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REPÈRES ET TENDANCES
URBANISME
Le gratte-ciel
est-il condamné ?
THIERRY PAQUOT*
1 Voir
L
Mario
Gandelsonas,
X-Urbanism.
Architecture and
the American City,
New York, 1999,
Princeton
Architectural
Press.
2 Voir Joël
Garreau, Edge
City : Life on the
New Frontier,
1991, New York,
Anchor Books,
Doubleday,
et le dossier
« Villes privées »,
Urbanisme,
n° 312, mai-juin
2001.
Sociétal
N° 35
1er trimestre
L’effondrement des Twin Towers, le 11 septembre
2001 à New York, marque une date importante,
non seulement pour la géopolitique mondiale,
mais aussi pour la conception des villes. Le gratteciel appartient à un imaginaire et correspond
à une étape de la compétition économique.
Dès sa naissance, il a été critiqué, notamment
au nom de la sécurité. Une brève histoire de
l’urbanisme de tours peut éclairer utilement
la réflexion sur l’avenir des « villes globales » à
haute densité.
epuis plus d’un demi-siècle
la silhouette de la ville
américaine, celle de la modernité,
est élancée, conquérante et
ascensionnelle. Pour n’importe
quel touriste de n’importe quel
pays, la ville américaine est
caractérisée d’une part par un
bosquet de buildings planté en son
cœur – le downtown –, et d’autre
part par une banlieue étendue à
l’infini, comme une nappe dépliée –
D
la suburb. Cette image courante
ne correspond qu’en partie à
l’urbanisation du Nouveau Monde.
Il existe plusieurs typo-morphologies des villes nord-américaines,
certaines héritées de l’Europe,
d’autres de formes particulières
de peuplement, du tracé du chemin
de fer ou de l’industrialisation1.
Ainsi,le couple downtown-suburb,qui
correspondrait à une bipolarisation
sociale et ethnique, pauvres-riches
2002
* Philosophe, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris (université de Paris-XII-Val-de-Marne),
éditeur de la revue Urbanisme.
38
ou Noirs-Blancs, se révèle inexact
et trompeur : quelques centres
s’embourgeoisent, et des agglomérations urbaines imprévues
surgissent, comme l’edge-city et les
gated communities par exemple2.
LE TEMPS DU GRATTECIEL CONQUÉRANT
e gratte-ciel n’est pas le descendant lointain des ziggourats
ou autre tour de Babel, il est
l’expression du progrès technique
généré par l’industrialisation de la
société. En effet, deux conditions
sont indispensables à son édification :
la structure métallique porteuse et
l’ascenseur. Si le fer intervient dans
la construction depuis longtemps,
sous forme d’agrafes ou de barre
de soutien, il faut attendre le pont
de Calbrookdale (Angleterre, 17751779), entièrement en fonte, pour
qu’on admette qu’il s’agit là d’un
matériau à part entière. Benyon et
Bage réalisent en 1796 une manufacture, à Dithrington, où les poutrelles sont en fonte et non pas en
bois. En 1833, à Chicago, George
W. Snow expérimente le premier
squelette entièrement en acier,
qui a l’avantage de pouvoir se développer en hauteur et de se passer
des pierres, lourdes et contrai-
L
LE GRATTE-CIEL EST-IL CONDAMNÉ ?
gnantes. La mode de la façade en
fonte s’impose aux Etats-Unis
comme en Angleterre, et progressivement les préjugés anti-acier se
dissipent, d’autant que l’ascenseur
se perfectionne. Henry Waterman
invente en 1850 le monte-charge,
et Elisha Graves Otis l’équipe
d’un système de sûreté en 1854.
D’abord à vapeur, puis hydraulique,
l’ascenseur devient électrique et
ne cessera d’accroître sa vitesse.
Les grands magasins (la Belle
Jardinière à Paris), les hôtels de luxe
(l’Hôtel du Louvre), les pavillons
des Expositions universelles (le
Crystal Palace en 1851, la Tour
Eiffel en 1889), puis les hôtels
particuliers et quelques immeubles
résidentiels se dotent de ce signe
incontestable de modernité.
etc.), l’efficacité des réseaux
(eaux propre et sale, électricité,
traitement des déchets…) et la sécurité (résistance au vent, maîtrise
du feu, etc.). Après des buildings
surdimensionnés par rapport au
style académique, l’immeuble de
grande hauteur devient moins
pataud, il s’élance avec élégance
et finesse vers le ciel, se pare
d’ornements discrets (Sullivan), se
fait pyramide (immeuble à gradins),
transforme son toit-terrasse en
lieu de réception ou se coiffe d’un
chapeau pointu. Le gratte-ciel n’est
plus un bâtiment qui aurait grandi
trop vite, il a dorénavant des vêtements à sa taille. C’est la ville qui
paraît démodée...
DE LA TOUR AU
QUARTIER DE TOURS
Les historiens s’accordent pour
considérer l’Equitable Life Assubjet solitaire, le gratte-ciel
rance Company Building, conçu
n’est pourtant pas indifférent
par Gilman, Kendall et Post, à New
au regroupement, mais celui-ci ne
York en 1868-1870, comme le
semble jamais prémédité :il résulte
premier immeuble de grande
d’opérations immobilières succeshauteur (40 mètres) possédant
sives. Avec le Rockfeller Center
un ascenseur et une
apparaît un urbanisme
ossature métallique Le gratte-ciel
de tours, qui assemble,
(dissimulée derrière
sur une superficie de
48 500 mètres carrés,
des pierres de taille et naissant n’a pas
quinze bâtiments, une
un toit Renaissance). que des partisans :
place, une patinoire,
On trouve ensuite dès les années 20,
des commerces, des
un immeuble de seize
bars et restaurants,
étages à Minneapolis, certains dénoncent
des galeries d’art,
dessiné par Leroy S. un urbanisme à
des jardins suspendus,
Buffington, le Home l’architecture
une dalle et des voies
Life Insurance Company
de circulation intéréalisé par William Le brutale, d’autres
rieure. C’est Raymon
Baron Jenney à Chicago s’inquiètent des
Hood, le lauréat du
en 1884-1885, le Rand dangers inhérents
concours pour le
McNailly Building de
siège social du Chicago
Burnham et Root à à ces hautes
Tribune en 1922, qui
Chicago en 1889, qui bâtisses.
est le concepteur de
adopte pour la première
ce premier « quartier »
fois une armature exde gratte-ciel, édifié entre 1932
clusivement en acier, etc. D’année
et 1940, et plus d’une fois copié...
en année, les gratte-ciel rivalisent
mais jamais égalé ! Chicago, Dallas,
entre eux, aussi bien pour détenir
Houston,Atlanta, Pittsburgh,Toronto,
le record mondial de hauteur que
Vancouver et bien d’autres grandes
pour améliorer les fondations
villes du continent américain vont
(hydrauliques ou avec des pilotis
s’offrir un bouquet de skyscrapers,
en béton armé pressurisé), les
sans réussir à produire ni une
qualités de l’acier (profilage de
ambiance aussi particulière ni un
l’acier laminé, rivets et soudure,
O
tel paysage urbain qui, bien que
monumental, n’écrase jamais le
piéton. Il en va de même sur
d’autres continents – que l’on
songe à Sao Paulo, Buenos Aires ou
Rio de Janeiro pour l’Amérique latine, ou à Hong Kong, Kuala
Lumpur, Shanghai, Tokyo pour
l’Asie. L’Europe a succombé, elle
aussi, à la magie du gratte-ciel, et
à son image de modernité, en
construisant ici et là des centres
d’affaires comme la Défense.
Ces tours et groupes de tours
ont hanté l’imagination des architectes dès le début du XXe siècle.
En 1921, Ludwig Mies van der
Rohe projetait un gratte-ciel tout
en acier et verre, qui préfigurait
certainement les tours du Lake
Shore Apartments qu’il construisit
à Chicago en 19523;et Le Corbusier,
avec son « Plan Voisin » (1925),
imaginait de raser une partie de la
capitale française pour ériger dixhuit tours devant loger 500 000
citadins...Mais le gratte-ciel naissant
n’a pas que des partisans enthousiastes : dès les années 20, certains
dénoncent un américanisme à l’architecture brutale et inesthétique4
et d’autres s’inquiètent des dangers
inhérents à ces hautes bâtisses – le
feu bien sûr, mais aussi… la guerre
aérienne5.
Malgré son incroyable activité
constructive et sa grande inventivité, Chicago n’est pas la capitale
du gratte-ciel, ce titre revenant à
New York et plus particulièrement
au sud de Manhattan. Chacun
connaît l’image ou le nom des
principaux gratte-ciel de la ville, à
cause du cinéma et de la télévision :
le Flat Iron (de D.H.Burnham,1902),
le Chrysler Building (William VanAlen, 1928-1930), l’Empire State
Building (Shreve, Lamb & Harmon,
1929-1931), le CBS Building (Saarinen, 1965), le Citicorp Center
(Stubbins, 1977-78), l’American
Telephone and Telegraph Company
Building (Johnson,1984),sans oublier,
bien évidemment, le World Trade
Center (1966-1973), avec ses deux
3 Voir William
H.Jordy,
« Mies van der Rohe
et le gratte-ciel »,
Dialogue, vol. 6,
n°2, 1975.
4 Robert Rey,
« L’architecture
des ‘buildings’
à New York »,
Beaux-Arts, n°3, 1928,
et Colonel Icre,
« Du rôle du
gratte-ciel dans
la vie moderne »,
Urbanisme, n°17-18,
1933.
5 Jean Royer,
« L’habitation
en hauteur et
le danger aérien »,
Urbanisme, n°16, 1933.
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REPÈRES ET TENDANCES
célèbres tours jumelles, conçu par
Yamasaki (voir l’encadré) et Roth.
LE CHOC DU WORLD
TRADE CENTER
vant le 11 septembre, le
World Trade Center, sur un
terrain de 7 hectares, contient les
bureaux de 500 entreprises employant 50 000 salariés et reçoit
environ 10 000 visiteurs chaque
jour. Le sous-sol comporte, sur
sept niveaux, 37 000 mètres carrés
de commerces, des parkings et des
correspondances avec le réseau de
transport collectif (Path). Les Twin
Towers (414 m et 412 m de hauteur) ont 110 étages, de 3 800
mètres carrés de bureaux chacun.
Elles jouxtent deux autres bâtiments de neuf étages, ainsi que
l’Hôtel Marriott (22 étages), l’US
Costum house (8 étages), le bâtiment 7 (47étages) et une place.
A
C’est cet ensemble qui a été
ébranlé et en partie détruit par un
attentat terroriste qu’on croyait
ne pouvoir se produire que dans
un roman d’anticipation. Chacun
connaît le scénario :les Boeings,en
explosant, provoquent l’incendie
des étages proches, l’effondrement des étages supérieurs, et la
chaleur dégagée est telle que l’armature métallique, en cage, va cé-
der étage après étage ; en un peu
plus d’une heure, chaque tour
s’écroulera sur elle-même, entraînant la mort de nombreux occupants. Le quartier ressentira le
choc comme une onde sismique,
certains bâtiments voisins seront
fissurés et d’autres partiellement
détruits (les Bâtiments 4 et 6 et le
One Liberty Plaza) ou grandement
endommagés (East River Savings
Bank, Federal Building, 90 West
Street, Bankers Trust, NY Telephone Building, Bâtiments 1, 2 et 3
du World Financial Center, le Millenium Hotel et l’église grecque
Saint-Nicolas). L’attentat « inimaginable » produit un spectacle non
moins inconcevable : des ruines au
cœur de Big Apple, comme pour
rappeler que les villes, comme les
civilisations, sont mortelles ; des
ruines où s’entremêlent corps calcinés, ferrailles tordues et pans de
béton, attaquées par l’eau qui remonte à la surface et nécessite des
travaux de remblayage et de pompage ; des ruines volées par des
trafiquants en métaux et retrouvées dans des casses contrôlées
par la mafia new-yorkaise, celle-là
même qui soutient les bonnes
œuvres des pompiers (Nobody is
perfect…). Mais la hantise du passé
ne dispense pas de répondre à la
question : que faire maintenant là,
sur cette blessure ?
URBANISME
Une partie au moins de la réponse
appartient à Larry Silverstein, 70
ans : il venait d’acheter à l’autorité
du port de New York et du New
Jersey, le 26 avril 2001, la plupart
des bâtiments du World Trade
Center (les deux tours, les bâtiments 4 et 5 et 37 000 mètres carrés de commerces) pour 3,2 milliards de dollars, sur la base d’un
bail emphytéotique de 99 ans.
Même si, d’après une indiscrétion
du Wall Street Journal, le bail comportait une clause assurantielle
contre les actes de terrorisme,
Larry Silverstein doit reconstruire
quelque chose, pour plusieurs raisons : pour témoigner que la vie
doit reprendre son cours, pour signifier aux terroristes qu’ils ont
perdu, malgré l’horreur dont ils
sont responsables – ou, de façon
plus cynique ou plus pragmatique
selon les points de vue, pour rentabiliser son investissement, cette
portion de ville étant une des plus
chères du monde.
Dès le 17 septembre, une commission pour la reconstruction du
World Trade Center est créée par
la municipalité de New York. Depuis, elle examine les propositions
qui affluent. Les uns préconisent la
reconstruction des Twin Towers, à
l’identique. Les autres combinent
des tours moins hautes – on parle
L’architecte des Twin Towers
inoru Yamasaki (1912-1986), né et formé aux
Etats-Unis, fut un temps collaborateur de
Raymond Loewy. Admirateur des conceptions
corbuséennes, il les met en pratique en édifiant un
grand ensemble fonctionnel de logements sociaux
(Pruitt-Igoe) à Saint-Louis en 1952. Dans son livre
Le Langage de l’architecture post-moderne (traduction
française, Denoël, 1985), Charles Jencks écrit :
« L’architecture moderne est morte à Saint Louis,
Missouri, le 15 juillet 1972 à 15 heures 32 (ou à peu
près), quand l’ensemble tant décrié de Pruitt-Igoe,
ou plus exactement certains de ses blocs, reçurent
le coup de grâce final à la dynamite. Auparavant,
M
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l’ensemble avait eu à subir les déprédations, les
mutilations et les actes de vandalisme continuellement
perpétrés par ses occupants noirs et, malgré les
millions de dollars dépensés à tenter de le remettre
sur pied (réparation des ascenseurs, remplacement
des vitres brisées, réfection des peintures), on décida
finalement d’abréger ses souffrances. Boum, boum,
boum ». Cet ensemble, primé par l’American Institute
of Architects, comprenait plusieurs barres de quatorze étages, avec des rues « suspendues », des
espaces verts (!) et des équipements collectifs. Il
péchait sans doute par un excès de rationalité qui
le rendait difficilement habitable.
LE GRATTE-CIEL EST-IL CONDAMNÉ ?
de quatre petits gratte-ciel de
mie progresse. La ville diffuse
50 à 55 étages – et un mémorial.
offre des conditions de vie plus
Larry Silverstein, quant à lui, assure
paisibles, au contact d’une nature
que « les nouvelles tours seront fimoins artificielle que les territoires
nancées par des capitaux privés »,
urbains compacts, ceinturés d’autoqu’elles seront louées « à des prix
routes et de centres commerciaux.
attractifs »,et qu’elles devraient être
L’amélioration des conditions de
achevées « dans cinq à
mobilité (voitures
six ans »6. En attendant,
moins coûteuses
il œuvre pour accélérer Les territoires
d’usage, proximité
le processus d’indemni- très actifs en
d’un aéroport, réseau
sation et maintient la
d’autoroutes, etc.)
« net-économie »
pression auprès des
permet d’imaginer
autorités portuaires et et fertiles en
un développement
de la municipalité nou- innovations
de cette edge city,
vellement élue. Une
étendue et sans
technologiques
association,The Memorial
centre précis,comme
Process Team, animée ressemblent
nouvelle figure de
par l’architecte Michael davantage à
l’établissement huManfredi, veut élaborer
main, renouant avec
des suburbs où
un projet alternatif, avec
le vieux rêve de
des habitants, des urba- voisinent, dans un
Frank Lloyd Wright
nistes et des investisseurs. espace verdoyant,
et sa Broadacre City.
Des artistes imaginent de
bureaux, centres
conserver un « morceau
Pourtant, la « ville
déchiqueté de la façade »7 de recherche,
globale » à forte
d’une des tours, ou universités...
densité, telle que
encore de rendre cellesl a décrit Saskia
ci de nouveau présentes
Sassen8, a aussi de
par des jeux de lumière. Quoi qu’il
beaux jours devant elle, même si
en soit, le Ground Zero ne peut
elle doit dorénavant intégrer le
échapper à son destin de lieu de
terrorisme parmi les risques à
mémoire, il est d’ores et déjà un
prendre en considération. Jamais
but de pèlerinage pour les citadins
le téléphone, le fax, l’e-mail ne
qui viennent s’y recueillir en souremplaceront le face-à-face, la
venir d’un parent ou d’un ami.
« VILLE GLOBALE »
OU VILLE DIFFUSE ?
ais la question est plus générale : a-t-on encore besoin
de ces centres urbains très denses,
qui se révèlent vulnérables aux
attaques terroristes ? Les territoires
particulièrement actifs en « netéconomie » et en innovations
technologiques liées à l’information et aux télécommunications
ressemblent davantage à des
suburbs, comme la Silicon Valley
où voisinent, dans un vaste espace
verdoyant, bureaux, laboratoires,
centres de recherches, universités,
etc. Los Angeles n’a pas de véritable
centre hérissé de gratte-ciel comme
New York, et pourtant son écono-
M
relation personnalisée, le contact
physique, la présence de l’autre.
La ville globale réunit en elle les
ingrédients indispensables à la
croissance économique : les premiers établissements financiers
mondiaux, des laboratoires de
recherche de haut niveau, des
cabinets d’avocats renommés,
des centrales d’information performantes, des entreprises de
communication inventives, des
sièges sociaux de multinationales,
des compagnies d’assurances, des
hôtels pour congrès, des pôles
de distractions, et surtout une
population « globalisée » qui navigue
avec aisance dans ces sphères
de pouvoirs – ainsi qu’une autre
population peu qualifiée, souvent
immigrée, qui accepte n’importe
quel emploi à n’importe quel
tarif. La ville globale naît de cette
combinaison très particulière
d’éléments disparates – ce qui
explique qu’ils n’en existe guère
plus d’une dizaine au monde.
Comment imaginer l’avenir ? Il
est probable qu’à côté de cette
poignée de villes globales dominatrices se développe un pullulement
de « bassins technologiques » mis
en réseau.●
La tour pathogène ?
es féministes américaines ont,
dès l'entre-deux-guerres, attaqué le gratte-ciel, pas seulement
parce qu’elles y voyaient un symbole
phallique,mais surtout en raison des
troubles physiologiques provoqués
par les conditions de vie dans les
tours : claustrophobie démultipliée
dans les cages d'ascenseur, vertige
interdisant d’ouvrir les fenêtres
pour prendre l'air, confinement
d’un univers fermé où règne l'air
conditionné, ce dernier entretenant toute une pathologie (maux de
gorge, extinctions de voix, sinusites,
céphalées, problèmes circulatoires,
etc.). Le psychanalyste allemand
L
Alexander Mitscherlich, dans son
ouvrage traduit en français sous le
titre « Psychanalyse et urbanisme »
(Gallimard, 1970) rappelle diverses
enquêtes établissant une relation
de cause à effet entre le « malêtre » des habitants, la hauteur
des constructions et leur degré de
transparence. En revanche, Le
Corbusier était persuadé que seul
un habitat en hauteur pouvait
donner à chacun une vue dégagée
vers l'horizon, ainsi qu'un bon
ensoleillement. En attendant, la
majorité des Français préfèrent
une maison de plain-pied, entourée
d'un jardin…
6 Propos rapportés
par Eric Leser,
« La reconstruction
du World Trade
Center pourrait
commencer dès l’an
prochain », Le
Monde,
29 novembre 2001.
7 Rosemary
Wakeman,
« Quel avenir pour
Ground Zero ? »,
Urbanisme, n°321,
novembredécembre 2001.
8 Saskia Sassen,
La ville globale. New
York, Londres, Tokyo,
traduction française,
Descartes & Cie,
1996.
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