restaurant du palais garnier press book odile decq

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RESTAURANT DU PALAIS GARNIER
PRESS BOOK ODILE DECQ
Réalisation et exploitation d’un restaurant au sein du Palais Garnier
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9 PLACE DU GENERAL CATROUX
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Surface approx. (cm²) : 6340
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0CTUALITE
Résonance romaine
MACRO/Muiée d'art contemporain de Rome
Jeune institution municipale le musee d art contemporain de Rome (MACRO) est étroitement inscrit dans le tissu de la ville - pas celle des touristes maîs
celle des Romains de souche - au risque de passer inaperçu Pour le dénicher, il faut sortir des sentiers battus au-delà de la gare Teimini, puis dépasser la
Porte Fia pour s'aventurer dans le quartier Nomentana érige sur le versant orienta! du Pincio des la fin du 19e siecle Un équivalent du 17e arrondissement
de Pans Le musee y occupe une emprise des anciennes brasseries Feront dont une partie des bâtiments a ete recyclée quinze ans auparavant Laissé
en fnche, le reste de Mot lui compose un gisement providentiel dans ce quartier dense et serre, plutôt bourgeoisement habité, à proximite du parc de la
villa Borghese Cette inscription urbaine fait du MACRO un lieu attachant et profondement romain, reservant la surprise d'un contenu contemporain a
qui sait en trouver le chemin Lextension envisagée des la fin des années 1990 devait conforter l'institution en lui apportant l'ampleur et la visibilité qui lui
manquaient, sans pour autant compromettre l'intimrte de sa relation au quartier. Texte et propos recueillis par François Lamarre
Esprit es-tu là ?
Dix ans pour realiser une extension dè musee, c'est
beaucoup. A quoi tient cette longue gestation '
Pour commencer le concours ouvert internats
nal en deux phases s'est déroule sur deux ans
entre 2000 et 2001 et la signature du contrat
avec la ville est intervenue en septembre 2001
sur une esquisse recalée, au prix d'une dizaine
de déplacements Sinon, le temps des etudes a
ete plus que normal puisque le définitive I equi
valent de notre AFD a ete valide a l'été 2002 et
I executive dossier d'appel d offres etabli a partir
de series de prix, I ete suivant en 2003 C'est
apres que les choses ont commence a traîner
des l'ouverture du chantier en 2004 La raison
principale en incombe au mode de devolution
des marches Préalablement scindes en deux
lots construction et prestations interieures ils
ont ete attribues selon I usage du pays aux entreprises les moins disantes apres d âpres negociations Lentreprise de construction qui avait
consenti un rabais de 26% a tourne autour du
chantier pendant un an et demi le temps d'obte
mr un complement de budget avant de s y mettre vraiment Le titulaire du deuxieme marche qui
avait consenti une remise de 16% a quant a lui
disparu pour de bon ' Le suivant qui offrait 10%
a récupère I affaire en s engageant aux mêmes
conditions avant de jeter l'éponge a son tour i
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Entretien avec Odile Decq
Le troisieme qui offrait 7% a pris la relevé en
faisant un chantage permanent pour obtenir des
rallonges Ladministration et I entreprise jouent
ainsi au chat et a la souris la ville s'appuyant
sur une societe filiale pour la direction de chan
tier Forcement le chantier tire en longueur Maîs
I ouverture au public doit impérativement se faire
avant la fin de I annee
Dans te contexte romain, on aurait plutôt imagine
des difficultés liées au patrimoine ou aux riverains.
La contrainte patrimoniale a ete insignifiante On a
bien trouve en creusant les restes d'une fontaine
du 18e siecle maîs ils n ont pas retenu I attention
des services concernes En revanche, les vestiges
d'une carriere datart de I epoque romaine avec
son front taille ont dû être intègres a I ouvrage
d'infrastructure du parking souterrain A Rome
l'Antiquité est sacralisée sans craindre la contradiction Quant aux riverains la communication
a ete bien menée Ils ont vite compris leur intérêt
Des places de parking leur ont ete proposées
en sous-sol Car l'ouvrage descend jusqu'à 15
metres de profondeur avec trois niveaux de stationnement et deux niveaux de stockage pour le
musee L'espace public amenage au-dessus a fait
le reste, tout comme le maintien des façades sur
les rues Et puis le quartier s en trouve valorise
A quoi d'autre s'est occupée l'agence
ODBC pendant ces dix ans ?
Tout d'abord, nous avons dispute beaucoup
de concours internationaux comme celui de
Rome au moins une trentaine en dix ans i Et
puis réalise quèlques operations dont la reno
vallon du hall de I Unesco a Paris, en 2001
avec tout le mobilier afférent des bureaux ex
perimentaux pour Sollac sur le site siderurgi
que de Dunkerque le pavillon d information
d un parc d exposition a Shanghai
Deux
projets lauréats sont actuellement en chan
tier le FRAC de Bretagne remporte en 2004
et le Pavillon 8 du quai Rambaud, a Lyon
Confluence Démarre également le restaurant
gastronomique de I Opera Garnier, un projet
tenu secret jusqu a ce jour 250 couverts i
D'autres projets lauréats sont hélas enlises ou
diffères des logements a Florence, le terminal
passagers du port de Tanger Maîs en atten
dent nous construisons au Maroc des bureaux
a Rabat et nous étudions un port de plaisance
en Sicile Si I epoque est difficile, l'activité ne
manque pas
Construire a partir d'un existant, dans un cadre
contraint, n'est-ce pas un peu frustrant pour
un architecte qui privilégie la creation '
Eléments de recherche : RESTAURANT DE L'OPÉRA GARNIER : à Paris 9ème, toutes citations
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Architectes urbanistes
Odile Decq et Benoit Carnette
Etrangère, je n'ai pas intériorise tout
ce passe qui empoisonne le cours
des choses au quotidien, ni fait de la
ruine un horizon indépassable
Non cela nous a plutôt servi Avec
Benoît Cornette cles le concours
nous avons décide d'avancer mas
ques en gardant le maximum de fa
çades comme suggère dans le pro
gramme et en ouvrant I îlot juste sur
un angle pour trouver une nouvelle entree Derrière ces façades anciennes
nous étions tranquilles et libres de
faire quelque chose de radical Cette
strategie s est avérée payante.
Maîs "le rouge et le noir" ne sont-ils pas
une signature personnelle, sans rapport
avec le contexte, la griffe d'Odile Decq '
Le noir est une autre forme de neu
tralite que le blanc La boîte blanche
et neutre préconisée pour les musees
n est pas la seule réponse Daniel
Buren dit bien que I artiste peut s'installer en resistance au lieu en oppo
sillon C'est une dynamique de I art
contemporain Maîs au MACRO les
galeries d'exposition sont classique
ment blanches Seuls les lieux d'accueil et les coulisses sont noirs J ai
d ailleurs pris cette decision de pas
ser tout en noir en cours de chantier,
notamment pour conserver au lieu
son caractère industriel, avec une
charpente métallique plutôt rustique
I existante manifestement bricolée et
la nouvelle délibérément brutale Le
noir apporte aussi une touche de so
phistication que | apprécie
Le manque cle visibilité est-il un handicap
en l'absence de geste démonstratif '
Je m adapte au contexte et n epreuve
pas le besoin de me montrer Mon ego
est ailleurs En constatant la déclivité
du terrain et les 4,50 metres de déni
vêle entre les rues, nous avons décide
au contraire de creuser pour dégager
un volume interieur suffisant et fabriquer en toiture un espace pour la ville
Cet amenagement est d'autant plus
accessible qu'il n'est pas trop haut
A défaut de façades, nous avons un
toit une cinquieme façade' ouverte
a tous et partagée Et en dessous
le musee s enroule sur lui même,
dessinant plusieurs circuits de visite
possibles Le visiteur part ainsi a la
decouverte de I art contemporain en
choisissant son point de vue, dans
un rapport personnel aux oeuvres La
conception est d abord attentive a l'usage et a la
vocation du lieu Elle veut donner I envie d'entrer
étroitement en contact avec l'art contemporain
L'ancrage local et l'identité romaine
ont-ils guide la conception '
Certainement, maîs pas comme on pourrait le
penser Ce n'est pas une question de style ou
d écriture architecturale comme on dit chez
nous L'appartenance a Rome ne tient pas au
style maîs a l'esprit du lieu Elle ne résulte pas
d une approche typo-morphologique de l'architecture L identité procede de l'analogie et
s'appréhende dans la definition des espaces,
la nature du lieu La place publique est le lieu
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Au risque d'emmagasiner beaucoup
dè chaleur, surtout en toiture quand
tout y est uniformément noir
romain par excellence et la fontaine qui trône au
milieu son indispensable accessoire L intériorité
des bâtiments est également romaine, exigeant
une certaine profondeur un dimensionnement,
une ambiance C'est une question d échelle et
de lumiere De matérialité aussi Nous avons ete
tres attentifs a l'esprit de la ville Rome est une
source d inspiration, pas un modele a copier
D ailleurs je suis désormais une architecte ro
maine, inscrite a l'ordre des architectes de la
province Une adhésion délibérée Son president
m a beaucoup aidée a négocier mon contrat
avec la ville et sur bien d autres dossiers
administratifs Je suis reconnaissante de cet ac
cueil Maîs Rome ne m a pas ligotée Le poids
de l'histoire m est plus leger qu aux Romains
G est pourquoi la terrasse s organise autour d'un
plan d eau de 400 m2 s écoulant sur la verrière
inclinée du hall Pour tempérer les exces de I ete
Et le rouge ?
C est le sang de la vie au cœur du batiment
L auditorium est le lieu du rassemblement et du
debat le vrai cœur du musee C'est aussi la
marque de Benoît dans le projet son inscription
dans I ouvrage Ce rouge m est personnel d'une
nuance précise, ni vermillon, ni grenat Nous
l'avons utilise la premiere fois pour exprimer une
coupe dans un projet ll désigne les parties vives
de l'ouvrage Plus qu une signature, il signifie
C est la vie qui est la
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Visite guidée
Lauréat en 2001 du concours
international organise a ce propos
le projet des architectes Odile Decq
et Benoit Cornette prend la mesure
du quartier et de l'institution culturelle
nichée en son sem en procédant a
leur tour par inclusion, sans oublier
d'ouvrir sur la ville afin de favoriser
le rayonnement ll en résulte une
belle mecanique qui tourne rond
dans son parcours interieur, s'ouvre
en deux brèches sur fes rues et
s'échappe dans le ciel en torture Ce
fonctionnement bien huile est servi
par une architecture dynamique dont
fes volumes s'imbriquent, corps et
creux relies par des passerelles comme
autant de bielles articulant en finesse
les espaces et fonctions du musee
Ce dispositif propre a l'extension
neuve est relaye par un feu de rampes
de liaison avec le musee existant
Contenu dans l'îlot et cadre par
les ouvrages existants, le MACRO
redeploye et agrandi fait corps avec
la ville, au sens physique comme au
spirituel, en multipliant les liens et en
cultivant la porosité sur ses franges
Le musee désormais ouvert sur deux
rues se presente sous deux visages
contrastes, l'ancien et le nouveau
L'entrée habitue/le s'effectue dans
I axe des anciennes ecuries donnant
sur la rue Reggio Emilia dont la cour
recouverte d'une verrière et les deux
ailes reliées par des galeries et le
sous-sol constituent le premier
bâti du musee Le nouvel acces se
fait en passant sous la proue vitrée
de l'extension neuve qui pointe
son nez sur la rue Nizza, parvis
prolonge d'une courette plantée
d'ailanthes (vernis du Japon) et
semée de gravillons conduisant
au cœur du nouveau batiment
JU I
o no nu n
A
Place perchée
L'emprise investie par l'extension
correspond aux anciennes glacières de
la brasserie qui referment l'ilôt dans l'axe
des ecuries Tout sauf un vide, ce clos
est greve de servitudes patrimoniales •
maintien des structures bâties sur la rue
Nizza et du mur d'enceinte frappe du
sigle Feront le long de la rue Caglian
En dépit de ces contraintes, l'extension
est conçue comme un lieu accessible
et accueillant, ouvert sur le quartier dans
le prolongement de la rue Le bâtiment
se loue du dénivelé de 4 metres existant
a travers mot pour s'établir de plain
pied avec la rue Nizza et rattraper le
niveau de reference de la cour et de la
rue Reggio Emilia par son etage Ainsi
ancre en profondeur et contenu en
hauteur, le volume du bâtiment s'mscrrt
en creux dans le tissu environnant
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i^B«
;-
Ce qui permet aux architectes d'ouvrir
son toit a la ville sous la forme d'une
terrasse accessible par une rampe
ascendante depuis la cour sous verrière
du musee initial Un coup de genie pour
un don du ciel ' Décisif dans le choix
du/uryen2001
Lextension s arrime
ainsi au pave romain via la cour du
musee, par un double/eu de rampes
inversées, l'une descendant vers le hall
central etabli au niveau de la rue Nizza,
l'autre montant en pente douce vers la
toiture du batiment aménagée en place
publique Ainsi couronnée I extension
neuve apporte une respiration salutaire
a ce quartier de Rome en mal de places
et d'espaces verts de proximite
Ambiances piranesiennes
Occupant la totalité de l'emprise
le nouveau batiment est une figure
fermee qui échappe a l'introversion
par cette terrasse tournee vers le
ciel La cinquieme facade est ici
la doublure de l'espace public A
distance du voisinage, elle ne déplore
aucun vis-a-vis directs En nocturne,
les pignons aveugles des immeubles
riverains, dûment chaules, servent de
supports a diverses projections ou
animations visuelles Enchâsse dans son
environnement, le batiment ne signale
sa presence aux passants que par la
proue vitrée suspendue au-dessus de
l'entrée, second acces du musee en
lien direct avec le hall central Aborde
de ce côte, cet espace majeur revêt
un mystere accru, commandant tout
le dispositif Son volume se découvre
progressivement en contournant le
monolithe rouge de l'auditonum (200
places) qui figure le cœur de l'organisme
et irradie sous toutes ses faces, pose sur
un sol de basalte noir a l'unisson du pave
romain La lumiere filtrée de la verrière
zénithale decoupe les ombres de la
poutraison et préserve la pénombre
Le vitrage mis au point avec Simone
Prouve, auteure des fins tissages d'acier
insères dans le verre feuilleté, fait son
office a merveille, dégradant la lumière
sans imposer les ténèbres Les hautes
parois latérales peintes en noir a l'instar
de la charpente métallique creusent
la distance avec le ciel et referment
l'ecnn autour du bloc vermillon L auvent
anguleux d'une billeterie-vestiaire y
soulevé une paupière et les différents
acces aux salles et services y découpent
leurs portes A la fois hall de distribution
et foyer central, ce haut volume irregulier
est ceinture d'une mezzanine et
parcouru de passerelles suspendues en
metal argenté qui flèchent le circuit de
visite Un ascenseur de verre gagne la
terrasse au plus court, ludion lumineux
parcourant l'espace traverse de
structures Piranesien ' L'imaginaire des
Carcen d'invenzione se retrouve grave
dans la réalité a deux siecle et demi de
distance, amorçant un plongeon vers le
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futur et les decors de science-fiction Le
musee d art contemporain cultive ainsi
ses racines romaines pour envisager
l'avenir, Dect? et Cornette faisant preuve
d'affinités esthétiques de circonstance
Dynamique interne
Le cadre fige des structures conservées
est mis en mouvement par le dynamisme
des nouvelles L'espace façonne de pans
coupes et recoupe de plans obliques
reprend vie Les salles et services
disposes sur le pourtour rentrent dans
la ronde et relaient I animation du hall
La grande galerie (1200 nf) se
déploie en angle sous une structure
arachnéenne d'acier noir dont fes arcs
s'etagent de 8 a 12 metres de haut
De géométrie complexe et plutôt brutale,
elle combine les sources lumineuses
a travers des impostes vitrées et
des verrieres en rive Suspendue a
ses arches une passerelle grimpe
doucement dans le volume en direction
de la terrasse, offrant au passage
un survol panoramique des oeuvres
installées A son débouche, la toiture
terrasse également dallée de basalte
noir dessine un paysage anime dont
le relief est en partie génère par la
volumetne des salles chaînées en
dessous Les architectes ont conçu ce
toit comme la projection du parcours
artistique qu'il recouvre et conclut Au
centre trône le plan incline de la verrière
du hall opportunément balayée d'une
lame d'eau rafraîchissante, citation
explicite de la fontaine qui orne toute
place digne de ce nom a Rome
En périphérie s'élève un chemin
de ronde agrémente d'une ceinture
de graminées redoublant l'acrotere pour
plus de securite Sur /e côte de cette
place haut perchée, un cafe restaurant
installe ses parasols et s'abrite sous
un comble, ultime excroissance
du batiment Uniformément noir
du dallage a la toile des parasols,
le lieu séduit maîs fait craindre au
soleil estival une accumulation de
chaleur que le plan d eau incline de la
verrière aura probablement du mal a
dissiper Aux nverains et visiteurs d'en
éprouver maintenant l'efficacité
Entre le niveau bas du hall et la terrasse
qui restitue en toiture l'emprise du
batiment, un niveau intermédiaire
court a travers le batiment conserve
surlarueNizza raccorde aux salles
du musee existant Les structures
anciennes ont ete renforcées de plats
d'acier, accentuant l'aspect mecanique
de l'ouvrage Une galène d'angle
occupe l'essentiel de cet etage dans
un contraste de cimaises blanches
alignées au revers de la mezzanine
du hall Les passerelles du circuit de
visite se raccordent a ce niveau ainsi
que le toit de l'auditorium amenage
en petite place rouge, son cercle de
banquettes niche sous la verrière
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En prolongement de la mezzanine
et dans l'axe d'une volée d'escalier,
la cafétéria s'installe dans la proue
en position dominante au-dessus
de l'entrée, un cei/ sur la rue et
/'autre sur la courette d'accès Sa
façade est équipée du même verre
feuilleté enserrant le fin tissu d'acier
Quatre densités de tissage sont
ainsi mises en œuvre a travers fe
musee en fonction des orientations
et de l'affectation des locaux
Lieux d'invention
Outre les vitrages, tous les lieux
de convivialité et de service font
('objet de prestations inventives et
sophistiquées, a commencer par la
cafétéria de la proue qui est dotée
d une façade interieure vitrée se
repliant en paravent sur la courette
pour une dînette de plain air, d'un bar
anguleux aux facettes furtives tout
en acier inoxydable et d'un mobilier
spécialement conçu par des editeurs
italiens, avec lampe associée
Laque de rouge, le polyèdre irregulier
de l'auditonum revête la surprise d'un
interieur de même couleur Satine a
l'extérieur, brillant a l'intérieur Quelque
200 fauteuils uniformément drappes
de rouge /'équipent avec accoudoir
basculant, tablette et eclairage
intègres, fabriques sur mesure
Les sanitaires tapisses de portes d'inox
recèlent deux œuvres d'art a part entière
sous la forme de vasques centrales
en resine opalescente, lumineuses et
animées d'un jeu de couleur programme
sur l'écoulement de l'eau Brenon
ne s'ennuie pas dans les toilettes,
attitude moderne s'il en est ' Od//e
Deco, a tout soigne jusqu'au bout des
ongles - forcement laques noir - pour
electnser l'ambiance des lieux d'accueil
jusqu'en coulisses Avant de se faire
oublier a bon escient, dans les galeries
d'exposition Jamais l'architecture
ne vampirise les œuvres exposées,
quitte a faire mentir le personnage de
Cruella que l'architecte s'est forgée
Cet univers de tendance "rock
piranesien" - risquons /e terme - stne
d'acier, tendu de noir et rouge au
cœur, n'oublie pas d'être intime et
approprie Sous son air sombre le
MACRO dissimule un cœur tendre
Et si les effets sont tranchants,
ils restent mesures, évitant I exces.
Plus que sa mise, l'ouvrage se
montre efficace Surtout, il réalise
la fusion de l'espace urbain et du
lieu d'exposition dans un contmuum
dynamique d'ambiances et d'espaces
précisément définis Ainsi agrandi
le MACRO va pouvoir poursuivre sa
mission de collecte et d'exposition
de l'art contemporain en symbiose
avec la ville de Rome, conformément
a son statut municipal Contemporain
et romain, "e possible" >
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LIBERATION SUPPLEMENT NEXT
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11 RUE BERANGER
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ARCHITECTURE
odile dec q,
archig'uerrière
Vêtue de son armure punk-gothique, elle bâtit peu, mais dans le monde entier, contre vents et marées.
À Paris, elle martèle sa cause à l'École speciale d'architecture. Aujourd'hui, elle fait sortir de terre
le musée MACRO à Rome, ancre une gare maritime à Tanger. Des œuvres hissées de mains d'acier.
Texte Anne Marie Fevre
uand on rencontre Odile Decq, en mai dans
son agence du Marais, on se surprend a fredonner une chansonnette des annees 70 « Je
me souviens que la chambre était rouge
comme ime bouche » Cette Muette lui irait
I f^^
Mf
t>ien car e"e Dégage, maigre elle peut être, de
i,
I WT P ^a douceur Ce refrain est bien sûr un contre
*i V IV <|^ Jf sens, cette archi Siouxsre de 55 ans reste
fidèle a sa panoplie gothique noire, ecoute du
hard rock norvégien, elle dont le nom de Decq sonne sec, comme le
rock, comme un roc Toujours fan du son punk le plus rigoriste, elle
sait s'en servir pour expliquer son projet de gare a Naples à un jeune
architecte de son équipe « Soyez violents ' Comme Joy Divmon, qui
n'ont fait que deux disques, maîs avec un son unique II faut de la
colere 'soyez rugueux., u f out que cette gare soit un craquement du sol
comme un volcan ' » " Plus calme « On a perdu ce concours a
Naples maîs cela nous a aides II faut prendre des risques, celui de la
recherche permanente » Decq n'aime pas les idées reçues, maîs aller
« chercher derrière »
A Rome, justement, c'est « derrière » les murs d'une ancienne brasserie Peroni que cette conceptrice frontale a dû se positionner Tandis
que sur la Piazza del Popolo s'enroule déjà le complexe MAXX1, le
musee des arts du 21e siècle signé de l'Anglo-irakienne Zaha Hadid,
Odile Decq vient, elle, de livrer le 28 mai le MACRO, le musée d'art
contemporain « Quand j ai vu passer ce concours, fin 2000, s'enthousiasme-t-elle, c'était a peine croyable De l'art contemporain
dans la Rome antique ' Cela tombait a pic, je n 'avais plus trop de travail on a gagne ' Au bout de dix ans ll est inauguré fin mai, maîs ne
sera ouvert au public qu 'a la fin de l'année »
A l'Est, vers la Porta Pla, elle devait conserver pour le MACRO deux
bâtiments de l'ancienne biassene La guerrière « x est avancée masFINDI
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quée » Elle accepte de rester en deçà des murs, de creuser derrière
f Ici, il faut faire gaffe, douze metres en dessous du chantier, dy a del
vestiges » Maîs a l'intérieur, elle «joue» vraiment Enroule deux
rampes, dont une qui monte sur le toit « Je me suis inspirée des ter
rasses privees, comme dans le film d'Ettore Scala (la Terrasse), maîs
pour faire deux places publiques Une sur le toit, une autre en dessous
avec une fontaine qui les relie Ces playas prolongent et animent ce
quartier résidentiel, elles sont en basalte noir, comme les trottoirs du
Sud de l'Italie » L'architecte britannique ami, Peter Cook, écrit
« C'est au musee de Rome que ses flèches et ses incisions si caracté
nstiques sont particulièrement a l'épreuve Elle a extrait une nouvelle
architecture d'où nail au sommet toute la grâce d'un paysage de
verre » "' Ainsi, elle a mené la bagarre contre temps et procedures italiennes, avec ses armes de verre, de métal, et ses couleurs, le rouge et
le noir, l'auditorium est de couleur sang On n'a pas encore parcouru
son musée romain, on se garde la surprise de l'éprouver
LA DAME DE PIQUE PUNK
Odile Decq affirme combattre les idées reçues maîs se les reprend à la
volée On lit et relit a son sujet le même cliche « C'est d'abord im
look » On ne peut échapper a sa panoplie de Dame de pique punk
Chevelure pétard, vêtements et maquillage noirs, sont devenus son
identite visuelle, une silhouette-label C'est le précipité de son histoire
accidentée, de son œuvre tranchante
Cette druidesse est née a Laval en 1955 « Dans une famille bretonne,
de sept enfants, catho pas tres aisée J'étais le mouton noir Je me
cousais mes minijupes interdites Renvoyée de toutes les écoles de
Laval, j'ai eu mon baccalauréat en candidate libre Ouf, je pars à
Rennes faire de l'histoire de l'art Je pensais que les Arts deco, e 'était
bien pour une fille ' » Maîs elle rencontre des étudiants en aichitpf
ture, comprend fermement qu'elle fera ce metier, montera à Paris
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Le MACRO, musée d'art contemporain de Rome, i
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architecte, Isabel Herault Et en France, on n'aime pas cela, ça
énerve Du coup lh ne bâtiront pas beaucoup ici »
En 1998, Benoit Cornette meurt, fracasse dans un accident de voiture
Elle est blessée Déchirure, cicatrices Decq reprend la route, seule,
sans plainte Fidèle à leur duo pensant, elle garde le nom de leur
agence, toujours ODBC « J'ai fait le tri parmi les gens sur lesquels je
pouvais compter, me suis appuyée sur notre reseau etranger Si je
n avais pas ete architecte, j aurais fait aventurière alors je suis repartie Avec de la douleur, sans nostalgie » Cette catastrophe l'a rendue
plus libre, « en couple, on s'autorégule, la violence devient moyenne »
Femme isolée dans cette corporation d'hommes, elle a appris a ne pas
ener dans les aigus, à sourire, maîs à ne rien lâcher
Les commandes, les projets sont revenus Le bateau privé le Wally
Esen.se, loft sur la mer, file comme une lame mordorée Le Frac
Bretagne (le Fonds régional d'art contemporain), en cours, permettra
« une déatnbulation séquentielle verticale, brute et sophistiquée, dans
l'ambiguïté de la matiere » La gare maritime de Tanger se veut une
ancre tendue au voyageur pour lui donner la sensation qu'il est déjà
parti Sont en chantiers le pavillon et restaurant Archipel a LyonConfluences, un bâtiment dans l'opération de reconversion de l'entrepôt Mac Donald à Paris Et aussi un restaurant a l'opéra Garnier Elle
a construit en Autriche, à Shanghai, Rotterdam, Florence .
être diplôme en 1978 de l'école UP6 Comme «dans les
annees 70, l'école était souvent en greve », pour vivre, elle fait des
petits boulots, pour se former, des chantiers d'architecture Elle monte
son agence dès 1980
LINE AVENTURIÈRE ET SON RÉSEAU
Et elle rencontre Benoit Cornette, qui devait être médecin maîs qui fut
architecte Ils forment un couple amoureux, indissociable, de punks
celtes, d'associés de 1985 a 1998 dans leur agence ODBC Un duo en
cuir noir, épris de l'acier Lui cheveux longs plaqués, plus intériorisé,
elle, mèches couleurs de flammes au vent, en avant Ils foncent très
souvent à Londres, pour des concerts rock le samedi, et pour étudier
les chantiers d'architecture le dimanche « Nom étions a contre courant, e 'était la période du retour a I histoire en architecture Notre
chance fut de tomber dans la fonction oblique de Claude Parent, de le
rencontrer avec Paul Virilw Lin de nos héros était l'architecte utopiste Yana Friedman, on lisait tout, on s'intéressait à la linguistique,
aux maisons bulles On était adopté par la scène londonienne, avec
Peter Cook, Andréas Papadakis »
Puis ils gagnent le concours de la Banque Populaire de l'Ouest (BPO),
près de Rennes Ce bâtiment de 1990 où flamboie le metal, est l'héritier des œuvres high-tech britanniques qu'ils ont épiées « La célebre
façade avec sa structure déportée, cent le critique français Francis
Rambert, n 'est presque rien a côte de l'espace liquide que cree I entre deux, fascinante ambiguïté entre le dehors et le dedans » La BPO
marque les esprits, elle est quatorze fois primée Le duo est plus que
repéré, d'expositions de recherches comme les « Maquettes invraisemblables », au viaduc de Nanterre de l'A14, un pont habité de
bureaux Ces iconoclastes sont rattrapés par les lauriers, dont le Lion
d'or à la Biennale de Venise en 1996 « Ils deviennent tres tôt des
petites stars internationales, reconnus ailleurs », explique sa copine
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L'ARCHITECTE DU CORPS
Odile Decq refuse toute théorie figée, « car ce seran mourir », et sa
démarche architecturale s'hybnde avec d'autres disciplines Avec l'art
contemporain, grâce à des installations, du jardin noir au festival de
Chaumont à une exposition, aujourd'hui, à l'espace Vuitton, avec
I artiste Camille Henrot Elle ne « méprise pas les choses normales,
comme la mode », voit les liens entie haute couture et la rue, espère
des transfusions entre bâtiments de recherches et constructions de
masse Elle pratique aussi le design, en dessinant les chaises du
MACRO romain, avec l'entrepnse italienne Poltrona Frau
Maîs le parcours du bâtiment reste une de ses causes « Entrer sans
franchir une porte, en reférence au cinéma ou l'on passe d'une
séquence a une autre, sans s en apercevoir A Rome, je propose une
promenade en pente, qui déplace le centre de gravite des visiteurs, qui
leur ouvre une relation personnelle aux œuvres On circule, on fait un
pas, et un autre point de vue apparaît l'art contemporain, on doit
vivre avec, êlie surpris par l'artiste qui joue avec l'espace, qui parle
au corps » Le corps est au centre de sa vie, et à l'intersection de ses
rampes et de ses antres Elle s'appuie sur la vision de Paul Vinlio
« Pour lui, le defi du 21" siecle, e 'est cette question du corps Car avec
le développement de la pauvieté, on abandonne son corps, on ne le
soigne plus, on n 'a plus conscience de soi même Et le monde virtuel
lui aussi fait disparaître le corps L'addict face à l'écran n'a plus que
deux yeux et des doigts II faut remettre l'humain dans des positions
différentes, vivifier ses sensations de toucher, faire appel à sa chair,
son sang Pas le sang de la mort le sang vivant qui circule dans nos
veines larchitecture doit se préoccuper de cela »
UN FOULARD À TÊTES DE MORTS
Ce qui a fortifié Decq en France, c'est l'École speciale d'architecture de
Pans (l'ESA), qu'elle dinge depuis 2007 Elle est pédagogue avec tous
les pores de sa peau Bretonne, elle aime recevoir la violence des
vagues, pour la renvoyer, toujours avec une ligne d'honzon au lom,
négocier sans cesse avec les éléments Alors pour cette école, « autogérée, indépendante », elle est capitaine de navire, un peu pirate Elle la
porte a un niveau international, elle qui a enseigne a la Columbia a
New York Elle cne, sans pitié, aux étudiants « Vous avez le devoir de
rêver battez-vous, résistez, construisez un monde qui m intéressera
quand je serai une vieille dame » Elle se démène pour que se crée une
école d'architecture à Rabat, donner des bourses aux Africains, envoyer
les étudiants dans le monde réel, les zones de paupénsation pénphénques de la planète Quand lejeune agence Encore Heureux lui propose
un projet en Mongolie, pour travailler sur l'habitat des nomades sédentarisés dans le chaos, elle du « Foncez » Sans maternage, qu'ils se
débrouillent ' Son engagement est la Comme avec son agence de vingt
personnes, cosmopolite, où intransigeante, elle ne joue pas a la fée
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Certains matins, elle se demande « L'architecture ça sert a quoi 7
A qui ' Pour faire un bateau pour un milliardaire ' » Car elle ne fait
pas de logement social, c'est trop formate, « il ii v a pas un metre
carre pour jouer » Oui elle est ecologique naturellement maîs
conteste le developpement durable technique confisque par des
bureaux d'études Le Grand Pans est une mystification Elle n'aime
pas la scene archi-franco française qui s'autopromotionne, elle
manque d'air, a besoin du large des voyages Elle est inquiète de l'ave
mr de I Europe, un jeu de dominos effrayant, « e est un peu Sarajevo
en 1914 » Quand Alexander McQueen est mort, elle a couru acheter
son foulard noir a têtes de morts, qu'elle porte comme un doudou
gn-gri Est elle trop dolonste, ensanglantée comme on lui repioche,
trop dure voire méchante, avide de pouvoir ne baissant jamais sa
garde ' Pourtant cette Duchesse noire, qui refoule ses jardins calmes
n'a pas son pareil pour enchanter, secouer Vous faire repartir, moins
lâche, a l'attaque du monde •
Ci-dessus, le Frac de Bretagne livraison prévue en 2011
Page de gauche, de haut en bas la BPO Banque populaire de I Ouest,
Rennes 1990 La terrasse du MACRO de Rome
Ci-dessous, portrait d Odile Decq « // faut remettre I humain
dans des positions différentes vivifier ses sensations de toucher faire
appel a sa chair son sang Larchitecture doit se préoccuper de cela »
1
Odile Decg at Work, un film documentaire de Martine Gonthie
collection A contre temps 52 minutes 2009
2
Odile Decq (et Benoit Cornette), un livre de Lionel Lemire
348 p 45 € editions Actar D 2007
3
wwwodbc Paris com
Actualite
MACRO, (le musee dArt contemporain de Rome) 54 vie Reggio Emili
Rome Premiere inauguration fin mai ouverture au public fin 2010
Espace Louis Vuitton, exposition < Perspective regards croises
entre Odile Decq et Camille Henrot » jusqu au 5 septembre
au 101 avenue des Champs Elysees et 60 rue Bassano 75008 Paris
tel 01 53 57 52 00
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L'ACTUALITÉ VUE PAR ODILE DECQ, architecte
« Faire du Macro à Rome une place publique »
Disparition
Plus connu du grand public
sous son nom de plume
« Pierre-Jean Rémy »,
l'écrivain Jean-Pierre
Angremy est décédé le
28 avril à l'âge de 73 ans.
Ambassadeur de ('Unesco
entre 1990 et 19914., directeur
de la Villa Médicis à Rome
entre 1994 et 1997, il a occupé
le poste de président de la
Bibliothèque nationale de
France de 1997 à 2002.
Records nocturnes
pour les musées
PARIS • La 6e édition de
la Nuit européenne des
musées, organisée entre le
15 et le 16 mai, a accueilli
pres de 2 millions de visiteurs
dans toute la France, contre
1,8 million l'année passée,
selon le ministère de la
Culture. Le tout nouveau
Centre Pompidou-Metz a
attiré plus de 50 DOO curieux,
tandis qu'à Paris plus
de 23 DOO personnes
ont fréquenté la nef du
Grand Palais, et environ
10 DOO visiteurs chacune de
ces institutions • Quai Branly,
Orsay ou Centre Pompidou.
Par ailleurs, plus de 25 DOO
personnes ont participé à la
chasse au trésor sur le thème
du développementdurable
organise dans les musées
de Mulhouse. Enfin, plus de
3 DOO musées (dont i 300 en
France), soit 500 de plus
qu'en 2009, ont participé a
cette Nuit europeenne dans
39 des pays membres du
Conseil cle l'Europe.
Un Prince pour les
soldats de l'éternité
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MADRID BA l'origine de
la découverte en 1971* des
8 DOO statues en terre cuite
représentant les guerriers de
l'empereur Qm dans le Xian
(nord de la Chine), l'équipe
d'archéologues de l'Institut
archéologique du Shaanxi
en Chine vient de recevoir le
prix Prince des Astunes 2010
dans la catégorie « Sciences
sociales », une des plus
prestigieuses récompenses
espagnoles. Le prix Prince
des Astunes des Arts 2010
a éte attribué au sculpteur
américain Richard Serra.
Bilbao poursuit sur
sa lancée culturelle
BILBAO • Alors qu'elle vient
de recevoir à Singapour le prix
d'excellence urbaine, le « Lee
Kuan Yew World City Prize »,
décerné pour la première
fois, laville de Bilbao a
inauguré le 18 mai un
nouveau centre socioculturel.
Conçu par le designer
français Philippe Starck, cet
espace d'une surface de
1(3 DOO m2, installe dans un
ancien entrepôt rénové du
centre-ville, comprend des
salles d'exposition etde
cinéma, une bibliothèque,
maîs aussi une piscine,
une salle de sport et des
restaurants. Les travaux
ont duré huit ans pour un
coût de 75 millions d'euros.
Dénommé « Alhôndiga »,
le centre se présente sous
la forme de trois énormes
cubes suspendus. Il vient
renforcer l'image de
métropole culturelle de cette
ville espagnole devenue
célèbre pour son ûuggenheim
construit par Frank Gehry il y
a douze ans.
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Odile Decq. Photo AlbanoCuatti
L'architecte Odile Decq
D
inaugure le 27 mai le ba
liment du Macro, Musee d'art
contemporain de Rome Directeur
general de l'Ecole speciale d'archi
lecture, elle est aussi a l'affiche de
la prochaine exposition a l'Espace
culturel Louis Vuitton, Pans Odile
Decq commente l'actualité
Vous inaugurez bientôt le Macro,
musée d'art contemporain de la
Ville de Rome. Le chantier est-il
terminé ?
Nous inaugurons le musee le
27 mai, maîs cela ne veut pas dire
qu'il est totalement fini II l'est a
90 % En le revisitant récemment,
j'ai découvert que j'en étais assez
contente J'ai réussi a concevoir
une promenade qui donne en per
manence l'envie de s'arrêter pour
decouvrir de nouveaux points de
vue Pour moi, un musee est un
parcours que les visiteurs peu
vent prendre a leur maniere, qui
permet d'aller a la decouverte Un
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musee d'art contemporain est en
endroit ou l'on va a la decouverte
de quelque chose II y a au Macro
suffisamment de possibilités de
deambulations, notamment grâce
aux passerelles, qui permettent au
visiteur d'avoir d'autres points de
vue que ceux qu'on lui imposera
Quel était votre parti pris pour
ce musée ?
Nous sommes dans la ville de
Rome, il fallait donc avancer
masque, ne pas tout dire pour
faire en sorte que le projet passe
Nous avions l'obligation de garder
deux façades sur la rue, tout en
refaisant le monde a l'intérieur
Le parti pris a ete d'ouvrir ce site
d'une surface de 3 DOO m2 J'ai
fait du toit une terrasse comme
on en trouve partout a Rome Je
voulais en faire une place publi
que dans un quartier ou il n'y en
a pas On peut traverser le lieu
sans nécessairement rentrer dans
le musee, tout en donnant envie
d'y entrer Le musee est tenu entre
deux surfaces qui sont la suite de
l'espace public
La question était comment faire
un musee d'art contemporain ?
Je me suis souvenue d'une lec
ture, une discussion entre Kendell
Geers, Daniel Buren et Nicolas
Boumaud On demandait a Buren
si un musee d'art contemporain
devait être une boîte blanche neu
tre II répondait « Pas necessai
rement II faut aussi que l'espace
résiste a l'artiste II ne faut pas que
la forme soit nécessairement une
boîte » J'ai ainsi propose des sal
les d'exposition qui restent assez
neutres, tandis que le foyer est
un espace noir, et l'auditorium,
rouge Au dessus, la fontaine par
ticipe aux deux espaces publics
Avez-vous ete confrontée a des
surprises ?
Ojaand on a creuse, nous avons
trouve deux choses La premiere,
t'est une carriere de pierre ro
maine dans laquelle on voit
l'impact de l'outil sur la pierre
Elle a ete conservée dans le par
king Plus lom, on a découvert
une fontaine du XVIIIe siecle que
les autorites ont décide d'enle
ver En Italie, il est tres difficile
de construire C'est Manfredo
Tafun qui, dans les annees 1970
a l'université de Bologne, a com
mence a dire aux architectes qu'il
fallait revenir a l'histoire II a gelé
la possibilité de creation en archi
lecture en Italie Cela a fabrique le
postmodermsme tout d'abord, et
ensuite la reification qui enleve
toute possibilité aux architectes
de construire dans la Peninsule
À Rome s'ouvre en même temps
le MAXXI de Zaha Hadid. Deux
femmes inaugurent deux musées d'art contemporain dans
la Ville eternelle. Pourtant, ('architecture semble toujours un
métier d'homme, non ?
( ela bouge tres lentement II y a
plus d'étudiantes que d'étudiants,
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mais ce n'est pas pour autant qu'il
y a plus de femmes architectes.
Les femmes ne représentent que
28 % des inscrits à l'ordre des architectes. Le métier d'architecte
est un métier où il faut aller au
combat. Il faut avoir suffisamment confiance en soi pour affronter des hommes qui pensent
avoir le pouvoir, comme le client,
l'entrepreneur... Pourtant, beaucoup d'architectes envoient des
filles sur les chantiers parce qu'elles sont plus hargneuses et plus
teigneuses.
Parallèlement au Macro, vous
construisez aussi le siège du FRAC
[Fonds régional d'art contemporain] Bretagne à Rennes. Où en
est ce projet ?
Si tout se passe bien, il ouvrira en
septembre 2011. Cela a été long et
compliqué au moment de l'appel
d'offres. Nous n'arrivions pas à
rentrer dans les prix parce que le
budget est très serré. Finalement,
nous avons négocié avec l'entreprise et passé le marché grâce au
plan de relance. C'est le premier
des FRAC construit avec le même
programme qu un musée. Nous
aurons des réserves, mais aussi
des salles d'exposition, un café,
un centre de documentation, une
aire éducative, et l'administration.
Il y a trois salles d'exposition, de
500 m 2 ,400 m2 et 200 m2.
Aurelie Nemours, qui a installe
une œuvre devant le bâtiment,
avait donné deux contraintes :
qu'il y ait une façade silencieuse,
et que cette façade ne soit pas
éclairée, fai décidé de couper le
bâtiment en deux exactement au
niveau de ses pierres et de faire
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une façade toute noire. La journée, le bâtiment sera tout noir,
et le soir, la salle de conférence,
qui est rouge, sera éclairée ; cela
formera comme une lanterne au
travers de la façade noire. Le bâtiment est un monolithe. Dans
le programme, je devais remplir
le terrain. J'ai donc coupé l'intérieur en diagonale pour fabriquer
un atrium sur toute la hauteur,
une grande faille sur laquelle on
pourra se promener. Ici, il n'y a
qu'un parcours.
Quels sont vos autres projets en
cours ?
Je vais aménager le restaurant
de l'Opéra Garnier, à Paris, dont
le chantier commence le 1er juin
et qui sera inauguré avant l'été
2011. Il est situé dans la rotonde
des abonnés. Je ferme l'espace,
je recrée un niveau et je conçois
tout l'aménagement, jusqu'au
mobilier.
Vous participez également,
conjointement avec l'artiste
Camille Henrot, à l'exposition
« Perspectives », à partir du
3 juin à l'Espace culturel LouisVuitton à Paris. Quelle en est
l'idée ?
Au début, nous devions travailler
ensemble et je devais fabriquer
l'espace autour de son travail.
Finalement, je présente trois pièces, respectivement sur la terrasse,
dans le hall et dans la vitrine. Je
n'interviens plus dans l'espace.
Vous dirigez aussi une école privée à Paris, l'École spéciale d'architecture. Comment abordezvous cette autre fonction ?
C'est passionnant. C'est un endroit où l'on peut inventer du
projet tous les matins et où on
peut les réaliser. Mon objectif est
de porter cette école au niveau
des meilleures dans le monde.
On en fait une école encore plus
internationale. Aujourd'hui, on
y enseigne en français ou en anglais sans traduction, nous avons
35 % d'étudiants étrangers et
12 % d'enseignants étrangers.
Quand j'ai pris la direction de
l'école, j'ai décidé de lancer des
colloques sur l'enseignement de
l'architecture. L'année dernière,
nous en avons fait un premier
intitulé « Architecture et éducation », laissé à l'initiative de
Peter Cook. Pour la deuxième
édition, cette année, nous avons
aussi fait venir Mans Hollein, Jay
Chatterjee, Amancio Guedes, Eric
Owen Moss et Bernard Tschumi.
Le Centre Pompidou-Metz vient
d'ouvrir. Qu'en pensez-vous ?
Je n'y suis pas allée. Je trouve
très bien que l'on arrête de penser « Paris » et puis « le désert
français ». Le problème que j'ai
avec la France, c'est que tout
procède d'une politique d'État.
Les régions ont du mal à exister en elles-mêmes. Elles sont
pourtant capables de faire aussi
bien qu'à Paris, même si rien
ne ressort à Paris de ce qu'elles font. Le Centre Pompidou
à Metz [Moselle] ou le Louvre
à Lens [Pas-de-Calais], ce n'est
qu'une délégation de quelque
chose. On envoie des Parisiens
diriger l'établissement, le choix
est fait à Paris - cela reste une
décentralisation et non pas une
déconcentration.
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Quelle est votre opinion sur le
Grand Paris ?
chitectural, urbain et paysager.
Qu'en pensez-vous ?
Je pense que c'est une vaste escroquerie. J'étais sceptique sur
le casting à l'origine, parce que je
me suis dit : « on ne fait pas du
neuf avec du vieux. » Je ne comprenais pas la réelle intention du
politique par rapport à ce projet
puisque c'était le politique qui
s'affichait. Le matin du discours
de Nicolas Sarkozy [le 29 avril
2009] à la Cité de architecture,
j'ai entendu Christian Blanc [secrétaire d'État charge du développement de la région-capitale]
à la radio parler d'une somme
de 32 milliards d'euros pour la
création d'un métro périphérique
autour de Paris. Et je me suis dit :
« c'est n'importe quoi, tout ça pour
ça » ; j'ai décidé de ne pas aller au
discours de l'après-midi. Je devais
être l'une des seules architectes à
ne pas y être. Je n'aime pas les politiques qui nous embrassent en
nous disant qu'ils nous aiment,
mais qui, à force de nous embrasser, nous étouffent. Pour moi, le
pouvoir d'aujourd'hui, c'est ça.
Et puis le côté « show-biz » de la
chose m'a irrité. Deux seuls projets tenaient la route selon moi :
[Richard] Rogers avait la position
la plus intelligente sur ce qu'est
une métropole. Yves Lion, dans
une moindre mesure, avait compris la même chose, sauf qu'il ne
le faisait que sur l'Est parisien.
Tout le reste, c'étaient des architectes qui se mettaient en scène
eux-mêmes.
C'est à la fois une grande joie et
une grande inquiétude. C'est formidable parce que Dieu sait s'ils
sont castrateurs, protecteurs et
conservateurs. On va peut-être
à nouveau pouvoir construire
contemporain dans le centre-ville,
et à nouveau tailler dans Paris. En
même temps, on sait ce que l'on
perd mais on ne sait pas ce que
l'on gagne...
La loi Grenelle 2 prévoit la suppression de l'avis conforme des
architectes des Bâtiments de
France dans les dans les zones
de protection du patrimoine ar-
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Quelle exposition vous a marquée récemment ?
Claude Parent [à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris].
Quand j'ai commencé mes études
à Rennes, j'ai eu la chance, un an
après l'inauguration de la maison
de la culture, d'y découvrir l'exposition de la fonction oblique par
Parent et Virilio en 1974. J'étais
fasciné et je n'avais de cesse de les
rencontrer un jour. J'ai rencontre
Claude Parent en 1984 et j'ai depuis toujours suivi ce qu'il faisait.
Pour moi, c'est une constance depuis le début qui n'a pas faibli une
seule minute. Cette exposition est
la plus belle que j'ai jamais vue
et que la Cité de l'architecture ne
fera jamais !
Propos recueillis par Gilles dè
Bure et Philippe Régnier
Je pense que le Grand Paris est une vaste
escroquerie. J'étais sceptique sur le casting
à l'origine ; je ne comprenais pas la réelle
intention du politique par rapport à ce projet
puisque c'était le politique qui s'affichait
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L'oeil en mouvement
Portraits
Odile Decq
Talent aiguille
Si son look à la Siouxsie Sioux - visage pâle, cheveux
en pétard, lèvres et yeux charbon comme la chanteuse
du groupe post-punk Siouxsie and thé Banshees - s'est
quelque peu atténué au fil des ans, la fougue qui
l'anime, elle, est toujours là. Cette femme adu cran, on
le sait. Née le 18 juillet 1955 à Laval, en Mayenne, et
diplômée d'architecture en 1978, Odile Decq crée, en
I980, avec Benoît Cornette (1953-1998), son alter ego
et compagnon, l'agence ODBC, à Paris. Dix ans plus
tard, leur première grande commande, l'édification du
siège delà Banque populaire de l'Ouest et d'Armorique,
à Rennes, leur vaut une reconnaissance mondiale
immédiate et une dizaine de prix nationaux et internationaux. Assurément atypique, leur production sera
d'ailleurs récompensée en 1996 par un Lion d'or à la
Biennale d'architecture de Venise.
L'agence prend alors sa vitesse de croisière, jusqu'à la
disparition tragique de Benoît Cornette sur une route
de Bretagne, dans un accident de voiture dans lequel
Odile Decq sera elle-même blessée. L'aventure ODBC
se poursuivra en solo. À 55 ans, Odile Decq est
aujourd'hui sur tous les fronts. Entre l'inauguration
en grande pompe, l'an passé, de l'extension du musée
d'Art contemporain de Rome - MACRO - et l'ouverture, prévue en septembre, du nouveau Frac [Fonds
régional d'art contemporain] Bretagne, à Rennes, elle
dirige, depuis 2007, l'École spéciale d'architecture, à
Paris, et s'apprête à lancer début juin le chantier du
nouveau restaurant de l'Opéra Garnier. •
Christian Simenc
-> www.odbc-paris.com
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Jacques Taddei
Prince de Marmottan
Biographie
1955
Naissance a Laval
(53).
1978
Diplôme
d'architecture.
1979
DESSen
urbanisme et
aménagement
à l'IEP de Paris.
1980
Fonde l'étude
ODBC avec Benoit
Cornette.
1996
ODBC remporte
le Lion d'or
à la Biennale
d'architecture
de Venise.
2007
Nommée
directrice de
l'École spéciale
d'architecture
à Paris.
2010
Réalisation de
la nouvelle aile
du MACRO à Rome.
Et le prince charmant réveilla la belle endormie.
Depuis son arrivée à la direction du musée Marmottan, Jacques Taddei a fait plus que réveiller la
vénérable institution, il lui a donné un sacré coup
de jeune : modernisation de la sécurité, réorganisation des équipes, expositions à succès, augmentation en flèche du nombre de visiteurs. Il a même
réussi à convaincre Liliane Bettencourt de financer des travaux d'envergure en sous-sol.
Mais l'académicien n'a pas tout à fait le profil lisse
du prince de conte de fées. Râleur, volontiers caustique, tempétueux, il a des comptes à régler, à commencer avec lui-même, « je suis perfectionniste »,
dit-il. Son parcours atypique fait grincer des dents
dans l'univers compassé des conservateurs. Pianiste et organiste, il a mené une double carrière
réussie d'interprète-compositeur et de directeur
de conservatoire de musique, tout en assumant
pendant douze ans la charge de maire adjoint à la
culture à Rueil-Malmaison.
Il occupe depuis 2001 le fauteuil de Charles Trenet
à l'Académie des beaux-arts, section composition
musicale. Ce spécialiste de l'improvisation sur
orgue (titulaire des grandes orgues de la basilique
Sainte-Clotilde à Paris) avance empiriquement
mais avec une formidable énergie sur la voie qu'il
a tracée: transformer la demeure bourgeoise et
assoupie au fin fond du XVI e arrondissement de
Paris en châLcau des arts. •
Jeun-Christophe Castelain
-> www.marmottan.com
Biographie
Naissance à Nice
(06).
1972
Dirige le
Conservatoire
national de
région de
Rueil-Malmaison.
1987
Conservatoire
national supérieur
de Paris. Organiste
titulaire des
grandes orgues
de la basilique
Sainte-Clotilde.
1993
Fonde le Festival
d'art sacré de la
Ville de Paris.
2001
Entre à l'Académie
des beaux-arts.
2005
Directeur de la
musique à Radio
France.
2011
Dirige le Musée
Marmottan-Monet
depuis 2007.
20/26 AVR 11
EXPRESS STYLES
Hebdomadaire Paris
OJD : 451713
29 RUE DE CHATEAUDUN
75308 PARIS CEDEX 9 - 01 75 55 10 00
N° de page : 74-77
Page 1/4
p é e i a' I
d e s i g n
Dans les murs
d'Odile Decq
L'architecte la plus punk de sa génération nous a ouvert les
portes de son refuge parisien. Un appartement en chantier
permanent, ponctué de rouge et de noir, ses couleurs fétiches.
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20/26 AVR 11
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Hebdomadaire Paris
OJD : 451713
75308 PARIS CEDEX 9 - 01 75 55 10 00
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d'Art contemporain de Rome ouvert en
décembre 2010, l'a portée sur le devant de
la scène. En juin, elle devrait une fois de plus
créer l'événement avec le tout nouveau
restaurant de l'Opéra Garnier. Cet automne,
ce sera au tour du Fonds régional d'art
contemporain (Frac Bretagne) à Rennes.
Un monolithe en rouge et noir, ses deux couleurs fétiches, en architecture comme en
design. La preuve dans son appartement
parisien, un « camping de luxe », près de
République, habité par l'art contemporain.
Comment l'architecte que vous êtes a-t-elle transformé cet appartement parisien ?
* Ce qui m'a tout de suite plu dans cet endroit, c'est la proportion des espaces possibles. Au départ, le lieu servait à des bureaux. En enlevant l'ancien faux plafond,
j'ai gagné beaucoup de volume. Aujourd'hui,
certains endroits s'élèvent à 3,20 mètres,
d'autres à 3,40 mètres. Je pensais pouvoir
encore rehausser le plafond et j'avais donc
fait construire une structure en métal pour
créer une mezzanine. Finalement, cela n'a
pas été possible et la structure est restée
telle quelle. Elle délimite aujourd'hui l'espace qui se trouve au-dessus de ma table.
Un jour, un de mes amis l'a comparé à une
piscine virtuelle. J'ai beaucoup aimé cette
image. Finalement, j'ai eu l'idée d'installer
des tubes fluo rouge à l'intérieur des poutres métalliques. Je les allume le soir quand
j'organise des dîners. Cela donne une tout
autre ambiance.
Quelles sont vos autres interventions dans cet
espace ?
n a beau savoir
qu'Odile Decq pour-
rail être le sosie féminin de Robert Smith
(le chanteur de The
Cure), se retrouver en
face de cette architecte aux yeux charbonneux, intégralement vêtue dè noir, les
cheveux en pétard, impressionne toujours.
Derrière ce look gothique se cache une
intellectuelle à la voix douce et posée, dont
les réponses tranchantes tombent comme
des couperets. Dans lavie comme dans son
architecture, Odile Decq ne s'embarrasse
pas de périphrases. Et ça lui réussit. Le succès de sa restructuration du Macro, musée
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Dans ses constructions
comme chez elle,
Odile Decq
privilégie l'espace
et la lumière du jour.
> J'ai enlevé une cloison pour ouvrir le salon. J'ai ainsi obtenu deux baies sur la rue
et deux baies sur la cour. Ce qui me permet
aujourd'hui d'avoir du soleil tout le temps
dans la pièce. J'aime les espaces dans lesquels on peut bouger et où la lumière entre.
Mais j'ai beau habiter cet appartement depuis dix ans, tout n'est pas encore terminé.
Comme ma cuisine et un bout de ma salle
de bains. C'est un grand classique chez les
architectes, ils ont tous une partie de leur
maison en chantier. C'est très difficile de travailler pour soi-même... Mais je vis très bien
comme ça. Cet appartement, pour moi, c'est
un camping de luxe dans Paris. Un espace
de transit, un lieu calme qui me fait du bien.
Parlez-nous de toutes ces photos, dessins et
peintures qui sont dispersés un peu partout
dans votre maison...
P- Je collectionne l'art contemporain avec
pour thème le noir. Ce que, moi, j'appelle
noir. C'est très difficile à expliquer car
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je n'ai pas de critères pour le définir
Quand je vois une œuvre et que je pense
qu'elle est « noire », je l'achète. J'ai des ta
bleaux de François Morellet et des rayures
de Daniel Buren, mais mes choix ne sont pas
toujours liés à la couleur. Il y a par exemple
chez moi ce triptyque d'une artiste Slovène
qui met en scène les trois choses qui manquaient le plus au peuple pendant la
guerre : la lumière, le pain et l'eau. Pour
moi, c'est noir.
« Noir» dans quel sens ? Pouvez-vous préciser
cette notion ?
fc- Non, j'en suis incapable. C'est très
difficile de décrire une collection et quasi
impossible d'en parler. Cela fait référence
à des choses trop personnelles, liées à
des moments de la vie. Quand j'ai commencé à vouloir collectionner, il y a près
de dix ans, je me suis dit que la seule chose
qui avait du sens, c'était le noir. Comme une
évidence absolue. Je ne porte que du noir ;
chez moi, les objets sont noirs. Le noir est
ma couleur.
Vous auriez pu choisir le rouge, qui ponctue aussi
tous vos projets d'architecture...
> Non. Le rouge n'est là que pour faire des
signes. Pour fabriquer de la lumière. J'aime les
couleurs vives et franches. Les couleurs qui
sont de véritables couleurs et non des couleurs entre deux qui ne savent pas de quelle
couleur elles sont. J'aime les choses daires
et fortes. Les contrastes et les oppositions.
Diriez-vous que votre passion pour l'art contemFINDI
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porain vous a aidée à décrocher le concours
du Macro, à Rome ?
La grande table noire
(éd. Domeau
& Pérès) et les poutres
métalliques
structurent l'espace
rempli d'oeuvres
*• Je ne suis pas la seule architecte à
m'intéresser à l'art contemporain, mais
c'est vrai que c'est quelque chose que
je vis complètement. Cela me nourrit depuis toujours. L'œuvre de Richard Serra
m'a clairement accompagnée au début de
mon travail. Tout comme celle de Rothko.
Le Macro est mon premier musée. Il représente une forme d'étape par rapport à mon
parcours artistique. J'ai voulu offrir aux
artistes un lieu pour eux, qu'ils puissent
investir et attaquer si besoin. J'ai préféré
m'effacer dans les salles d'exposition et
renforcer les autres espaces. Cela me paraissait la moindre des choses. Visiblement,
les artistes s'y sentent très bien.
Vous semblez de plus en plus présente dans le
domaine du design. Quel rapport entretenez-vous
mec cette discipline ?
fc- J'ai toujours voulu faire du design et j'en
ai toujours fait pour mes chantiers. Je me
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rappelle qu'au début j'étais surprise de dessiner des objets plus petits que mon corps.
Je trouvais toujours que mes prototypes
n'étaient pas assez grands. Aujourd'hui, je
n'ai plus peur de ce changement d'échelle.
Pour le Macro, j'ai développé des chaises et
des tables d'auditorium fabriquées par Poltrona Frau. J'ai aussi dessiné des lampes baptisées Javelot en raison de leur forme qui viennent d'être éditées par Luceplan, et même
des poignées de porte.
Pour le restaurant du palais Garnier, j'ai également
tout dessiné. Je cherche
toujours à ce que mes
créations soient agréables
et confortables pour le
corps. Et ce, quelle que soit
la partie du corps qu'elles
touchent. Comme je rénove beaucoup de maisons actuellement, je suis
amenée à concevoir de
plus en plus de mobilier.
Je commence presque à
avoir un département design dans mon agence.
Au Salon du meuble de Milan,
vous présentiez Foodesign
avec Guzzini, une exposition
sur le thème de la gastronomie française vue par les designers. Qu'est-ce qui vous a
amenée à ce projet?
fr J'adore la cuisine. Je
suis très curieuse des
nourritures des pays. Je
rapporte toujours de mes
voyages quelque chose
à manger. Dans ce domaine, je suis prête à tout
essayer. Quand Guzzini
m'a demande de servir
d'expert pour ce workshop, j'ai tout de suite
accepté. J'ai moi-même proposé un projet
autour du pain et du beurre. Salé, pour moi
qui suis bretonne. On ne commence pas un
repas en France sans ces deux ingrédients.
Cela fait partie du French pamdox. Nous
avons beau manger du pain avec du beurre
et boire du vin, les New-Yorkaises continuent à nous trouver, nous, les femmes françaises, très élégantes !
Qu'avez-vous imaginé pour le restaurant de
l'Opéra Garnier ?
fr- J'appelle ce projet le Fantôme... Comme
je n'avais pas le droit de toucher aux murs
et au plafond, classés, j'ai imaginé un espace
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dans l'espace. J'ai glissé, pour ainsi dire.
Mais, à l'heure qu'il est, je ne suis pas autorisée à en révéler davantage. Je peux seulement vous dire qu'il y aura 90 couverts et
que ce sera ouvert tout le temps, y compris
pour un café dans la journée.
Ambiance épurée
Et vos autres chantiers en cours ?
dans la salle de bains
fr- Le terminal passager du port de Tanger,
où est accrochée
qui devra accueillir huit gros ferrys, et un
une toile rayée
de Daniel Buren.
autre port de plaisance, cette fois en Sicile.
Je termine un projet en
Chine, dans la région de
Nankin. C'est une collection de maisons à louer au
bord d'un lac. La mienne
se compose de trois cailloux qui semblent dévaler
la pente. Chaque caillou
est une chambre, une expérience d'espace. Je travaille aussi sur une île à
Valenciennes, où il y aura
principalement des logements. Et je m'occupe de
plusieurs rénovations de
maisons. L'une d'elles est
une maison-bulle de l'architecte Antti Lovag, sur
la Côte d'Azur. C'est passionnant pour moi d'intervenir dans sa construction, où tout est arrondi.
Vous voilà dans une période
de création intense après des
années plus difficiles...
** Je n'ai jamais cessé de
travailler, mais surtout à
l'étranger. En France, j'ai
eu plus de mal. En 1998,
quand mon partenaire
Benoît Cornette a disparu
dans un accident, j'ai
continue seule à diriger
l'agence ODBC, que nous avions créée ensemble. Pour moi, ce n'était pas compliqué,
mais dans la tête des autres, si. Les gens doutaient. De 1998 à l'inauguration du Macro
Carnet
2010, j'ai travaillé sur une centaine de
d'adresses en
projets. Peu de choses ont été construites,
mais c'est la vie d'un architecte. Etre une
fr Domeau & Pérès,
femme dans cette profession reste compliwwwdomeau
qué. Quand j'ai commencé, nous étions 10 %
peres corn/store
e
à être inscrites à l'ordre des architectes.
fr Vitra, Paris (XV ),
Aujourd'hui, les femmes représentent 30 %
0156770777
frCassina,Pans(Vlle de la profession. Ce qui reste peu. Ces an0142 849292
nées m'ont rendue plus forte, j'ai gagné de
fr Knoll, Paris (Vl Ie),
la liberté. Je ne dois rien à personne. *
oi 43 19 75 23
Propos recueillis par Marion Vignat
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\CTEURS
L'étoile noire
O
mpénétrable. Flamboyante. Mystérieuse. Décalée. Déjantée. Les qualificatifs s'accumulent et
s'enchaînent sans jamais parvenir à percer vraiment le cas Odile Decq. Celui d'une femme-architecte,
parée d'un look aux allures d'armure qui a toujours voulu mener bon chemin comme elle l'entendait, sans
compromis ni compromissions. Mais avec un désir profond et jamais inassouvi de faire des ouvrages utiles,
des ouvrages au service de l'Autre. Rencontre avec une femme-passion, consacrée sur la scène internationale
pour son talent d'architecte, d'enseignante et de directrice d'école, pour son talent d'artiste...
Par SciYidra Roumi
Troisième d'une famille de
sept enfants, Odile Decq
n'était pas vraiment le
prototype d'une enfant facile.
Très bonne élève jusqu'en
primaire, elle se découvre, à
Dartir de la 6e, une vocation
le rebelle.
Vocation qu'eiie exploite a souhait
dans une école catholique de filles
de Laval. La découverte du théâtre
ouvre à la jeune fille des horizons insoupçonnés. Mai 1968 sonne le glas
des espérances de ses parenls.
De redoublements en exclusions, la
jeune fille intègre un lycée technique
pour suivre une filière économique.
Repérée par un professeur d'histoire-g'éographie, elle décroche finalement, contre l'avis de son père et en
auditeur libre, un bac A .. I a bachelière au parcours scolane sinueux
veut gagnei Pans pour l'Ecole des
Arts Déco. Ses parenls sv opposcnl.
Clle arrive tout de même à arrachci
Rennes et s'inscrit en histoire rlc l'ait
' ,icontrc des ctudiunfs qii
f lu» . r , ï , Î'T, ' -i
elles qui, demain, sauront dessiner
les placards des cuisines », lui lance-t-il en substance. Une phrase qui
joue un rôle de déclencheur. Odile
Decq sera architecte. « Une jais la
décision pris?, je suis de celles qui
foncent. J'ai toujours su nue j'v arriverais »...
Mais le chemin sera long et parsemé d'embûches. Au début des années
1970, l'architecture est encore un
métier difficile, un métier d'hommes
où « il faut se battre, s'imposer, aller a
la castagne ». Or, « les femmes ne sont
pas formatées à l'origine pour cela,
Sans doute parce qu'elles ont d'autres
options », lâche une femme plus militante que féministe. Odile Decq sait
que la partie ne sera pas facile. Mais
elle s'accroche. La rencontre avec
Benoît Cornette, un étudiant en médecine passionné d'architecture, finit
de la convaincre. Odile décide de gagner la Capitale p o u r poursuivre ses
études d'aichiteciuie pendant que
Benoît termine ses études de médecine à Keruies l î l KXîmdm ensuite
études
i dHLllU:>.Uiii
i-'essor de la commande publique
indépendant, le jeune counëne à Pans pour pouvoir
"PSMO^ cnriîTMm^ 0(He
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chetfe d'architectes masculins, pas
peu surpris de voir débouler une jeune femme alors blonde au look pour
le moins décalé.
Un an plus tard, elle obtient un
DESS d'urbanisme et d'aménagement à l'Institut Politiques de Paris.
Mais ce que la jeune femme souhaite
par-dessus tout, c'est monter sa propre agence. « Je n'ai jamais voulu
travailler pour quelqu'un d'autre que
moi », reconnaît-elle. Opiniâtre et
fonceuse, elle crée, dès 1980, sa propre agence. Un pari audacieux dans
un secteur où le concept de jeune
architecte n'existe pas alors qu'une
grosse génération débarque sur
marché.
La chance sourit, une nouvelle Pois,
à Odile Decq. Un de ses professeurs
la convainc de répondre à un appel
d'offres du Moniteur à la recherche
de jeunes architectes pour enquéj
ter sur la qualité îles construction!
publiques. Le secteur, en pleine révolution, peine alors a dénicher de
nouvelles recrues. Odile Decq sera
de telles-la. Pendant un mois, elle
sillonne l'Europe de i'Ouesl, épuisa ni
des idées poui réformer la commande
publique en France.
" D'Allcmaiinc, nous ramenons l'idée
du concours qui n'existait pas dans
nofrc pays et le passage du privé nu
hlic. Nous fabriquons la refletioi>
'forme de la commande pttbli^ n i i i i- ii r,i 11 linecte Dans
i d i q u c un
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Odile Decq
Née en France en 1955
Fondatrice de l'agence Odile Decq Benoît
Cornette architectes urbanistes, 1980
Enseignante à l'Université de Montréal
(1992), à l'Ecole Spéciale d'Architecture
de Pans (depuis 1992), à l'université
technique de Vienne (1998), à la Barlett
School of Architecture à Londres (1998,
1999 et 2000)
Directrice de l'Ecole Spéciale
d'Architecture, Pans
Diplômes
Diplôme d'architecte DPLC, 1978 (UP6,
Paris)
DESS d'urbanisme et d'aménagement, 1979
(1ER Paris)
Décorations
Lion d'Or de la Biennale de Venise, 1996
Membre de l'Académie française
d'architecture, 1997
Commandeur de l'Ordre des Arts et des
Lettres, 2001
Chevalier de la Légion d'Honneur, 2003
de ses contemporains. Une directive puis
une loi en 1987 transforme le besoin en
nécessité. Le gouvernement semble avoir
à cœur d'ouvrir le système.
Avec son diplôme d'urbaniste, Odile
Decq s'est forgé une petite notoriété en
ce domaine. En attendant, il faut bien
vivre. Et la jeune femme ne ménage pas
sa peine pour multiplier les petits projets.
Fin 1985, elle crée, avec son compagnon,
Odile Decq Benoît Cornette Architectes Urbanistes. « Je me fixe des objectifs
avant de me mettre en condition pour y
arriver. Il faut savoir saisir les opportunités sans pour autant faire de compromis », théorise-t-elle.
Premiers succès
Pendant cinq ans, le tandem enchaîne
les concours. En 1990, il décroche, avec
de l'audace et du panache, le siège de la
Banque Populaire de l'Ouest à Rennes.
Avec leur proposition d'un bâtiment tout
en transparence ouvert sur la campagne,
le couple parisien rafle la mise au nez et
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à la barbe des notables de la région. Leur
travail les propulse littéralement dans
la lumière et sur la scène internationale.
Odile Decq et Benoît Cornette seront récompensés par une dizaine de prix pour
cet ouvrage résolument novateur.
C'est la reconnaissance du couple d'architectes, de leur agence, de leur façon de
travailler, de leur talent. Ironie de l'histoire : cette reconnaissance explose au
cœur du pays d'Odile Decq, sa patrie natale, qu'elle a quitté fâchée. Elle y revient
de la plus belle manière qui soit, avec
une œuvre monumentale, un formidable
voile de verre qui laissera exploser leur
talent. Depuis, Odile Decq, malouine de
cœur, reste fidèle à la Cité corsaire.
Les années 1990 seront, pour le couple,
celles de l'explosion. Elles seront aussi
celles de l'inspiration britannique. A
Londres, ils vont puiser des idées, s'imprégner d'une contre-culture, arpenter
les dimanches matin, les chantiers des
Docks. Ils y découvrent la structure métallique, hument un air nouveau. « La
Grande-Bretagne, c'est une vision plus
structurelle. C'était un enseignement sur
les formes, les volumes, la descente de
charges », compare-t-elle. Le couple, qui
aime vivre en dehors des sentiers battus,
s'y sent bien. Il tente même, un temps,
d'y planter boutique. Peine perdue : la
Grande-Bretagne reste splendidement
isolationniste.
En dépit d'une certaine réputation,
Odile Decq Benoît Cornette Architectes
Urbanistes demeure une petite agence.
« Pendant dix ans, nous avons mangé des
pommes de terre. L'époque était très dure.
Mais nous vivions cette période passionnément, dans une excitation permanente. » La petite entreprise travaille d'arrache-pied, postule à tous les concours
ou presque. Le travail et le talent payent
enfin.
Entre 1992 et 1994, le couple répond à
24 concours. Tous ne verront pas le jour
comme le siège du Cnasea. Certains seront en partie réalisés comme deux bâtiments de l'Université de Nantes. D'autres
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ne sont toujours pas achevés à l'image du
réaménagement du port de Gennevilliers
dont Odile Decq est l'architecte en chef.
Une poignée enfin a été menée à son terme. C'est le cas du centre de contrôle de
l'autoroute A14 à Nantcrre et de son viaduc. Mais l'agence prend de l'étoffe.
L'heure de la consécration
Tous ces projets, Odile Decq et Benoît
Cornette les doivent exclusivement à la
commande publique, se forgeant une
certaine image. « A cette époque, notre
architecture faisait peur », reconnaît-elle.
Leur look ne les sert pas. Pour autant, ces
deux-là ouvrent la porte à une cohorte
d'architectes différents comme Rudy Ricciotti, Jacques Ferrier ou Frédéric Borel.
Des architectes qui se retrouvent à l'occasion de l'exposition « 40 en dessous de
40 « en 1991 puis à la Biennale de Venise
un an plus tard.
Venise... Odile Decq et son compagnon ne savent pas encore qu'ils seront
les lauréats du Lion d'Or quatre ans plus
tard. En attendant, l'agence se bâtit une
réputation qui vaut à l'architecte d'être
pressentie pour enseigner à l'Ecole Supérieure d'Architecture. Ce défi plaît à
Odile Decq. Fondée en réaction contre
l'Académisme des Beaux Arts, l'ESA est
la seule école privée de Paris et la plus
ancienne de France.
Après Rennes en 1990, 1996 marque
une deuxième date clé dans le parcours
ascensionnel de l'agence ODBC, désormais Lion d'Or. Leurs ouvrages sont plébiscités. L'heure de la consécration a enfin sonné pour les deux architectes à la
notoriété internationale. Un événement
tragique vient briser cette ascension fulgurante. Benoît Cornette perd la vie dans
un accident de voiture. Odile Decq continuera seule le sillon tracé à deux.
« J'ai eu une période de passage à vide.
On pensait que je n'étais pas capable de
me débrouiller sans Benoît alors que,
dans notre couple professionnel, j'étais
plutôt celle qui allait chercher les projets », met-elle au point. Les commandes se font plus rares. Le doute la gagne
un instant. « Je ne suis pas condamnée
à faire de l'architecture toute ma vie »,
pense-t-elle alors. Le concours pour la
réalisation de l'extension du musée d'art
contemporain de Rome (MACRO) trois
ans plus tard lui donne un « grand apFINDI
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pel d'air ». Il la conforte également sur
la stratégie de l'agence qui conserve,
comme aujourd'hui encore, l'acronyme,
ODBC.
Porlée par l'international, Odile Decq
a du mal à trouver la place qui lui revient en France. « J'avais une image un
peu avant-guardiste », reconnaît-elle
aujourd'hui sans rien regretter. Peu importe l'image. Publiée à de très nombreuses reprises, l'architecte parcourt le monde de conférences en cours. L'université
mobilier de bureaux
à besoin de nous. Ce qui
m'intéresse, c'est de
repenser le bureau à
partir de l'évolution
des modes de travail.
Je crois à la tour mixte.
Elleestfondamentale.il
faut arrêter de s'étaler
pour préserver notre
territoire.
de Bartlett à Londres en 2000, Columbia à
New York en 2001 et 2003, Kunst Akademie de Vienne en 2004, Kunst Académie
de Dùsseldorf en 2004 et 2005 : le savoir
d'Odile Decq est recherché, plébiscité.
En 2007, l'Ecole Supérieure d'Architecture de Paris l'élit à la direction de l'établissement. Odile n'enseigne plus mais
nourrit de grandes ambitions pour l'ESA.
« Mon projet était de transformer cette
école et de la monter au niveau international », confie-t-elle. Pari gagné avec un
pourcentage de 35 °/o d'étudiants et 15 °/o
de professeurs étrangers. Son seul regret reste la proportion des femmes dans
son école, la plus faible d'Europe. « Une
question de coût de scolarité sans doute »,
cherche-t-elle a expliquer.
Reconnaissance en France
Professeur, directrice d'école, Odile
Decq reste une architecte éclectique,
s'amusant à mélanger les « petits projets »
et les grands concours, le design et l'art
contemporain, l'urbanisme et le mobilier.
« Je prépare une lampe pour le musée de
Rome, je travaille sur du mobilier pour
l'Unesco. J'ai créé un jardin/installation noire pour le Festival des Jardins de
Chaumnnt. Je m'apprête à livrer le restaurant de l'Opéra Garnier. Je planche
sur un livre d'artiste », énumère-t-elle. La
variété des ouvrages plaît à l'architecte
à l'âme d'artiste. On la croit volontiers
quand elle dit « aimer toucher à tout ».
Comme on la croit volontiers quand elle
se définit « addict au travail ».
Entre un travail sur une lampe et les 400
hectares du Port de Gennevilliers, Odile
Decq ne se sent pas déboussolée. « J'aime
changer d'échelle », confie-t-elle, assez
peu préoccupée par la taille de son ego.
Après avoir été estampillée commande
publique dans ses premières années, elle
aime que la variété soit aujourd'hui « sa
marque de fabrique » et ne veut s'affilier
à aucun courant. Elle livrera, fin 2011, le
chantier du FRAC Bretagne à Rennes « un bâtiment conçu comme un musée »
- ainsi que le siège social de GL Events
sur La Confluence à Lyon fin 2012. Elle
planche, dans le même temps, sur trois
petites maisons pour des Anglais, un immeuble de logements sociaux à Lille, un
éco-quartier à Valenciennes, le terminal
passager du port de Tanger Med - en suspens - et bien d'autres sujets.
A cette liste non exhaustive, pourquoi
pas une tour de bureaux à La Défense ?
« Un vrai sujet», reconnaît-elle. « L'immobilier de bureaux a besoin de nous. Ce qui
m'intéresse, c'est de repenser Se bureau à
partir de l'évolution des modes de travail.
Je crois à la tour mixte. Elle est fondamentale. Il faut arrêter de s'étaler pour
préserver notre territoire. Il faut arrêter
de vouloir préserver le gros cake parisien
tranché par Haussmann », partage cette
architecte engagée qui se définit comme
une bretonne européenne.
Une interrogation la taraude tout de
même : l'utilité de sa mission. « Je sais
faire de la belle architecture, de l'architecture qui fonctionne. Est-ce pour autant
fondamental ?», se questionne-t-elle sans
avoir la réponse. Les visiteurs du MACRO
le 28 mai 2010 lui ont déjà donné la réponse. Pudique, elle se gardera bien de
la répéter.

restaurant du palais garnier press book odile decq

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