Texte_Deschamps_Radiologie interventionnelle
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Radiologie interventionnelle - traitements locaux en cancérologie F. Deschamps. TECHNIQUES DE DESTRUCTION TUMORALE PERCUTANEE Bien que l’existence de métastases indique une dissémination systémique du cancer primitif, une prise en charge loco-régionale peut se justifier chez certains patients oligometastatiques ou lentement évolutif. Dans ces indications, les techniques de destructions tumorales percutanées sont des thérapeutiques de choix compte-tenu de leur faible taux de morbi-mortalité et leur répétabilité dans le temps et dans l’espace. La radiofréquence : La radiofréquence est actuellement la technique de destruction thermique la plus utilisée. Le courant de radiofréquence (RF) est un courant sinusoïdal de 400 à 500 KHz. Les régions traversées par ce courant subissent une agitation ionique, qui induit par friction entre les particules un échauffement tissulaire. Le but recherché est d’exposer les cellules tumorales à une température supérieure à 60°C qui provoque de façon quasi immédiate une dénaturation cellulaire irréversible. Les volumes de destructions possible avec une seule insertion aiguille sont limités aux alentours de 40mm si bien que la technique est très efficace pour les tumeurs de moins de 3 cm et qu’au-delà l’efficacité diminue très rapidement. Les premières utilisations ciblaient les tumeurs hépatiques primitives et secondaires. Aujourd’hui, la technique est largement utilisée dans d’autres organes (poumon, rein, os…). La localisation idéale est à distance de la capsule hépatique ou de la plèvre, à distance des hiles. Le contact avec un gros vaisseau a été rapporté comme facteur prédictif d’échec du traitement par radiofréquence pour le traitement des métastases hépatiques et pulmonaires. Ceci est dû au refroidissement par convection qui s’exerce proche des vaisseaux. Dans les meilleurs indications (tumeur <25mm, à distance des vaisseaux), la comparaison de la radiofréquence et de la métastasectomie hépatique montre un taux d’échec respectif de 6 % et 7,3% pour les tumeurs de 25 mm ou moins1. La radiofréquence d’une métastase hépatique unique de moins de 4 cm, permet une survie à 1,3, et 5 ans sont de 97%, 84% et 40%2. Le taux de stérilisation des tumeurs pulmonaires traitées par radiofréquence dépend évidemment aussi de la taille des tumeurs traitées, mais globalement la plupart des publications actuelles s’accordent pour retrouver un taux de succès de 80 % à 90 % pour les métastases de moins de 2 cm3. Ces résultats sont du même ordre que ceux obtenus pour les tumeurs rénales (90% contrôle local à 5ans pour tumeur <4cm)4 et les métastases osseuses (85% contrôle locale à 1 ans pour métastases < 2cm)5. Le moyen de guidage varie en fonction des organes et de la visibilité de la tumeur cible. Pour le poumon et l’os, le traitement sera toujours percutané et guidé par le scanner. Pour le foie et le rein, la RF peut être utilisée en percutané ou en per-opératoire (laparotomie ou laparoscopie) sous guidage échographique. Le scanner est réservé habituellement aux cas non accessibles à l’échographie. Autres techniques de destruction tumorale percutanée : Les techniques de destruction thermique se sont diversifiées, notamment pour essayer de pallier les limitations des traitements par radiofréquence qui sont une diminution nette du taux d’ablation complète lors du traitement des tumeurs de plus de 3 cm et des tumeurs situées au contact de vaisseaux de plus de 3 mm. On assiste au développement relativement rapide de l’ablation par micro-ondes et par cryothérapie. La destruction tumorale par micro-ondes est une technique d’ablation thermique utilisant une fréquence entre 915 MHz et 2 450 MHz (400KHz pour la radiofréquence). Les micro-ondes ne nécessitent pas de plaque de dispersion et ont un temps de traitement relativement court et induisent des températures de 160 à 180 °C au contact de l’aiguille (≤ 100°C pour la radiofréquence). Les micro-ondes sont moins sensibles à la convection thermique des gros vaisseaux. L’activation simultanée de plusieurs antennes de micro-ondes produit des volumes de destruction tissulaire bien supérieure à l’activation séquentielle de ces antennes. La cryothérapie est une technique ablative qui permet de congeler les lésions pour laisser place à une nécrose coagulative. Le principe de fonctionnement de ces aiguilles est basé sur l’effet Joule-Thompson : une décompression rapide de gaz argon à l’extrémité d’une cryode fermée permet d’atteindre une température de –180ºC en quelques secondes. Tout comme les micro-ondes, l’utilisation de la synergie entre plusieurs aiguilles permet d’obtenir des tailles de destruction plus importante qu’en radiofréquence. De plus la cryothérapie est une technique moins douloureuse que la radiofréquence et les micro-ondes et peut donc être réalisé sous simple sédation voir sous anesthésie locale. Elle présente également l’avantage d’une bonne visibilité de la zone de « glace » pendant la procédure. L’électroporation est une technique encore plus récente. C’est une technique de destruction non thermique, qui s’affranchit des difficultés à détruire les tissus au contact de gros vaisseaux. L’électroporation ouvre les pores des membranes cellulaires par application d’un champ électrique de forte intensité qui interagit avec la couche phospholipidique membranaire. Elle utilise des aiguilles positionnées sous guidage de l’imagerie. CIMENTOPLASTIE/ OSTEOSYNTHESE PERCUTANEE L’apparition de métastases osseuses survient chez environ 20% des patients atteints de cancer. Ces métastases peuvent être responsables de douleur et/ou de fracture pathologique. De plus l’ostéoporose (primaire) ou secondaire (stéroïdes, radiothérapie, destruction thermique, …) peut entrainer des fractures chez les patients cancéreux. La cimentoplastie et l’ostéosynthèse percutanée font actuellement partie de l’arsenal thérapeutique à la disposition des oncologues au même titre que la radiothérapie, les opioïdes et les biphosphonates. Ces techniques de radiologie interventionnelles peuvent être réalisées 1) à visé antalgique pour des fractures pathologiques ou osteoporotiques douloureuses et/ou 2) à visée de consolidation préventive des métastases osteolytiques du rachis et du bassin à risque de fracture. À la différence des techniques ablatives, elles ne doivent pas être considérées comme un traitement carcinologique. Cimentoplastie: La cimentoplastie consiste en une injection, guidée par l’imagerie, de polymethyle methacrylate (ciment). Les métastases vertébrales (vertébroplasties) ou cotyloïdiennes (cotyloïdoplasties) sont les indications les plus fréquentes mais une cimentoplastie peut selon le cas, être réalisée dans toutes les localisations métastatiques osseuses. Son action antalgique est à présent bien établie et justifie son recours soit en première intention soit en cas d’échec ou de contreindications de la radiothérapie et/ou de mauvaise tolérance des traitements opioïdes. Son action de consolidation, même si elle paraît très probable, n’a pas été démontrée et reste souvent insuffisante dans les structures soumises à de fortes contraintes mécaniques tels que les os longs. Le bénéfice antalgique de la cimentoplastie des métastases osseuses est bien établi dans la littérature médicale entrainant une diminution des douleurs dans 80 à 97% des cas6-9. Ce bénéfice est obtenu quel que soit le site osseux traité : vertèbres, os longs, os plats. Alvarez et al.6 ont montré qu’un traitement par cimentoplastie d’une vertèbre métastatique douloureuse entrainait une diminution significative des douleurs chez 81% des patients traités (EVA /10 moyenne passant de 9.1 à 3.2) et la possibilité de marcher à nouveau chez 77% des patients initialement alités à cause de la douleur. La cimentoplastie des os longs et des os plats est également très efficace sur les douleurs osseuses métastatiques entrainant une amélioration significative des douleurs chez 91% des patients (EVA /10 moyenne passant de 8.7 à 1.9)7. Cet effet antalgique est obtenu rapidement, généralement entre le 1er et le 3e jour après l’intervention, autorisant une mobilisation post opératoire précoce des patients et une hospitalisation courte (24-48 heures). Les mécanismes physiologiques de cet effet antalgique sont encore hypothétiques : effet de stabilisation des micro-fractures par le ciment et/ou effet de destruction des fibres sensitives nociceptives au contact du ciment par la réaction exothermique engendrée lors de la polymérisation du ciment. Seules les métastases lytiques ou mixtes sont techniquement accessibles à cette technique. Le caractère purement ostéocondensant empêche la diffusion correcte du ciment limitant le volume injectable et augmentant le risque de fuites. La lyse corticale, notamment la lyse du mur postérieure d’une vertèbre, est une contre-indication relative faisant peser le bénéfice de ce geste par rapport au risque de fuite accru. Par contre l’existence d’un envahissement des parties molles périphériques n’est pas du ressort de la cimentoplastie mais des techniques d’ablations thermiques ou de la radiothérapie. La place de la cimentoplastie par rapport à la radiothérapie antalgique reste à définir. La cimentoplastie présente de nombreux avantages : son efficacité, sa rapidité d’action, son action de consolidation, la possibilité de traiter des zones déjà irradiées. Par ailleurs, de plus en plus d’oncologues font appel aux techniques percutanées, et à la cimentoplastie en particulier, en première intention pour la prise en charge des métastases osseuses. Ceci leur permet d’une part de garder la radiothérapie en « réserve» pour les contreindications des traitements locaux et d’autre part de préserver la moelle d’une irradiation qui pourrait contre-indiquer la réalisation de chimiothérapie future par insuffisance médullaire. Ostéosynthèse percutanée: L’ostéosynthèse est une technique initialement développée par les chirurgiens orthopédiques pour stabiliser des fractures non déplacées. Elle consiste en une stabilisation du foyer de fracture par une vis métallique. Cette technique est réalisable de façon percutanée depuis quelques années, évitant les dommages musculaires et cutanées des incisions chirurgicales conventionnelles. En effet, cette technique, guidée par l’imagerie, permet de stabiliser les fractures ostéoporotiques et pathologiques au travers d’une incision de quelques millimètres. L’action antalgique est très rapide. En assiociation avec la cimentoplastie, l’osteosynthèse percutanée peut également permettre une consolidation de métastases lytique à risques fracturaires, situées sur l’extrémité supérieure du femur10 et au niveau de l’aile iliaque. En effet ces 2 localisations sont soumises à des contraintes mécaniques trop imporantes pour être suffisament consiolidées par la cimentoplastie seule. Références (1) Elias D, Baton O, Sideris L, et al. Local recurrences after intraoperative radiofrequency ablation of liver metastases: a comparative study with anatomic and wedge resections. Ann Surg Oncol 2004;11:500-505). (2) Gillams AR, Lees WR. Five-year survival following radiofrequency ablation of small, solitary, hepatic colorectal metastases. J Vasc Interv Radiol 2008;19:712-717. (3) de Baere T, Palussiere J, Auperin A, et al. Mid-term local efficacy and survival after radiofrequency ablation oflung tumors with a minimum follow-up of 1 year : Prospective evaluation. Radiology 2006;240:587-596. (4) Olweny EO, Park SK, Tan YK, Best SL, Trimmer C, Cadeddu JA. Radiofrequency ablation versus partial nephrectomy in patients with solitary clinical T1a renal carcinoma : comparable oncologic outcomes at a minimum of 5 years of follow-up. Eur Urol. 2012 Jun;61(6):1156-61. (5) (Deschamps F, Farouil G, Ternes N, Gaudin A, Hakime A, Tselikas L, Teriitehau C, Baudin E, Auperin A, de Baere T. Thermal ablation techniques: a curative treatment of bone metastases in selected patients? Eur Radiol. 2014 Aug;24(8):1971-80.). (6) Alvarez L, Pe´rez-Higueras A, Quin˜ones D, Calvo E, Rossi RE. Vertebroplasty in the treatment of vertebral tumors: postprocedural outcome and quality of life. Eur Spine J 2003; 12:356–360 (7) Anselmetti. Osteoplasty : percutaneous bone cément injection beyond the spine. Semin Intervent Radiol. 2010 Jun ;27(2) :199-208. (8) Botton E, Edeline J, Rolland Y, Vauleon E, Le Roux Catherine, Mesbah H et al. Cementoplasty for painful bone metastases : a serie of 42 cases. Med Oncol 2011 ; Apr17. (9) Basile A, Giuliano G, Scuderi V, Motta S, Crisafi R, Coppolino F, et al. Cementoplasty in the management of painful extraspinal bone metastases: our experience. Radiol Med. 2008 Oct;113(7):1018-1028. (10) Deschamps F, Farouil G, Hakime A, Teriitehau C, Barah A, de Baere T. Percutaneous stabilization of impending pathological fracture of the proximal femur. Cardiovasc Intervent Radiol. 2012 Dec;35(6):1428-32. doi: 10.1007/s00270-011-0330-8. Epub 2011 Dec 28. Points à retenir : 1. Les techniques de destruction tumorale (radiofréquence, micro-ondes, cryothérapie, électroporation) : o sont des alternatives mini-invasives à la chirurgie pour le traitement curatif des tumeurs primitives ou secondaires de petites tailles (foie, poumon, rein, os). o sont une option thérapeutique supplémentaire dans la prise en charge des patients oligometastatiques ou lentement évolutif. o peuvent être utilisés sans effets secondaires cumulatifs ce qui permet de traiter plusieurs lésions en même temps et de répéter le traitement dans le même organe en fonction de l’apparition de nouvelles lésions ultérieurement. 2. La cimentoplastie et l’ostéosynthèse percutanée : o sont des traitements palliatifs réalisés à visée antalgique pour des fractures (pathologique ou ostéoporotique) et/ou à visée de consolidation pour des métastases osseuses lytiques à risque fracturaire. o ne sont pas des traitements anti-tumoraux et doivent être associé à des technique de destruction tumorales percutanées ou à de la radiotherapie si un effet carcinologique est recherché.