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XIVème COLLOQUE de la CERC à BRUXELLES du 26 AU 28 septembre 2007 « 50 ans après le Traité de Rome, les radios chrétiennes s’engagent pour retrouver le sens de la construction européenne» Colloque de Bruxelles 26 au 28 septembre 2007 SOMMAIRE _________ 1. Programme ........................................................................................................... p. 3 2. Liste des participants....................................................................................... p. 4 -5 3. Allocution d’ouverture du Président José-Luis Restán ................................... p. 6 4. Message de bienvenue du Président Luigi Bardelli .................................... p. 7– 9 5 Conférence « Eglise et médias » par le Cardinal Godfried Danneels Archevêque de Malines-Bruxelles ............................................................ p. 10 – 19 6. 1er atelier : « Le débat politique dans nos radios » par José Borges de Pinho - Radio Renascenca ...................................... p. 20 – 23 7. Conférence « Les églises de l’Union Européenne : évolution d’une interactivité» par Monseigneur Noël Tréanor, Secrétaire Général de la COMECE............................................................................................. p. 24 – 34 8. 2ème atelier : « La liberté religieuse et la laïcité en Espagne» par José-Luis Restán - Radio Cope .......................................................... p. 35 – 38 9. 3ème atelier : « Développements techniques : Internet, numérique, …» par Milan Tesar - Radio Proglas ................................................................ p. 39 – 41 Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 2 sur 42 PROGRAMME Mercredi 26 septembre 2007 16 h 30 Ouverture du colloque Accueil par le Président de la CERC, M. José-Luis Restán et par le père Tommy SCHOLTES– Directeur RCF BRUXELLES Allocution de bienvenue - Prière d’ouverture 17 h 00 Présentation des participants et des radios 18 h 30 19 h 00 Apéritif Dîner présidé par S.E. le Cardinal DANNEELS 20h30 Conférence du Cardinal DANNEELS, Archevêque de Malines-Bruxelles « Eglise et médias » Débat : questions / réponses Jeudi 27 septembre 2007 9h00 1er Atelier : « Nos radios et les débats politiques ». Animé par José BORGES DE PINHO – Radio RENASCENCA (Portugal) 10h30 Conférence de Monseigneur Noël TREANOR, Secrétaire Général de la COMECE : « Les Eglises et l’Union Européenne : Evolution d’une interactivité » 12h30 Déjeuner 14h30 2ème Atelier : « Liberté religieuse et laïcité dans nos pays » Animé par José-Luis RESTAN MARTINEZ – CADENA COPE (Espagne) 16h30 – 18h00 3ème Atelier : « Développements techniques : Internet, numérique, Podcasts, MP3… » Animé par Milan TESAR – Radio PROGLAS (République Tchèque) 18h30 Eucharistie Vendredi 28 septembre 2007 8h00 Prière du matin 8h30 Départ pour la visite de la COMECE et des Institutions européennes. 14h00 Assemblée plénière de la CERC 16h00 Fin du colloque Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 3 sur 42 Colloque de la CERC à Bruxelles du 26 au 28 septembre 2007 Participants BELGIQUE –RCF Bruxelles P. Tommy SCHOLTES, Directeur M. Jonathan BEYAERT, Rédacteur à KTRO (Radio Télévision Romande de Belgique)- BRAAMBOS P. Philippe MAWET, RTBF francophone ESPAGNE – CADENA COPE José Luis RESTAN, Directeur Général Maribel SANCHEZ, Directrice du département de la Documentation Lartaun DE AZUMENDI, Rédacteur FRANCE – RCF Jean-François BODIN, Directeur de l’information Emmanuel JOUSSE, Directeur Général et Secrétaire Général de la CERC Pierre LORIDON, Secrétaire Adjoint de la CERC HONGRIE – SZENT ISTVAN Radio Ferenc ZlLINSKY, Rédacteur en chef adjoint ITALIE– Associazione CORALLO Luigi BARDELLI, Président, membre fondateur de la CERC Alessia CARICATO, Membre du Conseil d’Administration Enrico VIVIANO, Membre du Conseil d’Administration Massimo PORFIRI, Membre du Conseil d’Administration MALTE– RTK Radio Victor FORMOSA, Directeur exécutif PAYS-BAS – KRO Kees VAN MECHELEN, Rédacteur en chef du programme "The Monastery" Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 4 sur 42 REPUBLIQUE TCHEQUE– Radio PROGLAS P. Martin HOLIK, Directeur Milan TESAR, Rédacteur (musique) RUSSIE– Christian Church Social Channel P. Ivan SVIRIDOV, Rédacteur en chef Radio Dar SLOVAQUIE–Radio LUMEN Doc. ThDr. Juraj SPUCLAK, PhD, Directeur Général SLOVENIE– Radio OGNJISCE Mgr Franc BOLE, Directeur Miha TURK, Rédacteur en chef Radio VATICAN P. Andrzej KOPROWSKI, Directeur des programmes INVITES l’UE : Monseigneur ATHANASSIOS – Représentant de l’Eglise de Grèce auprès de EXCUSES : ALLEMAGNE : Cordula STEINER, DOM RADIO AUTRICHE : Anton GATNAR, Radio Stephansdom BULGARIE : Fr. Krzysztof KURZOK, OFM Cap, Directeur Radio TAU BG ESPAGNE : Manuel BRU, CADENA COPE HONGRIE : Istvan SZARVAS, Szent Istvan Radio Andrea SINKOVICS, Szent Istvan Radio LETTONIE : Radio LKR MONACO : Père Patrick KEPPEL, RMC POLOGNE : Radio Plus Radom ROUMANIE : P. Nicolae DASCALU, Radio Trinitas RUSSIE : Piotr SAKHAROV, Radio Dar SUISSE : Raphaël PASQUIER, Radio Suisse Romande Jean François KISTER, Radio Cité Sybille PASTRE, Radio Cité Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 5 sur 42 Allocution d’ouverture du Président José-Luis Restán Chers Amis, Avant tout merci pour la confiance que vous me faites et pour l’estime que vous portez à la Cadena COPE, que je représente et avec le soutien de laquelle j’accepte la responsabilité que vous m’avez confiée. J’espère continuer le bon travail de mes prédécesseurs à la Présidence de la CERC, et je souhaite exprimer ici ma gratitude particulière à Luigi Bardelli, qui pour moi a, non seulement été un bon président, mais aussi un témoin de la foi en ce devoir de la communication, et un ami. Je veux aussi remercier Emmanuel Jousse pour son rôle indispensable de Secrétaire. Tout au long des douze dernières années, nous avons pu comprendre et apprécier l’importance du travail de nos radios respectives à la mission de l’Eglise en ce difficile contexte historique de l’Europe. Avec des formules radiophoniques diverses, qui sont toutes à respecter, nous cherchons tous à communiquer à nos auditeurs que l’Evangile est source d’une humanité plus libre, plus heureuse et plus véritable. Avec nos programmes, nous pouvons contribuer à soutenir la vie de nos communautés chrétiennes, mais nous pouvons aussi faire arriver la nouvelle de l’Evangile à de nombreuses personnes qui se sont éloignées de la foi et de l’Eglise. D’autre part, notre présence dans le débat public de nos pays respectifs est une garantie de liberté et de pluralité, et un véritable service du bien commun. Je crois que nos radios sont un instrument privilégié pour promouvoir « l’ouverture de la raison » que le Pape Benoît XVI a évoquée dans son discours historique de Ratisbonne. Durant ces années, nous nous sommes connus et appréciés de mieux en mieux. Nous sommes devenus amis, et en de nombreuses occasions cela a permis une meilleure collaboration entre nous. Nous savons que les difficultés sont importantes : la diversité des langues, de situations sociales et de formats radiophoniques, a souvent provoqué des difficultés à concrétiser cette collaboration. Je pense sincèrement que la continuité de nos Colloques et le réseau de nos relations fructueuses sont un bien dont nous ne pouvons nous passer, sans parler de nouvelles initiatives d’aide mutuelle et de présence collective dans le cadre européen. Je voudrais enfin remercier Tommy Scholtès et son équipe de RCF-Bruxelles pour son accueil et son hospitalité dans cette ville magnifique qui nous ont permis de tenir ce formidable Colloque. Merci à tous. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 6 sur 42 Message de bienvenue Luigi BARDELLI Un cordial salut et un grand merci aux amis de Bruxelles, au Père Tommy, qui ont organisé ce XIVème Colloque. Merci et salut aussi à ceux qui ont travaillé au Secrétariat de Lyon. Bienvenue à tous, à tous les responsables des radios d’Europe. Chaque année, nous nous retrouvons dans ces Colloques malgré le peu de choses que nous réussissons à faire ensemble. Nous percevons depuis plusieurs années que notre rôle peut être important pour la construction de l’Europe, mais nous n’avons pas réussi à bien mettre au point « quoi faire ». Certes, dans nos colloques, nous nous racontons de bonnes et belles choses et, au cours de ces dernières années, nous avons traité beaucoup de sujets, tous très importants. Mais quelle est la vraie raison pour laquelle nous ne réussissons pas, avec nos 650 radios, à faire masse et à imprimer de manière évidente dans cette Europe ce que nous faisons péniblement ? Je crois que la raison n’est pas simple, mais elle a la même complexité que la réponse que nous pourrions donner à cette autre question : pourquoi est-il si difficile de construire l’Europe ? Nous pourrions trouver beaucoup de réponses, et probablement nous avons essayé de les donner : la langue, les traditions, les histoires différentes, etc. tout cela est vrai. Mais je crois que dans chaque rencontre, chaque relation entre les gens ou les peuples, et surtout aujourd’hui dans cette partie du monde occidental que, par l’histoire et la tradition, on peut définir comme la plus culturellement évoluée sur la planète Terre, il y a finalement un besoin de clarifier une réponse fondamentale : qui sommes-nous ? Qui est l’homme ? D’où venonsnous ? et où allons-nous ? Voilà chers amis…Nous avons résolu dans notre Europe, on peut le dire, au moins théoriquement, les problèmes matériels de l’homme : la faim, la subsistance, le travail, la communication…Cette Europe ne connaît plus de guerres, et on a vu s’arrêter le rythme de la guerre qui durait d’une façon ou d’une autre depuis des millénaires : la guerre, les deuils, la reconstruction, et puis encore la guerre, encore les deuils, etc. On peut dire que chaque homme vivait de pauses entre une guerre et l’autre pour se préparer à la guerre suivante ; et tout cela a été pendant des siècles le motif porteur de l’existence. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 7 sur 42 Mais aujourd’hui, l’homme de quarante ans n’a pas connu la guerre et pour cette raison s’arrête un rythme, une manière d’être, une manière de penser… Et alors, si nous nous arrêtons un instant à réfléchir de manière plus profonde, nous découvrons que plus ou moins explicitement, depuis des années, l’homme occidentaleuropéen commence à se poser des questions fondamentales ou, mieux, à avoir des comportements qui outre leur valeur, positive ou négative, supposent une recherche existentielle qui va bien au-delà de ses conquêtes matérielles passées et présentes ! Il y a de nombreux symptômes négatifs : la désintégration des relations familiales, le bouleversement des relations sociales, l’augmentation de l’usage des drogues à tous les âges et dans tous les milieux… et on peut continuer. Mais il y a aussi des symptômes positifs : l’envie des jeunes de se réunir, la recherche de témoins authentiques, le grand besoin de sens religieux qui se révèle dans les sanctuaires ou dans la constitution de groupes, les mouvements, les anciennes et nouvelles associations, la réponse extraordinaire que depuis des années des millions de jeunes donnent au Pape, l’augmentation du nombre des pèlerins du monde entier assistant aux audiences du Pape ; et d’autres encore. Je crois que chacun de nous a eu ce genre d’expériences et pourrait en ajouter. Alors je vous demande : est-ce que tout cela a un sens ? De nos jours, où les solutions aux nombreux problèmes semblent être très proches, peut-être l’homme contemporain manifeste-t-il avoir besoin de quelque chose de plus ? J’espère, entre nous, qu’on puisse dire que l’homme, aujourd’hui plus que jamais, a besoin de Dieu. Oui, je sais bien qu’aujourd’hui la définition de ce Dieu est loin d’être univoque. Mais je crois que nous chrétiens avons quelque chose à dire, vraiment, parce que notre Dieu est un Dieu incarné qui est venu à la rencontre de l’homme et qu’Il a assumé toute son humanité pour se réaliser avec plénitude, pas pour mettre des limites. Le chrétien n’est pas moins homme ou femme, il est plus homme et plus femme. Il n’est pas moins savant, il est plus savant. Il n’est pas moins amoureux, il est plus amoureux. Le chrétien n’est pas moins libre, il est plus libre. Le chrétien ne fuit pas la rencontre avec l’Autre, quel qu’il soit et quoi qu’il pense, mais il vit et il se fait dans la rencontre. Il est donc démocratique, accueillant, il veut et œuvre pour la paix. Bien, mais peut-être suis-je en train de parler de sujets, de problèmes chers et essentiels de l’homme d’aujourd’hui ? Et s’il en est ainsi, le chrétien n’est-il pas complètement dans l’histoire de notre temps, et n’a-t-il pas le devoir, l’engagement, d’apporter sa propre contribution comme un service indispensable à ses frères ? Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 8 sur 42 Il me semble que si nous allons au fond de ces réflexions, nous découvrirons le vrai rôle, l’urgence et je voudrais dire la beauté, de notre association de Radios Chrétiennes d’Europe. Souhaitons qu’en même temps l’Europe puisse proposer aux citoyens de toutes les nations un projet, un grand dessein qui fasse l’objet de discussions, avec des accords et des désaccords, mais réussissant à unir les différents peuples, aujourd’hui peu enthousiastes de l’Europe, de la bureaucratie et des portefeuilles. Voilà le point qui nous divise, nous aussi chrétiens…Je crois que c’est une perte de temps et un dommage à l’histoire que de ne pas parler de Jésus-Christ, source, origine, inventeur de la Paix, de la Justice et de l’Amour. Le vrai message de nos radios est certainement qu’on « ne peut pas avoir honte de Lui ». Mais c’est une bataille pour la vérité que nous devons mener envers tous nos frères responsables de la nouvelle Europe, qui de plus en plus souvent semblent aller avec une détermination diabolique à l’encontre des valeurs et des principes chrétiens au nom d’une présumée laïcité authentique. Je suis convaincu, fermement, que cela doit être la vraie grande contribution que la CERC peut apporter à l’Europe, avec courage et détermination, sûre d’avoir reçu l’Annonce, qui est en même temps une annonce de Joie et de Salut. Chers amis, prions pour que l’Esprit Saint nous assiste et nous guide ou mieux, qu’il devienne le véritable auteur de nos radios. Bon travail à tous. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 9 sur 42 Conférence du Cardinal Godfried Danneels Archevêque de Malines - Bruxelles « Eglise et médias » PREMIÈRE PARTIE : LE PAYSAGE MÉDIATIQUE. 1. Un renversement culturel La relation entre l’Eglise et les médias s’est transformée profondément depuis cinquante ans. Ces deux réalités ne sont pas des espèces d’électrons libres, elles sont solidement ancrées dans la culture et ont changé fondamentalement ces dix dernières années. Les hommes pensent et vivent autrement. Peu à peu les images ont pris de l’importance par rapport aux idées et la réflexion a cédé partiellement la place à l’émotion et à l’imagination. Désormais, ce qui n’a pas été mis en image ni visualisé existe à peine. La culture intellectuelle d’une élite, autrefois, s’est transformée imperceptiblement en culture émotionnelle pour tous. La réflexion prudente et le questionnement critique sont perdants par rapport à la perception immédiate. Le point de vue dominant est devenu le moi avec sa propre sensibilité, son propre imaginaire et ses propres sentiments. La subjectivité prime, tout le reste est « l’étranger ». 2. Depuis les piliers idéologiques jusqu’aux médias commerciaux Depuis les années soixante-dix, il s’est produit un glissement à partir des médias encore ‘pilarisés’ idéologiquement vers les médias commerciaux. Cela est dû principalement à ce processus de sécularisation qui en est venu à déterminer toute la réflexion. En Flandres, cette évolution s’est d’ailleurs passée très rapidement, plus vite qu’ailleurs. La chrétienté en Flandres était une chrétienté sociologiquement forte dans laquelle la foi allait de soi et se transmettait pour ainsi dire de père en fils. Aussi n’est-on pas en présence d’une conscience identitaire forte ni d’une prédisposition missionnaire développée. Lorsqu’une telle chrétienté sociologique s’affaiblit, on assiste souvent à une attitude de rejet contre toutes les formes d’autorité. En ce qui concerne la relation entre l’Eglise et les médias, la disparition de cette chrétienté sociologique a signifié d’emblée le passage de médias chrétiens à des chrétiens dans les médias. En soi, c’est là une bonne situation de départ, mais elle est décidément différente. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 10 sur 42 Cette évolution n’est pas seulement limitée aux médias chrétiens, les médias en général ont également évolué. Depuis les années quatre-vingt, les médias sont orientés sur le marché et ils sont dépendants des statistiques (téléspectateurs, lecteurs, auditeurs). Et surtout à cause des publicitaires, qui sont indispensables pour l’existence et la croissance éventuelle du média, on calcule sur la base des statistiques. Ainsi, dans le temps, les médias catholiques majoritairement en présence accordaient beaucoup d’attention aux déclarations des évêques, ainsi qu’aux jours de fête ecclésiales. C’était l’habitude pour des journaux comme De Standaard ou De Gazet van Antwerpen de publier à l’occasion des grandes fêtes une méditation adaptée. A l’heure actuelle, on constate que les nouvelles religieuses et ecclésiales dépendent d’impératifs commerciaux. Une nouvelle est intéressante dans la mesure où elle attire le public. Les nouvelles ecclésiales sont assujetties aux lois médiatiques, ce qui signifie en pratique une réduction et une marginalisation de ces nouvelles. Ainsi, cette catégorie de nouvelles n’est présente dans les médias que sous la forme de faits divers, de controverse ou de nouvelles ésotériques. Il arrive aussi que les nouvelles se réduisent à quelques affirmations marginales d’un document, qui sont secondaires et se rapportent toujours aux mêmes quelques points délicats. Que l’on pense à la dernière exhortation post-synodale du pape, Sacramentum Caritatis : elle traite de l’eucharistie, mais, dans les médias, on n’en a même pas parlé. On a parlé seulement du célibat et des divorcés remariés. Les nouvelles ecclésiales sont l’objet d’approches et de jugements ‘politiques’ : l’Eglise estelle vraiment démocratique ? Transparente ? Combien de personnes représente-t-elle encore ? Le seul critère de vérité est d’ordre statistique. Où se situent les tensions dans l’Eglise, les fractions et les partis, les évêques qui se disputent? La grille de lecture utilisée par les médias pour faire le tri et les choix dans les nouvelles ecclésiales est la même que la grille de lecture politique concernant les autres faits et développements sociaux. La marginalisation des nouvelles ecclésiales a également eu pour conséquence qu’il n’y a quasi plus de journalisme religieux et que l’on trouve avec peine l’un ou l’autre journaliste qui maîtrise les dossiers concernant les problèmes d’Eglise. La religion est confiée à un journaliste généraliste qui doit également s’occuper de beaucoup d’autres domaines. Plus d’une fois, les nouvelles de l’Eglise sont appréhendées sans nuances : c’est oui ou c’est non. Tel théologien ou tel prêtre, est-il encore membre de l’Eglise ou est-il déjà exclu ? La vérité est souvent beaucoup plus nuancée, mais pour des nuances, il faut du temps au journaliste et de l’espace dans le journal. Les deux coûtent chers et nous voilà à nouveau dans le commercial. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 11 sur 42 3. Une évolution (mieux : une révolution) technique Autre évolution, l’entrée en scène des médias électroniques et numériques, qui ont amené à un véritable changement d’esprit dans le comportement visuel et auditif. Par l’utilisation des câbles en fibre de verre, il est devenu possible d’offrir un choix bien plus large d’émetteurs et d’atteindre un immense public. Mais un plus grand nombre d’émetteurs ne signifie pas d’emblée qu’il y ait vraiment un choix plus grand et une plus grande diversification. La plupart des émetteurs offrent en effet davantage la même chose dans leurs programmes. Ainsi, la quantité a à peine élargi les possibilités de choix. Il s’agit bien plutôt d’un appauvrissement de l’offre. Les sujets traités se ressemblent partout très fort, sauf dans les émetteurs de niches, qui attirent un public très spécifique et limité : des émetteurs de styles de vie, le National Geographic, les finances, le sport et jusqu’à la pornographie. Une seconde (r)évolution est celle de l’internet. Outre les possibilités énormes de contacts, il faut noter aussi un glissement vers une culture parfois individualiste, anarchique et antihiérarchique. Si l’homme contemporain était déjà un individualiste, voici que maintenant il dispose encore de davantage de possibilité pour exprimer l’émotion la plus individuelle dans une forme d’expression des plus individuelles. Sur son blog, il peut laisser libre cours à à peu près tout. You tube a fait du ministre Daerden une vedette mondiale en moins de vingt quatre heures. La façon de récolter les nouvelles a également changé. Beaucoup de médias invitent le citoyen à signaler les nouvelles. « Téléphonez-nous ou envoyez-nous un sms s’il se passe quelque chose près de chez vous ou s’il y a une nouvelle. » Chaque citoyen devient agence, l’agence par excellence. Dans ce contexte, on parle de civil journalism. 4. Déplacements des contenus Peopleisation’ ou l’impact de la vedette Par les développements dans les centres d’intérêts du grand public, on assiste à une curiosité exagérée pour la personnalisation et la vedettisation dans les médias. On cherche le PDG qui fait croître ou qui détruit la grande entreprise. Il ne s’agit plus de l’entreprise ellemême, mais de la personne qui est à la tête de l’entreprise, la figure représentative, la corporate personality. On ne parle plus de la théologie de la libération ou de ce qu’elle déclare, mais de Boff ou de Sobrino. Cela fait qu’aux yeux du public, toute une institution repose sur une unique personne, comme sur la pointe d’un crayon. Celle-ci peut facilement se briser, naturellement. Pour l’Eglise, cela a signifié – du fait qu’elle est perçue de façon fortement hiérarchique – que la dimension hiérarchique sera encore davantage accentuée. Sur l’écran, il Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 12 sur 42 n’y a que le pape ou le cardinal. Mais dans d’autres domaines, c’est la même chose : on retient uniquement le vainqueur du Tour de France, le second, on l’oublie de suite. Nouvelles négatives Outre aux personnes, on donne aussi la priorité aux nouvelles négatives qui interpellent le grand public. De temps immémoriaux, le péché intéresse et la vertu ennuie. Quelques journaux ont parfois essayé d’éditer une rubrique ou un numéro de ‘bonnes’ nouvelles, mais, dans la plupart des cas, ils font long feu. Les nouvelles, ce sont précisément les choses qui ne confirment pas la règle habituelle, mais la transgressent : ce n’est pas « le chien qui mort le monsieur », mais c’est « le monsieur qui mord le chien » (selon les dires du géant des médias, Rupert Murdoch). Civil journalism Les nouvelles sont données de plus en plus souvent en temps réel : l’information immédiate. Que l’on se souvienne du tsunami et de la fusillade à Virginia Tech. Tout est signalé immédiatement, et même mis en images et placé sur l’internet. On assiste à la naissance d’une sorte de civil journalism : les citoyens apportent souvent les premiers les nouvelles. Les citoyens sont souvent les premiers à rapporter les évènements, à les photographier, à les filmer et à les envoyer à des agences de presse grâce à leur gsm. Cela ne permet évidemment que peu de temps de réflexion et d’évaluation : tout est déjà dit et on line. On passe l’étape de la vérification. La vitesse a pris le pas sur la précision et la vérité. Le pouvoir des chiffres Les médias sont de plus en plus dominés par la pression de la quantification : le pouvoir et la magie des chiffres. Pourrait-on parler de ‘fétichisme des chiffres’ ? Les chiffres et les nombres donnent l’impression de l’objectivité et de la précision. Cela amène à des titres comme : ‘2.800.000 hosties distribuées au Journées mondiales de la jeunesse à Cologne’. Mais que signifie communier ? Où le nombre de vocations devient plus important que de savoir ce qu’est une vocation. Le jugement de valeur par excellence consiste à donner des statistiques et des enquêtes. La priorité de l’image Il y a aussi une priorité absolue à l’image. Beaucoup – surtout les jeunes – vivent dans une culture des clips. Une chose dont on ne peut montrer une image n’est pas une nouvelle et n’a pas le droit d’exister. Cela ne vaut pas seulement pour les médias de l’image, mais aussi pour les médias imprimés : beaucoup de photos, de graphiques et de schémas dans le journal. L’image sert d’ailleurs de résumé de l’article : tout ce que vous devez savoir peut se voir. Les nouvelles doivent pouvoir être enregistrées et exploitées en un clin d’œil. « Tu as vu ? ». Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 13 sur 42 En bref, de l’étranger’ Les nouvelles locales et nationales priment sur les nouvelles de l’étranger. Ces dernières sont d’ailleurs souvent introduites sous le chapeau ‘En bref de l’étranger’ et dans les journaux elles ne comportent que quelques pages en comparaison d’il y a deux décennies. Car le citoyen s’intéresse davantage à ce qui se passe près de chez lui. Remarquons que le dicton ‘le monde, mon village’ – qui signifiait au départ que je m’intéressais au monde entier – a pris un sens tout à l’opposé : le monde est pour moi ce qui se passe dans les limites de mon village. Mon village, c’est le monde, comme le faisait remarquer l’ancien journaliste de la rubrique internationale, Freddy De Pauw. Transparence et démocratie Le désir de transparence et de démocratie ne fait qu’augmenter. Sous l’influence de la pression de cette attente en ce qui concerne les nouvelles internationales, la société veut qu’il y ait de la transparence et de la démocratie dans tous les domaines, tout comme c’est le cas dans l’élaboration des lois. Mais c’est précisément sur ce point que l’Eglise et la société civile diffèrent. Les journalistes ont tendance à tout mesurer avec des critères démocratiques, alors que l’Eglise est également une institution hiérarchique, liée à la volonté de son fondateur et de son message. L’Eglise élabore lentement et organiquement ses décisions ; elle est familière de la tension entre la loi et la pratique, entre la règle et la miséricorde. D’ailleurs, dans l’Eglise, la régulation se développe d’une tout autre manière. Que l’on songe aux décisions d’un synode : ce qui est premier, ce n’est pas le vote avec une majorité déterminée, mais un consensus qui grandit progressivement. Si ce n’est pas le cas, on postpose la décision. Alors que les journalistes et toute l’opinion publique appliquent continuellement à l’Eglise les lois de la pensée politique qui ont cours dans la société. Infotainment L ‘infotainment’ occupe une place de plus en plus grande. Traditionnellement, les médias ont trois missions : information, éducation et loisirs. Mais, suite à la commercialisation, on constate depuis les années 1990 une évolution formidable en faveur de l’amusement et des loisirs. L’information elle-même doit devenir légère et favoriser la détente. Parmi les 100 programmes les plus regardés, la plupart sont des programmes de détente, viennent ensuite les journaux télévisés. Dans cette centaine, on ne trouve aucun programme éducatif. Même le journal télévisé doit être léger, alors même qu’il apporte des mauvaises nouvelles. On peut songer à l’intérêt plus grand que l’on a pour De Laatste Show (le dernier show) et en bien moindre mesure pour De Zevende Dag (le septième jour), alors même que l’on y introduit de plus en plus d’éléments de détente. Et même des programmes sur l’histoire doivent être ‘détendant’ (sous forme de quiz), de même que les programmes sur les livres. On y parle Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 14 sur 42 bien de livres, mais le livre doit être ‘rendu agréable’. La religion aussi doit être présentée de manière agréable. Hors contexte Il n’est pas rare que l’on tire les images de leur contexte et qu’on les isole. Lorsque manquent ce cadre et ce contexte, elles ne sont plus dans leur site naturel et ces images en close-up peuvent en venir à cacher ou à déformer la vérité. C’est ainsi que la photo d’un morceau de peau de ma paume, lorsque l’on l’agrandit et qu’on la retire de son contexte, sera certainement interprétée comme un morceau de pelure d’orange ou un cliché de la surface de la lune. L’agrandissement et l’élimination du contexte ont un effet déformant. Intérêt accru pour la violence et l’érotisme Enfin, on constate, dans les médias des images (et dans les autres) une croissance de l’érotisme et de la violence. La transgression est depuis toujours un élément qui attire les humains. Dans les médias, c’est presque devenu incontournable. La transgression a perdu presque totalement sa connotation morale par rapport à son attirance. Le mal en a été évacué. Mais la fascination demeure. 5. Conséquences pour la perception de l’Eglise Tous ces facteurs ont évidemment des conséquences importantes pour la manière dont l’Eglise est perçue. Elle donne surtout l’impression d’être fortement hiérarchique et antidémocratique et à la limite, dictatoriale. C’est ainsi qu’on voit l’Eglise. Alors qu’en vérité, il y a dans l’Eglise beaucoup de tolérance à l’égard des dissidents, par exemple, ainsi qu’une subtile démocratie qui n’arrive que fort lentement à une prise de décision définitive. La vérité dans l’Eglise est régulièrement représentée comme quelque chose qui est imposé d’en haut, alors qu’au fond elle est plutôt offerte et proposée. La vérité de foi vient à nous d’ailleurs. Aussi ne peut-on pas la fabriquer ou lui donner un fondement purement statistique ou résultant d’enquêtes. Cela ne vaut-il d’ailleurs pas pour toutes les vérités ? La vérité précède l’être humain ; elle existe bien plus longtemps que l’homme. Elle est un temple que l’homme ne peut construire tout seul. Il peut cependant, à l’intérieur, classer et déplacer le mobilier. Le critère principal dans les jugements sur l’Eglise dans les médias est sa morale, et plus particulièrement la morale qui traite du début et de la fin de la vie, ainsi que de la sexualité. Le célibat et la contraception sont régulièrement présents dans les médias, alors que l’Eglise s’exprime souvent avec beaucoup plus de force sur les questions de morale sociale. La doctrine sociale de l’Eglise, qui est une partie très importante organiquement de sa doctrine morale, est systématiquement reléguée en deuxième position dans la corbeille des nouvelles. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 15 sur 42 Plus d’une fois l’Eglise est également représentée comme étant fondamentalement divisée entre progressistes et conservateurs, alors qu’elle est plutôt une unique demeure avec de nombreuses chambres. Il y a dans l’Eglise une degré élevé de patience et de tolérance vis à vis des personnes en recherche et des cas limites. Ces évolutions se font également ressentir dans la perception des fêtes ecclésiales. Cellesci ont commencé dans une culture agricole. Toutes ont été à leur début des fêtes de la nature : Pâques était la fête du printemps, la Pentecôte la fête de la moisson. Mais déjà dans l’Ancien Testament elles reçoivent une dimension historique : Pâques est devenue la fête de la sortie d’Egypte et la Pentecôte celle de la Loi sur le Sinaï. Les chrétiens ont encore accentué cette dimension historique et l’ont ‘christologisée’ : Pâques devint la résurrection du Christ et la Pentecôte la venue du Saint Esprit. Etonnamment aujourd’hui ces fêtes semblent retourner à leur statut profane et agraire : Pâques est à nouveau la fête du printemps, Noël la fête de l’hiver. L’entrée en carême est le congé des crocus, les vacances de Pâques sont devenues les vacances de printemps et la Toussaint s’est transformée en vacances d’automne. 6. Evolutions au sein des médias ecclésiaux Qu’en est-il des médias ecclésiaux ? Le paysage des médias catholiques s’est sensiblement éclairci en comparaison avec les années soixante-quinze. Il y en a beaucoup moins, bien que le Centre de Documentation catholique de Louvain reçoive encore 400 publications catholiques. Mais de nombreuses revues émanant des ordres religieux et des congrégations ont cessé de paraître. Il y a encore de nombreuses publications des mouvements, mais elles ont fortement évolué vers le genre socioculturel. Du point de vue du contenu, on constate aussi un glissement à partir d’un contenu typiquement chrétien des fêtes chrétiennes vers leur valeur et leur signification sociale. Tel commentaire sur la fête de Noël, dans certaines publications, aurait tout aussi bien pu être écrit par le père Noël, et celui de Pâques par un écolo ou un ‘ami des fleurs’. Du point de vue du contenu, les médias ecclésiaux ont évolué d’annonceurs du christianisme à l’ouverture au social, quoique encore toujours à partir d’une identité catholique ou au moins chrétienne. Il suffit de regarder l’évolution de Kerk + Leven et de KTRO-Braambos. Auparavant ces émissions étaient souvent apologétiquement sûres d’elles-mêmes, maintenant elles sont plus ouvertes : il ne s’agit plus de pures niches. Les deux trouvent leur origine dans la Flandre catholique de l’époque de la ‘riche vie romaine’ baroque. Actuellement, ces émissions sont l’organe de communication modeste d’une minorité de la société ou, mieux, d’une majorité qui s’effrite. Par ailleurs, le medias ecclésiaux suivent bien les nouvelles évolutions, aussi bien pour la technique que pour les contenus. Techniquement cela se passe même très vite, comme cela Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 16 sur 42 peut se vérifier sur l’Internet : www.kerknet.be. Il existera bientôt aussi un site web pour les enfants. De pair avec le Vatican, la Flandre fait partie des premiers à être présent sur la toile (depuis 1995). La plupart des autres sont venus bien plus tard. Du point de vue du contenu, Tertio, depuis 2000, répond à un nouveau besoin. Il s’agit d’un hebdomadaire de niveau intellectuel, mais accessible à un large public : contemporain, dynamique et professionnel quant au style journalistique, ouvert et enraciné dans une vision de l’homme et du monde clairement chrétienne/catholique. DEUXIÈME PARTIE : L’EGLISE ET LES MEDIAS La culture médiatique domine notre société. L’attention de l’Eglise doit donc encore davantage se porter sur leur importance dans la société et sur le rôle qu’elle a à y jouer, mais aussi aux lois propres aux médias contemporains. On peut sans doute regretter certains développements, mais ils existent et l’Eglise doit connaître la logique propre à ces règles de fonctionnement et respecter et même promouvoir ce qu’elles ont de valable. Elle se doit aussi de les pénétrer de son message. D’ailleurs, de par sa nature même, l’Eglise est communication : son essence même est la communication. Elle ne peut donc, à partir de ce qu’elle est – et pas uniquement pour des raisons d’opportunité – faire autrement que de chercher et de déterminer sa place dans cet univers des médias. D’ailleurs, aujourd’hui, dans les médias, on est assez attentif à l’Eglise, même s’il s’agit souvent de nouvelles marginales. La liste – inépuisable - en est aussi étrange qu’anecdotique (un prêtre refuse à un chien l’accès de son église, le curé fait sonner les cloches à une heure indécente, conflits avec l’équipe paroissiale, le ‘camauro’ du pape, le coq du clocher s’écrase sur le sol, le tronc des offrandes est bouché). Dans le passé, les relations de l’Eglise avec les médias étaient souvent teintées de scepticisme, et même de méfiance et de peur. Ses déclarations à l’encontre des médias étaient moralisatrices. Les médias se mobilisaient. Aussitôt l’Eglise, en réaction, se mettait sur la défensive. Ou elle cédait à la tentation de vouloir ‘instrumentaliser’ les médias pour ses objectifs spécifiques et s’en servir de canal pour sa mission d’évangélisation. L’Eglise voulait parfois déterminer elle-même l’agenda des médias. Légitimement, les médias n’en voulaient pas, tout comme à l’heure actuelle. Peut-être que cela avait encore été possible dans un cité chrétienne, mais maintenant les médias déterminent eux-mêmes leurs agendas. Ce ne sont plus des instruments ecclésiastiques, même si le discours nostalgique de la ‘riche vie romaine’ n’est pas encore éteint et que l’on entend encore des discours qui essayent d’instrumentaliser. On exprime encore toujours le souhait ferme de voir les journalistes agir et écrire de telle ou telle manière. Il y a encore toujours dans l’Eglise une approche des médias exclusivement Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 17 sur 42 moralisante, avec le danger d’une hypermoralisation. Alors que la vérité est suffisamment forte pour se défendre : ce qu’elle demande, c’est des canaux, mais pas toujours des laissez-passer. Il est certain que l’Eglise doit prendre davantage conscience des lois propres aux médias. Etant donné que les médias déterminent pratiquement tout dans la société, l’Eglise doit y travailler et collaborer. Nous ne pouvons pas sortir de la culture et nous devons donc être présents sur ce forum. Le pape Jean Paul II a exprimé cela fort justement dans Redemptoris Missio : « L’Eglise doit aller se poster sur l’Aréopage », comme Paul au milieu des Grecs à Athènes, et y prendre la parole. Avant même tout zèle d’évangélisation, la contribution de l’Eglise dans la société est indispensable pour palier au déficit du sens. Elle n’est bien sûr pas la seule à donner du sens. Mais elle reste une institution incontournable, avec son originalité propre, que l’on ne trouve dans aucune autre philosophie de la vie. Dans le domaine médiatique, l’Eglise repose sur un double pilier : elle a d’abord ses propres médias qui sont strictement catholiques et qui sont reconnus comme tels par la législation de notre pays, parmi les émissions faites par des tiers. Les médias – tv et radio – sont catholiques en proclamant la bonne nouvelle. La législation oblige d’ailleurs de respecter ce caractère confessionnel. La grande limitation, dans ce domaine, est la mesure du temps d’antenne (L’Autriche dispose par exemple de 3,5 heures par semaine, et la France peut émettre toute la matinée du dimanche). Les moyens alloués sont bien trop limités et, surtout, il y a le caractère totalement irréaliste des heures attribuées à ces émissions – tout comme aux autres programmes réalisés par des tiers – comme s’il s’agissait ici d’ « émissions de pestiférés » ou, au moins, qui traitent de sujets totalement dérisoires et qui n’apportent quasi rien à la mission des médias publics, dans son volet éducatif. A la télévision, il n’est pratiquement possible de regarder les émissions catholiques qu’à partir d’enregistrements sur vidéo, si l’on ne veut du moins pas être victime d’insomnie chronique. Dans les médias qui ne sont pas propres à l’Eglise, celle-ci ne peut que trouver un appui à l’évangélisation. Le fait d’apparaître dans les médias généralistes offre de la crédibilité à son message. Mais il ne peut évidemment pas être question d’une annonce directe. Le média public n’est pas, en effet, un instrument de catéchèse ou d’évangélisation. On lit déjà dans Redemptoris Missio de 1993 : l’Eglise délivre son message avec et à côté des autres. Prendre ses distances par rapport à une vision qui instrumentalise les médias, cela signifie que l’Eglise doit réfléchir à la manière dont elle apparaît dans les médias, dans le respect de leur autonomie, tout en restant fidèle à sa mission. Notre époque est passionnément à la recherche de sens. Dès lors, n’est-ce pas aussi la tâche des services publics de radio et de télévision (et des autres médias) de rencontrer ce besoin des gens et même du grand public ? Ne faut-il pas viser à favoriser une ‘laïcité ouverte’, Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 18 sur 42 qui tient compte des idées et de la contribution sociale de toutes les opinions et qui leur permet de se montrer dans leur identité propre, quand elles contribuent à rendre la société plus humaine ? Cette ‘laïcité ouverte’ s’oppose à une ‘laïcité fermée’. Cette dernière fait le choix d’un gris total, afin d’éviter toutes les autres couleurs. Mais une solution meilleure est de laisser leur chance à toutes les couleurs, plutôt que d’enlever à chacune d’elles son coloris spécifique, en sorte que finalement on retombe tout de même sur quelque chose qui ressemble à une couleur – et laquelle ? le gris. L’incolore n’existe pas. Il est de la plus haute importance que la présence de l’Eglise dans les médias publics reste garantie et que, à côté de ses propres émissions (comme Braambos), l’Eglise doit continuer à prendre part à d’autres émissions non ecclésiales, dans lesquelles les autres philosophies peuvent et doivent apporter leur contribution irremplaçable. L’Eglise ne peut pas et ne doit pas investir uniquement dans ses propres médias- ils sont limités et de plus ils coûtent très cher en moyens et en personnel. Se laisser enfermer dans un médium niche, qui ne s’adresse qu’à son propre public, est insuffisant. D’où vient alors cette peur à laisser se poser les questions de sens dans les émissions des radios et télévisions publics ? C’est loin d’être une exigence confessionnelle, mais c’est une question qui vient de la finitude humaine. « Qui peut me dire où je dois aller ? » Nous pensons d’ailleurs aussi aux nouveaux médias, particulièrement à l’internet. Une marginalisation supplémentaire de la voix catholique (comme Braambos qui est programmée beaucoup trop tôt). Il ne s’agit pas d’une demande de l’Eglise pour faire de la publicité pour ses propres affaires, mais c’est également l’expression de sa préoccupation de veiller à ce que le menu spirituel de la culture et de la société ne soit privé d’aucune vitamine. Mais cela signifie aussi qu’à l’avenir on investisse de la part de l’Eglise bien davantage de temps et moyens financiers pour ses propres médias et qu’elle devra prendre des initiatives pour la formation de journalistes des médias généralistes. Car bien souvent il ne s’agit pas de mauvaise volonté de leur part, mais tout simplement d’une ignorance candide. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 19 sur 42 1er Atelier animé par José Borges de Pinho Radio Renascenca «Le débat politique dans nos radios» 1. Qu’est-ce que signifie la politique pour une radio chrétienne? a) Le point de départ de toute réflexion sur ce sujet : le sens de l’importance cruciale de la politique pour la construction humaine du monde. b) Il y a une responsabilité sociale et politique des chrétiens et de l’Église. Cette responsabilité vient de la mission spécifiquement religieuse de l’Église (perçue ici pas seulement comme « hiérarchie » mais comme l’ensemble conjoint des fidèles), une mission religieuse qui a à voir avec la totalité de vie humaine. Cette responsabilité sociale et politique est – comme le dit René Coste - une responsabilité d’ordre diaconale (on recherche le service concret de l’humanité) et prophétique (une intervention ayant pour but de lire les situations du monde à la lumière de la Parole de Dieu et de les transformer dans l’horizon du Règne de Dieu). Il y a évidemment différentes formes de présence et d’intervention de l’Église/des chrétiens dans le domaine politique : - L’Encyclique Deus Caritas Est parle de la mission spécifique de l’Église comme telle (représentée par la hiérarchie) dans deux domaines/perspectives : la purification de la raison et l’approfondissement de la sensibilité et de la responsabilité éthique. - Les chrétiens – comme individus et comme groupes – interviennent directement aussi de différentes façons et degrés dans le domaine du politique. L’intervention de Rádio Renascença est une intervention en tant que moyen chrétien de communication sociale à partir de notre responsabilité personnelle comme chrétiens, en cherchant chaque jour à être le plus possible fidèles à l’Évangile, perçu à travers la Doctrine Sociale de l’Église (nous ne sommes pas simplement « la radio de l’Église »). c) Une première tâche globale que nous – comme chrétiens et comme radio catholique devons accomplir consiste à surmonter une vision négative de la politique, si répandue dans notre monde, ainsi que parmi nos concitoyens portugais. Au contraire de cette vision négative, nous sommes défiés/interpellés à comprendre et à souligner la place décisive de la politique et à voir le lieu, l’importance de la « charité politique» dans la vie chrétienne et Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 20 sur 42 de l’Église comme telle (l’activité politique comme « le champ d’une charité plus ample : la « charité politique » - Pie XII) d) L’implication d’une radio chrétienne dans le débat politique est incontournable. La question décisive est: comment le faire? C’est-à-dire : comment être responsable comme radio chrétienne dans une société pluraliste ? e) Je ne veux pas proposer “la” réponse, moins encore présenter le chemin de Rádio Renascença comme « l’idéal » … - Nous avons une histoire de presque 75 ans ; et chaque radio a son histoire, sa situation spécifique, sa propre physionomie éditoriale … - Nous avons joué un rôle très important dans l’histoire récente du Portugal (après le 25 Avril il fallait sauvegarder la démocratie face au risque du communisme, et dans cette situation, Rádio Renascença a gagné une très forte crédibilité). - Nous avons une situation spécifique : comme vous le savez, nous sommes un Groupe de Radios, avec deux radios de couverture nationale (Rádio Renascença et RFM), les deux grandes du pays en nombre d’auditeurs. 2. Comment le faisons nous, comment essayons nous de le faire? Ceci concerne surtout Rádio Renascença, « radio généraliste » (RFM est une radio plus musicale, même si elle diffuse aussi de l’information et des petits commentaires). 2.1. Le point de départ est une information rigoureuse, la plus complète possible, qui cherche à présenter les divers points de vue. C’est peut-être la contribution la plus importante dans ce domaine de la responsabilité politique. 2.2. Le débat politique au sens strict a) Nous avons maintenant des programmes qui visent directement le débat politique : - Deux représentants des deux partis majoritaires (gouvernement et opposition) participent une fois par semaine – comme invités résidents – à un débat sur des thèmes d’actualité, surtout d’ordre politique ; Rádio Renascença propose le thème du débat (conversation préalable) ; le programme est transmis le lundi après-midi (version plus courte) et le soir (version longue – 20/25 minutes) [Nous faisons actuellement quelque chose de semblable à propos de la Présidence portugaise de l’Union Européenne] - “Sal e Pimenta” (« Sel et Poivre ») – 45 minutes environ, tous les samedis, pas seulement sur des questions politiques ; il y a aussi deux invités résidents et un Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 21 sur 42 journaliste de Rádio Renascença; le choix des invités n’est pas dépendant de leurs options politiques, mais nous essayons d’avoir la présence de sensibilités différentes. - « Diga lá, Excelência » (« Dites-vous, Excellence ») - entretien d’actualité, avec une personnalité de la vie nationale, pas nécessairement de la vie politique (mais ce sont souvent aussi des figures politiques…) ; c’est un programme de 40 minutes environ, qui associe simultanément Rádio Renascença (transmission le dimanche après-midi), le journal «Público » (un des plus importants quotidiens nationaux – publication de l’entrevue dans l’édition du dimanche) et RTP 2 (la Seconde Chaîne de la Télévision publique – transmission le dimanche soir) ; dans la choix des invités, on doit faire naturellement attention aux sensibilités éditoriales des autres medias et aux règles du débat ouvert aux différentes positions (par exemple, dans la discussion sur l’avortement, on a invité à deux occasions différentes deux personnalités ayant des sensibilités différentes sur ce sujet). b) Une intervention plus visible à l’occasion d’élections C’est une intervention plus claire et assumée, non pas au sens que nous voulons intentionnellement participer plus directement ou plus intensément au débat politique à ce moment là, mais au sens que la situation concrète nous met au défi d’être encore plus consciemment responsables – comme citoyens, comme chrétiens, comme moyen de communication sociale chrétien… (naturellement, cela veut dire aussi que nous devons respecter les normes légales établies et la délicatesse de cette situation, conscients que nous n’avons pas le monopole de la vision chrétienne sur les problèmes politiques concrets…). En synthèse, comment essayons-nous de le faire ? - Nous cherchons à discuter des questions politiques concrètes surtout en dehors de la campagne électorale, mais naturellement il y a dans ces moments-là une recrudescence du politique ; - Nous respectons intégralement les temps d’antenne (suivant les prescriptions de la loi électorale) ; - Les interventions politiques de la campagne électorale sont traitées selon les critères habituels de l’information. c) Il y a aussi des prises de position ponctuelles (éditoriaux et commentaires), si certaines décisions/opinions touchent ou menacent des aspects essentiels dans une vision chrétienne de la vie (dignité humaine, manipulation idéologique…). d) Nous intervenons aussi par des commentaires « signés » par des personnalités extérieures à Rádio Renascença (souvent des journalistes) ou par quelques uns de nos journalistes : commentaires – Journal Electronique “Página Um” (Page Un). Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 22 sur 42 3. Quel bilan en faisons-nous? a) Nous avons une crédibilité. Il y a ponctuellement des petits conflits, mais sans grande perturbation du quotidien de la radio. b) Il n’y a pas eu jusqu’ici de cas compliqués pour l’Église à cause des interventions de Rádio Renascença. Quoique parfois il soit difficile pour les gens de faire concrètement cette distinction, la plupart des auditeurs sait distinguer ce que sont les positions officielles de l’Église et ce qui relève du travail spécifique d’une radio chrétienne (comme d’autres groupes et personnes chrétiens) c) Nous sommes souvent une voix incommode. Au Portugal, comme d’ailleurs dans autres pays de l’Europe, nous sentons aussi des signes de la montée d’un laïcisme militant (agressif, cynique, sous l’influence de la francmaçonnerie…), traduit parfois dans certaines décisions “idéologiques” du gouvernement d) La question toujours ouverte: comment servir le mieux l’annonce de l’Évangile? Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 23 sur 42 Conférence de Monseigneur Noël TREANOR Secrétaire général de la COMECE « Les Eglises de l’Union Européenne : Evolution d’une interactivité » Les Eglises ne bénéficient pas d’un statut consultatif vis-à-vis de l’Union Européenne. A tel point qu’il n’existe aucune structure de consultation officielle. C’est là une lacune des mécanismes consultatifs de l’Union. Et pourtant, dans tous les Etats membres, les Eglises et les communautés de fidèles sont des acteurs importants de la société. Elles répondent non seulement aux besoins religieux des citoyens mais fournissent aussi des services dans plusieurs domaines de la vie privée et publique. Que cette question ait fait l’objet de discussions au cours de ces dernières années dans divers contextes spécifiques, comme nous l’exposerons plus loin, est une indication du développement constitutionnel du projet de l’Union Européenne. En effet, ce n’est que bien après le traité d’Amsterdam que la question a pu être abordée par les institutions européennes. Leur préoccupation d’achever le marché unique et les présuppositions prévalant au sujet de la relation entre le sacré et le séculier se sont rejointes pour former un fossé, à long terme potentiellement destructeur, entre les Eglises, les religions et le projet européen. Pour des raisons internes au développement de l’Union depuis le début des années 1990, et à cause de l’évolution se produisant tant au niveau de la société civile qu’à celui des aspects théoriques et pratiques de la gouvernance et de la théorie constitutionnelle, la question séculaire de la relation entre la sphère du sacré et la sphère du politique est en train d’être étudiée en des termes nouveaux qui transcendent les lignes de bataille du Siècle des Lumières et ses conséquences. Le politique et le religieux, tous deux débarrassés des tristes moments de l’histoire européenne et des périodes d’incompréhension mutuelle, ont essentiellement renoncé à toute prétention d’absolutisme. Certains éléments tendraient même à indiquer qu’ils sont prêts à redécouvrir leur nécessaire complémentarité au service du bien commun. 1. Présence des Eglises auprès des institutions européennes Les Eglises et les religions ne figurent pas encore dans le droit primaire de l’Union Européenne. Mais les relations entre les Eglises et l’Union se sont considérablement développées depuis la fondation du projet européen il y a un demi-siècle. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 24 sur 42 La présence des Eglises auprès des institutions européennes prend de multiples formes : les Eglises ont surtout été présentes au développement du processus européen (comme encore aujourd’hui), par l’intermédiaire de politiciens et de fonctionnaires chrétiens dont l’engagement vis-à-vis de leur travail avait aussi sa source dans leur foi. Cette forme de contribution chrétienne dans l’arène du débat politique, de la négociation et de la prise de décisions est un service rendu par l’Eglise, peuple de Dieu, à l’égard du corps politique. Depuis les premières années du projet européen, un certain nombre de bureaux d’Eglise ont été créés dans le but spécifique de suivre l’élaboration des politiques des institutions européennes. C’est ainsi qu’une initiative jésuite, l’Office Catholique d’Information et d’Initiative pour l’Europe (OCIPE), a été lancée dans les années cinquante, à Strasbourg, et a dûment mis sur pied une antenne à Bruxelles dix ans plus tard. Ensuite, dans les années soixante, l’Association Œcuménique Eglise et Société (AOES) a également été établie à Bruxelles. En 1973 est arrivée la Commission œcuménique européenne pour Eglise et Société (EECCS). La Commission des Episcopats de la communauté européenne (COMECE) a, quant à elle, été établie en 1980, qui a également repris le Service d’Information Pastorale Européenne Catholique (SIPECA) mis sur pied en 1976. Actuellement presque toutes les confessions chrétiennes de l’union européenne sont représentées à Bruxelles et le nombre de bureaux d’Eglise ayant pour mission d’assurer la liaison avec les institutions de l’Union est en augmentation constante. On peut décrire brièvement le travail de la plupart de ces organisations en disant qu’il est structuré autour de trois grands axes : - accompagner la politique de l’Union européenne en y apportant des contributions appropriées ; - informer les communautés et les citoyens de ce qui se passe au niveau des politiques de l’Union ; - promouvoir un dialogue entre foi et politique. Par leurs activités, ces organisations vont au-delà de la simple défense des intérêts d’Eglise, où elles peuvent s’engager si nécessaire. En fait, pratiquement tout leur travail est centré sur l’enrichissement des débats politiques dans un large éventail de domaines, notamment les questions relevant de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, la politique du commerce, la politique sociale, la justice, ainsi que le débat sur l’avenir de l’Europe mené par la Convention européenne. D’autre part, les publications de ces organisations, leurs bulletins mensuels et les multiples formes de communication à l’adresse des communautés ecclésiastiques dans les Etats membres et les pays adhérents, permettent d’apporter une contribution modeste, mais très réelle, à la promotion du projet européen et au rapprochement entre les institutions de l’Union, Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 25 sur 42 ses citoyens et les communautés locales. Elles sont, en fait, des acteurs critiques, pas toujours reconnus, de la promotion du projet européen depuis plusieurs décennies. La présence d’Eglise a été, et reste encore aujourd’hui, une initiative des Eglises : cela n’est pas toujours compris. Il s’agit d’une expression concrète et même proactive de la responsabilité des Eglises à l’égard de l’Europe, d’un désir de la part de celles-ci d’assumer concrètement le rôle qui est le leur dans l’édification de l’Europe. La relation de ces organisations d’Eglise avec l’Union européenne est informelle, c’est une relation de fait. 2. Dialogue entre l’Union européenne et les Eglises Au cours des décennies de construction de la Communauté européenne et d’élaboration des politiques de ce qui est devenu l’Union européenne, ce sont par des contacts informels, des études et des séminaires divers que les Eglises et les communautés religieuses ont contribué aux débats sur l’élaboration des politiques européennes dans des domaines tels que la politique économique et sociale, le droit d’asile, la migration et les médias. A un niveau plus immédiatement pastoral, elles ont joué – et jouent encore – un rôle important de promotion du respect mutuel, de la participation, de la citoyenneté, du dialogue et de la réconciliation entre les peuples d’Europe, entre l’Est et l’Ouest. Tant au niveau pastoral qu’au niveau politique, elles mettent en évidence la responsabilité de l’Europe, non seulement à l’égard de ses voisins immédiats, mais aussi de toute la famille humaine. En ce sens, elles sont un partenaire indispensable des institutions de l’Union européenne. Depuis la ratification de l’acte unique, le débat sur la construction européenne transcende infiniment les paramètres du marché. Avec les traités ultérieurs de Maastricht et d’Amsterdam, les politiques de l’Union européenne vont beaucoup plus loin que l’organisation du marché intérieur. Elles portent sur des domaines aussi vastes que la justice et la politique intérieure, la politique sociale, l’éducation et les médias, les affaires étrangères, la sécurité et la politique de la recherche. Alors que le marché et son organisation sont liés à des valeurs et ne sont certainement pas neutres à cet égard, les domaines où l’Union a acquis une compétence depuis le début des années quatre-vingt-dix touchent plus directement le citoyen, conduisent de façon plus immédiate à une appréhension de la qualité sociétale du projet européen et ouvrent ainsi volontiers la voie à des débats d’ordre socio-éthique et spirituel. Cette évolution avait été anticipée par Jacques Delors dans les dernières années de son deuxième mandat de président de la Commission européenne. Il avait déjà fréquemment souligné, à la fin des années quatre-vingt, après la ratification de l’Acte unique, la nécessité d’un débat sur les objectifs de la construction européenne. Il estimait en effet, avec d’autres, que la tradition chrétienne avait un rôle vital à jouer dans ce débat. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 26 sur 42 Les 25 dernières années de l’histoire de la construction européenne ont aussi vu l’émergence d’une sorte de réveil des questions métaphysiques portant sur le but ultime de la tâche à réaliser. De nombreux débats ont cherché à rendre plus explicite le concept de société humaine sur lequel repose cette tentative. Dès le démarrage du projet européen puis, au début des années quatre-vingt-dix, en réponse aux initiatives prises par Jacques Delors et d’autres, les Eglises ont créé un espace de dialogue informel avec les institutions européennes grâce au travail de leurs bureaux et agences établis à Bruxelles et leurs contributions à l’élaboration des politiques de l’Union. La tradition d’un contact, d’une présence, de journées d’information et de séminaires autour d’exposés sur des questions politiques par des fonctionnaires de l’Union et des parlementaires européens, tradition qui a évolué au fil des ans, a été complétée dès le début des années quatre-vingt-dix par des « séminaires de dialogue », conjointement organisés par la Cellule de Prospective de la Commission européenne et la Commission Œcuménique européenne Eglise et Société (EECCS). A partir de 1993, la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) a été un co-organisateur de ces séminaires de dialogue. Les séminaires, qui prenaient pour thème une question d’actualité de la politique européenne convenue par les trois coorganisateurs, ont été préparés de façon consultative par la Cellule de Prospective (puis par son successeur, le Groupe des Conseillers Politiques- GOPA – du Président de la Commission européenne). Au stade préparatoire des consultations, les représentants des Eglises et les spécialistes compétents sur le thème à débattre ont été identifiés avec soin, en s’attachant aussi à ce que les participants des ces séminaires représentent au maximum les différentes zones culturelles et linguistiques de l’Union européenne. Pour sa part, la Cellule de Prospective /le GOPA ont organisé des exposés et assuré la participation de Commissaires européens, de fonctionnaires de l’Union et de parlementaires européens travaillant sur le thème choisi. L’expérience de ces séminaires de dialogue a fait apparaître des résultats inégaux et bien vite peu satisfaisants. Bien qu’ils aient réussi à rassembler des représentants des Eglises et du monde politique ayant une immense compétence et un savoir-faire incontestable sur le thème du séminaire, le départ de la plupart des participants des milieux politiques après avoir fait leur exposé et répondu à quelques questions va à l’encontre du but que l’on s’était proposé en organisant ces séminaires. C’est ainsi qu’à la fin des années quatre-vingt-dix, des mesures ont été prises pour renforcer et officialiser ces contacts et ce dialogue. A l’occasion d’une rencontre avec M. Jacques Santer, président de la Commission européenne, le 10 juin 1998, Mgr Josef Homeyer, président de la COMECE, a présenté un document contenant un ensemble de propositions sur la manière dont le dialogue entre l’Union européenne et les Eglises pourrait être établi sur un pied plus officiel et plus permanent. Quelques mois plus tard, le 14 septembre 1998, dans un Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 27 sur 42 discours à la dernière Assemblée générale de la Commission œcuménique pour Eglise et Société (EECCS), M. Santer a reconnu la nécessité de s’occuper de cette question et clairement exprimé sa volonté de poursuivre la discussion à ce sujet : « Conçue dès ses origines pour être une Union de peuples et d’Etats, la Communauté européenne est en passe de devenir également une Union de citoyens. Cette remarque me ramène une nouvelle fois au dialogue et à la coopération que la Commission et les Eglises ont su cultiver au fil des ans. J’ai dit précédemment que je pensais que cette pratique du dialogue pouvait et devait être renforcée et même approfondie. A l’heure où l’Union devient pour les citoyennes et citoyens de l’Europe une réalité plus tangible, sans que pour autant soit remise en question leur identité locale, régionale ou nationale, il est bon que les rapports de leurs communautés de foi et de conviction avec l’Union gagnent en visibilité ; peut-être convient-il de les organiser de manière plus systématique. Nous avons reçu de part et d’autre diverses propositions pour une poursuite du dialogue dans ce sens. Nous en discuterons au cours des mois à venir, afin d’arrêter, de commun accord, les décisions nécessaires aussitôt que possible. Dans l’espoir que cette bonne coopération puisse se poursuivre, voire s’intensifier à l’avenir, afin d’atteindre une efficacité plus grande encore au regard de nos responsabilités communes, je forme ici le vœu que vos efforts continuent d’être couronnés de succès. » Une analyse des perspectives suggérées par le président Santer dans ces lignes serait du domaine de pure conjecture. Il suffit de rappeler que, pour renforcer et approfondir encore le dialogue entre la Commission européenne et le Eglises, la Commission « Eglise et Société » de la Conférence des Eglises européennes (KEK) et le secrétariat de la COMECE ont soumis en 1999 une proposition approuvée au niveau œcuménique sur l’établissement d’un « dialogue structuré ». Cette proposition a été présentée au président Santer. Elle a été également soumise au président Prodi, peu de temps après son entrée en fonction. Elle a aussi été intégrée en 2002 dans un document s’inscrivant dans le cadre de la consultation sur le renforcement d’une culture de la consultation et du dialogue. Cette proposition suggère trois éléments complémentaires : a) Une procédure de consultation pré-législative, permettant aux Eglises et aux communautés religieuses – avec d’autres organisations de la société civile – de commenter les projets législatifs. La procédure de consultation proposée par la Commission européenne dans sa communication du 11 décembre 2002 marque une évolution significative en ce sens. b) Le dialogue structuré qui existe entre les Eglises et la Commission européenne est à poursuivre et à développer. Il doit prendre la forme : Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 28 sur 42 - de séminaires de dialogue organisés à intervalles réguliers ; - de sessions de travail sur des questions plus spécifiques, chaque fois que les Eglises et les communautés religieuses ont une préoccupation particulière ou un intérêt spécifique à l’égard d’un projet législatif ; - de rencontres au niveau présidentiel entre le président de la Commission européenne et des représentants à haut niveau des Eglises. La proposition prévoit également un groupe préparatoire commun pour ces rencontres, qui serait composé de représentants des Eglises et de fonctionnaires européens dotés des compétences appropriées. c) Un petit «bureau de liaison» au sein des services de la Commission européenne, qui serait idéalement situé dans un service horizontal de la Commission, par exemple le secrétariat général. Un tel bureau aurait pour but de faciliter la consultation des Eglises et des communautés religieuses sur la législation et les politiques projetées, afin de bénéficier de la réflexion prospective que les religions peuvent proposer en la matière, et de constituer un point de référence, par lequel les Eglises et les communautés religieuses pourraient contacter les services compétents de la Commission européenne. 3. Société civile et gouvernance européenne De toute évidence, cette proposition doit être vue dans le contexte plus large de plusieurs débats et discussions parallèles, notamment celle sur le concept de « gouvernance européenne », qui est l’une des priorités de la Commission Prodi. Ce concept, lancé par la Commission européenne dans son Livre blanc de juillet 2001, vise à fournir un cadre général de consultation et de partenariat en vue de renforcer la démocratie en Europe et d’accroître la légitimité des institutions. Les défis de la société contemporaine ne peuvent être résolus par la seule intervention des institutions politiques. L’exploration de ces questions nécessite un dialogue avec les partenaires concernés et la consultation des divers secteurs de la société. Les organisations intermédiaires, légitimement ancrées dans la société, jouent un rôle d’appui à cet égard. Les leaders politiques doivent susciter de nouvelles formes de consultation appropriées afin que les organisations intermédiaires puissent remplir convenablement leur rôle en la matière. La recherche de formes appropriées de consultation à cet égard n’est autre que l’application du principe de subsidiarité au sens horizontal. En réponse au livre blanc sur la gouvernance et au débat qui s’en est suivi, les Eglises ont fait un certain nombre de contributions importantes, qui sont venues apporter leur soutien au désir de la Commission d’améliorer les mécanismes et la qualité de la gouvernance européenne et de la rendre mieux intégrée et davantage orientée vers l’inclusion sociale. Les Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 29 sur 42 Eglises ont aussi proposé que soit reconnue leur contribution spécifique à l’ensemble du processus de bonne gouvernance. Même si elles n’ont reçu aucune réponse officielle aux suggestions spécifiques faites au Président de la Commission dans le document mentionné plus haut, le Livre blanc sur la gouvernance européenne a reconnu que les Eglises et les communautés religieuses étaient des acteurs du processus de bonne gouvernance : « La société joue un rôle important en permettant aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et en fournissant les services correspondant aux besoins de la population. Les Eglises et les communautés religieuses ont une contribution spécifique à apporter. » 4. Contribution spécifique des Eglises Les traditions et les mouvements religieux, spirituels et intellectuels ont eu un rôle formateur à l’égard du développement de notre conscience en matière d’identité et de culture. Au cours des siècles, ils ont façonné et favorisé des valeurs d’importance fondamentale pour la condition humaine, et exprimé clairement celles-ci à des époques toujours différentes. Les religions fournissent le fondement et l’orientation qui donnent sens à la vie. Source d’inspiration, elles constituent un héritage vivant à transmettre à l’avenir. Les Eglises et les communautés religieuses représentent, protègent et encouragent les aspects essentiels des fondements spirituels et religieux de l’Europe. Elles peuvent susciter une importante autocritique au sein de la société et servir ainsi de source d’innovation pour la société et dans les délibérations sur le concept de bonne gouvernance. A cet effet, il est illustratif de citer l’Exhortation apostolique post-synodale à la suite de la seconde assemblée extraordinaire du Synode des évêques pour l’Europe (1er-23 octobre 1999) : «Dans ses relations avec les pouvoirs publics, l’Eglise ne demande pas un retour à des formes d’Etat confessionnel. Mais en même temps, elle déplore tout type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les confessions religieuses. Pour sa part, dans la logique d’une saine collaboration entre communauté ecclésiale et société politique, l’Eglise catholique est convaincue de pouvoir apporter une contribution spécifique à la perspective de l’unification, offrant aux institutions européennes, en continuité avec sa tradition et en harmonie avec les directives de sa doctrine sociale, la présence de communautés de croyants qui cherchent à réaliser l’humanisation de la société à partir de l’Evangile vécu sous le signe de l’espérance. Dans cette optique, il est nécessaire que des chrétiens, convenablement formés et compétents, soient présents dans les diverses instances et institutions européennes, pour concourir, dans le respect des justes dynamismes démocratiques et à travers une confrontation des propositions, à Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 30 sur 42 définir une convivialité européenne toujours plus respectueuse de tout homme et de toute femme, et donc conforme au bien commun. » C’est dans ce sens que les Eglises et les communautés religieuses contribuent activement à la vie publique de bien des façons, au niveau local, régional, national et international, dans des domaines aussi variés que la politique sociale, la migration, l’aide au développement, le processus de paix, l’éducation, les activités culturelles et la pastorale. Leur caractère institutionnel, les objectifs des services qu’elles rendent dans ces domaines, leurs modes de fonctionnement et, bien souvent, l’éthique de leurs institutions, expriment leur spécificité par rapport à d’autres organisations de la société civile ; elles s’en distinguent mais ne peuvent non plus être considérées comme des organisations non gouvernementales. Au cours de ces dernières années, l’Union européenne et ses institutions ont dû tenir compte, même indirectement, de la religion, des Eglises et des communautés religieuses. On trouve une référence à la religion non seulement dans les dispositions des traités mais aussi dans les protocoles et les déclarations en annexe. La législation secondaire de l’Union se réfère directement à la religion et a une influence sur elle dans de nombreux domaines juridiques, notamment en ce qui concerne la non-discrimination, la législation sur le travail, la protection des données, la culture, la législation sur les médias, le bien-être des animaux, la coopération, les finances, les questions douanières et la législation économique. Ne serait-ce que pour de simples raisons de cohérence juridique, l’Union européenne doit trouver le moyen de mettre en place des mécanismes de consultation appropriés auprès des Eglises et des communautés religieuses. En septembre 2002, la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) et la Commission « Eglise et Société » de la Conférence des Eglises européennes (KEK) ont présenté à la Convention européenne une proposition commune ayant été approuvé au niveau œcuménique. Cette proposition comporte trois éléments complémentaires concernant la situation des Eglises et des communautés religieuses de l’Union européenne à l’avenir. L’un de ces éléments est une disposition constitutionnelle au sujet de l’existence d’un dialogue structuré entre les Eglises et les institutions de l’Union. Ces trois éléments sont les suivants : a) Le respect du statut dont bénéficient les Eglises, les communautés religieuses et les organisations non confessionnelles en vertu du droit national dans les Etats membres (Déclaration n°11 de l’Acte final du traité d’Amste rdam) ; b) La reconnaissance de l’identité spécifique des Eglises et des communautés religieuses et la mise en place d’un dialogue structuré avec elles ; c) L’organisation du respect, par l’Union européenne, de la liberté religieuse dans toutes ses dimensions. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 31 sur 42 Lors des sessions plénières de la Convention européenne en février et en mars 2003 ont été débattues la question d’une référence à la religion et la question du statut des Eglises et des communautés religieuses en vertu du droit national. Le Praesidium est également arrivé à un consensus sur les points suivants : - incorporer le contenu de la Déclaration d’Amsterdam n°11 dans la structure de la Constitution ; - envisager l’introduction, dans le Préambule du traité, d’une référence « reconnaissant la contribution des religions à la civilisation européenne » : - mentionner la contribution des Eglises et des associations religieuses au titre IV de la Constitution traitant de la vie démocratique de l’Union. La Convention a intégré en temps utile le projet d’article 37 dans le titre IV. Bien que ce projet de texte ait réuni un consensus au niveau de Praesidium de la Convention, il a néanmoins fait l’objet de 33 amendements et d’une discussion approfondie à la session plénière de la Convention du 24 avril 2003. La majorité des interventions faites à ce sujet dans le cadre de la discussion ont été positives. Le projet d’article 37 susmentionné est devenu le projet d’article 51 dans la première version complète de la partie 1 du traité constitutionnel présenté par le Praesidium le 26 mai 2003. Le texte finalement retenu dans le traité constitutionnel dans son article I-52 intitulé « Statut des Eglises et des Organisations non confessionnelles », a adopté la formulation suivante : a) L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres. b) L’Union respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles. c) Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier, avec ces églises et organisations. » Ce texte reprenait l’essentiel des demandes des Eglises et donnait dans ses deux premiers paragraphes une qualité constitutionnelle aux dispositions de la le Déclaration n°11 de l’Acte final du traité d’Amsterdam. Dans le contexte des dispositions du titre VI sur la vie démocratique de l’Union, il reconnaît l’identité des Eglises et des communautés religieuses et la spécificité de leur contribution à la société. Le texte prévoit aussi le maintien d’un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les Eglises et organisations religieuses. Il traduisait une avancée considérable pour les relations entre les institutions européennes et les religions. Au-delà de l’établissement de mécanismes de consultation des Eglises et des religions, il s’agit en effet de reconnaître l’apport positif et l’importance vitale de la religion, des Eglises et des communautés religieuses dans et pour l’ensemble de la société. Il définissait et reconnaît l’Europe comme communauté Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 32 sur 42 fondée sur des valeurs : l’intérêt des Eglises n’est autre que la promotion d’une société fondée sur des valeurs. Au 1er janvier 2007, le Traité constitutionnel a été ratifié par 18 des 27 états membres ; il a été rejeté en France et aux Pays-Bas et sept autres pays ne se sont pas encore prononcés. Son sort futur n’est pas connu à ce jour. En attendant, le dialogue entre les Eglises et les institutions européennes continue à travers des rencontres entre le Président de la Commission et les représentants des Eglises chrétiennes, des séminaires de dialogue et toutes les activités habituelles des bureaux des Eglises. En effet, les rencontres spécifiques des Eglises avec le Président de la Commission sont la partie la plus officielle de ces relations. Celles-ci existent aussi à d’autres niveaux. Comme tous les autres acteurs de la société civile les Eglises participent aux débats lancés par les institutions européennes. La Commission a en effet l’habitude d’organiser des consultations sur différents sujets. Ces consultations sont ouvertes au public et tout le monde peut donc faire valoir son point de vue sur telle ou telle problématique. La COMECE essaye, en collaboration avec les conférences épiscopales nationales et des réseaux d’experts, d’y apporter une contribution lorsque le sujet revêt une importance particulière aux yeux de l’Eglise. Ces sujets ne sont la plupart du temps pas des sujets « religieux » pour la simple raison que l’Eglise dialogue au niveau européen avec des institutions qui n’ont pas de compétence directe en matière religieuse. 5. Remarques en guise de conclusion Il existe donc un certain nombre de signes indiquant que l’Union européenne est prête à mettre en place un dialogue structuré avec les Eglises et les communautés religieuses. Ceci représente une avancée considérable par rapport aux décennies précédentes, marquées par l’incertitude des institutions européennes quant au mode de relation avec les communautés et les institutions religieuses. Cette évolution met en évidence l’émergence d’une conception plus intégrée du processus politique, incorporant toutes les dimensions de la conscience et du discours humains, y compris la dimension religieuse. Nous avons tracé dans les grandes lignes certaines des étapes fondamentales du chemin parcouru pour arriver à ce point. Ce qu’il faut maintenant, c’est entreprendre d’urgence un nouveau travail au niveau de l’éducation des futurs fonctionnaires du service public, que ce soit dans les Etats membres ou au sein des institutions de l’Union. Si l’on veut que ces fonctionnaires soient au service du bien commun de tous les citoyens, ils doivent avoir tout au moins une certaine compréhension de l’héritage religieux de l’Europe dans le cadre de leur formation. Cette formation doit les conduire à comprendre que la foi religieuse ne peut se ramener à une affaire d’ordre personnel et privé. Elle doit leur faire comprendre que les Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 33 sur 42 processus politiques, tout en restant évidemment autonomes et régis par les principes démocratiques, ne peuvent banaliser la dimension religieuse de l’existence humaine ni considérer que cette dimension est totalement séparée du domaine politique ou public. La formation de ces fonctionnaires doit leur permettre de se rendre compte que les Eglises et les communautés religieuses jouent un rôle fondamental dans la production du capital social dont dépend le fonctionnement de la démocratie libérale. C’est assurément un aussi grand défi pour la catéchèse que pour l’administration publique. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 34 sur 42 2ème atelier animé par José-Luis Restán Radio Cope «La liberté religieuse et la laïcité en Espagne» Quand nous avons commencé notre activité dans les années 60, les apparences montraient une société catholique calme dans ses paramètres sociologiques fondamentaux. Mais, en profondeur, le changement culturel couvait déjà, ce qui était évident dans les années 70 et encore davantage avec une vitesse et une profondeur étourdissantes dans les années 80. Pour l'Eglise, ceci signifiait un double défi : d'une part, de comprendre avec cœur ce nouveau cadre de la liberté et apprendre à vivre au large, sans la protection de l'Etat ; et de l'autre, de distinguer les dangers d'une sécularisation qui a tendu à assécher les racines spirituelles de notre société en s’orientant vers le relativisme moral. De toute façon, nous limiter à une approche conservatrice ne suffisait plus ; nous avions besoin d'une approche missionnaire, qui intégrait une présence catholique moderne, influente et attrayante, dans un contexte toujours davantage pluriel, et de plus en plus sécularisé également. C'est alors que nous nous sommes engagés dans une radio ouvertement généraliste, qui, comme le précise notre argumentaire idéologique, est le point de départ d'un projet d’évangélisation de l'opinion publique. La mission de COPE se développe selon des scénarios très divers et dans des différents formats : information, analyse et discussion sur les questions actuelles, mais également, sur la base d’un témoignage chrétien explicite, présentation de sa doctrine et réflexion sur la vie des communautés chrétiennes. Informer sur l'humanisme chrétien, deux mots d’une tradition ecclésiastique avérée. Je voudrais illustrer cette détermination en mentionnant certains des principaux combats dans lesquels COPE a été profondément impliquée au cours de ces dernières années. 1. Liberté religieuse : Contrairement à la suspicion systématique affichée quant à la dimension religieuse de l'humanité, et à la tentative de marginaliser et d’enfermer cette dimension dans la sphère privée, nous avons proclamé la dimension publique et communautaire des événements religieux, et, plus spécifiquement, du christianisme, ainsi que sa contribution notable au bien commun, parfaitement documentée par l'histoire (cela vaut la peine de le rappeler) et Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 35 sur 42 parfaitement vérifiée à l'époque actuelle. Pour COPE, c'est la pierre angulaire de notre système de liberté, et toute tentative de réduire ou amoindrir son importance (heureusement bien reflétée dans notre constitution) suscitera notre résistance. C'est pourquoi la laïcité agressive pratiquée par notre actuel gouvernement s'avère être particulièrement destructive et est devenue un de nos sujets les plus critiques. Naturellement, le but n'est pas de s’en tenir à une attitude purement défensive, mais plutôt de donner à voir la richesse et le potentiel créateurs de la liberté religieuse dans tous les domaines. 2. Liberté d'éducation : Au même titre que le paragraphe précédent, je pense que c'est l'un des sujets essentiels pour le futur de la démocratie dans le monde occidental. Tout d'abord, parce que la crise de l’éducation est terrifiante et nécessite de déclencher de nombreuses énergies et initiatives dispersées dans tout le corps social ; et deuxièmement, parce que le désir de contrôle de l'Etat trouve ici son apogée. La liberté d'éducation ne peut pas être juste un rapport formel, elle doit être un droit qui peut être exercé effectivement par tous les citoyens. Pour accomplir cette tâche, nous avons non seulement conçu des programmes spéciaux, mais nous avons également apporté un soin particulier à cette information et nous lui avons donné une couverture éditoriale importante. Dans ce domaine, aussi bien que pour la défense de la famille, nous avons appris comment se relier à un large secteur social (au delà des limites du public catholique) : COPE a été un porte-parole privilégié pour le mouvement des citoyens opposé à la loi organique sur l'éducation (précisément parce qu'elle met en danger la liberté d'éducation) et a contribué à nourrir cette mobilisation avec des arguments bien articulés dans tous nos programmes. 3. Promotion de familles basées sur le mariage entre un homme et une femme, et ouvertes à la transmission de la vie : Cela a été le champ privilégié des expériences sociales que notre actuel gouvernement aime tant. Une culture radicale, et tout à fait suicidaire, qui s'est consacrée à déprotéger et même à dissoudre une institution millénaire essentielle au bien commun telle que le mariage. Naturellement je me réfère à ce qu’on appelle le « divorce express », et particulièrement à tous les changements apportés à notre code civil équivalant à ce que mariage en tant que tel a disparu. Les mesures législatives prises dans ce secteur ont dépassé ceux de tous les pays voisins ; il y a là non seulement un problème concernant la loi, mais toute une culture antifamille qui a malheureusement trouvé de bonnes raisons de se répandre dans la plupart des médias, tandis que l'intérêt et les valeurs de millions de familles sont méthodiquement marginalisées ou même attaquées. COPE se sent le devoir de renforcer une vraie culture de la famille pour cultiver en tant que telle, en défendant ses bases anthropologiques et morales Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 36 sur 42 ainsi que les politiques et les législations qui servent activement la famille. Nous pouvons également dire ici aujourd'hui, avec modestie mais réalisme, que nous avons efficacement servi la grande mobilisation organisée par le Forum Espagnol de la Famille. Mais notre tâche ne s’arrête pas là, elle continue grâce à des efforts permanents dans tous nos programmes. 4. La défense de la culture de la vie : Dans le sillage de notre cher Jean- Paul II, COPE veut être un instigateur de la culture de la vie, dans un contexte de perte croissante de son importance et de sa valeur, et face à de nouvelles agressions, aussi bien dans les phases initiales (tout ce qui concerne le statut de l'embryon humain et la défense du fœtus) que dans les dernières étapes de nos vies, où il y a une campagne systématique en faveur de la libéralisation de l'euthanasie. Nous savons très bien que dans ce domaine nous devons combiner la raison (le rétablissement du droit naturel que propose Benoît XVI) avec la preuve (la beauté et le bien de toute vie humaine indépendamment des circonstances) et l'aide spécifique à ceux qui vivent dans les difficultés (en donnant plus de retentissement aux initiatives si nombreuses qui essayent d'aider les mères dans des situations difficiles ou les malades en phase terminale). Le domaine de l'expérimentation sur les embryons est un autre secteur qui exige notre engagement en tant que media, particulièrement si nous tenons compte que la confusion courante exige un effort éducatif extraordinaire auquel nous voulons participer. En Espagne, un projet culturel et politique s’installe tendant à remplacer la matrice catholique de notre société par une autre à caractère laïc et radical. Ce désir a été exprimé en beaucoup d'occasions par des intellectuels influents et des membres importants du parti socialiste, et s’est traduit d'une part, en ce que Benoît XVI appelle « le ridicule culturel du christianisme » et, de l'autre, par la mise en œuvre de politiques qui déchirent le consensus moral de base de notre société pour imposer ce que le gouvernement Zapatero appelle « la dissémination des droits ». Il est évident que le but «d’évangéliser l'opinion publique» mentionné dans le premier paragraphe de notre argumentaire idéologique relève de l’engage ment particulier de COPE à faire face à la laïcité agressive dont nous sommes témoins. 5. Réflexions finales Le groupe COPE, proposant aujourd'hui des offres de radio et de TV, souhaite servir le bien commun de la société espagnole de par sa vocation d’être un média « catholiques et généraliste », qui n'élude pas l’affrontement des vicissitudes de notre société. Nous souhaitons être une plateforme de la présence chrétienne dans le monde complexe des médias, afin de ne pas établir de divisions ou de frontières, mais plutôt un dialogue vrai entre la culture catholique et la culture laïque, auquel Benoît XVI nous invite tous, en vue de défendre ce qui est essentiel Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 37 sur 42 dans l'être d'humain et sa vie dans la société, en ces temps bizarres et perturbants que nous avons à vivre. Nous sommes convaincus que notre mission coïncide avec le but de montrer le grand oui du christianisme : Oui à la vie, à l'amour humain, à la liberté et à la raison, tout ensemble comme image de Dieu. Et en tout ceci nous pouvons trouver de nombreux amis et en devenir des amis, même si, pour certains, nous les avons initialement considérés comme étrangers. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 38 sur 42 3ème atelier animé par le Père Martin Holik et Milan Tesar Radio Proglas (République Tchèque «Développements techniques : Internet, numérique, Podcasts, MP3, …» Il est incontestable que nous vivons une évolution rapide des technologies. Cela est encore plus évident pour la télévision, mais les radios n’en sont pas exclues non plus. Si nous parlons de nouveaux média et de nouvelles technologies, il faut distinguer les média linéaires (média en temps réel) et média non-linéaires (travaillants avec l’enregistrement). 1. Média linéaires – média en temps réel a) Situation pour les diffuseurs : Il y a plusieurs technologies utilisables, ce qui pose un certain problème. L’évolution est si rapide que de nouvelles et meilleures technologies sont créées avant que les précédentes aient été codifiées. C’est pourquoi on essaie de rendre certaines technologies d’émission compatibles l’une avec l’autre. Exemple : T-DAB, une technologie bonne et robuste, entraînait des frais trop élevés pour les diffuseurs. En outre, il fallait attendre la libération de fréquences. En attendant, la DAB améliorée (DAB+) a été créée. Un autre protocole, DMB (« Digital Multimedia Broadcasting »), a eu un si grand succès que le forum worldDAB a changé de nom et est devenu le forum worldDMB. Une autre difficulté est soulevée par le fait que des pays différents prennent des décisions différentes et choisissent des protocoles différents. L’effort fait pour profiter du partage des fréquences actuelles a fait naître le système DRM, qui utilise l’échelle actuelle des ondes moyennes et courtes. La transmission des données aux téléphones mobiles (même aux appareils bon marché) rend possible la réception des chaînes radio dès aujourd’hui : c’est le système DVB-H et DMB-H. La diffusion des programmes via l’internet est déjà courante. Mais on y attend des « luttes » de la part des unions des droits d’auteurs. Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 39 sur 42 Avec l’internet sans-fil, il est plus facile d’amener de nouvelles technologies n’importe où. Mais nous devons attendre une couverture adaptée aux récepteurs mobiles. Ajoutons-y le système « classique » de diffusion via satellite (DVB-S), qui n’est reçu – en Europe – que par les récepteurs fixes. Les radios ayant une bonne couverture vivent une montée de la concurrence et sont donc presque obligées de créer de nouvelles chaînes et de nouveaux programmes. Au contraire, pour ceux qui n’ont pas réussi à obtenir de fréquences « classiques », cela signifie de nouvelles chances. b) Situation pour les auditeurs : Quant aux auditeurs, tout cela signifie toujours une complication et un risque qu’un nouveau récepteur puisse devenir inutile du jour au lendemain. La complexité de toutes ces méthodes de réception et de leur mise en marche devient un autre problème, ce qui décourage surtout les auditeurs potentiels les plus âgés. Certains types de récepteurs sont trop chers pour être fabriqués en petites séries. D’autres types ne rendent possible que la réception d’une ou deux chaînes, parce qu’il n’en existe pas davantage dans les pays respectifs. Les appareils qui combinent la réception des technologies nouvelle et ancienne sont plus attractifs à la vente. Mais ils sont généralement plus chers. Les producteurs n’ont pas assez de temps pour se déterminer, et leurs clients bien sûr non plus. Des téléviseurs LCD avec un tuner DVB-T et DVB-S bon marché n’existent pas, bien qu’on puisse en acheter les composants séparément. On trouve certains paradoxes : Les lecteurs iPOD et les téléphones mobiles les plus modernes ne permettent que la réception FM. Les constructeurs de voitures ont récemment abandonné les magnétophones à cassettes et vendent maintenant des lecteurs de CD. Seuls certains d’entre eux offrent des connecteurs USB pour les lecteurs MP3. 2. Média non-linéaires – audition du matériel enregistré Quant à l’audition non linéaire, l’enregistrement des programmes sur l’internet est devenu courant. On combine plusieurs systèmes : - le stream (favorable quant à la question des droits d’auteurs), Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 40 sur 42 - le téléchargement (PC, iPODs, lecteurs MP3). Dans ce cas, le diffuseur est souvent obligé de supprimer la musique de ses programmes pour des raisons tenant aux droits d’auteurs. L’enregistrement des programmes sur le web est peut-être une question un peu à la mode. L’auditeur veut écouter l’émission quand il en a le temps et l’envie. Mais l’homme est paresseux de nature, donc on peut se poser la question de savoir si ce service continuera à être efficace dans le futur. Les radios qui ne produisent pas d’émissions « classiques » et qui offrent la possibilité de créer un programme individuel ou bien des centaines des programmes organisés par tranches (sur l’internet par exemple) gagnent à notre avis moins d’auditeurs potentiels que l’internet lui-même. A ce sujet on pourrait parler par exemple de l’engagement des chrétiens sur le monde virtuel de Second Life. Pour conclure : Nous vivons un temps béni, qui demande néanmoins une grande attention et réflexion. Finalement, c’est toujours le contenu qui conduit ou ne conduit pas l’auditeur à la réception du programme ou au fait de chercher les programmes enregistrés de sa chaîne préférée. Glossaire DVB-T digital video (and audio) broadcasting – terrestrial DVB-H digital video (and audio) broadcasting – handheld DVB-C digital video broadcasting – cable T-DAB digital audio broadcasting – terrestrial (protocol Eureka 147) DAB+ new compression (AAC4) for T-DAB (association with Eureka 147) DRM digital radio mondiale (digitalisation MW=middle wave and SW=short wave) T-DMB digital multimedia broadcasting Podcast internet-archive Simulcast Multicast broadcast via internet (packet) Wi-Fi wireless internet connection (protocols 802.11a-g) worldDAB worldDMB forum Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 Page 41 sur 42 AUTRICHE Radio Stephansdom BELGIQUE RCF Bruxelles ESPAGNE Radio Popular CADENA COPE FRANCE RCF HONGRIE Radio Szent Istvan ITALIE Associazione CORALLO RadioTelevisioni Libere Locali LETTONIE LKR MALTE RTK PAYS BAS K.R.O (Hilversum) POLOGNE Radio Plus PORTUGAL Radio RENASCENCA Ce 14ème Colloque proposé par la CERC à toutes les radios chrétiennes d’Europe, se situe dans la perspective de la construction de l’Europe sur des valeurs éthiques et spirituelles, qui favorisent la compréhension et le rapprochement entre les peuples de notre continent. Regroupant plus de 650 radios de l’Atlantique à l’Oural, la CERC poursuit ainsi l’action qu’elle a entreprise depuis sa création en 1994, notamment grâce aux Colloques qu’elle a organisés à Bruxelles, Strasbourg, Rome, Varsovie, Lisbonne, Vienne, Madrid, Budapest, Malte, Bratislava, Rome, Prague et Iasi. REP. TCHEQUE Radio Proglas ROUMANIE Radio Trinitas RUSSIE Christian Church Social Channel Catholic Radio DAR SLOVAQUIE Radio Lumen SLOVENIE Radio Ognjisce Colloque de la CERC – Bruxelles 2007 SIÈGE SOCIAL 7, Place Saint Irénée 69321 LYON Cedex 05 France PRÉSIDENT José-Luis Restan (Espagne) tél. : (33) 04 72 38 62 06 Fax : (33) 04 78 36 34 42 SECRÉTAIRE GÉNÉRAL Tommy SCHOLTES (Belgique) E.mail : [email protected] Site : www.cerc-eu.org Page 42 sur 42