Les révoltes d`esclaves à travers l`histoire

CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LES RÉVOLTES D’ESCLAVES
à travers l’Histoire
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Nègre rebelle en faction, gravure de Tardieu Laimée.
Association ALDÉRAN Toulouse
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conférence N°1000-143
LES RÉVOLTES D’ESCLAVES
Seuls les hommes libres se battent pour leur liberté
conférence d’Éric Lowen donnée le 15/02/2014
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Qui a dit que les esclaves n’avaient pas eu d’histoire ? Qu’ils avaient passivement accepté
leur condition et baissé la tête ? De Spartacus à la république de Zambie, en passant par
Haïti, voilà une autre histoire, que les vainqueurs ont tout fait pour effacer : celle des
innombrables révoltes d’esclaves, depuis l’Antiquité jusqu’aux ultimes abolitions. Le fait de se
battre pour reconquérir sa liberté est déjà le fait d’hommes libres.
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LES RÉVOLTES D’ESCLAVES
Seuls les hommes libres se battent pour leur liberté
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
«Et aux esclaves du monde, nous crierons : soulevez-vous et rejetez vos chaînes.»
Howard Fast
Spartacus
I
INTRODUCTION
1 - La permanence du fait esclavagiste à travers le temps
2 - Et la permanence de faits de résistance, d’opposition et de révolte
3 - Mais tout le monde sait que les perdants n’ont pas d’histoire ...
4 - Une sorte de point aveugle de l’histoire, quand ce n’est pas un tabou historique
5 - Des révoltes qui prendront différentes formes, entre révoltes passives et révoltes actives
6 - Les résistances passives des esclaves au quotidien
7 - Les résistances actives et les révoltes
II
DANS L’ANTIQUITÉ GRECQUE
1 - Une des causes des crises sociales d’Athènes, aboutissant aux réformes de Solon
2 - Les révoltes des mines du Laurion en - 425
3 - L’exemple des révoltes des hilotes de Sparte
III
DANS L’ANTIQUITÉ ROMAINE, PLUSIEURS GUERRES SERVILES
1 - Les grandes révoltes de Sicile du 2eme siècle avant JC, conséquence des guerres puniques
2 - La première grande révolte de - 140 à - 132 menée par Eunous
3 - La seconde révolte menée par Salvius Tryphon et par Athénion (- 104 à -101)
4 - La grande révolte de Spartacus (vers -70 /-71)
5 - Des mouvements résiduels jusqu’à la fin du 1er siècle AJC
IV
DANS L’EUROPE MÉDIÉVALE ET FÉODALE, LES RÉVOLTES DE SERFS
1 - Le servage, continuation de l’esclavage dans le cadre chrétien et médiéval
2 - Rarement des révoltes collectives de serfs seuls
3 - Ils se joindront plutôt aux révoltes aux jacqueries paysannes de la faim et de la misère
4 - Des révoltes complexes, où la lutte anti-servage est mineure face aux autres revendications
5 - La forme la plus courante de révolte sera individuelle, en cherchant à échapper au servage
6 - Ils profitèrent du droit d’asile chrétien et des sauvetés
V
LES RÉVOLTES D’ESCLAVES DANS LES COLONIES
1 - Aux révoltes des indiens succéda celles des africains
2 - De nombreuses révoltes lors du «passage du milieu», l’exemple de La Amistad en 1839
3 - La permanence des nègres marrons, le marronage
4 - Qui se regroupaient parfois en communautés, les mocambos ou quilombos au Brésil
5 - L’exemple du Quilombo de Palmarès au Brésil (1604-1694)
6 - L’exemple des révoltes du Surinam au 18ème siècle, la grande révolte de la Cottica en 1772
7 - Autres exemples, les grandes révoltes de la Jamaïque en 1739 et d’Haïti en 1791 menée par
Toussaint Louverture
8 - Des révoltes récurrentes jusqu’aux abolitions de l’esclavage (1848 en France)
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VI
LES RÉVOLTES D’ESCLAVES AUX USA
1 - La difficulté des informations, la spécificité de la «Peculiar Institution» (institution particulière)
2 - La révolte individuelle : la fuite vers les états libres et le chemin de fer de minuit
3 - Les mouvements collectifs de révolte furent plus rares
4 - L’exemple de la révolte de Denmark Vesey en 1822 à Charleston en Caroline du Sud
5 - L’exemple de la révolte de Nat Turner en 1831 en Virginie
6 - Les régiments noirs lors de la guerre de sécession (1861-1865)
VII
CONCLUSION
1 - Quelques exemples parmi des centaines d’autres trop méconnus
2 - La remise en cause des images de l’esclave soumis et de l’esclavage «libéré»
3 - Des révoltes le plus souvent vouées à l’échec
4 - Mais le signe d’une première victoire : seul des hommes libres se battent pour leur liberté
5 - Preuve que tous les esclaves n’avaient pas accepté «l’esprit de servitude»
6 - Réhabiliter la mémoire de ces «damnés de la terre», c’est leur redonner leur humanité et
leur dignité
7 - Une historiographie libératrice, s’opposant à la volonté des esclavagistes d’effacer le souvenir
de ces révoltes
8 - Tant qu’on se souviendra de leur lutte, ils ne seront pas morts pour rien
9 - Et leurs souvenirs inspireront d’autres révoltes
ORA ET LABORA
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Document 1 :
C'est une absurdité que de parler du bonheur que peuvent goûter les esclaves. Je perds
patience quand j'entends ces sincères apologies des hommes du Nord, qui essayent
ainsi de pallier nos fautes ! Nous savons mieux ce qu’il en est. Osez me dire qu'un
homme doit travailler toute sa vie, depuis l'aube jusqu'au soir, sous l'œil vigilant d'un
maître, sans pouvoir manifester une fois une volonté irresponsable,... courbé sous la
même tâche monotone et terrible, et cela pour deux pantalons et une paire de souliers
par an, avec tout juste assez de nourriture pour être en état de continuer sa tâche,... oui,
qu'un homme me dise qu'il est indifférent à une créature humaine de se voir traitée de
cette façon,.. et cet homme, ce chien ! je l'achète et je le ferai travailler sans scrupules,
lui !
Harriet Beecher-Stowe (1811 - 1896)
La case de l'oncle Tom
Document 2 :
Cette colonie ne fut pas plutôt délivrée de ses ennemis extérieurs et déclarés, qu'elle en
rencontra de bien plus redoutables chez elle.
Les Caraïbes et autres nations indiennes avaient, dans les premiers temps, inquiété, il
est vrai, cet établissement; mais le gouverneur Somelsdyk, peu de temps après son
arrivée dans la colonie, avait fait la paix avec eux. Ces sauvages l'avaient maintenue, et
depuis ils avaient vécu avec les Européens dans la meilleure intelligence, ainsi que de
bons voisins enfin, et des amis.
Les esclaves nègres, révoltés, sont ces ennemis dont je me propose de parler
maintenant. Pendant quelque temps, ils répandirent une terreur générale dans la colonie,
et menacèrent de l'enlever aux États de Hollande.
Quelques nègres fugitifs avaient, d'ancienne date, cherché un asile dans les forêts de
Surinam; mais ils furent en petit nombre jusque vers l'an 1726 et 1728, époque où ils
s'augmentèrent de beaucoup. Alors, ils pillèrent des plantations, et se procurèrent des
fusils et des lances. Ces nouvelles armes, jointes à celles dont ils se servaient
ordinairement, l'arc et les flèches, les mirent en état de commettre de continuels ravages
sur les plantations de sucre et de café. Ils y étaient excités, tant par esprit de vengeance
des traitements inhumains qu'ils avaient endurés de leurs maîtres, que par le désir du
pillage, et principalement celui d'enlever de la poudre, des balles et des haches, afin de
pourvoir à leur défense, à l'avenir.
Ces nègres s'étaient en général établis sur les bords de la partie supérieure des rivières
de Copename et de Saraméca. On leur donna le nom de cette dernière (rebelles de la
Saraméca pour les distinguer des autres bandes qui se révoltèrent ensuite.
Plusieurs détachements de troupes et d'habitants furent envoyés contre eux; mais ils ne
les réduisirent que faiblement, et n'en tirèrent à peu près que des promesses.
En 1730, on fit une exécution barbare sur onze malheureux nègres captifs, afin
d'épouvanter leurs compagnons, et les porter à se soumettre. Un homme fut suspendu
vivant à un gibet par un croc de fer, qui lui traversait les côtes deux autres furent
enchaînés à des pieux, et brûlés à petit feu, six femmes furent rompues vives, et deux
filles décapitées : tel fut leur courage au milieu des tortures, qu'ils les endurèrent sans
pousser un soupir. Cette atrocité produisit un effet contraire à celui qu'on avait attendu.
Les rebelles de la Saraméca en furent si furieux que, pendant plusieurs années, ils
devinrent des plus redoutables aux colons. Ceux-ci, ne pouvant supporter plus longtemps
les dépenses de cette guerre et les fatigues qu'il fallait essuyer en poursuivant leurs
ennemis dans les bois; rebutés de plus par les pertes énormes que leur causaient les
fréquentes invasions des nègres, et par la terreur continuelle qui en était la suite, se
décidèrent enfin à traiter de la paix avec eux.
Le gouverneur Maurice qui, en 1749, se trouvait à la tête de la colonie, envoya un
détachement considérable vers leurs établissements de la Saraméca, afin, s'il était
possible, de conclure cette paix si ardemment désirée. Ce détachement, après quelques
escarmouches avec plusieurs partis écartés de rebelles, arriva à la fin dans leurs
quartiers principaux, où il demanda et obtint un pourparler. On y arrêta les préliminaires
d'un traité de paix, composé de dix ou douze articles, et pareil à celui qui avait été fait, en
1739, entre les Anglais et les rebelles de l'île de la Jamaïque.
Jean-Gabriel Stedman
Capitaine au Surinam
Une campagne de cinq ans contre les esclaves révoltés
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Tout pays où l'esclavage est établi doit fréquemment s'attendre à des insurrections et des
troubles, principalement lorsque les esclaves forment la majorité des habitants ; mais la
colonie hollandaise de Surinam a été particulièrement infortunée en ce point. Soit que les
forêts immenses qui couvrent la partie la plus considérable de cette contrée offrent une
retraite facile aux fugitifs, soit que le gouvernement y renferme quelque vice radical, il est
certain que les Européens y sont constamment exposés aux outrages les plus sanglants,
et leurs établissements aux plus violents ravages.
La nouvelle apportée en 1772, en Hollande, qu'un corps considérable de nègres armés,
qui s'était rassemblé dans les forêts, devenait extrêmement dangereux pour la colonie,
détermina leurs Hautes-Puissances, les États des Provinces- Unies, à envoyer des
forces capables de s'opposer aux insurgés, et même, s'il était possible, d'étouffer la
révolte.
Jean-Gabriel Stedman (1744 - 1797)
Capitaine au Surinam, Une campagne de cinq ans contre les esclaves révoltés
Document 3 :
L'apprentissage de la lecture ne représentait pas, pour les esclaves, un passeport
immédiat pour la liberté, mais plutôt le moyen d'accéder à l'un des puissants instruments
de leurs oppresseurs : le livre. Les propriétaires d'esclaves (de même que les dictateurs,
tyrans, monarques absolus et autres détenteurs illicites du pouvoir) étaient bien
convaincus de la puissance de l'écrit. Ils savaient, beaucoup mieux que certains lecteurs,
que la lecture est une force qui n'a besoin que de quelques premiers mots pour devenir
irrésistible. Quiconque peut lire une phrase peut tout lire ; plus important, ce lecteur a
désormais la possibilité de réfléchir à la phrase, d'agir sur elle, de lui donner un sens. "On
peut faire l'idiot avec une phrase, dit Peter Handke. S'affirmer à l'aide d'une phrase contre
d'autres. Nommer tout ce qu'on rencontre devant soi et l'écarter de son chemin. Se
familiariser avec tous les objets. Faire de tous les objets une phrase dans la phrase. Avec
cette phrase, tous les objets sont à vous". Autant de raisons d'interdire la lecture.
Alberto Manguel
Une histoire de la lecture, 1996
Document 4 :
Et je suis libre. Il n'y a pas eu un moment de liberté pour mon père ni mon grand-père;
mais en cet instant, moi le suis un homme libre. C'était un sentiment qui l'envahissait tout
entier, comme un vin, et qui l'enivrait. Mais, en même temps, il avait peur. Ce n'est pas si
simple d'être libre, d'être libre quand en a été esclave depuis si longtemps depuis tout le
temps où l'on a vécu, tout le temps où ton père a vécu.
Howard Fast (1914 - 2003)
Spartacus, 1961
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Quelques livres et revues générales
- Résistances et révoltes contre les pouvoirs établis - De l'Antiquité à nos jours, Collectif, EDS Ibis Rouge,
2004
- Dossier spécial “La vérité sur l’esclavage”, dossier collectif, L’histoire N°280, octobre 2003
- L’esclavage, Maurice Lengellé, PUF, 1967
- Treblinka : la révolte d’un camp d’extermination, Jean-François Steiner, Fayard, 1966
Sur les révoltes d’esclaves dans l’Antiquité
- Les institutions de l’Antiquité, de Jean Gaudemet, Editions Montchrestien, 2000
- Les esclaves en Grèce ancienne, Yvon Garlan, La Découverte, 1995
- L’esclavage dans le monde grec, Yvon Garlan, les belles lettres, 1994
- Spartacus et la révolte des gladiateurs, Catherine Salles, Éditions Complexe, 1990
- Le travail en Grèce et à Rome, Claude Mossé, PUF, 1971
- Spartacus, Howard Fast, J’ai lu, 1961
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Sur la période médiévale
- Les révoltes paysannes en Europe, XIVe-XVIIe siècles, Hugues Neveux, Hachette Pluriel Référence, 1999
- La Mutation de l’an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des Xe et XIe siècle,
Dominique Barthélemy, Fayard, 1997
- Révoltes populaires en Occitanie, Moyen-Âge et Ancien Régime, Daniel Borzeix, René Pautal et Jacques
Serbat, Editions les monédieres, 1982
- Histoire sociale de l’Occident médiéval, R. Fossier, 1970
Sur la période coloniale
- Les femmes dans le marronnage à l'île de la Réunion de 1662 à 1848, Marie-Ange Payet, L’Harmattan,
2013
- Quilombos dos Palmares, Lectures sur un marronnage brésilien, Gérard Police, Eds Ibis rouge, 2003
- Les esclaves de la République - l'histoire de la première abolition 1789-1794, Laurent Dubois, CalmannLevy, 1998
- Amistad, Pesci David, Succès du livre, 1998
- Le Code noir, ou le calvaire de Canaan, Sala-Molins, PUF, pratiques théoriques, 1998
- Une grève d'esclaves à Alger au 18e siècle, M. Launay, Editions Rocher J.P., 1998
- L’abolition de l’esclavage de 1848, une lecture de Victor Schœlcher, Fabienne Fédérini, L'Harmattan, 1998
- Esclaves et planteurs, Michel Fabre, Julliard, 1970
- De l’esclavage à la liberté, histoire des afro-américains, John Hope Franklin, Éditions Caribéennes, 1966
Livres et témoignages d’époque
- La case de l’oncle Tom, Stowe Harriet Beecher (1852), Hachette
- Tamango, Prosper Mérimée (1829), Editions Magnard, 2001
- Capitaine au Surinam, une campagne de cinq ans contre les esclaves révoltés, Jean-Gabriel Stedman
(1797), Sylvie Messinger Éditrice, 1989
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