Eléments de corrigé : A quoi sert la biographie en histoire
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Eléments de corrigé : A quoi sert la biographie en histoire
Eléments de corrigé : A quoi sert la biographie en histoire ? PREMIERE PARTIE Sujet on ne peut plus classique qui pose à la fois la question de l’unique et du singulier (cf cours d’épistémologie sur ce thème) et la question des formes de l’écriture et de la diffusion du savoir historique. I. Partir du document de programme, la biographie d’Hercule d’Este pour répondre à la question du point de vue de la connaissance historique. La biographie sert à donner chaire à la connaissance de phénomènes sociaux et historiques. On voit ainsi comment la biographie d’Hercule d’Este illustre le phénomène du développement et des évolutions des principautés urbaines italiennes, leur rôle dans les « guerres d’Italie » et bien entendu il constitue un exemple particulièrement intéressant pour le thème du programme « le Prince et les arts ». Il montre la contribution d’un Prince par le développement du mécénat au développement des arts dans leur plus grande diversité, l’utilisation par le Prince des arts comme instrument d’affirmation du pouvoir et de comme instrument de cohésion de la noblesse, comme instrument de concurrence de prestige entre les principautés, comme instrument de contrôle du territoire (extension herculéenne), et il illustre aussi la façon dont le prince contribue à la circulation des arts et des biens artistiques dans l’Europe du XV° siècle. Il faut souligner aussi la singularité du personnage et de la sa ville : il n’existe nulle part en Italie de projet d’urbanisme comparable à l’extension herculéenne, même si celle-ci apparaît comme une mise en application des théories urbaines et de l’idée de la cité idéale telle que la définissent les humanistes, il n’y a qu’à Ferrare que la greffe d’un tel projet sur une ville existante à été conduite à cette échelle. La fonction de cette biographie est double : d’une part la recherche sur le rôle d’Hercule d’Este est une des sources de la connaissance des phénomènes qui viennent d’être décrit, en ce sens faire une biographie c’est apporter des éléments à des savoirs plus généraux. D’autre part, cette biographie est une modalité d’exposition de ce savoir : en présentant le personnage c’est toute la Renaissance italienne qui est exposée et incarnée. Ainsi la biographie sert la connaissance et la diffusion de la connaissance. Mais d’une part il n’en a pas toujours été ainsi, et d’autre part la biographie pose le problème du rôle des individus dans l’histoire. II. La biographie a longtemps été au service de celui dont elle était le récit. La biographie est en effet la fille de l’hagiographie (pour développer cette partie historiographique voir le cours d’épistémologie) et de la chronique médiévale (Joinville…). Quoique… lorsque Suétone rédige les vies des douze César, ce n’est pas tant pour exalter les personnages de ses récits, dont il dresse plutôt, pour une majorité d’entre eux des portraits féroces, que pour exalter en contre-point le prince au service duquel il est lui-même (Hadrien). Le but demeure le même toutefois : édifier le Prince, lui montrer la voie du bon (ou du mauvais) gouvernement à travers les exemples ou contre-exemples de ses prédécesseurs (tel est le projet de Joinville envers Louis le Hutin notamment). Cette fonction de la biographie a largement disparu après la Révolution française. L’unique biographie réalisée par Michelet par exemple est consacrée à Jeanne d’Arc en laquelle il ne voit pas le personnage singulier mais une incarnation féminine du seul personnage qui vaille à ses yeux : le peuple. Et contrairement à une idée répandue ensuite par les historiens des Annales le genre biographique n’a pas été non plus très prisé des historiens méthodistes. Ceux-ci confondaient souvent les Etats-Nations dont ils cherchaient à faire l’histoire avec leurs dirigeants (ainsi Yvan IV ou Alexandre II c’est « la Russie ») mais leur projet était davantage de faire l’histoire des Nations que celle des personnages. Ceux-ci étaient considérés comme des acteurs dans la construction des nations. La biographie se confondait alors avec l’Histoire dans laquelle elle était diluée. La biographie historique s’est maintenu au cours de la longue période « réaliste » de l’historiographie (fin XIX°-fin XX°) comme un genre mineur, le plus souvent pratiqué par des historiens du dimanche dans le but de distraire en donnant en exemple des grands hommes (et quelques grandes femmes) que l’on retrouvait exaltés d’ailleurs dans les manuels scolaires pendant longtemps y compris comme on peut le voir dans des manuels actuels (document 3 : à commenter en montrant comment les personnages sont présentés comme des acteurs de l’histoire dont le rôle est, à l’exception de Blum, totalement détaché de celui des collectifs dans lesquels ils se sont inscrits !). Quant aux historiens des Annales il parait assez peu crédible de considérer qu’ils ont délaissé le genre biographique quand on songe au titre de la thèse de F. Braudel (la Méditerranée au temps de Philippe II) dont le troisième volume est entièrement consacré au roi dans une biographie très classique, au Rabelais de Lucien Febvre ou encore au Louis XIV et vingt million de Français que Pierre Goubert publie en pleine période d’hégémonie de l’histoire sérielle. Bien sur ces biographies là font de leur personnage des seconds rôles, davantage animés par les structures que dotés d’un pouvoir sur les événements. Le but affiché de ces biographies était justement de montrer comment les « grands hommes » étaient davantage les produits de leur temps que l’inverse. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait de biographies En ce sens il n’est pas très pertinent de parler d’un retour de la biographie dans les années 80 du vingtième siècle. Si retour il y a c’est plutôt celui des acteurs individuels qui a entraîné un développement inédit du genre biographique. III. La biographie : un mode d’écriture de l’histoire. Il est convenu de considérer la biographie de Guillaume le Maréchal par Georges Duby comme le point d’inflexion et le lancement du genre. Le choix de ce personnage est lié aux sources dont dispose l’historien, le personnage n’a rien d’exceptionnel si ce n’est qu’on dispose d’informations sur lui grâce au récit en vers qui fut fait de sa vie à la demande de son fils après sa mort. C’est la confrontation de cette source exceptionnelle et des informations dispersés dont on dispose par ailleurs qui a permis à Duby d’écrire un ouvrage tout entier tourné autour de la question : Le Maréchal est-il le reflet de son temps ou est-il un personnage d’exception ? nous apprend-il quelque chose sur « la chevalerie » au XIII° s. ou seulement sur la façon dont elle était perçue au moment où elle n’était déjà plus le modèle social dominant ? Avec Saint Louis dont un autre médiéviste issu des Annales, Jacques Le Goff a fait une biographie exemplaire (doc 1) on peut distinguer un autre problème épistémologique. Ici l’abondance des sources sur les actes du personnage cache l’absence d’information sur l’homme lui-même. Faire la biographie de Saint Louis, était donc pour Le Goff une manière d’explorer les limites de la connaissance historique. D’une certaine façon c’est la même démarche qu’a entreprise Alain Corbin avec la biographie d’un inconnu Louis François Pinagot : explorer les limites de la connaissance historique. L’intense production de biographie historique depuis 30 ans (cf les collections des éditions Fayard, Perrin) montre que la biographie est un genre apprécié du lectorat d’histoire. Sans doute est-ce aussi là une motivation des historiens à produire des biographies : écrire une biographie de Pétain est plus vendeur pour Marc Ferro qu’écrire une histoire de la France dans le premier vingtième siècle, pourtant le projet est en partie le même. Cependant au-delà de ces conditions mercantiles (et de diffusion du savoir) deux orientations historiographiques justifient l’engouement pour le genre biographique. La biographie est l’occasion d’interroger (comme le fait Le Goff pour Saint Louis) le rôle des acteurs : la part de la décision individuelle, la part de la contingence, d’interroger la dialectique entre l’individu et les collectifs auxquels il appartient (ce que fait par exemple Ian Kershaw dans sa magistrale biographie d’Hitler (avec laquelle on est on s’en doute et soi dit en passant à l’opposé de l’hagiographie). La biographie est également l’occasion de développer l’histoire des légendes (Jeanne d’Arc étudiée par Colette Beaune), la construction des héros dans leur postérité et leur utilisation sociale à différentes époques dans une perspective historiographique qui est l’une des tendances dominantes de l’historiographie. Enfin la biographie est l’une des manières de faire l’histoire au ras du sol préconisée par la micro storia italienne qui voit dans l’étude des situations singulières la seule façon de faire une histoire en prise avec le réel. Conclure : il est possible de conclure en rappelant aussi le danger de la biographie : l’oubli des collectifs. Non pas seulement les collectifs invisibles (classes sociales) mais les collectifs organisés (Etats, institutions, Eglises partis, syndicats pour la période contemporaine par exemple) qui ont un rôle historique qui va au-delà de la somme des histoires individuelles. Tout à fait autre chose que les misérables biographies de « grands hommes » proposées aux élèves dans le document 3… SECONDE PARTIE Quels sont les fondements de la légitimité du pouvoir dans la République Française ? 1) La réponse tient en deux mots : suffrage universel. Cela ne fait évidement pas un exposé de 10 minutes ! Il faut donc accepter de faire un détour par la discussion des arguments du document. Attention cependant ce texte, sous couvert d’une démonstration argumentée, défend un point de vue très univoque et contestable sur la légitimité républicaine. Il convient en l’exploitant d’en faire une lecture critique et de ne surtout pas laisser penser que vous pourriez adhérer à sa thèse ! Ceci dit il pose la question de la légitimité. Celle-ci ne se poserait, pas, prétend-il en régime monarchique : affirmation bien péremptoire dont toute l’histoire du pouvoir monarchique en France et en Europe prouve l’absurdité ! (conflit de succession, production ininterrompue de discours et d’artefact artistique légitimant le pouvoir, mobilisation couteuse d’un appareil de répression de toute contestation de cette légitimité….). La question de la légitimité du pouvoir se pose, selon l’auteur, en termes de conflits de légitimité entre les différents élus, ou plutôt les différents scrutins. Plutôt que d’entrer dans la discussion très mal formulée ici de la remise en cause du pouvoir central par les élections locales, il serait plus intéressant de prendre l’exemple de la cohabitation pour montrer qu’en effet la question s’est posée lorsque deux élections nationales (présidentielle de 1981) et législatives de 1986 ont donné des résultats divergents. Le Président Mitterrand devait-il démissionner parce que les législatives avaient fait la preuve de son impopularité ? Le débat a eu lieu avec d’excellents arguments de part et d’autre. Mais la légitimité du pouvoir n’a pas été réellement mise en cause dans ce débat. Le choix de se maintenir a été expliqué par le PdR par le respect des institutions. Il faudrait donc en venir à affirmer que la légitimité du pouvoir repose en première instance sur l’élection au suffrage universel et, entre deux élections d’un même niveau, sur le respect de la Constitution. Ce qui renvoie à un autre débat initié par le document : la légitimité des élus est-elle supérieure à celle du référendum. La encore l’exemple est mal choisi d’autant que l’auteur proclame que la loi Gayssot n’était pas « populaire » et qu’un référendum l’aurait prouvé ce qui n’a aucun commencement de réalité (sauf sans doute à Neuilly sur Seine…). La question a été posée de façon plus intéressante au moins deux fois : au moment de la crise institutionnelle de 1962, le coup de force gaulliste a été « légitimé » à postériori par son succès au référendum (élection du Président au suffrage universel), et plus récemment lorsqu’après le rejet par référendum du projet de Constitution européenne (2005), un projet proche a été approuvé par le Parlement à travers la ratification du traité de Lisbonne (2007). Dans les deux cas le travail démocratique s’est engagé et le débat (entre historien pour le premier, entre citoyens pour le second n’est pas clos). 2) Ces questions de légitimité du pouvoir sont sans doute davantage posée dans le cours d’histoire (à propos du pouvoir monarchique, à propos de la mise en place de la République et de ses institutions) que dans les cours d’EC ou d’ECJS. Les programmes d’EC de 3ème et d’ECJS de 1ère invitent toutefois à les poser. Il faut alors poser les questions de vocabulaire : légalité, légitimité, popularité. Par ailleurs la question de la légitimité du pouvoir peut être abordée sous l’angle de la légitimité de l’emploi de la force et du monopole de l’usage de la violence par l’Etat dans le Régime républicain. Cette question qui touche certainement davantage à la vie quotidienne des élèves ou en tout cas à ce qu’il connaisse des relations entre les citoyens et l’Etat doivent être posée principalement en 4ème (thème de la justice et thème de la sécurité) et en seconde (citoyenneté et civilité)