expediteur - IFP School Alumni
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expediteur - IFP School Alumni
Michel Pesneau (RAF 56) A ma sortie de l’Ecole, en 1956, je suis entré à la SPAEF (Société des pétroles d’Afrique Equatoriale Française), du groupe BRP, qui venait de trouver du pétrole au Gabon, chargé de l’évaluation technique et commerciale des bruts découverts. Parti au service militaire en 1958, je fus, à mon retour, fin 1960, affecté au GEP (Groupement des Exploitants Pétroliers : SNPA, RAP, SPAEF, PREPA) et détaché auprès de la SNPA pour participer aux études économiques et techniques préliminaires à la construction de la raffinerie de Dakar. Je suis parti à Dakar fin 1962 pour la mise en place de l’organisation de la raffinerie, puis, celle-ci démarrée, m’occuper des programmes et de la comptabilité matière. Rentré en France, fin 1967, j’ai occupé différentes fonctions au sein de la direction raffinage de l’UGP (Union Générale des pétroles) avant d’être muté, en 1972 à la direction des études économiques d’Elf France (ex UGP). En 1989, j’ai intégré l’Audit Groupe d’Elf Aquitaine où je suis resté jusqu’à ma retraite en 1994. IL Y A CINQUANTE ANS … LA MISE EN ROUTE DU PREMIER REFORMEUR IFP A LA RAFFINERIE DE DAKAR Il y a cinquante ans – le 27 janvier 1964 exactement - Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal, inaugurait la raffinerie de la SAR (Société Africaine de Raffinage), à M’Bao, à proximité de Dakar. La SAR avait été créée à l’initiative de Michel Tenaille, président de la SAP (Société Africaine des Pétroles), société du groupe BRP qui faisait des recherches de pétrole au Sénégal. Les actionnaires de la SAR étaient le gouvernement sénégalais (10%), le GEP (Groupement des Exploitants Pétroliers, constitué de sociétés publiques de recherche pétrolière : SNPA, RAP, SPAEF et PREPA, à hauteur de 30%), les 60 % restants étant répartis entre les grandes compagnies internationales (BP, Esso, Mobil, Shell, Texaco et Total) qui assuraient la distribution des produits pétroliers au Sénégal. Le GEP fut désigné comme opérateur de la raffinerie. Celle-ci avait pour mission de ravitailler le Sénégal, la Mauritanie et une partie du Mali. Sa capacité fut fixée à 600000 t/an. Le Président Senghor et Michel Tenaille Si la raffinerie de M’Bao peut se flatter d’avoir été la première mise en service dans l’Afrique de l’ouest sub-saharienne, elle peut aussi revendiquer d’avoir été la première à utiliser le procédé de reformage catalytique mis au point par l’IFP, avant Feyzin qui devait suivre le même chemin quelques mois plus tard. La maîtrise d’ouvrage avait été confiée à la SNPA. Si quatre engineerings (dont Technip, les trois autres étant américains) avaient été mis en compétition pour la construction des unités de raffinage, UOP n’avait guère de challenger en tant que bailleur de licence pour le réformeur, mais l’IFP fit valoir qu’il était en mesure de proposer une solution française face à l’hégémonie d’UOP. Nous eûmes la visite, à la SNPA, de trois ingénieurs de l’IFP venus défendre leur projet : un Américain (transfuge d’UOP), un Belge et un Israélien ! Le choix était délicat car un échec aurait été catastrophique pour l’image du groupe français. Finalement il fut décidé de prendre le risque mais de le limiter en s’appuyant sur l’expérience d’un engineering américain (Technip n’avait que trois ans d’existence). Cela n’empêchait pas de prendre un minimum de précautions : c’est ainsi que j’ai accompagné le futur directeur de la raffinerie pour rencontrer André Giraud (RAF 49), alors directeur général adjoint de l’IFP et futur Ministre de l’Industrie, et lui expliquer que nous adoptions le procédé IFP mais que nous demandions qu’une charge de catalyseur éprouvé soit mise en réserve pour l’éventualité d’une défaillance du catalyseur IFP (ce fut un catalyseur Sinclair). La précaution se révéla inutile, le catalyseur IFP ayant fait mieux que les garanties tant en ce qui concerne ses performances qu’en ce qui concerne sa durée de vie. L’engineering retenu pour la construction des unités fut la Ralph M. Parsons Cy. La SNPA était en charge des off-sites : stockages, sea-line pour la réception du brut, pipe-lines pour l’évacuation des produits finis vers les dépôts pétroliers du port de Dakar. Si le choix du catalyseur fut un pari risqué et assumé, celui du mode de lancement du sea-line en fut un autre : traditionnellement on construit le sea-line perpendiculairement au rivage en le tirant vers le large tout en soudant à terre des tronçons supplémentaires au fur et à mesure que l’on s’éloigne du bord. Là, profitant d’une longue et belle plage devant la raffinerie, on adopta la solution proposée par un Américain : construire le sea-line sur la plage, parallèlement au rivage puis, une fois l’assemblage terminé, tirer à l’aide de remorqueurs l’extrémité à relier au poste d’amarrage des navires en faisant pivoter l’ouvrage autour de son ancrage à terre. L’opération était spectaculaire mais se déroula sans encombre et le premier pétrolier débarqua sa cargaison d’Hassi Messaoud le 31 octobre 1963. Les opérations de démarrage commencèrent le 8 décembre. Elles s’accompagnèrent des difficultés et des incidents inhérents à ce genre d’exercice si bien que le 27 janvier 1964, quand le Président Senghor vint inaugurer la raffinerie, elle était arrêtée ! Il fallait sauver la face, pour l’opérateur comme pour le Président ; les générateurs et quelques pompes furent mis en route avant la visite de la raffinerie ; de plus, quelqu’un eut l’idée de mette une bouteille de butane au pied de la torche et d’allumer celle-ci, symbole éclatant d’une raffinerie en fonctionnement. Bien sûr, dès la visite terminée, on s’empressa d’éteindre la torche et d’arrêter les pompes ! La nouvelle raffinerie devint l’un des fleurons de l’industrie sénégalaise que l’on ne manquait pas de faire visiter aux hôtes de marque. Je vis passer, entre 1964 et 1967, les présidents Ahidjo du Cameroun, Grunitzky du Togo, Tubman du Liberia et, last but non least, l’empereur d’Ethiopie, Haïlé Sélassié. Très vite, l’une des préoccupations de l’opérateur avait été de former le personnel sénégalais nécessaire au fonctionnement de la raffinerie. Dès le début de 1962, deux anciens ingénieurs de la SAP (qui avait cessé ses activités après des recherches infructueuses), Ousmane Fall (FOR 59) et Amadou M’Backé (FOR 58) furent envoyés à Lacq pour se reconvertir du métier de foreur à celui d’exploitant d’usine. Quelques contremaîtres potentiels les rejoignirent (l’un d’eux, de retour au Sénégal, n’eut rien de plus pressé que de se faire embaucher par … la Radiodiffusion sénégalaise !). Mais il ne pouvait être question de faire venir en France tous les opérateurs qu’il fallait former. La SNPA fit construire un pilote semiindustriel qui fut expédié à Dakar et la formation put se faire sur place sous la houlette d’un contremaître et de deux chefs-opérateurs détachés de la SNPA. La raffinerie démarrée, le pilote fut envoyé à Abidjan pour la formation des opérateurs de la SIR (Société Ivoirienne de Raffinage) puis à Port-Gentil pour celle des opérateurs de la SOGARA (Société Gabonaise de Raffinage). Abdou Siby (au centte) - Ousmane Fall (Xème congrès de l'AFTP Cannes 1985) Au démarrage, sur un effectif de 200 personnes, la raffinerie comptait 70 agents français (dont les chefs-opérateurs) pour la plupart issus de la SNPA. M’Backé prenait les fonctions de chef du laboratoire, Fall devenait adjoint au chef de l’exploitation. Aux effectifs de la raffinerie s’ajoutèrent des ingénieurs de l’IFP, pendant plusieurs mois pour certains, venus superviser la mise en route du réformeur. Trois ans plus tard, quand j’ai quitté la raffinerie, 40 techniciens français avaient été remplacés par des Sénégalais. Je suis rentré en France fin 1967, riche d’une expérience humaine acquise au contact d’une culture et de mentalités souvent différentes des nôtres et d’une expérience professionnelle née en particulier de la nécessité, du fait de l’éloignement de l’assistance technique, de se débrouiller seuls et parfois d’improviser face aux imprévus, sans compter la responsabilité qui pesait sur nous. Je me souviens en particulier, d’un redémarrage, après un arrêt pour entretien, dont dépendait le ravitaillement en kérosène des avions qui emmenaient les pèlerins à La Mecque (près de 95% des Sénégalais sont musulmans) ; une défaillance de la raffinerie eût été dramatique. La contrepartie en était une autonomie à laquelle il n’était pas toujours facile de renoncer quand il fallait rentrer dans le rang. Je fus remplacé aux programmes pat Ousmane Fall qui cédait l’exploitation à Abdou Siby (RAF 65), recruté à sa sortie de l’Ecole et arrivé à la raffinerie après un séjour à Feyzin. Quelques années plus tard, Fall devenait directeur de la raffinerie puis, en 1975, succédait à Michel Tenaille comme président-directeur général de la SAR, devenant le premier président sénégalais de la SAR. Sa carrière fut interrompue en 1987 par un tragique accident (sa voiture fut heurtée de plein fouet par un camion de gendarmerie) qui lui coûta la vie. En 1991, son nom fut donné à une école construite par la SAR dans le cadre de ses œuvres sociales. C’est Abdou Siby qui le remplaça, conservant le poste jusqu’à sa retraite, abandonnant toutefois celui de directeur général quand la loi imposa la séparation des deux fonctions. Je suis retourné à M’Bao en 1991, envoyé par le groupe ELF pour un audit dans le cadre de l’assistance technique. Bien entendu, tout le personnel était sénégalais, hormis un conseiller technique maintenu, je pense, plus par respect du contrat d’assistance que par nécessité. J’eus cependant une surprise : il est habituel, lors des grands arrêts quinquennaux, de demander le renfort, notamment en inspecteurs métal, des raffineries amies. Bien sûr, cela avait été le cas à Dakar mais un inspecteur que j’avais connu à ses débuts, 25 ans plus tôt, m’apprit qu’à son tour il était intervenu en France lors de l’arrêt d’une raffinerie d’ELF. Preuve, si l’en était besoin, de la compétence reconnue du personnel de la SAR. Aujourd’hui la SAR, dont le capital est détenu par Petrosen (société d’état sénégalaise) (46%), Saudi Binladen Group (34%) et Total (20%), semble confrontée à des difficultés économiques et financières auxquelles sa taille (bien que sa capacité ait été doublée et ses équipements modernisés) et son absence d’outils de conversion ne sont sans doute pas étrangères. Mais comme il est dit sur son site internet « née au 20ème siècle son histoire se poursuit au 21ème siècle » et peut-être des projets ambitieux destinés à assurer sa compétitivité verront-ils le jour. La raffinerie de M'Bao