Rencontre avec les étudiantes et les étudiants de l`institut des

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Rencontre avec les étudiantes et les étudiants de l`institut des
Yaoundé, le 16 avril 2015
Rencontre avec les étudiantes et les
étudiants de l’institut des relations
internationales du Cameroun (IRIC)
Discours liminaire de
Son Excellence Madame Michaëlle Jean
Secrétaire générale de la Francophonie
Seul le texte prononcé fait foi
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Monsieur le Directeur de l’Institut des Relations internationales du Cameroun,
Mesdames et Messieurs les membres du corps professoral,
Mesdames et Messieurs,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Quel plaisir d'être de retour à l'Institut des Relations internationales du Cameroun.
Il y a un peu moins de deux ans, en 2013, j'étais venue à votre rencontre en qualité de
Chancelière de l’Université d’Ottawa et d'ancienne Gouverneure générale et Commandante
en chef du Canada. Deux ans, cela peut paraître long, mais je tiens à vous dire que malgré
le temps, je n'ai rien oublié de nos échanges extrêmement féconds.
Aujourd'hui, c'est la Secrétaire générale de la Francophonie qui se présente à vous, animée de
la même impatience de pouvoir s'instruire, se nourrir de vos idées, de vos points de vue, de
vos espoirs, de vos projets, pour vous-mêmes, pour votre pays, pour l'Afrique.
Lors du déjeuner d’Etat que Son Excellence le Président Paul Biya a bien voulu donner pour
m'accueillir et saluer les liens forts entre la Francophonie et le Cameroun, je qualifiais votre
Institut de « grande fabrique des idées qui fait la fierté du Cameroun partout dans le
monde ».
Si je devais décrire aussi l’IRIC, en une seule idée bien incarnée, je la résumerais dans les
grandes qualités également de mon Directeur de cabinet, le Professeur Jean-Louis Atangana
Amougou, qui a assumé, entre 2007 et 2012, les fonctions de Directeur-adjoint chargé des
études à l’IRIC.
Chers amis,
Je suis ici, aujourd’hui, avec vous, en pèlerinage intellectuel.
Je ne suis pas venue ici pour délivrer un cours magistral, encore moins pour prononcer une
conférence.
Je viens avec le désir d'échanger avec vous, de vous entendre me raconter le monde dans vos
mots, partager avec moi votre analyse des évènements vus de Yaoundé et de votre riche
perspective.
Mais avant de vous écouter, je voudrais vous dire comment, dans mon esprit, nos sociétés
devraient évoluer pour épouser et surtout maîtriser les mutations du monde actuel.
Hier, celles et ceux d'entre vous qui étaient présents à l'occasion de ce grand moment
d'émotion et de fierté qu'a été pour moi la remise d'un doctorat Honoris causa par l'université
de Yaoundé I, ont pu entendre ma compréhension des enjeux pour l’Afrique. Vos réactions, à
ces propos, m'intéressent et me seront utiles.
Je veux, dans ce même esprit, engager avec vous une réflexion sur ce qui me mobilise au plus
haut point:
le destin des nations francophones au regard de 3 notions que j'aime à qualifier de trois D, à
savoir la Défense, la Diplomatie et le Développement, triangle brûlant des sociétés
contemporaines, face aux turbulences et aux sursauts de violence qui secouent notre monde.
Trois mots, trois idées, trois notions qui, lorsqu’elles cohabitent en s’ignorant, finissent par
se neutraliser et conduire au pire.
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J'ai eu à l'aborder le 30 mars dernier, alors que je présidais pour la toute première fois le
Conseil Permanent de la Francophonie qui rassemble les Représentantes et Représentants
personnels des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres de la Francophonie. Et je
tenais à l'évoquer également devant vous.
La Défense, tout d’abord:
Nous vivons une accélération et une nouvelle intensification de la nécessaire mobilisation, en
toute urgence, d'effectifs et de dispositifs militaires face à la multiplication et l'émergence
de groupes armés radicalisés aux intentions belliqueuses.
Les attentats aveugles qu’ils commettent, les stratégies de terreur qu’ils déploient, les
attaques qu’ils mènent ont des conséquences désastreuses pour de plus en plus de
populations en perpétuel danger, exposées au pire, victimes de violences atroces, forcées de
quitter leur lieu de vie et de trouver refuge ailleurs. Des populations qu'il faut protéger,
défendre et abriter. Mais, force est de constater que sur le moyen et le long terme et en
terme de prévention des crises, les actions militaires, seules, ne suffisent pas, du moins ne
suffisent plus. Combattre les armes par les armes n'est qu’une option.
En effet, se défendre, c’est aussi user de toutes nos forces constructives, de nos armes de
construction massive que sont l’éducation, la formation, la sensibilisation, la prévention.
C'est ne jamais faire l'économie du dialogue, ne jamais cesser d'être à l'écoute des citoyens.
La Diplomatie ensuite :
Il nous faut répercuter, faire savoir et comprendre les réalités et mobiliser autour des enjeux,
des projets en marche dans la Francophonie. Mon intention est de redonner du sang neuf aux
initiatives francophones par le biais d’une diplomatie active.
C’est à cette tâche que je me suis attelée dès ma prise de fonction, dans une relation de
confiance et à travers des contacts soutenus avec les Chefs d'État et de gouvernement de la
Francophonie, mais aussi avec les responsables des grandes organisations internationales.
Comme je l'ai fait à l'ONU, en mars dernier, où j'avais été invitée à prendre la parole à la
59ème session de la Commission de l'ONU sur la condition de la femme pour un bilan, après 20
ans, des engagements pris à la Conférence de Beijing.
J'ai saisi cette occasion pour m'entretenir longuement avec le Secrétaire général des Nations
unies, avec le Président de l’Assemblée générale et celui du Conseil de sécurité.
Mon objectif était de positionner la Francophonie comme un partenaire incontournable, de
faire entendre nos positions également sur nombre de questions planétaires, notamment sur
les crises qui nous frappent de toutes part: conflits meurtriers, menaces et actions
terroristes, catastrophes naturelles, crises sanitaires, crises humanitaires, et l'impact
désastreux qu'ont ces différents crises sur les économies des pays directement touchés, mais
aussi sur les économies de toute une région.
J'ai convaincu le Président du Conseil de sécurité de l'ONU de porter à l'ordre du jour du
Conseil la nécessité, voire l'intérêt, de reconnaître et d'inclure l'Organisation internationale
de la Francophonie au rang des partenaires majeurs.
La Francophonie, aujourd'hui, c'est non seulement 80 États et gouvernements sur les 5
continents, mais aussi une expérience, une expertise et des champs d'action qui en font un
acteur d'une grande richesse, d’une grande originalité, d’une grande efficacité.
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Pari gagné, puisque quelques jours plus tard , et c'est une première, l'apport de la
Francophonie était examiné au Conseil de sécurité de l'ONU et retenait toute l'attention,
d'autant plus que plusieurs des pays en crise dont la situation était inscrite à l'ordre du jour,
appartiennent, malheureusement, à l'espace francophone.
D'autant plus, aussi, qu'a été évoquée la Force multinationale mixte créée pour lutter contre
Boko Haram, une initiative courageuse qui implique directement des pays francophones et
dont je m'emploie à relayer les besoins et les attentes, au plus niveau, en toutes
circonstances.
C'est cette diplomatie active, cette action de plaidoyer qui a permis à la Francophonie de
s'affirmer, année après année, comme un acteur incontournable des relations internationales.
Et c'est une dimension que je compte bien amplifier encore.
Ce sont aussi les efforts inlassables de nos Représentations diplomatiques permanentes, de
nos Groupes d’ambassadeurs francophones, qui ont contribué à ce que la voix de la
Francophonie soit désormais attendue, écoutée et entendue.
Le troisième D, c'est le Développement :
Il est lié aux deux précédentes notions, mais encore plus à la Défense. Assurer le
développement, c’est faire disparaitre des pôles d’insécurité, c'est créer les conditions
d'inclusion et de participation citoyenne qui sont à la base d'une plus grande cohésion sociale.
C'est nourrir l'espoir, c'est désamorcer les situations de précarité, de désenchantement dans
lesquelles les organisations de déstabilisation trouvent un terreau fertile d'embrigadement.
C'est investir dans le capital humain par l'éducation, la formation professionnelle. C'est
mettre de l'avant des stratégies de développement humain et économique durable, c'est
renforcer l'État de droit, c’est reconstruire les liens de solidarité rompus, c’est parier sur les
jeunes et les femmes.
En guise de conclusion, je dirais que la Francophonie intègre dans son action ces trois notions
imbriquées, mais la Francophonie c’est aussi une force, une ambition et un pari pour le
XXIème siècle.
Il me reste, maintenant, à vous entendre et à recueillir votre opinion sur toutes
questions.
ces
Je vous cède donc la parole avec grand plaisir.
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