LE PRISONNIER DE GEORGES DE LA TOUR : OU LE DEVOIR DU

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LE PRISONNIER DE GEORGES DE LA TOUR : OU LE DEVOIR DU
LE PRISONNIER DE GEORGES DE LA
TOUR : OU LE DEVOIR DU POETE POUR
RENE CHAR
René Char, on le sait, vivait dans l’entourage des peintres, de ses
contemporains d’abord, mais aussi de Poussin, Courbet ou Georges de La Tour. En
dehors des affinités personnelles ou des questions de goût, qu’est-ce qui le liait tant à ces
peintres, lui qui va jusqu’à les appeler ses « alliés substantiels » ? Il en est un en effet qui
semble trouver des résonances profondes dans son œuvre : il s’agit de de La Tour et tout
particulièrement, de son tableau dit du Prisonnier, renommé récemment Job raillé par
sa femme. René Char a découvert ce tableau, dont il dit lui-même qu’il lui est très
cher1), lors de l’exposition de l’Orangerie à Paris, en 1934. Quelques années plus tard,
en 1940, alors qu’il est chef de l’armée secrète, il épinglera une petite reproduction en
couleur du Prisonnier dans son poste de commandement à Céreste2). À la fin de la
guerre, revenant aux Busclats, la maison familiale de l’Isle-Sur-Sorgue, il aura soin de
raccrocher au mur de son cabinet de travail sa chère reproduction du Prisonnier3). Dans
son recueil Seuls Demeurent (1938-1944), il se montre reconnaissant au peintre d’avoir
combattu en lui l’idée d’une « condition humaine incohérente »4 et d’avoir soutenu son
action contre un monde devenu fou. Dans le recueil suivant, Feuillets d’Hypnos, il voit
en de La Tour celui qui « maîtrisa les ténèbres hitlériennes » et ceci par « un dialogue
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d’êtres humains » (F.M., p.218), et décrit avec précision le dit tableau. Jusqu’à la fin
René Char se dit redevable de ce Prisonnier, y faisant explicitement allusion dans son
poème « Justesse de Georges de La Tour »5 (1966), ainsi que dans La nuit talismanique
qui brillait dans son cercle (1978). Le poète s’en explique un peu dans un entretien avec
Raymond Jean, en 1968 : « Georges de La Tour, confie-t-il, est souvent mon intercesseur
auprès du mystère poétique épars sous les hautes herbes humaines »6).
On peut d’ores et déjà supposer que sa peinture a réellement soutenu René Char
dans son travail de poète et qu’elle l’a rapproché du mystère. D’autre part, il fait toujours
appel quand il évoque de La Tour aux notions d’impératif ou de secours, pour louer
aussitôt sa justesse de vue. Or les poèmes ou pièces de René Char reviennent aussi
constamment à la notion de devoir ou de condition à remplir. Ce n’est pas tant un
impératif moral ou social qu’une exigence intérieure que le poète s’impose à lui-même;
exigence due à « un humanisme conscient de ses devoirs » (F.M., p.173), dit-il, ou
encore imposée « par quelque chose ou quelqu’un à sauver »7). Lui-même ne peut se
libérer de ce devoir qu’il ressent comme une « contrainte absurde » (T., p.1028), car
surgie inexplicablement de sa conscience. Qu’y-a-t-il donc à sauver, qui s’impose avec
tant de force, et dont le peintre serait l’intercesseur dans son tableau du Prisonnier ? Car
le résistant que fut René Char, après avoir combattu contre « les ténèbres Hitlériennes »,
conservera la même ardeur pour lutter contre toutes les formes de totalitarisme, de
mensonge, ou d’entreprise de destruction de l’homme et de la nature. On ne s’étonnera
donc pas de le voir associer le tableau du Tricheur de de La Tour à une requête contre la
présence d’armes nucléaires sur le plateau d’Albion. Il y voit la même lutte contre le
Mal. En effet, si ses poèmes semblent constater, impuissants, l’évidence de ce Mal, dans
le même temps ils rétablissent l’existence de son contraire, qui n’est jamais le Bien, pour
René Char, mais une vie pleine de promesses. Tel est le paradoxe d’une poésie qu’il dit
« née de l’angoisse de la rétention et d’un appel d’un devenir » (F.M., p.247).
Cette rétention, il l’a connue par sa vie de résistant clandestin, caché dans une
maison du petit village de Céreste, inconnu aussi aux yeux de ses compagnons qui
ignoraient sa tâche de poète. Et cependant, c’est en sa qualité de poète qu’il tient à se
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mêler au combat. Quel allié a-t-il alors trouvé en Georges de La Tour, qui lui permette
de découvrir dans sa responsabilité de résistant, son devoir de poète ? En comparant les
conditions objectives de sa rétention avec la description qu’il donne du Prisonnier, nous
comprendrons mieux comment le poète, et non pas le résistant, s’est reconnu dans ce
prisonnier. Alors apparaîtra le sens de son combat et nous saisirons mieux quelles sont
ces « preuves » 8) trouvées dans le tableau du Prisonnier, qui lui imposèrent pour
toujours le devoir de se battre. Enfin, nous pourrons nous demander ce qu’il y avait, pour
ce soldat-poète, finalement de plus impérieux à défendre en l’homme que la liberté.
SA CONDITION DE PRISONNIER
Avant de décrire le tableau du Prisonnier, le poète prend bien soin d’indiquer
les circonstances particulières dans lesquelles ce tableau s’inscrit :
La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de la Tour que j’ai piquée
sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps réfléchir
son sens dans notre condition.(...). Depuis deux ans pas un réfractaire qui n’ait
passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle.
Cette précision sur l’emplacement du tableau souligne d’emblée le lien avec sa
situation de résistant qu’il qualifie ici de « réfractaire ». La reproduction du Prisonnier
est au cœur même des combats, dans le poste de commandement du Capitaine
Alexandre, pseudonyme de résistant du poète, où se donnent et se prennent les missions
militaires. Il représente l’horizon fermé de ceux qui se cachent dans la clandestinité du
Maquis, murés dans leur repaire. D’autre part, le poète identifie le tableau à son désir de
nuit. Car l’occupation Nazie, tout autant que la collaboration de l’état français, est le
signe pour lui que « le soleil (après être entré) dans le signe de ses ennemis »9), et
devenu « lumière pourissante » (N., p.467). Il opte donc pour l’obscurité de l’action
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secrète et la nuit de l’exil loin du cercle des poètes. En choisissant le maquis, le poète
sait qu’il se condamne doublement au mutisme, en soldat d’une armée secrète et en poète
aussi. Car, dans une époque où la parole est capturée par la propagande au profit du
mensonge ou de crimes, le poète n’a plus qu’à s’effacer. Cette époque rendrait indécente
sa parole. Il sait qu’il ne peut plus parler, que « sa langue est tranchée » (F.M., fr. 57,
p.189). Il entre alors résolument dans le chaos de l’action, et note sur son carnet de
combat :
Tout ce qui a le visage de la colère et n’élève pas la voix (F.M., fr. 92, p.197).
Il s’en tient à la fureur des armes et se voit contraint d’admettre, expérience
capitale pour un ancien surréaliste, que la poésie « n’est pas partout souveraine » (F.M.,
fr. 132, p. 207). Dans le même temps, il prend conscience que malgré ce désastre
extérieur, il porte en lui des capacités d’écriture qui semblent presser ses mains de se
remettre à l’ouvrage : « Que voient les emmurés ? L’oubli ? leurs mains ? »10),
s’interroge-t-il douloureusement. Ailleurs il reprendra l’image du mur, pour dire la
même aridité :
Les Ténèbres du Verbe m’engourdissent et m’immunisent. Je ne participe pas à
l’agonie féerique. D’une sobriété de pierre, je demeure la mère de lointains
berceaux (F.M., fr. 95, p.198).
L’expérience de l’emprisonnement se fait toute intérieure. C’est en lui-même
que le poète est muré. Devenu insensible sous l’avalanche du mal, non seulement il ne
peut plus écrire, mais encore il n’a même plus la force de rêver ni de se souvenir. « Pas
un souvenir » n’arrive à le faire même « frissonner ». Dans un poème de 1956 consacré
au supplice de Jeanne d’Arc, il saisit par expérience les maux dont souffre « l’âme mise
au cachot puis au supplice » (R.B.S., p.666). Comme Jeanne il souffre de sa solitude.
Dans ses rapports avec les autres combattants, il a conscient en effet de vivre « (son)
mystère » au milieu d’eux (N., p.429). Il laisse alors échapper cette interrogation
angoissée :
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Comment m’entendez-vous ? Je parle de si loin... (F.M., fr. 88, p.197).
Mais dans le même temps où il est tenté de s’enfermer dans sa singularité de
poète, le combat le rend solidaire de ces hommes. Il parle au nom des réfractaires, à la
lueur de leur condition commune. Il se dit reconnaissant d’avoir pu combattre auprès de
ces « braconniers de Provence » (F.M., fr. 79, p.194) à la loyauté indéfectible. Mais
comment la parole poétique peut-elle établir le dialogue ? Peu à peu, ce métier aussi
imprévu montre le poète aux prises avec sa propre parole poétique.
De l’action il ne tire que du remords, celui de devoir « fixer le destin » d’autrui
(F.M., fr. 150, p.211), d’être demeuré misérable à combattre « contre les chiens de
l’enfer » (R.B.S., p. 633). Il hésite à qualifier ses actes de justes et en vient à espérer
« une balle perdue » pour éloigner un mouchard (F.M., fr. 215, p.226). Même engagé, il
reste incertain sur le sens de son combat. Dans sa pièce « Le Soleil des eaux » de 1947, il
met dans la bouche du sage Auguste sa propre interrogation : « le feu ! Le juste ou le
terrible » (T., p.1042). Lui-même n’est pas fixé. Il ne regarde pas sans responsabilité ses
contemporains s’enfoncer dans la spirale du mal 11), et se sent personnellement
coupable des rafles d’israélites :
Je veux n’oublier jamais que l’on m’a contraint à devenir — pour combien de
temps ? — un monstre de justice et d’intolérance (...) Les rafles d’Israélites, les
séances de scalp dans les commissariats, les raids terroristes des polices
hitlériennes sur les villages ahuris, me soulèvent de terre, plaquent sur les
gerçures de mon visage une gifle de fonte rouge (R.B.S., « Billets à Francis
Curel, 1943, p.633).
C’est un être intimement brisé qui fait face à l’évidence blessante du triomphe
nazi. Après avoir répliqué aux coups, il est tenté maintenant de céder à la « léthargie »
(F.M., p. 146) du sommeil, sous cette « canicule des preuves » (F.M., p.144). D’autant
plus qu’il pressent que cette vie humiliée par la barbarie, ce bien ou cette beauté bafoués,
(les deux mots sont synonymes pour René Char), le sont pour les siècles à-venir. Il a
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saisi en effet que l’homme est entré dans un engrenage. Ionesco dans son opéra sur
Maximilien Kolbe a dénoncé le même cycle infernal du mal, puisque les prisonniers du
bunker de la faim deviennent à leur tour les bourreaux de leurs geôliers, dans une danse
infernale. René Char explique que cette tendance à écraser son prochain, si elle ne
s’incarne plus dans un totalitarisme politique, est cependant enfouie dans l’inconscient
des hommes. Un mouvement a été donné. Désormais, « on vivra en improvisant à ras de
son prochain » (R.B.S., p.743). Le poète prédit en la dénonçant cette sorte d’indifférence
et d’intolérance à l’égard de l’autre. La terre est devenue irrémédiablement invivable;
elle n’est plus qu’un « cri immense dans la gorge de l’infini écartelé » (R.B.S., p.633)
qui retentit jusqu’au fin fond du cosmos.
Désormais, incapable de tout mouvement, il se tiendra « assis devant l’âtre de
la bestialité » 12), comme le Prisonnier recroquevillé de La Tour. A ses pieds, l’écuelle
vide et ébréchée signifiera son absolue aridité intérieure. « L’écuelle est une ruine ».
Seul reste au prisonnier son dénuement. Dans la silhouette du Prisonnier, à demi-nu,
décharné, le dos voûté, la poitrine creuse, le poète reconnaît sa propre « maigreur d’ortie
sèche ». Mais, se faisant, il se rapproche du souffle, lui dont l’existence désormais ne
pèse pas plus que l’herbe sèche. Comme alors il ressemble à Job ! Et c’est là
paradoxalement sa seule ressource :
S’il te faut repartir, prends appui contre une maison sèche. (...) Ses propres
fruits le désaltéreront 13).
C’est en lui même, dans cette aridité intérieure, au delà de son habileté de poète
ou de sa belle carrure de chef de combat, qu’il trouvera les ressources lui permettant de
franchir les impasses de l’action ou du rêve. Le vrai bien, la légitimité de son combat
semblent être ailleurs. Le poète aspire ainsi moins à la liberté, qu’à la « transhumance du
Verbe » 14). Comme le berger au moment des grosses chaleurs souhaite conduire ses
troupeaux vers les hauts plateaux, le poète, fuyant l’asphyxie de l’idéologie nazie,
cherche à élever son Verbe poétique, auquel il met une majuscule, aux parages du
mystère.
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SECOURS APPORTÉ PAR UNE TERRESTRE
SILHOUETTE D’ANGE
René Char saisit qu’à se battre avec l’adversaire, il y a tout perdu. Il considère
peu à peu sa vulnérabilité comme une chance de l’emporter sur son ennemi triomphant;
car sa pauvreté est la seule réalité qu’il ne partage pas avec lui. De même sa foi en la
beauté. Poète, il comprend qu’il doit lutter avec les ressources de sa condition. Son
devoir est de renouer avec la beauté dans un monde ravagé, d’affirmer par sa poésie que
les sources d’émerveillement n’ont pas sombré définitivement :
Notre rôle à nous est d’influer afin que le fil de fraîcheur et de fertilité ne soit
pas détournée de sa terre vers les abîmes définitifs (R.B.S., p.638).
Pour cela, il doit admettre que son inspiration lui est donnée gratuitement
comme la pluie et donc qu’elle dépasse toutes contingences. Il lui faut croire à
l’alternance de la lumière et des ténèbres, au même titre qu’à l’alternance de la pluie et
de la sécheresse. Son devoir devient de se tenir disponible :
Ce n’est pas un assaut que nous soutenons, c’est bien davantage : une patience
imagination en armes nous introduit à cet état de refus incroyable. Pour la
préservation d’une disponibilité (R.B.S., p.743).
Sa force sera désormais dans cette patience; il aura la ténacité de la nature qui
finit par s’infiltrer dans le mur :
J’ai, captif, épousé le ralenti du lierre à l’assaut de la pierre de l’éternité (F.M.,
p. 137).
Son travail sera de creuser le moindre filet d’eau reçu, de persévérer face au
silence du Verbe, de s’établir dans la durée. Ainsi en est-il de la peinture du Prisonnier,
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dont il a le sentiment qu’« avec le temps », elle éclaire son étrange condition de poète. Il
accepte alors de n’être pas toujours inspiré; il se dit homme « des berges », ne pouvant
l’être toujours « de torrent » (F.M., fr. 174, p.217). Comme le Prisonnier, il « écoute ». Il
se tient aux écoutes d’une présence qui peut parler à tout moment. Attentif, il ne redoute
plus le silence; car il appelle par son attention la venue de cette réalité. Le poète
concentre ainsi ses facultés sur une situation présente. Il avoue être redevenu
« journalier » (R.B.S., p.638).
Cette « foi vaillante » en l’inspiration poétique va plus loin encore, elle ne croit
plus qu’à cette réalité qui advient. La foi indéfectible du poète pour les richesses du cœur
de l’homme exige la certitude « du bien supposé et du mal dépassé » (R.B.S., p.638).
Elle ne considère que le prodige qu’est la vie humaine. A défaut d’espérance religieuse,
le poète propose l’idéal du Prisonnier à ses camarades de combat. Et quand la distance
entre cet idéal et la violence des assauts du mal s’accroît, même si son cœur se serre, le
poète préfère la veille, au sommeil. C’est pourquoi, le poète précise que cette
reproduction du Prisonnier « serre le cœur mais combien désaltère ». Mais quelle est
cette réalité qui en l’homme permet de croire au prodige ? Pour défendre son idéal, René
Char a jeté un pont entre l’expérience de sa vulnérabilité et celle du pouvoir poétique . Il
croit en l’homme parce qu’il sait ses ressources immenses, et que lui-même se sent
constamment visité par un génie poétique.
René Char désigne en effet l’inspiration poétique sous la forme d’un ange. Mais
il tient à préciser que cet ange n’a rien de céleste, ni de sacré :
L’intelligence avec l’ange, notre primordial souci. (Ange, ce qui, à l’intérieur
de l’homme, tient à l’écart du compromis religieux, la parole du plus haut
silence, la signification qui ne s’évalue pas. (...) Ange : la bougie qui se penche
au nord du cœur (F.M., fr. 16, p.179).
Constatons d’abord que l’ange est distinct de l’intelligence et du cœur. Il
désigne quelque chose des profondeurs de l’homme, qui n’est pas l’âme, au sens
religieux, non plus. C’est un mode de connaissance qui échappe au contrôle de la raison;
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et en ce sens, il s’énonce dans un murmure qui avoisine le silence. Cette connaissance se
contente d’indiquer une orientation, comme l’aiguille d’une boussole. Comment ne pas
penser ici à cette capacité d’intuition, dont on dit qu’elle est spécifiquement féminine ?
Pour René Char, en effet, la poésie naît de la réflexion et surtout de l’intuition :
A l’expiration de la réflexion on se heurte à l’intuition (...). Comme on
abandonne volontiers la première pour suivre la seconde ! 15)
Or, l’ange de René Char est féminin. Cette femme lui est toute intérieure et
toute accordée. Elle ressemble à la Solange du Soleil des eaux avec laquelle Francis sent
une affinité si forte qu’elle semble naturelle :
— C’est extraordinaire comme ça me paraît normal et bien accordé, toi et toute
cette violence qu’il me faut montrer ! Pourtant, plus tu es invisible aux autres,
mieux tu es vue de moi (S., p.1028).
Avec la Madeleine, le poète fera la même expérience de similitude :
Nous marchons dans une intelligence d’ombres parfaite (R.B.S., p.665).
Elle est donc l’expression d’un mode de connaissance qui lui est très personnel.
Elle est la part la plus intuitive de son imagination; il l’appelle Ève car elle désigne le
souffle poétique qui lui est le plus intime, chair issu de sa chair, « Eve » dont la vie
« avait l’exacte dimension du cœur (sa) nuit » (fr. 143, p.210). Elle lui appartient mais ne
se confond pas avec lui. Ces deux êtres forment un couple indispensable à l’écriture
poétique :
A l’amant il emprunte le vide, à la bien aimée, la lumière (F.M., p.166).
Le poète trouve sa voix dans ce double mouvement de don et d’accueil. Qu’il
l’identifie comme « l’expression de son génie » ou le fruit de son « appauvrissement »
(F.M., fr. XL, p.165), cette connaissance tient à la fois de sa pauvre expérience terrestre
et de l’oracle. Dans la compagne du Prisonnier, Char reconnaît cette « terrestre
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silhouette d’ange rouge » qui « explique ». C’est elle qui lui révèle la poésie. Aussi tientelle cette bougie qui « se penche » vers le cœur, sa silhouette décrivant ainsi une
arabesque au-dessus du Prisonnier. Sa présence est envahissante. Son élégance, le
raffinement de son vêtement, les hauts plis de sa robe rouge, contrastent avec la nudité
du Prisonnier. Elle apparaît monumentale, grandiose16). Le poète a conscience d’être
captivé par cette femme à la robe rouge, comme lorsqu’enfant, il était fasciné par
l’atelier du forgeron, dont « l’espace ardent le tenait entièrement captif » (F.M., p.143).
Cette « mystérieuse dispensatrice » de poésie, comme une reine, l’assujettit. Dans son
poème « La Passante de sceaux », René Char ne se lasse pas de s’émerveiller de la
noblesse de chaque trait de son visage: sa bouche est « souveraine », son front,
« dominant », son cou, une « seigneurie » (P., p.384). Et il désigne toujours à l’aide de
majuscules celle qu’il nomme « Beauté », « Sœur immédiate » ou « Passante ».
Elle est toujours représentée, en effet, sous les traits d’une jeune fille, dont
l’apparition est brève. Ainsi, la compagne du Prisonnier dont le caractère inattendu de la
visite est souligné par l’adverbe « soudain », mis en tête de phrase. La révélation en
poésie 17) ne brille que l’espace d’un instant :
XX°siècle : l’homme fut au plus bas. Les femmes s’éclairaient et se déplaçaient
vite, sur un surplomb où seuls nos yeux avaient accès (P., p.381)
Pour René Char la poésie est liée à une expérience proche de l’extase
mystique 18). Elle s’impose à lui comme un bref éclat de lumière dans la nuit, capable
de maîtriser les ténèbres du remords, en lui, et du mal, au-dehors. Car, si René Char
ignore l’euphorie de l’extase, il en reconnaît cependant la force impérative. La lumière
qu’apporte la femme est perçue par l’homme comme « un édit lumineux » (R.B.S.,
p.744). La lumière signale toujours cet instant de grâce. Et plus précisément, il s’agit
toujours d’une lumière ardente, produite par une flamme, qui peut être une torche, un
brasier, des cendres qui rougeoient, ou la clarté d’une bougie. Flamme vive qui peut
aussi revêtir la forme d’un coup de foudre. Car, la connaissance chez René Char n’est
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pas intellectuelle, mais connaissance amoureuse. Aussi, l’éclair est perçu comme un
« baiser de feu », à cet instant de la rencontre.
Cependant à l’éclat de lumière, au feu, succède une expérience de fraîcheur.
« Le Verbe désaltère » le prisonnier. La femme sollicitée par la sécheresse de l’homme
lui apporte ce que ce dernier lui mendie : l’eau de la révélation poétique. René Char ne
manque pas d’images pour indiquer cette résurgence de l’eau. Tantôt c’est une humide
« fougère dans le mur », tantôt une « cascade apparue », ou l’annonce d’une averse
imminente. Quand la compagne du prisonnier « explique », le poète voit les mots tomber
du ciel. René Char est du pays des Sorgues. Or les sorgues, en Provence désignent ces
rivières souterraines qui par endroits resurgissent de façon inattendue, comme à Fontaine
de Vaucluse. Aussi le poète associe tout naturellement ce bref éclair de lumière et cette
résurgence soudaine de l’eau. Cette alliance des contraires que sont l’eau et la flamme
est un des traits de sa poésie. La poésie se recueille comme une « goutte de clarté »
(R.B.S., p.759), une « sueur dorée » qui tombe des étoiles (N., p.437), une « mousse
ardente » (P., p.409) ou une « clarté qui pleure » (N., p.436). Dans le poème sur le
Prisonnier, le poète voit briller « les minutes de suif de la clarté »; l’élément liquide
qu’est ce suif, graisse animale dont on se servait comme combustible pour les bougies,
s’allie à la clarté de la flamme. Pour René Char l’art renvoie à la fois à l’image de la
braise et du filet d’eau. Car seule la poésie a le pouvoir de s’infiltrer entre les pierres de
la muraille et a le don d’illuminer tout le cachot. La lumière signale l’instant de la
révélation tandis que l’eau rend compte du bienfait accordé au poète. La braise est pour
son regard, l’eau, pour sa fatigue et sa soif. Cette révélation dont le poète semble
expérimenter d’abord la fascination aveuglante, se fait ensuite plus bienveillante. Tels
sont les deux services reçus de la femme :
J’aime, je capture et je rends à quelqu’un. Je suis dard et j’abreuve de lumière
le prisonnier de la fleur. Tels sont mes contradictions, mes services 19).
Parfois l’expérience poétique associe non plus l’eau et la lumière, mais la terre
et la lumière. Dans un beau poème « Dansons aux Baronnies », du nom du petit village
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de Haute-Provence de Buis-les-Baronnies, le poète se souvient de cette jeune inspiratrice
à la robe d’olivier, dont les feuilles aux reflets argentés brillent encore sur la colline :
En robe d’olivier / L’Amoureuse / avait dit : / Croyez à ma très enfantine
fidélité / Et depuis, / une vallée ouverte / une côte qui brille / un sentier
d’alliance / ont envahi la ville / où la libre douleur est sous le vif de l’eau (N.,
p.429).
La terre elle-même porte les traces de son passage lumineux. De la terre monte
aussi des feux, allumés sans doute par la femme, puisqu’ils apparaissent au poète comme
des « bouffées de paroles lumineuses » qui s’adressent à lui (R.B.S., p.643). Cet instant
de grâce poétique illumine un espace matériel tout en révélant un monde autre, libéré de
la faute originelle, et par conséquent, de la lutte des créatures entre elles. L’image
féminine et masculine réussissent à s’atteindre. C’est la fin de la concupiscence et la
naissance du désir poétique. Le poète désire en effet accorder les contraires et proposer
un monde apaisé. Il emploie des adverbes tels que « également », « indistinctement »,
« indifféremment » ou des périphrases indéfinies comme « ce qui vient au monde », « ce
qui t’accueille ». Il ne délimite pas la vision et travaille à maintenir la fragile harmonie
qu’elle lui offre. Le poète ressent alors une joie d’être au monde comme Solange, dans
« Le Soleil des eaux » :
C’était beau comme tout. Les champs étaient pleins de paysans, d’oiseaux et de
fleurs ensemble. Ceux qui travaillaient ne gênaient pas les autres, qui étaient
simplement heureux d’être au monde (S., p.978).
La poésie seule apporte cette joie d’un équilibre entre les quatre éléments et
d’une concorde en soi, entre ses doutes et la confiance en l’homme. Cette paix élève
l’homme au-dessus des ruptures, des déceptions, de la souffrance présentes. Le poète
croit de nouveau à la cohérence de la condition humaine. Tel est le mérite de Georges de
La Tour.
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NAISSANCE DE L’INESPÉRÉ
En cet instant, le poète parvient à s’élever hors des limites du fini, des
contingences de l’existence. Dans son poème sur le Prisonnier, il note que la clarté
« élargit et dilue les traits de l’homme ». L’état extatique a fait du prisonnier
momentanément un être presque impersonnel. Il croit sentir son corps s’agrandir
démesurément, son âme se dilater : Son corps lui semble « plus immense que la terre »
(F.M., fr. 236, p.232) tant il reçoit de la femme des « promesses de félicité
innombrables ». Son sentiment d’enfermement intérieur s’évanouit tandis qu’il perd de
vue sa condition matérielle de reclus. L’espace devenu plus léger, au contact de l’être
aimé, lui semble beaucoup plus grand. Le temps s’est arrêté, suspendu par l’alliance des
contraires, tel l’absurde et l’amour ressentis conjointement en cet instant. Dans cette
stabilité fragile de l’amour, les minutes s’écoulent lentement. Le poète célèbre, avec la
présence de la femme aimée, cette « sublime lenteur », « monte de l’amour » (N., p.468).
Le cœur s’est évanoui. Il n’est plus lié ni par l’espace ni par le temps. Il est tout à cette
présence de l’aimée. L’amour cependant ignore la cristallisation. Alors que le temps réel
et calculable est suspendu, le poème, lui, croît dans cet instant qui s’éternise. Pour rendre
compte de cet accroissement, René Char utilise souvent l’image du creusement :
Beauté, je me porte à ta rencontre dans la solitude du froid. Ta lampe est rose,
le vent brille. Le seuil du soir se creuse (F.M., fr.7, p.136).
Le poète choisit des verbes pronominaux ou des constructions sans
complément : les oiseaux « chassent » (F.M., p.136), la femme « explique » et le
prisonnier « écoute ». Les poèmes se déroulent dans un présent apaisé, parce que figé. Ils
ressemblent alors aux tableaux de de La Tour, proches de la technique d’arrêt sur image,
au cinéma : le prisonnier est comme pétrifié dans son geste de supplication désespérée,
les mains jointes, la bouche ouverte, le visage levé vers cette femme monumentale; le
bras levé de la femme vient de se figer à son tour. Le geste est énigmatique. Cette main
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ainsi suspendue interroge. Le geste y trouve une noblesse, la scène, une simplicité qui
avoisine le mystère. Le poète y retrouve l’idéal qu’il s’était fixé dans l’avant-propos de
Seuls demeurent de 1938 : « agrandir le sang des gestes » (F.M., p.129). Il élève son
action de combattant à une lutte contre les limites de l’existence. René Char affirme ici
par l’extase poétique sa capacité à tout dépasser. L’écriture poétique est un acte de
dépassement qui rend sensible l’infini et exige que « toute la place (soit) pour la beauté »
(F.M., fr.237, p.232).
L’extase poétique refait le monde plus beau et donne au poète une sensation
d’absolu, d’une soudaine explosion de beauté. C’est pourquoi les poèmes de René Char
recourent si souvent à l’adjectif ou à l’adverbe « tout ». Ainsi la compagne du prisonnier
illumine « tout le cachot ». Le poète croit voir dans sa voix « toute la vertu du ciel
d’août » (F.M., fr.230, p.231). Nous comprenons alors pourquoi la poésie est porteuse
d’espérance : Puisqu’elle épouse « la plane simplicité du soleil » (F.M., p.233), elle se
révèle capable de tout transfigurer. Déjà dans la pièce le Soleil des eaux, Auguste
propose l’image du soleil « qui prend tout », comme tactique pour combattre ses
adversaires (S., p.1039). La lune aussi, quand elle est pleine, et le poète insiste « pleine
de tous ses quartiers », annonce la vision poétique (F.M., fr.168, p.215). De même la
compagne du prisonnier se présente avec une « robe gonflée », comme une femme
enceinte. René Char associe donc à la forme ronde, une idée de maturation, de naissance
imminente. Face à la femme aux formes arrondies, il s’émerveille : « tu as la densité de
la rose qui se fera » (N., p.459) ! Même les premiers instants de cette grâce poétique sont
gages d’avenir : l’éclair « s’arrondit en fleur » (N., p.446), les sources sont « grossies »
(R.B.S., p.444). Quelle plénitude annoncent-elles ? Le poète nous en donne aussitôt la
clef
: « Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré ». L’ange vient ainsi
« gonfler la soif » (N., p.457) du prisonnier, pour qu’il puisse s’emplir largement de sa
parole. Encouragé par cette densité entrevue ce dernier sent déjà que l’accès au Verbe est
« descellé ». Il lui semble être parvenu devant « la porte de toutes les allégresses » (N.,
p.458).
15
Cependant les sources grossies ne donnent jamais lieu à des inondations chez
René Char. L’explication de la femme ne ressemble en rien à un flot de paroles. Les
mots révélés sont « essentiels ». Bien sûr le poète peut de nouveau écrire, mais alors
seulement en quelques mots. L’ange donne bien naissance à la poésie, mais celle-ci
s’appelle « la Minutieuse » (P., p.354), car elle préfère à la familiarité qui s’épanche, des
formules laconiques, pesées au mots près. L’écriture de René Char est en effet formée de
phrases plutôt brèves, entrecoupées de silence. Avant de disparaître, l’inspiratrice met
« un doigt devant (sa) bouche, pour couper court à l’effusion » (N., p.436). Le poète
refuse de se laisser prendre par la facilité ou le lyrisme amoureux. Il conserve les paroles
révélées pour une patrie intérieure, qu’il nomme la conscience. Pour René Char, la vérité
est personnelle. Or, le XX° siècle ayant proclamé la mort de Dieu, qui garantira cette
vérité ? La vérité exige désormais de celui qui parle, une « minutie d’application » (F.M.,
fr.123, p.204). En outre, la confidence est difficile quand elle touche à la vérité. Le poète
se découvre tellement dans les mots écrits,.qu’il veut en garder le secret. C’est pourquoi
il présentera l’ange comme « la parole du plus haut silence ». Dans le tableau du
Prisonnier, l’homme et la femme se font face dans un duel presque silencieux.
L’échange verbal disparaît derrière le duel des regards. L’œil droit de la femme scrute
l’œil gauche effaré du Prisonnier. Les deux yeux noirs et ronds, sur la même diagonale,
ont tout magnétisé. La scène est violente, mais d’une violence contenue. « Les
personnages ont les yeux secs, ils se dominent » 20). René Char expérimente la même
violence muette, à l’instant de la poésie : C’est l’heure « des volontés qui frémissent, des
murmures qui vont s’affronter » (F.M., p.258). Les mots essentiels que délivre l’ange
sont de « sèches paroles », que le poète trouve « pénétrantes comme le trident de la nuit
dans l’iris du regard » 21). Il est saisi par ce qu’ont d’énigmatiques ces paroles, ainsi que
par la part d’obscurité qu’il porte en lui, et qu’elles reflètent.
Après l’éblouissement poétique, l’échange accentue la nuit au-dedans du poète. La scène
nocturne du Prisonnier reflète bien l’atmosphère dans laquelle écrit René Char. La Tour
est, en cela, son ascendant. Malraux disait, en effet, qu’aucun peintre comme lui, « ne
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suggère ce vaste et mystérieux silence »; il est « le seul interprète de la part sereine des
ténèbres » 22). Le poète revendique aussi cette sérénité comme un des pouvoirs que lui
confère la poésie. L’écriture poétique lui permet de maîtriser l’angoisse. Il salue ainsi,
dans le personnage de Claire, le geste bienfaisant de l’eau qui, en l’effleurant, « chasse
(ses) fantômes » (R.B.S., p.654). Les mots de l’Ange « portent (ainsi) immédiatement
secours ». La nuit que creuse les mots, « mieux que n’importe quelle aurore », redonne le
goût de vivre, car elle reconduit le mystère de l’homme :
La grâce d’aller chaque fois plus avant, plus nu en nommant le même objet de
demi-jour qui amplement nous figure, c’est à la lettre reprendre vie 23).
La venue de l’ange rappelle à l’homme sa profondeur et sa capacité de
transfigurer le monde. Vivre devient alors pour René Char conquérir ces « pouvoirs
extraordinaires » dont tout homme se sent « profusément traversé » (F.M., fr.XXII,
p.160). Car la vraie vie n’apparaît qu’en poésie, dans l’éclair de la révélation et l’obscure
connaissance qui l’accompagne.
*
René Char admirait que les figures chrétiennes des tableaux de Georges de la
Tour soient restées humaines et contemporaines de leur auteur. La simplicité et le
dépouillement du décor portent ainsi la signification sacrée de la scène à hauteur
humaine ou plutôt à une profondeur intérieure. Le poète veut, de même, prendre corps
avec la réalité historique présente ou avec la matière, mais alors pour l’élever à une
dimension tout autre : il travaille à rétablir, par le prodige qu’est la poésie, la densité et
l’harmonie de notre être-au-monde. L’avenir de la poésie, comprend-il à la lueur du
Prisonnier, est dans la maîtrise des forces antinomiques. Son devoir est de réconcilier
l’homme avec le monde, l’homme avec lui-même, les éléments naturels entre eux, la
parole avec le silence. Le couple pathétique que forment le prisonnier au corps décharné
et sa compagne si imposante rappelle au poète le mystère de l’alternance. Il avance entre
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sécheresse et illumination. Le poème se conquiert dans un éclair mais ensuite mûrit dans
la nuit de la conscience. Aussi, privilégie-t-il la connaissance intuitive en poésie. C’est
cette vérité personnelle et secrète qu’il faut défendre avant tout. Il se sent le devoir de
sauver la parole contre tout totalitarisme idéologique, toute culture de masse. La
résistance à la peur et au mal s’accomplit dans une foi renouvelée en son propre verbe
poétique. Il le situe à cette profondeur cachée qu’atteint seulement une connaissance
amoureuse. La parole sera du côté de la vie et la confidence. René Char exige en effet
que la parole accroisse la joie d’être au monde, en faisant goûter à l’homme une
plénitude, comparable à celle dont comble l’amour. En outre, elle devra préparer des
hommes d’action . c’est-à-dire ceux qui auront la liberté de dire la vérité avec
précaution, tout en prenant le risque de l’absolu. La justesse de la parole nécéssite autant
un travail minutieux qu’une largeur de vue. Pour cela une condition s’impose : le poète
doit entrer « dans le cercle de la bougie » que tient l’inspiratrice. Il s’oblige ainsi à une
constante disponibilité, ouvert à tous les possibles. Ensuite, il doit conserver à ses
poèmes cette clarté énigmatique de l’intuition. Face à la scène muette du Prisonnier,
René Char comprend que le silence est « l’étui de la vérité » 24) Il rétablira un
« dialogue d’êtres humains » en risquant le silence et en s’ouvrant à son propre mystère.
Et ceci grâce à la femme « aux offrandes opaques » (S.M., p.837). Celle dont, comme le
prisonnier, il croit recevoir la visite.
Geneviève FONDVILLE
Chargée de cours titulaire
à l'Université Sophia
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1 René Char confie à Jean Pénard: « j’ai revu Le Prisonnier, dont vous savez à quel
point il m’est cher. Sa restauration est effarante. », in Rencontres avec René Char, Corti,
1991, p. 117.
2 « Je l’ai vu écrire des passages à la hâte, sous une petite reproduction du Prisonnier de
Georges de La Tour », témoigne Georges-Louis Roux, L’Herne 1971, in Œuvres
Complètes, Collection La Pléiade, Gallimard, 1983, p. 1129. Toute référence dans le
texte qui ne donne que les pages citées renvoie à l'édition de La Pléiade mentionnée cidessus. Le sigle "fr" signifie "fragment" et se trouve suivi de son numéro dans l'oeuvre.
On ne donnera dans le texte que les initiales des recueils qui auront déjà été mentionnés.
3 Rapporté par A. Ravaute, L’Herne, n°15, sur René Char, mars 1971, p. 211.
4 Fureur et Mystère, « Seuls demeurent », fr. IX, p. 157. (F.M.)
5 Le Nu perdu, p. 455. (N)
6 Entretien de René Char avec R. Jean, Le Monde, 11 novembre 1968, p. 1257.
7 Trois coups sous les arbres, « Le soleil des eaux », 1946, p. 1041. (S.)
8 F.M, fr. 178, p. 218. Désormais toute citation sans références renverra à ce poème
central, sur le Prisonnier.
9 La parole en archipel, « Transir », p. 353. (P)
10 Recherche de la base et du sommet, p. 753. (R.B.S.)
11 « Je ne fais pas un procès facile à mon époque. Je ne la regarde pas sans
responsabilité ni remords s’enfoncer dans son destin qui n’est pas précisément celui de la
générosité... », déclare le poète au public, p. 1063.
12 Aromates Chasseurs, p. 519. (A)
13 Contre une maison sèche, p. 479.
14 « L’homme fuit l’asphyxie. L’homme dont l’appétit hors de l’imagination se calfeutre
sans finir de s’approvisionner (...) L’homme qui s’épointe dans la prémonition, qui
déboise son silence intérieur. Aux uns la prison et la mort. Aux autres la transhumance
du Verbe. Déborder l’économie de la création, agrandir le sang des gestes, devoir de
toute lumière » (F.M., « Argument », 1938, p. 129 )
15 Le Marteau sans maître, « Moulin Premier », fr. IX, p. 64.
16 « Celle-ci jaillit de l’obscurité, immense étincelle de rouge et de feu. Décrivant une
arabesque, cette épouse inquiétante, statufiée dans son ample vêtement aux plis en
tuyaux d’orgue, ploie les épaules, courbe sa tête prise dans un turban écru enroulé avec
recherche. La femme de Job est dure et captatrice... », A. Lacau Saint Guily, La Tour,
une lumière dans la nuit, Mame, 1992, p. 110.
17 René Char le confirme à Jean Pénard : « Certes, dans les moments de grâce, la
lumière est reconnaissante et vient toute seule dire merci. C’est cela, l’inspiration »,
op.cit., p. 78.
18 Nous nous référons ici au très beau chapitre « la nuit et l’extase » de Paul Veyne,
René Char en ses poèmes, p. 223 et suivantes, Gallimard 1970.
19 Les Matinaux., p., 322.(M.)
20 A. Lacau Saint Guily, op., cit., p. 110.
21 Chants de la Balandrane, 1975-1977, p. 532.
22 Malraux, cité par François-Marie Mourad, in « la poétique de René Char », L’école
des lettres II, n°2, 1991-1992, p. 9.
23 Fenêtres dormantes et porte sur le toit, 1973-1979, p. 581.
24 Sous ma casquette amarante, 1980, p. 831. (S.M.)