour d’honneur du château.
Viollet-le-Duc ne fut pas le seul à créer des monstres hybrides pour le château de Pierrefonds.
Une petite partie du programme lui échappa, contre son gré d’ailleurs, au profit d’Emmanuel
Frémiet28. Quelles qu’aient été les dissensions entre les deux artistes, il semble bien que Frémiet, lecteur de Viollet-le-Duc pour sa statuaire historique29, partageait le même imaginaire
paléontologique. Les quatre monstres spectaculaires qui montent la garde de part et d’autre
de l’escalier d’honneur l’attestent (fig. 5). Le groupe du Jardin des plantes, L’Âge de pierre,
appartient à la même veine, ainsi que le projet de reconstitution d’un plésiosaure pour le Muséum, refusé par les paléontologues sans doute effrayés de tant de réalisme. Dans ces mê28. Je remercie chaleureusement Jean-Paul Midant, le maître d’œuvre du colloque pour lequel cette communication a été écrite, de
m’avoir indiqué les résistances de Viollet-le-Duc à l’idée de devoir confier certaines sculptures à Emmanuel Frémiet. Je veux également remercier Catherine Chevillot pour m’avoir apporté d’autres informations sur ce sculpteur dont elle a étudié l’œuvre complet :
Emmanuel Frémiet, 1824-1910 : la main et le multiple, musée des beaux-arts de Dijon, 5 novembre 1988-16 janvier 1989, musée de
Grenoble, 23 février 1989-30 avril 1989.
29. Thiébault-Sisson, « Au jour le jour, une vie d’artiste, Emmanuel Frémiet », dans Le Temps, 2 et 3 janvier 1896, cité par Catherine
Chevillot, in Emmanuel Frémiet, op. cit., p. 187.
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la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
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Figure 5
Fig. 5. Emmanuel Frémiet, une des quatre sculptures ornant les rampes de l’escalier d’angle de la cour d’honneur.
mes années 1860, Édouard Riou illustre La Terre avant le Déluge de Louis Figuier. Dès 1838,
Gideon Mantell avait donné des indications très précises à John Martin pour qu’il conçoive le
frontispice du premier volume de son livre Wonders of Geology (1838). Cette gravure intitulée
The Country of the Iguanodon connut un grand succès car elle était une des premières à offrir
au grand public un résultat évocateur et pittoresque de la méthode cuviérienne de reconstitution des espèces fossiles30. Et quand ce peintre réalisa la seconde version de son fameux
Déluge, Cuvier lui-même aurait visité son atelier et se serait déclaré fort satisfait de cette
30. Rudwick, Martin J.-S., Scenes from the Deep Time, Early Representations of the Prehistoric World, Chicago and London, The
University of Chicago Press, 1992.
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
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représentation31. En 1854, le sculpteur Benjamin Waterhouse Hawkins, sous la direction de
Richard Owen, avait réalisé des reconstitutions d’animaux préhistoriques au Crystal Palace,
dans le cadre naturel du parc de Sydenham. Il proposa même, mais sans succès, la création
d’un Paleozooic Museum à installer dans Central Park à New York.
Dans ce contexte, les hybrides qui peuplent les légendes comme les marges des manuscrits médiévaux – ces créatures étranges que montraient les Voyages de Mandeville et autres
­livres des merveilles, grimoires de curiosités, aussi bien encore que l’Arca Noë d’Athanasius
Kircher – retrouvent une actualité et même, aux yeux de certains, une certaine véracité. Les
reconstitutions graphiques d’animaux disparus élaborées autour de 1850 semblent d’ailleurs
s’inspirer autant des monstres des légendes et des cabinets de curiosités que des squelettes
des fossiles récemment exhumés. L’histoire naturelle ouvrait les portes de l’imaginaire car elle
établissait qu’il y avait eu d’autres créations plus étranges que l’actuelle, dont il faut rappeler
ici qu’elle était encore un objet de curiosité, comme l’attestent le succès populaire la « girafe
de Charles X » et la fréquentation de la ménagerie du Jardin des Plantes, à Paris.
Viollet-le-Duc pensait-il que les imagiers avaient eu connaissance de ces espèces perdues,
en vertu de leur talent d’observation ? Croyait-il que les tailleurs de pierre et les sculpteurs
avaient, dans les carrières ou dans les loges, découvert des fossiles auxquels ils avait
redonné chair, comme Cuvier, Frémiet ou Waterhouse Hawkins ? Rien ne permet de l’affirmer, mais, en revanche, il est évident que Viollet-le-Duc lui-même connaissait bien les travaux des paléontologues et leurs recherches sur les fossiles. Outre les liens de sa famille
avec les Brongniart, sa bibliothèque comporte de nombreux ouvrages d’histoire natu­
relle. La géologie, qui marchait de pair avec la paléontologie par l’étude ­stratigraphique,
est évidemment un de ses domaines de prédilection puisque ­Viollet-le-Duc rédigea son
ouvrage sur la constitution géodésique et géognostique du massif du Mont-Blanc. La
paléozoologie est également représentée dans sa bibliothèque tant par les ouvrages de
Cuvier que par des écrits de diffusion, contemporains de la sculpture de Pierrefonds32.
Enfin et surtout il dessina « quelques-uns des animaux que Noé n’a pas jugé convenable
d’introduire dans l’Arche », selon la légende manuscrite d’un de ses dessins (fig. 6) montrant des espèces imaginaires certes, mais fortement inspirées des premières restitutions
paléontologiques33. Pour expliquer cette légende, il faut ici rappeler que les disciples de
Cuvier, hostiles au transformisme de Lamarck, considéraient que le Déluge des Écritures avait causé la disparition des espèces dont ils étudiaient les fossiles, quitte à devoir
­admettre plusieurs Déluges et autant de Créations.
La faune inventée par Viollet-le-Duc doit donc être perçue comme un manifeste de la
­volonté de retrouver l’art du Moyen Âge et de faire œuvre de créateur. De nombreux
auteurs affiliés au romantisme mettent en scène des animaux réels, fantastiques ou hybrides, retrouvant parfois l’esprit des anciennes légendes ainsi qu’en témoigne, par exemple, La Fée aux miettes de Charles Nodier. Il en va de même dans les arts visuels et les
animaux de la ménagerie fascinent Delacroix ou Barye comme Grandville qui, sur un texte
de Balzac, assimile les espèces du Muséum aux classes sociales qui structurent la société humaine34. Ce même Grandville se complut dans de discrètes identifications insérées
dans ses compositions35 selon une logique qui a concerné d’autres artistes. L’hybridité de
l’homme et de l’animal, voire l’assimilation de l’un à l’autre, est certes un procédé humoristique qu’exploitent presque tous les caricaturistes et qui n’est pas propre au xixe siècle.
31. William, Rosalind, Notes on the Underground World, Cambridge, M.I.T. press, 1990, p. 26-37.
32. Ceux d’Adolphe d’Archiac, par exemple : n° 1086 du catalogue de vente de sa bibliothèque (Catalogue des livres composant la
bibliothèque de feu M. Viollet-le-Duc, Hôtel des commissaires-priseurs, rue Drouot, vente du mardi 18 au lundi 31 mai 1880, Paris,
A. Labitte, 1880).
33. Selon Mme Geneviève Viollet-le-Duc, il existe au moins deux dessins sur ce sujet, sans compter les multiples croquis qui ornent
divers papiers de l’architecte (communication téléphonique du 29 août 2007).
34. Scènes de la vie privée et publique des animaux, Paris, J. Hetzel et Paulin, 1842.
35. Homme-animal. Histoires d’un face à face, cat. exp. Strasbourg-Paris, Strasbourg, Adam Biro, Musées de Strasbourg, 2004
et, plus spécifiquement sur Grandville, notre article « Hybridation d’un artiste romantique : les autoportraits en animal de
J. J. ­Grandville », p. 139-154.
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la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
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Figure 6
Fig. 6. Eugène Viollet-le-Duc, dessin à la plume légendé « Quelques-uns de ces animaux
que Noé n’a pas jugé convenable d’introduire dans l’Arche », Paris, coll. Geneviève Viollet-le-Duc.
En revanche, le fait que les artistes s’identifient, non sans humour parfois, à des espèces
animales, l’est davantage. Le bal costumé organisé par Alexandre Dumas, en 1832, en fut
sans doute la manifestation la plus éclatante. Grandville avait peint au mur des scènes en
rapport avec cet événement qui invitait les participants à venir déguisés en animal de leur
choix36. Cette parenté revendiquée par ces « jeunes lions » du romantisme manifestait le
désir d’exprimer la part de sauvagerie instinctuelle que supposait l’abandon des normes
classiques du Beau idéal. Il procédait d’une prise de position esthétique.
Viollet-le-Duc en hérite. La faune qu’il a créée participe de l’histoire de l’art du xixe siècle, au
même titre que celles des artistes animaliers. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler l’impact
des monstres et hybrides qu’il dessine pour les tours de Notre-Dame de Paris et notamment
du fameux stryge, pensivement accoudé à la balustrade pour contempler, en compagnie de
ses inquiétants congénères, les turpitudes des Parisiens. Rendu célèbre par la photographie
de Charles Nègre de 1853, son écho est prolongé par Brassaï en 1933. Il déjà été remar-
36. Dumas, Alexandre, Mes Mémoires, Paris, Michel Lévy frères, 1863, vol. 9, p. 94-101, 107 et 108 ; Barye vint en tigre du Bengale (voir
également La Griffe et la dent. Antoine Louis Barye, sculpteur animalier, cat. exp. Paris, musée du Louvre, Paris, RMN, 1996, p. 79).
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Figure 7
Fig. 7. Eugène Viollet-le-Duc, sculpture ornant les baies de son bureau, 68, rue Condorcet à Paris.
qué que certains l’avaient considéré comme une authentique sculpture médiévale37, au point
de devenir un symbole de l’édifice et d’illustrer, dès le milieu du xixe siècle, des éditions de
­Notre-Dame de Paris de Victor Hugo38. L’inventaire des créations animalières de Viollet-le-Duc
est encore à faire. Mais, pour se convaincre de son importance en tant que manifeste esthétique, on se reportera à la seule sculpture ornant la façade de la maison qu’il dessina et habita
à Paris à partir de 1862 au 68 de la rue Condorcet. Placée sur une colonnette séparant les
deux baies de son bureau-atelier, elle procède probablement d’une identification animale. Il ne
s’agit pas d’une chouette, symbole usé de la Sagesse ou d’Athéna, mais d’un hibou ­grand
duc. Jouant de son patronyme, le « grand [Viollet-le]-Duc » animalisait sa demeure dominant
Paris, assimilant les deux baies de son bureau éclairées tard dans la nuit aux yeux phosphorescents du rapace nocturne. Aussi la faune de Pierrefonds doit-elle être considérée comme
un manifeste romantique autant qu’un hommage à la créativité des imagiers du Moyen Âge.
Elle confirme la richesse de la personnalité artistique et intellectuelle de Viollet-le-Duc, dont
elle révèle ­peut-être la part la plus personnelle.
37. Léon Pressouyre, à la page 146 du catalogue de l’exposition parisienne de 1980, signale le fait chez Thomas Wright, auteur de
l’Histoire de la caricature et du grotesque, dans l’édition anglaise de 1875 (Picadilly, Chatto and Windus, p. 73-74 et fig. 44). Il en va
de même dans l’édition française de 1867, Paris, Garnier frères, p. 69.
38. La gravure de Méryon de 1853-1854 illustrant l’édition de Hugues de 1877. Cf. Ségolène Le Men, La Cathédrale illustrée de Hugo
à Monet. Regard romantique et modernité, Paris, CNRS éditions, 1998, p. 70-72. Je remercie Ségolène Le Men d’avoir attiré mon
attention sur cette question.
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Le chantier de Pierrefonds, œuvre d’état :
d’Etat :
nation et spécificités locales
Résumé
Président de séance : Jean-Michel Leniaud
professeur à l’École nationale des chartes,
directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris
Les restaurations dirigées par Viollet-le-Duc s’inscrivent dans le contexte de la centralisation politique et culturelle que les différents régimes conduisent depuis la Révolution. Mais
elles participent aussi d’un mouvement inverse et complémentaire : la découverte et la mise
en valeur des spécificités locales. Le chantier de Pierrefonds doit être interprété sous ce
double point de vue : il résulte incontestablement d’une décision du souverain, c’est-à-dire
d’un premier projet intéressant l’État et la nation, mais il s’accompagne de patientes enquêtes de terrain sur le patrimoine archéologique et monumental de l’Oise. En arrière-plan se
profile une grande personnalité scientifique du temps : Quicherat. Les deux hommes font
semblant de s’ignorer mais il suffit de rappeler que le professeur d’archéologie à l’École des
chartes ­s’oppose vigoureusement aux travaux archéologiques de Napoléon III, et donc de
Viollet-le-Duc, et qu’il est aussi l’inventeur du concept d’école architecturale, où se combinent
l’architectonique, le morphologique et le politique, pour comprendre que ce qui se passe à
Pierrefonds et dans l’Oise relève de l’instrumentalisation de la science par le politique et du
politique par la science.
English abstract
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The Pierrefonds site: a State enterprise,
between centrality and local specificities
specificities.
abstract
Chairing: Jean-Michel Leniaud
professor, École nationale des chartes,
director of studies, École pratique des hautes études, Paris
The restorations directed by Viollet-le-Duc fall within the political and cultural centralisation
that various governments undertook since the French Revolution. But they also are part of
an inverse and complementary movement: the discovery and development of local specificities. The Pierrefonds site should be interpreted using this double point of view: it indisputably
results from a decision by the sovereign –that is, of a project concerning both state and nation– but is also accompanied by patient field studies of the archaeological and monumental
heritage of the Oise region. In the background looms a major scholar of the period: Quicherat.
The two men pretended to ignore each other, but it suffices to recall that the professor of
archaeology at the École des Chartes vigorously opposed the archaeological works of Napoleon III –and thus of Viollet-le-Duc– and that he was also the inventor of the concept of the
school of architecture –in which architectonics, the morphological, and the political combined– to understand that what took place at Pierrefonds and in the Oise region was a product
of the exploitation of science by politics and politics by science.
Résumé
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La photographie panoramique
et la restauration
du château de Pierrefonds
Résumé
Aron Vinegar
professeur assistant, département d’histoire de l’art,
Ohio State University, Columbus (États-Unis)
En pleine restauration de Pierrefonds, en 1866, Viollet-le-Duc commande en effet une série de
clichés panoramiques de la structure, réalisés à l’aide d’un appareil mis au point par Auguste
Chevallier, la « planchette photographique ». Cette « planchette » produit des photographies
à effet de distorsion anamorphique résultant d’une prise de vue à 360 degrés sur disque de
verre. Au-delà du simple inventaire, Viollet-le-Duc mettra à profit le potentiel créatif de cette
technologie pour en tirer des innovations enrichissant l’acte même de la restauration.
English abstract
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Panoramic Photograph
and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
abstract
Aron Vinegar
assistant professor, Department of History of Art, Ohio State University, Columbus (USA)
In the midst of his restoration of the château de Pierrefonds in 1866, Viollet-le-Duc ordered a
series of panoramic photographs to be taken of the structure with the planchette photographique, a camera invented by Auguste Chevallier. The planchette produced anamorphically
distorted photographs that registered a 360-degree view of the horizon on a circular glass
plate. Viollet-le-Duc mobilised these photographs not simply to “survey” Pierrefonds in the
literal sense of that word, but rather in terms of the device’s ability to operate as an imagination
technology that surveyed the creative possibilities involved in the act of restoration.
Résumé
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Panoramic Photograph
and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Assistant Professor, Department of History of Art,
Ohio State University, Columbus
In the midst of his restoration, or rather, reconstruction, of the Château de Pierrefonds
in 1866, Viollet-le-Duc ordered a series of nineteen panoramic photographs to be taken
of the structure with the planchette photographique, a camera developed and patented
by Auguste Chevallier1 (fig. 1). The camera
-designed for topographical purposes- produced circular photographs that registered
a 360-degree view of the horizon on a glass
plate negative using the wet collodion process
(fig. 2). Chevallier’s aim was to perfect a technique of panoramic photography that could
be used for precision topographical mapping
of a given terrain or built environment through
photography. It was claimed that Chevallier’s
panoramic photographs could generate a
plan directly from the information registered
on their surfaces, and thus his planchette and
its resultant photographs are one of photogrammetry’s earliest manifestations.
For the shooting of the photographs, the planchette was set up along a series of points, called stations, located around the château. The
lens and protective case rotated 360 degrees,
projecting the full view from each station onto
the glass plate negative. After the panoramic Figure 1
view from a specific station was registered, the Fig. 1. Auguste Chevallier’s Planchette Photographique, 1866, Technichses
same procedure was conducted at a second Museum für Industrie und Gewerbe, Vienna, photograph by Martin Reinhart.
station onto a new plate, and so on. In order
to produce a topographical plan from the resulting series of photographs, lines are traced
from the center of two photographs through that portion of the building that appears on both
photographs until these lines meet. The point of intersection indicates the position of that part
of the building on the plan. This process is continued with a third photograph taken from a
different station, and so forth. A visual exemplification of this process is seen in a photograph
entitled Plan du Château Imperial de Pierrefonds levé à la Planchette Photographique de
Auguste Chevallier sous la direction de M. Viollet-le-Duc, architecte du Gouvernement, rapporté par M. Wyganowski, Novembre 1866, which shows the panoramic photographs taken
by the planchette positioned in their stations around a plan of Pierrefonds (fig. 3). The réseau
of intersecting and overlapping site/sight lines emanating from each photographic station are
clearly marked on the plan, demonstrating how it was supposedly generated from the process
just described. I refer to this image as the “photographic plan”.
1. This paper is derived from my forthcoming book, entitled Perspicuous Views and the Foundations of Possible Buildings, which
is an in depth account of the panoramic photographs that Viollet-le-Duc used during his restoration of the Château de Pierrefonds.
Since this paper is sparsely footnoted, it is worth stating that my book is based on archival research conducted over the years in
Paris, Beauvais, Pierrefonds, and Vienna. Many thanks to Jean-Paul Midant and Isabelle de Gourcuff for inviting me to participate in
the Pierrefonds colloquium, and to Caecilia Pieri for her assistance in editing this paper for publication.
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Figure 2
Fig. 2. Chevallier, Panoramic photograph taken from the southwest showing the main façade
of the Château de Pierrefonds, 1866, Technichses Museum für Industrie und Gewerbe, Vienna.
Viollet-le-Duc put a kinaesthetic spin on the necessity of having the planchette located at a
sequence of stations around the perimeter of the château in order to generate its plan through
triangulation. The stations are coordinated with, and superimposed on, his circulation plan for
Pierrefonds, in which the path of an imaginary viewer-visitor is clearly indicated by a broken
line interspersed with arrows. Thus the planchette was placed at different stations around the
château following the trajectory of a physical body moving around the building and eventually
through its interior courtyard.
Not surprisingly, each planchette station and photograph represented, according to ­Chevallier’s
primary metaphor for his panoramas, the embodied eye of a viewer rotating around his or her
own axis. As the original patent for the machine stated:
This movement, like the whole operation, can be explained if one imagines that the sensitive
plate is nothing but a circular mirror of which the circumference is divided into degrees, so as
to take only a certain stretch of the horizon at a time, and that the exterior images will come to
act successively on each of its parts, as they would do on the eye of an observer who turned
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Fig. 3. Plan du Château Imperial de Pierrefonds levé à la Planchette Photographique
d’Auguste Chevallier, 1866, Archives Départementales de l’Oise, Beauvais.
Figure 3
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
around himself with a regular movement –albeit
with this difference: that in the eye images succeed one another while successively occupying
the same position, that is to say by losing the
first so that one can see the second, while in the
camera they remain successively fixed.
Figure 4
Fig. 4. E. Crouzet, Diagram showing the sliding of images on
Chevallier’s panoramic photographs, from “Étude sur l’Emploi
des Perspectives et de la Photographie dans l’Art des Levers
du Terrain,” Revue du Génie Militaire, n° 22 (décembre 1901).
The implicit discussion of succession versus
superimposition in Chevallier’s passage recalls
Freud’s powerful archaeology of vision and perception, articulated through the many analogies
–and more importantly, disanalogies– he evokes
between various technical apparatuses and the
psychic apparatus, in order demonstrate the
relationships between memory and perception
and between the conscious and the unconscious as they are registered on virtual or actual
surfaces. In a famous passage on the archaeology of Rome in Civilization and Its Discontents,
Freud makes his striking disanalogy between an
archaeology of the mind that preserves all stages
of sedimented history –a psychic entity– and its
material representation: “If we want to represent
historical sequence in spatial terms we can only
do it by juxtaposition in space: the same space
cannot have two different contents.” Simply put,
the continuous accumulation of information on
the same spot would eventually reach a point
where it would begin to efface itself in an illegible
palimpsest.
Unlike Chevallier’s embodied eye in the patent, or Freud’s “mystic writing pad”, there are not
two layers or systems on the photographic device –one that receives the image and then is
cleared and another to retain its memory trace. There is only one receptive surface on the
planchette: the sensitized glass plate itself. If the plate cannot ensure, as the patent claims,
that “the exterior images will come to act successively on each of its parts” and remain “successively fixed,” there will be occlusion, and fundamentally illegible overlapping image-points
will result. Precisely because the planchette’s sensitized surface, unlike the human eye, retained everything, its success was predicated on the sharp, clear, and relatively discrete registration of successive images. The patents and supporting literature for the planchette insist at
great length that the device did not register the panorama in confused, overlapping images.
As noted in contemporary literature, however, palimpsesting was constitutive of Chevallier’s
panoramic photographs. Because of the circular rotation of the machine, the adjustable wedge-shaped shutter –even when closed down to a very narrow slot– allowed a portion of the
preceding image to slide into the viewing field of the following sector. A contemporary diagram
of this phenomenon shows that contrary to Chevallier’s claims, the machine does not produce
continuous and discrete images but rather densely overlapping ones (fig. 4). Obviously, this is
a fatal flaw for topographical mapping, which requires exact points on the photograph in order
to derive accurate measurements. Anamorphic distortion was also intrinsic to the panoramic
photographs due to the convergence of all vertical lines towards the center of the glass plate
negative, resulting in extreme vertical elongation. Chevallier’s most unabashed supporters noted that because of the imprecision, the device could not be used to generate precise plans.
Chevallier’s planchette so drastically modified the objects of its regard that it was often extremely difficult to recognize their familiar appearance, let alone to locate specific points for topographical mapping. Measurement was rendered even more difficult as the photographs of
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Pierrefonds were taken during the restoration process when the building did not always offer
clearly demarcated points for reference. To make an analogy, it was as if Viollet-le-Duc was
practicing a kind of architectural teratogeny (the experimental production of monstrosities).
He submits the building to a series of systematic disfiguring experiments during its period of
gestation and metamorphosis. As one later commentator noted, “Viollet-le-Duc had the idea
to execute a plan of the Château de Pierrefonds with the aid of images which cruelly disfigured
this beautiful structure”.
The fundamental question is then: why did Viollet-le-Duc use Chevallier’s panoramas to apparently produce an accurate plan of Pierrefonds when he knew that the panoramas were
inaccurate and constitutively deforming? Simply put, Viollet-le-Duc was interested in the planchette device precisely because of its automatic and exaggerated registering of perceptual
distortions. The planchette photographs allowed Viollet-le-Duc to constitutively distort the
château through anamorphosis and palimpsesting. His interest lay in the systematic disfiguring and transforming effects of all optical devices, from the “naked” eye to optical deformations produced by natural phenomena to photographic apparatuses. He embraced this
continuity as the basis for a theoretical and practical understanding of the relation between
representation, knowledge, and architecture.
Not surprisingly, Viollet-le-Duc considered the Château itself as a carefully constructed optical
device that surveyed its topographical surroundings from the most immediate environs to the
farthest limits of the external horizon. So close is the imbrication of vision and warfare for Viollet-le-Duc that it is often difficult to tell which is the tenor and which is the vehicle in the metaphorical transfer. One could say that for him the château was a literal “engine of visualization,”
in which vision, is caught up in a web of possible occlusions/penetrations and defensive/
offensive positions allegorized by the concept of siege warfare.
The planchette stations placed around the château were akin to a siege of the fortress; they
represent a chiasmatic doubling back of the site/sight lines in which “shots” were “fired” at the
château (fig. 3). Given that the primary use of Chevallier’s planchette was for military purposes—military engineers could use it for planning strategies of attack or defense –the panoramic camera dovetailed perfectly with Viollet-le-Duc’s consistent structural analogy between
the art of warfare and the restoration process. At the heart of this analogy between warfare
and restoration are the palimpsesting and reversal of offensive and defensive, active and passive positions. Viollet-le-Duc makes it very clear that active and passive forces are manifested
in both positions of besieged and attacker: “It often happened that the parts played by the
hostile forces were reversed, and that the assailants, driven back by the sorties of the garrisons and forced to take refuge in their camp, became besieged in their turn.”
Viollet-le-Duc argues that the real advances in attack and defense –and their mutually determining nature– were due to the engineers entrusted with the task of constructing engines
capable of both. The one “machine de guerre” that receives the most attention by Violletle-Duc is the chat –a moveable wooden structure, usually covered with planks, iron, and hides– which was pushed to the foot of fortress walls during a siege and provided cover for the
attackers to batter and sap the enemy’s towers and walls (fig. 5). Often it was part of a hybrid
structure called a chat-chateils. These devices consisted of moveable towers used to transport offensive machinery and men over the opponent’s walls. They also served to defend the
lower stories, which consisted of a traditional chat. Viollet-le-Duc notes that these structures
were described as chats fortifiés or chats faux. Through the contraction of the phrase, chats
faux, Viollet-le-Duc traces the word, eschaffaux, in modern French, échafaud, back to the Latin word, chat (the French word for “scaffolding”) Thus scaffolding, a raised wooden platform
used to support construction and restoration work, is etymologically rooted in the passive/
active terminology of siege warfare.
But the importance of the chat as a figural demonstration of the palimpsesting of passive and
active forces is also clearly, and permanently, registered on the physical structure of Pierrefonds itself. Viollet-le-Duc provided drawings for the thirty-two cats that adorn the lucarnes
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Fig. 5. A siege with a Chat in the foreground, “Architecture,” Dictionnaire raisonné, vol. 1 (Paris: B. Bance, 1854).
Figure 5
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Figure 6
Fig. 6. Eugène Viollet-le-Duc, Drawing
of two cats for the lucarnes in the interior
courtyard of the Château de Pierrefonds,
1865, Médiathèque de l’architecture
et du patrimoine, Paris.
of the interior courtyard. In fact, the cats Viollet-le-Duc designed for Pierrefonds display quite
specific qualities that link them to the palimpsesting of active and passive forces for which I have
been arguing (fig. 6). Arched backs, pinned-back
ears, contracted haunches, and particular facial
expressions register what the ethologist Paul
Leyhausen calls the “mutual superimposition of
attack and defense behavior.” One can correlate to a very precise degree the nature of this
superimposition by comparing Viollet-le-Duc’s
drawings to Leyhausen’s diagrammatic illustration of this phenomenon. Many of Viollet-leDuc’s drawings tend to range in the bottom right
of Leyhausen’s diagram –the area of maximum
superimposition of attack and defense behavior
(fig. 7). But these antagonistic impulses never
perfectly overlap into the frozen figure of that
superimposition (one assumes that a perfect
superimposition of attack and defense behavior
would result in stasis). It is the complete range of
figural possibilities enabled by the palimpsesting
of active and passive forces that Leyhausen’s
diagram records, and this is what Viollet-le-Duc
is ultimately interested in exploring.
Figure 7
Fig. 7. Paul Leyhausen, Diagram showing the superimposition
of attack and defense behavior in cats,
from Cat Behavior (New York: Garland Press, 1979).
In the scholarship on Viollet-le-Duc, the “struggle” between passive and active forces is usually interpreted as “resolved” through the principle of equilibrium. And this emphasis on equilibrium is part and parcel of the stabilized and reassuring understanding of Viollet-le-Duc’s
approach to architecture and restoration as a matter of harmony, balance, and organic totality.
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Figure 8
Fig. 8. Chevallier, Panoramic photograph of Pierrefonds
taken in front of the main entranceway, 1866,
archives départmentales de l’Oise, Beauvais
Figure 9
Fig. 9. Chevallier, Panoramic photographic taken from
interior courtyard of the Château de Pierrefonds, 1866,
Technichses Museum für Industrie und Gewerbe, Vienna.
In this scenario, the Gothic structure is explained as a carefully calibrated technical device
that equalizes and counterbalances pressures onto specific points and thus demonstrates its
mastering of material forces. The supposed homeostatic elasticity of the Gothic Structure –a
function of its dynamic equilibrium of interdependent parts– is then extrapolated to all aspects
of Viollet-le-Duc’s work, including his understanding of temporality, community, and politics.
In a cruel twist of fate, this characterization of his approach to restoration, summarized by
the phrase “structural rationalism”, has become his legacy, and the purported reason for his
influence as a theorist and precursor of modern architecture.
Of course, there is ample documentation in Viollet-le-Duc’s oeuvre to support such a claim,
but there is equal evidence to suggest otherwise, and I would like to make the strong case
that calling Viollet-le-Duc a structural rationalist is misleading at best, and at worst, it is simply
wrong.2 Viollet-le-Duc’s practice tends to undermine organic balance, through an emphasis
on figural excess, monstrous deviations, condensations, displacements, and repressions. In
his work, equilibrium is never totally recovered by any counter-defense, but nor is the “protective shield” merely overwhelmed. Viollet-le-Duc’s palimpsesting of attack and defense is
more akin to a chiasmatic exchange that never quite stabilizes than a dialectic resulting in a
subsequent balance of opposing forces. The play between the two creates what Deleuze has
called a “plane of consistency”: a membrane or surface where form never quite stabilizes but
is in constant transformation through continuous foldings, contractions, and expansions. And
this “plane of consistency” required the craft of the surveyor in order to measure the “longitude
and latitude” of its possible configurations.
For Viollet-le-Duc, Chevallier’s anamorphically distorted panoramic photographs provided
a flexible surface of inscription perfectly suited to surveying Pierrefonds’ imaginative pos2. Also see my article, “Viollet-le-Duc and Restoration in the Future Anterior,” Future Anterior, vol. 3, n°. 2 (Fall 2006), p. 57-67.
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
Figure 10
Fig. 10. Venn Diagram, from J. N. Mohanty, “Method of Imaginative Variation in Phenomenology,”
from Thought Experiments in Science and Philosophy, ed. Tamara Horowitz and Gerald J. Massey
(Savage, Maryland: Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 1991).
sibilities. If the metaphorics of perspective since the fifteenth century emphasize the denial
of the opacity of the surface in return for a window to look through –a literal attempt to
“pierce through the wall,” as Renaissance commentators put it– then anamorphosis has
always been the systematic disfiguration of perspective: a blocking off, filling-out, restoration, and transformation of the pierced surface. If trauma, in the strict sense of the term,
is a literal breach in a structure’s “protective shield”, leaving it damaged or in ruins, the
panoramic photographs simultaneously restore the physical surface of the structure and
allow imaginative elaboration to occur.
I would argue that Viollet-le-Duc used the panoramic photographs of Pierrefonds to submit
the building to a series of imaginary deformations, a process called eidetic or imaginative variation in phenomenological methodology. Viollet-le-Duc takes advantage of the anamorphically
distorted photographs to condense, stretch, abstract, and project the forms of ­Pierrefonds
beyond their given limits (fig. 8). The architectural features of the château are elongated vertically, condensed in overlapping planes, and then spread out in a fan-like manner over the surface of the image. The photographs taken in the courtyard of Pierrefonds show very clearly the
rhythmic undulation of the architectural forms as they extend across the surface of the image.
The anamorphic deformations twist and stretch the colonnaded gallery and other architectural
elements like an image imprinted on a sheet of rubber (fig. 9). In other photographs, the building is so radically condensed, vertically elongated, and displaced to the outer edges of the
photograph, that it looks –in optical terms– like a peripheral view, rather than a foveal one; it is
an image that seems to have been created in a state of distracted reverie rather than focused
attention (fig. 2).
Due to their anamorphic qualities, many of the photographs show the scaffolding tightly woven into the architecture itself (fig. 9). Anamorphosis not only disfigures the rigid architectonic
latticework of vertical and horizontals poles, but it also actually pulls them taut into the lithic
structure and weaves them in and out through any available openings. These photographs
recall the wooden structures, such as the chat, Gallo-Roman fortified camps, temporary wooden defensive structures, etc., that are woven into Viollet-le-Duc’s own generating narrative of
the history of the château as such. In fact it is only in these “provisional constructions” that the
traces of these structures survive in active use. In this way, the scaffolding operates as a mode
of transference within the restoration process. The photographs tacitly acknowledge that the
conceptual and perceptual scaffolding supporting the process of analytic reconstruction is
Panoramic Photography and the Restoration
of the Château de Pierrefonds
Aron Vinegar
always within the work of the image and thus itself always under constant deformation and
transformation. The architectural object contains within itself the phases and phantasms of
its construction and destruction; its framing conditions are within the scene of representation.
Viollet-le-Duc seems to want us to mistake the scaffolding for the building: to recognize that
restoration is a “construction provisoire”. We can literally see Viollet-le-Duc’s use of the panoramic photographs as a kind of free floating analysis, one that is a subtle and imaginative
tool attuned to the rhythms and repressed figures in its object of regard. If the planchette was
placed at different stations around the château following the trajectory of the viewer-visitor,
then the experience of Pierrefonds is meant to be an exercise in imagination; the viewer’s
judgments are continually challenged and honed as he or she encounters multiple horizons
of discovery. The anamorphically distorted photographs hyperbolize the effects of contraction
and expansion, revelation and concealment, that are experienced by an actual viewer walking
around Pierrefonds.
If the ultimate purpose of eidetic variation in phenomenology is to find the essential structure present through all these possible variations, I posit that the essential structure of the
­Pierrefonds restoration, illustrated by Viollet-le-Duc’s use of the panoramic photographs, is,
to a great degree, imagination itself –the essence or invariance of imagination being precisely
variation, change or transformation. The philosopher J. N. Mohanty uses a Venn diagram to
illustrate the process of imaginative variation (fig. 10). Like a series of Francis Galton’s superimposed photographs, the overlapping variations that do not coincide at the same point neutralize each other and become indistinct, while the common or invariant features that endure
throughout the variations are sharply distinct and focused at the center of the diagram. In the
panoramic photographs, it is exactly the reverse: the center is a blind spot and what remains
constant is the continual process of tracking the imaginative variations that circle around and
trace the contours of this “essential” void.
I hope that through this particular example of Viollet-le-Duc’s use of panoramic photography at the Château de Pierrefonds, I have gone some way towards revealing the “mutation
machine” that has always been working within the overcoding of Viollet-le-Duc’s theory and
practice of restoration.
Sommaire >>
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre et le dessein
archéologique de Napoléon III
Résumé
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
docteur en archéologie, chercheur associé à l’UMR 5140, Lattes (Hérault)
À l’automne 1857, pendant son séjour à Compiègne, Napoléon III visite les vestiges antiques
de Champlieu (Orrouy, Oise) et y envoie également Félicien de Saulcy, Prosper Mérimée et
Eugène Viollet-le-Duc afin de recueillir leur avis. À la suite de ces visites et avis, l’empereur
désirera faire classer le site comme monument historique et les éléments du dossier seront
rassemblés par Viollet-le-Duc, qui sera ensuite chargé des fouilles réalisées en 1859, parallèlement au chantier de restauration du château de Pierrefonds.
Peu après, alors qu’il a entrepris la mise en route de son ouvrage consacré à Jules César (paru
en deux volumes, en 1865 et 1866), Napoléon III fait de nouveau appel à ­l’architecte pour
diriger les fouilles du site de Saint-Pierre-en-Chastres, en forêt de Compiègne, où un camp
de César datant de la campagne contre les Bellovaques pourrait être localisé. ­Viollet-le-Duc
y fouilla de 1861 à 1865. Il supervisera également pour l’empereur les fouilles du mont
­Saint-Marc.
Cette communication s’attache à retracer ces événements dans leur contexte et à préciser
leur lien avec les projets archéologiques de Napoléon III.
English abstract
Contents >>
Viollet-le-Duc, the Champlieu
and Camp de Saint-Pierre excavations,
and Napoleon III’s archaeological plans
abstract
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
PhD in archaeology, researcher associated with the UMR 5140, Lattes (Hérault, France)
In the autumn of 1857, during his stay in Compiègne, Napoleon III visited the ancient ­remains
of Champlieu (Orrouy, Oise) and sent Félicien de Saulcy, Prosper Mérimée, and Eugène
­Viollet-le-Duc there to record their opinions. Subsequent to these visits and opinions, the emperor wanted to list the site, and the elements of the dossier were assembled by ­Viollet-le-Duc,
who was in charge of the excavations carried out in 1859, at the same time as the restoration
of the Château de Pierrefonds. Soon afterwards, when he started working on his book on
Julius Caesar (published in two volumes in 1865 and 1866), Napoleon III once again called
on the architect to direct the excavations at Saint-Pierre-en-Chastres, in the Forest of Compiègne, where one of Caesar’s camps during the campaign against the Bellovaci was thought to be located. Viollet-le-Duc carried out excavations there from 1861 to 1865. He also
supervised the excavations at Mont Saint-Marc for the emperor. This paper endeavours to
trace these events in their context and to make clear their ties to the archaeological projects
of Napoleon III.
Résumé
Sommaire >>
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
docteur en archéologie, chercheur associé à l’UMR 514, CNRS, Lattes (Hérault)
À l’automne 1857, lors de son deuxième séjour à Compiègne, Napoléon III va prendre plusieurs
décisions importantes concernant des monuments antiques et médiévaux de l’Oise. En effet,
après avoir visité les ruines du château de Pierrefonds l’automne précédent, et peu de temps
après son arrivée1, il confie la restauration de l’édifice à Eugène Viollet-le-Duc et les travaux
débuteront dès le 15 janvier 1858. Dans le même temps, il « redécouvre » le site antique de
­Champlieu, sur la commune d’Orrouy, au sud de la forêt de Compiègne, qu’il va faire classer comme monument historique et pour lequel il souhaite de nouvelles fouilles, qui seront conduites en
1859 par Viollet-le-Duc. Cet intérêt pour les vestiges antiques de Champlieu marque la première
action archéologique de l’empereur en forêt de Compiègne, qui sera suivie de plus de dix ans de
fouilles régulières, confiées à un magistrat et érudit local, Albert de Roucy.
Deux années plus tard, alors que Napoléon III a entrepris son ouvrage consacré à Jules César
et que, dans ce but, via la Commission de la topographie des Gaules qu’il a créée en 1858,
il fait exécuter de nombreuses fouilles et s’intéresse au mont de Saint-Pierre-en-Chastres,
au nord de la forêt de Compiègne, où César aurait pu installer un camp lors de la campagne contre les Bellovaques, en 51 avant J.-C. Il décide de faire également fouiller le lieu et
s’adresse alors encore à Viollet-le-Duc pour conduire les opérations, qui s’échelonneront de
1861 à 18652.
Ces deux séries de fouilles que l’empereur confie à Viollet-le-Duc font partie d’un grand projet
archéologique, autour d’une nouvelle passion impériale. Pour cette entreprise, Napoléon III
saura toutefois s’entourer de personnalités de premier plan, mais aussi d’érudits locaux dont il
mettra à profit les conseils avisés. Ce projet trouvera son aboutissement dans la réalisation de
fouilles, dans plusieurs expérimentations archéologiques, dans la création de musées, notam­
ment de celui de Saint-Germain-en-Laye, et dans la publication de l’ouvrage de Napoléon III
sur Jules César. Cette intense activité placera ainsi la France parmi les pays européens les
plus avancés en matière d’archéologie et d’histoire de l’art à cette époque.
Champlieu (commune d’Orrouy)
La visite de Napoléon III, accompagné de l’impératrice Eugénie et de leurs invités, le
27 ­octobre 1857, à Champlieu3, s’inscrit dans le cadre des promenades à vocation archéologique que l’empereur, seul, en famille ou avec ses invités, avait instaurées dès l’automne
1856 aux « Séries de Compiègne ». Mais elle s’inscrit aussi à la suite d’autres visites récemment effectuées lors de son séjour au camp de Châlons : l’empereur s’est en effet rendu, le
6 septembre précédent, sous la conduite d’un érudit local, au « camp d’Attila » à La Cheppe
et au tumulus de Bussy-le-Château, deux sites voisins de son camp de manœuvres militaires.
Le camp d’Attila ayant particulièrement retenu son attention, il décide d’y faire pratiquer des
fouilles et y envoie dans ce but un détachement de soldats, à partir du 21 septembre ; rien
d’étonnant, donc, au choix de sa destination en ce 27 octobre. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il ait demandé quel site antique il pouvait voir dans les environs de sa résidence et
qu’on lui ait alors indiqué les vestiges de Champlieu, dont les découvertes récentes devaient
être présentes dans les mémoires.
1. La famille impériale est arrivée à Compiègne le 18 octobre 1857. La visite à Pierrefonds se situe le 23 octobre.
2. Ce site ne fut pas seulement fouillé en 1862, comme on le trouve indiqué généralement.
3. Le lecteur trouvera les principales sources et indications bibliographiques relatives à cette visite et à ses conséquences dans :
Berdeaux-Le Brazidec 2000 et Berdeaux-Le Brazidec Marie-Laure, « L’archéologue au service de l’Empereur », Prosper Mérimée
sous le Second Empire, Actes du colloque de Compiègne, 18 octobre 2003, Paris, RMN, 2007, p. 69-97. Ne seront indiqués dans les
notes suivantes que les éléments non cités dans ces références. Le principal dossier d’archives concernant « Orrouy (Oise). Camp
romain de Champlieu » est conservé à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 80/26/43.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
En effet, après des trouvailles éparses plus anciennes, c’est en mars 1850 qu’eut lieu la mise
au jour fortuite de nombreuses sculptures d’époque romaine provenant d’un temple, sur un
terrain appartenant au baron Edmond de Seroux. Ces découvertes importantes furent divulguées aux sociétés savantes et, en mai 1850, la Société française d’Archéologie fit fouiller le
temple sous la direction de l’architecte François Thiollet4 (1782-1859). La poursuite des fouilles
du temple fut envisagée sur des crédits de la Commission des monuments historiques5, mais,
comme le baron de Seroux ne souhaitait pas se séparer des objets exhumés, l’allocation fut
reportée l’année suivante sur le monument situé de l’autre côté de la voie romaine, un théâtre6.
Ces fouilles, sollicitées par Edmond Caillette de l’Hervilliers (1825-1876), furent dirigées par
le sculpteur Antoine Marneuf (1795-1865), également maire d’Orrouy, qui avait déjà participé
à la campagne précédente. Hormis quelques publications et le dégagement isolé de contreforts du théâtre, en 1854, le site n’avait pas connu d’autres activités archéologiques avant le
passage de l’empereur.
En 1857, les vestiges alors visibles de Champlieu sont situés de chaque côté de la voie romaine : d’une part des éléments du temple, dont une partie des sculptures laissées sur place par le
baron de Seroux, les autres ayant été mises à l’abri dans son château de ­Béthisy-Saint-Martin,
et, d’autre part, un monument en forme de fer à cheval, recouvert de terre et de gazon. C’est
ainsi que Napoléon III découvre le site le 27 octobre. Il s’interroge sur ce monument, où il reconnaît immédiatement un théâtre, et manifeste le désir d’en savoir plus à son sujet ; il convoque
donc aussitôt trois personnalités pour connaître leur avis : Félicien de Saulcy7 (1807-1880),
Prosper Mérimée (1803-1870) et Viollet-le-Duc. Arrivés de Paris dès le lendemain, ceux-ci sont
guidés sur le site par Victor Grisart (1797-1877), l’architecte du palais de Compiègne. De retour de leur visite, ils informent l’empereur qu’il s’agit très certainement d’un théâtre d’époque
­mérovingienne : ils y voient alors en effet l’un des cirques que le roi Chilpéric fit construire en 577
dans le Soissonnais, en s’appuyant sur les textes de Grégoire de Tours et sur l’observation de
méthodes de construction, selon eux très grossières. Cela faisait ainsi du théâtre de ­Champlieu
un monument des plus rares en France. Napoléon III confronte ensuite cet avis à ceux de
personnalités locales, notamment celui d’Achille Peigné-Delacourt (1797-1881), directeur de la
filature d’Ourscamp et archéologue. Celui-ci penchait pour l’hypothèse d’un théâtre d’époque
romaine et s’engagea d’ailleurs dans une vive polémique avec Saulcy. Face à l’incertitude de
la datation et l’intérêt de l’ensemble des vestiges de Champlieu, l’empereur décide, début novembre 1857, de faire classer les monuments8 et surtout de faire pratiquer des fouilles notamment dans le but d’apporter des précisions chronologiques. À cette fin, il charge Mérimée d’en
informer le ministre d’État Achille Fould (1800-1867), ce qui fut fait dès le 14 novembre.
En séance du 27 novembre, sur la base du rapport de Mérimée, la Commission des monuments historiques vota le classement du temple et du théâtre et donna son accord pour la
poursuite des fouilles. Mérimée demanda alors que Viollet-le-Duc soit chargé de relever les
emplacements à fouiller et d’établir un devis des dépenses occasionnées par ces recherches.
Dès le 23 décembre suivant, Viollet-le-Duc envoyait ses premiers plans et un devis d’un
montant de 5 800 francs, couvrant principalement l’acquisition des terrains. Entre-temps,
Saulcy avait publié dans le numéro du Courrier de Paris du 19 novembre une chronique
scientifique sur Champlieu, rappelant les fouilles anciennes, expliquant leur visite, décrivant
et datant le théâtre. Notons au passage que, dans cet article, Saulcy qualifie Viollet-le-Duc
d’­« ­architecte-archéologue ».
4. À son propos voir : Pinon, Pierre, « François Thiollet », Album Thiollet, Société archéologique de Sens, Sens, 1994, p. 5-14 et
Giguet G., « Notice sur M. Thiollet », Bulletin de la Société archéologique de Sens, VII, 1861, p. 217-221.
5. Procès-verbaux originaux de la Commission supérieure des monuments historiques, séance du 24 mai 1850, rapport de Prosper Mérimée (Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 80/15/7, p. 26).
6. Procès-verbaux originaux de la Commission supérieure des monuments historiques, séance du 11 avril 1851, rapport de Charles Lenormant (Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 80/15/7, p. 186).
7. Un récent hommage vient d’être rendu à cette personnalité influente du xixe siècle : Garnier, Jean-Pierre,
« Hommage à Louis-Félicien-Joseph Caignart de Saulcy (1807-1880), à l’occasion du bicentenaire de sa naissance »,
Bulletin de la Société française de Numismatique, mars 2007, p. 65-68.
8. Cette décision semble être une « initiative spontanée » de Napoléon III, comme le rapporte Peigné-Delacourt, Achille,
« Le théâtre de Champlieu », Mémoires de la Société académique de l’Oise, III, 1856-1858, p. 569.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Après les premières indications de Viollet-le-Duc, le dossier de Champlieu fut transféré au
préfet de l’Oise et l’année 1858 fut occupée par de longues négociations relatives à l’acqui­
sition des terrains9 : bien évidemment, l’intérêt de l’empereur et le classement des monuments avaient sensiblement fait monter les prétentions des propriétaires. Il fallut donc revoir
à la ­baisse le nombre de parcelles à acheter et finalement recourir à l’expropriation pour
cause d’utilité publique, dont le décret fut signé par Napoléon III à Compiègne le 1er décembre 1858. Le temps que le dossier administratif soit réglé, les fouilles purent commencer en
mai 1859, sous la direction de Viollet-le-Duc, qui intervenait en voisin, depuis le château de
Pierrefonds.
Avant le début des fouilles, Viollet-le-Duc retourna plusieurs fois sur le site, poursuivant ainsi
ses observations sur les monuments et notamment le théâtre. Cela lui permit d’envoyer une
note, lue par Stanislas Prioux, au congrès archéologique de la Société des Antiquaires de
Picardie tenu à Laon en septembre 1858 ; cette note concernait la cinquième question du
congrès, relative aux antiquités de la période mérovingienne et affirmait à nouveau que la
datation du théâtre de Champlieu était à situer à cette époque. Il s’accordait donc toujours
à ce sujet avec Saulcy, qui venait par ailleurs de visiter le théâtre de Soissons et l’attribuait
aussi aux Mérovingiens par comparaison avec Champlieu ; ceci était de nouveau réfuté par
Peigné-Delacourt, qui regrettait d’ailleurs l’absence de Saulcy et de Viollet-le-Duc au congrès
pour une discussion ouverte10.
Les controverses étant toujours aussi tenaces, les fouilles étaient donc très attendues.
­Elles débutèrent très exactement le 11 mai 1859, comme l’indiquent le Journal des travaux de restauration du château de Pierrefonds et le registre de paie des ouvriers du
chantier de Champlieu11. Elles furent placées sous la surveillance de l’inspecteur des travaux de Pierrefonds, Lucjan Wyganowski, qui utilisa une équipe d’ouvriers provenant du
chantier du château. Ainsi, selon les besoins, il y eut sur le terrain jusqu’à trente ouvriers,
accompagnés d’un ou plusieurs maçons et de deux ou trois voituriers ; leur chef d’équipe
était Michel Schreiner. Les entrepreneurs Millon et Sauvage, venus de Paris, fournissaient
le matériel commandé.
Le 22 juin12, Viollet-le-Duc écrit à Henri Courmont (1813-1891) qu’il a besoin de piquets pour
planter des treillages autour du site et surtout que « les découvertes de Champlieu deviennent
du plus grand intérêt. Toute la pierre est visible ainsi que les premiers gradins. Il y a eu évidemment deux constructions : l’une, romaine, puis une reconstruction, plus récente, mérovingienne. C’est maintenant qu’on voit la construction romaine. » Il donna à peu près les mêmes
informations quelques jours plus tard à Saulcy13, à qui il envoyait régulièrement les monnaies
découvertes à identifier.
Les fouilles se poursuivirent pendant l’été et l’automne 1859. Napoléon III vint les visiter le
7 novembre 1859 ; Wyganowski fit même à cette occasion un croquis de l’Impératrice, la
montrant enveloppée dans une cape et coiffée d’un chapeau orné d’une grande plume14. Le
chantier attira aussi plusieurs visiteurs, qui eurent parfois du mal à y accéder, comme s’en plaignit Peigné-Delacourt. Parmi ces visiteurs, il y eut très certainement un photographe de Beauvais, Charles Caron ; c’est au cours des fouilles Viollet-le-Duc que furent certainement prises
plusieurs photographies attribuées à ce photographe et conservées aujourd’hui au ­musée
9. Seul le baron de Seroux donna son terrain à l’État, contre un service de porcelaine de Sèvres qu’il ne reçut jamais ! Voir à ce sujet
Berdeaux-Le Brazidec 2000.
10. Congrès archéologique tenu à Laon par la Société des Antiquaires de Picardie les 31 août, 1er et 2 septembre 1858, Bulletin de
la Société académique de Laon, IX, 1859, p. 42-43. Stanislas Prioux avait déjà utilisé les arguments de Viollet-le-Duc sur la datation
mérovingienne, transmis par Saulcy, dans un article sur Champlieu publié dans L’Artiste, nouvelle série, IV, 1858, p. 43-44.
11. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 80/14/9.
12. Lettre conservée dans le fonds privé Viollet-le-Duc, dont des extraits sont cités dans Auzas, Pierre-Marie, Eugène Viollet-le-Duc,
1814-1879, Paris, CNMHS, 1979, p. 156.
13. Bibliothèque de l’Institut, correspondance Félicien de Saulcy, manuscrit 2282, pièce 118, lettre datée du 26 juin 1859.
14. Dessin à la mine de plomb conservé au musée national du château de Compiègne, inv. C.38.2943, don de l’architecte en chef des
monuments historiques, Henri Bernard, en 1928.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Figure 1
Fig. 1. Plan du théâtre de Champlieu par Viollet-le-Duc, fouilles de 1859,
publié dans la Revue archéologique de 1860.
d’Orsay15 : sur deux d’entre elles on voit en effet le théâtre en cours de dégagement tandis
que sur d’autres on distingue nettement la présence de la clôture installée à cette époque.
Les fouilles et restaurations de Champlieu se terminèrent le 9 décembre 1859 et ­Viollet-le-Duc
en publia les principaux résultats dans le numéro de janvier 1860 de la ­Revue archéologique.
Il remit ses comptes définitifs en février 1860, ces derniers s’élevant à 17 200 francs contre
les 5 800 prévus en 1857 ! Les objets découverts furent déposés à la bibliothèque du palais
de Compiègne.
La publication de Viollet-le-Duc est assez succincte, car il s’agissait sans doute de publier rapidement pour essayer de clore la polémique sur la datation. Pour le théâtre, ne
cherchant pas de fondations qu’il estime ne pas exister, Viollet-le-Duc s’est apparemment
contenté de faire déblayer la scène et dégager en partie les murs, ce qui lui permettait de
proposer un plan (fig. 1). Il persiste à y voir une première construction romaine détruite
puis une reconstruction à l’époque mérovingienne, en raison notamment du remblai de
l’orchestre datable de la fin de l’Empire romain ; ces données ont depuis été actualisées
par les travaux de l’équipe sicilienne du professeur G. Di Stefano, qui montrent plusieurs
états du monument, construit au cours du iie siècle16. Une grande partie des murs est recouverte de terre ou restaurée ; Viollet-le-Duc s’en explique ainsi : « Quelques portions de
murs ont seulement été consolidées dans le théâtre pour arrêter leur dégradation ; mais
ces reprises ont été faites de manière qu’il est facile de distinguer les restaurations au
milieu des parties anciennes. » Pour le temple, Viollet-le-Duc a dégagé l’ensemble de la
structure et en donne le premier un plan complet (fig. 2). Malheureusement, il manque les
observations stratigraphiques nécessaires à la chronologie du bâtiment, mais ses plans
ont permis, en association avec des relevés plus récents, de proposer des restitutions de
15. Don O. de Lapparent en 1992 de 63 négatifs-papier, inv. 1992-2012-1 à 63.
16. Di Stefano, Giovanni, « Le théâtre gallo-romain de Champlieu (rapport préliminaire sur les campagnes de fouilles 1995, 1996 et
1997) », Archéologie de la Picardie et du Nord de la France, Revue du Nord, LXXX, 1998, n° 328, p. 227-234.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Figure 2
Fig. 2. Plan du temple de Champlieu par Viollet-le-Duc,
fouilles de 1859, publié dans la Revue archéologique de 1860.
Figure 3
Fig. 3. Chapiteau du temple de Champlieu par Viollet-le-Duc,
fouilles de 1859, publié dans la Revue archéologique de 1860.
l’édifice dans son dernier état (dernier quart du iie siècle). Les nouveaux éléments sculptés
découverts (fig. 3) ont été mis à l’abri dans une petite « baraque » que Viollet-le-Duc a fait
construire sur le site, ce dernier étant également clôturé pour le ­préserver d’éventuelles
dégradations.
Sans attendre la fin des fouilles et la publication de Viollet-le-Duc, Saulcy publia, dès le 20 novembre 1859, dans L’Opinion nationale un article visant à asseoir la datation du théâtre, dans
lequel il qualifiait le site de « véritable Pompéi française » et il invitait le lecteur à faire « le pèlerinage de Champlieu ». Après une telle publicité, il ne restait plus qu’à assurer l’accueil sur
le site et c’est ce à quoi l’administration s’employa immédiatement17. Le 31 décembre 1859,
un décret du ministre nommait Denis Ramet, soixante-sept ans, médaillé de Sainte-Hélène,
premier gardien des ruines de Champlieu à compter du 1er janvier 1860 ; par ailleurs, des panneaux indicateurs étaient posés sur la route de Compiègne à Champlieu.
La rapidité des publications et, somme toute, celle des fouilles souhaitaient avoir le dernier
mot sur la datation du théâtre de Champlieu. Mais les adversaires de l’existence d’un monument mérovingien continuèrent à se faire entendre, notamment pour dénoncer des erreurs
de Viollet-le-Duc : ainsi, Peigné-Delacourt contesta certains réaménagements masquant des
17. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 80/11/4.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
parties de murs18 ; Arcisse de Caumont (1801-1873) fit de même pour les restaurations19 qu’il
trouvait négligées et décrivit comme « des pierres de toute forme empâtées dans un mortier
terreux peu durable ». Il est par ailleurs vrai que la couche de terre réinstallée sur la plupart des
murs limitait de fait de nouvelles observations sur le terrain. Finalement, lors du Congrès des
délégués des sociétés savantes d’avril 1860, Caumont trancha l’affaire en attribuant le monument à la seule période romaine20. Les fouilles du théâtre et du temple en restèrent là mais, à
partir de 1863, Roucy mit au jour, derrière le monument de spectacle, un établissement thermal, plusieurs autres substructions ainsi qu’une nécropole, éléments qui venaient confirmer
l’importance du site à l’époque gallo-romaine. Aujourd’hui, Champlieu est considéré comme
un vicus–sanctuaire que l’on peut comparer à celui de Ribemont-sur-Ancre (Somme).
Saint-Pierre-en-Chastres (commune de Vieux-Moulin)
Après les fouilles de Champlieu et fort de ses expériences archéologiques, Napoléon III se
lança dans deux nouvelles entreprises liées au même domaine, dès la fin de l’année 1859.
D’une part il chargea un magistrat local, Albert de Roucy (1814-1894), d’explorer la forêt de
Compiègne et ses environs pour y rechercher de nouveaux vestiges et témoignages d’occu­
pations antiques, recherches financées en grande partie sur sa cassette personnelle. Cet
érudit local, archéologue et collectionneur, lui avait été présenté par Saulcy, avec lequel il était
en relation, notamment au sujet de monnaies gauloises.
D’autre part, l’empereur décida de consacrer un ouvrage à Jules César, modèle politique par
excellence. L’idée, certainement plus ancienne, se concrétisa à partir de ce moment. Déjà, en
novembre 1857, Napoléon III avait donné des instructions pour que fût réalisé un grand travail
d’ensemble sur la topographie des Gaules jusqu’au ve siècle21, travail comprenant notam­ment
la recherche, partout en France, des traces du passage de César en Gaule. Ces instructions,
relayées par le ministère de l’Instruction publique et des Cultes, avaient réuni de très nombreuses informations en provenance de sociétés savantes et des universités. L’abondance
de la documentation et l’intérêt des recherches avaient ainsi conduit ­Napoléon III à créer, le
17 juillet 1858, la Commission de la topographie des Gaules, placée sous la présidence de
Saulcy. La première carte qui occupa la Commission fut celle de l’époque de la guerre des
­Gaules. C’est en s’appuyant sur les premiers travaux de cette Commission et sur d’autres
fouilles que l’empereur put en partie mener à bien la rédaction de son ouvrage ; cette publication, se fondant sur les résultats de recherches sur le terrain et d’expérimentations, était une
grande première pour l’époque et devait ouvrir ainsi d’autres voies à l’archéologie. Napoléon III
n’était évidemment pas seul pour la réalisation de cette vaste entreprise : outre la Commission
de la topographie des Gaules, il s’entoura de spécialistes, historiens et archéologues, d’officiers et d’ingénieurs. C’est dans ce cadre qu’il s’intéressa au site de ­Saint-Pierre-en-Chastres,
désigné auparavant par Saulcy comme camp de César22, et qu’il le fit fouiller par Viollet-leDuc, nommé membre de la Commission en décembre 185923.
Avec une altitude moyenne de 137 mètres, le site du plateau de Saint-Pierre-en-­Chastres
culmine nettement au centre de la forêt de Compiègne, emplacement privilégié vite repéré
par les archéologues de l’époque. Les premières recherches sur cet oppidum de plus de
vingt-six hectares furent confiées, début 1860, par Saulcy à Roucy, dans le ­cadre de sa
18. Peigné-Delacourt, Achille, « Supplément à la notice sur le théâtre de Champlieu », Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, IV, 1859-1861, p. 378.
19. Caumont, Arcisse de, « Mon opinion sur trois questions posées dans le programme du Congrès des délégués (session de
1860) », Bulletin monumental, XXVI, 1860, p. 454-463 (3. « Le théâtre romain de Champlieu a-t-il été réparé sous les Mérovingiens ? »
p. 459-463).
20. Caumont, Arcisse de, « Sur le théâtre de Champlieu », Annuaire de l’Institut des Provinces, 2e série, 3e vol., 1861, p. 235-239
(reprise du texte du Bulletin monumental de 1860).
21. Archives nationales, F17 2906 ; Le Moniteur universel, 22 avril 1858, reproduit dans la Revue archéologique, XV, 1858,
p. 117-118.
22. Article sur la marche de César dans les Gaules, publié dans la Revue européenne en 1859.
23. Archives nationales, F17 2906, arrêté du 17 décembre 1859.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
­ ission en forêt de Compiègne. En effet Saulcy, en tant que président de la Commism
sion de la topographie des Gaules, donna des instructions à Roucy pour qu’il recherche également les camps de César et des Bellovaques dans la région24, en fouillant les
monts Gannelon, Saint-Pierre, Collet et Saint-Mard. Roucy commença des fouilles au
mont Gannelon en mars 1860, se renseigna et visita les autres sites sans avoir le temps
d’y entreprendre des sondages, car ses autres explorations dans la forêt l’accaparaient
entièrement. Finalement, à partir d’octobre 1861, l’empereur décida de confier à Violletle-Duc la recherche des camps césariens dans la région et en premier lieu celui de SaintPierre-en-Chastres.
Comme pour Champlieu, les fouilles furent surveillées par Wyganowski, qui en nota
les principaux événements dans le Journal des travaux de restauration du château de
­Pierrefonds. Il indique, à la date du 18 octobre 1861 : « M. Viollet-le-Duc est venu sur le
chantier du château de Pierrefonds ; il a vérifié les travaux en cours d’exécution, ensuite
il a conduit l’Inspecteur des travaux à Saint-Pierre, un mont situé au milieu de la forêt de
Compiègne, à quatre kilomètres environ de Pierrefonds. M. Viollet-le-Duc suppose que
c’est sur cette montagne qu’a été établi le camp fortifié de Jules César quand ce dernier
est venu combattre les Gaulois ; lesquels, sous la conduite de Correus (Beauvaisien) et
de Commius (Atrébate), étaient établis en face sur la montagne de Saint-Marc (sic) (commentaires du De Bello Gallico, L. VIII, ch. IX). Et M. Viollet-le-Duc ayant reçu l’ordre de
S. M. l’Empereur de faire des recherches sur cette montagne, a conduit l’Inspecteur pour
lui expliquer les travaux à faire exécuter. Par suite de cet ordre, l’Inspecteur a conduit
l’après-midi sur cette montagne dix terrassiers pour commencer les recherches dans les
endroits indiqués. » Dès le lendemain, accompagné de l’impératrice et d’une vingtaine
d’autres personnes dont Viollet-le-Duc et Saulcy, Napoléon III vint voir l’avancée des
fouilles. Il y revint cinq jours plus tard et ordonna la poursuite des fouilles. Le 4 novembre 1861, Viollet-le-Duc écrit à Saulcy25 qu’ils avaient « enfin trouvé les deux fossés à
Saint-Pierre le long de cette prairie en pente. Ils ont 5 mètres de largeur, sont creusés
dans l’argile, remblayés depuis par les terrassements éboulés ; au fond du fossé externe
se trouvent des os d’animaux et des détritus organiques… » et qu’il a fait une note pour
l’empereur. Le 6 novembre, Wyganowski indiquait : « M. Viollet-le-Duc a visité les travaux faits à ­Saint-Pierre ; il a reconnu, dans les tranchées exécutées, les deux fossés qui
entouraient le camp de Jules César. M. Viollet-le-Duc a ordonné d’approfondir lesdites
tranchées pour les rendre plus accessibles. L’Inspecteur du château a conduit quatre terrassiers pour faire ce travail. » Le 18 novembre, Napoléon III revint sur le site accompagné
de Viollet-le-Duc, Saulcy, Mérimée et deux capitaines du Génie et il resta une heure et
demie à examiner les fouilles ; sur les explications qu’on lui donnait, il reconnut « les deux
fossés de fortification et le vallum du camp romain dans les quatre tranchées exécutées
dans ce but » et ordonna « d’exécuter de nouvelles tranchées ainsi que la restauration
d’une partie des fortifications ». Ainsi, au bout d’à peine un mois de fouilles, les résultats
probants obtenus inspirèrent à l’empereur la décision d’une restitution grandeur nature, à
laquelle Viollet-le-Duc allait s’employer rapidement. Dès le 21 novembre, ce dernier communiqua à Wyganowski le profil des fortifications romaines à rétablir à Saint-Pierre, que
l’inspecteur traça sur le terrain le 23 novembre. Les fouilles et restitutions continuèrent fin
1861 et début 1862, puis furent interrompues en raison d’aménagements nécessaire à la
poursuite des travaux : il fallait en effet démolir une ferme et une partie du mur de clôture
du plateau26. La restitution consista à recreuser les fossés et à rétablir les parapets, un talus étant notamment installé à la place du mur de clôture. On pouvait alors distinguer une
fortification principale, constituée d’un rempart de terre et de pierre implanté sur l’arête
du plateau, et une fortification secondaire constituée de deux fossés parallèles, placés au
départ de la pente.
24. Bibliothèque de l’Institut, correspondance Félicien de Saulcy, manuscrit 2283, pièce 107 : lettre de Roucy datée du 5 mars 1860.
25. Id., manuscrit 2284, pièce 122.
26. Archives nationales, O5 1254 et F21 758.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Les fouilles continuèrent sporadiquement jusqu’en 1865. Elles étaient principalement
­localisées dans les parties nord et sud-ouest du plateau et consistaient, notamment
dans le secteur sud-ouest, en près de soixante-dix petits carrés et rectangles creusés
à l’intérieur d’une bande d’environ quatre cents mètres de long sur vingt de large ; les
mobiliers recueillis étaient déposés dans le pavillon Saint-Pierre ainsi qu’à Pierrefonds. Cependant, les camps de César étant un sujet très débattu, les premières critiques des fouilles
­Viollet-le-Duc appa­rurent assez vite. Ainsi, dès 1862, l’essentiel des travaux étant réalisé,
des érudits locaux émirent quelques interrogations sur l’identification du camp. Cela incita
notamment27 ­Viollet-le-Duc à publier une courte notice dans la Revue archéologique de
1862 (livraison de mars) ; il y ­donnait quelques informations sur les fouilles et les mobiliers
recueillis et demandait de prendre patience et d’attendre la fin des fouilles pour trancher
la question de savoir si le camp était romain ou gaulois, cœur du débat. Il ne s’appliqua
toutefois pas à lui-même cette précaution puisque, dès le début de l’année 1862, paraissait
un ouvrage de Saulcy sur les campagnes de Jules César avec une carte de Viollet-le-Duc
qui situait le camp de César à Saint-Pierre28. Cette carte et plusieurs dessins de restitution
furent également utilisés la même année par le bibliothécaire du palais de Compiègne dans
une publication sur l’histoire du lieu29.
Certains archéologues penchaient pour une autre hypothèse. Ce fut le cas de Jules de
­Laprairie30, membre de la Société archéologique de Soissons. En 1863, il indiqua à ses collègues que le résultat des fouilles de Viollet-le-Duc était venu « évidemment » démontrer les arguments avancés précédemment par Saulcy, en révélant « une enceinte fortifiée en terre avec
fossés et parapets qui enveloppait tout le plateau ». Mais il notait également ceci : « À l’intérieur
de l’enceinte, on a trouvé une ancienne chaussée qui en suit tous les contours. Quant à des
substructions antiques, on n’en a pas encore rencontré. Les fouilles ont, au contraire, mis
au jour quelques médailles gauloises et romaines, des clous, des fibules et une très grande
quantité de vases ou fragments de vases, la plupart en poterie très grossière et d’un caractère
différent de celles qu’on trouve ordinairement dans notre pays. » Ces éléments sont ainsi les
premiers à laisser entendre que le camp de Saint-Pierre avait pu connaître une occupation de
datation différente.
Les chercheurs reconnaissent en effet dans ces fouilles de Saint-Pierre-en-Chastres un camp
fortifié de l’époque de l’âge du bronze, correspondant à une enceinte trapézoïdale. Cette
­datation s’appuie sur les nombreux mobiliers exhumés (près de cinq cent trente objets),
conservés au Musée d’archéologie nationale, où ils furent envoyés dès mai 1867 pour l’ouverture du tout nouveau musée du château de Saint-Germain-en-Laye, et en partie au château
de Pierrefonds. Or ces mobiliers datent pour l’essentiel de l’âge du bronze final IIb (de type
­Rhin-Suisse-France orientale), vers le début du premier millénaire avant J.-C. ; nombreux sont
les objets en bronze (armes, outils, bijoux), les céramiques et les objets en os ou en bois de
cerf. Des activités de fonderie ont également été mises en évidence en raison de la présence
de moules en terre cuite et en bronze.
À l’époque, tout cela n’empêcha pas Napoléon III d’inclure les fouilles du site dans la
publication du second volume de son Histoire de Jules César, en y identifiant le camp
de César contre les Bellovaques ; Viollet-le-Duc a d’ailleurs travaillé sur ses dessins pour
la réalisation des planches relatives à Saint-Pierre durant l’été 186531 (fig. 4). Mais, il faut
bien le reconnaître, pour démontrer à l’empereur que le site était fortifié selon un modèle classique de la fin de la guerre des Gaules, Viollet-le-Duc n’a pas hésité à créer de
toutes pièces la plupart des parties défensives, comme le prouvent ses projets et plans
27. Des articles avaient aussi été publiés début 1862 par la presse locale, alimentant le débat : L’Écho de l’Oise, 28 janvier et
21 ­février 1862 et Le Progrès de l’Oise, 25 et 29 janvier 1862.
28. Saulcy, Félicien de, Les Campagnes de Jules César dans les Gaules, études d’archéologie militaire, Paris, 1862, p. 405-422, carte
insérée après la p. 422.
29. Pellassy de l’Ousle, Jean, Histoire du palais de Compiègne, Paris, 1862, p. XIII-XXIII et p. 302-303.
30. Laprairie, Jules de, « Excursion dans la forêt de Compiègne », Bulletin de la Société archéologique de Soissons, XVII, 1863,
p. 61-62 (séance du 4 mai 1863).
31. Lettres envoyées par le colonel Stoffel à Viollet-le-Duc (6 juin-16 août 1865), conservées dans le fonds privé Viollet-le-Duc.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Fig. 4. Camp de César au mont Saint-Pierre, planche 28 de l’atlas de l’Histoire de Jules César de Napoléon III.
Figure 4
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Figure 5
Fig. 5. Dictionnaire raisonné de l’architecture française, tome V, art. « Fossé » :
dessin de Viollet-le-Duc sur le système de défense du camp de Saint-Pierre.
d’exécution pour la restitution32 et sa création de chicanes à l’emplacement des portes
des points cardinaux. Certains ­(J.-C. ­Blanchet) estiment également qu’il a créé les deux
petits fossés parallèles sur le départ de la pente, sous le rempart principal, mais la lettre
du 4 novembre à Saulcy semble bien prouver le contraire. Il est vrai qu’à l’époque seules
les formes et dimensions des structures visibles étaient retenues pour ce type de fouille
et l’on se contentait d’étudier les questions stratégiques et la topographie locale pour
l’adapter aux textes. Viollet-le-Duc laissera à l’empereur le soin de publier le résultat des
fouilles qu’il avait ordonnées à Saint-Pierre, introduisant toutefois dans l’article « fossé »
de son Dictionnaire raisonné de l’architecture française (tome V) un développement sur
le fonctionnement des défenses du camp « de César » à ­Saint-Pierre, accompagné d’un
dessin (fig. 5).
Si les éléments découverts lors des fouilles Viollet-le-Duc ont permis, après coup, d’apporter une importante documentation sur l’occupation du site à l’âge du bronze, les recherches ont également permis de recueillir d’autres mobiliers. Ainsi faut-il indiquer, pour
les périodes les plus anciennes, des silex taillés et quelques tessons de céramique qui
32. Documents conservés au musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
pourraient se rattacher à une occupation à l’époque chalcolithique. Il existe aussi des
objets contemporains de la conquête romaine, comme des armatures de flèches en fer
du type d’Alésia33, ainsi que trente-cinq monnaies gauloises qui attestent une occupation
à la tène finale et au début de la période romaine. Nous avons par ailleurs noté, parmi
les objets conservés au musée d’Archéologie nationale, d’autres éléments se rattachant
à cette période34 et notamment trois fragments d’amphores estampillées, datables du
Ier siècle avant J.-C. Sept monnaies ­romaines seulement ont été trouvées pendant les
fouilles Viollet-le-Duc : elles appartiennent aux ier, iie et ive siècles, ce qui en fait des témoins
très éparpillés dans le temps. Les objets d’époque romaine ont été découverts dans la
partie nord du site.
Des découvertes plus récentes ont apporté d’autres observations et mobiliers liés à l’occupation du site à l’âge du bronze, mais également à la fin de l’âge du fer (la tène D2). Ainsi, pour
certains ­(­G.-P.Woimant), le fossé, le matériel et les monnaies gauloises mis au jour en 197235
pourraient relancer l’hypothèse d’un camp de l’époque de César à Saint-Pierre-en-Chastres ;
le problème majeur reste que sa superficie ne pouvait contenir toutes les légions de César.
D’autres (J.-C. Blanchet) voient dans ces éléments gaulois et gallo-romains précoces l’existence d’un petit camp militaire établi après la conquête. Seules de nouvelles fouilles pourraient
permettre de trancher la question.
Conclusion
L’avancement de l’ouvrage de Napoléon III, dont le premier volume parut en 1865 et le
second en 1866, et la disponibilité que chacun manifesta autour du projet de l’empereur
précipitèrent certainement la fin des fouilles liées à la recherche des lieux de ­bataille de
la guerre des Gaules en forêt de Compiègne. On aurait pu s’attendre à une fouille sur le
mont Saint-Mard36, camp supposé des Bellovaques, en complément de celle du mont
­saint-Pierre, mais celle-ci n’eut pas lieu. Viollet-le-Duc se contenta d’y faire fouiller, fin
1865, le dolmen connu sous le nom de la « Pierre Torniche », qui livra au moins seize
squelettes, transportés par la suite au château de Pierrefonds37. Après 1866, l’empereur
s’employa à d’autres tâches plus vitales pour la nation et Viollet-le-Duc, lui, se concentra sur ses chantiers en cours. Les deux hommes continuaient à se retrouver aux Séries
de Compiègne et au château de Pierrefonds, mais également sur les sites en forêt dont
Roucy poursuivait les fouilles. Ils visitèrent ainsi de concert la nécropole du ­Mont-Chyprès
le 7 décembre 1868, comme l’atteste une gravure parue dans Le Monde illustré du
19 ­décembre (fig. 6) : Napoléon III y observe la fouille aux côtés de Roucy, tandis que
Viollet-le-Duc, agenouillé devant une excavation, examine une céramique. On y voit également, de trois quarts, l’assistant de Roucy, Victor Cauchemé (1845-1938), le duc d’Elchingen, le capitaine de Reffye et le général Lebœuf.
33. Duval, Alain, « Les pointes de flèche d’Alésia au musée des Antiquités nationales », Antiquités nationales, 1970, 2, p. 35-51 (part.
p. 47-49) recense seize pointes de flèche découvertes à Saint-Pierre pendant les fouilles Viollet-le-Duc, appartenant essentiellement
à un type (B), ce qui en fait une série très homogène.
34. Berdeaux-Le Brazidec, Marie-Laure, Découvertes monétaires des sites gallo-romains de la forêt de Compiègne (Oise) et des
environs dans leurs contextes archéologiques, Archéologie et Histoire romaine 11, éd. M. Mergoil, Montagnac, 2003, p. 349-352.
35. Jouve, Michel, « Sondages sur l’oppidum de Saint-Pierre-en-Chastres à Vieux-Moulin (Oise) », Revue archéologique de l’Oise,
8, 1976, p. 39-44.
36. L’orthographe exacte de ce mont est bien Saint-Mard, et non Saint-Marc comme on peut le voir écrit communément, ainsi que
l’atteste le cartulaire de Royallieu en 1308 (sancti Medardi mons), le mont étant dédié à saint Médard, cf. François Callais, À la
découverte des forêts de Compiègne, Laigue et Ourscamp-Carlepont, Les petites monographies illustrées de la Société historique
de Compiègne, 3, 1998, p. 57.
37. Journal des travaux de restauration du château de Pierrefonds : fouilles commencées le 15 octobre 1865, qui durèrent au moins
jusqu’au 26 novembre 1865. L’empereur vint les visiter, en présence de Viollet-le-Duc, le 20 novembre.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
Figure 6
Fig. 6. Visite de Napoléon III au Mont-Chyprès le 7 décembre 1868 : gravure de A. Deroy et A. Daudenarde
parue dans Le Monde illustré du 19 décembre 1868, reproduite dans V. CAUCHEMÉ, Description des fouilles
archéologiques exécutées en forêt de Compiègne, III, Compiègne, 1906, p. 91. Viollet-le-Duc, agenouillé
devant une excavation, examine une céramique.
Finalement, que faut-il retenir de ces deux champs de fouilles Viollet-le-Duc ? En 1860, ­celui-ci
écrivait à propos de Napoléon III et des ruines de Champlieu : « Sa Majesté les avait sauvées
de l’oubli dans lequel on les laissait, et c’est bien à sa haute sollicitude pour tout ce qui intéresse l’histoire de notre pays que nous devons ces précieuses découvertes. »
C’est aussi ce que nous vous proposons de retenir au sujet de ces fouilles, car elles ont eu
des résultats, elles ont posé des questions et problèmes et surtout elles ont eu lieu, ce qui
fait parfois défaut de nos jours. Elles ont ainsi contribué à la mise en lumière de deux sites
majeurs du département, dont il resterait cependant encore à approfondir la connaissance. La
part prise par Viollet-le-Duc est donc loin d’y être négligeable. Compte tenu des documents
inédits retrouvés, Saint-Pierre devrait même sans doute faire l’objet d’un nouvel examen, car
sa « falsification » a été probablement plus modeste que celle dénoncée par les archéologues
contemporains.
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu
et du camp de Saint-Pierre, et le dessein
archéologique de Napoléon III
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec
BIBLIOGRAPHIE
Généralités, Napoléon III et l’archéologie
Catalogue de l’exposition Napoléon III et l’Archéologie, fouilles en forêt de Compiègne sous le
Second Empire, Compiègne, Saint-Pierre-des-Minimes, 16 septembre 2000-7 janvier 2001,
Châlons-en-Champagne, 2000.
Napoléon III et l’Archéologie, Une politique archéologique nationale sous le Second Empire,
actes du colloque de Compiègne, 14 et 15 octobre 2000, Bulletin de la Société historique de
Compiègne, XXXVII, 2001 (2002).
Champlieu
BERDEAUX-LE BRAZIDEC, Marie-Laure, « Les fouilles de la forêt de Compiègne sous le
­Second Empire », catalogue de l’exposition Napoléon III et l’Archéologie, fouilles en forêt de
Compiègne sous le Second Empire, Compiègne, Saint-Pierre-des-Minimes, 16 septembre
2000-7 janvier 2001, Châlons-en-Champagne, 2000, p. 45-64.
MAYER, Jannie, Archives de la Commission des monuments historiques, plans et dessins, III.
Picardie, Direction du Patrimoine, Paris, 1985, nos 687 à 697, p. 212.
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par la Société des Antiquaires de Picardie les 31 août, 1er et 2 septembre 1858, Bulletin de la
Société académique de Laon, IX, 1859, p. 45-46.
VIOLLET-LE-DUC, Eugène, « Ruines de Champlieu (Oise) », Revue archéologique, nouvelle
série, I, 1860, p. 44-54, pl. 2 et 3.
Saint-Pierre-en-Chastres
BLANCHET, Jean-Claude, « L’oppidum de Saint-Pierre-en-Chastres à Vieux-Moulin »,
­Napoléon III et l’archéologie. Fouilles en forêt de Compiègne sous le Second Empire,
­Compiègne – Musée Antoine Vivenel, 16 septembre 2000-7 janvier 2001, Compiègne, 2000,
p. 77-83.
BLANCHET, Jean-Claude, « L’apport des fouilles du xixe siècle à l’étude de deux fortifications
célèbres : Saint-Pierre-en-Chastres à Vieux-Moulin et le camp de César à Catenoy (Oise) »,
Caesarodunum, suppl. 28, 1978, p. 21-36.
NAPOLÉON III, Histoire de Jules César, II, Paris, 1866, p. 281-286 et 326-334, pl. 27-30.
VIOLLET-LE-DUC, Eugène, « Fouilles du camp de Saint-Pierre, forêt de Compiègne »,
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WOIMANT, Georges-Pierre, Carte archéologique de la Gaule, l’Oise (60), Paris, 1995,
p. 496-498 (site 674, commune de Vieux-Moulin).
Sommaire >>
English abstract
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et les églises de l’Oise
Résumé
Arnaud Timbert
docteur en histoire de l’art médiéval,
maître de conférences à l’université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord)
À l’exception de ses grands œuvres du château de Pierrefonds et de la cathédrale d’Amiens,
Eugène Viollet-le-Duc ne s’est guère illustré en Picardie. Malgré ce constat, on retiendra néanmoins que, dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture, celui-ci offre cent dix-sept figures
gravées de quelque trente monuments, ainsi que la mention, dans le texte, de quarantequatre bâtiments érigés à l’époque médiévale dans le département de l’Oise. Tout en élargissant les comparaisons aux dessins et attachements figurés réalisés par Viollet-le-Duc, cette
communication aura pour objet de s’interroger sur la justesse archéologique de la production
graphique de l’architecte.
Contents >>
The Dictionnaire Raisonné’s illustrations:
the case of Noyon’s cathedral
and the churches of the Oise region
abstract
Arnaud Timbert
PhD in medieval art and archaeology, lecturer, université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord, France)
With the exception of his great works the Château de Pierrefonds and Amiens Cathedral,
Eugène Viollet-le-Duc had not really won fame in Picardy. Nevertheless, one recalls that the
Dictionnaire raisonné de l’architecture features 117 engraved illustrations of some 30 monuments, and 44 buildings constructed in the Middle Ages in the Oise département are mentioned in the text. While extending the comparisons to the drawings and sketched statements
produced by Viollet-le-Duc, this paper aims to examine the archaeological accuracy of the
architect’s drawings.
Résumé
Sommaire >>
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
docteur en histoire de l’art médiéval,
maître de conférences à l’université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord)
Dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture, Viollet-le-Duc offre cent dix-sept figures gravées de quelque trente monuments, ainsi que la mention, dans le texte, de quarante-quatre édifices érigés à l’époque médiévale dans le département de l’Oise1. Si ces dessins et
propos sont incontestablement précieux pour qui étudie l’architecture médiévale, il convient
néanmoins d’en mesurer les limites. En effet, beaucoup de chercheurs, tels des médiévistes
comme Louis Grodecki2, se sont interrogés sur les conséquences graphiques du rationalisme
viollet-le-ducien, et si certains ont mis en exergue ce qui, dans les illustrations du Dictionnaire
raisonné, revient au seul imaginaire de son auteur3, peu, en revanche, se sont interrogés sur
l’exactitude formelle et la justesse archéologique de ces illustrations comme des propos qui
les accompagnent.
Parmi les monuments de l’Oise cités et illustrés dans le Dictionnaire raisonné, le voûtement
de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Noyon est certainement le plus célèbre. Dans
ses articles « Construction », « Cathédrale » et « Travée4 », Viollet-le-Duc s’interroge sur l’emploi
de voûtes d’ogives quadripartites lancées sur plan barlong dans un haut vaisseau dont les
grandes arcades sont marquées d’une alternance binaire. Cette réalité ne répondant pas à la
logique architecturale gothique, telle qu’il l’envisageait dans un lien organique entre élément
porté et élément porteur, Viollet-le-Duc estima que ces voûtes résultaient d’une modification
qu’il gomma, d’un coup de crayon, au profit de nervures sexpartites (fig. 1-2) dont le tracé fut
­repris, sans commentaire, par Auguste Choisy quelques années plus tard5. Cette hypothèse
et son illustration furent ainsi retenues, et au xxe siècle encore firent débat. L’enjeu était en ­effet
important pour l’histoire des techniques gothiques puisque les premières voûtes d’ogives
quadripartites sur plan barlong passaient pour être celles de Saint-Remi de Reims et ­celles
de Chartres, dans les premières années du xiiie siècle, tandis que celles de Noyon, si elles
s’avéraient d’origine, auraient été lancées durant le troisième quart du xiie siècle. Aussi, à la
suite de Viollet-le-Duc, plusieurs historiens ont analysé le monument. Eugène Lefèvre-Pontalis
puis Charles Seymour ont fait de l’incendie qui ravagea la ville en 1293 la cause de l’effondrement des voûtes sexpartites et ainsi expliqué leur remplacement par des voûtes quadripartites, tandis que Marcel Deyres, William Clark et Anne Prache supposèrent une construction
de ces voûtes dès la seconde moitié du xiie siècle, ce qui a été récemment confirmé par
­Géraldine ­Victoir6. L’impact des dessins et des analyses de Viollet-le-Duc est donc assez
profond pour que le temps seul permette de s’en départir.
La même remarque est valable lorsque Viollet-le-Duc s’interroge sur la mise en œuvre du support monolithique. À Noyon, il souligne l’emploi abondant de supports en délit dans la nef, dont
il décrit l’élévation : « On prendra une idée de ce qu’est cette construction par notre ­figure 31
1. Il connaissait ainsi parfaitement l’architecture de cette région de la Picardie qu’il visita très certainement à l’occasion des travaux
de restauration menés à la cathédrale d’Amiens, de ses nombreux voyages dans l’Aisne ou encore durant le temps que les travaux
de Pierrefonds (1858-1870) le retinrent dans la région, travaux par ailleurs contemporains de la publication des volumes du Dictionnaire. Il faut également rappeler que son père fut conservateur des résidences royales, et par conséquent de Compiègne, que
Viollet-le-Duc découvrit à cette occasion. Auzas, Pierre-Marie, Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), Paris, CNMH, 1965, p. 20.
2. Grodecki, Louis, « Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel, 1814-1879 », Encyclopedia Universalis, vol. 16, 1968, p. 850-852. Du même :
« Viollet-le-Duc et sa conception de l’architecture gothique », Actes du colloque Viollet-le-Duc, Paris, 1980-1982, rééd. dans Le
Moyen Age retrouvé, t. 2, Paris, Flammarion, 1991, p. 373-381.
3. Boudon, Françoise, « Le réel et l’imaginaire chez Viollet-le-Duc : les figures du Dictionnaire de l’architecture », Revue de l’art,
1983, p. 95-114.
4. Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, vol. 4, art. « Construction », p. 52-53 ; vol. 2, art. « Cathédrale »,
p. 298-304 ; vol. 9, art. « Travée », p. 249.
5. Choisy, Auguste, Histoire de l’architecture, 1899, p. 427, fig. 6.
6. Pour un état de la question sur ce sujet : Géraldine Victoir, « La polychromie de la cathédrale de Noyon et la datation des voûtes
quadripartites de la nef », Bulletin monumental, 2005, p. 251-254.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 1
Fig. 1. Noyon, élévation de la nef et son voûtement sexpartite.
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 9, art. « Travée », p. 249, fig. 5.
Figure 2
Fig. 2. Noyon, élévation de la nef.
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 4, art. « Construction », p. 53, fig. 31.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
(fig. 2), qui donne une partie des travées intérieures jumelles de la nef. Les colon­nettes isolées
de la galerie du premier étage, celles du petit triforium supérieur, celles séparant les fenêtres
hautes sont des monolithes de pierre dure en délit. Quant aux colonnettes triples […], elles sont
composées de grands morceaux en délit retenus de distance en distance par des crampons en
T. Mais ces colonnettes ont été posées après que la construction avait subi son tassement, et
par le fait elles ne sont qu’une décoration et ne portent rien7… » Cette affirmation, qui implique
une mise en œuvre en tiroir a posteriori des supports monolithiques du haut vaisseau, doit être
nuancée. Le temps de tassement d’un monument de cette dimen­sion s’étend sur plusieurs années, aussi cela signifierait-il que les tronçons en délit aient été disposés après la fin des travaux,
imposant un coût supplémentaire d’échafaudement. Il semblerait qu’ici Viollet-le-Duc n’ait pas
relevé, et par conséquent n’ait pas dessiné, les bagues dissimulées entre chaque fût (fig. 3) et
séparées d’épais joints de mortier amortissant la tension résultant de l’emploi de supports monolithiques sur paroi appareillée8. Le dessin étant faux, le discours architectonique qu’il illustre
l’est également. Une observation du même ordre est valable pour les colonnes du rond-point
de Saint-Leu-d’Esserent (fig. 4). Selon lui, la hauteur des sommiers et la finesse des maçonneries ont favorisé la cohésion de la supers­tructure tout en permettant, grâce à l’évasement du
chapiteau, la concentration d’une charge importante sur un ­support monolithique resté fluet. Si
Figure 3
Fig. 3. Noyon, bague dissimulée, détail. Cl. A. Timbert.
Figure 4
Fig. 4. Saint-Leu-d’Esserent, élévation du sanctuaire.
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 4, art. « Construction », p. 84, fig. 45 bis.
7. Dictionnaire raisonné…, vol. 4, art. : « Construction », p. 52.
8. Timbert, Arnaud, « Technique et esthétique de la bague dans l’architecture gothique du xiie siècle au nord de la France »,
Archéologie médiévale, n° 35, 2005, p. 39-50.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
cette explication est juste, elle oblitère la place du
plomb dans la mise en œuvre de ces colonnes ;
plomb qu’il ne mentionne pas plus qu’il ne le dessine, et sans lequel la moindre contrainte latérale
ou la moindre surcharge aurait entraîné une rupture des supports en délit9. ­Viollet-le-Duc décrit ainsi une cohésion lithique d’un monument gothique
par conséquent rigide, tandis que le plomb confère à celui-ci une malléabilité lui permettant d’évoluer. Nous ne pouvons que conclure ici, à travers
ces deux exemples de l’Oise, que ­Viollet-le-Duc
regardait un peu vite les monuments. En effet,
malgré les propos de Claude Sauvageot10 vantant
la précision du trait de ­Viollet-le-Duc ainsi que l’infaillibilité de son œil, et pour alimenter la réflexion
de Françoise Boudon et de Laurent Baridon11,
qui ont mis en exergue la part de restitution et
de fantaisie qui caractérise parfois les dessins de
Viollet-le-Duc12, il convient d’insister sur le caractère schématique de ces derniers.
Les seuls monuments pour lesquels ­Viollet-le-Duc
ait produit des dessins exacts sont ceux qu’il a
Figure 5
décortiqués, disséqués et reconstitués avec la riFig. 5. Noyon, portail de la façade occidentale, gaufrures. Viollet-le-Duc,
gueur anatomique et analytique d’un Bourgery ou
Dictionnaire raisonné …, vol. 8, art. « Soubassement », p. 459, fig. 3.
d’un Cuvier13. C’est le cas notamment – ­encore
faudrait-il le vérifier – des monuments bourguignons, dont l’éclaté de Notre-Dame de Dijon ne connaît pas d’équivalent pour l’Oise14. Or, sous
le crayon de Viollet-le-Duc, les monuments sont « dessinés au scalpel15 » à la seule condition qu’ils
en aient subi la lame, ce qui est rarement le cas. Aussi, les gravures qui illustrent son Dictionnaire
­raisonné, si elles sont justes dans les grandes lignes, restent superficielles et erronées dans le
détail. ­Georges Durand est le premier, dans sa monographie de la cathédrale d’Amiens, à avoir
mis en valeur les inexactitudes de certains dessins de Viollet-le-Duc16. La coupe des ébrasements
du portail central de la cathédrale de Noyon le confirme (fig. 5) : il dessine des gaufrures appareillées aux ébrasement alors qu’elles sont plaquées à ces derniers (fig. 6). De même, dans son
illustration restituant l’élévation du haut vaisseau de la cathédrale tel qu’il se présentait avant la
création des chapelles latérales (fig. 1), il dessine les bas-côtés sans arcatures aveugles, bien que
plusieurs amorces de celles-ci soient encore visibles dans le bas-côté nord. Parfois, sans pour
autant faire preuve d’imprécision, il interprète le monument. Il en va ainsi de cette même élévation
de la ­cathédrale de Noyon qu’il relève avec un moyen appareil régulier alors que ces parois sont
9. Timbert, Arnaud, « L’emploi du plomb et du support monolithique dans l’architecture gothique du nord de la France au xiie ­siècle »,
L’Homme et la matière. L’emploi du plomb et du fer dans l’architecture gothique, Actes du colloque de Noyon, 16 et 17 novembre
2006, à paraître (Picard).
10. Sauvageot, Claude., Viollet-le-Duc et son œuvre dessinée, Paris, Morel, 1880, p. 5, col. 1.
11. Boudon, Françoise, op. cit., 1983, p. 95-114. Laurent, Baridon, L’Imaginaire scientifique de Viollet-le-Duc, Paris, L’Harmattan,
1996, p. 15, p. 125-135.
12. Les illustrations montrent toujours des édifices neufs que le temps n’a pas altérés. Parfois, sans le mentionner, Viollet-le-Duc
produit des dessins sans fondement. Ainsi, le dessin des arcades et des remplages du cloître de Noyon s’avère une composition
fantaisiste. Dictionnaire raisonné…, vol. 3, art. « Cloître », p. 445. Il en va de même pour les quadrilobes étoilés qui ornent la façade
occidentale de cette même cathédrale ; il restitue la silhouette des figures bûchées depuis le xvie siècle : Dictionnaire raisonné…,
vol. 8, art. « Soubassement », p. 459, fig. 3. Seules les quelques modifications apportées au pignon du bras nord du transept de
Saint-Étienne de Beauvais sont mentionnées. Dictionnaire raisonné, vol. 7, art. « Pignon », p. 134.
13. Bressani, Martin, « Opposition et équilibre : le rationalisme organique de Viollet-le-Duc », Revue de l’art, 1996, vol. 112, p. 28-37.
14. Dictionnaire raisonné…, vol. 4, art. « Construction », p. 141, fig. 80.
15. Foucart, Bruno, « Viollet-le-Duc dessinateur ou la passion de l’analyse », Viollet-le-Duc, cat. d’exp., Paris, Galeries nationales du
Grand Palais, Paris, RMN, 1980, p. 338-340.
16. Durand, Georges, Monographie de l’église Notre-Dame, cathédrale d’Amiens, Amiens, Paris, 1901-1903, p. 229. Il signale le dessin erroné des roses des fenêtres des bas-côtés de la nef (Dictionnaire raisonné…, vol. 1, art. « Appareil », p. 32, fig. 15).
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 6
Fig. 6. Noyon, portail de la façade occidentale,
plaquage des gaufrures. Cl. A. Timbert.
Figure 7
Fig. 7. Saint-Leu-d’Esserent, coupe de l’étage médian
du sanctuaire. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 9, art. « Triforium », p. 281, fig. 6.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
revêtues de plusieurs couches de polychromie et d’enduit qui ne permettent pas une telle précision (fig. 2)17. L’élévation du sanctuaire de la prieurale de Saint-Leu-d’Esserent autorise un discours similaire. Il dessine celle-ci avec un triforium ajouré qui n’exista peut-être jamais au détriment
d’une simple ouverture sur combles plus probable (fig. 7) ; aucun indice archéologique, en effet,
n’indique que les petites baies du mur de fond de l’étage médian aient été destinées à être ajourées18. Quant aux plans, s’il y a une grande exactitude métrique et géométrique dans les tracés
de Viollet-le-Duc, l’exemple de Saint-Remi de Reims est là pour en témoigner, cela n’est pas le
cas de Saint-Leu-d’­Esserent : le plan du sanctuaire est réduit à quatre supports alors qu’en réalité
il en possède six (fig. 12). Au regard de ces ­quelques remarques, les dessins d’édifices disparus
produits par Viollet-le-Duc requièrent réserve et précaution ; ils n’ont qu’une valeur documentaire
réduite (fig. 8)19. Les ­photographies20 et autres dessins21 de l’église Saint-­Évremond de Creil, réalisés avant sa destruction, laissent apparaître que Viollet-le-Duc offre une restitution arbitraire de
l’élévation en terme de dimension, qu’il dessine des bases dont le profil est faux, qu’il fait varier la
Figure 8
Fig. 8. Creil, église Saint-Évremont. Viollet-le-Duc,
Dictionnaire raisonné…, vol. 4, art.
« Contrefort », p. 290, fig. 9.
Figure 9
Fig. 9. Paris, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine : 65S01035.
Fonds Viollet-le-Duc : église Saint-Antoine de Compiègne, chevet côté sud,
dessin à la mine de plomb, daté du 26 juillet 1830.
17. Victoir, Géraldine, La Polychromie de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Noyon, mémoire de maîtrise, université Charles-de-GaulleLille 3, A. Timbert (dir.), 2004, 3 vol. La même remarque est valable pour Saint-Germer-de-Fly : Dictionnaire raisonné…, vol. 9, art. « Triforium », p. 279, fig. 5.
18. Cette interprétation graphique influencera la restauration que Selmersheim fit de ce monument en 1906-1908. Paris, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine : dossier 0081/060/0160 : Rapport de l’architecte Selmersheim, 16 juillet 1906, f° 1 v.
19. Voir notamment les relevés et restitutions de l’abbaye de Breteuil : Dictionnaire raisonné…, vol. 4, art. « Construction », p. 223-229,
fig. 123 à 125.
20. Paris, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, MH 0 011 769, « Creil, église Saint-Évremond, élévation du bras nord »,
Durand, photographie, s. d.
21. Paris, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, 2156, 6256, 6257, « Creil, église Saint-Évremond, élévation du bras nord du
transept et détails », dessins d’Aymar Verdier, s. d.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 10
Figure 11
Figure 12
Fig. 10. Vézelay, relevé des arcatures aveugles d’une
chapelle droite du chœur. Viollet-le-Duc, Dictionnaire
raisonné…, vol. 1, art. « Arcature », fig. 4, p. 92.
Fig. 11. Vézelay, relevé pierre à pierre du mur oriental
de la première chapelle droite sud du chevet.
Relevé 1/20. A. Timbert, 1999.
Fig. 12. Saint-Leu-d’Esserent, plan du rond-point
du chevet : Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 4, art. « Construction », fig. 45, p. 83.
largeur des assises alors que celles-ci étaient relativement homogènes, qu’il restitue une frise dans
le prolongement de la fenêtre, certes conforme à la réalité à l’occident, mais fantaisiste à l’orient,
et nous pourrions multiplier les exemples22. Ce qui est vrai pour les gravures l’est également pour
les dessins. Celui du chevet de Saint-Antoine de Compiègne, bien qu’œuvre de jeunesse, révèle
néanmoins combien ce sont les lignes, les volumes et les formes qui captivent l’œil plus que l’architecture dans son détail matériel comme le prouvent l’implantation erronée des volées des arcsboutants et l’absence de l’appareil (fig. 9). Paradoxalement, ses dessins comme ses gravures ne
font pas cas de ce dernier ou le restituent d’une manière fantaisiste malgré la place centrale que
Viollet-le-Duc lui accorde dans la datation, la définition stylistique et la compréhension structurelle
d’un monument23. À ce sujet, qu’il nous soit permis un exemple légèrement excentré : la gravure
des arcatures aveugles des chapelles rayonnantes de Vézelay (fig. 10) ne supporte pas le vis-à-vis
d’un relevé archéologique (fig. 11). Les aquarelles des murs gouttereaux des mêmes chapelles,
réalisées en 1840 à l’intention de la Commission dans la perspective de lui offrir un état clinique
et sanitaire du monument, malgré la multiplicité des ruptures d’assises mentionnées, malgré la
diversité des gabarits enregistrés et celle des accidents altérant l’appareil, s’avèrent en réalité des
plus fantaisistes24. Les ruptures dans la continuité des parements n’entretiennent que des rapports lointains avec la réalité, les chameaux ne sont pas mentionnés, Viollet-le-Duc dessine par
22. Lefèvre-Pontalis, Eugène, « Saint-Évremond de Creil. Notice nécrologique », Bulletin monumental, 1904, p. 160-182. Monument
détruit à partir de 1903, Lefèvre-Pontalis Eugène, op. cit., 1904, p. 167.
23. Dictionnaire raisonné…, vol. 1, art. « Appareil », p. 28-37.
24. Paris, archives du Centre de recherches sur les monuments historiques, fonds Viollet-le-Duc, 1329. Vézelay, soubassement de
la première chapelle rayonnante sud du chevet, détail de l’aquarelle de Viollet-le-Duc, 1840.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 13
Fig. 13. Auxerre, Arch. dép. Yonne : 1 Fi Véz. 1 (11) : Vézelay, contrefort
oriental du bras nord du transept, relevé pierre à pierre, aquarelle.
Figure 14
Fig. 14. Vézelay, contrefort oriental du bras nord du transept.
Cl. A. Timbert.
ailleurs un grand appareil là où domine le petit appareil et ne prend nullement soin de relever les
trous de boulin tandis que les assises mentionnées pour altérées ne l’ont jamais été ; il réinvente
l’archéologie du monument en lui donnant une réalité assez précise dans le détail pour convenir
aux membres de la Commission, mais cette réalité est falsifiée.
Si ces quelques remarques s’imposent à la seule faveur du temps, il n’en reste pas moins
que les imprécisions relevées dans ces exemples ne sont pas toujours le fruit d’une interprétation ou d’un imaginaire viollet-le-ducien de mieux en mieux connus ; elles constituent le plus
souvent des lacunes imputables à la fois à un œil trop confiant, une analyse trop rapide, une
étude superficielle qui surprend lorsque l’on considère la force et l’aplomb du texte, enfin à
une restitution lointaine qui étonne lorsque l’on sait combien Viollet-le-Duc se fit l’avocat, avec
Eugène Guillaume, d’un dessin géométrique supérieur, dans son exactitude, au dessin « artistique25 » ; supérieur pour les grandes lignes métrées, non pour le détail archéologique. On
notera néanmoins que le manque de précision des gravures du Dictionnaire raisonné, comme
des dessins de Viollet-le-Duc, ne peut être relevé sur les multiples attachements figurés qu’il
réalisa ou supervisa pour la Commission (fig. 13-14). Sur les attachements de la basilique de
la Madeleine de Vézelay, qui annoncent les relevés pierre à pierre des archéologues du bâti,
chaque pierre est à sa place exacte, le mur est dessiné avec minutie et dans le détail de ses
reprises. Nous savons, à travers la correspondance de Nicolas Comynet et d’Émile Amé,
25. Enfert, Renaud d’, L’Enseignement du dessin en France. Figures humaine et dessin géométrique (1750-1850), Paris, Belin, 2003,
p. 175-177.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 15
Fig. 15. Soissons, bras sud du transept,
tirants en fer. Cl. P. Barsoum.
Figure 16
Fig. 16. Soissons, élévation intérieure
du bras sud du transept : Viollet-le-Duc,
Dictionnaire raisonné…, vol. 1, art.
« Architecture », fig. 31, p. 195.
combien Viollet-le-Duc, qui paraphait ces attachements, imposait un soin particulier à leur
réalisation26. Par conséquent que penser, sinon que, dès lors qu’il cesse d’être un praticien
pour devenir un théoricien et un pédagogue, Viollet-le-Duc force la réalité archéologique au
profit d’une vision personnelle de l’architecture gothique.
À cet égard, la question du métal est assez révélatrice. Nous touchons ici à l’une des multiples contradictions qui animent le Dictionnaire raisonné et ses illustrations, et qui peuvent en partie résulter du temps écoulé entre la parution du premier et du dernier volume,
durant lequel la connaissance et les opinions de Viollet-le-Duc ont incontestablement
évolué ; si ces dernières peuvent encore s’expliquer par les relents d’une querelle ancienne avec Louis Auguste Boileau27, il faut néanmoins admettre une tension entre la réalité de
ce que voit Viollet-le-Duc et la force de ce qu’il conçoit. Ainsi, comme nous l’avons souligné plus haut, Viollet-le-Duc ne cite pas le plomb mis en œuvre à ­Saint-Leu-d’Esserent,
pas plus qu’à Laon où son emploi est pourtant très net28. Dans le même ordre, alors qu’il
relève les tirants en fer de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne29, il ne dessine
pas ceux des tribunes du bras sud du transept de la cathédrale de Soissons, implantés durant le Moyen Âge (fig. 15-16)30, enfin la coupe transversale de la cathédrale de
­Beauvais est présentée sans les tirants longitudinaux et transversaux armant la structure
26. Timbert, Arnaud, Viollet-le-Duc : le chantier de restauration de la Madeleine de Vézelay. Correspondance (1840-1841), préface de
Françoise Bercé, Meaux, imp. Pouillé, Société des fouilles archéologiques et des monuments historiques de l’Yonne, éd. 2005.
27. Marrey, Bernard, La Querelle du fer. Eugène Viollet-le-Duc contre Louis Auguste Boileau, Paris, Le Linteau, 2002.
28. Dictionnaire raisonné…, vol. 1, art. « Appareil », fig. 5, p. 30 ; vol. 7, art. « Pilier », fig. 12, p. 166.
29. Id., vol. 4, art. « Construction », fig. 112 et 112, p. 202 et 203.
30. Baursoum, Paul, « Les Tirants en fer du bras sud de la cathédrale de Soissons », mémoire de mastère, dir. Philippe Racinet et
Arnaud Timbert, université de Picardie et de Lille-III, 2005-2007.
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
Figure 17
Fig. 17. Beauvais, coupe transversale, flanc sud :
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 1, art. « Arc », fig. 61, p. 70.
Fig. 18. Saint-Leu-d’Esserent, niveau médian
et fenêtre haute de la nef de la prieurale :
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…,
vol. 9, art. « Triforium », p. 282, fig. 7.
Figure 18
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon
et des églises de l’Oise
Arnaud Timbert
et garantissant son équilibre (fig. 17) alors que l’ablation de ceux-ci n’est pas antérieure
au xxe siècle31. Cela est étonnant de la part de l’auteur de l’article de référence sur le fer32
qui n’hésite pas, quand cela nourrit et fortifie sa démonstration, à mettre en valeur la présence de métal soit par défaut, en enregistrant les trous de goujons, soit distinctement,
comme parfois les barlotières (fig. 18), ou encore par mention des pièces, telles que les
« crampons » en « T » reliant les tronçons monolithiques du haut vaisseau de la cathédrale
de Noyon33. Bien que précurseur pour ces observations, il refuse à bien des égards la
présence du fer dans les monuments. D’un côté il ouvre des perspectives d’avenir par
rigueur archéologique, de l’autre il les ferme par réflexe théorique et doctrinal.
Rappelons toutefois que ces inexactitudes sont moins imputables à Viollet-le-Duc en particulier qu’aux architectes du xixe siècle en général34. Dans leur production graphique, ceux-ci s’intéressent aux lignes, aux volumes et aux espaces, rarement à l’appareil – lorsqu’il n’est pas en
bossage35 – et se révèlent étonnamment peu attentifs à la réalité technique dans son détail.
Pour rester dans l’Oise, citons la coupe de la rose de la salle du trésor, dans la cathédrale de
Noyon, réalisée par Baraban, en 187236. Bien qu’il ait déposé en partie cette baie, son dessin
n’en révèle pas la réelle structure : les plinthes des bases ne sont pas représentées avec leur
profil concave et les goujons de fer, destinés à les liaisonner à l’oculus central, n’apparaissent
pas37. Les dessins de Daniel Ramée présentent les mêmes limites et pas plus que Viollet-leDuc l’auteur ne relève les bagues dissimulées des supports monolithiques du haut vaisseau
et ne restitue les arcatures aveugles malgré la volonté de dessiner la cathédrale dans son état
du xiie siècle38; et nous pourrions pousser le trait plus loin en mettant en évidence que l’élévation de la nef de cette même cathédrale réalisée par photogrammétrie ne fait pas plus état
de ces bagues39. Le relevé d’architecture, réalisé par des praticiens en la matière, n’a donc
qu’une très faible valeur archéologique, cela n’est pas une nouveauté ; en revanche, l’autorité
de Viollet-le-Duc aurait présumé d’une autre réalité graphique.
Les gravures du Dictionnaire raisonné, les dessins et attachements figurés de Viollet-le-Duc
révèlent différents degrés de précision archéologique. Si ces illustrations sont de ce point de
vue critiquables, à l’inverse, Viollet-le-Duc sut être d’une exactitude exemplaire dès lors qu’il
disséqua les monuments ou, par des attachements figurés, les releva pierre à pierre. Il y a
incontestablement chez lui une capacité d’adaptation de son dessin à son destinataire et à sa
doctrine. Toute la difficulté est là ; il est délicat de démêler la part de l’imaginaire et du réel, et
d’attribuer ce qui revient à l’artiste et ce qui revient à l’archéologue.
31. Taupin, Jean-Louis, « Fer, bois et grandes architectures médiévales : l’exemple de Saint-Pierre de Beauvais », L’Architecture
gothique dans l’Oise, Actes du colloque de Beauvais 10 et 11 octobre 1998, GEMOB, 2001, p. 162-173.
32. Dictionnaire raisonné…, vol. 2, art. « Chaînage », p. 396-406.
33. Dictionnaire raisonné…, vol. 4, art. : « Construction », p. 52.
34. Boudon, Françoise, « Le regard du xixe siècle sur le xvie siècle français : ce qu’ont vu les revues d’architecture », Revue de l’Art,
1990, vol. 89, p. 39-56.
35. Voir notamment : Monnier, Gérard, Dessins d’architecture du xve au xixe siècle, XLIXe Exposition du cabinet des Dessins du musée
du Louvre, 20 mars-5 juin 1972, Paris, RMN, 1972. Ceux qui relèvent la diversité des modules, les épaufrures et les ruptures d’assises, ne le font jamais que dans le cadre d’une production artistique ou l’imaginaire joue une place centrale, comme le révèlent, entre
autres, les œuvres d’Hubert Robert ou de Charles-Louis Clérisseau : Rabreau Daniel, Les Dessins d’architecture au xviiie ­siècle,
Paris, Bibliothèque de l’Image, 2001, p. 81 et 101. Pour complément, il sera utile de consulter : Recht Roland, « Dessin ou peinture
d’architecture », L’Architecture en représentation, 1985, p. 36-37.
36. Baraban, V., Étude sur l’église de Noyon et ses dépendances au commencement du xive siècle [photographies de Charles
­Marville d’après les dessins de V. Baraban], éditions Fac & Spera, s.l., 1872.
37. Morelle, Aude, « La rose de la salle du Trésor de la cathédrale de Noyon d’après les fragments du dépôt lapidaire »,
« L’architecture en objets : les dépôts lapidaires de Picardie », Actes de la Journée d’Études tenue à Amiens le 22 septembre 2007,
dir. Arnaud Timbert, Revue archéologique de Picardie, à paraître.
38. Vitet, Louis, Monographie de l’église Notre-Dame de Noyon : plans, coupes, élévations et détails levés mesurés et dessinés par
Daniel Ramée, Paris, impr. Royale, 1845, pl. XI.
39. Saint-Aubin, Jean-Paul , « L’image et la réalité de l’architecture, à propos des relevés photogrammétriques de la cathédrale de
Noyon », Cahiers de l’Inventaire, n° 10, 1987, p. 67-69.
Sommaire >>
Présentation générale des archives
publiques concernant
l’œuvre de Viollet-le-Duc
Résumé
Présidente de séance : Marie-Paule Arnauld
conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée des Monuments français, Paris
Les nombreux travaux publiés sur la personne et l’œuvre de Viollet-le-Duc pourraient laisser
penser que la documentation à la disposition des chercheurs est largement disponible et
profondément exploitée. Or, un rapide survol de l’état de ces sources révèle à la fois leur
concentration et leur dispersion ; leur confidentialité comme leur disponibilité ; leur pauvreté
mais aussi leur richesse insoupçonnée.
La situation est en effet contradictoire : une multitude de documents dispersés entre les
­Archives nationales et les archives départementales et deux gros fonds conservés l’un par les
archives départementales de l’Oise, l’autre par la Médiathèque du patrimoine.
Ainsi l’accès aux sources est-il complexe car il dépend de plusieurs facteurs qui s’interpénètrent, liés à la qualité du fonds (public ou privé) et à son état de classement, donc à la précision
des instruments de recherche disponibles.
Une clarification s’impose, qui passe, dans tous les cas, par un important investissement
dans le traitement de ces archives, avant toute autre solution pour en faciliter la diffusion :
numérisation et/ou publication.
English abstract
Contents >>
General introduction to the public
archives relating to the œuvre
of Viollet-le-Duc
abstract
Chairing: Marie-Paule Arnauld
heritage chief curator, director of the musée des Monuments français, Paris
The many works published on Viollet-le-Duc and his œuvre could lead one to think that the
documentation at the disposal of researchers is widely available and used. A brief look at the
state of these sources reveals both their concentration and their scattering; their confidentiality
and their availability; their poverty but also their unsuspected wealth.
The situation is indeed contradictory: a multitude of documents scattered amongst the Archives nationales and the archives départementales and two large collections, one of which is
conserved by the archives départementales de l’Oise and the other by the Médiathèque du
patrimoine.
Thus, access to the sources is complex as it depends on several interpenetrating factors,
linked to the quality of the collection (public or private) and the state of its filing, and thus to
the preciseness of the available finding aids.
Clarification is imperative –through, in any case, a major investment in the processing of these
archives– before any other solution to facilitate its dissemination: digitalisation and/or publication.
Résumé
Sommaire >>
Présentation générale des archives
publiques concernant
l’œuvre de Viollet-le-Duc
Marie-Paule Arnauld
conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée des Monuments français, Paris
Figure emblématique de l’architecture du xixe siècle, Viollet-le-Duc et son œuvre, architecturale
ou littéraire, ont donné lieu à de très nombreux travaux de recherche qui ont permis de revisiter régulièrement nos connaissances sur le restaurateur, l’architecte, l’auteur du Dictionnaire
raisonné, voire l’homme politique… Bizarrement, pourtant, les archives qui pourraient documenter ces travaux sont restées, et sont encore, en grande partie inexplorées et c’est essentiellement à partir des écrits de l’architecte, de ceux de ses contemporains ou de ­l’archéologie
du bâti que la recherche a progressé.
Il est vrai que la situation des archives « de » Viollet-le-Duc est complexe et contrastée :
deux ensembles importants conservés, l’un à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, l’autre aux archives départementales de l’Oise, constituent la plus grande part de
ces ressources. Mais, à côté, une multitude de documents, d’un intérêt certain bien que
plus minces et largement dispersés, est éparpillée dans les services d’archives ­publiques
ou se trouve encore en mains privées. C’est essentiellement ce tableau que cette rapide
intro­duction va tenter de tracer, à travers une sorte d’état général des fonds et d’un
récapitulatif des conditions d’accès. Elle exclura les œuvres graphiques de l’architecte
(dessins, aquarelles, gravures), conservées dans les institutions prestigieuses que sont
le Louvre ou Orsay, bien connues et répertoriées depuis l’exposition du Grand Palais en
1980 jusqu’à celle présentée aujourd’hui au musée Lambinet à Versailles.
L’état des fonds
Les archives relatives à Viollet-le-Duc et à son œuvre sont donc à la fois remarquablement
rassemblées et particulièrement dispersées. Comment peut-on expliquer cette situation
contrastée ? On peut distinguer deux causes :
– l’organisation institutionnelle du xixe siècle : elle explique la concentration des documents
dans les préfectures qui, à l’échelon local, recueillent l’information et distribuent les fonds.
Par exemple, dans les archives départementales, ce sont dans les séries T que l’on trouve
les documents relatifs aux travaux et à leur financement (cf. AD Aude sous-série 4 t 87 à
97 : acquisitions de terrains par l’État, travaux à Carcassonne… puis 4 t 99 à 105 : plans,
mémoires… ; AD Saône-et-Loire, 1 t 262 : travaux sur la porte Saint-André d’Autun ; AD
Vaucluse 4 t 23 : travaux de restauration du palais des Papes) ;
– le flou dans la limite juridique entre archives publiques et archives privées : avant la loi
de 1979, la définition des archives publiques n’est pas assurée, même si la notion est
déjà conceptualisée. Particulièrement évidente lorsqu’il s’agit des archives des hommes politiques, sur lesquelles la doctrine n’a été fixée qu’il y a quelques années (et qui
posent encore bien des problèmes), l’imbrication entre archives publiques et archives privées se retrouve également dans les archives des architectes des ­m onuments
historiques, en raison de l’imbrication de leurs missions. C’est pourquoi aujourd’hui
des documents encore récemment dans les mains de la famille Viollet-le-Duc comportaient beaucoup d’archives publiques (mémoires de travaux, dossiers de restaurations, correspondance professionnelle). Inversement, dans le fonds dit de l’agence
de Pierrefonds versé aux archives départementales de l’Oise, on a pu identifier huit
mètres linéaires d’archives personnelles d’Eugène Viollet-le-Duc ainsi que des archives personnelles de Lucjan Wyganowski.
Ainsi les chercheurs se trouvent-ils aujourd’hui face à une situation complexe qui n’est pas
sans influence sur la dispersion des sources et leurs conditions de communication.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES ARCHIVES
PUBLIQUES CONCERNANT l’œuvre de Viollet-le-Duc
Marie-Paule Arnauld
Pour dresser rapidement un bref panorama, il faut distinguer, d’une part, les deux grands
gisements, eux-mêmes composés de plusieurs fonds, mais sur lesquels je ne reviendrai
pas puisqu’ils vont vous être présentés par les deux intervenants suivants, de l’autre, la
multitude de documents plus ou moins classés, plus ou moins connus, plus ou moins
­accessibles, conservés dans les services d’archives publics ou encore en mains privées.
Je ne prétendrai pas ici vous en faire une description exhaustive, mais bien plutôt donner
­quelques pistes de recherches. Il faut distinguer, d’une part des archives publiques, de
l’autre, des archives privées.
Pour étudier le personnage et l’œuvre de Viollet-le-Duc et chercher les sources qui les documentent, il faut étudier de près le parcours et les réalisations de l’homme. Ce sont, en effet,
eux qui conditionneront les lieux de conservation des documents.
Dans les archives départementales, et pour ce qui concerne les archives publiques, j’ai
cité tout à l’heure les fonds des préfectures, points de passage obligés des informations et
des subventions pour travaux ; les documents issus de ces fonds, lorsqu’ils concernent les
monu­ments historiques, sont classés pour l’essentiel dans la série T (enseignement, affaires
culturelles et sport pour la période 1800-1940). J’ai cité quelques exemples pour l’Aude, la
­Saône-et-Loire ou le Vaucluse mais il revient aux chercheurs de vérifier, dans chaque département où se situent des édifices sur lesquels Viollet-le-Duc a travaillé, quels sont les dossiers
éventuellement conservés susceptibles de documenter leur recherche.
Il ne faut pas oublier, cependant, dans les archives départementales, de pousser les investigations dans d’autres séries. Par exemple, aux archives du Vaucluse, on trouve dans la série
S (travaux publics et transports, 1800-1940) un dessin original de Viollet-le-Duc au milieu
d’un dossier de dépenses engagées pour la lutte contre les inondations… ou, aux archives
de Seine-Maritime, en série V (Cultes de 1800 à 1940), dans des dossiers concernant les
réparations et la restauration de l’église Notre-Dame d’Eu, des notes de frais et d’honoraires
signées de la main même de l’architecte.
Aux Archives nationales, c’est dans les fonds des Cultes (sous-série F/19), des ­Beaux-Arts
(F/21) ou de l’École des beaux-arts (AJ52) que l’on trouvera quelques dossiers parlants.
Si l’on s’intéresse plus au personnage lui-même qu’à son œuvre, ce sont ses dossiers
de carrière qu’il faudra consulter : aux Archives nationales, celui d’architecte diocésain
(F/19/7233) ou celui de professeur à l’École des beaux-arts (AJ/52/879). À l’École des
beaux-arts, à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs ou encore à l’École spéciale
d’architecture, on trouvera des archives concernant les cours dispensés par ­Viollet-le-Duc
dans ces établissements (contenu des cours, dessins, croquis ayant servi à illustrer ses
cours…).
Des recherches sont également à pousser dans les archives municipales qui peuvent, bien
qu’assez exceptionnellement, receler des documents intéressants.
Outre ces séries qui concernent des archives publiques, celles qui sont consacrées aux
­archives privées doivent également être regardées de près. Ce sont dans les fonds privés
des correspondants de Viollet-le-Duc que l’on trouvera, en effet, les lettres autographes envoyées. Ainsi, aux archives de l’Aude, dans la sous-série 3 J 580, une lettre à Perrin, sculpteur
à ­Carcassonne, concernant l’église Saint-Nazaire datée de 1847, ou, aux Archives nationales, des documents dans les fonds 328AP (fonds Saulcy), 87AP (fonds Jules Simon), 332AP
(fonds Baltard), 439AP (fonds Fontaine) et surtout 300AP (fonds de la famille d’Orléans).
Ne pas oublier non plus les archives d’érudits ou de sociétés savantes, très nombreuses aux
archives départementales ; elles sont pleines de ressources mais souvent difficiles à aborder
car peu ou mal classées.
Enfin, il faut insister sur la richesse des archives encore conservées en mains privées. Deux
fonds méritent particulièrement d’être signalés car ils documentent des édifices créés par
Viollet-le-Duc pour des particuliers :
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES ARCHIVES
PUBLIQUES CONCERNANT l’œuvre de Viollet-le-Duc
Marie-Paule Arnauld
– les archives de la maison Hetzel à Sèvres, conservées chez les descendants de Jules Hetzel
qui habitent toujours la maison ;
– les archives du château d’Abadia à Hendaye, propriété d’Antoine d’Abadie et, aujourd’hui,
de l’Académie des sciences. Conservées au château, elles ont été inventoriées par Florence
Greffe, conservateur en chef, responsable des archives de l’Académie.
Les sources étant variées et surtout dispersées, il revient donc au chercheur de fureter et de
faire preuve d’imagination pour dénicher des documents dont la conservation peut toujours
être expliquée par l’histoire même de l’homme ou de ses différentes entreprises.
L’accessibilité des documents
Mais si le repérage des sources constitue une première étape, le chercheur doit ensuite
­s’assurer des conditions de communication des documents.
Une première réflexion rapide pourrait laisser croire que l’ancienneté de ces archives leur
­assure de facto des conditions de totale libre communicabilité. Certes, tous les documents
ont plus de trente ans et aucun, semble-t-il, ne risque de porter atteinte aux secrets de la vie
privée ou de la Défense nationale ! Toutefois, la situation n’est pas toujours aussi simple, en
raison de deux facteurs : les conditions juridiques et l’état du classement des fonds.
Les conditions juridiques, tout d’abord : nous avons vu qu’une partie de ces archives est
constituée d’archives privées. Or, en France, le droit des archives est très respectueux de la
propriété privée. Que les documents soient encore dans les mains de leurs propriétaires ou
qu’ils soient déposés dans un service public d’archives, il revient au seul possesseur d’en déterminer les conditions de communication. Ici, ce sont donc les détenteurs qui fixent le droit,
qu’il s’agisse de Mme Viollet-le-Duc ou des descendants Hetzel, par exemple. Cette question
sera certainement abordée ultérieurement par Jean-Daniel Pariset.
L’état de classement et d’inventaire des archives. Sans inventaire, sans classement, il est
impossible de repérer le document ou de connaître le contexte de sa production. D’où
la nécessité pour les services d’archives d’offrir à la recherche des fonds classés, munis d’instruments de recherche précis. À cet égard, le travail réalisé par Bertrand Fonck
sur les archives de l’agence de Pierrefonds aux archives départementales de l’Oise a
été déterminant, puisqu’il a permis de distinguer les grandes masses qui formaient cet
ensemble, donc d’en décider l’affectation et ainsi de clarifier une situation difficilement
compréhensible jusqu’alors pour les chercheurs.
De même l’inventaire des archives du château d’Abadia par Florence Greffe a-t-il permis de
découvrir des ressources jusqu’alors quasi méconnues.
La présentation, dans le colloque aujourd’hui, de la plus grande partie des sources susceptibles de documenter la recherche sur Viollet-le-Duc est donc essentielle pour la poursuite des
travaux. Ne serait-il pas important, cependant, de s’interroger sur les moyens nécessaires
pour améliorer la situation évoquée et faciliter le travail de tous ?
S’il est indispensable, car c’est le fondement de tout travail de recherche, de poursuivre et
d’achever les inventaires des fonds jusqu’à ce jour peu ou pas explorés, ne serait-il pas utile
de coordonner les énergies et les travaux déjà réalisés en travaillant à la publication d’un guide
des sources relatives à la vie et à l’œuvre de Viollet-le-Duc ? Aujourd’hui, le guide est un type
d’instrument de recherche largement développé en archivistique, et qui vient de bénéficier
d’importantes réflexions pour aboutir à sa normalisation.
Peut-être également, avec des moyens et dans la prolongation de ce travail de compilation, pourrait-on envisager une mise à disposition à distance d’une partie de la documentation, en passant par la numérisation de documents dispersés qui retrouveraient ainsi
leur cohérence.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES ARCHIVES
PUBLIQUES CONCERNANT l’œuvre de Viollet-le-Duc
Marie-Paule Arnauld
Tous ces travaux, initiés par la direction de l’Architecture et du Patrimoine, devraient s’appuyer
sur l’expérience et les compétences de la direction des Archives de France. Ils nécessiteraient certainement des moyens qu’il ne semble pas insurmontable d’obtenir. Et, novateurs
et exemplaires, ils pourraient susciter travaux de recherche ou de valorisation autour de ces
architectes de la deuxième moitié du xixe siècle, essentiels pour la survie et la compréhension
de notre patrimoine d’aujourd’hui.
Sommaire >>
English abstract
Les archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine
Résumé
Jean Daniel Pariset
conservateur général du patrimoine
directeur de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Paris
Ce colloque est l’occasion de faire un point sur les archives de Viollet-le-Duc que l’État ­possède
et dont la conservation est assurée par la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine.
Cet état des lieux est d’autant plus nécessaire que ces dernières années est entré dans les
collections nationales – par dation, par achat au titre du mécénat ou bientôt par donation – un
ensemble unique conservé par la famille.
I Les fonds détenus avant 2004 dans les collections nationales
• Fonds graphique général
La donation de 1880, faite à l’issue de l’exposition réalisée un an après la mort de l’architecte, est à l’origine de ce fonds ;
• Fonds issus des agences de travaux
Paris Cathédrale Notre-Dame ; Saint-Denis. Les autres agences d’architecture possèdent
leurs archives ou les ont versées. Une exception à noter : les 132 poncifs du château de
Pierrefonds sont conservés sous la cote 1995/006 ;
• Fonds d’entreprises
T
exier, entrepreneur maçon de Viollet-le-Duc à Paris ;
Poussiélgue-Rusand, orfèvre à Paris (qui comporte 242 dessins d’objets liturgiques) ;
• Documentation personnelle de l’architecte (et de son fils)
Donation de 1967.
II Les dations et acquisitions depuis 2004
Registres ; dessins isolés ; albums de dessins préparatoires aux dictionnaires.
Contents >>
The Viollet-le-Duc archives at the Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine
abstract
Jean-Daniel Pariset
heritage chief curator, director of the Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Paris
This symposium is the occasion to review the government’s Viollet-le-Duc archives, which are
conserved by the Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. This review is all the more
necessary as in the last few years a unique collection conserved by the family has entered the
national collections –through payment in kind, purchase as patronage, or soon by gift with
notarised deed.
I The items held before 2004 in the national collections
Since 1880, the direction de l’Architecture et du Patrimoine, under its various names, has paid
particular attention to the Viollet-le-Duc family and its archives.
• General collection of prints and drawings
The 1880 gift with notarised deed, made at the end of the exhibition produced a year after
the architect’s death, is the source and was complemented in 1953, 1960, and 1962.
• Collections from the architectural offices
Paris, Notre-Dame Cathedral; Saint-Denis; the other architectural offices have kept their
archives or have donated them.
• Company collections
Texier, Viollet-le-Duc’s mason in Paris; Poussielgue-Rusand, goldsmith in Paris (collection
includes 242 drawings of liturgical objects).
• The architect’s personal documents
A general collection of written documents (gift with notarised deed of 1967).
II Gifts in kind and acquisitions since 2004
Registers, books of reports on historical monuments; albums of detailed drawings: historical
monuments (or abroad); isolated drawing sometimes taken from the previous registers, and
albums of preparatory drawings for the dictionaries.
Résumé
Sommaire >>
Les archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine
Jean-Daniel Pariset
conservateur général du patrimoine,
directeur de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Paris
Dans tout colloque scientifique comme celui-ci, outre de nombreux exposés, intervient un
point sur les sources, science auxiliaire de l’histoire. Cette communication, qui ne déroge pas
à la règle, ne peut être que sommaire : l’archiviste ou le bibliothécaire présente un état des
lieux que les chercheurs connaissent souvent déjà.
Le colloque d’aujourd’hui fournit l’occasion de faire un point sur les archives de Viollet-le-Duc
appartenant à l’État et dont la conservation est assurée par la Médiathèque de l’architecture
et du patrimoine. Cet état des lieux est d’autant plus nécessaire que ces dernières années un
ensemble unique, conservé jusqu’alors par la famille, est entré dans les collections nationales
par dation, par achat au titre du mécénat ou bientôt par donation.
En 1973, une note énumère son contenu sans grande précision :
10 volumes de correspondance, 4 volumes de rapports, 36 volumes de 250 pages in-folio
contenant des dessins, des photographies ; des dessins sur les Alpes, un volume sur l’École
des beaux-arts.
Cette note fut reprise dans la préface de Pierre-Marie Auzas à la réédition en 1979 du catalogue de l’exposition organisée par la CNMHS en 1964-1965. Auzas signalait alors 14 albums
reliés de manuscrits, et 34 albums de documents graphiques. Ils furent utilisés abondamment
dans ce catalogue sous le titre « Année par année » que Geneviève Viollet-le-Duc, arrière­petite-fille de l’architecte, réalisa avec cet inspecteur général des monuments historiques.
À plusieurs reprises, dès 1965, on avait évoqué les possibilités pour l’État d’entrer en ­possession
de cet ensemble unique : un dépôt au château de Pierrefonds, réalisé en partie – ce sont les
archives privées des archives départementales de l’Oise, les hôtels de ­Vigny-­Croisilles dans le
Marais, l’École des beaux-arts… La famille souhaitait en effet conserver l’unité du fonds, créer
un musée Viollet-le-Duc, tout en connaissant la valeur marchande de cet ensemble unique.
La direction de l’Architecture et du Patrimoine, sous ses différents noms, depuis 1880 porte
une attention particulière aux archives Viollet-le-Duc.
I. Les fonds détenus avant 2004 dans les collections
nationales (Médiathèque)
A. Archives publiques
La Médiathèque de l’architecture et du patrimoine est un service administratif relevant de la
direction de l’Architecture et du Patrimoine, dérogeant de fait à la direction des Archives de
France. Ses règles de communicabilité sont celles établies par la Commission d’accès aux
documents administratifs. Ses principes de classement sont hérités d’une pratique administrative ancienne : séparation des supports (archives, documents graphiques, documents
photographiques). Les séries sont ouvertes ; les cotes données peuvent donc varier. Le classement est géographique.
Archives : fonds généraux. La série générale (0081) classée géographiquement et la série
« archéologie » (80/26) conservent des correspondances de Viollet-le-Duc qui ne sont pas
inventoriées pièce à pièce.
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
Fonds graphiques. Les commandes de la Commission des monuments historiques, puis
la donation de 1881, faite à l’issue de l’exposition réalisée en 1880, un an après la mort de
l’architecte, riche de près de 700 pièces, sont à l’origine de ce fonds conservé sous la cote
1996/083. D’autres donations jusque dans les années 1960 le complètent.
Ce fonds principal est aussi appelé fonds du CRMH (centre de recherche sur les monuments
historiques ou de Chaillot) où il était situé. Ce centre fut chargé dans les années 1950-1960 de
la gestion du fonds (issu de démembrement ou de la donation), la place manquant dans les
locaux de la rue de Valois (ministère de la Culture) ; son inventaire, enfin achevé, est consultable en ligne. Il comporte plus de 4 000 pièces. Photographiées en partie dès 1881, les images
seront prochainement associées aux notices. Toutefois dans le fonds général des plans (série
82) se trouvent aussi quelques dessins de Viollet-le-Duc.
Le fonds de tirages photographiques anciens immeubles (0083), conservés à l’hôtel de
Croisilles, possède la plupart des tirages commandés ou réalisés pour Viollet-le-Duc. C’est
pourquoi il n’a pas été jugé utile d’acheter les tirages que la famille avait mis en vente chez
PIASA en 2002.
Fonds issus des agences de travaux (civils)1. Ces agences sont dirigées par des inspecteurs des travaux, futurs architectes ordinaires, chargés de contrôler la vie de l’édifice au jour
le jour (manifestations publiques notamment religieuses, chauffage, visite, sécurité, plantation, mobilier – et leur déplacement, entretien, utilisation…). C’est une sorte d’intendance du
bâtiment, dont l’origine remonte au xvie siècle. L’agence reçoit les esquisses de l’architecte,
assure souvent leur mise au net et les transmet aux entreprises. Avec elles, sont effectués
les dessins pour exécution ; les entreprises réalisent les poncifs des peintures murales. À
l’issue du chantier, les entreprises réalisent des attachements, parfois figurés, relatant les
travaux effectués (changements pierre à pierre avec indication de leur origine). Ces différents
documents graphiques sont signés et approuvés par l’architecte, mais la signature est le plus
souvent celle d’un secrétaire.
Pour suivre le chantier, des carnets par métier sont tenus : maçonnerie, peinture, marbrerie, menuiserie ainsi que les registres de paye. Une circulaire de 2006 relative aux archives des services
départementaux d’Architecture (SDAP) prévoit leur versement aux archives départementales.
Tutelle centrale des agences des travaux des édifices appartenant à l’État
Ces agences relèvent au xixe siècle de deux administrations centrales différentes, elles-mêmes
dépendant plus ou moins du ministère de l’Intérieur (avec ses sous-ensembles Beaux-arts,
Cultes, etc.) : l’enregistrement de la correspondance est conservé dans la série F ; la comptabilité des dépenses se retrouve dans la série F4 : ces deux séries relèvent du ministère de
l’Intérieur.
Agence des travaux des édifices diocésains appartenant à l’État2 dont la tutelle est assurée par le service des Cultes : les correspondances avec leurs supérieurs administratifs sont
conservées dans la série F 19 aux Archives nationales et dans la série T des archives départementales.
Agence des travaux des autres édifices appartenant à l’État : en fonction de leur affectation,
ces archives sont conservées dans les différentes séries des archives départementales ou
nationales. Quant aux édifices relevant de la liste civile, les correspondances se retrouvent
– pour les Archives nationales – tantôt dans la série F13 (avant 1815) ou F 21.
Lorsque le dossier a été évoqué par le souverain (Maison de l’empereur ou du roi), et ce en
fonction des goûts du souverain, les documents sont conservés dans la série 0 (04 monarchie
de Juillet et 05).
1. Les bâtiments militaires relèvent pour l’échelon local des chefferies du Génie dont les archives devraient être conservées par les
archives départementales, et, à l’échelon central, du service du Génie, dont les archives sont conservées par le service historique
des Armées à Vincennes.
2. Cathédrale, séminaire, palais épiscopal. Les autres édifices relèvent de l’administration communale.
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
Archives des agences locales d’édifices diocésains conservées à la Médiathèque.
Paris, cathédrale Notre-Dame
Elles ont fait l’objet d’un inventaire détaillé lorsque l’on s’aperçut de la disparition d’un certain
nombre de dessins, achetés par un musée américain. Elles comprennent les cotes 37501 à
38287. Les journaux de travaux sont conservés sous la cote 80/014. D’autres attachements
figurés ont été restitués en décembre 2003 et sont conservés sous les cotes 80/14/91 et 92.
Les archives écrites sont conservées sous la cote 1998/035.
Saint-Denis
Les journaux de travaux sont conservés sous la cote 80/014 ; les documents graphiques
étant intégrés dans la série générale (série 82).
Les autres agences diocésaines d’architecture possèdent leurs propres archives : certaines
auraient été versées aux archives départementales. Une exception : les documents graphiques issus de l’agence de la cathédrale de Valence.
Archives des agences locales d’édifices relevant de la Liste civile conservées à la ­Médiathèque.
Conservées la plupart du temps dans l’édifice, celles de Pierrefonds ont été versées en 1978
aux archives départementales, à l’exception des poncifs du château de Pierrefonds, conservés sous la cote 1995/006.
B. Archives privées
Fonds d’entreprise
– Poussiélgue-Rusand, orfèvre à Paris : 1996/84
– Texier, entrepreneur maçon de Viollet-le-Duc à Paris (Notre-Dame et Sainte-Chapelle) :
donation conservée sous la cote 1998/48 et 49 pour les documents graphiques.
Documentation personnelle de l’architecte (et de son fils)
– un fonds de documentation graphique générale (donation de 1967) 0080/101 qui comporte
2 400 pièces (gravures, dessins, photographies…)
– 0080/127 : 53 dessins sur la Russie
– 0080/030 : 3 cartons de notes et correspondances diverses (Viollet-le-Duc et autres)
Sur Pierrefonds : comptabilité, reçus des entreprises : documentation réunie par l’architecte
sous forme de copie pour justifier les dépenses.
L’ensemble de ces documents est depuis longtemps à la disposition de tous les chercheurs :
les inventaires sont en ligne ; certains dessins sont disponibles en ligne sous forme d’images,
d’autres en couleurs sont commercialisés par le Centre des monuments nationaux, ancienne
CNMHS, qui est à ce jour chargé de la diffusion de ces fonds. Toutefois la RMN diffuse les
documents présentés lors de l’exposition de 1980.
II. Les dations et acquisitions depuis 2004
Historique
À la mort de Mme Henriquet, sœur de Mme Viollet-le-Duc, la famille songe à mettre fin à l’indivision des archives. Une vente de photographies anciennes est organisée par PIASA ; l’État
ne rachète que quelques tirages, car il possédait déjà la plupart des autres. M. Marcombres,
fils de Geneviève Viollet-le-Duc, s’emploie à en dresser un état ; il meurt en 2002, mais son
cousin Jean-Marie Henriquet continue son travail.
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
La famille se laisse approcher en 2003 : une dation est approuvée fin 2004 par la Commission
des dations présidée par Jean-Pierre Changeux, puis une seconde partie est classée en 2005
« trésor national ». L’entreprise Eiffage, généreusement, se porte acquéreuse au nom de l’État :
la transaction a lieu en avril 2007. M. Roverato, président d’Eiffage, n’a pas hésité.
Le troisième volet, la donation, comportera des aquarelles de l’architecte, les archives relatives à Delescluse ; venant du grand architecte, les dessins et gravures préparent les dictionnaires, les carnets de relevés… Mais il est bien difficile d’en dresser la liste. Espérons que la
famille comprendra l’intérêt de conserver cet ensemble intact et d’y rajouter aussi la comptabilité, les archives du fils, chef du bureau des Monuments historiques… Remercier par avance
­Geneviève Viollet-le-Duc ne relève pas de la courtoisie simple mais de la confiance.
A. Le classement du fonds
Cet ensemble a été classé par le fils de l’architecte, chef de bureau des Monuments historiques ; il a été ensuite poursuivi par son fils et par Geneviève Viollet-le-Duc, qui ont rajouté
des copies, des photocopies, des lettres achetées ou reçues en don… S’y trouvent aussi des
chartes anciennes sur parchemin (pour Pierrefonds, elle concerne la solde des troupes) dont
je n’ai pu établir l’origine, ainsi que des correspondances entre les intéressés ou leur descendant pour obtenir la lettre envoyée ou sa copie. Souvent, au fur et à mesure des temps, on a
rajouté des tirés à part, des reproductions de documents, des gravures…
Plusieurs ensembles ont été constitués depuis 1880 par la famille, qui a toujours eu le souci
de conserver l’intégralité de l’œuvre de Viollet-le-Duc, souvent dans ses moindres détails. Ce
faisant, elle a ainsi constitué et préservés, un ensemble unique sur un architecte du xixe ­siècle.
Unique en effet si on le compare à d’autres grands noms de ce siècle, cet ensemble est également composite car il est le témoin d’une histoire familiale, de son respect pour cet homme
et son œuvre multiple.
D’autres documents viendront compléter cet ensemble : Delescluze, les dessins préparatoires
aux dictionnaires, les gravures et leur correction et, je le souhaite, si elles existent encore, les
archives retraçant l’activité du fils, chef du bureau des Monuments historiques et rédacteur en
chef d’une revue célèbre, ou encore l’aspect financier de cette famille d’architectes.
B. État matériel
Les documents dans les registres sont montés sur onglet. Très souvent consultés, ils ont été
recollés parfois avec du scotch, ou sont épars… Ils présentent des lacunes et des déchirures.
Pour deux registres, ils sont conservés dans des enveloppes. Avant toute communication au
public, une restauration pièce à pièce est indispensable pour éviter leur disparition.
Les registres de correspondance sont dédoublés pour rendre leur consultation possible, mais
il faut d’abord les inventorier… Les dessins extraits des registres n’y seront pas réintégrés
mais remplacés par des reproductions. Les dessins eux-mêmes seront montés sur onglet
sur un support neutre pour faciliter le prêt. L’ensemble sera photographié, numérisé et rendu
accessible sur Internet.
Ceci prend du temps, a un coût et ne peut se faire dans la précipitation, d’autant qu’une
donation doit compléter cet ensemble et permettra sans doute de comprendre réellement les
différents principes de classement retenus par la famille.
C. Reclasser le fonds ?
La répartition entre les différentes séries ou volumes laisse perplexe : tantôt on trouve dans
la correspondance générale des documents très factuels sur les chantiers de restauration,
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
tantôt on les retrouve dans les séries par chantier de restauration… Dans les dossiers de correspondances diverses on retrouve souvent les mêmes intervenants sur les mêmes affaires.
Reclasser le fonds selon de nouveaux principes plus systématiques a été envisagé ; mais
c’est une œuvre titanesque, qui aurait rendu le fonds inutilisable pendant de nombreuses
années, et le résultat aurait été, à juste titre, critiquable.
D. Le programme de travail
Un inventaire informatique précis et systématique des pièces permet de recomposer tout type
de classement, mais il s’agit d’un long travail. Actuellement, la correspondance générale a été
inventoriée jusqu’à la fin du Second Empire par Véronique Derbier.
La mise sur Internet des documents graphiques, souhaitable, sera effectuée après restauration. Il me semble qu’une édition scientifique de la correspondance et des rapports s’impose,
et ceci est d’autant plus important à notre époque de dématérialisation des supports.
Nota bene
La liste ci-dessous ne préjuge en rien du classement des documents, de leur ordre – ou remise en ordre – de leur titre, variable et sujet à caution.
Provisoire, cette liste n’est en aucun cas un instrument de recherche, elle n’est publiée ici que
pour donner un aperçu de la richesse de ce fonds.
Pour des raisons de conservation matérielle et de sécurité des documents, parfaitement compréhensibles par tous, la communication de ce fonds, entré en avril 2007, est actuellement
impossible.
1 Registres
A. Correspondances et rapport
Correspondance de famille
– Dossier : des manuscrits divers, une liste des dessins pour le Baron Taylor.
– Registre : Journal des voyages de jeunesse, dessins de jeunesse, lettres du voyage de 1833.
Recueil des lettres d’Italie. Recueil de lettres de famille et documents officiels divers. Sigismund Viollet-le-Duc, testaments, etc.
Album de rapports et correspondances : 7/8 registres. Les rapports sont des rapports
généraux (enseignement du dessin par exemple), des articles parus dans la presse et les
brouillons. La correspondance comprend non seulement des lettres familiales (à son épouse,
son fils) mais aussi des lettres amicales, officielles, parfois des projets de restauration ou de
création. Le premier registre commence en 1835 et le dernier date de 1879. Il est à remarquer
que la correspondance après la chute de l’Empire est aussi importante en volume que celle
de la période précédente.
Dans ce 8e registre, les correspondants sont classés selon un ordre alphabétique aléatoire, les
lettres (entre une et cinquante) sont conservées dans une enveloppe par correspondant.
B. Série Z. Travaux de Viollet-le-Duc : 8 registres
La série Z concernerait l’activité propre de l’architecte. Elle comprend une documentation sur
l’édifice : chartes anciennes, gravures, photographies, extraits d’imprimés, et des dessins originaux (ou leur reproduction) ou les épreuves des livres et articles et opuscules de l’architecte.
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
Cette série a été démembrée en partie à l’occasion des expositions, de la vente PIASA.
Contenu des tomes : trois sur la Bourgogne, un sur les cathédrales, un autre sur Pierrefonds
et Coucy. Autres sujets : la restauration de Carcassonne, de Notre-Dame de Paris ; les restaurations en Ile-de-France et Champagne.
C. Album de rapports : 6 registres
Les rapports sont les minutes ou des copies adressées soit au service des Cultes, soit à la
Commission (dont l’architecte n’était pas membre avant 1860). Les échanges de correspondance sont avec les élus, les architectes, les entrepreneurs, les ministres, Napoléon III et
comprennent des documents graphiques.
Deux tomes portent sur les cathédrales, deux sur Saint-Denis.
D. Album de relevés sur les monuments historiques ou diocésains ou
ayant servi pour les dictionnaires : 11 registres
Deux tomes portent sur l’architecture civile, deux sur l’architecture militaire, deux sur les armes de guerre ; deux sur l’Antiquité. Trois tomes concernent les objets religieux, civils, et les
vêtements d’après les manuscrits et monuments.
E. Série sans doute faisant partie de la série Z (œuvre de Viollet-le-Duc) :
12 registres
Deux tomes portent sur l’Italie, et un sur les écoles rhénane, anglo-normande, sur les travaux
à Lausanne et Amiens, en Normandie, en Alsace et Lorraine, en Languedoc, Sud-Ouest, sans
compter le mobilier d’habitation et l’orfèvrerie et mobiliers d’église.
2 Dessins isolés extraits parfois des registres précédents
Les Alpes
Il s’agit de la majorité des dessins sur les Alpes qui illustrent l’œuvre du géographe qu’a été
Viollet-le-Duc (542 pièces) et qui révèlent une face inattendue de son œuvre. Viollet-le-Duc est
l’auteur d’une carte géographique alpine rééditée parfois par l’IGN. Ses dessins montrent des
sites et des paysages que le réchauffement du climat et l’urbanisation ont largement transformés. Les collections nationales n’en possèdent quasiment aucun.
Les voyages
Voyages dans les Pyrénées : Bayonne, Pau, Lourdes, Argelès, Luchon, Biarritz, Bordeaux.
Voyages dans le Massif central.
Voyages en Provence : Vaucluse, Hyères, Toulon (1831).
Ces dessins représentent plus des sites, des vues de ville que des détails d’architecture.
Cet ensemble comprend aussi des vues de Cherbourg de 1832.
Dessins extraits des albums 4 et 6 : voyage en Italie.
LES ARCHIVES VIOLLET-LE-DUC À LA MÉDIATHÈQUE
DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Jean-Daniel Pariset
3 Divers Les dessins d’architecture plus classiques concernent Chartres, Clermont-Ferrand,
­Compiègne, Moret, Fontainebleau, Avignon, Carcassonne, etc.
Conclusion
Concernant l’histoire et le patrimoine du département de l’Oise, il faut d’abord naturellement
mentionner Pierrefonds.
Ce château a été restauré notamment sur les crédits « Monuments historiques », mais il semble que la Commission n’en soit saisie qu’après 1872 (nombreuses correspondances de
l’empereur Napoléon sur les crédits, l’implantation des escaliers, etc.). Des dessins nombreux
sont présents comme par exemple une vue dessinée par le père de l’architecte en 1834, des
projets de décoration et de restauration ; la plupart sont des photographies des dessins que
la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine conserve sous la cote 1996/085.
Sur les ruines gallo-romaines de Champlieu ou la construction faite par Viollet-le-Duc dans la
propriété de M. Sabatier, on trouve quelques correspondances ou notices.
Les registres pour le dictionnaire sur les armes contiennent de nombreux dessins des armes
et armures de la collection de Pierrefonds dont Jean-Pierre Reverseau vous a parlé.
À Compiègne, dans « Le monument Jeanne d’Arc » et dans la correspondance, nombreuses
sont les lettres et billets écrits lors de ses séjours à la Cour, avec des notations sur les fameuses séries.
Les autres lieux (Cires-lès-Mello, Saint-Jean-aux-Bois, Senlis) font l’objet aussi de notes,
­correspondance ou relevés.
Remerciements
Sans Geneviève Viollet-le-Duc, aidée de son fils, malheureusement disparu, et de son neveu
Jean-Marie Henriquet, assistée de Me Griffe, ce premier ensemble aurait peut-être été démembré. Grâce au professeur Jean-Pierre Changeux et au président Aicardi, les Commissions des
dations et des trésors nationaux, ces ensembles ont pu être protégés. Enfin, Eiffiage et son
président Roverato ont bien voulu se porter acquéreur : que tous soient ici remerciés.
L’intérêt de ces fonds est incontestable tant il est vaste et multiple : correspondance, dessins,
esquisse, projets s’y côtoient ; sa globalité permet de comprendre un architecte encyclopédique du xixe siècle dans ses facettes multiples (proche de Napoléon III et républicain… par
exemple). Ce pédagogue hors norme a par ailleurs su tisser un réseau de relations et de
correspondances dans toute l’Europe. Les regards des économistes, historiens, sociologues,
anthropologue, historiens de l’art ou architectes se croiseront donc souvent sur cet ensemble
qui semble unique.
Une salle Viollet-le-Duc, à défaut d’un musée, existera au sein de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, quelle que soit sa future localisation, avec les meubles de l’architecte. Les documents ne sont pas conservés pour les seuls chercheurs ; ils seront montrés
et présentés au public, dans la mesure où les nécessités de la conservation seront prises en
compte.
Conserver ce fonds ne doit pas donner naissance à un culte, mais, au contraire, comme
­Viollet-le-Duc l’aurait souhaité, il doit susciter études, interrogations, questionnements : que
les chercheurs soient donc nombreux à le consulter dès qu’il sera accessible.
Sommaire >>
Le fonds d’archives du château
de Pierrefonds conservé
aux archives départementales de l’Oise
Résumé
Bruno Ricard
conservateur en chef du patrimoine, directeur des archives départementales de l’Oise
Les archives déposées par l’agence d’architecture du château de Pierrefonds aux archives
départementales de l’Oise à Beauvais recèlent pour les chercheurs, notamment pour les
architectes et historiens de l’architecture du monde entier, un trésor. Il s’agit des papiers
concernant la reconstruction du château médiéval, mais aussi des papiers préparatoires à la
publication des livres de Viollet-le-Duc, comme les Dictionnaires ou les Entretiens. Ce corpus
documentaire, oublié jusque-là, pourra dorénavant être mis à la disposition des intéressés
pour relancer les études sur l’un des principaux architectes du xixe siècle.
English abstract
Contents >>
The archives of the Château
de Pierrefonds deposited
in the archives départementales de l’Oise
abstract
Bruno Ricard
heritage chief curator, director of the archives départementales de l’Oise (France)
The archives of the Château de Pierrefonds office deposited in Beauvais, archives départementales de l’Oise, are extremely fruiful for researchers all over the world, especially the
architects and historians of architecture. There are documents concerning the reconstruction
of the mediaeval castle, and also preliminary documents to Viollet-le-Duc further publications,
such as the Dictionnaires or the Entretiens. This documentary corpus had fallen into oblivion,
but it will be now available for researchers, paving the way to the renewal of the studies about
one of the most important xixth century architects.
Résumé
Sommaire >>
Le fonds d’archives du château
de Pierrefonds conservé
aux archives départementales de l’Oise
Bruno Ricard
conservateur en chef du patrimoine, directeur des archives départementales de l’Oise
Les archives départementales de l’Oise ont accueilli, en 1978, à l’initiative de Michel
­Legendre, architecte des Bâtiments de France de l’Oise et conservateur du château de
Pierrefonds, un important ensemble de documents dont le contenu n’était pas précisément
identifié. Cet ­ensemble fut conservé non classé pendant vingt-cinq ans et ne fut pas, sauf
exception, communiqué aux chercheurs. Il était identifié comme le fonds de l’agence des
travaux de ­Viollet-le-Duc à Pierrefonds. Pourtant, dès le début des années 1990, quelques chercheurs persévérants ont su convaincre les responsables des archives départementales de leur communiquer certains documents en salle de lecture. L’ensemble du
fonds, pourtant non classé, fut communiqué à Aron Vinegar. C’est ainsi que les journaux
de chantier de Lucjan ­Wyganowski, architecte-délégué de Viollet-le-Duc à Pierrefonds,
ou les photographies anamorphiques sont aujourd’hui connus. ­Jean-Michel Leniaud, professeur à l’École des Chartes, averti de la présence de ces documents, nous en a fait
part en 2003. Après un récolement très rapide de ce fonds qui a confirmé la présence,
aux côtés d’archives du château de ­Pierrefonds, de manuscrits de plusieurs publications
de Viollet-le-Duc et de certains de ses dossiers de travail, les archives départementales
de l’Oise ont bénéficié de l’affectation en stage en 2004 d’un ­archiviste-paléographe,
­Bertrand Fonck, conservateur de patrimoine dans la spécialité archives alors en formation
à l’Institut national du patrimoine. Le traitement intellectuel et le reconditionnement de cet
ensemble de documents lui a été confié.
La découverte des trois fonds
Le traitement du fonds a révélé que s’y trouvaient mêlées des archives de la restauration,
mais aussi de l’administration du château de Pierrefonds, ainsi que des archives personnelles
d’Eugène Viollet-le-Duc (8 ml) et des archives personnelles de Lucjan Wyganowski (2 ml).
Celles de Viollet-le-Duc comprennent les manuscrits annotés, établis à un stade très avancé,
presque définitif, du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle (fig. 1),
du dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carolingienne à la Renaissance,
des ­Entretiens sur l’architecture, du Mémoire sur la défense de Paris, septembre 1870janvier 1871, de l’Histoire d’une maison, de l’Histoire d’une forteresse, de l’Histoire de l’habitation humaine depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours, du Massif du Mont-Blanc,
de L’Art russe, ses origines, ses éléments constitutifs, son apogée, son avenir, et de l’Histoire
d’un hôtel de ville et d’une cathédrale.
Il s’agit des textes écrits par Viollet-le-Duc, annotés par lui-même, parfois accompagnés d’épreuves d’impression également annotées (c’est le cas pour le Dictionnaire de
­l’architecture), parfois d’une ou plusieurs autres versions de Viollet-le-Duc et/ou de versions
écrites par une autre personne non encore identifiée, ces derniers textes étant parfois annotés par Viollet-le-Duc. On trouve cette seconde main pour les Entretiens sur l’architecture, le
Mémoire sur la défense de Paris, l’Histoire d’une forteresse, et l’Histoire d’un hôtel de ville et
d’une cathédrale. L’Art russe est entièrement écrit d’une autre main, avec ajouts et corrections de Viollet-le-Duc. Certains de ces manuscrits ont été détériorés par l’humidité.
À ce premier ensemble s’ajoutent des dossiers préparatoires au Dictionnaire de ­l’architecture
et au Dictionnaire du mobilier, constitués de notes de lectures, écrites par Viollet-le-Duc et
surtout par une autre main (fig. 2). Ces notes sont classées par ordre alphabétique en ce qui
concerne le Dictionnaire de l’architecture, et par parties, puis par ordre alphabétique, pour le
­Dictionnaire du mobilier.
LE FONDS D’ARCHIVES DU CHÂTEAU
DE PIERREFONDS CONSERVÉ
AUX ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’OISE
Bruno Ricard
Figure également dans ce fonds un fichier bibliographique manuscrit, classé par volumes d’un
catalogue (1 à 4), par thèmes et par siècles. On y trouve en particulier les rubriques ­« ­Fabliaux,
contes », « Facéties », « Dicts et complaintes », « Satires » ou « Bibliothèque orientale ». Ce ­fichier
appartenait vraisemblablement au père de Viollet-le-Duc.
Enfin, ce fonds privé comprend des dossiers relatifs à sa propriété parisienne (rue Laval
­prolongée, devenue rue Condorcet), et quelques documents relatifs à certains de ses autres
chantiers (église abbatiale de Saint-Denis, hôtel-Dieu de Montereau par exemple).
Le fonds Lucjan Wyganowski, moins volumineux, comprend pour sa part des dossiers relatifs
à des travaux pour la plupart menés sous l’autorité de l’architecte Jean-Baptiste Lassus puis
auprès d’Eugène Viollet-le-Duc.
Les archives personnelles de Viollet-le-Duc, conservées aux archives départementales de
l’Oise depuis 1978, proviennent du château de Pierrefonds. On ne sait pas, cependant, quand
elles y sont parvenues. La correspondance de l’administration des monuments ­historiques
évoque, en 1973, un dépôt effectué à une date inconnue par la famille d’un « bureau de
­Viollet-le-Duc », de fiches ayant servi à l’élaboration de ses dictionnaires et de ­divers autres
documents. Ce dépôt pourrait s’expliquer par la volonté momentanée de créer un musée
­Viollet-le-Duc à Pierrefonds. Peut-être est-ce aussi à l’occasion de l’exposition ­Viollet-le-Duc
de 1965 que des documents ont été confiés à l’administration des Monuments historiques.
Quoi qu’il en soit, il est presque certain que les dossiers préparatoires des dictionnaires (« les
fiches ») étaient conservés au château depuis cette époque. On ne peut en revanche que
­s’interroger sur le fait que les manuscrits, qui représentent l’élément de loin le plus ­important
de ce fonds, ne sont pas mentionnés dans la correspondance. Peut-on imaginer que
­Viollet-le-Duc les avait lui-même transférés à Pierrefonds et qu’ils s’y trouvaient depuis le
xixe siècle ?
Le fonds du château de Pierrefonds
Le fonds dit « du château de Pierrefonds », comprend pour sa part cent trente-deux articles,
occupe vingt mètres linéaires, et couvre la période 1850-1970.
Il est composé de deux ensembles distincts, les archives de l’agence des travaux de
­Viollet-le-Duc et de ses successeurs à Pierrefonds, Maurice Ouradou puis Just Lisch,
­c’est-à-dire les archives de la reconstruction du château, qui couvrent la période 1858-1885,
et des dossiers et registres relatifs à l’administration du château, pendant les travaux et après,
dont les documents les plus récents datent de 1970. Ce fonds a vocation à s’enrichir de
­documents produits et reçus par l’administration du château de Pierrefonds et encore conservés sur place.
Ce fonds est composé d’une grande diversité de typologies de documents : des correspondances, en particulier échangées entre Viollet-le-Duc et Wyganowski, des plans, des coupes, des
élévations, des croquis plus ou moins aboutis, des dessins préparatoires sur papier ou sur calque, des poncifs de décoration murale, des photographies, dont certaines anamorphiques, des
journaux du chantier, des attachements1, figurés ou non, des agendas, des devis, des comptes
de travaux et des factures, des registres de visite ou encore des registres de caisse.
Leur intérêt paraît indéniable à un archiviste. Cependant, il ne pourra être véritablement apprécié que lorsque les spécialistes de Viollet-le-Duc et du château de Pierrefonds le consulteront
et pourront à cette occasion vérifier s’il apporte de nouvelles clés d’analyse et de compréhension de la reconstruction du château.
Le fonds sera présenté dans l’ordre que le classement a donné aux dossiers, dont la progression répond à plusieurs logiques imbriquées (chronologique, général/particulier, bâti/décoratif,
typologique).
1. Attachements : relevé des travaux quotidiens exécutés par une entreprise de construction.
LE FONDS D’ARCHIVES DU CHÂTEAU
DE PIERREFONDS CONSERVÉ
AUX ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’OISE
Bruno Ricard
Les archives de la reconstruction
Les journaux des travaux, précisément tenus par Wyganowski, constituent les premiers éléments de ce fonds. Ils sont reliés en quatre volumes, débutent en 1858, et couvrent l’ensemble de la période de reconstruction. Ces registres, microfilmés, sont les éléments de ce fonds
les plus connus et les plus exploités (fig. 3 et 4).
Le fonds comprend également les minutes et les brouillons des lettres de Lucjan ­Wyganowski,
notamment adressées à Viollet-le-Duc et à ses successeurs, Maurice Ouradou et Just Lisch, les
lettres qu’il recevait, en particulier celles de Viollet-le-Duc, ainsi que des copies de lettres et instructions de Viollet-le-Duc (fig. 5). Cette correspondance, classée chronologiquement, couvre
les années 1858-1887. Elle n’est pas très abondante et contient dans un seul carton.
Le fonds comporte des documents relatifs à l’acquisition des terrains nécessaires à l’agrandissement du site relevant du château (copies d’actes de vente, tableaux synthétiques et
descriptifs, états de paiement, plans, etc.).
Deux cartons renferment des documents relatifs à l’exécution des travaux et aux relations
avec les entreprises. Les corps de métiers intervenant sur le chantier sont représentés, terrassiers, maçons, charpentiers, couvreurs, menuisiers, serruriers, plombiers, peintres, vitriers ou
sculpteurs. On y trouve des devis, des contrats, des factures (fig. 8) et quittances, qui illustrent
la prestation projetée ou réalisée. Y figurent également, parfaitement tenus par Wyganowski,
des attachements de travaux (fig. 6), classés par corps de métier puis par ordre chronologique, qui indiquent, quotidiennement, la nature et le volume du travail réalisé. Ces derniers
sont évalués en nombre d’heures de prestation/homme, mais aussi, parfois, en kilogrammes
de fournitures ou en nombre d’éléments techniques ou architecturaux. Ils complètent les journaux du chantier et permettent de suivre, au jour le jour, son évolution. On trouve aussi des
renseignements relatifs aux ouvriers, états mensuels, listes, rôles de paie, carnets de journées
de travail signalant, pour chaque homme, la nature du travail, le nombre d’heures assurées,
le salaire horaire et quotidien, qui nous éclairent sur l’histoire ouvrière et sur la dimension humaine du chantier (fig. 7).
La plupart des documents de ce fonds d’archives sont des documents figurés. On en compte
plus de trois mille. Beaucoup ne sont pas signés. Ils se présentent sur différents types de supports : papier, papier cartonné, calques, toiles. Un grand nombre d’entre eux, et en particulier
beaucoup de calques, fragiles par nature, sont détériorés et devront être restaurés avant de
pouvoir être communiqués.
Le fonds comprend tout d’abord des plans, des coupes et des élévations du château dessinés par Viollet-le-Duc et ses collaborateurs (fig. 9). Il comporte également les attachements
figurés des travaux (fig. 10). On y découvre par exemple les plans détaillés de chaque assise
de pierres des tours, distinguant les pierres d’origine, retaillées ou non (cette indication figure
sur le plan), et les nouvelles pierres.
De nombreux documents concernent la décoration et la statuaire, qu’il s’agisse des statues
et reliefs des façades extérieures, des statues intérieures ou des décorations murales. Pour
un certain nombre d’entre elles, on conserve les dessins en couleurs et les poncifs utilisés
(fig. 11-14). On trouve également des estampages.
Le fonds comprend aussi quarante-sept photographies, prises pendant le chantier de restauration ou après. Dix-neuf de ces photographies, réalisées par Auguste Chevallier en 1866,
sont circulaires (ou anamorphiques), résultat du procédé de la planchette photographique2,
qui n’a pas pour objectif de reproduire le réel objectif, mais la position topographique des
différents éléments du paysage. Il en résulte un support circulaire divisé en portions ­angulaires
2. Ce procédé, inventé par Auguste Chevallier, a fait l’objet d’un rapport publié dans le Bulletin de la société de géographie de
décembre 1862, p. 376-386. Auguste Chevallier est connu pour avoir photographié, en 1867, la collection d’armes et d’armures de
Napoléon III, installée Pierrefonds (cette collection est actuellement conservée au musée de l’Armée, à l’hôtel des Invalides, à Paris).
Il est vraisemblablement l’auteur des photographies circulaires, non signées.
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de tailles différentes, chacune reproduisant une petite partie du paysage, l’ensemble des
portions couvrant la totalité du panorama. Certaines photographies présentent des éléments
d’échafaudages (fig. 15).
Les archives de l’administration du château
Le fonds du château de Pierrefonds conservé aux archives départementales de l’Oise ne comporte pas seulement les dossiers, cahiers et documents figurés produits par l’agence des travaux
de Viollet-le-Duc. Des documents très divers, mais aussi très lacunaires, relatifs à la gestion du
monument, avant et après l’achèvement des travaux de restauration, y figurent également.
Pour la période du chantier, le fonds comprend des dossiers relatifs au chauffage du château,
au bois et au charbon, et aux fournitures diverses, ainsi que des autorisations de visites à
partir de 1867, pour la plupart délivrées par Viollet-le-Duc et par Wyganowski, et des registres
ou cahiers de signatures des visiteurs du château pour la période 1872-1879.
Des documents très disparates, conservés dans ce fonds, ont été produits ou reçus après
l’achèvement des travaux. Ils concernent le prêt d’éléments du mobilier du château aux
­expositions universelles de 1889 et de 1900, l’utilisation du château pendant la Première
Guerre mondiale, réquisitionné pour le logement de troupes (fig. 16) ou de prisonniers de
guerre, des registres de recettes de 1922 à 1969, des cahiers de statistiques de visites de
scolaires de 1959 à 1970, et quelques documents divers, dont des lettres de l’architecte des
Bâtiments de France adressées au gardien Tison entre 1940 et 1968.
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Figure 1
Fig. 1. Manuscrit du début de la préface du Dictionnaire de l’architecture (ADO, 64J1).
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Figure 2
Fig. 2. Exemples de notes figurant
dans les dossiers préparatoires
du Dictionnaire de l’architecture (ADO, 64J26).
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Figure 3
Fig. 3. Portrait de Lucjan Wyganowski,
non daté
(ADO, 4Tp101).
Fig. 4. Journal de travaux tenu
par Lucjan Wyganowski,
10 au 21 novembre 1858
(ADO, 4Tp1).
Figure 4
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Figure 5
Fig. 5. Lettre de Viollet-le-Duc à Wyganowski, 24 avril 1858 (ADO, 4Tp7).
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Fig. 6. Attachement de travaux de maçonnerie, 2-12 janvier 1867 (ADO, 4Tp9).
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Figure 7
Figure 8
Fig. 7. État mensuel d’emploi
et de rémunération des tailleurs
de pierre et des maçons, janvier 1861
(ADO, 4Tp10).
Fig. 8. Facture de l’entreprise Croquet
pour la fourniture de ciment,
5 octobre 1872 (ADO, 4Tp10).
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Figure 9
Fig. 9. Coupe de la charpente du bâtiment
des cuisines, détail (ADO, 4Tp25).
Figure 10
Fig. 10. Attachement figuré : croquis des onzième et douzième assises
de l’escalier de la tour Godefroy (ADO, 4Tp42).
Fig. 11. Dessin aquarellé sur calque
du blason de la septième preuse,
non daté (ADO, 4Tp42).
Figure 11
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Fig. 12. Dessin de
décoration murale
de la chambre
de l’Empereur, 1867
(ADO, 4Tp83).
Figure 12
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Fig. 13 et 14. Détail du dessin précédent (fig. 12)
et poncif recto de ce détail, 1867 (ADO, 4Tp83).
Fig. 15. Photographie anamorphique
d’Auguste Chevallier, cour d’honneur, 1866
(ADO, 4Tp100).
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Fig. 16. Réquisition du château pour loger 1 350 tirailleurs marocains, 23 septembre 1915 (ADO, 4Tp113).
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Annexe
Inventaire du fonds du Château de Pierrefonds, 1850-1970
Réalisé en 2004 par Bertrand Fonck, conservateur stagiaire du patrimoine, sous la direction
de Bruno Ricard, directeur des archives départementales de l’Oise
Cotes extrêmes : 4 Tp 1* à 120*, 1 507 W 1* à 12
Agence des travaux de Viollet-le-Duc
et de ses successeurs à Pierrefonds
4 Tp 1*-4*Journaux des travaux de Pierrefonds tenus par Wyganowski, dits « cahiers de
Wyganowski » : quatre volumes manuscrits reliés. 1858-1885
1*
1858-1861.
2*
1862-1866.
3*
1867-1874.
4*
1875-1885.
4 Tp 5Brouillons de Wyganowski concernant les travaux : brouillons du début du journal des travaux (1858), carnets et fragments de carnets comprenant notamment
des brouillons du journal des travaux (1858-1869), brouillons, notes et croquis
divers concernant les travaux (1862-1879, s. d.). 1858-1879, s. d.
4 Tp 6Agendas de Wyganowski concernant les travaux de restauration. 1865-1885
(manque 1880).
4 Tp 7Correspondance de Wyganowski : minutes et brouillons de lettres de Wyga­nowski
adressées notamment à Viollet-le-Duc et à ses successeurs (en partie reliés,
1858-1885), lettres reçues par Wyganowski (dont certaines étaient adressées à
Pierrefonds à l’attention de Viollet-le-Duc), avec notes de Wyganowski, copies et
minutes de lettres et instructions de Viollet-le-Duc (1858-1887)3. 1858-1887.
4 Tp 8Agrandissement du château et de ses dépendances, acquisition de propriétés :
tableaux synthétiques des propriétés acquises, état des propositions de vente,
état des paiements effectués, plan de propriété, copies d’actes de vente et de
promesses de vente, tableau descriptif des propriétés de Pierrefonds avec indication des montants d’achat, affiche de maison à vendre. 1860-1879.
4 Tp 9Attachements et mémoires de travaux. Mémoires d’attachements et attachements de travaux visés par Wyganowski (classement par corps de métier et
chronologique) : terrassement (1879-1884), maçonnerie (1858-1886), charpenterie (1861-1883), menuiserie (1866-1876), serrurerie (1866-1870, 1873),
plomberie (1885), mémoire d’attachements divers (1863). Mémoires et devis
généraux de travaux : métrés, mémoires et états de situation de travaux exécutés, états des dépenses, mémoires de travaux à effectuer et devis (1858-1885),
brouillons de mémoires de travaux (1872-1876), devis général d’achèvement
des travaux (1873), relevé des matériaux restant au chantier (s. d.). Formulaires
et marché général de travaux vierges (s. d.). Dossiers vides : portefeuille vide
annoté, dossiers vides concernant les travaux avec quelques croquis et notes
(1860-1875). 1858-1886.
3. Classement chronologique distinct pour chaque année des lettres des architectes, Viollet-le-Duc, Ouradou et Lisch, et des autres
expéditeurs. Les lettres de Viollet-le-Duc à Wyganowski sont reliées pour les années 1858 à 1861. L’ensemble de la correspondance
contient des croquis de Viollet-le-Duc et de Wyganowski.
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4 Tp 10Relations avec les entrepreneurs et régie de travaux. Listes des artistes et entrepreneurs employés à Pierrefonds (s. d.). Dossiers d’entrepreneurs, pouvant comprendre des lettres des entrepreneurs, mémoires et brouillons de mémoires de
travaux, attachements, comptes de travaux, factures, quittances, mémoires et
bons de fourniture, autorisations de paiement, mémoires des prix pratiqués, notes
et croquis (classement par corps de métier) : maçonnerie (1858-1880, avec un
livret d’ouvrier et un cahier des charges particulières), charpenterie (1860-1882,
avec un contrat), menuiserie (1865-1882), serrurerie (1858-1885), plomberie et
couverture (1858-1878), fumisterie (1864-1884), peinture et vitrerie (1859-1873),
sculpture (1873-1885). Travaux réalisés en régie (classement chronologique) : mémoires de travaux, attachements de journées, carnets de journées de travail en
régie, listes d’ouvriers, rôles de paye (1858-1873, s. d.). 1858-1885.
4 Tp 11-37Plans, coupes et élévations du château dessinés par Viollet-le-Duc et ses collaborateurs : plans sur papier, dont certains aquarellés, calques, calques collés sur
papier, plans sur toile, autographies (copies imprimées). 1858-1917.
11Plans généraux du domaine et du château (domaine et propriétés acquises, plans d’alignement du bourg, abords, plans de masse, sous-sol,
rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage, étages supérieurs), 1858-1883.
12Élévations et coupes du château (ensemble des façades avec un plan,
façade principale, façade nord-ouest, façade nord-est et vues axonométriques nord imprimées, façade sud-est et vues axonométriques estsud-est, façades sur cour, avec des planches publiées dans L’Émulation),
1860-1869.
13
Relevés de nivellement, 1858 et s. d.
14
Tour Charlemagne (étages avec projets de carrelage), 1865-1869.
15
Tour Jules César, 1863-1866.
16
Tour Artus (avec détail de la charpente métallique), 1864 et s. d.
17
Tour Alexandre, 1865-1866.
18
Tour Godefroy de Bouillon, 1860.
19
Tour Josué, 1866-1867.
20
Tour Hector (avec un détail de charpente), 1858.
21Chapelle ou tour Judas Macchabée (avec détails d’éléments dont la
rose, les ferrures de la porte et des fenêtres et la charpente métallique),
1865-1875.
22
23Grand corps de logis (sous-sol et rez-de-chaussée, portique et galerie, 1er
étage et combles), 1862-1874.
24
25Aile des cuisines ou des invités (bâtiment des cuisines, beffroi, grand escalier), 1863-1874, 1898.
26
Grand vestibule et aile sud-est, 1866-1881.
27
Donjon, 1858-1869.
28
Tour carrée, 1858 et s. d.
29
Cour d’honneur, réservoirs et conduites d’eau, 1867-1888, 1917.
30
Châtelets, 1865-1867 et s. d.
Porte d’entrée, 1863-1880 et s. d.
Escalier à double révolution, 1864-1865 et s. d.
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DE PIERREFONDS CONSERVÉ
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31
Ponts, 1866-1870 et s. d.
32
Poternes et portes extérieures, 1859-1892.
33
Murs de défense et de clôture, 1859-1879.
34
« Dévalade », 1865-1873.
35
Remises, 1867.
6
Détails de plusieurs éléments différents du château, 1865-1874, s.d.
37
Éléments non localisés, 1869, s. d.
4 Tp 38-70Attachements figurés des travaux : minutes (calepins) et attachements4.
1858-1886.
38Tour Charlemagne (soubassements, rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage,
3e étage, 4e étage, autres éléments), 1865-1886.
39Tour Jules César (rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage, 3e étage),
1863-1886.
40Tour Artus (sous-sol, rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage, 3e étage, autres
éléments), 1864-1866.
41Tour Alexandre (rez-de-chaussée et escalier, 1er étage et escalier, 2e étage
et escalier, 3e étage, autres éléments), 1864-1867.
42Tour Godefroy de Bouillon (cheminées et escalier, dernier étage et acrotère, galerie des mâchicoulis, autres éléments)5, 1858-1867 et s. d.
43Tour Josué (sous-sol, rez-de-chaussée, entresol, 1er étage, 2e étage,
3e étage, autres éléments), 1866-1883.
44
45Chapelle ou tour Judas Macchabée (rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage,
grand pignon, escaliers, sacristie, autres éléments), 1866-1884.
46Courtines (tour Artus-tour Godefroy de Bouillon, tour Godefroy de
Bouillon-tour Hector, tour Hector-chapelle, chapelle-tour Charlemagne),
1864-1886.
47
48Grand corps de logis (sous-sol dit grands souterrains, rez-de-chaussée,
1er étage, pignon et lucarnes, autres éléments), 1863-1885.
49Escalier à double révolution (rez-de-chaussée et étages, autres éléments),
1864-1877.
50Aile des cuisines ou des invités (sous-sol, rez-de-chaussée, 1er étage,
combles, beffroi, autres éléments), 1863-1884.
51Grand vestibule et aile sud-est (sous-sol avec citerne, grand perron,
rez-de-chaussée, 1er étage, pignon du bâtiment des remises, autres éléments), 1864-1884.
52Donjon (rez-de-chaussée du grand logis, voûtes du petit logis, 2e étage
du grand logis, 3e étage du grand logis et mur pignon, porche, escalier,
autres éléments), 1860-1879.
Tour Hector (galerie des mâchicoulis, acrotère)6, 1858 et s. d.
Porte d’entrée (rez-de-chaussée, étages, tourelle), 1863-1867.
4. Les attachements mis au propre sont classés à part lorsqu’ils sont nettement postérieurs aux calepins.
5. Présence de carnets d’attachements reliés.
6. Présence de carnets d’attachements reliés.
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DE PIERREFONDS CONSERVÉ
AUX ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’OISE
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53Tour carrée du donjon et poterne de la chapelle (rez-de-chaussée et
1er étage, 2e étage, attachements du 3e étage, 4e étage, 5e étage et crénelage, poterne de la chapelle, autres éléments), 1858-1886 et s. d.
54
55Cour d’honneur (trottoirs, puits, égouts, caniveaux et déversoir),
1866-1886.
56
57Ponts (maçonnerie sous le pont-levis et contrefort de la tour Jules césar,
piles du pont-levis, mur de contrescarpe, fosse d’aisance près du pontlevis, autres éléments), 1863-1886.
58Poternes extérieures (poterne Saint-Jean, attachements du châtelet d’Artus, poterne du xiie siècle, poterne Saint-Michel extérieure, poterne du
Gorpil), 1865-1885.
59Grandes lices dites plate-forme ou esplanade (échauguette d’angle,
contrefort du 2e châtelet, mur face aux tours Jules César et Charlemagne,
mur de soutien), 1865-1885.
60
« Dévalade », 1865.
61
Agence des travaux (portes), 1879-1880.
62Remises (mur entre le fossé et les remises, rez-de-chaussée, autres éléments), 1867-1876.
63
Bastion Artus (revêtement, mur de crénelage), 1873-1881.
64
Bastion Godefroy de Bouillon (revêtement), 1879-1880.
65
Bastion Hector (revêtement, mur d’angle, face), 1869-1878.
66Murs de défense (au pied des tours Artus à Godefroy de Bouillon, au pied
des tours Godefroy de Bouillon à Hector, au pied de la tour Hector et de
la chapelle), 1869-1880.
67Murs de soutènement (murs attenant au bastion Artus, attachements du
mur sur la rue Pierrot, mur attenant au bastion Godefroy de Bouillon, mur
sur la rue du bourg, mur en face de l’agence des travaux, mur face à la
chapelle, autres murs), 1866-1886.
68
69Minutes et attachements concernant plusieurs parties différentes du château, 1866-1886.
70
Balustrades sur la cour d’honneur, 1866-1873.
Châtelets (1er châtelet, 2e châtelet, fossé du 1er châtelet), 1865-1885.
Murs de clôture, 1865-1883.
Éléments non localisés (éléments datés et non datés), 1864-1873 et s. d.
4 Tp 71-91Décoration et statuaire : dessins préparatoires, calques et poncifs. 1859-1883.
71Statues et reliefs des façades extérieures (Annonciation de la façade principale, saint Georges de la porte d’entrée, saint Michel de la poterne,
iconographie des Preux avec des planches imprimées, statues d’Artus,
de Godefroy de Bouillon, d’Hector, de Charlemagne, de Jules César),
1859-1864 et s. d.
72
Salle des Preuses (frise, statues et armoiries des Preuses), s. d.
73
Portique (sculptures), 1865-1883.
74
Statue du grand perron et gouttière en forme de salamandre, s. d.
75
Chapelle (façade et crête du comble), s. d.
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Beffroi (détail du poinçon), s. d.
76
77Donjon (salon de l’Impératrice, Vertus de l’escalier, peintures murales),
1863-1868.
78
Ornements de plomberie et serrurerie, 1866-1884.
79
Mobilier (banc du donjon), s. d.
80
Détails de plusieurs éléments différents du château, s. d.
81Décors non localisés (chapiteaux, poinçons et statues de crêtes dont des
bronzes, figures armoriées, armoiries, estampages, motifs divers), 1870
et s. d.
82-87Poncifs de décorations murales, 1865-1867 et s. d.
82
Grand logis, 1867 et s. d.
83
Chambre de l’Empereur, 1867.
84
Cabinet de l’Empereur, 1866.
85
Chambre de l’Impératrice, s. d.
86
Salon de l’Impératrice, 1865-1866.
87
Salon du 2e étage, 1866.
88-91Poncifs de décorations murales non localisées, s. d.
88
Motifs animaux, s. d.
89
Motifs végétaux, s. d.
90
Motifs géométriques, s. d.
91
Motifs stylisés, s. d.
4 Tp 92Chauffage et fournitures diverses. Chauffage : mémoires de consommation et
dépenses en bois et charbon avec lettres d’expédition par chemin de fer, notes
de temps consacré par le gardien au chauffage (1867-1872), factures et reçus
(1865-1872), bons de livraison de charbon et de bois (1867-1869). Fournitures
diverses : bons, factures, reçus et mémoires de fournitures et travaux d’entretien, récépissés (1858-1873). 1858-1873.
4 Tp 93-98*Visites du château durant les travaux de restauration : autorisations de visites et
registres de signature des visiteurs. 1867-1879.
93Autorisations de visites délivrées en majorité par Viollet-le-Duc et Wyganowski, ainsi que d’autres autorités, à l’adresse du surveillant militaire du
château, 1867-1873 et s. d.
94*-98* Registres ou cahiers de signatures des visiteurs du château,
1972-1879.
94* 6 octobre 1872-19 juillet 1874.
95* 21 juillet 1874-27 septembre 1875.
96* 28 septembre 1875-29 septembre 1876.
97* 28 septembre 1876- 2 décembre 1877.
98* 1878-1879.
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4 Tp 99Études des travaux : résumé de l’historique des travaux et de leur coût de 1858
à 1886 et extraits de procès-verbaux de séances de la Commission des monuments historiques sur le financement de la restauration en 1873 (s. d.), extrait d’un
numéro du Messager de l’Exposition concernant la restauration (1878). 1878, s. d.
4 Tp 100Photographies des travaux, du château et de sa maquette, dont certaines vues
anamorphiques réalisées grâce au procédé de la planchette photographique,
avec quelques vues ne concernant pas Pierrefonds7. 1866, s. d.
4 Tp 101Portrait photographique de Wyganowski, encadré, portant au dos la mention
« Wyganosky, architecte collaborateur de Viollet-le-Duc de 1858 à 1883 ». s. d.
4 Tp 102Chantiers voisins de Pierrefonds assurés par l’agence des travaux du château.
Travaux de l’église de Saint-Jean-aux-Bois : mémoires de dépenses des travaux, plans, notes, carnets d’attachement et de journal des travaux et brouillons
de Wyganowski concernant ce chantier (1878-1883). Fouilles archéologiques
autour de Pierrefonds, camps de Picquigny, Saint-Pierre et Champlieu : plans,
relevés et croquis d’objets trouvés (1850-1884). 1850-1884
4 Tp 103-111Archives de la Commission des monuments historiques (Paris, Gide et J. Baudry,
1855-1872) : portefeuilles8 grand format de planches et textes non reliés, avec titre
manuscrit et pochettes intérieures à titres manuscrits (classement par volume de
l’ouvrage, par parties et ordre alphabétique des monuments). 1855-1872
103Premier volume : introduction, pages de titres, architecture antique,
1855.
104Premier volume : Moyen Âge, architecture religieuse (Avioth à Loupiac),
s. d.
105Premier volume : Moyen Âge, architecture religieuse (Montier-en-Der à
Saint-Genou), s. d.
106Deuxième volume : Moyen Âge, architecture religieuse (Saint-Nazaire de
Carcassonne à Saintes-Maries), s. d.
107Deuxième volume : Moyen Âge, architecture religieuse (Saint-Germer à
Vignory), s. d.
108Deuxième volume : Moyen Âge, architecture épiscopale et monastique, s. d.
109 Troisième volume : Moyen Âge, architecture militaire, s. d.
110 Quatrième volume : Renaissance, architecture civile (Blois), s. d.
111 Quatrième volume : Renaissance, architecture civile (Orléans), 1872.
Administration du château après sa restauration
4 Tp 112Expositions universelles de 1889 et 1900, prêts de mobilier de Pierrefonds.
­Exposition de 1889 : liste des objets envoyés (1889). Exposition de 1900 : liste
des objets envoyés et mode d’emballage des objets en 1889, lettres de la commission d’organisation de l’exposition au conservateur de Pierrefonds, ­certificat
d’admission, demande d’enlèvement de colis et déclarations d’expédition par
chemin de fer, avec deux affichettes de l’exposition (1900-1901). Brochure
­imprimée intitulée Lois et décrets relatifs à la conservation des monuments
­historiques. Liste des monuments classés (1889). 1889-1901.
7. Voir l’inventaire de ces photographies en annexe de ce répertoire, p. 20-22.
8. Ces portefeuilles ne portant aucune marque d’appartenance, ils ont été considérés comme faisant partie de la documentation des
architectes et agents chargés des travaux de restauration de Pierrefonds et donc classés au sein de la sous-série 4 Tp.
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4 Tp 113Utilisation du château durant la Première Guerre mondiale : billets de logements, notes de réquisition et consignes de l’autorité militaire et de la mairie
de Pierrefonds au gardien Auer (classement chronologique). 1914-1919.
4 Tp 114Correspondance des gardiens et gardiens chefs du château, comportant
des notes, décrets, instructions, arrêtés adressés par l’administration des
Beaux-Arts et notamment l’agent comptable du droit d’entrée dans les musées et monuments : gardiens Auer (1903-1925), Vallat (1926-1927), Calmette
(1928-1929, avec deux lettres à l’architecte des monuments historiques Venet),
et Pillot (1929-1948), avec des règlements des visites du château, consignes
aux gardiens, autorisations de visites, affiches imprimées portant réglementation de la perception du droit d’entrée et brochures imprimées. 1903-1948.
4 Tp 115*-
120*,
1507 W 1*-
10*
Registres de prise en charge et de caisse du préposé aux recettes du château,
numérotés de 1 à 16, contenant des reçus et récépissés de mandats et des
états des tickets demandés et reçus par le préposé aux recettes, collés sur les
registres. 1922-1970
4 Tp 115* Registre 1, juillet 1922-février 1926.
116*
Registre 2, mars 1926-mai 1928.
117*
Registre 3, juin 1928-août 1930.
118*Registre 4, avec un formulaire d’état des tickets utilisés vierge, septembre 1930-mars 1933.
119*
Registre 5, avril 1933-octobre 1935.
120*
Registre 6, novembre 1935-juin 1938.
1507 W 1*Registre 7, avec quatre lettres de l’administration au préposé aux
recettes (1942-1944), juillet 1938-avril 1946.
2*Registre 8, avec une lettre au préposé aux recettes et un procèsverbal de vérification (1949), mai 1946-avril 1950.
3*Registre 9, avec un procès-verbal de vérification (1951),
mai 1950-juin 1953.
4*
Registre 10, juillet 1953-avril 1956.
5*
Registre 11, mai 1956-juin 1958.
6*Registre 12, avec une lettre de l’administration au préposé aux recettes (1959), juillet 1958-15 août 1960.
7*
8*Registre 14, avec une lettre de l’administration au préposé aux recettes (1963), janvier 1963-mai 1965.
9*Registre 15, avec un procès-verbal de vérification (1966),
juin 1965-juin 1967.
10*Registre 16, avec une lettre de l’administration au préposé aux recettes, des procès-verbaux de vérification et de récolement des
tickets, deux bordereaux de versements effectués et des extraits
de compte et talons de chèques, juillet 1967-décembre 1969.
Registre 13, 16 août 1960-décembre 1962.
1507 W 11Correspondance du gardien du château Tison, comprenant des lettres de
l’archi­tecte des bâtiments de France, avec des rapports de visite de la société
de protection contre l’incendie. 1940-1968.
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DE PIERREFONDS CONSERVÉ
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1507 W 12Visites du château par les écoles : quatre cahiers de statistiques tenus par le
gardien Tison (années 1959-1963, 1966, 1967-1968, 1969-1970). 1959-1970.
Inventaire des photographies de la cote 4 Tp 100
Vues anamorphiques réalisées à la planchette photographique d’Auguste Chevallier.
Vues du château de Pierrefonds, novembre 1866.
1-4Plan du château comprenant 19 photographies circulaires, avec prises de cotes
et tracés au crayon.
Épreuve monochrome sur papier albuminé. 20 x 35 cm.
Épreuve monochrome sur papier albuminé. 18 x 32 cm.
Épreuve monochrome sur papier albuminé. 12,5 x 22,5 cm.
Épreuve monochrome sur papier albuminé. 24,3 x 43,5 cm.
5-6Photographie circulaire n° 17, monochrome sur papier albuminé. Diamètre
32 cm.
7Photographie circulaire n° 18, monochrome sur papier albuminé. Diamètre
30,2 cm.
8Photographie circulaire n° 18, monochrome sur papier salé mat. 14 x 14,5 cm.
9Photographie circulaire n° 12, monochrome sur papier albuminé. Diamètre
29 cm.
10-11Photographie circulaire n° 12, monochrome sur papier papier salé mat. Diamètre 29 cm.
12
Photographie circulaire n° 2, monochrome sur papier albuminé. 31 x 33 cm.
13Photographie circulaire n° 1, monochrome sur papier papier salé mat. Diamètre
29 cm.
14Photographie circulaire n° 16, monochrome sur papier papier salé mat. Diamètre 29,5 cm.
15Photographie circulaire n° 16, monochrome sur papier albuminé. Diamètre
28,5 cm.
16Photographie circulaire n° 19, monochrome sur papier salé mat. Diamètre
29,7 cm.
17Photographie circulaire n° 14, monochrome sur papier salé mat. Diamètre
29 cm.
18Photographie circulaire n° 15, monochrome sur papier albuminé. Diamètre
31 cm.
19Photographie circulaire n° 15, monochrome sur papier salé mat. 14 x 14,5 cm.
20Photographie circulaire (vue de l’extérieur du château non numérotée), monochrome sur papier albuminé. Diamètre 27,7 cm.
21Photographie circulaire (vue de l’extérieur du château non numérotée), monochrome sur papier albuminé. Diamètre 27,5 cm.
22Photographie circulaire (vue de l’extérieur du château non numérotée), monochrome sur papier albuminé. Diamètre 31 x 32,5 cm.
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Lieux non identifiés
23
Photographie circulaire monochrome sur papier albuminé. Diamètre 8,5 cm.
24-26Reproductions de photographies circulaires : ville non identifiée. Épreuves monochromes sur papier albuminé. 22 x 28 cm.
Autres vues du château de Pierrefonds
Vues générales.
27Vue méridionale du château (« Mieusement phot. Blois »). Épreuve monochrome
sur papier albuminé collée sur carton. 26 x 38 cm (carton 45 x 63 cm).
28Vue occidentale du château (« Mieusement phot. Blois »). Épreuve monochrome
sur papier albuminé collée sur carton. 25,5 x 34,5 cm (carton 45 x 63 cm).
29Travaux de restauration. Épreuve monochrome sur papier albuminé. 28 x 37 cm.
Cour d’honneur
30Galerie couverte (« A. Dupré, Compiègne »). Épreuve monochrome sur papier
albuminé collée sur carton. 26,5 x 36 cm (carton 49 x 64 cm).
31Tourelle du Donjon (« Mieusement phot. Blois »). Épreuve monochrome sur papier albuminé collée sur carton. 25 x 37,5 cm (carton 45 x 63 cm).
32
Tourelle du Donjon. Épreuve monochrome sur papier albuminé. 8,5 x 39 cm.
33Vue du donjon et de la chapelle depuis la cour (« Mieusement phot. Blois »).
Épreuve monochrome sur papier albuminé collée sur carton. 25,5 x 34 cm (carton 45 x 63 cm).
34Statue équestre de Louis XII (« Mieusement phot. Blois »). Épreuve monochrome
sur papier albuminé collée sur carton. 25,5 x 34,5 cm (carton 45 x 63 cm).
Intérieurs
35Intérieur de la chapelle. Épreuve monochrome sur papier albuminé.
31,5 x 39,5 cm.
36Intérieur de la chambre de l’Impératrice. Épreuve monochrome sur papier albuminé.
37Intérieur de la salle des Preuses. Épreuve monochrome sur papier albuminé.
Plans et dessins du château.
38Plan général du domaine (« Pesme phot. Paris »). Épreuve monochrome sur
­papier albuminé collée sur carton. 32 x 51 cm (carton 52 x 70 cm).
39Plan de masse du rez-de-chaussée. Épreuve monochrome sur papier albuminé.
21,5 x 32,5 cm.
40Plan de masse du 1er étage. Épreuve monochrome sur papier albuminé.
23,7 x 30,6 cm.
41Plan de masse du 2e étage du château. Épreuve monochrome sur papier albuminé. 25,8 x 32 cm.
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DE PIERREFONDS CONSERVÉ
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42Dessin du château restauré. Épreuve monochrome sur papier albuminé collée
sur carton. 24 x 38 cm (carton 38,5 x 51 cm).
43Vue septentrionale de la maquette réalisée par Wyganowski (« A. Dupré,
­Compiègne »). Épreuve monochrome sur papier albuminé collée sur carton.
24 x 30 cm (carton 36 x 44 cm).
44Vue méridionale de la maquette réalisée par Wyganowski (« A. Dupré,
­Compiègne »). Épreuve monochrome sur papier albuminé collée sur carton.
24 x 30 cm (carton 36 x 44 cm).
45Vue méridionale de la maquette réalisée par Wyganowski (« A. Dupré,
­Compiègne »). Épreuve monochrome sur papier albuminé collée sur carton.
24 x 30 cm (carton 36 x 44 cm).
46Dessin de la chapelle (« Pesme phot. Paris »). Épreuve monochrome sur papier
albuminé collée sur carton. 28 x 45 cm (carton 48 x 62,5 cm).
Vue autre que Pierrefonds
47
Paysage hivernal. Épreuve monochrome sur papier albuminé. 21 x 22 cm.
Sommaire
Sommaire
English contents below
Sous la direction de Christophe Vallet,
président du Centre des monuments nationaux
Christophe Vallet,
président du Centre des monuments nationaux
Président de séance : Bruno Foucart,
docteur ès lettres, professeur honoraire
de l’université Paris-IV, commissaire général
de l’exposition Viollet-le-Duc, Paris, 1980
Jean Mesqui,
docteur ès lettres, ingénieur général
des Ponts et Chaussées
Jean-Paul Midant, docteur en histoire,
maître-assistant à l’École nationale supérieure
d’architecture de Paris-Belleville
Nicolas Faucherre, professeur d’histoire de l’art
à l’université de Nantes (Loire-Atlantique)
Étienne Poncelet, architecte en chef et inspecteur
général des monuments historiques
Jean-Pierre Reverseau,
conservateur général du patrimoine,
directeur adjoint du musée de l’Armée, Paris
Martin Bressani,
professeur agrégé, école d’architecture,
université McGill, Montréal (Canada)
Laurent Baridon, docteur en histoire, professeur
à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère)
Ouverture du colloque
L’exposition Viollet-le-Duc au Grand Palais à Paris (1979-1980)
Résumé Abstract
Le château du xve siècle. L’œuvre de Louis d’Orléans à Pierrefonds
Résumé Abstract texte non communiqué
Le château de Pierrefonds reconstruit : résidence ou musée ?
Résumé Abstract
Le parc du château de Pierrefonds, un projet singulier
Résumé Abstract texte non communiqué
Un château reconstruit dans les années 1860 (la leçon d’architecture)
Résumé Abstract
Le cabinet d’armes de Napoléon III à Pierrefonds
Résumé Abstract
Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc
Résumé Abstract
Une « histoire naturelle à part » :
la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
Résumé Abstract
Sommaire
Président de séance : Jean-Michel Leniaud
professeur à l’École nationale des chartes, directeur
d’études à l’École pratique des hautes études, Paris
Aron Vinegar, Assistant Professor,
département d’histoire de l’art,
Ohio State University, Columbus (États-Unis)
Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec,
docteur en archéologie, chercheur associé
à l’UMR 5140, Lattes (Hérault)
Arnaud Timbert, docteur en histoire
de l’art médiéval, maître de conférences
à l’université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord)
Présidente de séance : Marie-Paule Arnauld,
conservatrice générale du patrimoine,
directrice du musée des Monuments français, Paris
Jean-Daniel Pariset, conservateur général
du patrimoine, directeur de la Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine, Paris
Bruno Ricard,
conservateur en chef du patrimoine,
directeur des archives départementales de l’Oise
Michel Clément,
directeur de l’Architecture et de Patrimoine
au ministère de la Culture
Le chantier de Pierrefonds, œuvre d’État :
nation et spécificités locales
Résumé Abstract
La photographie panoramique
et la restauration du château de Pierrefonds
Résumé Abstract
Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu et du camp de Saint-Pierre,
et le dessein archéologique de Napoléon III
Résumé Abstract
Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
le cas de la cathédrale de Noyon et des églises de l’Oise
Résumé Abstract
Présentation générale des archives publiques
concernant l’œuvre de Viollet-le-Duc
Résumé Abstract
Les archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine
Résumé Abstract
Le fonds d’archives du château de Pierrefonds
conservé aux archives départementales de l’Oise
Résumé Abstract
Clôture du colloque
Contents
Contents
Sommaire français
Under the patronage of Christophe Vallet,
president, Centre des monuments nationaux
Christophe Vallet, president,
Centre des monuments nationaux, Paris, France
Symposium opens
Chairing : Bruno Foucart, PhD,
professor emeritus, université Paris-IV, organiser
of the Viollet-le-Duc exhibition, Paris
The 1980 exhibition on Viollet-le-Duc, Paris
Résumé Abstract
Jean Mesqui,
PhD, construction general engineer,
École nationale des ponts et chaussées
Jean-Paul Midant, PhD in history, lecturer,
École nationale supérieure d’architecture
de Paris-Belleville
The fifteenth-century chateau;
the work of Louis d’Orléans at Pierrefonds
Résumé Abstract Not available
The reconstructed chateau of Pierrefonds: residence or museum?
Résumé Abstract
Nicolas Faucherre, professor of History of Art,
université de Nantes (Loire-Atlantique, France)
The chateau grounds at Pierrefonds, a remarkable project
Résumé Abstract Not available
Étienne Poncelet, chief architect
and general inspector, Monuments historiques
A château reconstructed in the 1860s (the lesson in architecture)
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Jean-Pierre Reverseau, heritage chief curator,
deputy director of the Musée de l’Armée, Paris
Napoleon III’s collection of armour at Pierrefonds
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Martin Bressani, professor, school of architecture,
McGill University, Montreal (Canada)
Laurent Baridon, PhD in art history,
professor at université Pierre-Mendès-France,
Grenoble (Isère, France)
Empire, nation, and militaristic ideology in Viollet-le-Duc’s works
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A certain “natural history”:
the inventive sculpture of Pierrefonds
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Contents
Chairing: Jean-Michel Leniaud
professor, École nationale des chartes, director
of studies, École pratique des hautes études, Paris
Aron Vinegar,
assistant professor, Department of History of Art,
Ohio State University, Columbus (USA)
Marie-Laure Le Brazidec,
PhD in archaeology, researcher associated
with the UMR 5140, Lattes (Hérault, France)
Arnaud Timbert, PhD in medieval art
and archaeology, lecturer,
université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord, France)
Chairing: Marie-Paule Arnauld,
heritage chief curator, director of the musée
des Monuments français, Paris
Jean-Daniel Pariset,
heritage chief curator, director of the Médiathèque
de l’architecture et du patrimoine, Paris
Bruno Ricard,
heritage chief curator, director of the archives
départementales de l’Oise (France)
The Pierrefonds site:
a state enterprise, between centrality and local specificities
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Panoramic photograph
and the restoration of the Château de Pierrefonds
Résumé Abstract
Viollet-le-Duc, the Champlieu and Camp de Saint-Pierre excavations,
and Napoleon III’s archaeological plans
Résumé Abstract
The Dictionnaire Raisonné’s illustrations:
the case of Noyon’s cathedral and the churches of the Oise region
Résumé Abstract
General introduction to the public archives
relating to the œuvre of Viollet-le-Duc
Résumé Abstract
The Viollet-le-Duc archives
at the Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
Résumé Abstract
The archives of the Château de Pierrefonds
deposited in the archives départementales de l’Oise
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