2003 QCCRT 0588 - Commission des relations du travail
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2003 QCCRT 0588 - Commission des relations du travail
COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL Dossier : Cas : AM-1000-9909 CM-2000-0758 Référence : 2003 QCCRT 0588 Montréal, le 20 octobre 2003 ______________________________________________________________________ DEVANT LA COMMISSAIRE : Hélène Bélanger ______________________________________________________________________ Jonathan Hudon Requérant c. Métallurgistes unis d’Amérique local 9414 Intimé et Produits Polychem ltée (les) Mis en cause ______________________________________________________________________ DÉCISION ______________________________________________________________________ [1] Le 30 décembre 2002, la Commission des relations du travail reçoit une plainte en vertu de l’article 47. 3 du Code du travail. Le requérant allègue ne pas avoir été défendu par l’intimé lors de son congédiement survenu le 9 août 2002. Il demande en conséquence que le grief déposé le 14 août 2002 suite à son congédiement, soit réglé à l’amiable ou soumis à l’arbitrage, le tout aux frais de son syndicat. 2003 QCCRT 0588 PAGE : 2 [2] Les parties sont convoquées à une audience le 23 avril 2003. Cependant, à cette date, elles négocient une entente à intervenir dans un bref délai. L’audience est en conséquence suspendue. [3] Le 6 juin 2003, le requérant demande la reprise de l’audience puisqu’aucune entente n’est intervenue suite aux négociations. [4] Les 25 et 28 août 2003, les parties sont entendues devant la Commission des relations du travail. Elles admettent que le plaignant remplit les conditions d’exercice de son recours : il est un salarié compris dans l’unité de négociation de l’intimé, il a été congédié alors qu’une convention collective est en vigueur, et sa plainte à l’encontre de son syndicat a été déposée dans les délais légaux. LA PREUVE [5] Le requérant est embauché le 2 février 1999 chez les Produits Polychem ltée. L’employeur le congédie le 9 août 2002 pour les motifs suivants : Le 8 août 2002 vers 19 :30 vous avez délibérément arrosé un collègue de travail avec un boyau d’arrosage de la « tête aux pieds ». Devant ce geste le superviseur vous a demandé de quitter les lieux de travail. Vous comprendrez que ce genre de comportement est inacceptable et très dangereux du point de vue de la sécurité au travail. Vos frasques répétées font que le climat de travail de l’équipe devient insupportable pour tous et chacun. Devant le manque de sérieux face aux nombreuse (sic) avertissements, lettres et rencontres que nous avons eu avec vous, nous procédons en date du 9 août 2002 à votre congédiement. Vos gains et papiers de fin d’emploi vous parviendrons (sic) à la prochaine date de paie soit le 14 août prochain. Bien à vous Benoît Bernier Directeur production et relation de travail Les faits entourant le grief [6] Le 14 août, le plaignant dépose un grief contestant son congédiement. Il le prépare avec Daniel Wilkilson, le vice-président de son syndicat. 2003 QCCRT 0588 PAGE : 3 [7] Ce dernier recueille la version du plaignant. Il rencontre le représentant santé sécurité Eric Racine ainsi que Alexandre Picotte et Julien Courtemanche qui ont été arrosés. Il discute avec le contremaître qui affirme avoir remis les jours précédents une lettre avisant tous les salariés de cesser d’arroser leurs collègues. [8] Vers le 22 ou 23 août, Daniel Wilkilson rencontre le directeur de production, Benoît Bernier, et ce dernier maintient le congédiement. Il lui remet par la même occasion le dossier disciplinaire du plaignant. [9] Daniel Wilkilson remet le dossier au responsable du local 9414, qui devait discuter du dossier avec le comité de grief. [10] Le 20 août 2002, le permanent syndical, Gilles Pelletier, avise le plaignant d’une rencontre le 4 septembre suivant pour discuter avec l’employeur de son grief de congédiement. [11] Le 26 août 2002, David Call, à l’époque, délégué syndical chez l’employeur, écrit une lettre au syndicat adressé « à qui de droit » faisant mention de menaces du plaignant à son égard, la fin de semaine précédente, pour lesquelles il a dû porter plainte à la police. Il rapporte particulièrement certains propos que le plaignant lui auraient tenus : … dans valise de mon char, y’a du gaz pis de l’huile et si quelqu’un les prenais(sic) et mettais(sic) le feu chez vous, je ne serais pas responsable. Il ajoute dans sa lettre : … je crois que de réintégré(sic) le plaignant dans l’usine serait une menace pour tous les autres employé(sic) car il a eu des différent(sic) avec d’autre compatriotes de travail. Merci de votre collaboration. [12] Le plaignant donne une version différente des évènements. Deux ou trois semaines suivant son congédiement, il se rend chez David Call qui est un de ses voisins et a déjà été un ami pour tenter de s’expliquer sur l’incident du 18 juin précédent, dont il sera discuté plus bas. Dans le cours de la conversation, il lui mentionne que ce n’est pas lui qui a frappé sa voiture; même s’il était propriétaire du ballon, il n’avait pas à lui en vouloir parce qu’il était propriétaire du ballon. Il lui donne alors comme exemple : « Si j’avais de l’huile dans mon auto ou du gaz dans mon auto et que quelqu’un mettait le feu à ta maison, je ne pourrais être responsable pour cet incident très grave. » La conversation se continue sur un ton anodin. Il admet avoir reçu la visite de la police suite à la plainte de David Call. Ces derniers n’ont rien retenu contre lui et 2003 QCCRT 0588 PAGE : 4 l’incident semblait clos. Le plaignant, par ailleurs, n’a jamais vu la lettre que David Call a adressée au syndicat le 26 août 2002. [13] Denis Fontaine, membre du comité de grief avec Denis Rainville, Pascal Giroux et Michel Dussault explique qu’à la fin août, ils ont tenu un appel conférence pour discuter de plusieurs griefs. Ils ont décidé de ne pas poursuivre le grief du plaignant compte tenu de son dossier disciplinaire. La décision a été fondée sur l’incident de l’arrosage, l’incident du ballon et sur les altercations avec les autres salariés. [14] Au moment où la décision a été prise, ils n’avaient ni les documents, ni le dossier disciplinaire du plaignant entre ses mains. Denis Rainville, le président du syndicat, expliquait le contenu du dossier au téléphone. Fontaine reconnaît ne pas avoir été mis au courant d’autres griefs déposés par le plaignant, notamment suite à sa suspension. [15] Denis Fontaine admet qu’il connaissait la lettre de David Call concernant les menaces que ce dernier avaient reçues. Cet aspect a été considéré dans le dossier général. Selon lui, ce fut la goutte qui a fait déborder le vase. Cependant, il n’a parlé ni à David Call ni au plaignant concernant cette lettre. La décision a été prise en fonction de la recommandation du permanent syndical Gilles Pelletier. [16] Le 29 août 2002, Denis Rainville, le président du local 9414, écrit au plaignant pour lui confirmer que le comité de grief, de façon unanime en est arrivé à la conclusion de ne pas poursuivre le grief à l’arbitrage. Il précise par la même occasion que la rencontre du grief prévue le 4 septembre 2002 n’aura pas lieu, mais elle pourrait être reportée à une date ultérieure. [17] Suite à cette lettre, le plaignant tente à plusieurs reprises de rejoindre Denis Rainville pour obtenir des explications. Ce dernier, cependant, ne retourne jamais ses appels. À une certaine époque, le plaignant précise à la secrétaire du syndicat qu’il risque d’être obligé de déposer une plainte pour que son grief soit entendu. [18] Le 3 décembre 2002, le syndicat écrit au plaignant pour lui dire que son grief sera discuté lors d’une assemblée générale devant se tenir le 13 décembre. Cependant, le requérant ne reçoit jamais la lettre puisque l’adresse sur l’enveloppe a été mal indiquée. [19] Le 27 décembre, le plaignant envoie donc sa requête datée du 16 décembre à la Commission des relations du travail qui la reçoit le 30 décembre. [20] Le 13 février 2003, le plaignant est de nouveau avisé par lettre que son grief sera discuté lors des assemblées générales qui seront tenues les 4 et 5 mars suivants et sa présence est requise. Le président du syndicat lui téléphone alors pour confirmer sa présence. 2003 QCCRT 0588 PAGE : 5 [21] Le plaignant assiste à l’assemblée générale du 4 mars. Un seul salarié travaillant sur son quart de travail est présent en plus de l’exécutif syndical. Ils discutent de son dossier à l’usine et aussi de l’incident avec David Call survenu après son congédiement. Le plaignant se montre réticent à l’égard du syndicat en raison de la plainte qu’il a déjà déposée. Le 5 mars, le plaignant est absent. Suite à un vote par l’assemblée générale, il est décidé de ne pas poursuivre le grief. [22] Le 10 avril 2003, le plaignant reçoit une lettre confirmant que le syndicat ne poursuit pas son grief. Les faits entourant le congédiement [23] Le dossier disciplinaire du plaignant sur lequel s’est fondé le comité de grief pour rendre sa décision est déposé en audience. Conformément à la convention collective, il couvre une période de neuf mois, les actes antérieurs ne pouvant être invoqués contre le salarié. On y retrouve les faits suivants : [24] Le 5 décembre 2001, le plaignant reçoit un « avis verbal écrit » pour avoir conduit de façon dangereuse un chariot élévateur. Cet avis lui est servi en présence de son délégué santé-sécurité du travail. [25] Le 25 janvier 2002, le plaignant reçoit un « avis de rencontre » pour s’être absenté du travail le 23 janvier précédent et avoir déchiré devant son superviseur la lettre de réprimande en conséquence. Le plaignant admet l’incident. Il l’explique par son désarroi causé par la mort tragique dans les jours précédents d’un de ses amis. Un grief a été déposé suite à une rencontre, le 28 janvier, en présence des deux représentants syndicaux Denis Rainville et Richard Gagnon et ce grief a fait l’objet d’un règlement. [26] Le 27 avril 2002, le plaignant reçoit un « avis écrit verbal » pour avoir eu une dispute avec un collègue de travail. Le plaignant explique que le soir du 25 avril, il fait une remarque sarcastique à un collègue, Alexandre Picotte, mais ce dernier réagit en le giflant. Suite à cet incident, Alexandre Picotte, un ami de David Call, le délégué syndical, est suspendu trois (3) jours. Le plaignant n’a pas voulu contester cet avis du 27 avril. Il l’a signé en présence de David Call en raison de la sanction sévère qui avait été donnée à son collègue Picotte. [27] Le 25 mai 2002, le plaignant reçoit un avis verbal pour avoir quitté son poste de travail avant le temps. Il est signé en présence de David Call le délégué syndical. [28] Le 18 juin, le plaignant est avisé qu’il est suspendu une journée, le 21 juin suite à une altercation avec David Call. Il refuse la présence d’un représentant syndical lors de la réception de la lettre disciplinaire. 2003 QCCRT 0588 PAGE : 6 [29] Le plaignant explique ainsi la situation : lors d’une pause, il joue au ballon sur le terrain de la compagnie avec un de ses amis Pascal Marsolais. Cependant, le ballon frappe la voiture de David Call. Tous les deux cessent de jouer et vont écouter de la musique dans la voiture d’un de leurs collègue Steve Lefebvre. À un moment, David Call sort de l’usine et une discussion s’engage entre les protagonistes. Le plaignant explique à Call que son collègue a frappé sa voiture sur le derrière, mais que ceci est sans gravité. Il admet que le ballon lui appartient, mais lui-même n’a pas frappé la voiture. [30] La version de David Call se résume ainsi : suite à une information de collègues voulant que le plaignant ait endommagé sa voiture, il sort de l’usine pour constater les dégâts, car selon son témoignage, chacun sait dans l’entreprise qu’on ne touche pas à sa voiture; le plaignant, de façon narquoise, lui fait savoir que sa voiture n’a eu aucun dommage. David Call réplique donc que si sa voiture avait été brisée, il aurait pu donner un coup de masse sur la voiture du plaignant. Selon David Call, à ce moment, Lefebvre, Marsolais et le plaignant montent le volume de leur radio pour enterrer la discussion. [31] Dans la soirée, (le plaignant situe les évènements au moment de son retour dans l’usine, et David Call les situe trois ou quatre heures plus tard), alors que David Call est à la cafétéria, une dispute violente survient entre les deux travailleurs. David Call prétend que le plaignant s’est approché très près de sa casquette, ce qui lui a fait peur. Les deux employés vont se plaindre chacun de leur côté au contremaître. [32] Le 19 juin 2002, David Call écrit sur du papier à entête du syndicat, une lettre au contremaître Pascal Dumouchel dans laquelle il allègue que le plaignant continue à lui faire des menaces. La lettre est versée au dossier sans autre intervention. Le plaignant n’a jamais vu cette lettre. [33] Le 6 juillet, le plaignant dépose un grief contestant sa suspension. Cependant, il n’a jamais donné sa version des faits et ce grief ne sera jamais débattu. [34] Le 3 août, le contremaître, Pascal Dumouchel envoie une lettre à tous les opérateurs les avisant de ne plus arroser personne dans l’entreprise en raison du danger. Le plaignant, pour sa part, ne se souvient pas avoir reçu cette lettre ni d’ailleurs Steve Lefebvre, un de ses compagnons de travail. Il admet cependant que le contremaître leur a déjà demandé de modérer ce lancement d’eau. [35] Le 8 août, le soir à l’origine des évènements, le plaignant admet qu’effectivement il a arrosé un collègue de travail comme cela se faisait de façon courante dans l’entreprise, et souvent même avec la complicité du contremaître ou du moins à sa connaissance. Les travailleurs, en raison de la chaleur constante dans l’entreprise, se lançaient fréquemment des verres d’eau et semble-t-il à une certaine époque même des sceaux d’eau. Selon le plaignant, les étudiants au moment de leur départ étaient 2003 QCCRT 0588 PAGE : 7 arrosés, selon la coutume, et le contremaître leur précisait même d’apporter des vêtements de rechange. Il a donc posé son geste sans malice. Lui-même avait été arrosé à plusieurs reprises. [36] Daniel Wilkilson admet que des verres et même des sceaux d’eau étaient lancés; cette pratique était tolérée dans l’entreprise. Cependant, les travailleurs n’utilisaient pas de boyaux pour arroser leurs collègues. Le contremaître Dumouchel ne nie pas que des verres d’eau étaient fréquemment lancés sur le plancher, mais jamais des sceaux. [37] Suite à l’incident impliquant le plaignant, le responsable de la santé et sécurité au travail, Gabriel Dupont, remet une note constatant que le plancher était très mouillé et que cela devenait dangereux pour les chariots élévateurs. [38] En conséquence, le 9 août, le plaignant est congédié. MOTIFS ET DÉCISION [39] Depuis le 25 novembre 2002, la Commission détient la compétence pour entendre les plaintes découlant de l’article 47,3 du Code du travail qui prévoit : Si un salarié qui a subi un renvoi ou une mesure disciplinaire croit que l’association accréditée contrevient à cette occasion à l’article 47,2 il doit, dans les six mois s’il désire se prévaloir de cet article porter plainte et demander par écrit à la Commission d’ordonner que sa réclamation soit déférée à l’arbitrage. [40] Bien que la juridiction de la Commission en la matière soit nouvelle, les principes qui sous tendent l’interprétation de cette mesure législative restent les mêmes. La Cour suprême dans l’arrêt Guilde de la Marine marchande du Canada c. Guy Gagnon, 1984, 1 R.C.S. 509, a délimité les critères de conduite d’un syndicat vis-à-vis ses membres : De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief : 1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité. 2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable. 3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de 2003 QCCRT 0588 PAGE : 8 l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part. 4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive. 5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non-pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié. [41] Il n’appartient pas à la Commission de décider si le congédiement est fondé ou non. Le mandat de la CRT se limite à décider si la représentation du plaignant par son syndicat respecte les exigences de l’article 47.2 du Code du travail ou si le syndicat a fait preuve de négligence grave, de mauvaise foi, de discrimination ou d’arbitraire à l’égard du salarié qu’il doit défendre. [42] Tel que résumé dans le volume Le droit du travail au Québec, de Robert P. Gagnon, page 352, la jurisprudence retient qu’ un comportement arbitraire se traduit par une attitude désinvolte et on le trouve ainsi dans les cas où les agissements de l’association accréditée ne peuvent s’expliquer par aucun facteur objectif ou raisonnable; confiance aveugle dans les informations fournies par l’employeur, absence de considération des prétentions ou des intérêts de l’employé ou défaut d’en vérifier le fondement en faits ou même en droit… [43] Dans le dossier sous étude, il y a lieu de conclure que le syndicat a fait preuve d’un comportement arbitraire dans l’analyse du dossier de grief de congédiement du plaignant. Même s’il est vrai que le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage de son grief et que le syndicat n’est pas tenu à l’enquête la plus poussée, les lacunes constatées dans l’examen du dossier du plaignant par le syndicat dénotent que ce dernier a pris sa décision en refusant de vérifier les faits de façon objective à l’égard du congédiement du plaignant. [44] Ainsi, la décision du comité de grief de ne pas se rendre à l’arbitrage repose sur l’ensemble du dossier du plaignant tel que remis par l’employeur et sur une lettre d’un délégué syndical déposée après le congédiement. [45] Or, ce dossier est étudié lors d’une conférence téléphonique entre les membres du comité sans documents à l’appui de leurs pourparlers. Ils ont donc pris une décision en se fiant à la parole du président local qui résume le dossier du plaignant tel que remis par l’employeur. [46] Les mesures disciplinaires soumises par l’employeur font état d’un avis verbal (le 25 mai) de deux avis verbaux écrits (les 5 décembre 2001 et 27 avril 2002,), une 2003 QCCRT 0588 PAGE : 9 suspension (le 21 juin), et un congédiement (le 9 août ). Les autres documents versés au dossier font état d’un avis de rencontre le 25 janvier, mais cet aspect a résulté à un règlement entre les parties, annulant de ce fait cette lettre; de la lettre de David Call au contremaître Dumouchel dont le plaignant n’a même pas été informé; et enfin une lettre de transfert dans un autre département le 6 août. [47] Or, la clause 7.04 de la convention collective stipule que : Un avertissement écrit se donne en présence d’un délégué ou membre du comité de griefs du Syndicat. Une copie de chaque avertissement écrit est envoyée au Syndicat. Il est toutefois entendu qu’un avertissement verbal ne constitue pas une mesure disciplinaire. [48] Il faut noter l’ambiguïté que font naître les avis verbaux écrits servis par l’employeur. Ainsi, le 25 mai, un avis verbal est servi au plaignant en présence d’un délégué syndical, un autre, celui du 5 décembre, est donné hors la présence d’un délégué syndical. Ces avis doivent-ils être comptés dans un cadre de progression disciplinaire? Il faut donc constater que le dossier de l’employeur fait montre de certaines failles que le syndicat aurait pu évaluer avec plus de diligence. [49] Un incident important dans le dossier, soit la suspension du 21 juin, n’a pas fait l’objet d’une étude sérieuse de la part du comité de grief. Denis Fontaine avoue même ignorer le dépôt d’un grief par le plaignant suite à sa suspension. Or, cette suspension origine d’une querelle entre le délégué syndical, David Call, et le plaignant. [50] Le syndicat aurait dû être particulièrement vigilant justement en raison du titre détenu par David Call qui est directement impliqué dans la suspension du plaignant. Il faut reconnaître que ce délégué syndical, en raison de son caractère impulsif a tout de même joué un rôle dans la querelle survenue à l’occasion de l’incident du ballon. La lettre qu’il envoie à l’employeur le 19 juin sur du papier officiel de son syndicat aurait pu au moins faire l’objet d’une vérification auprès du plaignant. Or, le syndicat ne s’est pas préoccupé du grief déposé par le plaignant le 6 juillet suite à sa suspension et semble avoir appuyé son délégué syndical, alors qu’il aurait dû accorder attention à tous ses membres. [51] Le 29 août, le syndicat a pris une décision en considérant la lettre écrite quelques jours plus tôt par David Call faisant état de menaces de la part du plaignant à son endroit. Il faut noter que cette lettre ne fait pas partie du dossier disciplinaire du plaignant et a été adressée directement au syndicat. Or, le comité de griefs en a tenu compte dans sa décision, mais n’a retenu que cette seule version en ne cherchant pas à obtenir la version du plaignant. Les explications que ce dernier a données en audience à ce sujet sont plausibles et auraient pu avoir pour effet de modifier la décision du syndicat, s’il avait cherché à connaître la position du plaignant dans ces supposées menaces. 2003 QCCRT 0588 PAGE : 10 [52] Quand les intérêts d’un membre du syndicat entrent en conflit avec ceux du salarié congédié, le syndicat doit faire preuve d’une attention plus soutenue, ceci afin de respecter son devoir de représentation équitable à l’égard de chacun de ses membres en cas de grief. [53] Le plaignant a un droit apparent à faire valoir en raison des pratiques passées dans l’entreprise qui a toléré le lancement d’eau, puisque tous reconnaissent que le geste du plaignant n’est pas isolé et que d’autres salariés ont déjà agi de façon similaire. Il appartiendra à l’arbitre de déterminer si la sanction est justifiée. [54] Enfin, il n’y a pas lieu de reprocher au plaignant ses réticences en mars 2003 à donner des explications à son syndicat. Il a pu percevoir le désir du syndicat à entendre ses explications comme une réponse à sa plainte à la Commission des relations du travail. Il est vrai que le travailleur a l’obligation de participer à son enquête. Le plaignant a tenté à plusieurs reprises de rejoindre son syndicat durant l’automne sans succès. Devant le peu d’empressement de ses représentants, son attitude peut s’expliquer. Le 3 décembre2002, une lettre mal adressée est envoyée au plaignant, mais il reste que le syndicat aurait pu le rejoindre autrement à cette époque, comme il a su faire en février 2003. EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail ACCUEILLE la plainte de Jonathan Hudon; AUTORISE Jonathan Hudon à soumettre sa réclamation à un arbitre nommé par le ministre du Travail pour décision selon la convention collective liant les Produits Polychem ltée et les Métallurgistes Unis d’Amérique local 9414 comme s’il s’agissait d’un grief; AUTORISE Jonathan Hudon à se faire représenter à cette fin, aux frais du syndicat les Métallurgistes Unis d’Amérique, local 9414, par le procureur de son choix. __________________________________ Hélène Bélanger 2003 QCCRT 0588 Me Pierre Blain BLAIN, THIBAUDEAU AVOCATS Représentant du requérant Me Pierre Lalonde Représentant de l’intimé Date de la dernière audience : 28 août 2003 PAGE : 11