La proximité : une histoire de distance

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La proximité : une histoire de distance
LA PROXIMITÉ :
UNE HISTOIRE DE DISTANCE
prendre soin, c’est en même temps exprimer sa compassion …
… et ne pas fusionner.
Didier Sicard
IFPS
Formation infirmière
44 chemin du Sanatorium
UE : 3.4S6 ; 5.6S6 ; 6.2S6
VASSANA Dam ; GANDREY Jordan ; MICHEL Renaud
PROMOTION 2013 / 2016
Formatrice de guidande : BRAICHOTTE Marie-Noelle
LA PROXIMITÉ :
UNE HISTOIRE DE DISTANCE
prendre soin, c’est en même temps exprimer sa compassion …
… et ne pas fusionner.
Didier Sicard
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Formatrice de guidande : BRAICHOTTE Marie-Noelle
NOTE AUX LECTEURS :
Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou
partie sans l’accord de son auteur.
Remerciements :
Nous tenons à remercier les deux IDE qui nous ont apporté une vision plus
concrète de notre travail de recherche. Nous nous remercions nous mêmes pour le travail fournis par chacun et pour
une ambiance de travail très qualitative.
Enfin, nous tenons à remercier tout particulièrement Mme BRAICHOTTE pour
sa bienveillance tout au long de ce travail.
I. INTRODUCTION
……………………………………………………………1
II.SITUATION D’APPEL
1.
Description de la situation.
……………………………………………………………2
2.
Questionnements.
……………………………………………………………3
3.
Question de départ.
……………………………………………………………3
III.LA PARTICULARITE DE LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT HANDICAPÉ
MENTAL EN LIEU DE VIE.
1.
Cadre législatif.
……………………………………………………………4
2.
Lieu de vie.
……………………………………………………………4
3.
Qualité de vie.
……………………………………………………………5
4.
Le handicap mental.
……………………………………………………………6
5.
Les besoins de ces patients.
……………………………………………………………6
6.
Le rôle de l’IDE.
……………………………………………………………7
IV.LA RELATION SOIGNANT-SOIGNE.
1.
Présentation et analyse des
entretiens.
……………………………………………………………9
2.
La relation soignant-soigné.
……………………………………………………………9
3.
L’empathie.
…………………………………………………………………10
4.
Le processus d’attachement.
…………………………………………………………..12
5.
Les affects.
…………………………………………………………..13
6.
La juste distance
relationnelle.
…………………………………………………………..14
V. CONCLUSION
………………………………………………………………..17
VI.PROBLEMATIQUE .
………………………………………………………………..18
BIBLIOGRAPHIE.
ANNEXE.
INTRODUCTION
1
I.INTRODUCTION
Au terme de trois années d’études nous menant au diplôme d’état d’infirmier, il nous
est demandé de réaliser un travail d’initiation recherche, axé autour d’une situation d’appel.
Dans ce travail, nous aborderons la question de la relation soignant / soigné dans un
cadre particulier. Ce travail nous a permis de cheminer à travers le handicap mental, la
distance professionnelle et les émotions entre autres. L’être humain est un animal doté
d’émotions, et pour le soignant ces émotions / ces affects sont un outil de travail. Cet outil de
travail est peut être l’outil le plus difficile à comprendre et à maitriser, car cet outil se travaille
avec une distance / proximité qui doit être maitrisée. Ce travail nous l’avons commencé en
abordant les grands sujets ; les grands thèmes. Puis nous nous sommes laissés emporter
dans l’entonnoir de nos littératures afin de vous proposer aujourd’hui la lecture de nos
recherches.
Les soignants, sont tous amenés un jour à être confrontés, voir pour certains subir
une marque d’affection d’un patient. Le professionnalisme dont nous devons tous faire
preuve lors d’un soin technique a t’il la même résonance lorsque nous admettons que nous
soignons aussi avec ce que l’on pourrait simplifier par notre coeur? Nous étudiants, sommes
amenés à travers notre formation, à passer de l’hopital au lieu de vie en seulement quelques
jours parfois. Et c’est la différence dans le fait d’appréhender la personne d’un lieu à l’autre
qui nous interpelle. En effet, le patient de l’hopital, est il le même que le patient du foyer de
vie? Nous n’avons pas la prétention de pouvoir répondre à cette question, mais nous
espérons que la lecture de nos recherches puissent permettre d’apporter de l’eau au moulin
de votre cheminement.
SITUATION D’APPEL
2
II.SITUATION D’APPEL
1. Description de la situation :
La situation que je vais décrire s'est déroulée dans un foyer de vie accueillant des
personnes retraités en situation de handicap mental, lors d'un stage en 3ème année de
formation.
Je prends en charge monsieur J., âgé de 63 ans. Monsieur J. est célibataire. Il est
atteint de trisomie 21. Il a été admis dans la structure depuis le 02 mars 2013. L’évaluation
de sa dépendance est : GIR4. Monsieur J. peut se déplacer seul dans l'intérieur de la
structure et doit être aidé pour la toilette et l'habillage.
La première fois que j'ai accompagné monsieur J., je lui ai d'abord demandé si cela
ne le dérange pas que je l'accompagne. Il me dit qu'il est d'accord. Je le suis dans sa
chambre et lui demande de réaliser un brossage de dents avant de se mettre en pyjama.
Pendant l'accompagnement, je lui demande s'il a bien mangé et s'il a passé un bon aprèsmidi. Ensuite monsieur J. met son pyjama et je l'aide à s'installer dans son lit. Lorsqu'il est
couché, il me remercie et me demande que je lui fasse une bise. Je lui réponds d'abord que
non, que je n'ai pas le droit de le faire. Ses yeux se sont remplis de larmes. Face à la
situation, un peu gênée, je cède à la demande et lui fait la bise. Il me sourit et me remercie.
Puis, je me suis posée la question si c'était un manque de professionnalisme de ma part de
l'avoir embrassé sur la joue et de ne pas avoir essayé de négocier. Est-ce que les autres
soignants faisaient la même chose que moi ?
Suite à cet événement, j'échange avec l'aide-soignante. Je lui explique ce qui s'est
passé et que je ne suis pas gênée de le lui avoir fait la bise. Je lui demande si cela se
produit lorsqu'elle accompagne monsieur J. Elle me répond que non. Elle dit également que
ce n'est pas grave d’avoir répondu à sa demande.
Par la suite, monsieur J. a continué de me demander de lui faire la bise chaque fois
que je l'aidais au coucher et j'acceptais car je voulais lui faire plaisir. Et cela ne me
dérangeait pas car j'appréciais m'occuper de lui. J'ai remarqué qu'il demandait cette affection
à moi et non aux autres soignants. Je pensais que monsieur J. avait ce comportement avec
moi car j'étais une stagiaire. Il me considérait peut-être comme une amie et non un
professionnel.
3
Cette situation m'a interpellée car le fait d'avoir une marque d'affection pour un
patient enfreint-elle la distance professionnelle ? J'ai aussi constaté que la famille de
monsieur J. ne venait pas souvent le voir. De plus il ne reçoit qu’un appel par semaine. Donc
est-ce mon rôle en tant que soignant de répondre à ce besoin?
2. Questionnements :
- Est-ce un manque de professionnalisme de ma part de l'avoir embrasser sur la joue ?
- Ai-je franchi la barrière de la distance professionnelle ?
- Ai-je le droit de lui avoir fait la bise étant donné que c'est une marque d'affection ?
- Est-ce que c'est de l'empathie ? Quelles sont les limites de l'empathie ?
- Comment le processus d’attachement d’un patient envers un soignant se met en œuvre ?
Quels en sont les causes les conséquences ?
3. Question de départ :
En quoi la distance professionnelle et la proximité sur un lieu de vie entre un résident
adulte atteint de handicap mental et les soignants influent t’elles sur la prise en soin et la
qualité de vie?
LA PARTICULARITE DE LA PRISE EN CHARGE
D’UN PATIENT DEFICIENT MENTAL EN LIEU DE
VIE.
4
III.LA PARTICULARITE DE LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT DEFICIENT MENTAL
EN LIEU DE VIE.
1. Cadre législatif :
La principale loi sur les droits de la personne en situation handicap est la loi n°
2005-102 du 11 février 2005. Elle permet l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées. Grâce à cette loi, la Maison départementale
des personnes handicapées (MDPH) a été crée. Elle a pour mission d’informer,
d’accompagner et de conseiller les personnes en situation de handicap ainsi que sa famille.
De plus, elles bénéficient d’un suivi adapté par une équipe pluridisciplinaire. Aussi la MDPH,
permet de s’adresser à un guichet unique pour l’ensemble des démarches administratives.
Toujours selon la loi du 11/02/2005, les personnes en situation de handicap mental
ont les mêmes droits et devoirs que les autres à l’exception près qu’elles bénéficient d’un
droit supplémentaire nommé : droit de compensation. Par la loi il a été introduit une notion
fondamentale pour la reconnaissance des personnes handicapées mentales : « l’accès à
tout ; pour tous. »
2. Lieu de vie :
Un lieu de vie permet d’habiter un endroit, par conséquent de se l’approprier. Ainsi,
habiter est un comportement. Pour habiter il faut construire. Nous trouvons ici la limite pour
les personnes atteintes de handicaps mentaux ; car un domicile est le reflet de notre
capacité à construire nos pensées. En revanche, à défaut de construction, on peut parler
d’investissement ; donc investir un lieu c’est aussi l’habiter. Maintenant que nous
comprenons mieux ce qu’est habiter, penchons nous sur le lieu de vie en tant que tel. Un lieu
de vie à différentes fonctions comme la contenance qui sert de délimitation entre l’intime et le
publique ; une fonction d’identification : nous sommes dans le registre de l’être ; par exemple
nous disons « je suis de Besançon. » ; une fonction de continuité historique : on entend
assez souvent parler de « mémoire des lieux » et d’autres fonctions comme la créativité ou
encore l’esthétisme (1 pp 81-82).
5
Afin de compléter ce qui a été dit plus haut voici la vision du lieu de vie de l’IDE1 1 :
« (…) il faut bien voilà, penser différemment quoi. C'est pas des hospitalisés, c'est pas des
gens qui ont une famille et qui viennent là pour un moment. C'est un lieu de vie donc c'est
des gens qui vivent là. Et puis si ils ont pas de famille, leur famille se sont les équipes. ».
Puis complète : « Voilà. Alors bien sur, on connaît la barrière, bien sur. On se dit il faut pas
non plus qu'ils s'attachent à nous, nous on est de passage dans leur vie, etc... mais c'est pas
possible je veux dire humainement. C'est pas possible. »
3. La qualité de vie :
Selon l'OMS2, la qualité de vie se définit comme « la perception qu'a un individu de sa
place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels
il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s'agit d'un
large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne,
son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations sociales, ses croyances
personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement. »
Donc, la qualité de vie ne se rapporte pas qu’à la santé. Elle peut être définie de
façon assez concise par la satisfaction qu’un individu éprouve dans l’ensemble des
domaines de sa vie (2 p24). Par conséquent, la manière très singulière ; propre à chacun
d’appréhender sa qualité de vie, ne permet pas de l’évaluer avec une quelconque échelle.
Aussi, la qualité de vie n’a pas de limite en soi ; néanmoins, on peut définir un certain
contour avec des déterminants globaux comme la santé, le travail, les relations sociales…
etc.
Le cadre de notre recherche, nous mène à nous pencher sur la situation particulière
de la qualité de vie pour un patient atteint de handicap mental. En conséquence, la qualité
de vie passe avant tout par la bien-traitance. Marie-Jeanne Reichen (Direction de l'Action
Sociale au sein du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité) donne une consistance toute
particulière en regard de notre situation d’appel via cette phrase : « la bien-traitance des plus
vulnérables d'entre les siens est l'enjeu d'une société toute entière, un enjeu d’humanité ».
La bien-traitance, est avant tout une affaire d’empathie (vu plus loin : ndlr) ; donc, l’empathie
crée la bien-traitance et donc la qualité de vie. Pour Michel SCHMITT (3 p33), « construire la
bien-traitance à plusieurs, c’est poser les jalons d’une bienveillance réfléchie. » Cette
1
IDE : Infirmier(e) diplômé d’état
2
OMS : organisation mondiale de la santé
6
citation, pose les fondations de la bien-traitance, par le travail en interdisciplinarité. Par
conséquent, on pourrait tirer la conclusion que la qualité de vie est une empathie d’équipe.
4. le handicap mental :
L'OMS définit le handicap mental ou déficience intellectuelle comme « un arrêt du
développement mental ou un développement mental incomplet, caractérisé par une
insuffisance des facultés et du niveau global d'intelligence, notamment au niveau des
fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des performances sociales. (4)». Au delà
de cet aspect purement médical le législateur Français a définit un contour plus humaniste à
notre sens par L‘article 2 de la loi du 11 février 2005 précise que « constitue un handicap (...)
toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou
définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou
psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Ici le législateur insiste
sur la notion de participation à la vie de la société. Le handicap mental est donc la
conséquence d’une déficience intellectuelle. Cette déficience entraine une capacité et un
retard d’apprentissage accompagné de difficulté de compréhension, de décision et de
communication (5 p2.). Aussi pour compléter cette définition nous avons apprécié la
définition de l’UNAPEI en une ligne : « le handicap mental est d’abord la conséquence
sociale d’une déficience intellectuelle. »(6)
5. Les besoins de ces patients :
Réduit à sa plus simple expression conceptuelle et linguistique : Le handicap mental
est l’addition de la déficience mentale et de l’incapacité qu’elle produit et s’analyse en termes
de situation sociale. Les besoins peuvent donc être de deux formes : un besoin de
compensation sociale, et/ou une prise en charge thérapeutique, rééducative, institutionnelle
etc…
Bien que les capacités soient moindres, il est important de rappeler que même si le
temps d’acquisition est plus long ; ces capacités sont présentes et bien réelles. Il est
important de s’adapter et de tenir compte non pas des capacités supposées mais des
capacités réelles. Aussi, parmi l’ensemble des défaillance intellectuelle celle qui a eu la plus
importante augmentation de son espérance de vie est la trisomie 21 (7 pp181-197).
7
Ce vieillissement fait apparaitre de nouveaux défis quand à la réponse à offrir à leurs
besoins de santé. Ainsi, il arrive désormais que des patients trisomique 21 soient également
porteurs de la maladie d’Alzheimer. Le développement de l’accès aux soins et du dépistage
paraissent être les besoins actuel des patients adultes prédominants. Le fait de croire que
parce que les patients ne se plaignent pas c’est qu’ils ne souffrent pas est une croyance
fondamentalement erronée. Les patients atteints de handicap mental, ressentent la douleur
et le mal être ; leurs soucis est l’expression, la verbalisation de ces maux.
En conséquence, un changement de comportement inexpliqué doit être le
déclencheur de l’alerte au niveau du soignant. L’IDE 1 nous informe que sur 42 résidents 17
ont 50 ans ou plus.
Qu’ils soient atteints de trisomie 21 ou troubles envahissants du développement il
semble important de rappeler quelques fondamentaux pour répondre aux besoins des
patients (8 pp128-133). L’interdisciplinarité, ralentir le rythme et le travail des soignants sur
ces propres représentations engagent les soignants sur une prise en soins bienveillante
dans le but de maintenir ou d’améliorer la qualité de vie. Nous revenons un instant sur le
ralentissement du rythme afin mettre l’accent sur un point. Dans la relation verbale il a été
démontré que le silence a une importance toute particulière. Pourquoi ne rien faire ne seraitil pas aussi important qu’un silence dans la relation? Cette question reste entière et n’étant
pas l’objet de ce travail nous la laisserons sans réponse.
6. Le rôle de l’IDE :
Le rôle propre de l'infirmier est défini par le décret 2004-802 du 29 juillet 2004, dans
l'article R. 4311-3 : « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux
fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou
totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne (…). Dans ce cadre,
l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il
juge nécessaires(…). »
Avec notre travail nous nous intéressons à la relation donc la relation fait bien partie
du rôle de l’IDE est peut être vue comme tel : La relation entre un soignant et un soigné à
elle seule est thérapeutique. Elle est thérapeutique à conditions que :
- Les soignant détiennent un savoir clairement établie pour pouvoir donner sens aux
manifestations pathologiques observées
8
- Puis que, grâce à ce savoir, il soit capable d’adopter un positionnement permettant de
garder maitrise de soi et d’offrir au patient un étayage lui permettant de modifier
positivement son vécu interne.
Cette relation soignant soigné peut être complétée par une qualité des soins définit
par W. Hesbeen, « L’accueil, l’écoute, la disponibilité et la créativité des soignants, combinés
à leurs connaissances de nature scientifique, et habiletés techniques, y apparaissent comme
déterminants essentiels d’un soin de qualité (…) Une pratique soignante de qualité est celle
qui prend du sens dans la situation de vie de la personne soignée et qui a pour perspective
le déploiement de la santé pour elle et son entourage. Elle relève d’une attention particulière
aux personnes et est animée par le souci du respect de ceux-ci. Elle procède à la mise en
œuvre cohérente et complémentaire des ressources diverses dont dispose une équipe de
professionnels et témoigne des talents de ceux-ci. » (9 p.217).
Durant l’interview, l’IDE 2, nous précise que pour elle, la place de chacun doit être
défini : « Parce qu’un moment donné il faut restez quand même dans le cadre d’être
soignant. (…) je suis pas sa maman, je suis l’infirmière, ».
LA RELATION SOIGNANT-SOIGNE.
9
IV.LA RELATION SOIGNANT-SOIGNE.
1. Présentation et analyse des entretiens :
Dans le but d’approfondir nos recherches et surtout afin de leurs donner une
résonance plus concrète nous avons mené deux entretiens. Ces entretiens ont concernés
deux infirmières qui travaillent l’une en structure pour adulte handicapé, et pour l’autre en
psychiatrie. Nous avons construit une grille d’entretien (annexe 1) qui nous permettait d’avoir
un certain cadre mais étions conscients et d’accord avec la possibilité de déborder du cadre.
L’entretien était semi-directif et le guide nous permettait de pouvoir recarde le débat si celuici s’éloignait trop de notre coeur de recherche. Aussi nos questions étaient en entonnoir afin
d’aborder le sujet qui nous intéresse en « douceur ».
Concernant l’entretien avec l’IDE 1 nous l’avons considéré comme idéal autant dans
le cadre que dans la disponibilité de l’IDE. Celle-ci nous a apporté des réponses claires,
orientées et agrémentées de son vécu. Avec l’IDE 2, nous avons été dérangé à un moment
et avions du mal à avoir des réponses précises. Le tableau (annexe 2), permet d’avoir une
lecture plus concise, et plus claire des réponses à nos questionnements. Afin de rendre notre
travail plus lisible nous avons décidé de faire apparaitre certains propos dans le texte afin
d’appuyer le concept avec des expériences concrètes.
2. La relation soignant / soigné :
Selon le dictionnaire le Robert, la relation se définit comme « tout ce qui dans
l'activité d'un être vivant implique une interdépendance, une interaction dès lors qu'une
modification de l'un entraîne une modification de l'autre. »
La relation soignant / soigné présente des enjeux essentiels qui conditionnent le bien
être de la personne soignée et de l’IDE. Dans le cadre de notre travail nous sommes
amenés à entrer en relation de manière souvent intime avec les patients. Pour communiquer
il faut bien évidement un interlocuteur. Aussi, communiquer est pour Maslow, un des besoins
fondamentaux de l’être humain. Nous entrons en relation avec l’autre avec non seulement le
corps mais aussi la parole et l’affectivité (10). Ainsi, dans le cadre des soins, entrer en
relation ne signifie pas chercher à devenir ami de l’autre même si le réconfort, les gestes
d’encouragement ou encore les paroles pourraient, hors contexte, faire penser à une relation
amicale. C’est le contexte qui donne un sens à la relation.
10
L’intensité de la relation permet de voir l’émergence de l’authenticité et c’est à ce
moment qu’il devient important pour le soignant de comprendre les aspects culturels,
psychologiques, affectifs du patient. Etre soignant, c’est être garant de compétences et de
savoirs ; ceux-ci sont reconnus par un diplôme. L’IDE1 nous explique ceci : « je suis
professionnelle dans la mesure où l'individu qui pleure va mieux une fois que je l'ai pris dans
mes bras ou je l'ai réconforté. Donc ça c'est du soin. »
Nous venons d’aborder certains attributs de la relation. Maintenant essayons de
définir la relation. Pour Manoukian (11), il faut au minimum deux personnes et bien sur que
ces deux personnes échangent. L’échange s’inscrit dans le cadre du soin et utilise différents
vecteurs comme la parole, les gestes, l’attitude et autres comme supports. La nature de
l’entrée en relation déterminera la réaction du soigné. En effet, un soignant ayant une
attitude dominante, dominé ou égalitaire aura en face de lui un soigné agressif, craintif,
collaborant… La rencontre de deux personnes qui entrent en relation est une tâche
complexe car par deux personnes on entend : « deux caractères, deux psychologies
particulières et deux histoires. » ; à cela se rajoute des facteurs :
- psychologiques : en terme de valeurs, de représentations.
- sociaux : culturel ou encore catégorie socio-professionnelle.
- physiques : « l’aspect physique ».
3. L’empathie :
Le Larousse 2014, définit l’empathie par : « Faculté intuitive de se mettre à la place
d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent (12 p.427). ». Or nos trois années d’études nous ont
permis non seulement d’aborder ce concept mais aussi de l’affiner dans sa définition.
L’empathie est ; dans le langage courant, compliquée à séparer de la sympathie.
Dans la relation soignant soigné 3ème édition : « l’empathie est le résultat d’une
relation suffisamment proche entre deux personnes pour qu’elles ressentent de l’intérieur, le
vécu de l’autre ». En revanche, la sympathie ne s’arrête qu’au champ émotionnel. Autant la
sympathie est une attitude humaine autant l’empathie est une attitude professionnelle.
11
J. DECETY envisage l’empathie avec deux composantes fondamentales :
1) : une réponse affective qui peut (ou non) impliquer un partage de l’état émotionnel.
2) : une capacité à comprendre la perspective de l’autre personne. Pour que le soignant
partage émotionnellement ce que le patient lui livre, il faut que le soignant soit lui même
renvoyé dans quelque chose de très personnel à travers le discours du patient. Ainsi,
notre émotion est personnelle et l’élément déclencheur est le patient.
L’empathie est une caractéristique professionnelle dont nous nous servons dans nos
pratiques afin de travailler. Ainsi, on distingue 3 versants dans ce que l’on peut appeler
empathie de travail (13 pp21-23) :
- Une empathie de la pensée.
- Une empathie dans les affects.
- Une empathie de comportement.
Maintenant que nous avons réussi à déterminer les contours du concept d’empathie,
il est intéressant de se rendre compte de ses effets. Les effets sont multiples et ont été
analysés afin de déterminer tous les champs d’action de l’empathie (14) :
- Effets psychologique : De façon concrète il a été prouvé que lors d’un entretien avec un
patient, le simple fait de glisser des instants très brefs d’empathie (2 fois 40 secondes
dans un entretien de 18 minutes) suffisait à entrainer une importante réduction de
l’anxiété.
- Effets physique : ici l’on comprend bien l’importance d‘une attitude emphatique dans le but
d’aider un patient à changer son mode de vie ; notamment dans le cadre des maladies
chroniques (Diabète, HTA…).
- Effets sur le suivit des traitements : l’observance thérapeutique du patient est le fruit de la
bonne compréhension de sa maladie et de ses traitements. Ici aussi, une attitude
emphatique dans l’explication de l’ensemble des champs de la maladie du patient permet
une attitude observante.
- Effets judiciaires : aussi surprenant que cela puisse paraitre une attitude emphatique
envers un patient permet, en cas d’erreur, d’éviter des poursuites.
12
4. Le processus d’attachement :
Pour aborder le concept de l’attachement, il faut commencer par le commencement. :
l’enfance. Le caregiving (15), répond à la nécessité de protéger l’enfant et est basé sur la
représentation que le parent a de l’enfant. Ainsi, le caregiving, permet d’établir un lien
physique et / ou psychologique avec l’enfant lorsque celui-ci est en détresse. Le tout étant
dans le but de rassurer / protéger l’enfant, bref de répondre à ses besoins. Nous voyons
donc que le caregiving est organisé autour de deux éléments centraux qui sont l’enfant et le
caregiver. Dans le cadre de la relation soignant / soigné, le caregiver, n’est plus un parent
mais un soignant. Si l’on replace les différents éléments abordés plus haut ; lorsqu’un
soignant fait un « don de soin » dans le but de répondre à un besoin, qui lui, est intégré dans
un contexte, alors on crée et / ou renforce l’attachement. Pour faire du « don de soin », il faut
des qualités : « l’engagement et le sentiment de responsabilité (…) font partie du caregiving
(Dozier et Lindheim 2006) ».
Dans la situation d’appel, un des éléments qui fait le soignant accède à la requête du
soigné est le fait que ses yeux se remplissent de larmes lorsqu’on lui exprime le refus de
l’embrasser. Ainsi, les émotions déclenchent le caregiving et donc le processus
d’attachement. Mais quelles sont donc ces émotions qui déclenchent chez le soignant la
nécessité de prendre soin? Pour Bowlby, les émotions sont des déclencheurs motivationnelle
de l’attachement et les classe comme suit :
- l’angoisse.
- peur.
- tristesse.
- colère.
- émotions positives.
« Les représentations d’attachement sont actives depuis le berceau jusqu’à la
tombe », Bowlby 1980. En vieillissant, les personnes expriment à nouveau des besoins de
caregiving, en réactivant certaines problématiques de la petite enfance. Les besoins de la
personne vieillissante sont certes sensiblement identiques à ceux de l’enfant, en revanche,
la manière d’y répondre n’est pas la même. Par exemple, pour un enfant on donne du soin
en lui apprenant l’autonomie, alors qu’avec la personne âgée on donne du soin en
préservant son autonomie. « Le degré de confiance de la personne âgée dans le fait de
trouver la sécurité nécessaire auprès de ceux sur qui elle peut compter (…), lui permet
d’interagir plus pleinement avec l’environnement », Cookman (2005).
13
5.Les affects :
L’affect a pour définition : « élément émotionnel de tout état affectif qu’il soit pénible
ou agréable, dû à une stimulation interne ou externe. Cet affect peut être relié à une
représentation que nous pourrions comparer à une image ou un scénario qui en serait le
support (10 p.191) ». Par conséquent, dans affect nous entendons émotions. L’émotion nous
renvoi également au sentiment ; et il convient de faire la différence entre émotions et
sentiments. : « Le sentiment se distingue de l’émotion qui s’exprime plus physiquement et
sur un temps plus court (10 p.45) ». A.Manoukian identifie cinq sentiments qui prédominent
dans la relation de soins. Ces sentiments sont le plus souvent éprouvés par le soignant ; les
voici :
- sentiment de supériorité : sentiment à la fois valorisant qui confère la confiance en nous,
indispensable à la relation et à l’accomplissement de gestes techniques.
- sentiment d’impuissance : sentiment éprouvé face à des patients incurables. Il est parfois
vécu comme injuste car on ne peut pas réagir comme on le souhaite.
- sentiment de responsabilité : « ce sentiment de responsabilité peut s’accompagner
d’émotions comme la sympathie, l’inquiétude, la peur, l’attachement, mais aussi la colère
et la tristesse » (10 p.47).
- sentiment de découragement : ce sentiment peut être comparé à une fatigue chronique,
un burn-out.
- sentiment de satisfaction : sentiment dominé par la gratification quelle soit à l’origine du
patient, sa famille, la hiérarchie, l’équipe…
Prenons maintenant le cas des émotions. Le terme émotion vient du latin
''motus'' (mouvement) dérivé de movere (mouvoir, agiter), accompagné du préfixe ''ex'' (en
dehors de) ; c'est donc quelque chose d'intérieur qui ressort hors de soi-même. (16)
L'émotion se définit comme un « trouble affectif, global, brusque, intense et passager d’un
sujet, de tonalité agréable ou pénible (joie, peur, colère), provoqué par une situation
inattendue et qui s’accompagne d’une réaction organique confuse de dérèglement, de
désadaptation et d’un effort plus ou moins désordonné pour rétablir l’équilibre rompu. » (17p.
94). Cette réaction, (du dedans vers le dehors) renvoi à une citation de Darwin : « Une
fonction importante de l’expression des émotions est de communiquer avec ses
congénères… » (18 p.16).
14
Donc une émotion se communique et en l’état actuel des connaissances on distingue
trois catégories d’émotions :
- les émotions d’arrière-plan : enthousiasme, énervement, malaise, excitation… Cela
correspond à l’adéquation entre notre état interne et notre langage corporelle.
- les émotions primaires : défini par Paul Ekman elles sont identifiables quelque soit la
culture. Ces émotions sont la peur, la colère, le dégout, la surprise, la tristesse et la joie.
Elles ont une fonction de survie de l’espèce.
- les émotions secondaires ou sociales : culpabilité, honte, orgueil, envie, admiration… Ce
sont des émotions que l’on retrouve autant chez l’Homme que chez l’animal.
Concernant les affects l’IDE1 nous explique sa réaction lors de sa première rencontre
avec une marque d’affection venant d’un patient : « la première fois, j'ai eu un geste de recul.
(…) J'ai dit attends, lâchez-moi, lâchez-moi. Et bon, je ne voulais pas qu'ils m'identifient à
une nounou qui vient les embrasser. Mais euh, oui c'est moi qui me suis lâchée petit à petit.
Voilà. » puis précise : « Nous en tant qu'infirmier, on est tellement, justement on se met
tellement de barrières, que de temps en temps ben, de lâcher un peu ça fait vraiment du
bien. Et puis en face, on fait pas de mal, au contraire, pour eux aussi ça leur fait du bien. »
En revanche elle nous précise que les marques d’affections ne viennent jamais d’elle mais
en réponse à leurs besoin.
L’IDE 2, nous précise : « j’espère bien que tous les professionnels qui intervienne làbas (foyers spécialisé ndlr) ne sont pas totalement aseptisés de gestes affectifs. » ; puis
renchérie : « Ils leurs manquent forcement quelque chose, qu’est ce qu’on fait si on retrouve
pas d’amour ? Qu’est-ce qu’on ferait nous si… (…) on a besoin de savoir quand même qu’il
y a des gens autour de nous qui nous apprécie… » ; puis à la fin de l’interview : « on peut
pas faire le métier d’infirmier, même d’infirmier en soin généraux si on n’aime pas les gens. »
6. La juste distance relationnelle :
De façon assez simpliste, on pourrait définir la distance par la séparation de deux
points dans l’espace. Or, ici nous parlons de la distance dans un cadre relationnel. Donc
nous n’abordons pas la distance mais les distances. Voici les différentes distances identifiées
par Pascal PRAYEZ (19) :
- la distance publique (> à 3,6m) : à cette distance la communication est avant tout verbale.
Les détails du visage sont faiblement perceptibles.
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- La distance sociale (de 1,2m à 3,6m) : elle est sociale car suffisamment proche pour
capter l’ensemble des éléments que l’autre veut nous envoyer et suffisamment éloignée
pour ne pas impliquer le corps dans la relation.
- La distance personnelle (de 45cm à 1,2m) : ici, nous entrons dans une zone de confiance.
en effet nous ne laissons entrer dans cette zone que ceux en qui nous avons confiance. A
cette distance, nous percevons avec un haut degré de détails les éléments du corps de
l’autre.
- La distance intime (< à 45cm) : ici il y a la rencontre de la violence, de l’amour et de la
protection. Le niveau de perception est à son maximum à cette distance.
Les soignants dans leurs pratique utilisent l’ensemble de ces distances et doivent
faire preuve d’une grande adaptabilité en fonction de la distance employée et du patient
devant eux. Mais maintenant que nous avons abordé la question de la distance il nous
semble important de prendre en compte la « juste distance » définit ci-après par Pascal
PRAYEZ comme suit :« la juste distance est la capacité à être en contact d’autrui en pleine
conscience de la différence des places ». L’auteur souligne : « qu’il ne faut jamais perdre de
vue que si le fait de se mettre en pensée à la place de l’autre peut nourrir une certaine
empathie, fondamentalement, je ne suis jamais à la place de l’autre. Ce qui ne signifie pas :
incommunication ou rencontre impossible » (20 p.171). Le fait de porter un soin à quelqu’un
nous implique de façon corporelle et aussi de façon psychique voir affective. Catherine
MERCADIER déplore l’effacement des affects et ce dès la formations initiales des IDE « les
infirmières font l’apprentissage des soins dans le déni des émotions ». On pourrait ainsi dire
que la juste distance, puisqu’elle nous pousse à une relation physico-psychique nous amène
à soigner aussi avec nos affects. « cheminer vers la juste distance, c’est accepter l’affectivité
comme élément central de la professionnalisé de l’acteur du soin (21 p.10)». La juste
distance est donc l’acceptation des affects du soignant par le soignant, et l’implication de ses
affects avec le soigné dans un temps donné, choisi et partagé.
L’IDE 1 nous explique une des conséquences de la distance marquée : « On a une
des éducatrices qui ne veut pas, qui vraiment refuse complètement de toucher, d'avoir un
minima de contact affectueux. Et on sait que, on a observé que à chaque fois que cette
personne travaille. On a un de nos résidents qui s’auto-mutile ». Pour l’IDE1 la gestion de la
distance est aussi une affaire d’équipe voir de consensus : « il y avait une personne qui en
fauteuil roulant, qui a particulièrement accroché avec moi. Et il se trouve que, (…) aussi moi
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(…). Parce que j'étais contente d'aller vers cette personne et prendre plus de temps avec
elle. (…) il y a une aide-soignante qui est venue me dire. Voilà, écoute, on a remarqué
qu'avec une telle personne t'étais très proche. On trouve pas que ça soit bien parce que du
coup elle risque de prendre le dessus sur les autres ».
Concernant l’IDE 2, elle gère la distance en fonction du handicap. Son vécu
personnel (elle est maman d’un enfant autiste), fait qu’elle se permet d’avoir des gestes
d’affections pour des patients autistes alors qu’avec certains patients elle se refuse à ce
genre de proximité.
CONCLUSION
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V. CONCLUSION.
Comme nous avons pu le voir et espérons le, vous le démontrer ; la relation soignant
soigné revêt des aspects complexe à appréhender pour le quidam lambda. Aujourd’hui
encore, des termes comme l’empathie, la distance, la proximité… n’ont pas trouvé de
définitions qui font réellement consensus. Et le plaisir que nous avons eu à approfondir nos
recherches nous a offert la possibilité de nous confronter à la complexité de ces concepts.
En revanche, nos littératures ont élargie notre vision de cette relation, d’autant plus
lorsque celle-ci se produit avec une personne en situation de handicap mental. Les
personnes atteintes de trisomie (pour ne citer que celles-ci) n’ont pas les mêmes freins à la
communication que nous soignants.
La proximité est une notion si complexe que même le tutoiement à fait l’objet d’une
décision éthique au sein d’un établissement de la région parisienne (22). insistant sur le fait
que le vouvoiement doit être la règle. En revanche, nous avons vu que nos émotions / nos
affects, interviennent dans la soin donc les soignants ne peuvent se montrer hermétiques
aux affects que leurs proposent les soignés. A la limite près que nos émotions doivent
intervenir en réponse à un besoin des patients.
Ce travail, nous a permis de mieux comprendre qu’être professionnel ce n’est pas
seulement apporter un soin de qualité mais c’est aussi l’apporter avec humanité et parfois
même avec tendresse. Humanité qui même si elle est propre à chacun, nous rappelle que si
nous tous avons choisi ce métier ce n’est pas pour rien ; en tout cas ce n’est pas pour faire
uniquement des prises de sang. Ce travail de quelques mois a construit un part de notre
identité professionnelle.
En conclusion, la juste distance ; la juste proximité pour nous influe réellement sur la
qualité de vie. Mais la ou plutôt les frontières de ces distances et de ces proximités se
construisent à travers l’expérience et l’intensité d’implication que chacun y met. Si nous
devions retenir ne serait-ce qu’un conseil c’est celui-ci : n’ayons pas peur de nos émotions.
PROBLEMATIQUE
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VI. PROBLÉMATIQUE.
Comme nous l’avons vu au fur et à mesure de nos recherches, la proximité soulève
de nombreuses questions. La réponse des différentes institutions à la proximité, est la juste
distance. En revanche, le fait de mettre de la distance aussi juste soit elle, a pour fonction de
se protéger. Mais se protéger de quoi? Se protéger de l’autre qui est situation de
vulnérabilité intense… L’IDE 1 que nous avons interrogé, nous a vivement interpellé
lorsqu’elle nous a évoqué souffrir aujourd’hui du manque de proximité dont elle a fait preuve
face à une famille en souffrance. Ainsi la proximité nous protégerait t’elle?
Durant notre formation, nous apprenons à reconnaitre les mécanismes de défense
des patients afin de les aborder de la plus juste des manières sans commettre d’impairs. En
revanche, nous ne nous donnons pas souvent l’occasion de nous connaitre nous en tant que
soignant. La blouse est la même pour tous ; les techniques sensiblement identiques mais le
soignant qui lui fait vivre le métier et lui donne une résonance toute particulière en abordant
le patient à sa manière. La façon d’entrer en communication avec le patient est la seule
activité soignante qui ne peut pas être protocolisée. Par conséquent en ouverture au travail
mené jusqu’à présent nous pourrions affiner nos recherches en partant avec une nouvelle
question :
La proximité dont peuvent faire preuve les soignants, est-elle à sa manière un
mécanisme de défense, ou l’affirmation de la personnalité du soignant ?
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE.
1 : MARAQUIN Carine. Handicap : les pratiques professionnelles au domicile. France : Dunod, janvier
2015, 260p.
2 : DAZORD Alice. Le concept de qualité de vie, Recherche en soins infirmier, septembre 2002, n°70,
16p.
3 : SCHMITT Michel. Bientraitance et qualité de vie. Pologne : Elevier Masson, mars 2015, 293p.
4 : www.ccah.fr consulté le 18/04/2016
5 : https://www.defi-metiers.fr/sites/default/files/users/379/
guide_certu_accessibilite_handicaps_mentaux_psychiques_et_cognitifs.pdf consulté en Janvier 2016.
6 : http://www.unapei.org/Le-handicap-mental-sa-definition.html consulté le 09/05/2016
7 : BUSSY Gerald, FREMINVILLE (de) Bénédicte, TOURAINE Renaud. Les cahiers de l’actif : le
vieillissement des personnes avec une déficience intellectuelle : symptomatologie, observation et
repérage des troubles associés : exemple des personnes avec une trisomie 21. Saint-Pons de
Thomières : 2014, 17p.
8 : CAPITAINE Elise. Les cahiers de l’actif : Autisme et avancée en âge, une problématique à saisir en
équipe. Saint-Pons de Thomières : 2014, 14p.
9 : PAILLARD Christine. Dictionnaire humaniste infirmier. France : édition Paillard, mars 2013.
10 : MANOUKIAN Alexandre, MASSEBEUF Anne. La relation soignant - soigné. Pays-Bas : édition
Lamarre, Février 2011, 223p.
11 : MANOUKIAN Alexandre, MASSEBEUF Anne. La relation soignant - soigné.
12 : Le petit Larousse 2014. p.427.
13 : BRUNEL Marie-Lise, COSNIER Jacques. L’empathie un sixième sens. France : Pul,octobre 2012,
294p.
14 : LECOMTE J. Empathie et ses effets. EMC (Elevier Masson SAS, Paris), savoirs et soins
infirmiers, 60-495-B-10,2010.
15 : GUEDENEY Antoine, GUEDENEY Nicole. L’attachement : approche théorique du bébé à la
personne âgée. Pays-Bas : édition Masson, 2009, 230p.
16 :http://dict.xmatiere.com consulté le 04/04/2016
17 : MORFAUX L.-M., Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Armand Colin.
18 : SAUNDER Laurence. L’énergie des émotions : comprendre les émotions pour mieux les utiliser
en entreprise. Clermont-Ferrand : Eyrolles éditions d’organisation, 2009, 253p.
19 : PRAYEZ Pascal. Julie ou l’aventure de la juste distance. Hollande : édition Lamarre, 12/2005,
235p.
20 : PAILLARD Christine. Dictionnaire humaniste infirmier. France : édition Paillard, mars 2013.
21 : PRAYEZ Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Pays-Bas : 2009, 287p.
22 : Avis n° 3 du Comité d’Ethique de l’hôpital Esquirol Avril 2010
ANNEXES
Annexe 1 :
GRILLE D’ENTRETIEN
- présentation de l’IDE, son parcours etc…
- type de structure, population accueillie, nombre de patient, soins prévalent etc…
- un patient vous a t-il déjà demandé une marque d’affection?
- votre réaction?
- vous arrive t’il d’avoir des marques d’affections spontanées avec certains patients?
A quels moments? quels signes?
- pensez vous que cela soit facilitant / contraignant?
- auriez-vous la même avancée dans votre travail si vous faisiez l’inverse?
expliquez?
- auriez-vous la même réaction avec un autre type de population ou dans une autre
structure? Pourquoi?
- Dans quelle mesure pensez vous que la proximité intervienne dans la qualité de
vie des patients?
Nota Bene : cette grille est amenée à évoluer en fonction du contenu de l’entretien.
Annexe 2 :
Tableau analyse des entretiens IDE
IDE N°1
IDE N°2
Présentation
Diplômée en 2003.
Embauché au CHU de nuit,
puis au pool de jour. Ensuite
consultation ORL pendant
5ans. Puis Foyer de Vie pour
handicapé.
Diplômée en 1988. IDE
Psychiatrie.
4 ans dans différents
services d’hospitalisation.
Puis en 1992, intègre son
service actuel au sein du
CHS. Elle est référente de
l’activité cuisine.
Contexte
ADAPEI. 42 résidents.
Population vieillissante.
Service proposant des
activités médiation, à la
journée (cuisine, terre,
photolangage etc..).
Population diversifiée, jeune
et âgée, pathologies
diversifée (anorexie,
toxicomanie, aloolique,
dépression, syndrome
autistique, alzheimer…)
Un patient vous a-t-il
demandé une marque
d’affection ?
Oui, fréquemment.
Différent car elle voit les
patients de manière
ponctuelle, mais ça arrive
tout de même relativement
fréquemment.
Réaction ?
Est beaucoup dans
l’affection.
Différent suivant les
patients, et les pathologies.
Parfois cadre, parfois est
dans l’affection.
Avez-vous des marques
d’affections spontanées ? A
quels moments ? Quels
signes ?
Oui, se laisse embrasser,
prend dans les bras.
« Quelqu’un qui vous tient
la main, c’est quotidien ».
Reste souvent passive dans
les marques d’affection,
cadre peu, mais n’initie pas
le contact pour ne pas créer
le « besoin ».
Oui, elle a des affections
spontanées avec certains
patients. Caresse dans le
dos, parole douce, attitude
bienveillante. Mais ne fait
pas de bisous, ne prend pas
dans les bras.
Est-ce facilitant ou
contraignant ?
C’est facilitant. « un bien
mutuel ».
Cela aide à rentrer en
relation.
Ce n’est pas contraignant,
ni contre-productif.
Si vous faisiez l’inverse,
pensez-vous que votre
travail ne serait pas aussi
efficace ?
Oui, il ne serait pas aussi
efficace. Donne l’exemple
d’une de ses collègues qui
est dans le refus total de
gestes affectifs, une des
patientes s’automutile
systématiquement lorsque
cette soignante est
présente.
Il ne serait pas aussi
efficace, car je n’arriverai
pas à « entrer dans sa
bulle », je ne pourrais pas
entrer en communication
avec lui, je n’existerais
même pas pour lui.
Et les collègues qui bossent
dans le service où est
hospitalisé tel ou tel
patient, peuvent être
confronté à de la violence,
alors que nous non.
Auriez-vous ces réactions
envers un autre type de
population, une autre
structure ?
Oui, l’IDE s’en veut encore
de s’être mise trop de
barrière lors de ses stages,
et en souffre encore
aujourd’hui. Alors que la
proximité, dans ce cas-là,
l’aurait sûrement protégée.
Oui. Même si dans l’hôpital
ces marques d’affection,
sont moins fréquentes,
moins « utile », on est
obligé de créer de la
proximité avec nos patients.
Même la meilleure des
« techniciennes », si elle n’a
pas une certaine proximité,
le soin se passera tout de
suite moins bien.
En quoi cette proximité
améliore (ou non) la qualité
de vie des patients ?
La proximité rassure
beaucoup les patients.
Les parents sont aussi
rassurés, de savoir qu’une
infirmière est présente, et
proche des patients.
Cette proximité, aide les
patients à se confier, et à
verbaliser leurs maux. Ils
n’hésitent pas à venir en
parler à l’infirmerie.
D’abord, avec les patients
de milieu psychiatrique, les
soignants sont souvent
presque des « référents
familles ». Sans se
comporter comme tel, on
est obligé d’avoir des signes
affectueux, et de proximité.
D’autant plus qu’ils sont
souvent sur leur lieu de vie.
De plus on créé un lien,
même lorsque les patients
sortent du CHS, parfois ils
nous rappellent même
quand ils ne sont plus
hospitalisée, on continue le
suivi même après,
officieusement.
Après d’intenses réflexions sur ce qui fait de nous des soignants, nous avons
décidé d’axer nos recherches sur un travail de fin d’étude qui porte sur la relation
soignant/soigné. Etant questionné sur les mécanismes de défenses instruit à l’IFSI,
et les divergences qui pouvaient être constatées en stage, nous nous sommes mis
d’accord pour travailler sur la distance professionnelle, et la proximité dans le cadre
d’un lieu de vie, avec un résident adulte atteint de handicap mental. Tout en portant
notre regard sur l’influence que cette proximité a, ou pourrait avoir, sur la qualité de
vie et de soin.
Nous avons centré nos recherches sur le handicap mental, en nous aidant
notamment des écrits d’Alexandre MANOUKIAN, Anne MASSEBEUF ou encore
Pascal PRAYEZ. Ces recherches, ont eu pour but de définir le handicap mental, tout
en s’intéressant a la particularité de la prise en charge d’un patient handicapé mental
en lieu de vie, ainsi qu’à la relation soignant-soigné et au soignants eux même
prenant en charge des pathologies particulières dans un contexte atypique.
Pour ce faire, et pour appuyer nos diverses recherches théoriques, nous
avons réalisé deux entretiens avec une IDE en foyer pour adultes handicapés, et
l’autre en hôpital psychiatrique. C’est grâce à ces deux personnes que nous avons
pu réfléchir, ensemble, sur une certaine idée du soin. Et ainsi, arriver à une
conclusion qui pourrait être bénéfique pour nos futurs patients.
Mots clefs : relation / soignant / soigné / handicap mental
After intense thoughts about what makes us caregivers, we decided to focus
our end of studies work on the nurse/patient relation. Being asked about the defense
mechanisms educated at IFSI (nurse school) and the differences which could be
observed in the traineeship, we decided to work on the professional distance and
proximity within the framework of a place of life, with an mentally handicapped
resident, while focus our view on the influence that this proximity has, or may have,
on the quality of life and care.
We focused our research on mental disability, using particularly writings
of Alexandre MANOUKIAN, Anne MASSEBEUF or Pascal Prayez. The aim of
these research was to define mental disability, while being interested in the
particular responsibility with a mentally handicapped person in a place of life,
and also in the nurse/patient relation and in the particular pathologies in a
unusual context.
Also, and to support our various theoretical research, we carried out two
discussions with a nurse of a handicapped adults centre, and another one in a
psychiatric hospital. Thanks to these two persons, we could together think
about a certain idea of the care and also find a beneficial conclusion for our
future patients.
Key words : relationship / nurse / patient / mental illness