Désir Fiorini "Ocean Rivers"

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Désir Fiorini "Ocean Rivers"
Désir Fiorini
Piano et voix, un grand classique. 1804. Schubert, pas précoce au point d’avoir déjà composé un premier lied, a
sept ans. Beethoven, en révolutionnaire qu’il est vraiment, débaptise sa troisième symphonie. « Eroïca »,
envisagée comme une ode à un Napoléon Bonaparte qui ne s’était pas encore autoproclamé empereur, se mue
en oraison funèbre pré mortem, « dédiée à la mémoire d’un grand homme ». 1804. D’autres révolutionnaires
rejettent les troupes napoléoniennes à la mer. La première république noire est née, c’est Haïti.
Avec Désir Fiorini, c’est un peu comme si la boucle était bouclée. Entre une forme, celle du lied, des histoires,
des rythmes, des pulsions, des intelligences. Une soif toujours inextinguible de liberté et de mains tendues. La
voix et le piano. Le Noir et le Blanc. Tout un symbole.
Renette Désir est une chanteuse haïtienne, qui vit sur les hauteurs de Port-au-Prince. Fabian Fiorini est un
pianiste belge constructeur de structures folles. Ils travaillent avec les oreilles de leur directeur artistique,
Michael Wolteche.
Jouant avec les styles et les références, ce trio réinvente le duo voix-piano. Tendant sous la musique le fil des
racines profondes des Haïtiens, il évoque la manière dont ce peuple courageux, réussissant contre toute attente
à se libérer du joug des colonisateurs, a inspiré des artistes du Nord et du Sud des Amériques. Passant par ce
chemin aux odeurs de blues et de free jazz, il arrive jusqu’à aujourd’hui.
"Ocean Rivers"
«Par milliers des caravelles traversent l’Atlantique, d’est en ouest. Dans leurs cales sans lumière s’entassent
hommes et femmes. Marchandises, dépouillés de tout, sauf de mémoires qui creusent dans l’océan le long sillon
d’un fleuve imaginaire. Au terme de la traversée, plutôt que de s’éteindre, tous ces déracinés ont déposé en de
nouvelles terres le limon du fleuve-océan. Ils soufflent l’âme africaine sur les vastes étendues du continent
américain. Ils mélangent, ils fertilisent. Et les eaux du Congo, du Niger, de la Casamance, remontent le Mississippi,
la Magdalena, l’Artibonite. Si leurs maîtres leur font jour après jour subir les pires humiliations et les pires
violences, ils n’arrivent jamais à soumettre leur vitalité. Au contraire les hommes et les femmes-marchandise
rient à tue-tête, et chantent une Afrikginin rêvée qui recueillera ses enfants. Mais sur une petite île, certains
sauront conquérir leur liberté. C’est Ayiti, seule république d’anciens esclaves. De toutes les Amériques, des
millions d’yeux noirs se tournent vers elle, pleins d’espoir. Et chaque dimanche, sur Congo square à la NouvelleOrléans, monte de la danse et de la fête la rumeur d’une libération prochaine. Un siècle plus tard, lors des luttes
civiques dans les années 1950 et 1960, Charles Mingus compose un Haïtian fight song qui répète l’hommage aux
grands frères haïtiens.»