évolution de la chirurgie du schwannome vestibulaire
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évolution de la chirurgie du schwannome vestibulaire
© Masson, Paris, 2004 Neurochirurgie, 2004, 50, n° 2-3, 160-194 L’expérience microchirurgicale ÉVOLUTION DE LA CHIRURGIE DU SCHWANNOME VESTIBULAIRE W. PELLET, P.-H. ROCHE Service de Neurochirurgie, Hôpital Sainte-Marguerite, Marseille. De nos jours, aucun neurochirurgien n’envisagerait de se lancer dans l’exérèse d’un schwannome vestibulaire sans l’aide d’un microscope opératoire et sans avoir à disposition quelques micro-instruments usuels, micro-ciseaux, microdissecteurs, micro-crochets et micro-aspirations. Nous vivons, en effet, à l’ère de la microchirurgie. Les plus jeunes ne peuvent imaginer d’autres conditions opératoires, mais les seniors se souviennent qu’il n’en n’a pas été toujours ainsi, et les plus vieux même, lors de leur formation, dans les années 50, ont pu vivre le temps où les malades se présentaient toujours avec un très gros neurinome et un tableau d’hypertension intracrânienne préoccupante. En position assise, sous anesthésie locale, après une large résection cérébelleuse complétée souvent d’un écarteur ravageur, l’opérateur parvenait enfin sur une tumeur dont la dissection à l’œil nu était approximative, parfois même grossière, au doigt, en général avec l’index que certains ont très volumineux même s’il est agile. C’était la fameuse « finger blunt dissection », que l’on utilisait lorsqu’un saignement intempestif ou une aggravation de l’état du malade venait précipiter la fin de l’opération. Les suites étaient souvent aléatoires, pour ne pas dire catastrophiques, et le facial, selon l’expression de Dandy, restait le prix à payer quand le malade survivait, non sans que la facture s’alourdisse souvent d’une hypoesthésie cornéenne compliquée de kératites à répétition, d’une ataxie invalidante ou de troubles de la déglutition prompts à déclencher des complications pulmonaires souvent fatales. C’était la fin d’une époque, celle de la neurochirurgie encore débutante, dont la préoccupation première était la survie du malade plutôt que la sauvegarde de la fonction. C’était, en matière de neurinome de l’acoustique, l’époque que Moskowitz et Long [136] du Johns Hopkins Hospital de Baltimore, qualifient d’ère curative, de 1925 à 1960, après l’ère des pionniers (1890-1925) et avant celles qui se préoccuperaient de la sauvegarde du facial (1960-1974) puis de la conservation de l’audition (depuis 1974). En fait, avec le temps qui passe, il nous semble plus judicieux de distinguer une période neurochirurgicale, jusqu’en 1950, pendant laquelle seuls les neurochirurgiens se préoccupaient de cette pathologie, puis une période oto-neurochirurgicale parce que revendiquée tant par les otologistes que par les neurochirurgiens. Parallèlement à cette dernière, et depuis les années 60, se développe l’ère radiochirurgicale. LA « PRÉHISTOIRE » C’est la période que Wertheimer et David [221] ont appelé l’ère des pionniers. Certains médecins qui pratiquaient des dissections, tel Ambroise Paré, avaient découvert parfois des tumeurs collées sur la face postérieure d’un rocher mais il ne s’agissait que de découvertes fortuites et d’interprétation incertaine. Il semble bien, comme le souligne Cushing [39], que le premier cas de neurinome vestibulaire dûment rapporté soit, en 1777, celui de Sandifort [175], professeur d’anatomie à Leyden. Il s’agissait d’une découverte autopsique, non accompagnée de précision clinique. En 1810, par contre, Levêque-Lasource [114], en France, rapporte le cas d’une femme de 38 ans présentant tous les symptômes auditifs, vestibulaires, trigéminés, des nerfs mixtes et des voies longues ainsi que ceux d’une hypertension intracrânienne évoluée tels que nous les connaissons maintenant comme caractéristiques d’une tumeur de l’angle ponto-cérébelleux et chez qui l’autopsie révéla l’existence d’une tumeur du nerf acoustique. Avec l’essor de l’école anatomo-clinique initiée à Londres par Tirés à part : W. PELLET, Service de Neurochirurgie, Hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte-Marguerite, 13247 Marseille Cedex 9. e-mail : [email protected] Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE John Hunter (1728-1793), laquelle recommandait observation clinique minutieuse et contrôle autopsique, d’autres cas détaillés commencèrent d’être rapportés, celui de Charles Bell en 1830 [10] à Londres, puis celui de Boyer [15] en 1835 à Paris, de Weiglen [219] en 1840 à Vienne, de Cruveilhier [38] en 1842 à Paris, de Toynbee [210] en 1853 à Londres, le premier cas intra-canalaire, puis ceux de Stevens [200] en 1879 à New York et d’Oppenhein [145] en 1890 à Berlin et, avec ces divers cas, se dégageait peu à peu une séméiologie propre à ce type de tumeurs. Le diagnostic du vivant du malade et non plus à l’amphithéâtre devenait alors possible. En 1902, Henneberg et Koch [83], à Berlin, donneront son nom définitif à ce groupement symptomatique, le syndrome de l’angle ponto-cérébelleux. Par les descriptions anatomiques, on savait ces tumeurs extra-cérébrales, énucléables et donc extirpables. L’anatomie pathologique, sous l’impulsion de Virchow, commençait d’en cerner la nature histologique. Dès 1846, l’anesthésie à l’éther pratiquée à Boston par le dentiste Morton avait ouvert la voie à une véritable chirurgie. Plus tard, en 1895, Bennet inventera sa « gaz machine ». Dans les années 1860, Semmelweis à Vienne, puis Pasteur, démontrant le rôle des micro-organismes dans l’infection, avaient donné à Lister l’idée de l’antisepsie per-opératoire qui devint effective en 1875, à l’aide de compresses phéniquées déposées sur le champ opératoire, puis grâce aux pulvérisations de l’appareil mis au point à Paris par Lucas-Championnière. C’était déjà un progrès manifeste, diminuant beaucoup les infections post-opératoires, mais le phénol n’était pas sans inconvénients tant pour les opérateurs que pour les tissus du malade. Il était vite apparue que la meilleure prévention était de détruire les germes avant d’opérer. Ainsi naquit le concept d’aseptie chirurgicale basé sur la stérilisation des instruments, la désinfection de la peau, le lavage des mains et le port de tenues opératoires stériles. En 1890, Halsted, à Baltimore, introduirait l’utilisation des gants chirurgicaux. Les conditions d’une chirurgie digne de ce nom étaient enfin réalisées. Entreprises par des chirurgiens à l’époque tous « généralistes », les premières tentatives d’exérèse de « neurinome », celle de Von Bergmann en 1890, signalée par Cushing [39], celle de McBurney [128] en 1891, s’étaient soldées par un échec. C’est Sir Charles Ballance [6] qui aurait, le premier, réussi enfin, le 19 novembre 1894, à Londres, une opération dont le malade réchappa. « A finger had to be insinuated between the pons and the tumor to get it away », précise-t-il dans son protocole. Malgré cette technique expéditive, le malade s’en sortit au prix d’une paralysie et d’une anesthésie faciale, et aussi avec un œil en moins car une exentération dut lui être finalement 161 pratiquée à cause d’une kératite ulcérée. Cushing [39] pense qu’il s’agissait en fait d’un méningiome et que le premier vrai neurinome opéré avec succès l’a été, selon Ramsden [158], à Edimbourg le 3 mai 1895 par Annandale (1838-1907) sur une jeune femme de 25 ans enceinte de 4 mois qui récupéra parfaitement de son intervention et put mener ensuite sa grossesse à terme. Quoi qu’il en soit, ces cas avaient prouvé que l’exérèse de ce type de tumeur était possible. Il faut bien dire, cependant, qu’à cette époque et avec la même technique, les quelques autres tentatives effectuées avaient été le plus souvent fatales (Krause [166], Steiglitz [190], Ziegenweidt [229], Guldenarm [158],…), seul un malade de Murri [137], opéré par Bendani à Bologne, ayant, semble-t-il, survécu lui aussi. LA PÉRIODE NEUROCHIRURGICALE Elle fut tour à tour dominée par deux personnalités : Harvey Cushing, puis Walter Dandy. Glasscock [69], puis William House [98] ont tout naturellement divisé cette période en deux phases pour ce qui concerne la chirurgie du schwannome vestibulaire : l’ère de Cushing, de 1902 à 1917, puis l’ère de Dandy, de 1917 à 1961, auxquelles fait suite, selon eux, la période actuelle que nous qualifierions volontiers d’ère de William House. HARVEY CUSHING Harvey Cushing (1869-1939) commença sa carrière avec le XXe siècle. Diplômé en Médecine en 1895 à la Harvard University, puis interne en Chirurgie au Massachusetts Hospital de Boston, il vint ensuite, en 1900, compléter sa formation auprès de Halsted qui dirigeait, depuis sa création, le service de chirurgie du John Hopkins Hospital à Baltimore [117]. Il appris de celui-ci la méticulosité, la rigueur et la délicatesse du geste. Formé à la chirurgie « générale », il s’intéressa très tôt, dès 1902, à la chirurgie du cerveau dont il allait devenir l’un des tout premiers véritables spécialistes, précédé seulement par Sir William Macewen (1848-1924) de Glasgow, par Sir Victor Horsley (1857-1916) de Londres [98], par Fedor Krause (1856-1937) de Berlin [220], lequel opéra son premier neurinome en juillet 1898, et, en France, par Jaboulay qui, à Lyon, dès 1889, commençait de pratiquer assez régulièrement des interventions neurochirurgicales. Comme le soulignent Wertheimer et David [220], isolé et sans collaboration possible avec un neurologue de sa trempe, ce chirurgien hors pair ne put créer une véritable école de neurochirurgie mais, pour preuve de sa prééminence, ces mêmes auteurs précisent que c’est à Lyon que fut publiée, 162 W. PELLET, P.-H. ROCHE en 1903, la première observation française de neurinome de l’acoustique et que fut tentée par Durand, en 1907, la première exérèse de ce type de tumeur. Cushing opéra son premier neurinome le 12 janvier 1906 [39]. Le malade, âgé de 42 ans, était tellement ataxique qu’il était confiné au lit. Depuis quelques mois, il était aveugle à cause d’une hypertension intracrânienne évoluée qui lui entraînait depuis 3 ans des crises toniques postérieures typiques, mais, à l’époque, incomprises, car Cushing n’en avait pas encore expliqué la signification. Bien sûr, il était sourd de son oreille droite et était persécuté par une névralgie faciale du même côté. À l’examen clinique, Cushing avait noté une ataxie majeure, un grand nystagmus, un syndrome cérébelleux droit, une hypoesthésie de l’hémiface droite. Au fond d’œil, il avait noté une atrophie optique bilatérale avec disparition du réflexe pupillaire. Pour lui, le diagnostic de tumeur cérébelleuse était évident mais il ne pouvait en préciser la localisation. Cela nous situe bien le niveau des connaissances de l’époque et le chemin à parcourir sur le plan séméiologique, chemin qui sera progressivement débroussaillé par Hughlings Jackson, Oppenheim, Dejerine, Babinski et bien d’autres dont, bien sûr, Cushing. L’opération fut menée en position assise, la tête du malade maintenue par un assistant, car il ne disposait pas de têtière. L’anesthésie au masque n’assurait qu’une sédation précaire et une respiration pour le moins difficile. La tumeur avait 4 bons centimètres de diamètre et saignait abondamment. Le champ opératoire tanguait. En bref, l’opération se déroula dans des conditions apocalyptiques et fut prématurément abandonnée dans l’espoir d’un deuxième temps plus tranquille, mais le malade décéda 3 jours plus tard d’une pneumonie. On mesure le courage du chirurgien et, bien sûr aussi, le dénuement de l’opéré, lequel était, en fait, à toute extrémité quand il avait été pris en charge. Trois mois plus tard, pour son deuxième cas, Cushing avait mis au point sa têtière, l’outrigger, un peu encombrante mais qui assurait le maintien des épaules et de la tête de son malade qui était couché à plat ventre. Il avait prévu une anesthésie plus conforme à ce type de chirurgie, toujours sous masque mais avec respiration assurée par la machine de Bennet. Il s’agissait encore d’un homme, âgé cette fois de 25 ans et parvenu au même stade clinique catastrophique que le précédent. Le diagnostic d’hypertension dans la fosse postérieure avait été fait et, pour essayer de la soulager, il avait subi deux mois plus tôt un trou de tréphine sous-occipital gauche sans ouverture de la duremère. Devant l’échec de ce geste, bien compréhensible maintenant, il avait subi un mois plus tard la même procédure du côté droit qui, toujours inopérante, avait été suivie, 10 jours plus tard, d’une Neurochirurgie crâniectomie sous-occipitale droite avec ponction de la dure-mère, pour évacuer du liquide céphalorachidien, puis d’un volet décompressif temporal avec, cette fois, ouverture de la dure-mère. C’est dans cet état de détresse et de délabrement qu’il était arrivé auprès de Cushing. Cette fois, celui-ci évoqua une tumeur de la fosse postérieure, localisée du côté gauche. Confortablement installé en décubitus ventral, largement exposé par son incision en T et une large crâniectomie sous-occipitale, bien qu’il eut un peu de mal à retrouver la tumeur qu’il écartait en masse avec le cervelet, il put finalement en réséquer la moitié inférieure, abandonnant volontairement la moitié supérieure, sans doute autant par prudence que par fatigue. Les suites, cette fois, furent bien plus favorables malgré quelques troubles passagers de la déglutition. L’examen anatomo-pathologique confirma le neurinome. Le malade sortit 23 jours plus tard et fut perdu de vue. C’est en lisant 4 ans plus tard une communication qu’il reconnut son malade, lequel avait présenté 3 mois auparavant une crise d’épilepsie alors qu’il était en train de téléphoner. Il était brutalement tombé en arrière et s’était fracassé le crâne sur le sol. Tombé dans le coma, il était décédé 2 heures après. L’autopsie avait révélé l’existence d’une hémorragie dans le foyer opératoire, enrobant une tumeur. Cushing rapporte laconiquement que l’anatomo-pathologiste consulté considéra qu’il s’agissait d’un gliome. A posteriori, il nota qu’il s’agissait d’un cas particulièrement favorable et qu’il aurait pu l’enlever complètement s’il avait eu, à l’époque, un peu plus d’expérience mais, quoi qu’il en soit, cette exérèse partielle lui sembla positive au vu de l’état initial du malade et de son devenir. Le choix délibéré de l’évidemment simple lui apparaissait judicieux et le bon résultat obtenu 3 mois plus tard avec cette technique chez une femme arrivée dans le même état que les précédents et qui put vivre ensuite 3 ans tranquille, avant de mourir brutalement de problèmes respiratoires, le conforta dans son opinion. Sa tactique de l’évidemment intra-capsulaire était née. Il opéra ainsi 30 malades, en position assise et sous anesthésie locale car Elinhorn et Uhlfelder [220] avaient découvert depuis peu la procaïne dont l’association avec de l’adrénaline permettait une bonne insensibilisation et une bonne hémostase du cuir chevelu. En position assise, l’opéré respirait mieux et le champ opératoire restait plus propre. Il pratiquait son incision, dite « en arbalète », d’une mastoïde à l’autre et sur la ligne médiane, puis une large crâniectomie bi-occipitale exposant largement les 2 hémisphères cérébelleux. Il abaissa, en 1917, la mortalité à 15,4 % alors que celle des autres chirurgiens (Horsley, in Dandy [40], Eiselberg [58], Henschen [85], Krause [113], Tooth Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE [207]), oscillait toujours entre 66 et 84 %. Ses résultats lui confirmaient le bien-fondé de sa tactique, et ce, d’autant plus que la nature bénigne de ces tumeurs avait été démontrée par Verocay [216]. Mieux valait permettre à ces malades arrivant en état pré-terminal de passer encore quelques années valides que de précipiter leur décès par une tentative d’exérèse complète. D’autres innovations étaient venues améliorer sur le plan technique le déroulement des opérations pour atténuer l’agressivité du geste. Harvey Cushing dans sa monographie [39] rend hommage à Fedor Krause qui avait parfaitement décrit, dans un article datant de 1903 [111], l’abord sous-occipital de l’angle ponto-cérébelleux, mais aussi préconisé la ponction ventriculaire afin de diminuer, par cette vidange, l’écrasement du tronc cérébral secondaire à l’hydrocéphalie. Il avait adopté, aussi, la résection systématique du bord postérieur du trou occipital et de l’arc postérieur de l’atlas conseillée par Borchardt [14] après que celui-ci ait parfaitement observé la hernie amygdalienne dans le trou occipital. Mais la technique ne fait pas tout et, si le malade pouvait arriver au chirurgien en meilleur état, ce ne serait que mieux. Un autre impératif s’imposait ainsi à lui : faire le diagnostic plus rapidement et, pour cela, apprendre aux médecins les symptômes entraînés par ces tumeurs. Krause [112], encore lui, avait déjà déblayé le terrain en décrivant les symptômes et leur progression, mais Cushing s’attacha à étudier soigneusement ses 30 premiers neurinomes et, à force de questions et d’examens cliniques minutieux, il put dégager la chronologie des symptômes depuis la surdité unilatérale progressive découverte souvent au téléphone, signe qu’il fit passer à la postérité. Il décrivit magistralement cette chronologie dans sa monographie [39], d’abord les manifestations auditives et labyrinthiques, puis les céphalées et la gène sous-occipitale, puis l’incoordination cérébelleuse, puis l’atteinte des autres nerfs crâniens, particulièrement celle du trijumeau, puis les signes d’hypertension intracrânienne, en particulier l’œdème papillaire et la paralysie du VI, puis les troubles de la phonation et de la déglutition et, finalement, les crises toniques postérieures et les troubles respiratoires terminaux. Il espérait que la diffusion de ces connaissances permette un jour de faire le diagnostic dès le premier stade d’hypoacousie unilatérale et de découvrir ainsi la tumeur alors que son volume était encore réduit. Sa fameuse monographie [39] parue en 1917 révélait le « neurinome de l’acoustique » en tant que syndrome anatomo-clinique identifié. Grâce à ses travaux et à son enseignement, sans doute aussi grâce à ceux de Krause, les malades pourraient un jour être adressés au chirurgien avant qu’ils n’aient atteint l’état pré-terminal des premiers cas qu’il 163 avait dû prendre en charge. Il faudra cependant encore beaucoup de temps pour que tous les médecins apprennent à dépister cette tumeur précocement, en particulier sans hypertension intracrânienne, ce qui ne veut pas dire pour autant que le volume de la tumeur soit forcément réduit, mais quel progrès déjà lorsque le malade n’arrivait plus à toute extrémité. Bien sûr, l’amélioration du diagnostic dépendit beaucoup des innovations para-cliniques survenues à l’époque ou juste avant. Helmoltz avait inventé l’ophtalmoscope en 1850 et, avec cet appareil, Von Graefe avait su reconnaître l’œdème papillaire, introduisant ainsi cet examen en neurologie. Roentgen, en 1895, avait découvert les rayons X. Henschen [84], sachant grâce aux autopsies que le conduit auditif interne était dilaté par la tumeur, parvint en 1912 à mettre en évidence cette dilatation sur des radiographies du crâne, objectivant là un signe déterminant pour l’époque. Graham Bell, en 1875, avait inventé le téléphone, et dès 1878 Hartmann avait fabriqué à Berlin le premier acoumètre, tandis que Hugues, aux États-Unis, fabriquait le premier audiomètre. Enfin, Barany, à partir de 1906, développait sa méthode d’exploration calorique du vestibule. Sur le plan technique, la contribution de Cushing fut tout aussi déterminante, et un article d’Horrax [88] est à ce titre éloquent. L’hémorragie était un problème majeur de la neurochirurgie. Horsley avait pensé à la cire pour arrêter le saignement de l’os et à des fragments de muscle pour stopper le saignement dans le cerveau. Cushing imagina le tourniquet qui permettait de rendre le scalp exsangue. Il préconisa aussi l’hémostase du cuir chevelu avec des pinces sur la galéa. En 1911, il mit au point, ses clips en argent et, surtout, il mis au point, avec Bovie, l’électrocoagulation. On a déjà parler de son outrigger. Les sondes ventriculaires, les trocarts de ponction, les écarteurs,… ne sont pas les moindres de ses innovations, sans parler de la douceur et de la précision du geste opératoire, dépourvu de toute précipitation et de toute agressivité, qu’il apprit à ses collègues et à ses élèves, sans parler aussi de la stricte observance des règles d’aseptie ou de la rigueur à effectuer puis enchaîner parfaitement chacun des temps opératoires, depuis l’incision et jusqu’à la fermeture, en reconstituant scrupuleusement tous les plans traversés. Le neurinome de l’acoustique a constitué, sans conteste, un champ important de son activité, mais il faut bien souligner que son œuvre ne se limite pas à ce seul sujet et qu’il a eu une influence déterminante dans le développement de la neurochirurgie des tumeurs cérébrales en général, de la pathologie hypophysaire, du traitement de la névralgie faciale ou de la compréhension de mécanismes physiopathologiques tels 164 W. PELLET, P.-H. ROCHE que le rôle de l’hypertension intracrânienne sur la tension artérielle systémique (réflexe de Cushing) ou l’intérêt de la crâniectomie décompressive dans le traitement des processus expansifs intracrâniens [88]. Son acharnement, sa réflexion et sa rigueur ont été les ferments grâce auxquels la neurochirurgie, une toute nouvelle spécialité à l’époque, a pu germer et prendre son essor. Bien sûr, quelques autres personnalités innovèrent aussi en la matière en même temps que lui. Il est quand même extraordinaire de souligner que c’est à la même époque que Panse [148] imagina d’approcher les neurinomes au travers du rocher, en approfondissant la mastoïdectomie que les otologistes utilisaient couramment pour traiter les mastoïdites et leurs complications. Panse intitula cette voie d’abord, la « voie translabyrinthique ». Sans magnification optique, sans moyen de fraisage adapté, sans micro-instruments, les difficultés étaient extrêmes et les dégâts considérables. C’est ainsi que ces tentatives tournèrent court rapidement, mais l’idée de cette approche était lancée et celle-ci reviendra un jour en force avec William house [98]. Grâce à Cushing et aussi à Krause, les tumeurs de l’angle constituent depuis une entité anatomoclinique bien individualisée d’une spécialité en devenir. Horsley et Jaboulay avaient précédé ces deux maîtres, mais c’est le rayonnement exceptionnel de Harvey Cushing qui contribua au lancement de la neurochirurgie. Dès la deuxième décennie du XXe siècle, suivant son exemple, de jeunes chirurgiens allaient se former exclusivement à la neurochirurgie et l’un d’entre eux, Walter Dandy, dominerait la période suivante. WALTER DANDY Walter Dandy (1886-1945) fut lui aussi un élève de Halsted au John Hopkins Hospital de Baltimore dont il avait intégré l’équipe dès 1907 [164] après avoir commencé ses études de médecine dans l’Université du Missouri. En 1910, il obtint son titre de Docteur en Médecine. Il avait profité de l’enseignement de Cushing tant que celui-ci était resté dans le service de son Maître et il avait travaillé avec lui et pour lui dans le Hunterian Laboratory of Experimental Medecine, à l’époque sur la vascularisation et l’innervation de la glande pituitaire du chien. On sait, sans en connaître les circonstances précises, que leur forte personnalité les opposa assez violemment, si bien que Cushing ne voulut pas de lui dans son équipe lorsqu’il partit créer, en 1912, le service de chirurgie du tout nouveau Peter Bent Brigham Hospital et de la Harvard Medical School de Boston dont il allait, sous son autorité, en faire La Mecque incontestée de la neurochirurgie [12]. Dandy en perdit même sa place dans le service de Halsted. Maintenu ce- Neurochirurgie pendant en poste dans le Johns Hopkins Hospital par le Docteur Smith qui en était alors le directeur, il poursuivit son activité dans le Hunterian Laboratory of Experimental Medecine de cet hôpital que dirigeait auparavant Cushing et, en collaboration avec un pédiatre résident, Kenneth Blackfan, il se consacra à l’étude expérimentale, sur le chien, de l’hydrocéphalie et de la circulation du liquide céphalo-rachidien. Dès 1913, il publia dans le JAMA [46] un premier mémoire sur le sujet, et celui-ci impressionna fort Halsted qui lui réouvrit les portes de son service. Il allait en devenir chirurgien associé en 1918. En 1922, il sera nommé neurochirurgien chef du Johns Hopkins Hospital. Dandy rencontra ses deux premiers neurinomes en 1915 [98]. Grâce à l’enseignement de Cushing, ces deux malades avaient été dépistés avec une surdité unilatérale, un engourdissement facial et des signes manifestes d’hypertension intra-crânienne mais ils étaient encore en bonne condition physique. Conformément aux recommandations de Cushing, il avait tenté un évidemment intra-capsulaire mais ces deux malades décédèrent dans les 12 heures post-opératoires. Des trois cas suivants, l’un survécu, mais les deux autres décédèrent de méningite, l’un au 4e jour et l’autre au 46e. La malade suivante fut opérée en 1917, alors que la monographie de Cushing [39] paraissait. Cette malade eut des suites immédiates favorables mais son état de conscience se dégrada à partir du 7e jour tandis qu’apparaissaient vomissements, dysphonie et dysphagie. Son état s’aggravait progressivement. Dandy [43], dans un rapport préliminaire publié en 1922, expliquera qu’il ne pouvait s’agir d’un hématome, ni d’une méningite, et qu’il incrimina alors le morceau de tumeur resté en place et qui devait comprimer le tronc cérébral. Il réopéra sa malade pour extraire ce bout de tumeur d’un mouvement expert de son index, ce qu’il effectua sans conséquence hémorragique importante, et cette malade récupéra complètement sa conscience en 5 jours. Il en déduisit logiquement que laisser un morceau de tumeur pouvait avoir un effet néfaste sur le tronc cérébral et que l’exérèse totale était préférable, dans la mesure du possible. Il opéra ainsi ses deux cas suivants en deux étapes : évidement sous-capsulaire pour commencer, puis énucléation à l’index quelques jours après. Il pensa alors que tout cela pourrait être réalisé au cours de la même séance. Très vite ensuite, il en vint à penser que l’index n’était pas un outil recommandable et il s’astreint dorénavant à un évidement le plus complet possible, suivi d’une dissection soigneuse et précautionneuse de la « capsule » ainsi amincie et rendue mobilisable et décollable du tronc cérébral. Selon lui, les pôles supérieur et inférieur de la tumeur, ainsi évidés, peuvent en général être aisément Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE mobilisés et réséqués. Seul, le décollement du tronc cérébral est laborieux. Il doit être mené très doucement, progressivement, en veillant à stopper tout saignement de façon à travailler toujours dans un champ opératoire exsangue et à avancer sans précipitation. Dandy lui aussi rendit hommage aux leçons de douceur et de circonspection de son Maître Halsted. En 9 ans, il put recueillir ainsi 23 cas et sa publication de 1925 [40] démontre la faisabilité et la valeur de l’exérèse totale en un temps, au prix cependant d’une mortalité immédiate plus élevée (30 %) que celle observée par Cushing (15 %), mais moindre que celle observée au moment de la récidive (40 %) qui ne manquait pas de survenir à terme après le simple évidement. Il préconisera ensuite [44] un abord beaucoup plus réduit de l’angle, unilatéral et non plus bilatéral, après incision verticale occipito-cervicale, à mi chemin de la mastoïde et de la tubérosité occipitale externe. Tout cela allait à l’encontre des certitudes de Cushing, fervent défenseur de la grande crâniectomie sous-occipitale et de l’évidemment intracapsulaire. Il est évident que la discussion entre les deux hommes devait être forcément acharnée et que le choix des arguments (guérison définitive contre sursis à terme, taux de mortalité précoce contre taux de mortalité à terme, au moment de la récidive, abord large contre abord réduit, dextérité de l’un contre application de l’autre,…) ne pouvait qu’attiser les rancœurs. Celles-ci étaient amplifiées encore par la force de deux caractères fondamentalement opposés, bien que complémentaires. L’opposition de ces deux grands hommes fut un véritable drame qui marqua fortement leurs contemporains. Quoi qu’il en soit, les idées de Dandy allaient passer en force et dominer les quarante années suivantes. L’évidemment intracapsulaire perdit beaucoup de son intérêt tandis que l’exérèse en un temps des neurinomes de l’acoustique deviendrait la technique standard. En 1941 [45], Dandy rapportait son expérience à propos de 41 cas d’extirpation complète avec une mortalité de 2,4 % et cette publication restera longtemps comme le modèle, le but à atteindre, d’autant que ce diable d’opérateur était parvenu, déjà, à préserver le nerf facial dans quelques cas, après avoir trépané la paroi postérieure du conduit auditif interne. Son génie ne se limitait pas à la seule exérèse des neurinomes. Les études sur le LCR qu’il avait développées à partir de 1913 aboutirent en 1918 à la ventriculographie [41] puis, en 1919 [42], à l’encéphalographie gazeuse, méthodes qui allaient donner aux neurochirurgiens un moyen diagnostic déterminant, surtout après que Sicard et Forestier [183] aient proposé d’utiliser de l’huile iodée, le lipiodol, dont l’injection était beaucoup mieux 165 supportée que celle de l’air, laquelle nécessitait le retrait d’une quantité importante de liquide céphalo-rachidien, manœuvre périlleuse sur les malades en hypertension intracrânienne. La ventriculographie fut très longtemps le seul moyen de mettre en évidence les déplacements des cavités ventriculaires et donc la présence d’un processus expansif intra-crânien. L’angiographie d’Egas Moniz [133], inventée en 1927, ne visualisera longtemps que le système sus-tentoriel, après injection dans la carotide primitive, au préalable découverte au niveau du cou. Elle ne contribuera que tardivement, dans les années 50, au diagnostic des neurinomes. En 1949, Lindgren [116], reprendra l’idée de l’encéphalographie de Dandy et mettra au point la « pneumoencéphalographie gazeuse », méthode qui restera longtemps le seul moyen diagnostique en matière de tumeurs de la fosse postérieure, moyen qui reposait sur des principes définis par Dandy. Celui-ci préconisa aussi nombre de techniques opératoires innovantes, l’abord hypophysaire frontal-latéral, la radicotomie postérieure du trijumeau, celle du glossopharyngien, l’abord transcalleux du troisième ventricule, la chirurgie des anévrysmes intracrâniens, etc. Dandy était un opérateur hors pair et peu de chirurgiens purent ensuite égaler ses performances. La mortalité dans la chirurgie des neurinomes de l’acoustique, entre d’autres mains, restera longtemps plus élevée qu’entre les siennes. Dans le Evening Sun de Baltimore, paru le 16 avril 1946, au soir de sa disparition brutale, il est écrit : « Il avait un génie inventif pour concevoir des techniques opératoires nouvelles et innovantes, le courage de les essayer, [et] l’habileté, une superbe habileté pour les réussir… ». H. OLIVECRONA H. Olivecrona (1891-1980), à Stockolm, fut le seul à pouvoir rapporter des résultats approchant un peu ceux de Dandy, avant que n’apparaisse la microchirurgie : 19,2 % de mortalité sur une série de 349 exérèses totales parmi les 415 neurinomes de l’acoustique qu’il avait opérés de 1931 à 1960 [144]. Il est intéressant de remarquer qu’en 1967, Olivecrona, témoin des démêlées qui, en leur temps, avaient opposé Cushing et Dandy, détaille encore avec insistance les résultats des résections partielles et ceux des résections totales, 20 % de mortalité à 5 ans après les résections totales contre 44 % après les résections partielles et 66 % de récupération avec activité satisfaisante après résection totale contre 28 % après résection partielle. Ces chiffres sont éloquents. Pourtant, Olivecrona explique, en conclusion, qu’il doute un peu de la supériorité définitive de la résection totale sur la résection partielle et que, dans certaines circonstances, cette résection partielle lui paraît logique 166 W. PELLET, P.-H. ROCHE (sujets âgés, sujets tarés ou handicapés, en particulier par une cécité dont le handicap serait accentué par une ataxie surajoutée). Cette réflexion parut ensuite dépassée mais elle reflète bien la gravité de la chirurgie des neurinomes de l’acoustique jusque dans les années 60. Il faut bien dire que la mortalité restait préoccupante pour une tumeur bénigne diagnostiquée, alors, sur un malade souvent en bien meilleure condition physique, avec encore une hypertension intracrânienne mais celle-ci n’étant en général plus aussi préoccupante qu’elle l’était au début du siècle. En fait, le bilan d’Olivecrona est survenu à une période charnière. Son activité s’est déroulée durant l’ère de Dandy et il a fait son bilan alors qu’une ère nouvelle avait déjà commencé durant les années 50 : l’ère oto-neurochirurgicale. LA PÉRIODE OTO-NEUROCHIRURGICALE À partir des années 50, en effet, le neurinome de l’acoustique, pathologie otologique mais, jusque-là, éminemment neurochirurgicale du fait de la symptomatologie bruyamment neurologique, de l’hypertension intracrânienne et de sa prise en charge, allait progressivement éveiller l’intérêt des otologistes. Plusieurs raisons expliquent cette reprise en main otologique : — le syndrome de l’angle ponto-cérébelleux passe progressivement dans la pratique médicale : la conjonction d’une hypoacousie unilatérale et de signes neurologiques suffit à faire évoquer le diagnostic, et la première confirmation est tout naturellement demandée à l’otologiste qui commence à avoir sa disposition des examens otologiques instrumentaux non invasifs, capables de préciser le siège de la lésion sur la chaîne auditive et de caractériser l’atteinte des nerfs, la rétro-cochléarité ; avec le temps, la valeur diagnostique de ces examens s’affinera ; plus tard même, l’otologiste sera directement consulté par le malade pour des signes strictement otologiques ; — les examens radiologiques apportant la certitude du diagnostic, autrefois agressifs et obligatoirement pratiqués en milieu neurochirurgical, vont progressivement, eux aussi, devenir moins invasifs ; le recours obligatoire au neurochirurgien s’estompe ; — des techniques opératoires microchirurgicales vont s’imposer et, seuls, les otologistes utilisaient déjà le microscope, depuis que Shambaugh [180], dans les années 40, avait introduit aux EtatsUnis cette technique, imaginée, en fait, en Suède par Holmgren dans les années 30 ; les neurochirurgiens n’y viendront que plus tard et, d’ailleurs, sous l’influence des otologistes, Neurochirurgie — des voies d’abord transpétreuses vont être proposées et seuls certains otologistes savaient les pratiquer ; — cette pathologie, de toutes façons, naît dans le champ de l’otologiste et ne se développe que secondairement dans celui du neurochirurgien. Plus le diagnostic sera précoce et plus l’investissement des otologistes sera prégnant. Nos deux spécialités partagent à l’évidence un intérêt commun pour cette pathologie et, en toutes logiques, il est normal que celle-ci soit abordée sous ce double point de vue. Il est normal aussi que les deux spécialités, si chacune veut pouvoir bénéficier du point de vue et de la culture de l’autre, cherchent à collaborer pour le plus grand bien de leurs malades communs. C’est dans cette optique qu’il nous paraît logique de travailler. Cette période oto-neurochirurgicale s’est progressivement mise en place. W. J. ATKINSON W. J. Atkinson [2], en 1949, avait attiré l’attention sur le mécanisme ischémique des lésions ponto-bulbaires post-opératoires souvent constatées sur les pièces d’autopsie et que l’on attribuait auparavant à une malacie post-traumatique. Il a bien montré que ce ramollissement était dû à l’occlusion d’une artère cérébelleuse antéro-inférieure (AICA) prédominante parce qu’accompagnée d’une artère cérébelleuse postéro-inférieure (PICA) petite ou atrésique, alors que celle-ci partage habituellement avec l’AICA la vascularisation de cette région du tronc. Démontrer l’existence d’une lésion vasculaire suggère immédiatement qu’il est nécessaire de mieux voir dans le foyer opératoire pour éviter une telle lésion. L’intérêt du microscope opératoire s’imposait. Compte tenu du délais toujours nécessaire pour qu’une idée fasse son chemin à partir de sa publication, il a fallu plus de 10 ans pour que le travail d’Atkinson amène à la solution logique du problème soulevé, à la microchirurgie. LES ANNÉES 50 Dans les années 50, le diagnostic était évoqué devant l’association de signes otologiques et de signes neurologiques, essentiellement une hypoesthésie faciale associée ou non à un syndrome cérébelleux (stade oto-neurologique) et, si une hypertension intracrânienne existait, celle-ci restait modérée, en particulier sans cécité, sans crise tonique postérieure, comme au temps de Cushing. Les otologistes commençaient de disposer d’examens paracliniques permettant enfin un diagnostic plus rapide. Ils savaient mettre en évidence une hypoacousie et une hypoexcitabilité calorique. L’absence de recrutement, signe très évocateur de rétrocochléarité, avait été décrit, mais il était loin d’être Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE constant car le retentissement de la tumeur sur la vascularisation de la cochlée peut entraîner une atteinte endocochléaire, laquelle s’exprime par un recrutement. La dilatation du conduit auditif interne (CAI) pouvait être visualisée sur des incidences que Schüller [178], Stenvers [191] et Chaussé [30] (les incidences III et IV) avaient décrites mais, elle aussi, est variable, pas toujours très marquée. De plus, elle était difficile à distinguer sur les radiographies de l’époque. L’arrivée de la tomographie linéaire, à la fin de la décennie, n’améliora que très peu la valeur des examens radiographiques. La ponction directe de la vertébrales n’était, alors, pas encore pratiquée et le cathétérisme de l’aorte encore moins. Bref, le diagnostic paraclinique était difficile, incertain, et il est sûr que beaucoup de cas devaient passer inaperçus. La « pneumoencéphalographie gazeuse » de Lindgren [116] n’en était encore qu’à ses balbutiements. Finalement, c’est encore la ventriculographie lipiodolée qui permettait le diagnostic, à condition que la tumeur soit déjà assez volumineuse pour déplacer ou déformer le quatrième ventricule, ce qui explique que les neurochirurgiens n’avaient à faire le plus souvent qu’à des tumeurs volumineuses, les noix ou les balles de pingpong d’Olivecrona [144] qui représentaient 94 % de ses cas. La ventriculographie se pratiquait dans les services de neurochirurgie, et cet impératif maintenait ces tumeurs dans le giron de cette spécialité. À l’époque, l’intervention était manifestement neurochirurgicale mais aussi manifestement grave, ce qui faisait regarder à deux fois avant de poser une indication opératoire. Si d’aventure le diagnostic avait été fait sur une symptomatologie strictement otologique, une occurrence d’ailleurs assez rare, les neurochirurgiens avaient plutôt tendance à attendre d’avoir la main forcée par l’installation d’une hypertension intra-crânienne pour opérer (voir plus loin les premiers cas de W. House). Les résultats obtenus par Olivecrona [144] constituaient les standards à atteindre pour la plupart des autres neurochirurgiens. McKenzie [130] à London, Ontario, avait lui aussi acquis une expérience assez importante (142 cas) avec des résultats assez comparables et même une mortalité inférieure (12,5 %). La technique opératoire était celle de Dandy, position assise, abord unilatéral, résection idéalement totale et en un temps. LES ANNÉES 60 Dans les années 60, les neurinomes de l’acoustique étaient encore souvent dépistés en milieu neurologique et devant un tableau associant des signes otologiques et des signes neurologiques, mais William House [93], très tôt, insista auprès de ses collègues otologistes sur la nécessité d’entreprendre des explorations instrumentales devant 167 toute surdité unilatérale progressive, tout vertige ou instabilité et devant tout acouphène unilatéral. Une telle attitude systématique, selon lui, devrait leur permettre de découvrir précocement des neurinomes, à un stade clinique que l’on pourrait qualifier de stade otologique. Les épreuves instrumentales, en effet, s’étaient améliorées avec apparition de l’électronystagmographie sur le plan vestibulaire et de plusieurs épreuves du point de vue audiométrique (Bekesy, decay test, SISI test), permettant toutes de mettre en évidence une fatigabilité du nerf auditif et donc une atteinte rétrocochléaire [157]. Ces épreuves cependant étaient négatives dans 30 % des cas malgré la présence d’une tumeur de l’angle, et ce, parce que le nombre de fibres auditives atteintes était alors insuffisant pour qu’apparaisse cette fatigabilité. Cela peut se voir surtout, bien sûr, avec les petites tumeurs qui passaient encore inaperçues, mais parfois aussi avec des grosses. Le nombre de tumeurs non détectées par les épreuves expérimentales tendait quand même à diminuer. Une nouvelle technique, l’électrocochléographie transtympanique proposée par Ruben [170] fit son apparition. Elle ouvrirait la voie au recueil des potentiels évoqués le long des voies acoustiques. La tomographie, maintenant à balayage complexe, améliorait nettement la qualité des images radios et les anomalies d’un CAI (dilatation, raccourcissement du mur postérieur, érosion de la crête falciforme,…) commençaient d’être plus facilement mises en évidence, particulièrement après les travaux de Valvassori [214]. La pneumoencéphalographie gazeuse, surtout après que Di Chiro [51], en 1967, l’ait couplée à la tomographie à balayage complexe, pouvait montrer à cette époque une petite tumeur déformant ou occupant une citerne ponto-cérébelleuse et, quand cet examen s’avérait normal alors que la suspicion était forte, on pouvait essayer de voir, comme l’ont indiqué Baker [4] en 1963 puis Scanlon [176] en 1964, si un peu de lipiodol, introduit par ponction lombaire ou sous-occipitale puis amené par basculement du malade en proclive, pénétrait ou non dans le CAI. Cette méatocysternographie opaque (ou parfois gazeuse) apparaissait comme le raffinement des méthodes diagnostiques permettant enfin de mettre en évidence les tumeurs strictement intracanalaires. Cette forme anatomique nouvelle, fondamentalement otologique, posait des problèmes chirurgicaux différents de ceux posés par les formes volumineuses rencontrées habituellement par les neurochirurgiens et semblaient accessibles à des techniques otologiques plutôt que neurochirurgicales. C’est ainsi, comme le relate Bradley [18], que Mayfield de Cincinnati aurait proposé, lors d’une réunion commune de neurochirurgiens et d’otologistes organisée en 1965 au St Vincent’s Hospital 168 W. PELLET, P.-H. ROCHE de Los Angeles où travaillait William House, de distinguer dorénavant deux formes cliniques distinctes : les petits neurinomes ou « tumeur de l’oreille » et les gros ou « tumeur cérébrales ». Rien de tel pour stimuler la curiosité des otologistes et leur intérêt chirurgical d’autant que leur collègue, William House, otologiste à Los Angeles, leur montrait brillamment le chemin à emprunter. WILLIAM HOUSE William House, comme le raconte Glasscock [70], avait été très choqué par le décès, au 3e jour post-opératoire, d’un jeune pompier chez qui il avait diagnostiqué en 1956, grâce à la visualisation de la dilatation d’un CAI et à la mise en évidence d’une hyporéflexie calorique, un neurinome de l’acoustique responsable seulement d’une hypoacousie et d’un acouphène. Il avait confié ce malade à un neurochirurgien, mais ce dernier avait préféré surseoir à l’exérèse en l’absence de signes neurologiques associés. Un an plus tard, alors qu’étaient apparus un engourdissement facial, des céphalées et un œdème papillaire, ce neurochirurgien s’était finalement décidé à l’opérer. L’opération avait été faite par la voie sous-occipitale classique et sans microscope opératoire. William House, qui avait assisté à l’opération, déplorait le retard à la décision opératoire, mais aussi la rusticité du geste, d’autant que lui opérait déjà couramment avec un microscope. Pour lui, ces deux raisons étaient à l’origine de l’issue fatale. Durant l’année suivante, il dépista deux autres neurinomes qu’il confia encore au même neurochirurgien. Les deux malades survécurent à l’opération mais ils conservèrent des séquelles faciales, motrices et sensitives, très invalidantes. À la même époque, il développait la voie de la fosse cérébrale moyenne dans le but de pratiquer des neurectomies vestibulaires après trépanation du toit du CAI et il pensa qu’il devrait être possible d’aborder ainsi le CAI en cas de neurinome de l’acoustique pour isoler le nerf facial de la tumeur puis, dans un deuxième temps, faire enlever celleci par une voie sous-occipitale classique. C’est ainsi qu’il décida une collaboration avec John B. Doyle, neurochirurgien de Los Angeles, et qu’il pratiqua, le 15 février 1961, avec ce dernier, la première intervention à la fois micro-neurochirurgicale et otoneurochirurgicale. Pour bien voir, House n’hésita pas à fraiser largement le labyrinthe postérieur. La tumeur était volumineuse et l’exérèse ne put être complète, mais le malade survécu avec une paralysie faciale partielle jusqu’en 1967, date à laquelle il décéda après deux ré-interventions pour récidive pratiquées par Doyle. L’équipe opéra ainsi huit malades dans l’année qui suivit ce premier cas, avec une exérèse incomplète dans la moitié des cas Neurochirurgie et un seul décès consécutif, cette fois, à une embolie pulmonaire. C’est alors que House pensa à réactiver la voie que Panse [148] avait imaginée 60 ans plus tôt. Ce dernier réséquait la mastoïde et le labyrinthe sans se préoccuper du nerf facial qui était ainsi emporté. De même, l’ouverture des cellules mais aussi de la caisse du tympan emportait aussi la membrane tympanique. Les fuites de liquide céphalo-rachidien étaient constantes et intarissables, sans parler des hémorragies consécutives à des plaies du sinus sigmoïde et du golfe de la jugulaire. House, profitant des possibilités techniques offertes par le microscope opératoire, le drill, l’aspiration-irrigation, s’entraîna sur des cadavres pour mettre au point une approche qui respecte tous ces écueils. Ainsi naquit la voie translabyrinthique que nous utilisons depuis, même si celle-ci était, au départ, plus étroite parce que limitée à la pyramide pétreuse et respectant les écailles temporale et occipitale. En fait, Doyle n’était pas partisan de cette voie. Il préféra retourner à la voie sous-occipitale classique en l’améliorant, toutefois, par l’apport des techniques microchirurgicales qu’il avait apprises auprès de House. C’est ainsi que le 2 juin 1962 House [70] opéra seul et pour la première fois par voie translabyrinthique un neurinome de taille moyenne dont il ne put faire qu’une exérèse incomplète. Le malade survécu avec une paralysie faciale partielle. Il faut noter que ce même jour, juste avant, il avait opéré avec Doyle, par voie de la fosse cérébrale moyenne, un autre neurinome dont le patient mourut 7 jours plus tard d’une hémorragie dans la fosse postérieure. Son opinion était faite. Il utiliserait désormais la voie translabyrinthique. Du fait de la défection de Doyle, il s’attacha bientôt, en juillet 1963, la collaboration de William Hitselberger avec qui il allait développer une extraordinaire collaboration. En 1964 [93], il publiait ses 53 premiers cas dont 50 % de résections partielles, pourcentage qui passera à 14 %, 4 ans plus tard, quand il publia ses 200 premiers cas [94]. La mortalité était alors de 7 %. Sur le plan du facial et sur cette série de 200 cas, il obtenait, à 1 an, 72 % de facial normal, 23 % de paralysie faciale partielle et 5 % de paralysie totale, des chiffres que les neurochirurgiens de l’époque ne pouvaient égaler et qu’il n’a cessé d’améliorer au fil des ans et de son expérience exceptionnelle, 500 cas en 1973 [96], 1 100 en 1979 [16], 1 320 en 1982 [97], 2 157 en 1986 [182]. Bien sûr, les circonstances dans lesquelles s’était déroulé le début de son activité avec la rupture avec Doyle, le détournement des neurinomes vers l’otologie, son activité grandissante et ses résultats, ne pouvaient que lui attirer quelques rancœurs, jalousies et surtout oppositions de la part des équipes neurochirurgicales attachées à cette chirurgie, d’abord à Los Angeles, puis un peu par- Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE tout. Il eut été pourtant simple pour les équipes en question, mais cela est facile à dire à posteriori, d’aborder le problème par le biais d’une collaboration « oto-neurochirurgicale » où chacun des spécialistes apporterait sa vision du problème et ses capacités techniques. En fait, les innovations de House bousculaient beaucoup trop d’habitude pour être acceptées sans problème. Beaucoup de neurochirurgiens ont défendu avec d’autant plus de logique la voie sous-occipitale qu’ils ne savaient pas pratiquer la voie translabyrinthique et n’avaient pas, non plus, d’équipe otologique formée à cette chirurgie transpétreuse susceptible de travailler avec eux. Par contre, tous les neurochirurgiens ont très vite adopté le microscope opératoire et, cherchant à égaler les résultats de House en matière de qualité d’exérèse et de préservation du nerf facial, se sont attachés à disséquer celui-ci jusqu’au fond du conduit, après trépanation de son mur postérieur. Ainsi était née la voie sous-occipitale transméatale. Cette technique n’était pas nouvelle puisque, à en croire Bucy [22], Dandy lui en avait déjà parlé. Rougerie et Guyot [168] de Paris en ont souligné l’intérêt dès 1964 tandis que Rand [159], chef du département de chirurgie et neurochirurgie de UCLA School of Medecine de Los Angeles, en 1965, Pool [156] du Presbiterian Hospital de New York en 1966, puis Drake [55] de London-Ontario en 1967 signalent l’utiliser couramment au cours de leurs interventions. Cette trépanation du CAI se faisait à la gouge [156, 157, 167] ou à la fraise [159] mais sans repaire anatomique précis, l’essentiel étant d’exposer le bout distal de la tumeur. Leurs résultats sont déjà très appréciables, même s’ils n’égalaient pas ceux de W. House à la même époque [94] avec une conservation de la motricité faciale dans 50 % des cas environ et une mortalité autour de 15 %. Il semble paradoxal, par contre, que certains otologistes se soient passionnés pour la voie sousoccipitale, neurochirurgicale, plutôt que pour les voies otologiques préconisées par House qui apportaient des solutions spécifiquement otologiques au problème des tumeurs de l’angle [19]. Leur besoin de faire comme les neurochirurgiens tout en étant otologistes les a même amenés à débaptiser la voie sous-occipitale de ces derniers pour l’appeler voie « rétro-sigmoïde ». Comme en l’affaire on n’en est pas à un paradoxe près, les neurochirurgiens en viennent maintenant à adopter, eux aussi, cette dénomination, alors que la voie qu’ils pratiquent toujours reste très comparable, surtout dans son principe, à celle que pratiquait Dandy. En fait, cette situation est bien la démonstration de la double appartenance de cette pathologie, à la neurochirurgie et à l’otologie. Ceux qui s’y intéressent acquièrent des compétences particulières, oto- 169 neurochirurgicales, qui procèdent des deux spécialités, neurochirurgicale et otologique. C’est bien la preuve aussi que la collaboration entre ceux de ces deux spécialités qui s’intéressent à cette pathologie devrait être la meilleure attitude pour parvenir au meilleur niveau de connaissance, de réflexion et d’efficacité dans la prise en charge des malades. Une chose est sûre : les résultats de la chirurgie du neurinome de l’acoustique se sont trouvés transformés à partir des années 60, aussi bien par la voie translabyrinthique que par la voie sousoccipitale qui bénéficiait désormais des techniques microchirurgicales. Il faut reconnaître à William House le grand mérite d’avoir été le promoteur de toutes ces transformations. C’est pour cela qu’il nous paraît logique de baptiser cette période ouverte dans les années 60, l’ère de House. LES ANNÉES 70 Dans les années 70, le diagnostic clinique était devenu dans l’ensemble beaucoup plus précoce, surtout parce que les ORL avaient maintenant dans l’esprit, sous l’impulsion de House, que la moindre hypoacousie, le moindre problème d’équilibre ou le moindre acouphène devait faire pratiquer des examens à la recherche d’un neurinome de l’acoustique. Bébéar dans sa thèse [8] traduit parfaitement la situation en distinguant les trois stades cliniques, désormais classiques : le stade otologique initial, puis le stade oto-neurologique, lorsque apparaissent les signes neurologiques (engourdissement facial ou névralgie faciale, atteinte des nerfs mixtes ou signes cordonaux), et enfin le stade neurochirurgical dominé par l’hypertension intra-crânienne. Les signes otologiques doivent suffire pour alerter le praticien et pour faire demander les explorations paracliniques. Les indications opératoires ont pu se décider alors dès le diagnostic, compte tenu du bien meilleur état clinique des malades et de l’amélioration des techniques chirurgicales qui offraient aux opérés de bien meilleures perspectives. Les examens paracliniques progressaient encore et de manière spectaculaire. L’impédancemétrie se banalisait et l’étude du réflexe stapédien se généralisait après les travaux d’Anderson [1], parus en 1969. Cette dernière méthode permet d’évaluer facilement le seuil de déclenchement et la fatigabilité de ce réflexe acoustique intra-aural et de caractériser aisément la rétrocochléarité. De même, les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral commençaient d’être recueillis et interprétés par Jewett [104] dès 1970. Ils démontreront très vite leur fiabilité qui avoisine les 95 %. Enfin, Hounsfield [89], en 1973, introduit la technique de la tomodensitométrie computérisée qui révolutionne les explorations radiologiques intracrâniennes en général et particulièrement celles de l’angle ponto-cérébelleux. Les images du début étaient en- 170 W. PELLET, P.-H. ROCHE core grossières, mais elles atteindront très vite un niveau de qualité qui relève du miracle pour tous ceux qui ont connu la radiologie des années 50. Aidé de toutes ces explorations, le diagnostic peut s’effectuer réellement au tout début clinique pour un bon nombre de cas et l’intervention peut être décidée dans les meilleures conditions. Il faut dire quand même que l’on est encore surpris souvent par le volume important de la tumeur alors que la discrétion des symptômes faisait suspecter, au départ, une lésion de petite taille. On le subodorait auparavant, mais ce sont les explorations performantes de l’époque qui ont permis de montrer, dans ces années 70, la dissociation anatomoclinique fréquente des tumeurs de l’angle pontocérébelleux telle qu’un symptôme otologique pourtant discret fait découvrir une tumeur déjà volumineuse. De même, c’est parce que ces examens ont permis de mettre en évidence des neurinomes à l’occasion d’une surdité brutale ou d’une surdité fluctuante, parfois même en l’absence de toute hypoacousie chez un malade instable, que l’on a découvert la fréquence des formes cliniques qualifiées d’« atypiques », par référence au maître symptôme qu’est la surdité progressive unilatérale. La microneurochirurgie du neurinome de l’acoustique par voie sous-occipitale a maintenant acquis ses standards et les plus expérimentés, Yasargil [225] à Zurich, Malis [124] à New York, Koos [110] à Vienne, Rand [52] à Los Angeles, et bien d’autres, ont précisé tous les détails de leurs techniques qui ne diffèrent en fait que sur la manière et le moment de rechercher et de disséquer le nerf facial. Tous, après avoir effectué un abord sous-occipital, commencent par évider la tumeur, à moins que celle-ci soit de tout petit volume et permette de voir sans problème, dès l’arrivée dans l’angle, le porus et/ou l’émergence du nerf. Les uns trépanent alors le CAI pour retrouver le nerf en aval du bourgeon intra-canalaire et entament une dissection rétrograde, d’autres recherchent plutôt l’émergence du nerf dans le sillon bulboprotubéranciel et conduisent une dissection centrifuge, tandis que certains [124] traversent la tumeur pour retrouver le nerf sur sa convexité interne au niveau de laquelle il est en général assez facilement décollable parce que séparé d’elle par un feuillet arachnoïdien, conformément à la description faite par Yasargil [225] des rapports du neurinome et de l’arachnoïde de la région. Certains neurochirurgiens proposent d’associer voie sous-occipitale et voie transpétreuse comme Morrisson et King [135], à Londres, qui décrivent leur abord translabyrinthique-transtentoriel. Ils utilisaient ainsi le caractère complémentaire de ces deux types de voies d’abord, tout comme l’avaient fait quelques années auparavant Hitselberger et House [86] lorsque, n’ayant pas encore parfaite- Neurochirurgie ment en main la voie translabyrinthique, ils se trouvaient un peu à l’étroit dans l’angle en présence d’une grosse tumeur et terminaient l’exérèse par voie sous-occipitale. D’autres, comme Maddox [120], de Houston, ont même proposé de sectionner le sinus sigmoïde entre deux ligatures, pour ouvrir largement la région quand la tumeur est volumineuse. C’est ce qu’il appelait la voie latérale, laquelle nécessitait, bien sûr, une parfaite étude angiographique du torcular et des deux sinus latéraux et sigmoïdes, pour être certain qu’il y ait une parfaite communication entre les systèmes veineux de la base et qu’il n’y ait aucun risque de voir survenir un ramollissement veineux postopératoire. En fait, cette technique n’a pas eu beaucoup d’adeptes parce que la maîtrise de leur voie par chacun des opérateurs, voie translabyrinthique tout autant que voie sous-occipitale-transméatale, leur a permis de tout faire sans avoir besoin de s’agrandir. La complémentarité des approches otologiques et neurochirurgicales de cette pathologie inspire à certains neurochirurgiens et certains otologistes ouverts à l’autre spécialité le besoin de se rapprocher pour collaborer. C’est ainsi que sont nées, à l’exemple de celle de House et Hitselberger à Los Angeles, certaines équipes oto-neurochirurgicales comme, en France, celle de Bordeaux en 1971 [163] ou celle de Marseille en 1973 [149]. Elles ne sont pas très nombreuses et ne se perpétueront pas toutes à cause de conflits de personnalité ou de problèmes inter-spécialités car l’esprit de collaboration n’est ni inné, ni également réparti ; il doit s’accompagner d’une forte volonté et d’un esprit de conciliation à toutes épreuves pour aller de l’avant, et il ne résiste en général pas à la tendance hégémonique d’une des parties. Durant ces années, les oppositions se sont affermies entre tenants de la voie sous-occipitale et tenants de la voie translabyrinthique, entre défenseurs de la neurochirurgie, défenseurs de l’otologie et défenseurs de l’oto-neurochirurgie. Chacun campait sur ses positions et développait des arguments qui étaient parfois un peu fallacieux, prêtant même à rire maintenant. On a pu lire, par exemple, Rand [159] de Los Angeles, fervent opposant de House, asséner péremptoirement qu’il «… choisissait la voie sous-occipitale parce qu’elle offrait par rapport à la voie translabyrinthique : 1) une plus large exposition, 2) une vision directe sur l’artère cérébelleuse antéro-inférieure et les vaisseaux du tronc, 3) une identification de la tumeur avant de risquer de léser le facial, le labyrinthe et la cochlée, 4) une vision directe de la dissection sur toute la surface de la tumeur et, finalement, sur l’anastomose ou la greffe du nerf facial… » (sic). Ce même auteur, avec DiTullio et coll. [52], en 1978, présentant ses Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE résultats par voie sous-occipitale, lesquels sont d’ailleurs très estimables, n’hésitait pas, pour démontrer la supériorité de l’abord sous-occipital sur la voie translabyrinthique, à comparer ses résultats de l’époque à ceux de House publiés 10 ans plus tôt à partir de ses 200 premiers cas, sans se référer à l’expérience acquise depuis par cet auteur qui approchait alors les 1 000 neurinomes opérés. Les tenants de la voie translabyrinthique avaient aussi leurs excès et il est certain que les accusations de dissection traumatisante dans l’angle, de résection incomplète de la tumeur ou d’écarteur agressif sur le cervelet et le tronc cérébral n’avaient plus lieu d’être, compte tenu de l’amélioration des techniques microchirurgicales. On s’opposait, plus objectivement, à coup de statistiques, de taux de mortalité, de fréquence d’hématomes post-opératoires ou de ramollissements ponto-bulbaires, de fuites de LCR ou de méningites, d’embolie gazeuse, d’exérèse plus ou moins complète et surtout de résultat post-opératoires pour le nerf facial. Au début, la voie translabyrinthique qui permet de visualiser le nerf au fond du conduit, de voir le plan de clivage d’avec la tumeur et de le disséquer assez facilement, tout du moins jusqu’au porus, avait l’avantage, surtout sur la base des résultats publiés par House [94] ; mais progressivement, ceux qui passaient par la fosse postérieure purent reproduire des résultats approchants, aidés en cela par l’expérience acquise avec la microchirurgie, avec la trépanation du conduit dont Rhoton [161] de Gainesville, en Floride, avait précisé les bases anatomiques, puis, après les travaux de Delgado et coll. [50] en 1979, avec le monitoring per-opératoire du nerf facial basé sur l’enregistrement électromyographique continu per-opératoire des muscles de la face. En fait, à la fin de cette décennie, l’expérience microchirurgicale des différentes équipes neurochirurgicales s’améliorant, force est de constater que chaque voie d’abord offrait désormais à celui qui en avait une bonne expérience et une grande maîtrise des possibilités assez comparables de sauver le nerf facial. À cette époque, Ojemann et Crowell [143] du Massachusetts Hospital de Boston, parlant de voie sous-occipitale, soulignent que «… l’analyse de plusieurs rapports récents montre que la motricité faciale normale ou satisfaisante peut être obtenue pour 70 à 80 % des cas, tous volumes de tumeurs confondus ». DiTullio et coll. [52] annoncent une mortalité à 3,7 %, un facial normal dans 59 % des cas et partiellement paralysé dans 29 %, 12 % seulement ayant une paralysie totale. Bonnal et coll. [13], à Liège, rapportent 81 % de facial normal ou quasi normal. Sterkers [195] qui, à Paris, pratique les 2 types d’approche, rapporte 82 % de facial normal avec la voie sous-occipitale. Pour Tarlov [204], de Boston, aucune paralysie sur les 171 stades I et II, 57 % de facial normal et 43 % de paralysie partielle sur les stades III, 71 % de facial normal sur les stades IV, 11 % de paralysie partielle et 18 % de paralysie totale. Parallèlement, Brackmann [16], rapportant les résultats du Ear Research Institute de Los Angeles que dirigeait House, signale 2,6 % de mortalité sur une série de 500 neurinomes opérés de 1968 à 1975 avec un facial normal ou correct dans 86,5 % des cas. Il était nécessaire alors de disposer, autant que faire se peut, de cadres de comparaison adoptés par tous, et le premier d’entre eux se situe sur le plan anatomique. C’est ainsi que Koos [110] proposait sa classification en quatre stades anatomiques, utilisée depuis par tous ceux qui s’efforcent de présenter des résultats susceptibles d’être comparés à ceux des autres auteurs (voir chapitre suivant, tableau II). En fait, le seul argument indiscutable de choix entre toutes les voies est celui de la conservation de l’audition qui ne peut s’envisager qu’en respectant l’intégrité de tout l’appareil auditif interne, nerf cochléaire et cochlée, ou plutôt labyrinthe, y compris la vascularisation de ces entités anatomiques. Cette possibilité est bien sûr exclue pour la voie translabyrinthique mais elle est possible par la voie de la fosse temporale moyenne (voie suspétreuse) si la tumeur n’est pas trop grosse (moins de 2 cm dans l’angle), et c’est d’ailleurs House [93] qui, le premier, dès 1964, signala un premier succès pour un petit neurinome, strictement intracanalaire, opéré par cette voie. Il s’agissait de son 46e cas, une femme de 60 ans qui se plaignait d’instabilité, chez qui il avait mis en évidence une hypoacousie de perception avec une perte tonale à 45 dB et une discrimination à 48 %. Le CAI était normal sur les radiographies et la méatocysternographie avait montré une pénétration du contraste dans le conduit. Il l’avait opérée pour faire une neurectomie vestibulaire et était tombé sur un tout petit neurinome de 3 × 6 mm qu’il avait enlevé en totalité. Cette malade gardait, au réveil, un facial normal et une audition inchangée qui s’est même améliorée ensuite, puisque la discrimination est remontée à 80 %, la tonale n’ayant, pour sa part, pas bougé. En 1968 [95], il rapportait ainsi 4 réussites sur 5 tentatives pour des neurinomes intracanalaires et 3 autres réussites parmi 14 tentatives sur des neurinomes débordant un peu dans l’angle mais laissant en grande partie libre la citerne ponto-cérébelleuse. Tous les opérés avaient bénéficié d’une parfaite mobilité faciale dès le réveil. Si on fait les comptes, cela représente 36,8 % de succès auditif parmi ses 19 tentatives, lesquelles représentent 9,5 % de cas très sélectionnés parmi tous ceux qu’il avait opérés et 3,5 % de conservation de l’audition parmi l’ensemble de ses opérés. En 1968, Hitselberger [87], pour sa part, rapportait 172 W. PELLET, P.-H. ROCHE avoir pu préserver l’audition chez 3 de 5 malades porteurs d’une neurofibromatose type II. En 1979, Brackmann [17] a rapporté que, parmi une série de 500 neurinomes de l’acoustique opérés dans le Ear Research Institute de Los Angeles, 17 cas avaient fait l’objet d’une tentative de conservation de l’audition par voie de la fosse cérébrale moyenne et que 10 malades, soit 58,8 %, conservèrent une audition, 5 avec une perte tonale inférieure à 30 dB et une discrimination supérieure à 70 % et 5 avec une tonale supérieure à 50 dB et une discrimination supérieure à 50 %. Ces chiffres témoignent de l’avance prise, à l’époque, en matière de microchirurgie et de conservation de l’audition, par William House et son équipe. Après eux, en 1978, et toujours par la voie de la fosse cérébrale moyenne, Harker et McCabe [77], de Iowa city, rapportèrent 4 succès sur 10 tentatives, 2 d’entre eux s’étant rapidement dégradés ensuite. De même, Glasscock et coll. [71] de Nashville rapportèrent eux aussi 7 succès sur 14 tentatives, toujours pour de petites tumeurs et bien sûr par la voie sus-pétreuse, reconnue quand même comme assez difficile et plus agressive pour le lobe temporal et pour le nerf facial que la voie translabyrinthique. Il est bien évident que les neurochirurgiens tenaient en la conservation de l’audition un excellent argument pour défendre la voie sous-occipitale mais ils devaient d’abord se faire une expérience. Dès 1965, Hullay et Tomits [99] avaient rapporté avoir conservé l’audition chez un des 50 neurinomes de l’acoustique qu’ils avaient opérés, et McKissock [131] de Londres disait lui aussi avoir conservé quelques degrés d’audition chez 8 malades porteurs de petites tumeurs et ce, sans le secours d’un microscope opératoire. En 1966, Pertuiset [153] à son tour, et dont il n’est pas nécessaire de rappeler qu’il était parisien, avait rapporté, dans la Presse Médicale, deux observations de conservation d’une courbe tonale, même si celle-ci était très dégradée, surtout dans le premier cas où la perte moyenne était aux alentours de 75 dB. Il s’agissait chaque fois encore d’une toute petite tumeur intra-canalaire opérée sans technique microchirurgicale. Curieusement, il ne ré-aborda pas le problème au moment de l’étude des résultats dans le rapport qu’il présenta devant la Société de Neurochirurgie de Langue Française [154] en 1970, laissant à penser qu’il s’agissait peut-être plus de résultats fortuits que d’une conduite délibérée. En 1968, Rand et Kurze [160] insistaient sur la possibilité de conserver tous les nerfs dans le CAI lorsque les conditions anatomiques étaient favorables. Ces observations avaient toutes le mérite de démontrer qu’il était possible de préserver la fonction du nerf cochléaire en le disséquant d’une tumeur dans l’angle ponto-cérébelleux, voire même de la restaurer Neurochirurgie parfois, comme l’avaient obtenu la même année Jerger et coll. [103] après exérèse, non pas d’un neurinome vestibulaire, mais d’un kyste cérébelleux qui comprimait le nerf cochléaire ou, peu après, Christiansen et Greisen [31] après exérèse d’un méningiome de la face postérieure du rocher, ou encore Schwartz et coll. [179] après exérèse d’un choléstéatome. Dans cette optique de conservation de l’audition, il fallait aussi préciser les limites de fraisage du mur postérieur du CAI car celui-ci se doit d’être précis et de ne pas léser le labyrinthe postérieur, en particulier le canal endolymphatique et les canaux semi-circulaires postérieur et supérieur et leur crus commune, ainsi que les nerfs au fond du CAI. Cet impératif inspira à Geurking [68], à Hanovre, un travail anatomique essentiel pour tous ceux qui se lanceront ensuite dans cette chirurgie car précisant toutes les dimensions, distances et positions du labyrinthe par rapport à la berge externe du porus du CAI, à la crête pétreuse et à la superficie de la face postérieure du rocher. Entre autres données, ce travail démontrait que le labyrinthe postérieur recouvre le tiers externe de ce CAI. Trois ans plus tard, Domb et Chole [53] de Sacramento, Californie, confirmèrent ces conclusions. Ces travaux démontrent que la conservation de l’audition par voie sous-occipitale impose de ne pas découvrir par fraisage le tiers externe du CAI et de ne pas exposer, ainsi, l’extrémité du bourgeon intra-canalaire qui, nous l’avons personnellement constaté [150], atteint les quatre fossettes du fond du conduit dans 63 % des cas et remonte même dans la première portion du canal de Fallope dans 17 %, 20 % seulement n’atteignant pas ce fond et constituant, pour une part au moins, ce que Tos et coll. [208] de Copenhague appelleront les neurinomes proximaux (medial neuroma). Il y a là une limite anatomique à la parfaite exposition par voie sous-occipitale du bourgeon intracanalaire et donc à sa parfaite exérèse, surtout si l’on veut ne pas trop travailler à l’aveugle au fond du CAI pour ne pas léser le nerf cochléaire et sauvegarder l’audition. Nous verrons que cette disposition anatomique à l’époque intangible suscitera des aménagements techniques visant à la contourner. Ce furent Smith et coll. [186], de San Jose, Californie, qui rapportèrent enfin de façon moins anecdotique, en 1973, 5 cas de conservation de l’audition sur une série de 16 neurinomes de stade II (entre 14 et 20 mm) opérés par voie sousoccipitale auxquels ils ajoutèrent 2 nouveaux succès sur les 14 malades suivants lors de leur publication de 1977 [188]. Toujours selon Ojemann [143], Kirsch et English, Mac Carty de la Mayo clinique, Malis à New York, Rhoton à Gainsville et lui-même à la Harvard Medical School de Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE Boston auraient réussi aussi quelques tentatives tout comme Buchheit et Gastaldo [21]. Après eux, en 1979, Cohen [33] de New York rapporta 3 réussites de conservation de l’audition sur 6 tentatives faites pour des tumeurs ne dépassant pas 15 mm de diamètre, sélectionnées parmi 37 malades et Sterkers [192], à Paris, qui avait par ailleurs préserver l’audition 10 fois sur 20 tentatives par voie de la fosse cérébrale moyenne, conserva l’audition 8 fois (35 %) parmi 30 neurinomes unilatéraux et 2 fois parmi 5 bilatéraux qu’il avait abordés par voie sous-occipitale, toutes ayant un diamètre inférieur à 20 mm, sauf une dont le diamètre atteignait 22 mm. La faisabilité de la préservation de l’audition par la fosse postérieures était démontrée mais pour des petites tumeurs, ce que la voie de la fosse cérébrale moyenne permettait tout aussi bien. À l’époque, voie sous-occipitale et voies otologiques, par l’intermédiaire de la voie de la fosse cérébrale moyenne (voie sus-pétreuse), étaient donc à égalité. En fait, les petites tumeurs étaient rares et celles susceptibles de faire l’objet d’une conservation de l’audition semblaient encore plus rares. Tenants de la neurochirurgie par voie sousoccipitale et tenants de l’oto-neurochirurgie restaient chacun sur leurs convictions. LES ANNÉES 80 Dans les années 80, le diagnostic clinique s’améliore encore. Plus le temps avançait et plus les médecins étaient avertis de la nécessité de rechercher un neurinome de l’acoustique devant toute surdité unilatérale progressive, tout acouphène unilatéral, toute instabilité ou épisode de vertige. Les ORL, pour leur part, disposaient maintenant d’appareils très abordables et fiables pour pratiquer aisément les explorations audiométriques et rechercher les potentiels auditifs. Les images scanographiques allaient s’améliorant régulièrement. C’est alors qu’arrive, dans les toutes premières années 80, l’imagerie par résonance magnétique. Les propriétés du magnétisme nucléaire avaient été mises en évidence dès 1945 par Bloch et Purcell, ce qui leur avait valu le prix Nobel de physique en 1952. L’analyse de ces propriétés fut très vite à la base de techniques d’études de la matière utilisées dans l’industrie, en particulier en chimie et biochimie, mais il fallut attendre les années 80 pour que cette méthode puisse être enfin utilisée sur l’homme. Elle va décupler les capacités de diagnostic du radiologue et lui donner la possibilité de visualiser maintenant un minuscule schwannome vestibulaire (dorénavant, il faudra appeler ces tumeurs ainsi) au fond du CAI. Avec cette technologie, plus question de laisser passer un schwannome, fut-il tout petit, au fond du CAI, dès lors que la clinique ou les examens audiométriques permettent de le suspecter. Nombre de neurinomes 173 seront même découverts fortuitement à l’occasion d’une IRM effectuée pour une tout autre raison, traumatique par exemple. Bien sûr, la proportion des petits schwannomes vestibulaires va augmenter parmi la cohorte des schwannomes diagnostiqués chaque année et dont le nombre serait, si l’on en croit les études épidémiologiques menées au Danemark par Tos et Thomsen [209], de l’ordre de 9,4 cas par million d’habitants et par an. En fait, à cause de la dissociation anatomo-clinique déjà signalée, le nombre des plus petits, les schwannomes intracanalaires, augmentent mais modérément. Cushing [39], et pour cause, n’avait jamais observé de neurinome intra-canalaire. En 1968, House [94] en avait trouvé 5 (2,5 %) parmi ses 200 premiers cas. En prenant des séries globales pour éviter les biais de recrutement de séries orientées sur la conservation de l’audition, on constate que Dutton et coll. [56] de Manchester en ont compté 9 sur une série de 154 cas réunis entre 1978 et 1990, soit 5 %, que Koos et coll. [109] de Vienne, sur une série de 452 cas colligés entre 1980 et 1996, en comptent 14, soit 3 % seulement, tandis que Harner et Ebersold [81] en comptent, au contraire, 22, soit 13,7 %, sur une série de 160 cas réunie entre 1978 et 1983. Le bon pourcentage doit se trouver entre les deux, autour de 10 %. Par contre, le nombre des schwannomes stades II, ceux qui se développent dans l’angle mais n’atteignent pas le tronc cérébral, ou des III qui atteignent le tronc cérébral mais ne déplacent pas le quatrième ventricule, augmente nettement. Il est un peu difficile de faire des comparaisons parce que les classifications anciennes ne correspondent pas obligatoirement avec celles utilisées maintenant mais on peut admettre que, dans la série de Olivecrona [144] clôturée en 1967, les petites tumeurs, celles qu’il qualifie de noisette, représentent à peu près les stades II actuels et les tumeurs moyennes, celles qu’il compare à des noix, représentent les stades III. Il avait observé 24 noisettes, soit 5,7 %, et 125 noix, soit 30,1 % de ses 415 tumeurs. Dans la série de Dutton et coll. [56], les stades II et III représentent respectivement 46 % et 34 % des cas et dans celle de Harner et Ebersold [81] 18 % et 49,3 %. Bien sûr, le pourcentage des très grosses tumeurs, les stades IV, celles qui dévient le tronc cérébral et déforment le quatrième ventricule, tend à diminuer d’autant. Dans la série d’Olivecrona [144], les très grosses tumeurs, les balles de ping-pong d’Olivecrona, représentaient 64 % des cas. Dans la série de Dutton et coll. [56], elles représentent 15 % et 20 % dans celle de Harner et Ebersold [81]. La publication des résultats concernant la motricité faciale péchait jusque-là par son imprécision, les auteurs parlant de motricité normale, satis- 174 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU I. — Motricité faciale. Classification de House et Brackmann. TABLE I. — Facial motricity. House-Brackmann classification. Grade Tonus de repos Mimique Hémispasme 1- Normal normal normale absent 2- Atteinte légère normal asymétrie discrète, occlusion palpébrale complète sans effort absent ou très discret 3- Atteinte modérée normal ou très discrète asymétrie asymétrie nette, occlusion palpébrale complète avec effort présent, modéré 4- Atteinte franche asymétrie modérée asymétrie franche, occlusion palpébrale incomplète présent, important 5- Atteinte sévère asymétrie sévère asymétrie majeure, occlusion palpébrale à peine ébauchée absent 6- Atteinte totale flacidité asymétrie majeure, occlusion palpébrale nulle absent faisante, diminuée, dégradée ou complètement paralysée, termes qui n’avaient rien d’objectif et rendaient les comparaisons extrêmement difficiles. Il était absolument nécessaire d’adopter des critères d’évaluation objectifs et c’est en 1983 que John W. House [90], le neveu de William, a proposé le « facial grading system », repris en 1985 avec Brackmann [91] et adopté depuis sous le nom de ces deux auteurs. Basée sur l’appréciation de 3 critères essentiels, le tonus de repos, la mimique et l’existence ou non d’un hémispasme, cette classification est résumée dans le tableau I. Élaborée par une équipe particulièrement expérimentée et soucieuse d’objectivité, elle assure une évaluation réellement objective de la motricité facial post-opératoire. Elle permet aussi d’estimer valablement la récupération dans le temps d’un éventuel déficit post-opératoire immédiat et autorise de véritables comparaisons entre les résultats publiés dans les différentes séries. Adoptée par l’American Academy of OtolaryngologyHead and Neck Surgery, elle apparaît depuis comme l’échelle d’évaluation faciale universelle. Sa fiabilité en matière de comparaison entre différents observateurs a d’ailleurs été évaluée par Evans et coll. [59] à 93 %. William House, avec la voie translabyrinthique, avait, au départ, transformé le pronostic vital et facial des schwannomes vestibulaires. Grâce à la microchirurgie, les neurochirurgiens parvenaient peu à peu, avec leur approche sous-occipitale, à égaler presque ses résultats. L’apprentissage nécessaire à la pratique des voies transpétreuses justifiait déjà, à leurs yeux, de conserver la voie sous-occipitale. Le volume des schwannomes vestibulaires allant diminuant, la dissection des nerfs dans l’angle se simplifiait, dès lors que l’oreille du côté de la tumeur conservait une certaine capacité auditive, il devenait plus fréquent de pouvoir envisager une conservation de l’audition. Les tenants de la voie sousoccipitale se virent confortés dans leur choix. Ils considéraient qu’il n’était pas logique d’utiliser la voie translabyrinthique, sauf peut-être pour les très grosses tumeurs avec oreille très détériorée. Leur position fut confortée encore par 3 publications, celle de Sugita et coll. [203] de la Shinshu University de Matsumoto qui rapporta la préservation de l’audition chez 3 malades porteurs de grosses tumeurs (3,5-4,5 cm de diamètre), puis celle de Georges Fisher [61], de Lyon, qui rapportait le cas d’une femme de 25 ans, porteuse d’un schwannome stade IV avec une perte auditive entre 30 et 40 dB sur les fréquences inférieures à 4 000 Htz et qui conserva son audition du côté opéré, l’améliorant même dans les 2 mois suivants pour retrouver une courbe tonale autour de 20 dB de perte. En étudiant précisément ce dernier cas, on note que la perte auditive pré-opératoire est relativement modérée pour le volume de la tumeur, que l’auteur signale qu’il n’y a pas de dilatation franche du CAI, que le faisceau des nerfs facial et cochléaire est particulièrement bien conservé sur la photographie opératoire présentée et que la dissection a été spécialement aisée. On retrouve la même disposition anatomique dans deux autres cas rapportés en 1981 par Wanxing [218]. Il s’agissait de la conservation de l’audition après exérèse, sans l’aide d’un microscope opératoire, de deux schwannomes vestibulaires, l’un petit (10 × 10 × 14 mm) mais l’autre très gros (7 × 5,5 × 5 cm) et qui avaient tous deux la particularité d’être strictement extra-canalaires, d’adhérer seulement à la berge postérieure du CAI et d’être très facilement décollés du paquet acousticofacial, lequel gardait un aspect tout à fait normal. Toutes ces caractéristiques sont très évocatrices d’un schwannome médial tel que l’individualiseront plus tard, en 1992, Tos et coll. [208]. Cela n’enlève rien à la performance opératoire de ces auteurs, mais il n’en reste pas moins qu’ils avaient eu probablement à faire avec une forme anatomique de schwannome particulièrement favorable pour la conservation de l’audition. Quoi qu’il en soit, il était tentant de généraliser, et la conclusion de Fischer [61] : « … chez un patient conservant Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE quelques capacités auditives, l’opération devrait être conservatrice quel que soit le volume de la tumeur, parce qu’il existe de bonnes chances de succès. » fut prise à la lettre et se propagea comme une traînée de poudre parmi les tenants de la voie sous-occipitale. La conservation de l’audition allait devenir le challenge universel et ce, au moins pour certains, sans distinction de volume tumoral. Le monitorage du nerf facial sécurisait le repérage du nerf et sa dissection. Celui du nerf cochléaire au moyen de l’enregistrement per-opératoire des potentiels évoqués auditifs précoces du tronc cérébral apparaissait tout naturellement comme un adjuvant technique indispensable. Il est beaucoup plus difficile dans sa mise en application, du fait de l’environnement « électrique » du bloc opératoire, de la nécessité de disposer d’un neurophysiologiste durant tout le temps opératoire intracrânien et d’un neurophysiologiste au fait de cette technique mais aussi, du fait même de sa méthode. Celle-ci, en effet, nécessite la moyenne des réponses à de nombreuses stimulations sonores, moyenne qui ne peut, donc, être effectuée qu’après un laps de temps nécessaire et qui retarde d’autant le signalement d’un geste intempestif. Lorsque les ondes ont disparu, il est déjà trop tard. La technique avait été initialisée par Levine [115] dès 1978 pour ce qui est du diagnostic. Quelques équipes, spécialement en France celle de Lyon avec Catherine Fischer [60], se sont attachées à en développer la mise en pratique en salle d’opération et l’analyse des résultats. La mise en œuvre de cette technique en salle d’opération confère un label d’excellence à ceux qui en ont les moyens matériels et surtout l’expérience, ce qui n’est ni évident ni fréquent. Naturellement, se posait la question de la qualité de l’audition qui mériterait une tentative de conservation et, avec une acuité plus forte encore, la question de la qualité de ce qui étant conservé, constituerait une réussite. Bien évidemment, ces questions ne se posent pas en cas de tumeurs bilatérales. L’évolution des NF2 se faisant vers la surdité bilatérale à plus ou moins long terme, tout le problème est de retarder l’échéance et de préserver aussi longtemps que possible toute bribe auditive persistant encore et, ce, par quelque manière que ce soit, y compris par l’abstention chirurgicale, tant que celle-ci peut cliniquement se justifier. Il faut rapprocher de ces tumeurs bilatérales, les quelques cas de tumeur sur oreille seule entendante, l’autre ayant été détruite accidentellement ou après des infections répétées. Par contre, en cas de tumeur unilatérale, sachant que l’oreille controlatérale a toutes les chances de conserver sa fonctionnalité, la problématique est de conserver, du côté opéré, une audition qui serve et qui, de plus, ne gène pas l’audition de l’oreille saine. Qui serve, c’est-à-dire qui assure 175 idéalement une audition bi-cochléaire réelle, avec perception de la spatialité sonore, ou, au moins, une audition concomitante des deux oreilles, sans parasitages de l’oreille saine. Une telle fonctionnalité nécessite que l’oreille pathologique n’accuse pas une différence de plus de 25 dB avec le côté opposé. On veut bien admettre que l’utilité puisse consister aussi à assurer encore quelques perceptions auditives venant compléter, seconder peut-être dans certaines conditions d’écoute, l’audition du côté opposé et cela n’est possible que lorsque la différence inter-auriculaire ne dépasse pas les 50 dB et encore, dans certaines situations d’environnement non bruyant. Au delà des 50 dB de perte, l’oreille ainsi altérée ne sert plus à rien et même, pire, peut venir perturber la bonne oreille, parce que les potentiels en provenance du côté pathologique, parvenant avec retard au niveau des centres, viennent parasiter la perception des potentiels auditifs provenant de l’oreille saine. Ces bases physiologiques sont élémentaires, et Wade et House [217], dès 1984, se basaient sur ces chiffres frontières pour juger de leur résultats. En 1985, lors du meeting annuel de l’American Academy of Otolaryngology-Head and Neck Surgery, à Atlanta, Silverstein et coll. [184], de Sarasota (Floride), proposaient une classification qui distingue : — les auditions classe A, bonnes à excellentes (moins de 30 dB de perte auditive en audiométrie tonale et discrimination supérieure à 70 % en vocale), — les auditions classe B, utilisables (entre 30 et 50 dB de perte en tonale et discrimination supérieure à 50 % en vocale), — les auditions classe C, inutilisables (plus de 50 dB de perte tonale et moins de 50 % de discrimination en vocale), puis — les auditions classe D, pauvres (entre 80 et 100 dB de perte en tonale et moins de 20 % de discrimination en vocale) et finalement — les auditions classe E, non mesurables. Le tableau II schématise parfaitement les principales gradations de ces données. Curieusement, c’est à Gardner et Robertson [66] de Memphis (Tennessee) qu’est attribuée la paternité de cette classification, sans doute parce qu’ils la proposèrent en 1987 au meeting de l’American Otological Society et qu’elle y fut adoptée. C’est en se basant sur celle-ci que se sont développées alors les discussions à propos de la valeur d’une audition qui vaut la peine d’être conservée, sachant qu’il faut encore intégrer le fait qu’une intervention se solde le plus souvent par la perte supplémentaire de quelques décibels, de 10 à 15 en moyenne. Mieux vaut, en effet, ne pas trop compter sur une amélioration post-opératoire. Celle-ci est parfois observée mais de façon assez exception- 176 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU II. — Classification de Gardner et Robertson. TABLE II. — Gardner-Robertson classification. nelle et souvent dans des circonstances assez particulières progressivement dégagées à l’occasion d’observations privilégiées : — première circonstance : la tumeur est réellement limitée dans le CAI, ne mesurant que quelques millimètres et strictement limitée à son nerf porteur ; elle comprime tout au plus le nerf cochléaire après son émergence et la levée de cette compression permet la levée du bloc fonctionnel et la récupération ; — deuxième circonstance : le malade avait présenté une surdité brutale et on connaît le mécanisme vasculaire habituel de celle-ci ; une fluctuation circulatoire peut expliquer la surdité brutale comme sa régression. Le cas de Telian et coll. [206], de l’Université du Michigan (Ann Harbor) est à ce titre édifiant : ils avaient posé le diagnostic de neurinome chez une malade qui se plaignait d’une baisse unilatérale de l’audition et de quelques troubles de l’équilibre ; la perte tonale était de 25 dB et la discrimination était à 56 % ; l’imagerie avait révélé un tout petit schwannome stade II, dépassant de 4 à 5 mm dans l’angle ; prévue pour être opérée 6 semaines plus tard, elle était revenue avec une nette détérioration de l’audition (perte tonale à 55 dB et discrimination à 0 %) et ils avaient incriminé la progression tumorale ; en fait, un mois après l’intervention qui s’était déroulée très simplement, elle avait récupéré son audition antérieure tant sur le plan tonal que vocal et ils avaient réalisé alors que la perte auditive pré-opératoire avait été brutale et s’était probablement corrigée d’elle-même ; — troisième circonstance : l’existence d’un schwannome médial, comme l’était, semble-t-il, le cas de Fischer [61] ; dans un tel cas, la tumeur quoique volumineuse, comprime et étire le nerf cochléaire dans l’angle mais ne l’envahit pas, comme cela se passe habituellement dans le CAI, si l’on se réfère aux études de Ylikoski et coll. [226, 227], de Helsinki, de Neely [141, 142], de Oklahoma City, et de Marquet et coll. [63], de Anvers, tous otologistes ayant étudié l’état anatomique du nerf cochléaire quand le schwannome prend naissance au fond du CAI, là où existent des anastomoses vestibulo-faciales et surtout vestibulo-cochléaires que peuvent suivre facilement les cellules tumorales pour gagner le nerf cochléaire et l’envahir. Hormis ces circonstances, il paraît logique de ne pas chercher à conserver une audition à peine utilisable en pré-opératoire. Elle ne le sera pas plus ensuite. Elle le sera même un peu moins et pourra gêner parfois l’oreille saine du malheureux bénéficiaire. Après les publications de Sugita [203] et de Fischer [61], le mouvement était donné et de nombreuses équipes ont essayé de préserver l’audition puis ont publié avec enthousiasme leurs premiers résultats. La voie sous-occipitale était la plus utilisée parce que mise en œuvre par les très nombreuses équipes neurochirurgicales et parce qu’elle offre, en théorie, la possibilité de tenter la conservation de l’audition chez tous les malades, quel que soit le volume de la tumeur. Sans essayer de faire une étude exhaustive, on peut retrouver très vite une soixantaine de publications [3, 5, 7, 11, 20, 23, 24, 26-29, 33-37, 47, 48, 57, 62, 73, 75, 76, 78, 82, 100, 102, 107, 118, 121, 125, 134, 138, 139, 146, 147, 162, 165, 169, 172, 173, 177, 184, 188, 187, 189, 192, 193, 196, 198, 199, 202, 203, 205, 212, 213, 215, 222, 225, 228] qu’il paraît efficace d’exposer au moyen du tableau III. Les partisans des voies transpétreuses, quant à eux, restaient fidèles à la voie sus-pétreuse pour les tumeurs intra-canalaires ou ne dépassant que de quelques millimètres dans l’angle. Pour les tumeurs plus volumineuses dans l’angle, certains utilisent la voie sus-pétreuse élargie, à la condition que le volume reste quand même modéré, 2 cm au maximum. Les résultats obtenus par ces voies sont aussi très appréciables. Nous en avons résumé quelques uns des plus notables [16, 25, 54, 65, 71, 72, 74, 75, 77, 101, 102, 105, 119, 171, 181, 197, 199, 217, 223] dans le tableau IV. Il faut signaler que Wigand [224] à Erlangen, doutant que l’abord sous-occipital permette une exérèse correcte du bourgeon intra- Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE canalaire, a décidé d’aborder tous les schwannomes avec restes auditifs par une voie sus-pétreuse élargie. La section du sinus pétreux supérieur et de la tente du cervelet jusqu’au foramen de Pacchioni lui permet d’exposer parfaitement l’angle ponto-cérébelleux et de tenter de préserver nerf facial et nerf auditif. Ses résultats sont impressionnants avec 90,5 % d’exérèse complète, 69,8 % de conservation de la continuité du nerf cochléaire aboutissant à 44,4 % de préservation de l’audition et 85,7 % de nerf facial normal ou partiellement paralysé. La technique est quand même difficile, et peu d’opérateurs pourraient reproduire de tels résultats par cette voie, surtout pour de volumineuses tumeurs. Pour être allé le voir opérer, je peux témoigner des qualités opératoires de ce chirurgien et de l’apparente sécurité avec laquelle il travaillait le neurinome dans l’angle ponto-cérébelleux. À la fin des années 80, l’état de l’art était tel qu’une tranche de plus en plus importante de malades commençait d’être adressée au chirurgien avec une séméiologie des plus minime. Comment ne pas se poser alors la question de la gravité du geste opératoire à entreprendre, surtout quand le volume tumoral restait encore modéré. Certes, le prix à payer n’était plus ce qu’il était du temps de Dandy, mais la facture pouvait se révéler encore disproportionnée, surtout chez des sujets âgés ou débilités pour des raisons cardiaques, pulmonaires ou autres, mais aussi bien chez des sujets jeunes, en parfaite santé et ne présentant qu’une séméiologie discrète. Certains [32, 67, 140, 185] ont commencé de poser la question de l’abstention ou de l’exérèse incomplète sur le premier type de malades mais John House, le neveu, et Hitselberger [92], arguant de la qualité de leurs résultats, ont alors insisté sur la nécessité de conserver l’attitude généralement admise d’exérèse complète. Samii et coll. [174], en 1992, viendront plus tard confirmer ces recommandations, surtout lorsque le volume tumoral est important, ce qui est logique. LES ANNÉES 90 Les années 90, ont vu les publications relatives à la conservation de l’audition se multiplier et les opinions, à ce propos, se conforter. Nous en reparlerons en discutant des problèmes qui se posent encore. Sur le plan diagnostique, il ne survint plus d’invention révolutionnaire telles que l’imagerie computerisée par scanner ou par résonance magnétique que l’on avait vu se développer durant les décennies précédentes, mais le rendement, la finesse des images et la fiabilité des interprétations de ces innovations techniques progressaient encore, si bien que les capacités diagnostiques continuaient de se renforcer et 177 que le pourcentage des petites tumeurs allaient croissant. Sur le plan technique, peu de chose non plus, si ce n’est l’irruption de l’imagerie 3D et son utilisation informatique qui ouvrait la voie à la robotisation du geste et à la neuro-navigation, mais ces techniques n’ont trouvé, pour l’instant, que très peu d’application en matière de microchirurgie des schwannomes vestibulaires. Les diverses voies d’abord, sous-occipitale, translabyrinthique, sus-pétreuses, telles que décrites par exemple dans le rapport élaboré par nous même pour la Société de Neurochirurgie de Langue Française [151] et paru en 1989, étaient bien codifiées et communément pratiquées. La limitation au fraisage des derniers millimètres du mur postérieur du CAI pour conserver l’audition par voie sous-occipitale avec les problèmes de vision et les difficultés de dissection que cela implique a suscité des aménagements divers. — L’équipe oto-neurochirurgicale de Lille avec Lejeune et Vaneecloo [119] a pris l’habitude d’associer une voie sous-occipitale pour réséquer la tumeur développée dans l’angle ponto-cérébelleux, puis une voie sus-pétreuse pour pratiquer l’exérèse du bourgeon intra-canalaire. Leurs résultats se situent parmi les meilleurs de ceux rapportés en matière de préservation du nerf facial et de l’audition. On peut penser qu’à long terme la qualité de ces résultats se confirmera parce que accompagnée du taux le plus bas de récidives. Cette attitude s’inscrit dans une conception globale de la chirurgie transpétreuse telle qu’elle apparaît maintenant sous l’impulsion de Fukushima, lequel n’utilise plus les diverses voies décrites de manière isolée et stéréotypée mais prévoit, après une mastoïdectomie rétro-labyrinthique classique, la taille d’un volet à la fois sous-occipital et sus-pétreux qui donne une parfaite exposition des deux faces chirurgicales de la pyramide, la supérieure et la postérieure, dans le dièdre dural qui les tapisse. Le chirurgien peut alors, au grès des besoins, fraiser cette pyramide tout autour du massif labyrinthique, aussi bien dans la fosse postérieure que dans la fosse temporale pour exposer les lésions développées à ce niveau sans être obligé de réséquer ce massif labyrinthique, a moins que le besoin ne s’en fasse sentir ou que l’état préopératoire de l’audition l’y autorise. Il s’agit là d’une conception extensive de la chirurgie pétreuse qui ouvre des possibilités jusque là inégalées pour exposer toutes les tumeurs pétreuses et péri-pétreuses. C’est, je pense, l’aboutissement des techniques d’abord et de fraisage du rocher qui se trouvent toutes réalisables de façon concomitante par un chirurgien enfin polyvalent, capable d’utiliser en même temps aussi bien la voie neurochirurgicale classique que les diverses voies otologiques décrites. Il 178 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU III. — Conservation de l’audition par voie sous-occipitale. Revue de la littérature de 1973 à 2002. TABLE III. — Hearing preservation through the sub-occipital approach: review of the literature 1973-2002. LA TUMEUR Année Auteurs Nb. Cas Tentatives sta. I sta. II 6,6 % 40 % sta. III 1973 Smith [186] 15 15 1976 Rhoton [162] 24 24 Yasargil [225] 171 171 Smith [188] 33 10 Sugita [203] 22 6 Sterkers [192] 30 30 Cohen [33] 37 7 5,4 % 29,7 % 32,4 % 4 4 0,0 % 50 % 25 % L’INTERVENTION sta. IV 53,3 % exér. tot. décés fuite LCR méningite continuité grade 1-2 3 4-5 93 % 1 6,6 % 20 % ? 46 % 33 % 21,0 % non précisée 2,3 % 17,5 % LE FACIAL non précisée 83 % 80,2 % 86,5 % non précisé 66,6 % 15,7 % 17,5 % 1978 1979 1980 Bremond [20] les 10 avaient entre 14 et 20 mm 4 stade IV 91,0 % non précisée 77 % 4,5 32,4 % 81 % 5,4 % 25 % 75 % 0% non précisé, de 12 à 45 mm. Wanxing [218] 32 1 fortuite 1 stade II - 1 stade IV Palva [146] 26 26 Sterkers [193] 80 74 11,2 % Cohen [35] 50 9 4,0 % Sugita [202] 68 14 Smith [187] 23 23 Cohen [36] 94 21 Harner [82] 119 119 Palva [147] 120 30 tentatives sur T. < 20 mm Tator [205] 100 23 tentatives sur T. < 25 mm Wiet [222] 67 12 25 % Silverstein [184] 16 16 12,5 % 157 29 34,6 % 23 % 80 % non précisés 20 % 0 86,4 % 86 % 14 % 77 % 33 % 0 94,6 % non précisé 100 % 100 % 100 % 100 % 88,4 % 88,4 % 4,5 % non précisé 100 % 42 % 5,4 % non précisés 7,6 % non précisé 11,6 % 1981 1982 1984 1985 1986 Cohen [35] Uziel [213] Sterkers [196] 70 % 32 % 32 % 19 % 97,5 % 0% 44 % 76 % 0% 100 % 93 % 2,90 % 100 % < 15 mm 5% 31 % 39,4 % non précisés 36 % 29 % 47,0 % 13,6 % ? ? 8,7 % 2,5 % non précisé ? 82 % 16,0 % 90 % 70 % 8,6 % 100 % 100 % 29,0 % rare ? 8,0 % 24 % non précisé non précisée non précisé 51,6 % 23,3 % 90 % 1,6 % 0 0 ? 90 % 50 % 18,8 % 18,8 % ? 6,3 % 12,5 % 0% 100 % 87,5 % 3,1 % 33,1 % 33,3 % 29,2 % 90 % 1,9 % 10,1 % 3,10 % ? 88 % ? 10,0 % 6,3 % 44 29 0,0 % 15,9 % 63,6 % 20,4 % 100 % 0% 6,8 % 0% 602 203 (33,7 %) 10 % 45 % 24 % 21 % 90 % 1% 8% 3% 79,50 % 20 % 3% 97 % 89 % 7% 4,0 % 37,5 % Nadol [139] 69 66 15,9 % 49,3 % 17,3 % 13,0 % 100 % 1988 Bentivoglio [11] 94 94 14,1 % 28,2 % 57,6 % 98,9 % 2,10 % 15,9 % 6,30 % 71,0 % 44,6 % 17,8 % Beaumont [7] 78 20 Tentatives sur T < 20 mm 95,4 % 0% 13,6 % 0% 100 % 90,9 % 9% Charachon [29] 36 36 2,7 % 2,7 % 5,40 % 80,5 % 25 % 22,2 % Hardy [76] 14 14 non précisée non précisée non précisé 180 40 non précisée non précisée non précisé 93 20 non précisée 109 47 Vaneecloo [215] Kemink [107] 13,8 % 27,7 % 58,3 % 90 % 0 10 % 10 % 100 % 95 % 100 % 0 10 % 6% 100 % 84 % 1990 Baldwin [5] 6,3 % 12,0 % 1987 1989 6% 93,6 % 6,3 % 20,5 % 52,7 % Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE L’AUDITION PRE-OPÉRATOIRE Auteurs Classif A B C STADE TUMORAL D E I III IV 1 6 8 Smith 0 aucune donnée audio. Rhoton 0 aucune donnée audio. non précisé Yasargil 0 aucune donnée audio. 4 Smith GR Sugita 0 10 % 30 % 60 % 0 aucune donnée audio. 10 conservée I II 32 % 6% 26 % 16,6 % 30 137 0 0 non précisé aucune donnée audio. 30 % 50 % Ton. Cohen GR 14,2 % 71,4 % 14,2 % Bremond Ton. 50 % Wanxing Ton. 1 cas : perte tonale : 89 % Palva T Ton. tonale des 5 succès : 4 - 3 - 2- 2 - 2 Sterkers GR Grade des succès : 2 gr.1, 6 gr.2, 7 gr 3, 8 gr.4 Cohen GR Grade des succès : 6 grad. 1, 2 gr. 2, 1 gr. 3 non précisé 55 % Sugita Ton. SRT < 70 dB 30 < taille 6 succès < 48 mm 43 % Smith 0 dans 8 cas : discrimination > 80 % Cohen GR Harner GR Grade des succès : 2 gr.A, 9 gr.B, 3grC, Palva Ton. tonale des 13 succès Tator GR Grade des succès : 2 gr.A, 3 grB, 1 gr.C Wiet 0 aucune donnée audio. 38 % Cohen 30/60 12,1 % 19,7 % 68,1 % 4,5 % 34 % 0 0 57 % 2 1 1 100 % 1 2 cas non précisé 6 19 % 17 31 % 23 34,7 % 4 8 30 % 0% 50 % 1 0% 34,7 % 75 % 0 0 36 % T. < 20 mm 32 % 1 T. St. I - 5 T. St II 2 T. moyennes 22 % 22 % 11 % 45 % aucune donnée audio. 0% 16,6 % 0% 22 % 33 % 45 % 9% 0% 7% 21 % 35,7 % 46,3 % 64 % 36 % 4% 74 % 9% 13 % 3 3 37,0 % 50 % 44 % 0% 41 % 100 % 10 % 2% 43 % 25 % 11 % 18,0 % 72,0 % 35 % 17 % 22 % 14,4 % 38 % 88,5 % 0,56 16,6 % 9 11,5 % 15,0 % 6 28 0,5 22,0 % 5 Sterkers 0,424 7,0 % 50 % 30 19 % 28,8 % 1 cas : perte tonale 55 % 100% 14 % 7 14,4 % 14,4 % succès sur T < 15 mm 50 % 90 % 50,0 % 1 30 % 10 % aucune donnée audio. 0 16 34 % 0 aucune donnée audio. 0 56 8 0 4 succés rapportés 55 % D-E Aucune donnée audio. non précisé 33 % C aucune donnée audio. conservation 3 stades IV 47 non précisé 22,7 % 0% 0% 42,8 % 2 B aucune donnée audio. 3 1 A 0% 6 T. < 25 mm 6,3 % IV 25 % 27 % 4 1 19 % GR GR 68,8 % 50 % Silverstein Uziel 25 % 42,8 % de 12 à 45 mm. 3 III non précisé 0,60 % Sterkers 0% AUDITION POSTOPÉRATOIRE CONSERVATION/STADE II 179 aucune donnée audio. 0% 12,5 % 0% 6,3 % 81,3 % 17,2 % 24,0 % 10,0 % 30 % Nadol GR Bentivoglio GR Beaumont Ton. PTA < 60 dB Charachon ? aucune donnée audio. non précisé 5,5 % non précisé Hardy ? aucune donnée audio. non précisé 21,4 % non précisé Vaneecloo 0 aucune donnée audio. non précisé 42,5 % non précisé Kemink GR Baldwin GR 50,7 % 34,7 % 13,5 % 17,3 % 25 % 2% 5,4 % 30 % 35 % 11 81,3 % 34 13 12 9 34 % 26 53 10,8 % 20 10 % 38 Grade I ou II 35 % 6 10 4 4 41 3 0 65 % 45 % 73 % non précisé 35 % 83 % 45 % 4,3 % 50 % > 10,1 % 74,6 % 6,5 % 89,2 % 0% 33 % 2,7 % 2,7 94,8 % 14,2 % 7,1 % 78,6 % 66 % 60 % 9,6 % 0% aucune donnée audio. 35 % 15 % 5% 45 % 6,3 % 25,7 % 27,0 % 41 % 180 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU III. — Conservation de l’audition par voie sous-occipitale. Revue de la littérature de 1973 à 2002. (suite) TABLE III. — Hearing preservation through the sub-occipital approach. (continued). LA TUMEUR Année Auteurs Atlas [3] 1993 20 Ebersold [57] 255 221 Jenkins [102] 6 6 Bynke [23] 9 9 300 60 1996 sta. I sta. II sta. III sta. IV exér. tot. 38,8 % 45,8 % 15,6 % 64,2 % 35,7 % 0% 0% moins de 20 mm dans l’APC 62,6 % 0% 34 % 97 % méningite 0,70 % 10,9 % 0,70 % continuité grade 1-2 3 100 % 91 % 9% 92,6 % 61,7 % 17,4 % 20,8 % 14,2 % 7,1 % 64 % 0% 11 % 0% ? 78,5 % 3,3 % 100 % 1,3 % 4% 6% 98 % 86 % 75 % 12,5 % 6% ? 6% 59 16 56,2 % 43,7 % 0,0 % 42 42 14,2 % 14,2 % 47,6 % 23,8 % Harner [78] 224 224 16,0 % 29,4 % 31,2 % 23,2 % Fischer [62] 270 102 4,1 % 26,2 % 39,4 % 30,3 % Magnan [121] 59 59 6,70 % 54,2 % 38,9 % 0% Maniglia [125] 154 154 Nadol [138] 144 144 17,3 % 55,5 % 15,2 % 11,8 % 100 % Cerullo [26] 102 102 7,8 % 21,5 % 32,3 % 33,3 % 54 % Haines [75] 12 5 100 % 0% 0% 0% 100 % Yokoh [228] 55 30 0% 5,4 % 27,2 % 67,2 576 34 37 % 10,2 % 37,5 % non précisé 92 % 3% 0% non précisé 88 34 18,2 % 34,1 % 91 % 77 77 9% 60 % 31 % 0% 100 % Charachon [28] 86 11 0% 100 % 0% 0% 100 % Danesi [47] 118 118 Robier [165] 69 12 8,3 % 91,7 % Sterkers [198] 100 9 21 % 48 % 99 % 65,6 % ? ? 100 % 88,1 % 8,4 % 3,3 % ? 7,0 % ? non précisé 5,0 % 0% 0% 0% 96 % 90 % ? 86 % 9% 100 % 80 % 20 % 97 % 1,9 % 1,1 % Umezu [212] 73 73 Schaller [177] 98 98 7% 1000 1000 3% 115 94 100 % 0% 18,5 % 4,5 % 1% non précisé 91 % non précisé 95,5 % 77 % 100 % 100 % 100 % 82 % 1,2 % 5% 5% s 100 % 1% 72,7 % 100 % 80 % 35,6 % 27,3 % données non précisées 29 % 32 % 34 % données non précisées 17 % 44 % 36 % 0% 0% 1,10 % 2% 9,2 % 3% données non précisées 92,9 % 18 % 91 % 100 % 27,0 % 98 % 0% 99 % 11 % 27,6 % 72,3 % 75 % données non précisées Colleaux [37] 36,9 % 19 % données non précisées 95 % non précisé 4,0 % préservation : 100 % facial N 3,0 % SRT < 50 dB - SDS > 50 % 63,0 % 4-5 données non précisées Sterkers [199] Rowed [169] fuite LCR données non précisées Goel [73] Samii [172] décés LE FACIAL moins de 20 mm dans l’APC Charabi [27] Sterkers [199] 1994 Tentatives 80 Calabrese [24] 1992 Nb. Cas L’INTERVENTION 9,0 % 18 % 9% 20 % 59 % 96 % des stade 1 sont grade I 1997 Darrouzet [48] 6,6 % 30 % 48,3 % 15 % 3,3 % 3,3 % 100 % 80 % Louis [118] 211 60 50 10 % 48 % 36 % 6% 100 % 0 6% 2% 100 % 84 % 1998 Irving [100] 50 50 34 % 24 % 42 % 0,0 % ? ? ? ? 1999 Snyder [189] 1 1 oui non non non oui oui 2002 Moriyama [134] 63 22 100 % 0 3,3 % 1 infect. 100 % 97 % 1 tumeur stade IV 0% 63,6 % 32 % 4,4 % Classification : O : non précisée ; Ton : graduation tonale ; GR : Gardner et Robertson. 89 % 15 % 5% Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE L’AUDITION PRE-OPÉRATOIRE Auteurs Classif A B C Atlas GR Ebersold Ton. 5,8 % 4,6 % Jenkins GR 50 % 0% D E I PTA < 50 dB Bynke Calabrese STADE TUMORAL 4,6 % II III 20 2,3 % 92,7 % 97 0% 6 50 % PTA < 35dB - SDS > 70 % ? ? 9 conservée I II 35 % 35 % 23,5 % 49,5 % 66,6 % 66,6 % 43 % III 43 % 8 53 5 0 50 % 0 PTA < 50 dB - SDS > 50 % 0 9 7 0 0% GR des succès seulement : 9 A, 5 B, 1 C 6 6 20 10 37,5 % 67 % 33 % Harner P Audio des 61 succès seulement 36 66 70 52 27,2 % 69 % 45 % Fischer GR des succès seulement : 12 A, 10 B, 7 C 4 26 39 30 29,3 % 75 % 46 % Magnan GR audio pré-op de 23 cas ? : 5A, 16B, 3C 4 32 23 0 32,2 % 75 % 53 % Maniglia GR PTA < 50 dB - SDS > 50 % Nadol GR PTA < 70 dB - SDS > 50 % Cerullo GR 7,8 % 12,7 % 42,1 % non précisé 25 37,2 % 22 17 non précisé 16,6 % 20 % 0% 13,6 % 66 % 16,6 % 0% 50 % 33,3 % 30 % 36 % 16,6 % 18,3 % 50 % 0% 0% 0% 100 % 73,0 % 13,3 % 13,3 % 8,4 % 1,4 % 4,9 % 20,5 % 20 % 27,5 % 13,8 % 58,6 % 17,3 % audio post-op 34 cas ? : 2A, 15B, 17C 7% >3% 4,5 % 9% 18 % non précisé 18 % 14,6 % 9,3 % 20 % 60 % 80 % Sterkers GR non précisé 52 cas opérés par SO 32,3 % non précisé 32,3 % Sterkers Ton. non précisé de 5 à 40 mm 38,2 % non précisé 38,2 % Colleaux 0 des succès seulement : 10A, 20B, 4C Charachon Ton. 9 PTA < 30 dB - 2 PTA > 30 dB Danesi GR aucune donnée audio. PTA < 30 dB - SRT > 70 % Sterkers GR Umezu GR Schaller GR H 7 46 9 24 18 0 11 11 9 26 % 15 % 28,7 % 30,1 % 22,4 % 19,3 % 31,6 % 26,5 % 44 % 66 % 85 % 52 % 11 % 33 % 17 % 95,50 % 13 % 66 % 75,1 % 0% 20 % 30 % conservée - 70 % détériorée 5,1 % 64 % 86 % 27,2 % 11,6 % 56 % 3 PTA < 30 dB - 4 PTA > 30dB 44 % non précisé 33,3 % non précisé 20 % non précisé 8,0 % 10,7 % 25 % 62,5 % 1 PTA < 50 dB - 3 PTA > 50 dB 20 % 20 % 60 % 26 20 28,7 % non précisé 9,5 % 8,2 % 10,9 % 71,3 % 31 33 44,8 % non précisé 6,1 % 15,3 % 24,4 % 55,1 % 15,6 % 16,9 % 19,3 % 16,3 % 31,9 % 46 163 428 363 2,3 % 5,6 % 9% 23,2 % Rowed GR 76 % stade I sont gr. A, 24 % sont gr.B Darrouzet GR Louis GR Irving GR 58 % Snyder Ton. 10 dB Moriyama GR 56,6 % 43,3 % 18,3 % 53,3 % 28,3 % 48,0 % 26 % 52,0 % 12 % 4% 27 30 % 64 % non précisé 1 80 % 3% 3,3 % 3 57 % 15 % GR 0 80 % D-E Ton. 43,3 % 53,3 % 0 1,6 % non précisé 60 % C Yokoh Samii 5 32 % 28,3 % 0% 4,5 % B Haines Robier 20 % 80 63 % A 43,0 % PTA < 50 dB - SDS > 50 % Goel IV 5% GR Charabi AUDITION POST-OPÉRATOIRE CONSERVATION/STADE IV 181 6 28 39,5 % 51 % 56 % 26 68 0 0 35 % 50 % 29 % 6 18 29 9 40 % 75 % 5 24 18 3 56 % 17 12 21 0 19 % 1 oui 2 70 % 0 14 6 44 % 18 % stade I : 19 % gr.A, 31 % gr.B 44,4 % 41,3 % 22 % non précisé 23,5 % 25 % 9,5 % 1 77,3 % 50 % 8,3 % 13,3 % 20 % 58,3 % 4% 26 % 18 % 52 % 6% 8% 5% 81 % 3,3 % 26,7 % 15 dB 23,3 % 46,7 % 182 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU IV. — Conservation de l’audition par voie sus-pétreuse. TABLE IV. — Hearing preservation through the suprapetrous approach. LA TUMEUR Année Auteurs Harker [77] Nb Cas Tentatives sta I 10 10 100,0 % 130 17 15,5 % sta II L’INTERVENTION sta III sta IV 0% LE FACIAL exer. tot. décés fuite LCR méningite continuité grade 1 -2 3 4-5 100 % 0% 10 % 10 % 100 % 40 % 40 % 10 % 99 % 0% 23 % 9% 86 % 80 % 20 % 8,6 % 15,5 % 100 % 82 % 18 % 1978 Glasscock [71] 64,4 % 20,1 % 1979 Brackmann [17] 17 17 82,3 % 18 % 0% 100 % 0% 1984 Wade [217] 20 20 50 % 50 % 0% 100 % 0% 602 203 (33,7 %) 10 % 45 % 24 % 21 % 90 % 1% 8% 3% 66,4 % 33,6 % 0% 0% 100 % 2,3 % 9,3 % 0% 100 % 1,8 % ? ? 36,8 % 99 % 1,75 % 7,5 % 0,40 % 42 % 96 % 0,4 % 2% 4% Sterkers [196] 1986 Gantz [65] 43 1987 Glasscock [72] 659 15 66,2 % 34,8 % 1989 Shelton [181] 106 106 72,2 % 27,8 % Cannont [25] 450 29 7,9 % 20,2 % Haid [74] 252 252 13,4 % 8 8 12 7 100 % 0% 0% 0% 100 % 1992 Jenkins [102] 13 % 0% 35,1 % 44,4 % 100,0 % Haines [75] 1994 Kanzaki [105] 248 69 65,2 % 24,6 % 10,1 % 0% 93 % 1994 Sterkers [199] 22 22 100 % 0% 0% 0% 95 % 1995 Dornhoffer [54] 436 93 81,7 % 18,2 % 0% 0% 1996 Russo [171] 27 27 15 % 85 % 0% 0% 1996 Wigand [223] 485 485 16,9 % 1998 Irving [100] 50 50 48 % 38 % 1998 Ishigawa [101] 43 39 53,4 % 23,2 % 44,3 % 0% 2,3 % 100 % données non précisées 1993 97,4 % 85,7 % 11,9 % 14,2 % 100 % 89,1 % 5,4 % 5,4 % 97,5 % 86,2 % 22 % 11,8 % 100 % 0% ? ? ? 0% 3,7 % 0% 100 % 100 % 85,7 % 0% 97 % 94 % 6% 95 % 62,9 % 33,3 % 38,7 % 98 % 0,2 % 2,6 % 1,9 % 79 % 14 % 0% ? ? ? ? 89 % 23,2 % 0% données non précisées 14,3 % 18 % 3,7 % 5,0 % données non précisées Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE L’AUDITION PRÉ-OPÉRATOIRE Auteurs Harker Glasscock Classif GR ? A B 20 % 40 % STADE TUMORAL C D-E I 30 % 10 % 10 II III 0 SRT < 50 dB-SDS < 80 % Brackmann GR 41 % Wade GR 85 % 17 29,4 % 23,5 % 6,1 % 14 15 % 10 GR II 30 % 30 % 3 0 58,8 % 10 0 35 % III IV A B C D-E 10 % 20 % 10 % 60 % non précisé 57 % non précisé 66,6 % 35 % 17,6 % 35,2 % 5,8 % 41,4 % 25,0 % 6% 5,0 % 65 % 0 43 % 54 % 50 % 16,6 % 9,5 % 4,7 % 69,20 % 0 36 % 42 % 30 % 6,0 % 24,0 % 35,0 % 0,35 73 33 21,6 % 36 % 14 Ton. SRT < 50 dB-SDS > 50 % 14 Haid 3.6.9. 71 % ont SRT < 60 dB 34 Jenkins GR 50,0 % Haines GR 71,4 % GR H Wigand 3.6.9. Irving GR Ishigawa GR 25 % 15,6 % 0 0 Cannont Starkers 15,4 % 14 23 GR Hanzaki 69 % 29 24 Shelton Russo I 30 % Glasscock Domhoffer conservée 35 % Starkers Gantz AUDITION POST-OPÉRATOIRE CONSERVATION/STADE IV 183 25 % 0 1 112 58,7 % 0 106 8 14,2 % 14,2 % SRT < 50 dB-SDS < 50 % 45 SRT < 50 dB-SDS > 50 % 22 SRT < 50 dB-SDS > 50 % 44,8 % 63 % 50 % 72 % 75 % 7 0 58,7 % 15,4 % 46 % 56 % 71,4 % 51 % 55,5 % 17 7 0 36,4 % 36,4 % 76 17 0 0 58 % 60,5 % 47 % 33,3 % 14,8 % 4 23 0 0 55,5 % 25 % 60 % 81 % ont SRT < 60 dB 82 188 45 % 84 % 0 64 % 66,6 % 75 % 20 % 41 % 45,4 % 22 % 12,5 % 44,4 % 52 % 37,2 % 46 % 2% 0% 53,4 % 9,3 % 24 215 19 5 33 % 12,6 % 75 % 71,4 % 41 % 42,4 % 54 % 21 % 7,5 % 55,5 % 0% 37,5 % 37,5 % 35 % 71,4 % 0% 0% 28,6 % 43 % non précisé 36,4 % 63,6 % non précisé 11,1 % 47 % 26 % 33,3 % 18 % 20 % 7,4 % 18 % 32 % 17,9 % 48,2 % 64 % 6% 42 % 23 % 59 % 184 W. PELLET, P.-H. ROCHE est remarquable que ce parfait oto-neurochirurgien soit, au départ, un neurochirurgien. C’est bien la preuve que l’oto-neurochirurgie, née de la collaboration de l’otologie et de la neurochirurgie sous l’impulsion de William House, est arrivée maintenant à maturité et constitue une spécialité à part entière. Il faut dire quand même que peu de chirurgiens, à ce jour, sont capables d’allier ainsi la parfaite pratique de toutes ces techniques oto-neurochirurgicales. — Le dogme d’inviolabilité des cavités labyrinthiques sous peine de cophose, en particulier des canaux semi-circulaires, s’était trouvé remis en cause par quelques publications [108, 127, 155] de conservation de l’audition malgré une large fenestration de ces canaux semi-circulaires par des processus érosifs progressifs comme, par exemple, des cholestéatomes ORL, lesquels s’accompagnaient du respect du labyrinthe membraneux qui se trouve à l’intérieur. Ainsi est née, chez Mc Elveen [129] de Durham, Caroline du nord, l’idée qu’il devrait être possible de conserver l’audition en pratiquant une voie translabyrinthique avec fenestration extrêmement prudente des canaux semi-circulaires sans aucune aspiration, de façon à ne pas aspirer le liquide périlymphatique et à laisser intact les canaux membraneux qui pourront ensuite être précautionneusement obturer avec de la cire au niveau de leurs pénétrations dans le vestibule. L’espoir entraîné par cette technique fut très important car les tenants de la voie translabyrinthique tenaient là la possibilité d’utiliser leur voie préférée pour une exérèse complète et une dissection plus aisée du nerf facial tout en préservant l’audition, ce qui, jusque là, leur était impensable. De même, les tenants de la voie sousoccipitale, eux aussi, pourraient élargir le fraisage du mur postérieur jusqu’au fond du CAI en fraisant selon la même technique le canal semi-circulaire postérieur osseux tout en respectant le canal membraneux. C’est la voie transcanalaire postérieure de Martin, Zini, Sterkers et coll. [126]. En fait, ces espoirs ont été déçus car la technique s’avère beaucoup plus difficile à réaliser au bloc opératoire qu’elle n’avait semblé l’être au laboratoire d’anatomie, mais il n’est pas exclu que des améliorations puissent un jour la rendre opérationnelle. — L’endoscopie de l’angle ponto-cérébelleux pouvant y améliorer la vision, surtout au fond du CAI, est apparue comme une technologie prometteuse [122, 123] mais elle a été jusqu’à maintenant plus pourvoyeuse de belles images qu’à l’origine d’un progrès technique définitif en ce qui concerne la dissection de la tumeur au fond du CAI. Il faudra encore des progrès en matière de support et d’encombrement et aussi d’expérience manuelle avant qu’elle ne devienne une technique réelle- Neurochirurgie ment utile au cours des interventions pour schwannome vestibulaire. D’autres aménagements sont régulièrement proposés au grès des innovations de chacun pour tenter d’améliorer sa technique opératoire et ses résultats. Leur impact n’est pas déterminant mais ils méritent d’être signalés car témoignant des efforts déployés par certains pour faire progresser les choses. — L’hydrodissection, par exemple. C’est un artifice technique consistant à utiliser de l’eau ou du sérum tiède injecté sous une certaine pression dans les espaces d’accolement des nerfs et/ou de l’arachnoïde sur la convexité du schwannome, pour décoller délicatement ces éléments de la tumeur. Deux variantes ont été proposées. Sterkers [194] a proposé d’injecter du sérum sous l’enveloppe arachnoïdienne enrobant la tumeur dans l’angle après ponction de cette arachnoïde dès que la convexité tumorale a été exposée. Le décollement ainsi produit faciliterait la dissection de la tumeur et son exérèse complète. Tran Ba Huy et coll. [211] utilisent, pour leur part, une canule à double courant avec laquelle ils projetent dans l’espace entre nerf et tumeur un jet de sérum chaud pulsé à l’aide de la pompe de l’auto-laveur de Dessi. Ce procédé minimiserait la manipulation du tronc du nerf et donc son traumatisme per-opératoire. Ces procédés ne semblent pas avoir été adoptés par beaucoup d’équipes, mais ils méritent d’être connus car ils offrent une possibilité d’adoucir le geste opératoire et permettront à certains d’améliorer encore leurs performances. — La crânioplastie acrylique pratiquée en fin d’intervention a été préconisée pour atténuer la fréquence des céphalées post-opératoires, lesquelles surviendraient dans près de 23 % des cas durant les premiers mois post-opératoires pour diminuer ensuite mais en persistant dans pratiquement 10 % des cas selon Harner et coll. [79]. Ces céphalées seraient dues, toujours selon ces auteurs, à la réinsertion des muscles cervicaux sur la dure-mère, lesquels entraîneraient des tiraillements duraux à l’origine des céphalées. Ces même auteurs ont donc préconisé de pratiquer une crânioplastie qui, venant s’interposer entre muscles sous-occipitaux et dure-mère, supprimerait ces tiraillements. L’abaissement à 4 % seulement de la fréquence de ces céphalées dans une série d’opérés ayant bénéficié d’une crânioplastie et présentée en 1995 [80] semble confirmer le rôle important de la persistance de la perte de substance osseuse dans l’entretien de ces céphalées. — Il faut faire une place à part à la technique des implants nucléaires si importante pour pallier les problèmes de cophose due à la destruction des deux nerfs acoustiques après intervention bilatérale pour des schwannomes dans Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE 185 TABLEAU V. — Notre questionnaire. TABLE V. — Our questionnaire. Madame, Monsieur, vous avez été opéré(e) par notre équipe pour un neurinome de l’acoustique. Nous désirons préciser les troubles éventuels dont vous pourriez vous plaindre encore depuis cette intervention. Afin de mener à bien cette étude, nous vous demandons de bien vouloir répondre à ce questionnaire. Il vous suffit pour cela de cocher les cases correspondant aux bonnes réponses. Si vous le juger utile, vous pouvez commenter certaines de vos réponses. QUESTIONNAIRE Avez-vous des vertiges ? oui non la valse Si oui, ça tourne comme : si vous aviez trop bu sur un bateau seul Pouvez-vous tenir debout ?........................... Pouvez-vous marcher ?.................................. Pouvez-vous courir ? oui non si vous tombiez dans un trou avec une canne aidé par quelqu’un pas du tout .............................. ......................................... ..................................... .............................. ......................................... ..................................... Vous arrive-t-il de vous retenir pour ne pas tomber ? jamais rarement quelques fois souvent Comment entendez-vous ? pas du tout moins qu’avant l’opération pareil qu’avant mieux qu’avant du côté opéré ?........................... ......................................... ................................................... ........................................ de l’autre côté ?.......................... ......................................... ................................................... ........................................ Entendez-vous moins bien dans la foule ? oui non Pouvez-vous localiser le côté d’où vient un bruit ? Avez-vous des bourdonnements d’oreille ? oui non oui non si oui, précisez : dans le silence du côté opéré tout le temps intolérables oui non .......................... ...................................... ...................................... de l’autre côté oui non ......................... ...................................... ...................................... Sont-ils aigus ............. graves Ont-ils été déclenchés ............. continus arrêtés aggravés ............. intermittents diminués Mouvements de la face du côté opéré inchangés par l’opération normalement un peu pas du tout Pouvez-vous bouger le coin de la bouche ............................................. .................................. ............................... Pouvez-vous soulever le sourcil ............................................................. .................................. ............................... Pouvez-vous fermer l’œil ........................................................................ .................................. ............................... De combien de millimètres reste-t-il ouvert : mm. Quand vous sifflez, votre bouche est : symétrique très déviée Votre visage est-il symétrique au repos ? ..... discrètement déviée ..... découvre vos dents oui non Avez-vous des contractions involontaires de la face ? quand vous souriez ? oui non oui non Avez-vous eu besoin de séances de rééducation de la face ? Votre œil se ferme-t-il lorsque vous souriez ? oui non si oui, combien : oui non L’œil du côté opéré pleure ? oui non pleure exclusivement au moment des repas ? oui non est sec ? oui non vous brûle ? oui non Voyez-vous trouble ? oui non Son acuité est-elle diminuée ? oui non Voyez-vous double ? oui non Traitement actuel pour cet œil ? aucun autres : ..... pommades ..... gouttes ..... sparadrap ..... 186 W. PELLET, P.-H. ROCHE Neurochirurgie TABLEAU V. — Notre questionnaire. (suite) TABLE V. — Our questionnaire. (continued) Sensibilité de la face du côté opéré En la touchant, sentez-vous moins bien que de l’autre côté ? oui non si oui, au niveau du front ..... de la joue ..... du menton Sans la toucher, sentez-vous un engourdissement ? si oui, au niveau du front ..... de la joue oui non ..... du menton Avez-vous des douleurs ? oui non si oui, au niveau du front quand ? tout le temps ..... de la joue Avez-vous des douleurs ? oui non Maux de tête Dans le cou ..... du menton ..... par moment ..... en touchant si oui, précisez : ..... Douleurs dans l’oreille ..... Dans la mâchoire Dans la cicatrice derrière l’oreille ..... derrière l’oreille ..... Dans l’œil droit ..... le gauche ..... les deux ..... Dans la cicatrice abdominale Avez-vous des difficultés à vous alimenter ? oui non Avalez-vous normalement ? oui non si oui, précisez : perdez-vous les aliments dans la bouche ? oui non Les aliments ressortent-ils involontairement par la bouche ? oui non Avalez-vous de travers les liquides ?oui nonles solides ? oui non Êtes-vous devenu maladroit ? de la main droite Votre écriture a-t-elle changé ? oui non de la main gauche en quoi ? : Avez-vous subi d’autres opérations en rapport avec celle du neurinome ? oui non Tarsorraphie (fermeture de l’œil) Esthétique Autres anastomose du nerf facial laquelle ? : lesquelles ? : Avez-vous repris une vie normale ? sur le plan : Social oui non familial oui non Intellectuel oui non sportif oui non sexuel oui non professionnel oui non autre : Précisez la nature de vos troubles : Votre caractère a-t-il changé ? oui non si oui, précisez : Êtes-vous plus anxieux ? oui non ...... plus fatigué ? oui non plus irritable ? oui non ...... plus déprimé ? oui non Avez-vous des troubles du sommeil ? oui non ...... du language ? oui non de la mémoire ? oui non ..... de la concentration ? oui non Travailliez-vous avant l’opération ? oui non Combien de jours êtes-vous resté hospitalisé après l’opération ? : Avez-vous repris le travail ? oui non Est-ce le même travail ? oui non si oui, au bout de combien de temps ? : si non, pourquoi ? : Quel est le problème qui vous gène le plus depuis l’opération ? (parmi ceux déjà cités ou un autre) Vol. 50, n° 2-3, 2004 SCHWANNOMES VESTIBULAIRES : ÉVOLUTION DE LA MICROCHIRURGIE le cadre d’une NF2 ou intervention unilatérale mais chez un malade porteur d’une tumeur sur la seule oreille entendante. Il s’agit là d’une solution possible à un problème très douloureux. Il sera plus spécialement abordé par Jean-Pierre Lejeune dans un chapitre spécifique ultérieur. Durant ces années 90, le diagnostic se faisait de plus en plus précocement, tant sur le plan clinique qu’anatomique, et les préoccupations concernant le devenir post-opératoire ont pris plus d’acuité. Les chirurgiens, compte tenu de la gravité pronostique des tumeurs évoluées qu’ils étaient amenés à prendre en charge, avaient tout juste eu besoin, jusque là, de justifier leur geste. Bien sûr, ils avaient tout fait pour en améliorer le résultat mais l’indication ne semblait pas discutable et les éventuelles séquelles restaient à la charge de l’opéré. Maintenant, ils doivent apporter la preuve du bien-fondé de leurs indications, face surtout à une petite tumeur dont la bénignité avérée peut laisser espérer un très long délai de vie normale, et ce d’autant plus que les moyens audiométriques et radiologiques autorisent désormais une surveillance aisée et sécurisée. Le risque vital, bien que minime, ne peut jamais être passé sous silence. Il n’est pas facile d’expliquer à un malade qui ne se plaint de quasiment rien et à sa famille que ce risque existe, même s’il est réduit au minimum, d’autant que le petit 1 % généralement avancé devient 100 % chez celui sur qui ça tombe. Le risque fonctionnel, lui, n’est pas négligeable et les mentalités commençaient d’exiger que le malade soit mis au courant. Il est essentiel de bien expliquer le risque facial, bien sûr, le risque cochléaire, évidemment, mais aussi les diverses séquelles fonctionnelles possibles, les problèmes d’équilibre, les acouphènes, les manifestations oculaires post-paralytiques ou simplement par insuffisance lacrymale, les douleurs post-opératoires diverses, en particulier les céphalées, les éventuelles difficultés de déglutition. Il était tout aussi important de prendre en compte le retentissement psychologique de l’acte, surtout lorsque celui-ci est suivi d’une séquelle, la plus minime soit-elle. — C’est dans ce contexte que nous avons ressenti le besoin d’évaluer précisément chacun des aspects fonctionnels post-opératoires en ne se limitant plus seulement au problème du nerf facial et à celui de l’audition. Les résultats de cette enquête [152] nous ont bien fait prendre conscience du décalage entre la satisfaction post-opératoire des chirurgiens, préoccupés essentiellement par leurs résultats en matière de nerf facial et de nerf cochléaire, et le vécu des opérés supportant dans leur chair, outre les éventuels problèmes de mimique ou de surdité, bien d’autres problèmes, peut-être bénins mais sus- 187 ceptibles d’empoisonner leur vie. L’exemple le plus frappant est certainement celui des problèmes oculaires mineurs tels que les brûlures, picotements et autres sensations diverses consécutives à la sécheresse oculaire, présents chez 83 % des opérés et souvent très gênants, et nous ne parlons pas des problèmes trophiques cornéens endurés parfois par les opérés qui ont eu, malheureusement, une paralysie faciale post-opératoire franche, même si celleci a ensuite en grande partie régressé. Pour préciser encore mieux toutes ces données, il serait important que d’autres équipes utilisent la même démarche, et c’est la raison pour laquelle nous présentons, dans le tableau V, le feuillet d’enquête que nous avions adressé à nos malades. — C’est également dans ce même contexte, que certains, conscients de la disproportion entre le risque fonctionnel post-opératoire potentiel et la bénignité clinique et anatomique des petits schwannomes, les intra-canalaires surtout, qu’ils avaient à prendre en charge, ont continué à se poser des questions quant à la nécessité d’opérer les petites tumeurs. Ils ont proposé, comme solutions de rechange, l’abstention [9, 49, 201], bien sûr accompagnée d’une surveillance clinique, audio-vestibulaire et radiologique sérieuse, l’exérèse incomplète, voire partielle [106, 132] pour réduire le volume tumoral tout en respectant la fonction des nerfs ou encore, dans certains cas bien particuliers de NF2 ou de tumeur sur oreille unique, la simple décompression des nerfs dans le conduit auditif interne [64], pour prévenir ou plutôt retarder et limiter autant que faire se peut la compression des nerfs à l’intérieur du CAI. Toutes ces méthodes, en fait, ne sont que palliatives et, au mieux, ne permettent que de retarder un temps les problèmes. — C’est toujours dans ce contexte que, dans le début des années 90, nous étions à la recherche d’une méthode qui soit la moins agressive possible, capable de limiter encore les séquelles fonctionnelles de la microchirurgie et qui soit, si possible, plus efficace que les palliatifs proposés jusque-là. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés au Gamma Knife et que nous avons adhéré avec enthousiasme au programme proposé par l’équipe du Professeur Robert Sedan lorsque celui-ci a réussi à faire installer ce nouvel outil neurochirurgical dans l’Hôpital de La Timone à Marseille. L’équipe oto-neuro-radiochirurgicale de La Timone était née. Elle a traité son premier cas de schwannome vestibulaire le 14 juillet 1992, une date que nous ne sommes pas prêt d’oublier. Depuis, notre équipe a traité plus de 1 400 schwannomes vestibulaires, et ce travail, à l’orée des années 2000, doit permettre d’évaluer les résultats de notre action en matière de radiochirurgie des schwannomes. 188 W. PELLET, P.-H. ROCHE Ce survol historique s’est efforcé de montrer l’évolution des connaissances en matière de schwannomes depuis les premiers cas reconnus, puis traités. Bien des choses se sont clarifiées, mais il est évident que bien des interrogations persistent, et ce sont certaines d’entre elles que nous allons aborder maintenant. RÉFÉRENCES [1] ANDERSON H, BARR B, WEDENBERG E. Intra-aural reflexes in retrocochler lesions. Nobel Symposium 10. Stockholm : Almqvist & Wiksell, 1969. [2] ATKINSON WJ. Anterior inferior cerebellar artery : its variations, pontine distribution and significance in surgery of cerebello-pontine angle tumors. J Neurol Neurosurg Psychiatr 1949 ; 12 : 137-151. [3] ATLAS M, HARVEY C, FAGAN P. Acoustic neuroma hearing preservation surgery. Five year follow-up results. In : TOS M TJE, ed. Acoustic neuroma. Proceedings of the First International Conference on Acoustic Neuroma, Copenhagen, Denmark, August 25-29, 1991. Amsterdam/New York : Kugler Publish, 1992 : 681-687. [4] BAKER ML. Myelographic examination of the posterior fossa with positive contrast medium. Radiology 1963 ; 81 : 791-801. [5] BALDWIN DL, KING TT, MORRISON AW. 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