Les vacances d`été : étalement ou concentration? - Epsilon
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Les vacances d`été : étalement ou concentration? - Epsilon
Monsieur Pierre Leroux Les vacances d'été : étalement ou concentration? In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 67-68. Citer ce document / Cite this document : Leroux Pierre. Les vacances d'été : étalement ou concentration?. In: Economie et statistique, N°1, Mai 1969. pp. 67-68. doi : 10.3406/estat.1969.2179 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1969_num_1_1_2179 SUS TROIS COLONNES étalement Les vacances ou d'été concentration : ? # Fin janvier, le Gouvernement décidait l'abandon du décalage des dates de congé scolaire d'été entre zone A et zone B. Cette mesure est à rapprocher de la concentration des dates de départ, constatée depuis plusieurs années. Une enquête a montré qu'en 1964 1 81 % des départs en vacances avaient eu lieu entre le 1er juin et le 30 sep tembre, et que, dans 80 % des cas, les départs hors saison d'été avaient été le fait de personnes également parties au cours de l'été. C'est à la répartition dans le temps des départs d'été que nous nous intéressons ici, répartition dont l'I.N.S.E.E. peut suivre l'évolution ces dernières années, grâce à la série d'enquêtes réalisées depuis 1961. On constate que les séjours de vacances sont concentrés aux mois de juillet et d'août et qu'une grande partie des départs se fait en quelques jours seulement. De plus, l'évolution observée depuis 1961, lente et régul ière, reflète une concentration crois sante. parts du 1er juillet et du 1er août (c'est-à-dire ceux effectués entre le 28 juin et le 3 juillet ou entre le 28 juil let et le 3 août) représentaient à eux seuls 42 %. Une évolution lente, régulière et défavorable - Les chiffres correspondants en 1961 étaient de 39 % pour les départs en début et fin ^IeT mois et de 33 % pour les départs du 1er juillet et du 1er août. Cette comparaison est d'autant plus significative que : • 1961 et 1967 sont des années à calendrier identique; • les enquêtes intermédiaires (1964, 1965, 1966) donnent les chiffres inter médiaires, par exemple 45 % et 38 % pour 1965. On a donc le sentiment 50 % des départs ont lieu d'une évolution continue seulement en début ou fin de mois affectée, en temps normal, par les différences de calendrier. On doit remarquer une autre évolu Si on compte pour 1 le nombre des tion qui n'est pas entièrement indé départs un jour ordinaire de juin, le pendante de la précédente : le décalage nombre quotidien de départs est alors de l'ensemble des séjours vers le débui égal à 12 autour du 1er juillet et à 16 de l'été. Les départs d'été effectués autour du 1er août. Il est de 4:les avant le 3 août représentaient 70 % jours ordinaires de juillet et de 5 les du total en 1967 contre 60 % en 1961. jours ordinaires de la première quin Tout se passe comme si une partie des zaine d'août, pour ne plus être que départs du courant d'août (du 4 au de 2 après le 15 août. 27 août) s'était reportée dans la masse Les départs effectués en début ou des départs du 1er juillet au 1er août. fin de mois (c'est-à-dire soit entre le Notons que l'évolution ainsi mise 1er et le 3 juin, soit entre le 28 juin en évidence n'a été que très faibl et le 3 juillet, soit entre le 28 juillet ement contrariée en 1968. Il apparait et le 3 août, soit entre le 28 août et donc dès maintenant qu'elle ne pourra le 3 septembre) représentaient, en que très difficilement être remise en 1967, 50 % des départs d'été. Les cause en raison de sa grande inertie. La concentration croissante des départs depuis 1961 est sans doute à rapprocher de l'extension de la qua trième semaine de congés payés. Les établissements qui ferment durant tout un mois ferment en effet soit durant le mois de juillet soit durant le mois d'août. Lors d'une enquête2 auprès des actifs de 14 ans et plus, habitant des agglomérations urbaines et ayant droit à des congés payés (soit à peu près 50 % de la population active totale) on avait cherché à déterminer dans quelle mesure ces actifs pouvaient choisir leurs dates de vacances : 54 % seulement de ces actifs devaient prendre leurs congés payés à des dates imposées, pour la plupart sans doute en juillet et août. Mais il est évident que le système actuel de fe rmeture n'affecte pas seulement les départs en vacances des seuls salariés de ces établissements, mais aussi les départs de leurs familles, en raison notamment du caractère familial mar qué des vacances d'été. De plus, d'autres professions (commerçants et professions libérales notamment) sont amenées à partir aux mêmes dates. Des habitudes homogènes II est à cet égard tout à fait remar quable que les habitudes des diff érentes catégories de la population soient très proches les unes des autres. Une analyse faite pour 1967 montre par exemple que la proportion des départs qui ont lieu entre le 16 juillet et le 15 août va seulement de 44 % pour les « professions libérales et cadres supérieurs » et 47 % pour les employés à 51 % pour les « patrons de l'industrie et du commerce » et 53 % pour les ouvriers. Par ses conséquences directes et indirectes, le système actuel de ferme tureest donc un facteur essentiel de concentration et toute recherche d'un 1. Études et conjoncture n° 6, juin 1965 et n° 5, mai 1966. 2. C. Gogueî, Études et conjoncture, sup plément n° 7, 1967. 5. 67 meilleur étalement passe par un pro fond réaménagement des dates, des durées et des modalités de fermeture des établissements scolaires, univers itaires, industriels et commerciaux. Mais il faut ici souligner qu'à la concentration croissante des dates de départ correspond une concentration croissante des séjours de vacances dans l'espace. On peut alors se demand er si cette double concentration des séjours de vacances, dans l'espace et dans le temps, ne résulte pas aussi de facteurs sociologiques plus profonds, liés notamment à l'image des vacances dans la société française d'aujourd'hui. La location à la semaine Un autre facteur de concentration avait été distingué : le système actuel de location durant les vacances. Les locations s'effectuent souvent pour une durée d'un mois, du 1er à la fin du mois. Cette contrainte, pour réelle qu'elle soit, ne joue cependant que pour un séjour sur six. En 1967 en effet, 7 % seulement des séjours effectués en France l'avaient été dans une maison louée. Il semble donc, en l'état actuel des choses, qu'un aménagement du régime de location n'aurait qu'une incidence limitée sur les dates de départ. Tout au plus, la mise en place d'un système de location à la semaine inciterait un certain nombre de mé nages à passer leurs vacances dans une maison louée pour une durée de trois semaines (une location d'un mois étant actuellement trop onéreuse pour eux). Néanmoins en raison de l'actuelle saturation de l'offre de location et du désir des loueurs d'assurer la conti nuité des locations, on peut même douter que ce but soit atteint. La géné ralisation de la location à la semaine substituerait une location de 4 semaines à une location d'un mois sans grand effet sur le rythme des départs. L'expérience de décalage des congés scolaires En 1965, les dates des vacances sco laires ont été modifiées dans la moitié sud-ouest de la France (zone B), où les vacances devaient commencer le 10 juillet au lieu du 30 juin. On peut aujourd'hui tenter d'appréc ier les résultats de cette expérience poursuivie jusqu'en 1967 et abandon née début 1968. Le décalage institué en zone B semble avoir eu pour seul 68 TABLEAU 1 Dates de départs en vacances d'été depuis 1961 Dates de départ en vacances Été 1961 Été 1964 Été 1965 Été 1966 Été 1967 Eté 1968 Ensemble des séjours d'été 1-3 juin 4-27 juin 28 juin - 3 juillet 4 juillet - 27 juillet 28 juillet - 3 août 4-U août 12-27 août 28 août - 3 septembre Après le 4 septembre 1,1 3,8 11,2 22,6 21,7 15,4 15,1 5,3 3,8 1,3 4,0 10,9 26,0 22,0 12,4 14,7 4,9 3,8 1,6 4,2 13,4 23,4 25,0 10,0 13,5 5,3 3,6 1,9 4,7 13,5 21,6 26,3 10,3 12,6 5,7 3,4 2,2 4,0 16,0 22,1 25,7 9,8 11,4 6,0 2,8 1,3 3,6 16,1 22,1 25,8 12,0 11,3 5,0 2,8 Total. 100,0 Dont t départs en début ou fin de mois 39,3 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 39,1 45,3 47,4 50,0 48 2 TABLEAU 2 L'expérience de décalage des vacances scolaires : évolution des dates de départ Date de départ Quinzaine Mois Juin ire 2e Août. ...... 1™ 2« Septembre. . Juillet Total. Zone A 1964 1967 Zone B Région parisienne France entière 1964 1967 1964 1967 1964 1967 2,3 3,9 24,9 16,4 34,0 11,8 5,9 0,8 4,7 4,8 16,4 13,0 37,9 13,5 8,3 1,4 3,5 4,3 30,8 16,1 31,5 7,2 6,0 0,6 3,9 2,0 29,3 8,7 38,3 7,4 10,7 0,7 3,1 4,7 22,4 12,1 39,4 11,6 5,9 0,8 5,5 4,5 27,2 14,0 36,8 4,7 6,4 0,9' 3,2 4,4 21,9 14,1 36,8 12,2 6,5 0,9 4,3 3,7 29,1 13,1 35,1 6,4 7,6 0,7 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 effet dans le court terme de reporter sur la première quinzaine de juillet une part non négligeable des départs de la deuxième quinzaine de juin, et de maintenir constante la part des séjours débutant au cours de la pre mière quinzaine d'août (part qui dimi nue en zone A et dans la région pari sienne). A ces seules différences près, de faible importance d'ailleurs, les évolutions constatées dans chacune des régions sont rigoureusement iden tiques. Ce parallélisme conduit à une concentration croissante des départs sur les premières quinzaines de juillet et d'août. Les rythmes de départ, nette ment différents en 1964 d'une région à l'autre, sont aujourd'hui compar ables. De plus, une politique d'étalement ne peut guère se limiter à assurer une meilleure répartition des départs entre les mois de juillet et août : on ne peut qu'être frappé par la faible proportion des départs effectués en juin, alors que ce mois connaît des conditions climatiques pour le moins comparables à celles de juillet. Il ne faut certes pas sous-estimer les difficultés rencontrées lors de la défi nition et de la mise en œuvre d'une politique efficace d'étalement. Mais il convient de remarquer que Vabsence a"1 une telle politique ne correspond pas à un statu quo, mais à une concen tration croissante. Pierre LE ROUX