Hydatidose sacree decouverte par une enorme masse de la fesse

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Hydatidose sacree decouverte par une enorme masse de la fesse
FAIT CLINIQUE
Hydatidose sacree decouverte par une enorme masse de la fesse
(A sacral hydatid cyst discovered by a geant gluteal tumor)
M. Shimi*, M. Elidrissi*, A. Ayoubi*, A. Elibrahimi*, A. Elmrini*
* Service de chirurgie ostéoarticulaire B4, CHU Hassan II Fès Maroc.
RESUME :
Les auteurs rapportent le cas d’une hydatidose sacrée révélée par une énorme masse fessière chez
une patiente âgée de 42 ans. Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique ont montré une
atteinte étendue de tout le sacrum avec extension vers les articulations sacro-iliaques ainsi que des
lésions kystiques au niveau du pelvis à l’origine d’une urétéro-hydronéphrose, avec un énorme kyste
qui est étendu vers la région fessière à travers la grande échancrure sciatique. Vu le stade tardif au
moment du diagnostic nous avons réalisé une exérèse du kyste encadré par un traitement médical par
Albendazole. L’hydatidose vertébro-médullaire est une maladie rare mais grave. Elle a bénéficié des
techniques d’imagerie moderne pour le diagnostic et la surveillance postopératoire.
Mots clés : hydatidose sacrée, masse fessière, chirurgie.
SUMMARY :
The authors report the case of a sacral hydatid cyst disease revealed by a geant gluteal tumor in an
elderly patient 42 years. CT and MRI showed extensive lytic image depend on the sacral wing. with
extension to the sacroiliac joints and cystic lesions in the pelvis behind ureterohydronephrosis with a
huge cyst which has spread to the buttocks through the greater sciatic notch. Given the late stage at
diagnosis, we performed a resection of the cyst associated with a medical treatment with Albendazole.
The vertebral hydatid disease is a rare but serious illness. It benefited from modern imaging techniques
for diagnosis and postoperative monitoring.
Keywords: sacral hydatid cyst ; gluteal tumor ; Surgery.
Correspondance :
Dr Mohammed Shimi.
Service de chirurgie ostéoarticulaire B4, CHU Hassan II Fès 30000 Fès, Maroc.
E-Mail : [email protected] Tél. : 00 212 6 55 32 26 20
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M Shimi et al
INTRODUCTION :
L’atteinte osseuse par le Tænia Echinococcus
est rare en pathologie osseuse, sa localisation au
rachis est fréquente et est le plus souvent
primitive et concerne essentiellement le rachis
dorsal, l’atteinte du sacrum est exceptionnelle.
Cette affection soulève des problèmes
diagnostiques délicats, à côté des problèmes
thérapeutiques et pronostiques qui lui sont
attribués. Nous rapportons un cas d’hydatidose
sacrée découverte suite à une grande masse
fessière et compliquée d’une urétérohydronéphrose, nous soulignons l’intérêt de
l’exploration radiologique dans l’orientation du
diagnostic devenu plus aisé avec l’imagerie par
résonance magnétique.
OBSERVATION :
Mme G.R. âgée de 42 ans, issue d’un milieu
rural, mariée et mère de 03 enfants, femme au
foyer, qui a consulté pour une tuméfaction de la
région fessière évoluant depuis plus d'une
année augmentant progressivement de volume ,
dans un contexte non fébrile et un état général
conservé. L’interrogatoire a révélé que la
patiente accusait depuis plus de 5 ans des
douleurs sacrées intermittentes traités de façon
symptomatique. L’examen physique mettait en
évidence une grande tuméfaction molle de plus
de 20 cm du grand axe, prenant toute fa fesse et
débordant en avant du massif trochantérien, non
douloureuse et sans signes locaux (figure 1). Le
bilan biologique ne montrait pas de syndrome
inflammatoire.
La radiographie du bassin
mettait en évidence une destruction quasi totale
du sacrum avec des images d’ostéolyse étendues
aux articulations sacro-iliaques.
Une échographie de la région fessière a été
réalisée qui a montrée une énorme masse
kystique à contenu liquidien anéchogène.
L’échographie hépatique ainsi que la
radiographie
pulmonaire
étaient
sans
particularités. La tomodensitométrie (TDM) a
montré une ostéolyse étendue du sacrum avec
un aspect
multiloculaire,
étendu aux
articulations sacro-iliaques et au pelvis (figure
2 ; 3).
L’IRM a objectivé une masse kystique de la
région fessière gauche en hyposignal en T1 et
en hyper signal en T2 qui s’étend vers la cuisse
et vers le pelvis à travers la grande échancrure
sciatique,
associée
à
une
ostéolyse
multivésiculaire du sacrum étendue vers le
pelvis. Et il existait également une urétérohydronéphrose gauche. Il n’y avait pas
d’extension postérieure (figure 4 ; 5),
Le
diagnostic d’un kyste hydatique a été évoqué car
la sérologie hydatique était positive. Du fait de
l’urétéro hydronéphrose, une néphrostomie en
urgence à été réalisée après échec de tentative
d’une montée d’une sonde double J. Le geste
chirurgical imposait chez notre patiente une
sacréectomie totale prenant une partie des ailes
iliaques, ce geste nous paraissant agressif pour
une pathologie non cancéreuse en plus du risque
de déstabilisation qu’il risquait d’entrainer, ainsi
on a préconisé après évacuation du contenu du
kyste fessier, et toilette à l’eau oxygéné de faire
une excision du kyste (figure 6) encadré par un
traitement médical par Albendazole à raison de
3 cycles de 3 semaines avec des fenêtres de 2
semaines avant et après la chirurgie. Un suivi
radiologique et biologique à été instauré.
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Fig 1 : aspect clinique montrant une
tuméfaction prenant toute la région fessière
sans signes locaux.
La sonde de
néphrostomie est en place.
Fig 2 : Aspect TDM : ostéolyse étendue a tout
le sacrum et extension vers les articulations
sacro-iliaques et vers le pelvis.
Fig 3 : Aspect TDM : ostéolyse étendue a
tout le sacrum.
Fig 4 : aspect IRM et T2 montrant une masse kystique
de la région fessière gauche qui s’étend vers la cuisse et
vers le pelvis à travers la grande échancrure sciatique,
associée à une ostéolyse multivésiculaire du sacrum
étendue vers le pelvis. On note l’absence d’extension
postérieure.
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Fig 5 : découverte en IRM d’une urétérohydronéphrose gauche.
DISCUSSION :
La maladie hydatique est une anthropozoonose
due à la forme larvaire d'un Taenia du chien,
Echinococcus granulosus. C’est un véritable
problème de santé publique. Elle peut affecter
tous les systèmes de l’organisme, mais le foie
(60%) et des poumons (20%), sont les sites les
plus atteints. L’atteinte osseuse est rare et ne
représente que 0,9 à 2,5% [1]. L'atteinte du
rachis représente 44 % des localisations
ostéoarticulaires. La fréquence du siège par
ordre décroissant est de 80 % pour le rachis
dorsal, 18 % pour le rachis lombaire. [2-6]. La
Localisation sacrée de la maladie hydatique et
son extension dans le bassin est extrêmement
inhabituelle, dans cet endroit, les kystes sont
difficiles à éliminer par chirurgie et agents
antihelminthiques.
Fig 6 : après évacuation du contenu du
kyste, l’excision du kyste est faite jusqu’à
la grande échancrure sciatique, le kyste
reposait sur le nerf sciatique
La localisation de l’hydatidose dans l’os aboutit
à un processus localement agressif et
destructeur expliqué par le mode de
développement du parasite dans l’os qui se fait
selon un mode différent par rapport aux
localisations viscérales classiques, en fait il se
produit une infiltration microvasculaire sans
limites
précises,
par
bourgeonnement
diverticulaire et vésiculation exogène avec
infiltration diffuse du tissu spongieux [7].
La contamination se produit le plus souvent
plusieurs années avant les manifestations
cliniques, L’origine rurale est presque toujours
retrouvée, c’était également le cas de notre
patiente, Le diagnostic est souvent tardif par
manque de spécificité et latence clinique qui
caractérisent
cette
localisation,
les
manifestations sont liées soit à syndrome
compressif par les kystes, soit des douleurs
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osseuse en rapport avec l’importance de la
destruction. Kherfani [8] avait présenté un cas
découvert suite à un syndrome de queue de
cheval, Dipak [9] lui avait rapporté un autre cas
découvert dans le bilan d’une lombo-sciatalgie.
Chez notre patiente il n’y avait pas de signes
neurologiques, et c’est le syndrome tumoral
fessier qui a permis le diagnostic,
malheureusement à un stade tardif avec une
importante destruction du sacrum et extension
des lésions vers les articulations sacro-iliaques
avec une urétéro-hydronéphrose qui est reste
exceptionnelle.
A la radiographie standard, la maladie hydatique
se traduit par une ostéolyse multiloculaire sans
réaction ostéophytique ou périostée [5] et sans
condensation osseuse. L'aspect est celui d'une
érosion osseuse en « nid d'abeilles ».
L’échographie est l’examen primordial devant
toute masse des parties molles, elle permet
d’évoquer le diagnostic avec une sensibilité de
100 % dans les cas typiques multivésiculaires a
contenu
anéchogène.
Les
images
échographiques du kyste hydatique des parties
molles sont identiques à celles décrites au
niveau du foie et classées en cinq types :
• type I : collection liquidienne pure bien
limitée.
• type II : collection liquidienne à paroi
dédoublée.
•
type
III
multivésiculaire.
:
collection
liquidienne
• type IV : masse d’échostructure hétérogène à
prédominance liquide ou solide.
L’échographie permet également de rechercher
d’autres localisations hydatiques viscérales qui
sont associées à l’hydatidose osseuse vertébrale
dans 4 % des cas [10], Chez notre patiente la
tuméfaction de la région fessière correspondait
au type I, et nous n’avons pas trouvé d’autres
localisations viscérales.
Au scanner l’ostéopathie hydatique se traduit
par des images hypo denses plus ou moins bien
limitées et de tailles variables de densité
inférieure à celle de l’os et sans reconstruction
osseuse [11].
L’IRM est l’examen de choix dans les
localisations rachidiennes,
les vésicules
apparaissent en hyposignal dans les séquences
pondérées T1 et en hypersignal en T2, et ne
présentent pas d'œdème péri lésionnel,
l’injection du gadolinium n’est pas obligatoire
et ne modifie pas l’aspect en imagerie. En cas
de kyste multivésiculaire, les cloisons
apparaissent en signal intermédiaire en T1 et en
signal hypointense en T2. Si le kyste est
remanié, les vésicules filles rompues, ne
contiennent plus de liquide eau de roche, un
rehaussement de signal peut se voir au niveau
de la paroi des cloisons après injection de
Gadolinium, l’IRM permet aussi d’apprécier
l’extension locale et le retentissement sur les
organes de voisinages comme chez notre
patiente qui avait une urétéro hydronéphrose.
Braithwaite et Lees [12,13] ont proposé une
classification en 5 types de l'hydatidose
vertébro-médullaire
en
tenant
compte
essentiellement de la situation des kystes
hydatiques :
type 1 : kyste intramédullaire.
type 2 : kyste intradural et extramédullaire.
type 3 : kyste intrarachidien et extradural.
type 4 : kyste vertébral.
type 5 : kyste paravertébral.
La prise en charge de l’hydatidose osseuse est
médico-chirurgicale, le traitement médical fait
appel à l’albendazole est prescrit à une dose
quotidienne de 10-15 mg/kg par jour [1]. , en
quatre à six cures de quatre semaines encadrant
l’acte opératoire, et espacées de deux semaines
avec une surveillance hépatique. Le traitement
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local par formolisation, ainsi que la
radiothérapie péri opératoire semblent être
inefficaces [14,15]. Par contre le rinçage au
sérum hypertonique [15,16] semble donner de
bons résultats. Chez notre patiente nous avons
réalisé un lavage à l’eau oxygéné.
En théorie on dit que les kystes hydatiques
osseux doivent être traités carcinologiquement,
le siège et l’importance de l’extension peut
amener à réaliser un double abord antérieur et
postérieur au niveau du sacrum [17], chez notre
patiente,
une exérèse large imposait une
sacréectomie complète prenant une partie des
ailes iliaques ce qui nous a semblé un peu lourd
pour une maladie non cancéreuse.de ce fait nous
avons réalisé une résection du dôme saillant
encadré par le traitement médical.
Le pronostic de l’hydatidose osseuse est
fortement lié à la précocité du diagnostic qui
permet une résection dite carcinologique, si non
l’évolution se caractérise par un risque de
récidive dans 30 à 40 % [10,18]. Ces dernières
doivent être dépistées par une surveillance
prolongée des sérologies hydatiques et par
l’imagerie.
CONCLUSION.
L’hydatidose osseuse au niveau du sacrum est
une localisation rare à développement lent et à
extension locale. Son pronostic fonctionnel est
mauvais et son traitement chirurgical
‘carcinologique’ même quand il est possible ne
met pas à l’abri des récidives et des
complications locales.
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