Edward Weston site

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Edward Weston site
Edward Weston
Sous les coquillages du temps la photographie à nu
Je ne place pas l’artiste sur un piédestal, comme un petit dieu. Il est
seulement l’interprète de l’inexprimable. (Edward Weston)
Edward Weston(1886-1958) aura certainement marqué et changé
l’histoire de la photographie. Souvent réduit à ses photos de coquillages
ou de nus, il aura enregistré les plus infimes vibrations du monde. En se
penchant sur ses photographies, on entend la mer de l’univers, les
frémissements des êtres. Patiemment, presque intuitivement il a su
capturer bien des mystères qui nous entourent et faire tomber les
masques de la réalité.
Certes il a adhéré aux courants photographiques de son temps, depuis
la photographie dite pure et directe la Straight Photography si chère à
Paul Strand, et le mouvement f/64, qu’il fonde avec son ami Ansel
Adams en 1932, groupe privilégiant la profondeur de champ des choses
et des êtres.
Pionnier, il aura influencé des générations de photographes jusqu’à
Denis Brihat. Son respect sacré pour la magie d’organisation de la
nature, des courbes des corps nus, des révélations des visages, induit
sa façon de photographier. Il ne plie pas le monde à sa théorie, il tente
de le restituer dans ses images avec tout le mystère entrevu, en
respectant son architecture intérieure et qui si souvent nous échappe.
Qu’il se penche sur les circonvolutions des coquillages qui se
souviennent des chants des océans, des femmes nues qui vibrent
encore du souvenir du jardin d’Éden, des visages en douleur ou en rêve,
humblement il ne veut que restituer, que redonner.
Il ne se veut pas créateur du monde, mais son témoin intime.
Et son regard sur tout ce qui l’entoure est un regard de passion. Passion
pour les femmes qu‘il a tant aimé, et de façon si tumultueuse. Aussi il
procédera souvent par éruptions d’images. Il est dans l’exaltation
amoureuse, de ses enrichissements d’âme suivant ses compagnes
(Bella, Tina, Charis, Matt, Flora...), qui chacune changeront son
approfondissement de l’art photographique.
L’amour de la photographie suivait son amour des femmes. Il a pu se
perdre dans ses passions, mais il n’a jamais perdu sa passion pour la
photographie. Son désir forcené de liberté, presque libertaire qui l’amena
vers des idées très progressistes et des amitiés comme Diego Rivera et
Frida Khalo, font de lui un photographe libre, non conventionnel,
impertinent parfois, universel toujours.
Edward Weston a créé le vocabulaire photographique moderne, tout
simplement, sans vouloir théoriser, convaincre.
Il photographiait comme chante un oiseau, au bon moment. Et lui sa
langue maternelle était sa mystique intérieure et ses voyages au fond
des mystères qu’il entrevoyait.
Je n’essaye plus de « m’exprimer » pour imposer ma personnalité à la
nature, mais sans préjugé ni falsification, je tente de m’identifier à la
nature, de voir ou de savoir les choses telles qu’elles sont, leur essence
même, afin que ce que j’enregistre ne soit pas une interprétation – mon
idée de ce que la nature devrait être – mais une révélation, une
ouverture dans un écran de fumée... (Edward Weston).
Le dur labeur du photographe
Pour l’amateur la photographie est une récréation, pour le professionnel
c’est un travail, un très dur labeur, quel que soit le plaisir que cela peut
aussi être. (Edward Weston)
Edward Weston aura travaillé ardemment, et sa période la plus
productive se situe entre1918 et 1945.
La vie ardente et flamboyante d’Edward Weston est faite
d’embrasements amoureux, de ruptures violentes, d’amours
tumultueuses. Bien qu’il s’en défende, toutes ces femmes qui sont
passées dans sa vie, auront été des égéries, des transformations
intérieures de sa façon de voir le monde extérieur.
II ne sera fait ici qu’un bref résumé de sa vie professionnelle, le reste doit
rester son tas de secrets.
Son site personnel rappelle d’ailleurs sa biographie honnêtement.
Juste quelques balises donc.
Edward Weston est né le 24 mars 1886 à Highland Park en Illinois.
Comme d’autres à ses débuts il fait de l’impressionnisme
photographique (pictorialisme) avec son atmosphère romantique et
brumeuse.
Mais sa rencontre avec Alfred Stieglitz, et Paul Strand l’amène à choisir
la précision en lieu et place de l’interprétation subjective.
Mais déjà, installé en Californie en 1906, il connaissait le succès, son
premier mariage avec Flora May Chandler en 1909, avec qui il eut
quatre fils, dont le dernier Cole sera son testamentaire. Dans son studio
de Tropico, Californie, il met en place des expérimentations, des
recherches sur la manière de faire des portraits qui le font repérer par les
photographes de sa génération. La période de 1921-1923 sera la plus
féconde en révolutions picturales (abstractions, angles incroyables de
prises de vues, concentration sur les fragments plutôt que sur la totalité
aussi bien des corps nus que des objets.). Ses clichés seront désormais
d’une précision extraordinaire de détails, d’un piqué presque cruel.
Sa nouvelle façon de voir les choses retentit dans sa vie, et il abandonne
femme et enfants en 1923 pour suivre son assistante Tina Modatti au fin
fond du Mexique et de ses idéaux de gauche. Sans doute de là lui vient
son obsession du réalisme, du dépouillement, de la pauvreté en effet
photographique, de la fascination de l’objet. Une nouvelle rupture en
1927 le ramène à Carmel sur la côte Pacifique de la Californie. De
l’océan à ses pieds il entend le bruit des coquillages, la tension de la
peau des légumes, qu’il va photographier inlassablement. Il s’intéresse
également aux rochers et aux arbres de Point Lobos, Californie. Où il
reviendra pour la dernière séance de photographies plus tard.
Puis la révélation de l’art d’Ansel Adams lui fait devenir cofondateur du
groupe f/64 en 1932. Tous deux libèrent la photographie de présupposés
réducteurs et l’orientent vers la « photographie pure ». Tout doit être net
pour saisir l’essence des choses, sans ajout de sentimentalisme. La
réalité est la vérité « indépendante des conventions idéologiques de l'art
et de l'esthétique d'une période et d'une culture antérieures à la
croissance du médium lui-même. »
En 1936 il entreprend sa longue série sur les nus, les dunes et le sable à
Oceano, Californie.
En 1937, avec sa nouvelle épouse, également son assistante comme les
autres, Charis Wilson, Il parcourt l'Ouest américain et les paysages de la
Vallée de la Mort. Il saura magnifier le recueil de poèmes de Whitman
Leaves of Grass (feuillets d’herbe).
De rupture en nouvelles collaborations il s’achemine en 1948, où il fait
ses dernières photos de la Réserve d'État de Point Lobos. Frappé de la
maladie de Parkinson, dont les prémices avaient commencé en 1946, il
abandonne la photographie. Sa sélection de ce qu’il considère comme
ses meilleures images est tirée par son fils Cole sous sa surveillance.
Il est décédé face à ses coquillages, le 1er janvier 1958, dans sa maison
de Wildcat Hill à Carmel-by-the-Sea, (Californie). Ultime pirouette au
monde mourir le jour du nouvel an !
La nature déjà composée
"Je tire beaucoup plus de joie des choses déjà composées que je
découvre dans la nature, que de mes meilleurs arrangements
personnels. Après tout, sélectionner est une autre manière de
composer..." - Edward Weston
Edward Weston ne voulait aucun intellectualisme dans sa manière de
faire de la photographie. Il voulait garder vive et limpide « la première
émotion fraîche, le sentiment intime de la chose » et tout son art aura été
de savoir, et de pouvoir la capter dans son intégralité « et pour toujours
au moment même où celle-ci est vue et ressentie ».
Pour lui photographier, imprimer à jamais sur une pellicule un moment,
n’était pas un acte élaboré, prémédité, pensé, mais ce miracle de
pouvoir juxtaposer un sentiment et une photographie, une émotion et
une image. Cette recherche d’une pureté n’est pas innocence. Car
Edward Weston soigne infiniment ses cadrages, sculpte la lumière,
ordonne les poses à ses modèles, tourne autour des objets pour en voir
le fond mystérieux.
Vouloir s’appuyer à chaque fois sur les règles de la composition avant de
prendre une photographie, c’est comme vouloir s’appuyer sur les lois de
la gravité avant de vouloir marcher. (Edward Weston).
On n’a pas affaire à un Douanier Rousseau de la photographie. Il est
certes instinctif, mais uniquement quand son instinct se superpose à
l’émotion qu’il veut rendre. Certes la nature et les humains sont des
choses déjà composées, mais il les piste, les guette, comme un
chasseur – cueilleur de beauté.
Je veux la beauté nue qu’un objectif peut rendre avec tant d’exactitude,
sans interférence « d’effet artistique ».
Donc il s’interdit les retouches, les transformations ou les virages des
choses mis en boîte. Mais sa recherche de la beauté nue se fait au
moment de la prise de vues.
Lentement, méticuleusement, il met en scène ce qu’il veut restituer,
malgré ses dénégations. Certes il veut se débarrasser du maximum de
subjectivité : la nature ne doit pas être enregistrée entaché de problèmes
psychologiques ou de peines de cœur.
Mais après cette devise digne de la Straight Photography, lui va
photographier que par exaltation amoureuse le plus souvent. Souvent
homme varie...
La majeure partie sa très riche moisson de clichés a été effectuée en
utilisant une chambre photographique de 8x10 pouces, pas forcément
mobile et simple à utiliser, mais permettant une confrontation frontale
avec le modèle.
Ce qui l’animait était un sentiment panthéiste, une croyance presque
animiste en des forces obscures cachées en chaque chose et chaque
être et que la photographie pouvait débusquer. Sans théorie, sans trop
d’explications, bien qu’il tînt minutieusement un carnet, véritable journal
intime, où il notait tout, il voulait simplement être là quand quelque chose
se révèle.
Tout est dans ce qu’il appelle sélectionner.
Sélectionner pour lui, c’est attendre la conjonction faite par le regard
entre la vérité révélée de la chose photographiée et l’image finale. Il
veillait jalousement sur ses tirages, et quand malade, il ne put plus les
réaliser, il demanda à Cole Weston, de retenir 800 tirages, comme son
testament photographique.
Weston est, de fait, un des quelques artistes créatifs d'aujourd'hui. Il a
recréé la matière, les formes et les forces de la nature, il a rendu ces
formes éloquentes sur le plan de l'unité fondamentale du monde. Son
œuvre éclaire le voyage intérieur de l'homme vers la perfection de
l'esprit. (Ansel Adams)
Bibliographie
En français
Edward Weston 1886-1958 de Terrence Pitts, Taschen, 2008
Edward Weston : formes de la passion, de Terrence Pitts, Seuil, 1995
Edward Weston : La Forme du nu, Amy Conger, Phaidon, 2005
En Anglais
Edward Weston, Edward Pitts, Taschen,1999
Site personnel http://www.edward-weston.com/index.htm