rapport d`etude - Itinérance Pyrénées
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RAPPORT D’ETUDE « Quelle structuration pour la filière des prestataires d’activités de pleine nature dans les Pyrénées ?» Stéphane GROCHOWSKI Octobre 2013 1 SOMMAIRE Introduction …………………………………………………………………………………….. 3 CHAPITRE 1 : Etat de la Connaissance …………………………………… 5 1. Apports et limites des études recensées dans les Pyrénées ….. 6 2. A l’écoute des acteurs de la filière ………………………………………….. 15 3. Typologie, jeux d’acteur et intelligence territoriale………………… 17 CHAPITRE 2 : Les initiatives marquantes en matière de structuration ………………………………………………………………………. 1. 2. 3. 4. Professionnalisation et mise en réseau des acteurs………………… Gouvernance territoriale autour de la pleine nature……………….. Mise en tourisme et commercialisation……………………………………. Quid de la promotion de la destination « Pyrénées Pleine Nature » ?....................................................................... 5. Trois initiatives innovantes hors Pyrénées liées à la pleine nature ……………………………………………………………………………………….. CHAPITRE 3 : Enjeux, stratégie et plan d’action …………….. 1. Les enjeux de la structuration …………………………………………………. 2. Un plan d’action volontariste …………………………………………………… 21 21 24 27 31 32 37 37 42 2 Introduction Le tourisme pyrénéen, à l’instar d’autres massifs montagneux, se caractérise par une double période de haute fréquentation touristique : l’hiver grâce à la mise en tourisme des activités liées à la neige ; l’été grâce à la complémentarité entre période ensoleillée et grandes vacances scolaires. La principale singularité du tourisme pyrénéen par rapport à la « référence alpine » concerne la prédominance de la saison estivale en matière de création et d’irrigation des richesses produites, qu’elles soient directes ou induites. En effet, ce tourisme estival, basé sur les mêmes pôles de concentration d’hébergements touristiques que l’hiver que sont les « villages-stations de ski », se combine avec un phénomène plus diffus, moins facilement identifiable, et mettant en valeur d’autres types d’hébergement de type camping, gîtes et chambre d’hôte ainsi que d’autres richesses culturelles et patrimoniales utilisées notamment par le secteur du tourisme de pleine nature. L’autre particularité du tourisme pyrénéen tient à l’histoire de son développement dans le massif et la place occupée par la puissance publique tentant de pallier au faible intérêt des opérateurs privés pour la destination « Pyrénées ». Cette omniprésence longtemps salutaire, dite stratégie de « réaction », s’accommode et/ou cherche ses marques face à la montée du secteur privé trouvant dans les Pyrénées du XXIème siècle des potentialités économiques notamment liées à son faible développement durant la « révolution touristique » du XXème siècle : espaces préservés et peu aménagés, culture et identité forte, adéquation avec les notions de développement durable… Les mutations territoriales et sociales comme les enjeux de « survie » économique des Pyrénées imposent une redéfinition continue des capacités et du rôle des différents acteurs des secteurs définis comme structurant à la fois pour adapter leur organisation en interne tout en les mettant en perspective vis-à-vis des autres filières comme des autres territoires. Le secteur de la pleine nature ne déroge pas à ce principe. Depuis les années 80, acteurs publics, fédérations sportives et filière des prestataires professionnels 3 de la pleine nature (encadrement de participants, organisation de prestations et de séjours, gestion de sites d’activités, location de matériel spécialisé, hébergements spécifiques) dynamisent ce nouveau champ du loisir sportif, soit par l’aménagement des sites et itinéraires, leur démocratisation ou la mise en produit de ceux-ci. Néanmoins, la confidentialité de certaines activités et l’atomisation des prestataires et des lieux de pratique rendent encore aujourd’hui difficile une mise en perspective efficace de ce secteur complexe pourtant souvent mis en avant par son enracinement territorial et les valeurs qu’il véhicule auprès d’une « société du loisir » en recherche de sensations et d’identité. Cette complexité à cartographier le phénomène et à en définir son poids économique et ses impacts sociaux et environnementaux, engendre un manque de visibilité et donc de reconnaissance de ce secteur. Pourtant, ces toutes dernières années, les études et initiatives innovantes se multiplient et attestent de la dynamique impulsée par des acteurs publics, associatifs et prestataires privés, tournés vers la mise en réseau, la qualité des aménagements et des prestations proposées dans un environnement concurrentiel de plus en plus marqué. Cette étude, issue de 35 journées de travail sur le sujet, propose une lecture analytique des études, actions ou innovations réalisées ou en cours dans les Pyrénées et dans quelques autres territoires « référence » dans le cadre de la structuration de la filière des prestataires d’activité de pleine nature. Elle vise à proposer un canevas de mesures et d’actions permettant aux acteurs de ce secteur « pleine nature » du tourisme pyrénéen de déployer une stratégie « proactive » efficace basée sur la mise en perspective des « bonnes pratiques » en matière de gouvernance territoriale, de professionnalisation des acteurs, de commercialisation ou de promotion. Le rapport d’étude est ainsi organisé en trois chapitres : 1. Etat de la connaissance de ce secteur d’activité dans les Pyrénées. 2. Analyse des initiatives marquantes dans les Pyrénées et ailleurs. 3. Enjeux et plan d’action pour les années à venir. 4 CHAPITRE 1 ETAT DE LA CONNAISSANCE Le tourisme de pleine nature est un secteur en constante évolution par la nature même des activités et des acteurs qui le compose. Il n’existe d’ailleurs pas de définition arrêtée des activités de pleine nature, parfois nommée sports de pleine nature ou encore loisirs sportifs de nature. Leur évolution permanente, avec l’éclosion de nouvelles pratiques comme le « snowkite » ou le « paralpinisme » ne le permet pas. La loi s’est donc basée sur l’environnement des lieux de pratique afin d’identifier ces activités. C’est l’article L 311 du Code du Sport qui précise que « les sports de nature s’exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public ou privé des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés, ainsi que des cours d’eau domaniaux ou non domaniaux ». Le Ministère chargé des Sports donne une définition dans son instruction n°04131 JS du 12 août 2004. Il définit les sports de pleine nature comme « les activités physiques et sportives dont la pratique s’exerce en milieu naturel, agricole et forestier (terrestre, aquatique ou aérien) aménagé ou non ». La liste des activités retenues se répartit dans la plupart des études autour des champs « Terre », « Eau », « Air » et « Neige ». Ces activités sont pratiquées sur des espaces, sites et itinéraires, définis comme un « lieu sur lequel se déroulent, de façon spontanée ou organisée, des activités sportives, quel que soit son statut foncier et le niveau d’équipement dédié à la pratique. Ces espaces sites et itinéraires (ESI) peuvent être exclusivement dédiés aux pratiques sportives ou, à l’inverse, utilisés de façon tout à fait occasionnelle pour ces activités. Dans la plupart des cas, ils supportent d’autres usages ». 5 La dynamique touristique accroit encore l’étendue mouvante de ce champ d’étude avec le développement de structures d’hébergement dédiées à ces activités comme les refuges gardés ou les gîtes d’étape (sans qu’ils soient bien-sûr les seuls hébergements à recevoir la clientèle pratiquant ces activités), le déploiement de vendeurs ou loueurs spécialisés dans ce créneau ou encore l’apparition de sites « multi-activité » estivaux ou hivernaux, créés sur le modèle plus ou moins poussé des parcs d’attraction bien connus en zone péri-urbaine des grandes métropoles. D’un point de vue géographique, l’étude se base sur le découpage administratif du « massif Pyrénées », zonage incluant les principales villes de piémont (Oloron, Lourdes, Bagnères-de-Bigorre, Lannemezan, Saint-Gaudens, Foix, Limoux, Prades…) mais excluant Tarbes ou Pau et s’étendant sur 18 176 km² qui recouvrent, entièrement ou partiellement, 1 183 communes réparties sur 88 EPCI, 6 Départements et 3 Régions. Trois « outils » ont été mis en place pour répondre à ce premier travail : - La recherche des études réalisées et disponibles sur le sujet dans les Pyrénées et son analyse, - la réalisation d’entretiens qualitatifs auprès d’un certain nombre d’acteurs publics, associatifs et privés du secteur, - La mobilisation des connaissances et compétences acquises du rapporteur de l’étude, professionnel de la filière. 1. Apports et limites des études recensées dans les Pyrénées Mobiliser les études réalisées et disponibles concernant la filière des prestataires de pleine nature et leurs relations avec les institutions pyrénéennes sur la zone Massif Pyrénées françaises. Contrairement à d’autres secteurs localisés mieux organisés basés sur l’observation de données directes comme celles récoltées par les stations de ski, les centres thermaux ou les sites culturels (Chiffre d’Affaire des Remontées 6 Mécaniques, de l’hébergement marchand en station, des cours de ski ou de la location de matériel de ski, des cures ou des entrées payantes d’un site culturel…), le secteur étudié est par nature plus compliqué à analyser car plus ouvert, basé sur un tourisme diffus et mobilisant un grand nombre d’acteurs différents à des échelles territoriales également nombreuses. La mobilisation des moyens à mettre en œuvre pour couvrir l’ensemble des activités, sites et espaces utilisés impose des protocoles d’observation plus complexes. Le Pôle Ressources National des Sports de Nature, missionné par le Ministère des Sports, a réalisé une « enquête nationale sur l’emploi des éducateurs déclarés en sports de nature » auprès de 1 116 éducateurs en activité dont les résultats ont été présentés en octobre 2012. Mais, comme dans les autres massifs montagneux français, aucune étude globale sur le tourisme pyrénéen de pleine nature n’est aujourd’hui disponible pour quantifier et encore moins qualifier le secteur. Néanmoins, des études par filière professionnelle (Fédération des Accompagnateurs en Montagne des Pyrénées, Association des Gardiens de refuge en partenariat avec l’Agence du Développement Durable Midi-Pyrénées), territoires (CDESI 65, Région Languedoc-Roussillon, département de l’Ariège), activités (eaux vives dans la Haute vallée de l’Aude ou dans la vallée des Gaves, randonnée en Vallée d’Aspe), itinéraires (GR107 « chemin des Bonshommes », Sentier Cathare et sentiers de la Haute Vallée de l’Aude) ou encore événementiels (cyclosportive « l’Ariégeoise ») ont été menées par différentes structures œuvrant au développement du massif. Au delà des schémas touristiques départementaux et régionaux en vigueur ou en cours de réécriture qui ont servi à saisir la place et l’articulation mises en œuvre autour de la pleine nature dans les territoires, voici la liste des études récentes recensées jusqu’au mois de juin 2013 ayant apporté des méthodologies et/ou des données spécifiques Massif Pyrénées : - CDESI65, 2012, « Etude sur les retombées économiques des sports de nature », Conseil Général des Hautes-Pyrénées - Languedoc-Roussillon Sport Emploi Tourisme (LRSET), 2012, « Rapport d’Etude Etats des lieux, Métier et Emplois dans les Activités de Pleine Nature en 7 Languedoc-Roussillon », Conseil Régional Languedoc-Roussillon - Pôle Ressources National Sports de Nature, 2012, « Enquête nationale sur l’emploi des éducateurs déclarés en sports de nature », Ministère des Sports - TRACES TPI, 2012, Réalisation d’une étude tourisme / biodiversité sur le Massif des Pyrénées, DREAL Midi-Pyrénées - EDF, 2011, « Etude sur l’Eau Vive en Haute Vallée de l’Aude » - Aude Environnement, 2011, « Etude de fréquentation Sentier Cathare et sentiers de la Haute Vallée de l’Aude », Conseil Général de l’Aude - TRACES TPI, 2011, « Etude sur les retombées économiques, sociales et environnementales des loisirs sportifs de nature en Ariège-Pyrénées : présentation des premiers résultats de l’Etude - JOUCLAS Laurence, 2010, « Sports de Nature en Midi-Pyrénées : repères et actions », DRJSCS Midi-Pyrénées - JULIEN Brice, 2009, « Etude sur l’impact socioéconomique du métier d’accompagnateur en montagne en Ariège », FCAMP / Passeurs des Pyrénées, Mémoire Master 1 Tourisme et Développement au CETIA de Foix - CREPS Midi-Pyrénées, 2008, « Fréquentation et retombées économiques de la filière des sports de nature : synthèse des données existantes en Midi-Pyrénées », Conseil Régional Midi-Pyrénées - TRACES TPI, VERSANT SUD et ALTIMAX, 2008, « Poids socio-économique et emploi chez les prestataires de sports de nature : guides et accompagnateurs en montagne de Midi-Pyrénées », Conseil Régional Midi-Pyrénées, DRJSCS MidiPyrénées - TRACES TPI, VERSANT SUD et ALTIMAX, 2008, « Etude Sports de nature en MidiPyrénées : poids économique, emplois et développement des territoires », Conseil Régional Midi-Pyrénées, DRJSCS Midi-Pyrénées - TRACES TPI et ALTIMAX, 2008, « Fréquentation et retombées économiques de la filière des sports d’eaux vives : enquête sur la vallée des Gaves dans les HautesPyrénées », Conseil Régional Midi-Pyrénées, CREPS Midi-Pyrénées - KOESS André, 2005, « Etude de la fréquentation du GR107 Chemin des Bonshommes et Sentier Cathare », Conseil Général de l’Ariège - MATHELET Evelyne, 2000, « Pyrénées Nordiques 2020 », New Deal Ainsi, quinze études ont été dénichées et analysées sur le sujet, principalement en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Bien-sûr, ce nombre n’est pas exhaustif mais illustre le peu de connaissance de ce secteur et/ou la difficulté à se procurer d’autres études complémentaires encore aujourd’hui même si l’on peut constater la « recrudescence » des études 8 menées ces cinq dernières années. Aujourd’hui, aucun organisme ne parvient à recenser et donc à diffuser l’état de la connaissance sur le sujet. Il est donc aujourd’hui compliqué voire impossible pour une collectivité ou un prestataire privé d’utiliser les données et analyses proposées par ces études dont aucune synthèse n’a été réalisée jusque là à l’échelle du Massif. Mettre en évidence les principales données connues, recenser les indicateurs pertinents à l’échelle du Massif et déterminer les manques dans ce domaine pour une mise en perspective de cette filière. Il est aujourd’hui impossible de mettre en avant des données cohérentes à l’échelle du Massif des Pyrénées, aucune étude ne portant sur ce périmètre précis. Il n’est pas non plus possible d’agglomérer des données récoltées dans les dernières études réalisées notamment dans les HautesPyrénées et l’Ariège à l’échelle départementale puisque les protocoles utilisés n’ont pas été mutualisés. Pour l’anecdote, c’est en étant invité à la présentation de l’étude réalisée sur l’Ariège que les protagonistes de l’étude sur les Hautes Pyrénées ont appris son existence... Pour les besoins de cette étude, nous avons néanmoins, dans le cadre des missions de l’APEM, produit la représentation spatiale suivante grâce aux fichiers fournis par les six comités ou agences de développement touristique des départements pyrénéens : 9 On retrouve ainsi les zones de plus fortes concentrations de prestataires dans les principales zones touristiques du Massif : les vallées orientées Sud/Nord des Hautes Pyrénées et du Béarn, en Capcir autour de Font Romeu et dans une moindre mesure autour du Luchon, dans la vallée de l’Ariège orientée Sud Est/Nord Ouest entre Tarascon et Ax-les-Thermes et dans la vallée de l’Aude autour de Quillan et en direction de Carcassonne. On constate également un fort effet de diffusion spatiale sur pratiquement tout le périmètre Massif Pyrénées hormis dans la partie centrale du Pays Basque et dans le nord est de la zone massif du département de l’Aude. Il est important de noter que l’utilisation du critère « sièges social » des prestataires n’est pas totalement représentatif de l’activité réelle réalisée sur le Massif, ne tenant ni compte du caractère « nomade » des prestataires d’encadrement sur un territoire plus ou moins vaste ni des prestataires ayant leur siège social en dehors du périmètre étudié mais qui viennent y réaliser leurs activités économiques (notamment les prestataires installés sur Perpignan, Toulouse, Tarbes, Pau et Biarritz, sans parler des agences françaises et internationales utilisant les Pyrénées comme support à leurs activités). Il faut également garder à l’esprit que les fichiers fournis ne comptabilisaient pas les mêmes prestataires suivant les départements, certains excluant des activités recensées par d’autres… Compte tenu de ces premières remarques, il semble tout de même intéressant de « glaner » certaines données de cadrage issues des études recueillies pour caractériser ce secteur d’activité aux contours fluctuants dans le temps et l’espace. - Au niveau national, environ 50% des personnes de 15 ans et plus pratiquent au moins une fois un sport de nature au cours de l’année (le 1/3 du fait sportif en France) ; on dénombre plus de 2,5 millions de licences au sein de 34 fédérations sportives concernées (24% du total des licences) avec une augmentation de plus de 20% entre 2001 et 2006 ; cette filière représenterait 50 000 emplois à titre principal et le double à titre occasionnel ; près de 40% des diplômes professionnels délivrés par le Ministère des Sports concernent les sports de 10 nature. Le recensement national des équipements sportifs (RES) dénombre 56 625 équipements, espaces et sites de sports de nature en 2010 (18% du total). 2,3 millions de licences concernent les sports de nature en 2010, soit 47% de plus qu’en 2000. Le nombre global de pratiquants des sports de nature est estimé à 22,5 millions en France. En termes de répartition spatiale, les Educateurs sport de nature sont très majoritairement présents dans les Alpes devant la côte méditerranéenne, les Pyrénées et la côte Atlantique. Environ 55% des éducateurs, diplômés exclusivement dans les sports de nature, sont qualifiés dans la famille d’activité « montagne » suivie par l’activité « nautique » (31,5%) et « équestre » 13,1%. Dans les filières « montagne », « aérienne », et de « canyoningspéléologie », ce sont les éducateurs sportifs ayant un statut de travailleur indépendant qui sont majoritaires, de 59 à 74%. - En Midi-Pyrénées, on dénombre 5275 espaces et sites de pratique (très majoritairement terrestres avec la médaille d’or en matière de spéléologie au niveau national) ; il existe plus de 1600 clubs concernés par cette filière pour 103 000 pratiquants ; 800 structures et entreprises travaillent dans cette filière pour 3000 emplois et un Chiffre d’Affaire global de 37 millions d’euros. - En Languedoc-Roussillon, le rapport d’étude commandé par le Conseil Régional auprès de l’association « Languedoc Roussillon Sport Emploi Tourisme » et intitulé « Etats des lieux, Métiers et Emplois dans les Activités de Pleine Nature en Languedoc Roussillon » propose une photographie récente (2012) de l’emploi dans ce secteur d’activité. Mais au-delà des données quantitatives récoltées à l’échelle régionale (1 006 établissements dont 174 ont participé à l’étude), entre côte méditerranéenne, piémont du massif central et Pyrénées, les conclusions de l’étude insistent sur les enjeux de gestion des sites de pratique par les collectivités ou encore le développement ces dernières années de l’offre commerciale dans presque toutes les activités (83% des établissements APN ont été créés ces vingt dernières années et le nombre de prestataires est supérieur à celui des salariés). En matière de préconisation, cinq axes sont identifiés : l’animation d’un « guichet unique » espace de concertation faisant émerger les bonnes pratiques et encourageant le travail en synergie ; le développement de formations favorisant la multi compétences ; la mise en place d’un Observatoire régional pour pallier le manque de données de cette filière ; l’impulsion d’une démarche qualité régionale ; la mise en valeur des sites de pratiques grâce aux Commissions Départementales des Espaces, Sites et Itinéraires (CDESI) et la valorisation des compétences des 11 éducateurs sportifs dans ce domaine. - Dans le département de l’Ariège, l’Agence de Développement Touristique (ADT) mobilise des moyens humains et financiers dans le cadre du programme POCTEFA (Europe) « RES’PIR ». Dans le dispositif mis en place, une « étude sur les retombées économiques, sociales et environnementales des loisirs sportifs de nature » a été lancée en 2011 et réalisée par le cabinet d’étude Traces TPI dans une démarche innovante pour la mise en place d’un observatoire dédié à la pleine nature. La première campagne « été 2011 » a déployé quatre dispositifs d’enquêtes : auprès des socioprofessionnels (sur les 172 structures sollicitées, 64 ont répondu à l’enquête, soit 37%) ; auprès des habitants pour connaître le taux de pratique au sein de la population, le type et la fréquence de pratique, le montant des dépenses réalisées et la place occupée par ces loisirs sportifs dans le quotidien des Ariégeois (1565 questionnaires collectés) ; auprès de la population touristique pour appréhender le poids des loisirs sportifs de nature au sein d’un séjour touristique et collecter des données précises sur le profil des pratiquants (1200 questionnaires) ; auprès de 525 pratiquants en face à face pour connaître en profondeur leur profil, notamment sur cinq pratiques ciblées (cyclosport, canoë, parapente, canyoning et escalade). Les premiers résultats annoncent un Chiffre d’Affaire généré par les structures professionnelles de juin à septembre de 2,6 millions d’euros pour 167 postes rémunérés (hors location et hébergeurs). La filière professionnelle se caractérise par une grande diversité des structures, au sein de laquelle les très petites structures dominent (77% d’entre elles déclarent un Chiffre d’Affaire annuel inférieur à 30 000 euros). Concernant les habitants, un peu plus de la moitié pratiquent un sport de nature principalement en Ariège pour une dépense en équipement sur l’Ariège de 12 millions d’euros. Quant à la fréquentation touristique liée à ce secteur, ce sont plus d’un million de nuits sur les 4 mois d’enquête qui lui sont attribuée sachant qu’une personne sur cinq ne serait pas venue dans le département si elle n’avait pu pratiquer une activité de pleine nature, générant sur la période estival environ 27 millions d’euros. Pour faire suite à ce premier volet de résultat, de nouveaux protocoles d’enquête ont été mis en place depuis 2011 à destination des collectivités territoriales, des fédérations et des clientèles hivernales. L’objectif à terme est la constitution d’une méthodologie permettant la création d’un observatoire départemental pérenne permettant la production de données pour anticiper les évolutions du marché et de la filière et pouvoir avancer des préconisations de développement. 12 - Le département des Hautes Pyrénées, dans le cadre de sa Commission Départementale des Espaces, Sites et Itinéraires (CDESI65) a également mené en 2012 une étude sur les retombées économiques des sports de nature dans les Hautes-Pyrénées. Synthétiquement, il ressort de cette étude que les professionnels ont une aire d’exercice très locale, que 6 professionnels sur 10 réalisent un Chiffre d’Affaire (CA) inférieur à 20 000 euros par an, 10% des professionnels concentrant 60% du CA global. Le CA global est estimé à un peu plus de 10 millions d’euros (hors entreprise La Balaguère dont le CA global pour 2011 était de 11 millions d’euros dont 1 million réalisé sur le périmètre des Hautes-Pyrénées. Ce CA global se rapproche du montant réalisé par le thermalisme (estimé à 15 millions d’euros). L’été concentre plus de la moitié de ce CA global (54%) devant l’hiver (24%), le printemps (15%) et l’automne (7%). On peut encore noté que les groupes organisés représentent plus d’un quart de ce montant. Enfin, le panier moyen s’élève de 20 à 50 euros par journée pour deux tiers des clients. L’enquête en 2012 a porté sur 113 structures représentant 169 emplois soit 34 ETP pour une moyenne de 1,18 emplois par professionnel enquêté (sans la Balaguère). Près de 40% de l’offre concerne des pratiques nécessitant peu d’équipement (randonnée pédestre) ou répondant à une mode (raquette et canyoning). 6 professionnels sur 10 réalisent un Chiffre d’Affaire inférieur à 20 000 euros par an alors que 10% des professionnels concentrent 60% du CA global. Les sports de nature génèrent un CA global de 9 à 13,5 millions d’euros (dont le CA Balaguère pour les Hautes-Pyrénées), soit 10 fois plus que dans l’Ariège. L’été représente plus de la moitié du CA global estimé alors que l’hiver ne représente qu’un quart. 44% de la clientèle est originaire du Grand Ouest, 35% de Midi-Pyrénées et 8% d’Aquitaine. Cette clientèle vient plutôt individuellement (34%) ou en groupes organisés : scolaires et centre de vacances représentent tout de même 27% de cette fréquentation. - Dans l’Aude, 10 000 randonneurs ont fréquentés le sentier cathare en 2011, occasionnant près de 750 000 euros de retombées économiques sur l’itinéraire et 1, 2 millions d’euros pour le département de l’Aude. La fréquentation du sentier a augmenté durant les dernières années alors que la part des « itinérants » a diminué. En Haute Vallée de l’Aude, l’eau vive a généré pour les prestataires 850 000 euros de Chiffre d’Affaire dont 63% pour le rafting (17 structures et 2 regroupements) soit 107 emplois saisonniers et 62 guides pour 15 emplois à l’année (9 ETP). 13 La question aujourd’hui posée principalement aux commanditaires des études concerne leur reproductibilité et leur pérennité. Cela passe par la mise en réseau des protocoles utilisés à l’échelle du Massif. En effet, la compilation de données récoltées utilisant des méthodes différentes n’est pas fiable et sujette à polémique et ce, malgré la qualité des études réalisées récemment comme celles menées par LRSET pour le compte du Conseil Régional Languedoc-Roussillon ou les travaux menés par le Conseil Général des HautesPyrénées dans le cadre de la CDESI65. L’opération pilote réalisée en Ariège de création d’un « observatoire de la pleine nature » « excursionnistes », alliant des « touristes en enquêtes séjour », « habitants », « professionnels », « fédération » et « collectivités locales » pourrait servir au terme des quatre années de mise en place de « méthode de référence » à reproduire selon les mêmes protocoles dans les autres départements de la chaîne afin d’obtenir une vision enfin globale du tourisme pyrénéen de pleine nature. Il faut également se poser la question des objectifs de cette observation. S’il est aujourd’hui admis qu’une meilleure connaissance du poids économique du tourisme de pleine nature participe de sa reconnaissance par l’ensemble des acteurs institutionnels en charge du développement des Pyrénées, d’autres enjeux émergent progressivement. Comprendre la dynamique du secteur et son impact social et environnemental sur la vie des territoires, calculer l’efficacité des dépenses publiques en matière d’aménagement, de promotion ou de commercialisation sont des indicateurs permettant de passer d’une observation de constat à une observation prospective, d’un développement de réaction à une stratégie de valorisation territoriale. 14 2. A l’écoute des acteurs de la filière Réaliser un travail qualitatif auprès des structures concernées par ce champ d’étude pour réaliser un inventaire des actions réalisées, faire émerger les « bonnes pratiques », comprendre les limites des projets. Un certain nombre d’acteurs de la filière ont été sollicité pour réaliser ce travail. Compte tenu de la durée réduite de l’étude, une première liste de 22 structures a été validée autour des « têtes de fil » du développement touristique dans les Pyrénées concernées par cette filière : institutions, collectivités, regroupements prestataires privés, stations… Presque tous ont répondu rapidement à la demande d’entretiens, ceux-ci réalisés soit en face à face, soit par téléphone. - Commissariat à l’Aménagement des Pyrénées - Confédération Pyrénéenne du Tourisme - Conseil Régional Aquitaine - Conseil Régional Languedoc-Roussillon - Comité Régional du Tourisme Midi-Pyrénées - Jeunesse et Sport Midi-Pyrénées - Comité Départemental du Tourisme des Pyrénées-Orientales - Comité Départemental du Tourisme de l’Aude - Agence de Développement Touristique Ariège-Pyrénées - Comité Départemental du Tourisme de la Haute-Garonne - Hautes-Pyrénées Tourisme et Environnement - Comité Départemental du Tourisme des Pyrénées-Atlantiques - Parc National des Pyrénées - Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes - Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises - Compagnie des Guides des Pyrénées - Fédération Communautaire des Accompagnateurs en Montagne des Pyrénées - Association des Gardiens de Refuge des Pyrénées - Association des Gîtes d’Etape et de Séjour des Pyrénées - N’Py - Altiservice - Pyrénées Nordiques, remplacé par Pyrénées Catalanes Nordique 15 Ces entretiens, d’une durée moyenne d’une heure, ont permis de faire émerger de nombreuses problématiques, initiatives et projets ainsi que l’élargissement de la liste d’entretiens à de nouvelles personnes ressources sur l’ensemble de la chaîne. Ceux-ci ont été contactés pour élargir ou approfondir les différentes thématiques ou projets révélés. - Elodie CAQUINEAU, Communauté de Communes Auzat-Vicdessos sur la station « sport nature du Montcalm », Ariège - Pierre TORRENTE, ISTHIA, Université Toulouse Le Mirail - Juliane BOISTEL, Centre de valorisation tourisme, alimentation, développement durable - Julien MILITON, gardien du refuge d’En Beys et secrétaire de l’AGREPY - Rémi BENOS, CNRS, programme de recherche « HAULMIP » : hauts lieu du tourisme en Midi-Pyrénées - Eric JOURNAUX, CREPS Midi-Pyrénées - Laurence JOUCLAS, DRJSCS Midi-Pyrénées - Patrice GAUT, OT Luchon et Directeur station de Superbagnères - Boris LAURINE, DDJSCS 65 - Carole PELLARREY, co-gérante ADHOC-comptoir pyrénéen des Sports de montagne - Vincent FONTVIEILLE, La Balaguère - Michel ROUX, directeur UCPA Saint-Lary - Christophe FABRE, Directeur de la station de Gavarnie et co-directeur de l’OT de Gavarnie - Stéphane AMIEL, gardien du refuge des Estagnous et co-créateur du circuit Pass’Aran - Florian CHARDON, Grand site Canigou - Antoine GLORY, Président Accompagnateurs Pyrénées Orientales - Elsa NOEL, Co-gérante OXYGEN AVENTURE dans l’Aude et les Pyrénées Orientales - Angelika SAUERMOST, Sud de France Développement - Niels MARTIN, directeur de la Coordination Montagne - Sabine ANDRIEU, coordonatrice du projet Vélodyssée - Thierry BEDOS, directeur du Pôle Ressources National Sports de Nature - Laure LETARD, Parc Naturel Régional des Pyrénées ariégeoises - Camille DUCASSE, Conseil Général des Hautes-Pyrénées - Régine CASAUCAU, OT Vallée d’Aspe - Muriel FAUR et Guy CHAUMEREUIL, Association Grande Traversée des Alpes 16 En tout, ce sont plus de 45 entretiens qualitatifs qui ont été réalisés et traités dans le cadre de cette étude. Ils ont permis de faire émerger un constat finalement optimiste de la dynamique de ce secteur d’activité même si celle-ci n’est pas uniforme sur le périmètre du Massif. On peut affirmer qu’il existe dans de nombreux territoires pyrénéens et grâce à une multitude d’acteurs plus ou moins liés des actions et initiatives qui se sont développées ces dernières années pour structurer, professionnaliser, mettre en marché ou promouvoir le tourisme de pleine nature. 3. Typologie, jeux d’acteur et intelligence territoriale Les principaux acteurs de la pleine nature, prestataires professionnels « de terrain », collectivités locales et leurs structures associées, services déconcentrés de l’Etat, fédérations et structures de développement tentent des actions pour rendre plus efficace ce créneau porteur aux différentes échelles du territoire « Massif » et dans les grands centres de pouvoir régionaux. Jusqu’à présent, c’est principalement la fibre « aménageuse » des pouvoirs publics qui a structuré le développement du tourisme de pleine nature (notamment dans le domaine de la randonnée pédestre) même si les Pyrénées se sont longtemps distinguées par le rassemblement des acteurs de la pleine nature au sein de l’association aujourd’hui disparue « Randonnée Pyrénéenne ». La perspective de la réforme territoriale ou encore la situation des finances publiques à tous les échelons territoriaux rend l’optimisation des moyens incontournable. La capacité de ces différents acteurs à travailler ensemble, dans un but commun mais avec des moyens, des impératifs propres et une connaissance mutuelle approfondie représente ainsi un enjeu fort de la période actuelle. Cela est d’autant plus vrai que les entretiens font ressortir une méfiance naturelle et mutuelle à tous les niveaux et entre toutes les parties prenantes lorsqu’aucune organisation pérenne n’est mise en place pour permettre l’émergence d’une stratégie économique de réseau dans laquelle chaque type d’acteur se retrouve. Pourtant, les recherches, études et réflexions récentes menées sur le 17 développement des sports nature, notamment par le réseau « Sportnature.org » et le « Pôle Ressources National Sports de Nature », proposent une approche plus fine des relations entre acteurs et territoire. Ce dernier n’est plus seulement un support fonctionnel mais constitue un système relationnel au sein duquel se renforcent les enjeux de structuration et d’animation d’une intelligence territoriale. Cette notion peut être définie comme un dispositif de médiation, d’action et de gouvernance participatif, apprenant et réflexif, qui associe de manière plus ou moins formelle les acteurs et opérateurs publics et privés d’un territoire et de filières autour de l’explicitation et de la projection vers l’avenir de compétences, d’expériences, d’une identité, d’une solidarité et d’une éthique partagées (Bourdeau, 2007). Les mythes technologiques et aménagistes semblent de plus en plus secondaires pour comprendre et accompagner l’évolution des pratiques sociales et des territoires. C’est alors la notion d’innovation sociale qui devient centrale en renvoyant non seulement à un processus mais aussi à un objectif de changement orienté vers le mieux-être des individus et des collectivités (Cloutier, 2003). La typologie suivante tente de dresser une photographie réaliste des jeux d’acteurs caractérisant le secteur étudié sur les Pyrénées : - Une majorité de « petits » prestataires isolés et peu organisés en réseau, dont certains réussissent en étant dans certains créneaux porteurs (canyon, eau vive l’été ou cours de ski l’hiver) et/ou tentent tout de même de se développer malgré la faiblesse de rentabilité de leur activité. Ils travaillent dans ce secteur d’activité par choix de vie (le lieu et le mode de vie priment sur le reste) et/ou par opportunité sociale et économique dans le cadre souvent d’une philosophie de vie en marge de la société urbaine et de l’économie de marché. Ils sont en général méfiants face aux initiatives publiques qu’ils ne comprennent pas, étant peu associés à la définition des actions menées. La plupart du temps, ils sont perçus par les institutions comme un public difficile à cerner et partenaire compliqué à comprendre, mobiliser et à accompagner. - Quelques « gros » prestataires privés organisés (Tour Opérateur, station de ski regroupée ou non) qui irriguent les territoires mais en recherche d’une image mieux véhiculée de la destination « Pyrénées » par la puissance publique pour développer leurs parts de marché à l’échelle nationale et internationale. Ils sont parfois accusés par les petits prestataires de s’accaparer le 18 marché uniquement par goût de l’argent malgré le poids économique qu’ils représentent pour de nombreux autres prestataires plus petits. Ils sont parfois perçus par les institutions comme des concurrents incontrôlables car peu soumis à leur influence économique (aides, subventions). - Quelques rares regroupements professionnels à l’échelle locale, départementale et/ou massif, la plupart issus des syndicats professionnels organisés (Compagnie des Guides des Pyrénées, Fédération des Accompagnateurs en Montagne des Pyrénées, Association des gardiens de refuge ou des gérants de gîtes d’étape). Leurs capacités d’action et/ou de représentation souffrent d’un manque d’investissement de leurs membres et/ou sont limités par des moyens financiers privés insuffisants ou fragiles car issus de fonds publics inconstants et mobilisant beaucoup d’énergie pour les obtenir. Leur visibilité ou capacité d’actions tient le plus souvent sur la bonne volonté de quelques professionnels militant parfois quelque peu éloignés des membres qu’ils représentent. - Des collectivités locales (Régions, Départements, EPCI, communes) et leurs structures dédiées au tourisme (CRT, CDT, ADT, OT) plus ou moins actives à la mise en tourisme de leurs territoires et investissant principalement dans l’aménagement des sites de pratique ou la vente de produits «vitrine ». La complémentarité public/privé est encore souvent réservée à la vente de séjours en hébergement « sec » via des centrales de réservation peu ou pas rentables. Les nouveaux schémas de développement touristique en préparation dans la plupart des départements ont pour objectifs de fluidifier l’articulation entre les différents acteurs pour rendre plus efficace les actions menées dans un contexte budgétaire compliqué. - Des structures de développement et de gestion des territoires comme les Parcs (Parc National des Pyrénées, Parcs Naturel Régionaux des Pyrénées catalanes et ariégeoises) ou des entités « grands sites » (Canigou) tentent de « réunir » leurs territoires autour de la valorisation de leurs patrimoines (comme les marques Parc). Elles innovent dans la mobilisation des acteurs de terrain mais peinent parfois à trouver leur place au sein de l’organisation territoriale traditionnelle. - Des services déconcentrés de l’Etat dont l’ensemble des missions est parfois mal connu ou perçu par les autres acteurs et rendu complexe par un cadre réglementaire porté par plusieurs ministères (sport, santé, 19 intérieur, tourisme). Leur capacité d’action est fragilisée par les nombreuses réorganisations internes souvent synonymes de perte de moyens humains et financiers. Néanmoins, la volonté actuelle tournée notamment vers la pleine nature et l’architecture technique opérationnelle entre « Pôle Ressources National », Directions régionales, départementales et CREPS en fait une force d’expertise et d’aide à la décision incontournable pour les structures territoriales comme pour les acteurs de terrain. - Des fédérations (Randonnée, Montagne et Escalade, club Alpin Français, Vol libre, Canoë-kayak…) souvent bien structurées principalement tournées vers leurs licenciées, leurs clubs et leurs activités internes. Elles participent néanmoins à la structuration des sites et itinéraires dans le cadre de leurs délégations et sont souvent associées par les collectivités aux projets liés à la pleine nature. Les relations avec les prestataires d’activité sont parfois conflictuelles, les clubs et fédérations ayant également besoin de créer leurs propres retombées économiques pour poursuivre leur développement et assurer leur pérennité. - Les chambres consulaires sont parties prenantes de ce développement à partir du moment où certains de leurs adhérents sont concernés par ce secteur comme le milieu équestre (Chambres d’agriculture) ou les hébergements de montagne (Chambres de Commerce et d’Industrie, parcs de loisirs, location et vente de matériel). Mais l’absence d’appartenance par ces institutions de l’immense majorité des professionnels encadrant des activités de pleine nature limite leurs objectifs ou impacts sur ce secteur malgré le rapprochement initié entre agriculture et tourisme depuis quelques années. - Des entités « Massif » comme la DATAR Pyrénées, l’Association Pyrénéenne d’Economie Montagnarde (APEM), émanation des chambres consulaires, l’Association de Développement des Pyrénées par la Formation (ADEPFO) ou encore la Confédération Pyrénéenne du Tourisme (CPT) tentent de mobiliser à l’échelle des Pyrénées des moyens et des synergies pour créer du lien et renforcer les politiques des collectivités territoriales. Cette dernière, financée en partie par les stations de ski, développe des actions principalement dans ce domaine. Parmi ces structures, l’ADEPFO est devenue incontournable dans la grande majorité des programmes de développement à toutes les échelles et pour tous les acteurs économiques, collectivités comme entreprises ou associations. 20 CHAPITRE 2 LES INITIATIVES MARQUANTES EN MATIERE DE STRUCTURATION Suite aux nombreux entretiens réalisés dans le cadre de cette étude, il a été possible de répertorier un certain nombre d’actions et d’initiatives développées ces dernières années pour structurer, professionnaliser, mettre en marché ou promouvoir le tourisme de pleine nature, émanant de la multitude d’acteurs qui composent ce secteur d’activité. Elles sont reprises ici et classées en trois catégories représentatives des enjeux de structuration de la filière des prestataires de pleine nature : - Professionnalisation et mise en réseau - Gouvernance territoriale - Mise en produit, commercialisation et promotion Bien-sûr, le massif pyrénéen n’est pas le seul à réfléchir à cette problématique. Quelques exemples significatifs venus d’ailleurs sont également présentés dans ce chapitre pour enrichir le propos et donner à réfléchir. 1. Professionnalisation et mise en réseau des acteurs Dans un secteur en constante mutation face aux nouvelles pratiques et attentes du public, le processus de professionnalisation et de mise en réseau des acteurs se développent sur quelques territoires pyrénéens à différentes échelles. Il fait lien avec les recherches menées sur le « territoire apprenant » (Jambes, 2001) proposant comme moteur de développement des économies locales l’émergence d’intermédiation territoriale entre les différentes trajectoires d’acteurs s’inscrivant dans un système d’action territorial. Les démarches qualités mises en place par des Régions dans le cadre du label « Qualité Tourisme », les initiatives locales ou départementales de co- construction d’un cadre de référence ou le déploiement par les Parcs Régionaux 21 ou Nationaux de leurs « Marques Parc » participent de cette intelligence territoriale en permettant la confrontation d’idées et d’idéaux entre différents acteurs de terrain et les structures territoriales de développement auxquels ils appartiennent. Nous prendrons ici trois exemples concrets pour illustrer ce premier domaine d’action. - Le label « Qualité Sud de France » développé par la région LanguedocRoussillon. Géré par la SEM « Sud de France Développement » en partenariat avec les CCI et certains réseaux partenaires comme Qualité Hérault et « Pays Cathare », ce label basé sur les référentiels nationaux de « Qualité Tourisme » est proposé aux entreprises via un site internet dédié «www.qualite- suddefrance.com » présentant la démarche, les engagements, les étapes de la labellisation et des outils d’auto-évaluation. Il a permis depuis 4 ans de labelliser plus de 800 structures sur les filières de l’hôtellerie, de la restauration, des caves et sites culturels et touristiques. Des conventions passerelle sont signées avec les autres réseaux de Qualité Tourisme, permettant aux entreprises déjà labellisées dans ces autres réseaux de bénéficier de la même visibilité que ceux labellisés « Qualité Sud de France ». La mise en place de la filière « pleine nature » est toute récente et réalisée en partenariat avec Languedoc Roussillon Sport Emploi Tourisme (qui a réalisé une étude sur cette filière spécifique en 2012) et la Direction Régionale Jeunesse et Sport, plus en contact avec les réseaux professionnels. Un partenariat a également été noué avec la Région PACA sur le déploiement du cadre de référence du label de la filière pleine nature, cette dernière étant précurseur en la matière. Cette labellisation, validée par un audit externe effectué par un cabinet spécialisé, offre aux structures participantes une visibilité particulière sur les sites internet touristiques de la Région, sur la toute récente application mobile développée également par la région et permettent de participer à des campagnes de communication e-marketing sur des durées précises. Aujourd’hui, seules les entreprises peuvent entrer dans cette démarche, et non les associations. Il n’existe pas non plus de référentiel pour les entreprises proposant des séjours tout compris. Depuis peu, une action pilote au niveau national est mené pour trouver des passerelles entre ce label et la marque Parc « Pyrénées Catalanes » dont les principales difficultés résident dans le marquage de « produit » et l’absence d’audit externe dans le cadre du Parc Naturel Régional. Actuellement, il n’existe pas de volonté affichée de rejoindre ce processus de labellisation dans les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. 22 - Les « marques Parc » des deux PNR des Pyrénées (catalanes et ariégeoises) regroupent des structures marquées dans une dynamique écotouristique assumée. Elles sont actuellement soutenues par des programmes ADEPFO pour définir et déployer une stratégie commerciale et tenter de valoriser les « Marqués Parc » en créant de la richesse sur le territoire des PNR. Là-encore, il existe un cadre de référence pour chacune des filières composant la marque, défini par la Fédération Nationale des Parcs Naturels Régionaux. Mais il n’y a pas de grille « tourisme de pleine nature » et chacun des deux PNR (comme le Parc National des Pyrénées (PNP), qui se lance dans la même démarche depuis la validation de sa charte) met en place son processus de marquage et des conventions différenciées. Il existe peu de contact entre ces trois institutions (une réunion par an) et donc peu de projets inter-parc au niveau pyrénéen. Néanmoins, la région Languedoc-Roussillon propose un fonds d’aide à la création de l’offre de tourisme de nature sur les trois PNR de son périmètre. La valeur ajoutée de la « Marque Parc » semble être son enracinement dans une identité locale « territorialement forte et à échelle humaine » regroupant autour d’un même projet des acteurs aussi divers que des producteurs, des hébergeurs, des sites ou des prestataires d’encadrement d’activité de pleine nature. Les deux principaux enjeux pour les prochaines années résident dans la capacité des PNR à valoriser les efforts réalisés par les « Marqués Parc », créer une dynamique à l’intérieur de leur territoire et mettre en place des passerelles avec les autres acteurs publics œuvrant sur leur périmètre d’action pour harmoniser les actions de labellisation, de mise en marché et de promotion. - La démarche de progrès du réseau « Res’Pyr », mise en place par l’Agence de Développement Touristique de l’Ariège grâce à des fonds européens POCTEFA, s’appuie, contrairement aux deux précédents exemples, sur un processus de coconstruction de la grille d’audit comme du processus de validation du label avec des prestataires privés du tourisme de pleine nature volontaires et l’Institut touristique de l’Université Toulouse le Mirail. Ce processus partenarial est issu d’un premier travail réalisé depuis 2008 pour fédérer l’ensemble des prestataires du secteur en 11 filières mobilisant environ 170 structures dans un « collège pleine nature ». Mais un pas a été franchi lorsque les éléments moteurs de ce collège ont décidé de participer à la création de la démarche qualité départementale. Aujourd’hui une quinzaine de structures constituent la première vague des entreprises qui ont été 23 audité durant l’été 2013. En échange, ils sont sollicités en priorité dans les actions de promotion et de formation mis en place par l’ADT09. La prochaine étape consistera d’une part à dynamiser le réseau en accueillant de nouvelles structures et d’autre part dans un travail sur la gamme de produits créés entre prestataires privés et structure départementale et commercialisés via la centrale de réservation du département. Ce rapprochement progressif entre public et privé doit rendre plus efficace et plus poussée la réflexion sur la mise en marché de la pleine nature en Ariège et son efficience pour créer de la richesse dans ces territoires. Avec la création de l’observatoire pleine nature, ce projet constitue une base solide pour déployer de nouveaux dispositifs en matière d’aménagement, de promotion et de commercialisation. Ces exemples mettent en lumière un enjeu fondamental de ce premier domaine d’analyse. Pour l’illustrer, on peut reprendre une formule souvent employée par les coordinateurs et animateurs de réseau : « Pour travailler ensemble, il est bon de se parler, de se connaître et d’apprendre à se faire confiance et à partager des compétences ». Le double mécanisme de progression individuelle et collective représente alors une base indispensable au développement de projets à l’échelle d’un territoire. Dans ce cadre, la formation représente un enjeu de taille. Il s’agit de l’organiser pour qu’elle soit à la fois attractive, utile et financée toute ou partie par le territoire qui souhaite participer à la professionnalisation de ses acteurs. 2. Gouvernance territoriale autour de la pleine nature La gouvernance territoriale, c'est-à-dire la faculté d’un territoire à organiser les relations existantes et à venir entre ses différents acteurs, est facilitée lorsqu’un objectif commun ou un projet partagé est clairement défini : réalisation d’un événementiel, création ou valorisation d’un itinéraire (pédestre, équestre, cycliste…) ou d’un « spot » de pleine nature autour d’une thématique attractive (eau-vive, escalade, canyoning…) ou d’un site emblématique (Gavarnie, Canigou, Néouvielle…). Certains territoires, à l’instar des stations de ski, tentent l’aventure de la « station sport nature » comme levier principal de développement touristique dans des zones à l’économie fragile 24 ou en rupture (le cas d’Argentière-la-Bessée « Pays des Ecrins » dans les HautesAlpes représente un cas d’école déjà largement étudié, notamment dans le cadre du réseau de chercheurs « sport-nature.org »). La mobilisation ou remobilisation de la population autour d’un projet de développement fortement ancré dans la valorisation du patrimoine naturel et/ou culturel est alors proposé comme une alternative à la « survie », voire à un nouveau développement du territoire. Voici plusieurs exemples de structuration territoriale enracinée autour du tourisme de pleine nature dans les Pyrénées : - La station « sport nature » du Montcalm, dont le territoire initial s’appuie sur le périmètre du canton d’Auzat-Vicdessos est aujourd’hui porté par la Communauté de Communes d’Auzat Vicdessos et relayé par le Syndicat Mixte touristique regroupant cette vallée et le canton de Tarascon-su-Ariège. Dès le début des années 90 et dans l’optique de la fermeture de l’usine Péchiney, une réflexion a été menée par le Syndicat Mixte de l’époque et une stratégie « pleine nature » adoptée. Un événementiel, la « course du Montcalm », aujourd’hui devenu « Marathon du Montcalm » constitue le principal vecteur en matière de communication. Ces dernières années, des équipements publics (centre équestre, salle d’escalade, parcours VTT) ont été créés dont certains (via ferrata, parcours accrobranche) font l’objet d’une délégation de service public. Dernièrement, un regroupement des professionnels du canyoning visant à mieux gérer la forte fréquentation estivale et améliorer la qualité et la sécurité des équipements en place est né des différentes réunions organisées par la Station Sport Nature sous l’impulsion de sa directrice. Il faut également noter l’initiative unique dans les Pyrénées de l’embauche d’un technicien cordiste spécialiste de l’ouverture des voies d’escalade pour entretenir et sécuriser les nombreux secteurs présents en Haute-Ariège. C’est dans le cadre d’une mutualisation innovante entre le CAF, la FFME et trois communautés de communes que cet emploi a pu être créé. - La Commission Départementale des Espaces, Sites et Itinéraires des Hautes-Pyrénées (CDESI65) représente, avec celle de l’Aude, un exemple de prise en compte globale de la question de la pleine nature à l’échelle départementale : aménagement des sites de pratiques, gestion des conflits d’usage, prise en compte incontournable de l’environnement dans tous les nouveaux projets, observation des impacts et retombées économiques... La 25 réalisation du PDESI vient valider une démarche qualité par la construction commune de critères de sélection et par un accompagnement technique des porteurs de projets. La CDESI65 s’est également lancée dans l’édition de topoguides d’escalade afin de valoriser le travail réalisé dans le cadre du PDESI. - Dans le cadre de sa prise de gestion récente de la station de ski de Gavarnie, la multinationale PGI Management souhaite notamment développer la filière « outdoor » autour du site montagnard le plus emblématique des Pyrénées dans une démarche de structuration territoriale basée sur un partenariat Public/Privé fort. Les questions posées par le Directeur Christophe Fabre induisent une vision dépassant la seule exploitation d’une station de ski : comment impliquer les acteurs du territoire pour dépasser l’économie de « cueillette » ? Comment faire se rapprocher les deux communes de la vallée autour de projets communs ? Quel fonctionnement mettre en œuvre pour rendre plus efficace la capacité du territoire à produire de la valeur économique et quels sont les outils technologiques innovants pouvant y aider ? Afin de rapprocher les problématiques territoriales en matière de tourisme et les intérêts de la station de ski, une co-direction a été mise en place au sein de l’Office de Tourisme, le directeur de la station devenant également co-directeur de l’Office de Tourisme, choix que l’on retrouve également sur Luchon. - Mis en lumière par sa labellisation « Grand Site de France » depuis 2012, le massif du Canigou est géré par un Syndicat Mixte composé de 39 communes avec une volonté de s’étendre à 63 communes intégrant piémont et balcon du Canigou organisés autour de la destination « Grand site Canigou ». L’objectif affiché est d’irriguer les flux de fréquentation des zones « d’attraction naturelle » qu’il faut gérer dans le cadre du label « grand site ». Un document d’orientation corrélé à la gouvernance par le Syndicat Mixte (à l’intérieur duquel les socioprofessionnels occupent une place consultative fondamentale depuis de nombreuses années) est en cours d’achèvement « Canigou 2020 ». Il exposera le canevas des axes et actions (environ 250) à mettre en œuvre pour créer une destination « pleine nature » accentuant les retombées économiques de ce secteur d’activité en lien avec les autres domaines économiques plus traditionnels (agriculture, artisanat, industrie, services…) sur le territoire. Ce plan de développement aujourd’hui reconnu par tous les acteurs a été facilité par le fait qu’aucune station de ski n’était présente autour du Canigou et a été fortement soutenue par le Président de Région, également président du Syndicat Mixte. La prochaine étape concerne la mise en tourisme de ce plan d’action rendue possible par la réalisation d’une étude marketing et de 26 positionnement. Actuellement, la structure dispos de trois chargés de mission « communication », « pleine nature » et « environnement ». Un « chef de produits packagés » sera prochainement recruté pour démarrer concrètement la phase « mise en tourisme » du territoire. - La Vallée d’Aspe réfléchit à la création d’une "station loisirs sports de nature" toutes saisons, projet avancé de concert entre université de Pau, communauté de communes de la Vallée d'Aspe, Office de Tourisme et Conseil Général. Pour cela, ils ont invité les hébergeurs et les professionnels des sports de nature au lancement d'une étude pour ce projet pilote sur la Vallée d'Aspe. Suite à une demande du conseil général et l'expertise d'Olivier Bessy, spécialiste en France de la thématique des sports de nature et directeur de projet à l'UPPA, les élus aspois ont décidé de soutenir cette action. Catherine Farran de l'université de Pau, assistée de Marion Clerté, ont présenté la réalité de la destination montagne l'été avec ses points négatifs (ennui, isolement, effort, difficulté, peur, randonnée uniquement…) mais aussi positifs (beauté des paysages, calme, nature, exaltation, oxygénation). L'étude qui est lancée et financée par le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques commence par une phase de diagnostic qui débouchera sur une préconisation de stratégie de développement, la formulation de l'offre et un cahier des charges. L'étude de la clientèle débute cet été auprès des prestataires pour un rendu en octobre. Les hébergeurs et les prestataires de sports de nature présents (randonnée, VTT, canyon, cheval, trail…) ont trouvé le projet intéressant et ils feront remplir le questionnaire à leurs clients cet été pour l'enquête clientèle en espérant que cette opération permettra de mieux adapter l'offre à la demande des touristes et donc d'améliorer l'activité touristique de la vallée d'Aspe. 3. Mise en tourisme et commercialisation La mise en tourisme d’un lieu ou d’un territoire peut se définir comme la capacité de ses acteurs à produire ensemble des prestations, séjours ou événements qui vont accroître son attractivité touristique et dans le même temps créer de la valeur ajoutée pour le territoire. Ils n’ont d’impact que si les outils de commercialisation et de promotion permettent une différenciation, voire un avantage comparatif sur un marché de plus en plus concurrentiel. Nous prendrons ici quatre exemples significatifs des projets développés dans ce domaine. 27 - La création par les gardiens de refuge en 2010 du circuit « Pass’Aran » entre Vallée du Biros dans l’Ariège et le Val d’Aran, celui nommé « Porta del Cel » entre vallée du Vicdessos et Pallars Sobira ou encore « la Senda de Camille » initiée par des gardiens de refuge et des guides aragonais entre Parc Naturel d’Aragon et Parc National des Pyrénées possèdent plusieurs caractéristiques marquantes : autour d’un itinéraire transfrontalier, ces circuits sont construits par des prestataires de terrain qui cherchent ensemble à valoriser leur « produit » grâce à la mise en place d’un certain nombre d’outils commerciaux : transport des bagages, achat en ligne, centrale de réservation, vente de produits dérivés, propositions accompagnées ou en liberté… Inspiré par le projet catalan « Carroz de Foc » développé dans les Encantats, ces circuits connaissent un succès croissant en termes de fréquentation et de diversification des retombées économiques pour les acteurs concernés. Tout au long de la chaîne, d’autres itinéraires tentent de se (re)structurer ou de créer une démarche collective et commerciale : sentier cathare, chemin de compostelle, Tour des Pérics, chemin des Bonshommes… - La mise en marché des anciennes stations de ski de fond rebaptisées avec succès « espaces nordiques » illustre là-encore les potentialités de développement d’espaces ayant fait le pari de la complémentarité entre innovation intellectuelle, recherche de correspondance avec l’évolution des attentes des clients et volonté politique forte. Avec Beille et Val d’Azun en pointe et grâce à la dynamique impulsée en Capcir, de nouvelles activités et de nouvelles gammes de produits ont créé de la richesse : développement de la raquette à neige, du chien de traineau, aménagement de pistes de luges, déclinaison des gammes de clientèle, études tarifaires et travaux d’amélioration des services. - Le développement du concept de « géo-catching » basé sur l’association entre chasse au trésor et matériel technologique (GPS) représente une innovation mise en œuvre autour de Luz Saint Sauveur et de Luchon sous la marque « Randocatching » créée par la Fédération Française de Randonnée. Il sera intéressant de comprendre la logique de développement du produit et son efficacité touristique et économique notamment dans le lien réalisé entre outils technologique et activité traditionnelle des Accompagnateurs en Montagne. - L’outil « place de marché » développé sur internet depuis l’apparition du WEB 2.0 connait un succès grandissant dans le monde du commerce. Son principe est 28 simple : mettre en place une plateforme informatique où se rencontrent vendeurs et acheteurs. Mais, nombreuses, elles sont plus ou moins spécialisées. Aujourd’hui, N’PY, entreprise spécialiste du commerce lié aux stations de ski dans les Pyrénées tente l’aventure en créant sa place de marché afin de mettre en relation le client avec le producteur, hiver comme été (dans le concept suivant : « communiquer et développer l’offre estivale, c’est conforter l’hiver »), concernant ainsi les prestations sports de nature : hébergement (10 000 lits), cours de ski, location de matériel et forfaits. Chaque producteur reste maître de son offre mais le système développé permet de simplifier la recherche d’information et d’achat pour le client et responsabilise le prestataire qui doit répondre aux critères de fonctionnement de l’outil sous peine d’en être écarté. La difficulté rencontrée actuellement par N’PY pour développer son outil « place de marché » estival concerne la multiplicité des acteurs de la pleine nature et le manque d’organisation de ces derniers. Approcher, sensibiliser, contractualiser et former ces prestataires à ce nouvel outil demande du temps et de l’énergie, ce qu’essaie de rationnaliser au mieux les responsables d’N’PY. Il existe à l’heure actuelle une seule action significative au niveau « Massif » de mise en tourisme de la pleine nature. Il s’agit de la « route des cols », itinérance créée par la Confédération Pyrénéenne du Tourisme sur le modèle de la Grande traversée des Alpes. Un site internet dédié est en ligne, permettant aujourd’hui à l’internaute d’avoir une vision globale de la traversée. Mais les informations disponibles sur ce site ne permettent pas de « construire » facilement sa traversée (hébergements spécifiques, loueurs ou réparateurs de vélo, transporteurs, produits tout compris…). Cette action menée avec de petits moyens d’animation de réseau limite son impact en matière de création de richesse sur le territoire Pyrénées malgré une image attractive naturelle : « de l’Atlantique à la Méditerranée à travers les Pyrénées ! ». En effet, si l’on compare cette offre avec d’autres destinations ayant ciblé les clientèles « cyclos », on constate que l’offre proposée est souvent bien plus riche en contenu en facilitant la dépense du touriste sur ces destinations (Grande Traversée des Alpes, La Loire à vélo, Vélodyssée notamment). Il est évident que la destination « Pyrénées » bénéficie d’une attraction naturelle dans sa dimension spatiale : une chaîne de montagne, une mer d’un côté et un 29 océan de l’autre. Mais cet atout évident doit être complété par une mise en tourisme performante : - choix des cibles clientèle en rapport avec les ressources du territoire (acteurs mobilisables, capacité d’animation du réseau et budget « outils et promotion ») - Création des « produits » constituant la gamme : offre gratuite libre / offre encadrée et/ou payante - Mise en place des outils de mise en réseau et de commercialisation - Promotion ciblée Aux vues des entretiens et de l’expérience acquise ces dernières années, il semble certain que la mise en tourisme d’un territoire ne peut déclencher l’acte d’achat et un bon « retour client » que si l’ensemble des acteurs du tourisme ont travaillé ensemble cette destination dans le cadre d’une démarche concertée de l’échelle locale à l’échelle Massif, ce qui aujourd’hui ne va pas de soi. Une initiative remarquable vient appuyer ce besoin de mise en réseau et de concertation, c’est l’opération « ski collégiens » réalisée dans le département des Hautes-Pyrénées. Même si le ski de piste n’est en général pas comptabilisé dans les sports de nature à cause des infrastructures lourdes utilisées et le poids colossal qu’il représenterait face aux autres pratiques, ce projet est un bel exemple de mutualisation de moyens et de concertation inter-partenaires. Avec pour objectifs de perpétuer la culture et l’identité montagnarde et de renouveler la clientèle du ski, ce projet porté conjointement par le Conseil Général, HPTE, la Direction Départementale Jeunesse et Sport, l’Inspection Académique, les stations de ski, les moniteurs et les loueurs de ski a permis à près de 700 collégiens par an d’apprendre ou de perfectionner la pratique du ski de piste durant 3 saisons hivernales. Chaque partenaire a amené son savoir-faire dans le cadre d’un projet global reproductible sur d’autres départements. Un projet similaire proposé dans les Pyrénées Orientales sur la pratique du ski de fond montre la volonté de contrecarrer le vieillissement de la clientèle fréquentant la montagne hiver comme été. 30 4. Quid de la promotion de la destination « Pyrénées Pleine Nature » ? Concernant la promotion, les entretiens n’ont pas permis de dégager d’exemples significatifs aboutis permettant d’entrevoir des pistes novatrices dans ce domaine. Bien-sûr, de nombreux événements (course en montagne, cyclosportive, festivals…) sont créés dans les territoires pyrénéens et amènent une notoriété certaine. La communication mise en place par les territoires (Comités Régionaux et Départementaux du Tourisme, Offices de Tourisme, Parcs voire intercommunalités) s’organise également petit à petit et des outils de promotion « spécifiques » pleine nature sont créées : la plupart des territoires proposent des pages internet spécifiques « activités de pleine nature » renvoyant vers des propositions d’itinérance ou d’activité à pratiquer librement et/ou vers les prestataires d’activité, souvent présentés sous forme de catalogue. L’offre « Tout compris » est moins souvent proposée par les sites institutionnels, quelle soit issue d’un travail réalisé par le territoire ou qu’elle émane directement de la gamme de produit d’un prestataire. Faire le choix de « privilégier » telle offre par rapport à telle autre n’est pas souvent assumé par les territoires ! C’est encore principalement la randonnée qui est mise en avant dans le cadre de cette communication «pleine nature » avec une accroche basée sur le nombre de kilomètres de sentiers balisés comme le propose le site internet de la Région Midi-Pyrénées, reléguant les autres activités dans des pages moins bien construites et donc moins « accrocheuses ». Dans le cadre de son nouveau schéma touristique départemental dans lequel la filière pleine nature apparaît comme l’un des 4 piliers principaux de l’économie touristique et compte tenu du travail co-construit autour de la démarche qualité entre Agence de Développement Touristique, Université Toulouse le Mirail (Institut du Tourisme ISTHIA) et les prestataires d’activité, des outils tels que brochure, site internet, accueil presse, tournage de spots vidéo sont consacrés aux entreprises en cours de labellisation « Ariège outdoor ». Mais le projet ne pourra véritablement aboutir à une communication performante que lorsque l’offre sera mieux construite, prochain défi du projet « Respir ». 31 Il n’existe pas de « cohérence Massif » à ces différentes initiatives, limitant leur impact en matière de visibilité à une échelle plus grande. De même, les campagnes de communication ou publicitaires souffrent d’un manque de capacité budgétaire, en partie par manque de mutualisation, pour permettre à la destination « Pyrénées Pleine Nature » d’attirer de nouvelles clientèles plus lointaines. Le concept créé par la Région Midi-Pyrénées sur sa communication « Grands sites » apparaît comme une initiative réussie de communication « destinations vitrine » par la mutualisation de moyens à l’échelle régionale, et ce malgré la difficulté de ce projet à permettre une véritable diffusion de richesse sur l’ensemble de son territoire à partir de ces quelques sites majeurs. Comme le soulignent les principaux opérateurs touristiques pyrénéens : « de Paris, Londres, Berlin, Bruxelles ou Montréal, les Pyrénées ont du mal à faire émerger leur spécificité et/ou attractivité face aux autres destinations montagne ». De plus, la promotion des activités et des prestataires se heurte à une série de difficulté qui tient principalement à son caractère atomisé : comment illustrer la multitude d’acteurs et de sites sur un territoire si celui-ci n’est pas vraiment organisé et si une stratégie commerciale globale n’a pas été définie ? Les outils cartographiques de géo-localisation permettent certes de placer des prestataires et des sites sur un SIG, mais sans les qualifier. La question se pose également de situer les prestataires d’encadrement ? Leur siège social ? La plupart d’entre eux travaillent sur différents sites plus ou moins éloignés de ce lieu administratif. C’est pour cette raison qu’il semble plus cohérent de travailler en amont sur la gamme de produit et les cibles clientèle comme présenté dans le paragraphe précédent. 5. Trois initiatives innovantes hors Pyrénées liées à la pleine nature. Dans le cadre de cette étude, il a semblé pertinent de « prendre de la hauteur » en mobilisant des réussites reconnues dans d’autres massifs. Les trois exemples 32 qui suivent montrent trois processus différents parvenant à transformer des idées audacieuses en projets performants en matière de création de richesse pour les territoires. - L’association « Grande Traversée des Alpes » travaille depuis plus de 40 ans à la promotion du tourisme d’itinérance entre Léman et Méditerranée. Cette association unique par son périmètre d’action dans le secteur de la randonnée et plus largement de sports nature compte 700 adhérents et partenaires publics et privés, emploie 12 ETP pour un budget de plus d’un million d’euros financé à 95% par des fonds publics (380 hébergements qualifiés GTA cotisent également). GTA a créé et développé 6 itinérances sur le principe suivant : création de l’itinéraire sur papier et sur le terrain / préconisation aux collectivités = mise en tourisme / adhésion des hébergements concernés en direct par GTA / promotion du produit en partenariat avec les CRT avec notamment la mise en place d’un site internet visité par plus de 100 000 internautes par été. Un comité de pilotage « informel » est mis en place pour gérer aux différentes échelles les diverses problématiques à gérer. GTA fait office alors d’animateur de réseau reconnu par tous les acteurs publics comme privés. Aujourd’hui, les 4 axes de développement de GTA sont les suivants : itinérance douce / clientèle jeune et proximité / scénarisation « storytelling » / digitalisation TIC alors que 2 projets occupent une partie de l’équipe salariée : la création d’un outil de mise en réseau des refuges via une centrale de réservation (audit commandé par le Comité de Massif) / la veille touristique que l’on peut retrouver sur le site internet de GTA. Le concept innovant « Rewild », jeu de piste nouvelle génération pour faire revenir les jeunes adultes à la montagne en axant sur le ludique et les TIC a débuté en 2012 et s’est concrétisé cette année dans 4 PNR et la ville de Grenoble. De plus, GTA fait partie de la Commission « Prospectives » de France Montagne et participe au projet « French ski’s » avec les Domaines skiables de France pour ne pas opposer systématiquement stations de ski et itinérance douce. L’année 2013 représente une période charnière, marquée par un effacement de l’Etat en matière d’aménagement et une montée en puissance des EPCI ainsi que des grandes collectivités, mais dans l’attente des nouvelles lois de décentralisation qui vont modifier les compétences et le poids de chacune d’entre elles. Le projet de GIP entre les 2 Régions n’associant pas l’Etat et devenant autorité de gestion des fonds FEDER accroit les incertitudes sur le pilotage de l’association par ces trois pilotes fondateurs. La nouvelle Convention de Massif 2014-2020 exige une stratégie par 33 grandes thématiques. D’ores et déjà, les grands itinéraires gérés par GTA sont inscrits dans le marbre. Le combat actuel de l’association est de faire reconnaître à la fois les grands enjeux défendus par GTA et leur mise en perspective financière. « L’ambition a un coût ! », notamment pour faire valoir le rôle d’animateur de réseau, élément fondamental de plus en plus difficile à faire financer. GTA n’est pas remis en question mais doit se battre pour montrer son intérêt, notamment compte tenu de la concurrence pouvant exister entre les différentes structures d’animation de développement dans les Alpes soutenus et présidés par différentes instances publiques. - L’itinérance cyclo « Vélodyssée » est un projet trans-Régions et transDépartements ayant émergé à la fin de l’année 2008. L’objectif était de créer un itinéraire vélo longeant la côte Atlantique de la Bretagne au Pays Basque sur le principe de ce qui fut réalisée quelques années plus tôt le long de la Loire. Compte tenu du nombre de partenaires institutionnels à mobiliser (10 départements et 3 régions), il a été décidé de confier à un coordonnateur l’animation du projet et c’est l’un des départements par le biais de son agence touristique « Loire Atlantique Tourisme » qui a été choisi. Chaque partenaire, départements comme région, financent le projet à hauteur de 15 000 euros par an (pour un budget global de 550 000 euros avec une participation de l’Etat). Le budget est découpé en 4 pôles : coordination / animation du projet / promotion / gestion Marque. Le projet aujourd’hui en partie réalisé (et mis en avant par un site internet dédié) est jugé fédérateur (3, 4 interlocuteurs par structures soit 6 à 8 par département ou région) : « on a une vrai famille Vélodyssée ! ». Néanmoins, des problématiques ralentissent l’avancée des travaux, notamment la sous-estimation de la mission « coordination » en matière budgétaire et du volume de travail à réaliser par chaque département : « un pilote tout seul ne fait rien sans ses équipes ». En 2013, un gros effort est consacré à la commercialisation de l’itinéraire par le travail en petits groupes appelés « cellules expert » sur des questions très précises : web-markenting, observation, mise en place d’un réseau « Accueil Vélo », cotisation partenaires publics et privés, connexion avec « La Loire à vélo » pour mutualiser compétence et expertise. - Les événementiels en sports de nature se sont multipliés ces dernières années. Le paysage événementiel est devenu tellement riche et complexe qu’il devient difficile de comprendre quel rôle précis il joue ou que l’on veut lui faire jouer. Les conclusions de l’analyse réalisée par le réseau de chercheurs « sportnature.org » des « Natural Games » de Millau, manifestation de 34 renommée internationale au budget de près de 600 000 euros, permet de dégager des pistes de réflexion sur le lien entre des formes de gouvernance locale, l’organisation territoriale des sports de nature et l’évolution de la pratique événementielle. En effet, l’étude révèle deux caractères innovant : la naissance en 2002 de premiers rassemblements d’escalade en sites naturels, à dominante loisir et la forme plus récente qui propose de rassembler 4 disciplines sportives autour d’autant d’événements juxtaposés. Divers éléments sont mis en avant pour expliquer l’essor de cette manifestation et sa capacité d’innovation au fil des ans : un tissu associatif local et dynamique ; la nécessité pour ces associations de nouer des liens avec les collectivités afin de mener à bien certains projets coûteux ; la volonté des collectivités de mobiliser les sports de nature comme outil du développement touristique du territoire ; l’entrée en scène de partenaires privés (dont Petzl a été le pionnier) soucieux de faire évoluer les événements à travers lesquels ils communiquent ; la volonté d’une association sportive non rattachée à la fédération délégataire de s’émanciper de cette tutelle obligatoire dans le cadre compétitif pur. J’ajouterai à cette analyse deux points cruciaux corrélés : des personnalités volontaires, compétentes et opportunistes en capacité de faire évoluer ce réseau d’acteur sur un territoire en recherche de différenciation. Ce réseau se construit lors d’accords portant sur le format, le financement et le pilotage de l’événement et est basé sur des objectifs distincts pour les différents acteurs : promotion des pratiques sportives, création d’équipements permanents, promotion touristique, animation locale ou encore marketing de marque. L’édition 2013 a joué à la fois la carte de l’amélioration qualitative de l’existant (concerts, animations gratuites et grand public, village d’exposants) et s’est volontairement revendiquée de l’accueil de compétition de niveau mondial dans les disciplines phares de l’événement, afin d’accroitre encore sa notoriété et mobiliser de nouvelles sources de financement compte tenu de la difficulté pour les manifestations de ce type de poursuivre leur essor dans un contexte où les subventions publiques allouées sont de plus en plus difficiles à récolter. Les exemples proposés durant ce second chapitre illustrent le foisonnement d’initiatives plus ou moins concertées issues de la sphère institutionnelle, privée, soit les associant autour de partenariats public / privé et la capacité de chaque territoire et/ou acteur à se mobiliser pour rechercher des réponses à son propre développement. L’absence de visibilité, sinon de coordination de tous ces projets, minimise leur efficacité à l’échelle pyrénéenne. Il semble naturel 35 de prévoir des outils de « veille »,de mise en réseau et de promotion mutualisée pour rendre ces initiatives performantes, les rendre plus structurantes et rendre attractive au-delà des bassins de clientèle traditionnels la destination « Pyrénées Pleine Nature ». Ils permettent également de déterminer les « exigences » de la réussite comme les freins ou limites en matière de structuration de la pleine nature à l’échelle pyrénéenne. Dans tous les exemples, il apparaît que la mobilisation et l’animation d’un réseau d’acteur forment le socle de l’initiative, voire de l’innovation en matière de nouvelle ou d’augmentation de la richesse produite par le territoire. Cette mobilisation devient pérenne dans le temps dans le cas où chaque partie prenante, publique, associative ou privée conçoit ses propres besoins et choix de développement compatible avec la stratégie décidée collectivement. La qualité de l’animation entretient ensuite l’équilibre fragile entre évolution dans le temps de ces besoins « individuelles » face aux exigences de la stratégie collective, elle-même en mutation au fil de l’évolution des priorités sociétales et des potentialités économiques en découlant. 36 CHAPITRE 3 ENJEUX, STRATEGIE ET PLAN D’ACTION 1. Les enjeux de la structuration Il est admis que la destination « Pyrénées » bénéficie d’une attraction naturelle dans sa dimension spatiale : une chaîne de montagne, une mer d’un côté et un océan de l’autre. Mais cet atout évident doit être complété par une mise en tourisme performante qui ne peut déclencher l’acte d’achat et un bon « retour client » que si l’ensemble des acteurs du tourisme ont travaillé ensemble cette destination dans le cadre d’une démarche concertée de l’échelle locale à l’échelle Massif, ce qui aujourd’hui ne va pas de soi. Compte tenu des éléments présentés dans les chapitres 1 et 2 de ce rapport, il semble cohérent d’affirmer que la structuration de la filière professionnelle « pleine nature » au sein du tourisme pyrénéen doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie volontariste prenant en compte les différentes échelons territoriaux dans une démarche de reconnaissance par la qualification de ce secteur d’activité à l’échelle pyrénéenne. L’enjeu est de taille : faciliter la mobilisation des acteurs autour d’un projet pyrénéen déclinable aux échelons infra-Massif dans lequel les intérêts de chacune des parties prenantes, dont les prestataires d’activité, viendraient conforter la stratégie collective globale basée sur le déploiement de la destination « Pyrénées Pleine Nature », pilier du tourisme pyrénéen. Comment passer de cette image atomisée aux contours flous de ce secteur à une organisation audacieuse, innovante et créatrice de richesse ? Les exemples présentés illustrent des méthodes et actions qui permettent une mise en œuvre douce de ce grand projet. Il s’agit avant tout de donner de la consistance à l’existant tout en mettant en avant les réussites dans un phénomène d’entrainement au sein de la filière et d’attraction pour de nouvelles 37 clientèles. En cela, les différentes initiatives de professionnalisation de la filière garantissent des résultats dans le cas où les efforts fournis individuellement par les prestataires en matière de formation et d’amélioration de leurs prestations sont « récompensés » par une meilleure visibilité et/ou commercialisation réalisée par les opérateurs touristiques territoriaux au-delà des gains moins perceptibles issus des actions de formation proposées au prestataires. Pour illustrer ce propos, voyons une déclinaison positive du concept de professionnalisation de l’échelle locale à l’échelle pyrénéenne : - Au niveau local ou valléen : Organisation par les OT et Com com de commissions ou rencontres entre « producteurs touristique élargis » (stations, prestataires, hébergeurs, producteurs locaux, artisanat, sites culturels) soit par thématique (aménagement des sites de pratique, cibles clientèle, sensibilisation démarche qualité, mise en produit, promotion…) soit pour la mise en place d’un événementiel (fête de la montagne, rallye touristique, compétition ou rencontre sportive…) - Au niveau « périmètre Parc » ou départemental : Mise en place opérationnelle des démarches qualité ou Marque Parc (maîtrise d’œuvre) des projets régionaux (maitrise d’ouvrage) / organisation des formations « gestion d’entreprise », commercialisation, promotion, e-tourisme en partenariat avec des organismes de formation et universités spécialisés dans ce domaine / Mise en place des CDESI lorsque celles-ci ne sont pas opérationnelles pour élargir la problématique aux autres usagers. - Au niveau régional, organisation logistique et technologique des démarches qualité « Qualité Tourisme » (maîtrise d’ouvrage) : Mise en place du processus de labellisation, harmonisation régionale, développement des outils informatiques, négociation avec Qualité Tourisme pour l’amélioration des grilles d’audit après avis des départements… - Au niveau Massif, promotion des démarches qualité dans le cadre d’une communication mettant en avant à la fois la diversité des destinations et l’unité recherchée en matière de qualité de l’offre issue de ces démarches. De même, l’articulation entre les différents échelons territoriaux en matière d’animation de réseau, de mise en tourisme et de promotion de la pleine nature doit être organisée pour exister. Cela passe bien-sûr en premier lieu par l’adhésion à une stratégie globale aujourd’hui inexistante. Mais cela passe aussi par la création ou l’utilisation d’outils méthodologiques 38 et/ou technologiques pour favoriser des projets d’harmonisation ou de mutualisation au sein des territoires : développer les outils techniques pour faciliter à la fois le travail en réseau, le lien avec les nouvelles technologies utilisées par les touristes et la capacité à promouvoir et commercialiser le territoire. Aujourd’hui, les regroupements professionnels existants peinent à participer à cette mise en réseau par leur éclatement en autant de profession et par manque de moyens humains, de compétence et/ou de budget alors que les territoires s’en préoccupent, à l’image de certaines intercommunalités (comme la station sport nature du Montcalm en Ariège), du Parc National, des Parcs Naturels Régionaux ou de certaines structures départementales (CDESI65, CDESI11 ou ADT09), régionales ou Massif de plus en plus. La représentativité des prestataires professionnels passe certainement par la création à l’échelle pyrénéenne d’une instance permettant de les regrouper autour de problématiques communes, associant les Fédérations délégataires et d’autres partenaires intéressés comme c’est le cas aujourd’hui au niveau national par le biais de la Coordination Montagne. La question de la reconnaissance de la filière et de sa performance passe également par la mise en place d’outils de mesure et de prospective partagés pour mieux connaître le poids et les impacts du secteur à l’échelle pyrénéenne développement à et pouvoir l’évolution de adapter la les demande préconisations et aux de ressources territoriales. Ces outils permettraient en outre de mieux mettre en tourisme les territoires dans une meilleure compréhension des enjeux liés à l’articulation entre offre gratuite et libre avec l’offre encadrée et/ou payante proposée par les prestataires d’activité ou les hébergeurs. En effet, à l’heure actuelle, peu de projets portés par des territoires imaginent au moment de créer une infrastructure ou de réaliser un événement la valeur ajoutée et la création de richesse issue d’une articulation réfléchie entre ces deux types d’offre. Pour exemple, on peut citer l’interrogation suivante : « est-il préférable de multiplier le nombre de kilomètres de sentiers balisés pour créer de la richesse sur un territoire ou de se concentrer sur le déploiement au sein de ce même territoire d’une articulation « gagnant-gagnant » entre offre gratuite et offre payante ? 39 En matière de mise en tourisme et de promotion de la destination « Pyrénées Pleine Nature », un travail partenarial entre acteurs de terrain, structures territoriales et stations de montagne, issu de la mise en réseau réalisée notamment dans le cadre des démarches de progrès et de professionnalisation, doit être engagé afin de déterminer ce qui donne du sens à la destination et susciter l’envie, la venue et l’achat par les touristes de produits tout compris d’appel représentatifs du territoire et se démarquant de l’offre proposée par d’autres destinations touristiques. Il s’agit de passer d’une gamme subie à une gamme choisie, performante et territoriale. Dans ce cadre, la valorisation des spots dits « d’attraction naturelle » (comme les gorges de l’Aude, le Cirque de Gavarnie, le Pont d’Espagne, le Pic du Midi d’Ossau ou encore le Canigou pour en citer quelques-uns) ainsi que des principales itinérances (GR10, HRP, Chemin de Saint Jacques, Sentier Cathare) semblent représenter un enjeu majeur à court terme pour communiquer sur les atouts des Pyrénées en matière de pleine nature sur le principe de la communication « Grands sites » de la Région Midi-Pyrénées et pouvoir en mesurer les impacts par des études ciblées, reproductibles et moins coûteuses de des mesures à l’échelle territoriale plus vaste. Concernant l’itinérance, voici un exemple d’articulation qui pourrait être envisagée : - Priorité sur le GR10 avec un travail commun entre une instance de type Coordination Montagne « Pyrénées » œuvrant sur le principe de la Grande Traversée des Alpes, et départements s’organisant sur le principe de fonctionnement de la Vélodyssée : Coordination Montagne regroupant syndicats professionnels et fédération délégataire (FFRP) = information des prestataires de terrain et propositions d’actions (labellisation des hébergements, de l’encadrement, le transport de bagage, le repérage des points noirs…) Collectivités territoriales = Mise en place d’un protocole de travail partenariale entre les 6 départements et les 3 Régions avec un pilote sur le projet financé par l’ensemble des institutions (méthode Vélodyssée) Avec les autres itinéraires et boucles déjà existants (Chemin des Bonshommes, Pass Aran, Senda de Camille, sentier cathare, chemin de Compostelle) = Etudes pour voir ce qui marche, ce qui pourrait booster la fréquentation, les outils à 40 mettre en place ou à améliorer = obtenir un document d’orientation permettant de dynamiser ces itinéraires, aider les autres territoires à créer des boucles sur un modèle éprouvé et permettre d’utiliser cette ingénierie pour le développement du GR10. De même, un travail spécifique doit être engagé entre les stations de montagne positionnées sur l’industrie du ski et les acteurs de la pleine nature. A l’image de ce que développe l’opérateur N’Py par le biais de son outil « place de marché », c’est toute la palette du territoire qui doit être mise en avant en matière de construction de l’offre par les stations pour améliorer leur image. Ce chantier passe à la fois par la reconnaissance par les stations des potentialités de développement que représentent les activités de pleine nature en matière de complémentarité de leur offre et une ouverture d’esprit de la part des prestataires de ces activités pour ne plus voir la station comme « le grand méchant loup ». La médiation entre ces opérateurs peut passer par une animation spécifique mise en place par le territoire (les intercommunalités principalement) et devrait faire émerger de nouveaux partenariats et projets bénéfiques encore rares dans les Pyrénées. Bien-sûr, l’organisation et la qualification des sites de concentration touristique (stations, spots d’activité) devra s’accompagner d’une réflexion complexe sur la mise en place d’outils et systèmes innovants permettant une meilleure fluidité vers la diffusion de cette économie vers des modes de pratiques plus douces répondant mieux aux enjeux de la préservation et de la gestion environnementale des territoires de montagne. Cela répond également à l’objectif d’accueil d’un tourisme « de masse » que l’on sensibilise à l’écotourisme tout en permettant aux niches éco-touristiques de se sentir bien dans des espaces préservés. L’événementiel ne devra pas être oublié dans sa capacité à dynamiser un territoire tout en le faisant connaître. Déterminer un calendrier « pyrénéen » montrant la richesse de la destination pourrait également représenter une première étape dans le cadre d’une stratégie à l’échelle du Massif. De fait, un plan marketing global semble incontournable pour réfléchir à 41 l’articulation et le financement de cette mise en tourisme et faire le lien attraction / qualification pour faire « briller » la destination Pyrénées (là encore en rendant complémentaire la promotion des différentes échelles territoriales déjà présentées). 2. Un plan d’action volontariste « Si c’est pour proposer une énième usine à gaz, est-ce vraiment utile ? » La réponse est non ! C’est pour cela que le plan d’action proposé se base sur trois principes fondamentaux : - Débattre et trouver des solutions collectivement - Conforter les initiatives créatrices de richesse et mobilisant des réseaux d’acteurs - Susciter l’innovation, que ce soit en matière de méthode de travail, d’outils technologiques ou de gouvernance territoriale. C’est pour répondre au premier principe qu’il semble aujourd’hui opportun de définir dans un premier temps à l’échelle du massif un « Comité de pilotage Pyrénées Pleine Nature » servant de garant et d’insufflateur à cette filière. Une formation-action de type ADEPFO pourrait aider à la constitution d’un socle commun des engagements généraux des différentes composantes de cette instance informelle et active. Ce travail pourrait être « sanctionné » par un séminaire de travail pyrénéen organisé pour permettre à tous les acteurs intéressés de s’exprimer en amont à partir du socle commun issu de la formation ADEPFO et de participer « en live » à l’amélioration de ce socle commun l’autre d’une ou des rencontres basée sur le partage, l’échange et le soucis d’efficacité. Le plan d’action qui clôture cette étude a pour objectif de préparer les bases à cette réflexion de fond sur le sujet en permettant aux acteurs institutionnels, notamment de niveau Massif, associatifs et privés de prendre conscience des mesures à favoriser pour participer concrètement à la structuration de la filière pleine nature dans les Pyrénées. 42 AXE 1 : DEVELOPPER UNE GOUVERNANCE TERRITORIALE « SPORT NATURE » INNOVANTE ET EFFICACE Mesure 1 : Inciter et soutenir les territoires et structures œuvrant à la professionnalisation et la mise en réseau de la filière - Action n°1 : Soutenir les réseaux structurés existants (syndicats professionnels « Massif », démarches qualité régionales, départementales ou valléennes, marques Parc ou dispositifs « Pays »…) par un appui financier à l’animation de projet. - Action n°2 : Défendre le déploiement à l’échelle du massif d’une instance fédérant les acteurs du tourisme de pleine nature (syndicats professionnels, fédérations, associations et entreprises œuvrant au développement de la pleine nature dans les Pyrénées…). - Action n°3 : participer à l’émergence de projets pilote associant Etat, territoires, acteurs de terrain, chambres consulaires et monde scientifique et pédagogique en matière de professionnalisation : formations-actions et définition d’un référentiel de compétence « opérateur touristique de pleine nature ». - Action n°4 : Promouvoir les « bonnes pratiques » et l’innovation de la filière par la mise en place d’un colloque annuel « Pleine Nature et développement dans les Pyrénées » regroupant acteurs et territoire autour de la pleine nature et de son ancrage territorial. Mesure 2 : Créer des outils « Massif » partagés permettant une meilleure connaissance de la filière et une meilleure diffusion des projets mis en œuvre - Action n°1 : Mettre en place des protocoles d’observation reproductibles à l’échelle du Massif permettant la compilation de données « Pleine Nature Pyrénées ». - Action n°2 : Inciter dans la durée l’observation économique, sociale et environnementale des réseaux structurés, des spots et itinérances organisées et des événements « pleine nature » des Pyrénées pour en faire des outils d’analyse et de prospective de la filière. - Action n°3 : Consolider les travaux d’étude sur la filière et développer un outil d’analyse prospective pour mieux anticiper les évolutions de la filière : innovation des pratiques et de la gouvernance, connaissance des clientèles, évolution des métiers, impact territorial offre gratuite / offre payante, diversification des stations, gestion des flux et des sites, diffusion des retombées économiques sur le territoire, comparaison avec les actions dans les autres massifs. - Action n°4 : Développer une plateforme technologique spécifique « Pleine Nature Pyrénées » servant de veille et de diffusion de données d’observation et des bonnes pratiques à l’échelle du Massif. 43 Mesure 3 : Inciter les collectivités et stations à donner plus de place aux réseaux d’acteurs structurés permettant une meilleure mise en tourisme du territoire - Action n°1 : Encourager les départements impliqués dans la mise en place des CDESI et PDESI, outils de mise en réseau et de gestion des conflits liés notamment à la pleine nature - Action n°2 : Conforter les territoires misant sur l’association des réseaux structurés aux décisions en matière d’aménagement et de mise en tourisme par une gouvernance innovante : consultation, participation des acteurs aux décisions… - Action n°3 : Stimuler les projets de diversification de l’offre des stations et espaces nordiques hiver et été pour faire de ces lieux de concentration touristique des moteurs du développement rattachés à leur territoire support 44 AXE 2 : POSITIONNER ET PROMOUVOIR LA VITRINE « PYRENEES PLEINE NATURE » POUR DYNAMISER LA DESTINATION PYRENEES Mesure 1 : Positionner l’offre « Pyrénées Pleine Nature » face aux marchés actuels et futurs - Action n°1 : Mettre en place un « plan marketing Pyrénées Pleine Nature » permettant de capitaliser l’existant tout en mettant en avant les éléments attractifs de différenciation face aux autres destinations montagne. - Action n°2 : Favoriser les projets existants ou émergents visant à valoriser la destination montagne auprès de clientèles spécifiques : jeunes, séniors, groupes Mesure 2 : Favoriser la diversification des activités autour de l’itinérance et des principaux sites de pratiques - Action n°1 : Aider les porteurs de projet publics ou privés à mieux scénariser et commercialiser leurs « itinérances organisées » pour les rendre plus attractives - Action n°2 : Participer à l’émergence du produit phare « Grandes Traversées des Pyrénées » articulé autour de la mise en tourisme du GR10 et des itinérances associées (cyclo, VTT, équestre) - Action n°3 : Encourager les projets de gestion durable et de promotion des « spots » majeurs des Pyrénées été et hiver en partenariat avec les territoires concernés - Action n°4 : Encourager la diversification des activités hiver / été des stations de ski pour promouvoir la montagne aux quatre saisons - Action n°5 : Soutenir les actions de diffusion des retombées économiques entre sites majeurs et spots secondaires Mesure 3 : Promouvoir la vitrine « Pyrénées Pleine Nature » - Action n°1 : Mettre en place un schéma spécifique de promotion de la vitrine « Pyrénées Pleine Nature » - Action n°2 : Créer un site internet portail « Pyrénées Pleine Nature » pour promouvoir la destination Pyrénées - Action n°2 : Mettre en place une programmation « Evénements Pyrénées Pleine Nature » pour montrer la richesse et la dynamique du secteur - Action n°3 : Soutenir les projets de communication à l’échelle du Massif de la destination « Pyrénées Pleine Nature » 45