La culture victime de Sarkozy

Transcription

La culture victime de Sarkozy
La culture victime de Sarkozy
29/02/08 16:58
La culture victime de Sarkozy
Christine Albanel à la Biennale de Venise, le 8 juin 2007. (photo Reuters)
Subventions en baisse, budgets d’austérité, la politique culturelle du gouvernement est contestée.
Mobilisation nationale aujourd’hui.
GÉRARD LEFORT
QUOTIDIEN : vendredi 29 février 2008
L e 4 avril 2007, le candidat de la droite s’exprimait sur la culture : «Je veux que la culture soit faite pour le
peuple.» Lénine ? Non, Sarkozy. Une fois devenu hyperprésident, Nicolas Sarkozy envoyait le 1 er août une «Lettre
de mission» à Christine Albanel, ministre de la Culture. Où il développait ses «priorités» (défense de la diversité
culturelle, valorisation du patrimoine…) mais en les augmentant d’un diagnostic asséné comme une évidence :
«L’échec de la démocratisation culturelle. Financée par l’argent de tous, elle ne bénéficie qu’à un tout petit
nombre.» S’en suivait un nouvel appel au peuple, pour faire passer l’acidité du plat de résistance : «La
démocratisation culturelle, c’est veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant
aux attentes du public.» Privilégier la demande (du peuple) plutôt que l’offre (des créateurs), obligation de
résultats, menaces d’un contrôle et de sanctions via l’audimat des publics que, dès lors, il aurait été plus franc
d’appeler des clients. La grenade des «lois du marché» était jetée dans le jardin de la culture.
«Austérité».On la crut désamorcée lors de la présentation le 26 septembre du budget de la Culture par Albanel.
Environ 3 milliards d’euros, en progression de 3,2 % (lire ci-contre). Mais au fil du temps, d’un budget «en
hausse», on passa à un budget «reconduit» par rapport à 2007 (en français, en baisse, compte tenu de
l’inflation) puis à «un budget d’austérité», formule employée par Albanel lors de ses Entretiens de Valois
annoncés comme le Grenelle de la culture. Au nom d’une rentabilité à courte vue (dont la réduction du nombre
des fonctionnaires dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques), la baisse des subventions tous
azimuts devrait être de 20 %.
Panique dans le monde de la culture. Et nouvelle tentative de déminage avec ces Entretiens de Valois dont le
but, classique en stratégie des entreprises, fut de diviser pour mieux embrouiller. En janvier, la ministre,
lyophilisant la culture au seul domaine des arts vivants, ménageait ce qu’elle appelle «le cœur de réseau»
(Scènes nationales et Centres dramatiques nationaux). A cette loterie ne récompensant que les «notables» (déjà
abondamment subventionnés), ce sont mathématiquement les petits qui sont appelés à souffrir. Le vent de
panique vire alors à la tempête et la tentative d’enfumage tourne court.
http://www.liberation.fr/culture/312828.FR.php?mode=PRINTERFRIENDLY
Page 1 sur 2
La culture victime de Sarkozy
29/02/08 16:58
Mercredi au théâtre de l’Odéon (Libération d’hier), la réunion du ban et de l’arrière-ban des metteurs en scène
du théâtre public est à cet égard «historique» : les gros ont frayé avec les petits pour un mouvement de
solidarité et de très mauvaise humeur. Preuve que le malaise, s’il est indexé sur les restrictions budgétaires, est
plus fondamentalement causé par la décision d’imposer à la politique culturelle des modèles économiques
relevant de l’idéologie libérale la plus benoîte.
La ligne générale est au désengagement de l’Etat (à l’exception des grands établissements vedettes), sur l’air
d’un «démerdez-vous» qui recouvre aussi bien l’incitation à faire entrer massivement le secteur privé dans le
système culturel (mécénat, parrainage…) ou à créer des services ou des activités commerciales propres (les
fameux «produits dérivés») que la délégation aux régions. Ce qui dans tous les cas fait songer au leitmotiv des
martiens envahissant la planète Terre dans le film Mars Attacks de Tim Burton : «Ne courez pas, nous sommes
vos amis.» Car il est évident qu’un groupe privé (au hasard LVMH) ira à une manifestation culturelle de prestige
destinée à dorer son blason, de préférence à un zébulon bidouillant de l’art numérique dans un garage de
Charleville.
Clientélisme. L’accroissement de la délégation des décisions budgétaires aux régions n’est guère plus
convaincant. La politique de décentralisation culturelle ne date pas de l’ère Sarkozy. Les Drac (Directions
régionales des affaires culturelles) ont été créées en 1977. Ce système a ses vertus (notamment via les Frac,
Fonds régionaux d’action culturelle, avec la constitution et la diffusion de collection d’œuvres d’art contemporain
de qualité).
Mais faute d’avoir été accompagnée d’une politique de formation de cadres culturels locaux compétents, la
délégation a induit un défaut fondamental : le clientélisme, voire le populisme régionaliste. Dans une période de
restrictions budgétaires, on voit mal comment ce défaut ne pourrait pas dégénérer : soutien prioritaire à la
culture spectaculaire et aux «amis», l’un n’excluant pas l’autre. Verra t-on au nom du principe de rentabilité
économique appliqué à la culture, tel responsable de théâtre subventionné, tel responsable de musée, soumettre
sa programmation aux élus locaux ? Dans certaines régions, ce cauchemar est déjà d’actualité.
Accéder au forum «La culture est-elle en péril?»
http://www.liberation.fr/culture/312828.FR.php
© Libération
http://www.liberation.fr/culture/312828.FR.php?mode=PRINTERFRIENDLY
Page 2 sur 2

Documents pareils