la foresterie et les changements climatiques au

Transcription

la foresterie et les changements climatiques au
Les changements climatiques ne sont
pas une mode passagère chez les
scientifiques, les environnementalistes
et les politiciens, ils ne sont pas pour
demain non plus. Les changements
climatiques sont bel et bien réels et
actuels. Plusieurs considèrent les
enjeux climatiques auxquels nous
faisons face comme étant parmi les plus
sérieux et urgents problèmes de
l’humanité actuellement. Les questions
de santé, de qualité de l’air ou de l’eau,
de la perte de biodiversité, de la
désertification, pour n’en nommer que
quelques-uns, sont des exemples de
l’interconnexion des problèmes environnementaux et de leur solution.
Les
impacts
des
changements
climatiques se font déjà sentir dans
plusieurs secteurs de l’économie
québécoise, et le secteur forestier est
parmi ceux-là.
Les changements climatiques affectent
les forêts québécoises à différents
niveaux. Parmi les impacts potentiels
figurent des tempêtes plus intenses et
plus fréquentes, avec des vents
importants pouvant augmenter les
risques de chablis. Les tempêtes de
verglas sont susceptibles de devenir plus
fréquentes, ainsi que les canicules et les
périodes
de
sécheresse.
Ces
phénomènes exerceront un plus grand
stress sur les forêts québécoises. Les
sécheresses peuvent accroître le
nombre de feux de forêts ainsi que leur
intensité et leur fréquence. Les
changements climatiques engendreront
également des perturbations causées par
les insectes et les maladies, ceux-ci
pouvant s’adapter plus rapidement que
les forêts aux nouvelles conditions.
Prenons par exemple la prolifération du
dentroctone du pin ponderosa dans
l’Ouest canadien, ou celle du longicorne
asiatique. Le climat ne cesse de varier
dans le temps. Les cycles climatiques
s’inscrivent dans le paysage forestier. Le
danger lié aux changements climatiques
actuels vient de la vitesse à laquelle
s’opèrent ces changements combinés à
l’effet cumulatif de ces perturbations. Les
écosystèmes les plus rares, les plus
fragmentés et les plus fragiles sont les
plus susceptibles d’être menacés.
D’un autre côté, les changements
climatiques, avec une hausse de
température et une plus grande
disponibilité de CO2 dans l’atmosphère
pourraient favoriser la croissance des
arbres, en plus de modifier les limites de
distribution, permettant par exemple le
déplacement graduel vers le nord de
certaines espèces jusqu'alors limitées
aux régions plus méridionales.
Image modifiée, Richard Morisset, © Le Québec en images, CCDMD.
Les impacts des
changements climatiques
sur les forêts au Québec
Image modifiée, Karl Fortin, © Le Québec en images, CCDMD.
LA FORESTERIE ET
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES AU QUÉBEC
LES IMPACTS DE
LA FORESTERIE SUR
LES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
LA FORESTERIE,
LES NÉGOCIATIONS
INTERNATIONALES ET
LE CANADA
En ayant ratifié la Convention Cadre des
Nations Unies sur les Changements
Climatiques et subséquemment le
Protocole de Kyoto, le Canada s’est
engagé à respecter l’Article 3.3 du
Protocole de Kyoto, et doit maintenant
considérer quelles activités selon l’Article
3.4 il utilisera afin de lutter contre les
changements climatiques. Ainsi, sous
l’Article 3.4, le Canada peut choisir de
comptabiliser les sources de carbone et
les absorptions des activités d’aménagement dans ses forêts commerciales.
En tant que source d’émissions
La majorité des activités reliées à la
foresterie émettent des gaz à effet de
serre par leur nature motorisée. On
pense, entre autres, à l’utilisation de
combustibles fossiles lors de la préparation
des sites de coupe, du tracé des chemins,
de la coupe, du transport, de la
transformation, etc. La déforestation en
soi contribue pour environ 25 % des
émissions de GES au niveau mondial,
puisque par la déforestation on élimine des
puits de carbone, donc la capacité de
séquestrer du carbone de l’atmosphère.
Au Canada, la déforestation est estimée
entre 320 et 520 km2/an, pour des
émissions annuelles se situant entre 9,5 et
14 millions de tonnes métriques par an de
CO2. De plus, un parterre forestier qui
vient d’être coupé se transforme en
source de carbone pendant plusieurs
années en raison du réchauffement du sol
par le soleil et par la génération
importante de débris ligneux plus facilement décomposables. Les perturbations
telles que les feux ou les infestations
d’insectes se traduisent par des émissions
de CO2 du secteur forestier également.
Le carbone qui sera retiré de
l’atmosphère et séquestré dans les puits
canadiens générera des crédits (unités
d’absorption UAB) qui pourront être
vendus sur le marché domestique ou
international. Dans son Plan sur les
changements climatiques de 2002, le
gouvernement canadien prévoyait que les
pratiques
forestières
canadiennes
pourraient engendrer un puits de
carbone de 20 millions de tonnes
métriques. De plus, le Gouvernement
pensait augmenter ce puits en investissant
dans les plantations, en réduisant le
déboisement et en encourageant la
sylviculture intensive. Le nouveau Projet
Vert du gouvernement canadien, divulgué
en 2005, a toutefois révisé l’estimation de
2002. Celle-ci pourrait maintenant
tomber à zéro en raison de l'infestation
par le dendroctone du pin ponderosa
survenue en Colombie-Britannique ainsi
qu’en raison des incendies de forêt.
En tant que puits et réservoir
L’écosystème forestier joue un rôle
important dans le cycle global du carbone.
En fait, les forêts contiennent environ 29 %
du carbone terrestre. Lorsque le carbone
est stocké dans les forêts, tant dans la
biomasse que dans les sols ou les produits
du bois, il ne se retrouve pas dans
l’atmosphère. En accroissant les puits et
les réservoirs, on contribue à atténuer les
effets des changements climatiques.
Articles en bref du Protocole
de Kyoto relatifs à l’ATCATF
Article 3.3 — Les pays industrialisés
doivent tenir compte de leurs activités de
boisement, de reboisement et de
déboisement (BRD) depuis 1990 dans leur
inventaire national de GES. Ces pays
doivent comptabiliser les variations nettes
du secteur forestier en calculant la
différence entre les émissions par les
sources et les absorptions par les puits.
Changements dans les stocks
de carbone forestier
Les échanges de CO2 entre les forêts et
l’atmosphère se produisent à différents
niveaux, soit par le biais des processus de
photosynthèse, de respiration, de
décomposition et des émissions induites
par des perturbations telles que les feux, la
défoliation due aux insectes et
l'exploitation forestière.
Article 3.4 — Les pays industrialisés
peuvent tenir compte des autres activités
reconnues dans le secteur de l’ATCATF,
soit l’aménagement forestier entre autres.
Image modifiée, Ariane Ouellet, © Le Québec en images, CCDMD.
Le système canadien
de compensations
pour les GES
Solutions possibles du secteur
forestier dans la lutte aux
changements climatiques
Le système de compensations offrira
des crédits pour les réductions ou les
absorptions d'émissions provenant de
projets acceptés par le système. Ces
crédits pourront ensuite être vendus
sur le marché intérieur et être achetés
par les grands émetteurs finaux du
secteur industriel, par le Gouvernement, par des ONG ou par des
citoyens qui veulent contribuer à un
environnement plus sain en les retirant
du marché. L’objectif d’un tel système
pour le secteur forestier est d’encourager les entreprises à modifier leurs
pratiques vers des pratiques plus
durables qui émettent moins de GES
ou qui absorbent plus de GES.
Il existe deux façons de contribuer à la
lutte aux changements climatiques dans le
secteur forestier : soit en réduisant les
sources d’émissions, soit en augmentant
les puits.
Réduire les sources d’émissions
En réduisant la déforestation.
En augmentant l’efficacité
énergétique (machinerie, camions
etc.) des activités associées à son
exploitation.
En utilisant davantage de
bioénergie dans ces activités,
entraînant une diminution de la
consommation de combustibles
fossiles.
En évitant la substitution du bois
de construction par l’acier, le
béton, etc. qui nécessitent des
procédés de transformation
beaucoup plus énergétivores.
En gérant le microclimat urbain
par les arbres, ceux-ci favorisant
une réduction de l’utilisation de
combustibles fossiles dans les villes
à travers une climatisation
optimale.
Image modifiée, Jean Dandurand, © Le Québec en images, CCDMD.
Toutefois, lorsque vient le temps de
gérer les puits de carbone, il faut
penser à l’effet de non-permanence
que représentent ces types de projets.
En effet, les puits peuvent être
réversibles, c’est-à-dire que le carbone
séquestré peut être relâché dans
l’atmosphère à la suite des infestations
d’insectes ravageurs, des maladies ou
des feux par exemple. C’est pourquoi
le système canadien de compensations
a décidé d’émettre des crédits
temporaires pour ce genre de projets.
Les projets de puits forestiers se
regroupent sous trois secteurs, soit
des projets de boisement/reboisement,
des projets de déboisement évités ou
réduits, et finalement des projets de
gestion des forêts.
Définitions et glossaire
ATCATF : Affectation des terres,
changements d’affectation des terres et
foresterie.
Boisement : Création de forêts par
plantation où ensemencement de terres
qui n’avaient pas porté de forêts pendant
une période déterminée (ex. 50 ans).
Déboisement (déforestation) :
Conversion anthropique directe de
terres forestières en terres non
Augmenter les puits
En augmentant le taux de
reforestation (créer de nouvelles
forêts).
En pratiquant une gestion qui
facilite la régénération.
En utilisant des produits forestiers
(meubles).
Avec des pratiques
d’agroforesterie.
forestières, pour développement urbain,
agricole, routier ou pétrolifère surtout.
porté des forêts, mais qui ont été
convertis en terres non forestières.
GES : Gaz à effet de serre
Réservoir de carbone : Système ayant
la capacité d’accumuler ou de libérer du
carbone. Exemples : la biomasse
forestière, les produits ligneux, les sols et
l’atmosphère.
Puits de carbone : Système qui absorbe
plus de carbone de l’atmosphère qu’il
n’en émet. Le contraire d’une source de
carbone.
Reboisement : Plantation ou
ensemencement de terres forestières sur
des terrains qui avaient précédemment
Source de carbone : Système qui émet
du CO2 dans l’atmosphère.
POSITION DE
NATURE QUÉBEC / UQCN
Une des solutions pour contribuer à la
lutte contre les changements climatiques
est certainement le boisement, c’est-àdire la création de nouvelles forêts. Dans
cette catégorie s’insère la foresterie
urbaine, c’est-à-dire l’effort d’accroître le
nombre d’arbres dans les villes. La
foresterie urbaine peut accroître
considérablement la qualité de vie dans les
villes en réduisant le phénomène des îlots
de chaleur, atténuant ainsi les canicules, en
favorisant une meilleure qualité de l’air, en
augmentant la biodiversité, ainsi qu’en
embellissant le paysage.
Nature Québec / UQCN a pris la décision
lors de son Assemblée générale annuelle
de 2005 de développer, au sein de sa
commission Foresterie, un programme
d’intervention dans la forêt méridionale. La
re-végétalisation de friches abandonnées
dans le sud de la province s’insère dans ce
contexte. La commission Biodiversité
cherche depuis quelques années les
meilleures façons d’augmenter la présence
d’arbres en milieu urbain. Indépendamment des objectifs d’une lutte contre
les changements climatiques, Nature
Québec / UQCN considère critiques les
interventions visant à restaurer les
écosystèmes de la forêt méridionale qui
sont dans un état précaire.
Nature Québec / UQCN souligne que ce
ne sont pas tous les projets de boisement
qui ont un impact positif sur l’environnement. Il met en garde notamment
contre les projets de boisement qui
impliqueraient des plantations de monocultures, l’utilisation abusive de pesticides /
herbicides ou la plantation d’espèces
génétiquement modifiées, ces pratiques
allant à l’encontre de la protection de la
biodiversité. Certes, d’un point de vue de
séquestration seulement, ces projets
pourraient avoir de bons résultats, mais
lorsque l’on considère ces projets dans
leur ensemble, on se rend compte que les
impacts négatifs sur les efforts de
restauration des écosystèmes naturels, sur
l’environnement et sur les milieux
forestiers existants dépassent les impacts
positifs de séquestration. Cette mise en
garde s’applique autant pour les projets de
reboisement.
Bien que les plantations puissent
apporter des bénéfices d’un point de vue
social et économique en plus de répondre
aux besoins en produits forestiers, elles
devraient se faire de manière à
complémenter l’aménagement des
forêts naturelles ainsi qu’à réduire la
pression sur celles-ci et à en promouvoir la
restauration et la conservation. La Loi sur
les forêts et ses règlements définissent un
ensemble
d’interventions
touchant
l’aménagement, et la commission
Foresterie de Nature Québec / UQCN
travaille sur une base continue pour
assurer une amélioration constante de la
réglementation à cet égard. L’approche
appelée « écosystémique » encadre ce
travail, qui met un accent sur la coupe
mosaïque pour la forêt boréale; les
approches à l’aménagement appropriées
pour la restauration de la forêt
méridionale sont plus récentes et font
l’objet de débats à l’heure actuelle.
L’aménagement forestier doit conserver la
diversité biologique ainsi que toutes ses
valeurs associées : l’eau, les sols, les
écosystèmes fragiles et uniques en plus des
paysages. Les fonctions écologiques des
forêts et leur intégrité peuvent être ainsi
maintenues. Les forêts doivent être
aménagées de manière à respecter aussi
les besoins sociaux, économiques, culturels
et spirituels des générations actuelles et
futures.
Il importe de souligner, dans le cadre des
préoccupations pour les changements
climatiques, qu’une forêt qui pousse est un
bon puits de carbone, mais une forêt
mature est un meilleur réservoir, qui
contient plus de carbone qu’une jeune
forêt en croissance. Il est important de le
rappeler à ceux qui avancent qu’il est
mieux de couper la forêt mature afin de
planter de nouvelles forêts qui agiront
comme puits ; le bois coupé et transformé
en différents produits perdra son caractère
de réservoir avec le temps, et la forêt
mature le perdra avec la mort des arbres
qui la composent. Comme cadre général
pour son positionnement, Nature
Québec / UQCN endosse les 10 principes
d’accréditation développés par la Forest
Stewardship Council (FSC) et les
considère comme la base de l’exploitation
des forêts, intervention humaine qu’il
reconnaît comme essentielle pour la
qualité de vie des populations qui en
dépendent.
Finalement, Nature Québec / UQCN est
d’avis que, pour le secteur forestier, il est
mieux de viser une réduction des
émissions de GES à la source lors des
activités d’exploitation, et ne pas trop
dépendre du caractère de réservoir des
forêts pour atteindre les objectifs du
Protocole de Kyoto.
870, avenue De Salaberry, bureau 207
Québec (Québec) G1R 2T9
Tél. : 418 648-2104
Téléc. : 418 648-0991
[email protected]
www.naturequebec.org
Pour en savoir davantage,
quelques ressources Internet
FrancVert Dossier Changements climatiques
www.francvert.org/pages/23accueil.asp
BIOCAP Canada www.biocap.ca/
Gouvernement provincial
www.mddep.gouv.qc.ca/Air/inter.htm
Nature Québec / UQCN, commission Énergie et
changements climatiques
www.naturequebec.org/pages/commissionener
giecommuniques.asp
Ressources naturelles Canada
www.pfc.cfs.nrcan.gc.ca/climate/index_f.html
Service canadien des forêts
www.pfc.forestry.ca/climate/index_f.htmlwww.c
arbon.cfs.nrcan.gc.ca/
www.nrcan.gc.ca/cfsscf/science/resrch/climatechange_f.html
Plusieurs articles et présentations de M. Pierre
Bernier du Service canadien des forêts (Centre
des Laurentides à Sainte-Foy) ont aidé à
l’élaboration de ce feuillet.
Cette fiche d’information a été produite
grâce au financement du
Partenaire de la campagne
Les changements climatiques au Québec
et l’affectation des terres, le changement
de l’affectation des terres et la foresterie
© Nature Québec / UQCN, 2006
Coordination : Éric Duchemin
Recherche et rédaction : Joséphine Hénault
Graphisme : Marie-Claude Chagnon