I WENT TO THE MOON AND BROUGHT YOU BACK EARTH
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I WENT TO THE MOON AND BROUGHT YOU BACK EARTH
I WENT TO THE MOON AND BROUGHT YOU BACK EARTH SUZANNE DÉRY J’ai une photographie d’une collection de formes, mais je ne sais pas d’où elle provient. Je n’ai pas d’accès direct à cette image à l’exception d’une photo comme souvenir. Les formes sont amorphes et perdurent, sollicitant mon attention vers différentes directions. Environ de la taille de ce qui pourrait prendre place dans le creux de ma main, quelques formes sont rugueuses, poudreuses, friables, d’autres vitreuses, lisses, glissantes. Elles sont bleues, noires, gris-vert et rougeâtres. Si elles n’étaient pas des roches, alors, elles seraient au moins des roches. C’est réconfortant pour moi de ne pas savoir le nom exact de ces roches, leur histoire ou les nombreuses mains à travers lesquelles ces roches sont passées. Je ne suis pas séduite par le fait qu’elles existent visiblement et je n’essaye pas de les identifier avec une tranchante objectivité. Je me contente plutôt de les observer et de les renommer, négociant les mots pour les décrire entre le monde et moi. Même dire quelque chose à leur sujet est un peu comme les fixer. Je me retrouve dans le silence où je peux prendre l’image dans ma tête et l’amener ailleurs. C’est une photographie que j’ai réussi à garder, une de ces choses qui refait surface de temps à autre, marquant la page d’un livre ou trouvant sa place dans une pile de papier ou dans le désordre sur la tablette au-dessus du foyer. Comme le soleil qui disparaît derrière un épais nuage et qui, après un certain temps, finit toujours par réapparaître. Même si je ne sais pas où ou quand j’ai originalement pris la photographie, j’ai déjà raconté une histoire à l’enfant de ma sœur, qui l’avait remarquée, puisque celleci était placée sur une table dans le corridor de mon ancien appartement. Je pense que l’histoire était à propos d’une femme qui était recherchiste dans une grande institution. L’enfant pensait que ces roches devaient être d’une autre galaxie. Je ne pouvais pas être en désaccord avec lui, puisqu’elles semblaient vraiment venir d’une autre planète. Je tiens l’image et au même moment, j’abandonne la photographie. Ce ne sont pas simplement des roches, mais des formes qui ont une vraie histoire, mon histoire et leur histoire maintenant. Il y a longtemps, il y avait une femme qui était une experte dans son domaine. Elle était assise sur un banc dans le corridor sombre feuilletant des feuilles distraitement. Elle avait une image dans sa tête. Elle était en quelque sorte embossée là, ni une chose concrète, ni un concept vaporeux. C’était plutôt comme une intuition, un sixième sens et une substance invisible qu’elle voyait sans voir. La femme aimait cette image dans sa tête. Pas ‘aimer’ dans le sens d’une affection pour une possession à laquelle on tient, mais ‘aimer’ comme dans le fait qu’elle donnerait sa vie pour que cette image soit préservée. Elle laisserait le monde s’écrouler pour la garder en sécurité. Maintenant, ironiquement, si elle mourait, celle-ci disparaîtrait à jamais. C’était le genre d’image qui même si elle avait été reproduite des milliards de fois, cette image-ci ne serait jamais que pour elle. Le corridor où elle était assise faisait partie du local des archives qui faisait partie de l’unité de recherche. La fumée s’était dispersée, et le déblaiement ainsi que la reconstruction étaient en cours. Elle était venue pour évaluer les dommages, on lui avait accordé certains privilèges à condition qu’elle porte un casque et des souliers fermés. Elle devait être là. Maintenant avec l’inventaire, elle pouvait comprendre ce qui avait été perdu. C’était un moment difficile. Ce n’est jamais un moment agréable. Quelle tragédie ! Quelle erreur irréparable! En ce qui la concernait, il n’y avait qu’une seule tragédie, mais elle devait feindre d’être professionnelle par égard pour l’institution. L’image avait été perdue. C’était la seule trace de quelque chose d’autre qui avait été perdu plusieurs années auparavant. Maintenant elle la portait seule, puisqu’elle était certaine que personne d’autre n’était venu mettre autant de contenu dedans qu’elle-même. Elle s’était penchée sur chaque détail de sa surface, évaluant la lumière, les marques, la composition. Elle avait doucement appuyé l’image sur sa main et l’avait tenue juste au-dessous de son nez. Elle pouvait imaginer l’image. Elle se la représentait tombant dans l’oubli, dans les nébuleuses de matière tourbillonnant dans l’univers. Elle résolut de la garder en sécurité pour toujours. Elle en serait la gardienne et la conservatrice. Elle manifesterait son amour avec toute la tendresse qu’elle pourrait rassembler. Elle la tiendrait solidement et parfaitement jusqu’à ce qu’elles trépassent toutes les deux. Elles seraient ensemble à nouveau. Elles seraient unies à nouveau dans cet autre monde où tout ce qui est impossible devient possible. Aussi longtemps qu’elle continuerait de se remémorer. Texte par Scott Rogers et Sarah Rose